Images de page
PDF
ePub

CASS.-CIV. 26 mai 1913.

FAILLITE, LIQUIDATION JUDICIAIRE, VENTE DE MEUBLES, PRIVILÈGE, REVENDICATION, PRIX NON PAYÉ, ACHeteur, Revente, Lettres DE CHANGE, BANQUIER, ENdossement, PROVISION, PROPRIÉTÉ, CONTESTATION, LIQUIDÉ JUDICIAIRE, LIQUIDATEUR, RAPPORT A JUSTICE, ATTRIBUTION DU PRIX (Rép., vo Faillite, n. 3399 et s.; Pand. Rép., vo Revendication, n. 408 et s.).

L'art. 550, C. comm., aux termes duquel le privilège et le droit de revendication, établis par le n. 4 de l'art. 2102, C. civ., ne peuvent être exercés par le vendeur d'effets mobiliers contre la faillite, édicte une règle générale et absolue (1) (Č. civ., 2102, n. 4; C. comm., 550).

Et, si l'art. 575, $ 2, C. comm., réserve au propriétaire le droit de revendiquer, à défaut de ses marchandises, le prix qui les

(1 à 4) D'après le droit commun, le privilège conféré par l'art. 2102-4°, C. civ., au vendeur d'effets mobiliers, lui donne le droit de se faire payer sur le prix en provenant, lorsqu'il peut les saisir en la possession de son débiteur ou en arrêter le prix entre les mains de tiers. V. Cass. 19 févr. 1894 (S. et P. 1895.1.457, et la note de M. Wahl; Pand. pér., 1894.1.448). Mais, aux termes de l'art. 550, dernier alin., C. comm., le privilège et le droit de revendication, établis par le n. 4 de l'art. 2102, C. civ., au profit du vendeur d'effets mobiliers, ne peuvent être exercés contre la faillite. De nombreuses applications ont été faites de cette règle par la jurisprudence. V. not., Lyon, 15 juill. 1874 (S. 1875.2.235. — P. 1875.957); Cass. Belgique, 25 janv. 1877 (S. 1878. 2.23. - P. 1878.194); Cass. 24 déc. 1889 (S. 1891.1. 455. P. 1891.1.1111); 14 mars 1906 (S. et P. 1907.1.85), les notes et renvois.

[ocr errors]

Dans l'espèce, la Cour de Poitiers avait écarté l'application de cette disposition, parce que la solution du litige n'intéressait pas directement la masse. L'acheteur, en effet, avant même d'être en possession des marchandises, les avait revendues à un sous-acquéreur, et le prix de la revente avait servi à constituer la provision de lettres de change qui avaient été endossées à un banquier. Le sous-acquéreur se déclarait prêt à payer à qui de droit. Le conflit n'existait donc réellement qu'entre le vendeur originaire et le porteur des effets de commerce. Et ce qui semblait donner une certaine consistance à l'argumentation de l'arrêt attaqué, c'est la réserve dans laquelle s'étaient tenus le liquidé judiciaire et le liquidateur, qui s'en étaient rapportés à justice.

C'est très justement, à notre avis, que la chambre civile a cassé l'arrêt qui lui était déféré. Tout d'abord, s'en rapporter à justice, ce n'est pas renoncer à son droit, encore moins acquiescer à la demande (V. Cass. 12 juill. 1852, motifs, S. 1852.1.661. P. 1852.2.548; 9 nov. 1892, S. et P. 1895.1.899, et les renvois; Pand. pér., 1893. 1.132; Nancy, 8 févr. 1896, S. et P. 1896.2.195; Cass. 17 juin 1897, S. et P. 1898.1.180, et les renvois; Pand. pér., 1897.1.352; Rennes, 22 mai 1902, S. et P. 1904.2.167); c'est contester, c'est s'approprier en quelque sorte, pour combattre la demande, les conclusions prises par le défendeur, lorsqu'il en existe un dans l'instance. V. Cass. 24 oct. 1904 (S. et P. 1905.1.283), et la note. L'action du vendeur originaire pour se faire attribuer le prix de la revente s'exerçait si bien à ANNÉE 1913. 7-8 cah.

représente, cette disposition exceptionnelle | doit être limitée au cas prévu par le § 1or dudit article, où il s'agit de marchandises consignées au failli à titre de dépôt, ou pour être vendues pour le compte du propriétaire, et alors que le prix ou partie du prix desdites marchandises n'a été ni payé, ni réglé en valeurs, ni compensé en compte courant entre le failli et l'acheteur (2) (C. comm., 575).

Spécialement, au cas de non-paiement de marchandises, dont l'acheteur, avant sa mise en liquidation judiciaire, a opéré la revente à un tiers, le vendeur originaire ne saurait être admis à exercer son privilège sur le prix de cette revente, alors que ce prix a servi à constituer la provision de lettres de change tirées par ledit acheteur sur le sous-acquéreur, et par lui transmises à un banquier en vertu d'un endos régulier; en pareil cas, il ne s'agit pas, en effet, du prix de marchandises consignées au failli

l'encontre de la liquidation judiciaire qu'elle avait été introduite postérieurement à la cessation des paiements du débiteur; elle portait donc sur une créance qui appartenait incontestablement à la masse. V. Cass. 24 déc. 1889, précité; Montpellier, 18 févr. 1904, sous Cass. 14 mars 1906, précité; Cass. 14 mars 1906 (sol. implic.), précité. Il n'en eût été autrement, en telle sorte que l'état de liquidation judiciaire n'aurait en rien influé sur la contesta. tion, que si la demande avait été formée avant cet événement, et alors que le débiteur était encore in bonis. V. Cass. 24 déc. 1889, précité; Paris, 23 mai 1901 (S. et P. 1905.2.121), les notes et renvois. Adde, Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 3o éd., t. 8, n. 835; Ruben de Couder, Dict. de dr. comm., industr. et marit., Suppl., vo Faillite, n. 434. Il importait donc peu que le liquidé judiciaire et le liquidateur s'en fussent rapportés à justice. S'ils n'avaient pas tenu un rôle plus actif dans le procès, c'est évidemment que les droits du bénéficiaire des effets de commerce, propriétaire de la provision, ne pouvaient être sérieusement contestés, et que, dès lors, la solution du débat ne présentait qu'un médiocre intérêt pour la masse. Mais il n'en est pas moins vrai que le vendeur originaire et le banquier auquel les lettres de change avaient été endossées luttaient pour l'attribution, chacun à son profit exclusif, d'un prix de vente dépendant du patrimoine du liquidé, et qu'il s'agissait de savoir lequel des deux devait supporter les conséquences de l'insolvabilité du débiteur. L'art. 550, C. comm., ne peut avoir qu'un sens, c'est que l'état de faillite ou de liquidation judiciaire met un obstacle absolu à tout exercice, de la part du vendeur d'effets mobiliers non payé, de son privilège sur un bien de la faillite ou de la liquidation. Il serait, en effet, contradictoire d'admettre que le vendeur, qui ne peut opposer son privilège à la masse, puisse l'opposer à un créancier qui prime cette masse. Ce serait méconnaître la pensée à laquelle a obéi le législateur en supprimant le privilège du vendeur en cas de faillite, et qui a été de favoriser le crédit commercial, en donnant aux tiers l'assurance que les marchandises achetées par leur débiteur rentrent dans leur gage général. V. sur ce point, Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 8, n. 834; Thaller, Tr. élém. de dr. comm., 4° éd., n. 1944; Ruben de Couder, op. et verb. cit., n. 864.

D'autre part, l'art. 575, C. comm., était sans application dans la cause. En effet, le § 1o de cet article, qui consacre le droit de revendication, en

(ou au liquidé judiciaire) à titre de dépôt, ou pour être vendues pour le compte du vendeur originaire, les seules pour lesquelles l'art. 575, § 2, C. comm., autorise la revendication du prix, mais du prix de marchandises dont l'acheteur a eu la libre disposition (3) (Id.).

Et il importe peu que, dans la contestation entre le vendeur originaire et le banquier, sur l'attribution du prix de la revente, le liquidé judiciaire et le liquidateur s'en soient rapportés à justice, puisque, s'agissant d'une action qui a été introduite par ce vendeur postérieurement à la cessation des paiements, et qui porte sur une créance comprise dans la liquidation judiciaire, le règlement des droits des créanciers doit s'opérer conformément à la règle suivant laquelle le vendeur, qui ne peut opposer son droit de préférence à la masse, ne doit pas être admis à l'opposer à un créancier qui prime cette masse (4) (Id.).

tout ou en partie, sur les marchandises, aussi longtemps qu'elles existeront en nature, ne se réfère qu'aux marchandises consignées au failli à titre de dépôt ou pour être vendues pour le compte du propriétaire; il ne s'applique pas aux marchandises définitivement vendues au failli, et sur lesquelles ce dernier a acquis un droit absolu de disposition. Le § 2 du même article, qui accorde au propriétaire un droit de préférence sur le prix ou la partie du prix desdites marchandises, ne modifie en rien la situation des marchandises, telle qu'elle est définie par le S 1r. La condition essentielle, posée par l'art. 575 dans ses deux dispositions, est donc que le revendiquant soit propriétaire des marchandises, et que le failli en soit le dépositaire ou le consignataire chargé de les vendre. Le 2 2 de l'art. 575 apporte toutefois quelque restriction à la revendication du prix ou de partie du prix des marchandises vendues par le failli pour le compte du propriétaire, qui les lui a consignées à titre de dépôt; il ne l'autorise que lorsqu'il n'y aura eu ni paiement, ni règlement en valeurs, ni compensation en compte courant entre le failli et l'acheteur. C'est que ce prix représente la chose vendue, et, tant que l'identité en est constante, la masse des créanciers du failli est évidemment sans droit pour s'opposer à ce qu'il soit restitué au propriétaire des marchandises qui n'ont jamais appartenu au failli, et qui, dès lors, n'ont jamais été affectées à la garantie de ses autres créanciers. V. Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 8, n. 799; Thaller, op. cit., n. 1131; Ruben de Couder, op. cit., v° Revendication, n. 79.

Mais, même pour ces marchandises consignées au failli à titre de dépôt ou pour être vendues pour compte de leur propriétaire, la revendication du prix dû par l'acheteur devient impossible, si le consignataire failli l'a cédé à un tiers de bonne foi. V. en ce sens, Pardessus, Cours de dr. comm., t. 3, n. 1278; Laroque-Sayssinel, Formul. des faillites, t. 2, n. 1627; Ruben de Couder, op. cit., vo Revendication, n. 75 et 80; Lyon-Caen et Renault, ubi supra. Et il en serait ainsi, alors même que le transport n'aurait pas encore été notifié au débiteur acheteur ou accepté par lui. V. Laroque-Sayssinel, ubi supra; Ruben de Couder, op. et verb. cit., n. 80.

Ainsi, les deux conditions exigées pour l'application de l'art. 575, § 2, C. comm., ne se trouvaient pas réunies dans l'affaire actuelle. D'une part, il ne s'agissait pas de marchandises simple. ment consignées à titre de dépôt ou pour être

Ire PART. 47

(Vve Delhumeau C. Jouannic, liquid. jud. Josereau et Vve Jamin et fils).

M. Josereau, qui avait acheté à M. Jouannic 500 quintaux (500 sacs) de blé à livrer en décembre 1906, paiement à la livraison, a revendu ces marchandises à veuve Jamin et fils, minotiers, et donné ordre à son vendeur, M. Jouannic, de faire l'expédition des marchandises directement aux Sous-acquéreurs. L'expédition ayant été faite par M. Jouannic aux dates des 5 et 7 déc. 1906, M. Josereau a tiré deux traites d'ensemble 11.152 fr. sur veuve Jamin et fils, et il les a endossées les 8 et 11 déc. 1906 à Mme veuve Delhumeau, banquier, qui les a portées au crédit du compte cou rant de M. Josereau. Le 17 déc. 1906, M. Jouannic, qui n'avait pu se faire payer par son acheteur, M. Josereau, a fait opposition aux mains de veuve Jamin et fils, pour les 220 sacs qu'ils avaient reçus, et, aux mains de la Comp. du chemin de fer de l'Ouest, pour les 280 sacs encore en cours de route. A raison de cette opposition, veuve Jamin et fils ont refusé d'accepter les traites qui leur étaient présentées par le banquier, et qui ont été protestées à leur échéance. Enfin, le 26 déc. 1906, M. Josereau a été déclaré en liquidation judiciaire. En cet état de faits, Mme veuve Delhumeau a assigné, devant le tribunal civil de Bressuire, jugeant commercialement, pour s'entendre condamner à lui payer conjointement et solidairement le montant desdites traites, les époux Josereau, le liquidateur de M. Josereau et veuve Jamin et fils. De son côté, M. Jouannic, vendeur originaire, a assigné M. Josereau et son liquidateur, pour voir dire que la créance sur les sous-acquéreurs, veuve Jamin et fils, lui appartenait; en outre, il est intervenu dans le litige entre Mme veuve Delhumeau, Josereau et veuve Jamin et fils, et a assigné Mme veuve Delhumeau en déclaration de jugement commun. Par jugement en date du 18 juin 1907, le tribunal a prononcé la jonction des instances; il a debouté la veuve Delhumeau de sa de

vendues pour compte, mais de marchandises dont le liquidé était devenu propriétaire, par l'aliénation sans réserve que lui avait consentie le revendiquant. D'autre part, l'acheteur avait valablement disposé de ces marchandises en les revendant à un sous-acquéreur; il avait aussi disposé du prix de la revente, qui n'était plus dans son patrimoine, sinon par une cession proprement dite, du moins par un acte équivalent; il s'était servi des fonds en provenant pour constituer la provision de lettres de change qu'il avait endossées à un banquier. Or, l'endossement opère la dépossession du tireur; il est translatif de la propriété de l'effet et de la provision, lorsque sa régularité n'est pas attaquée. V. Cass. 12 févr. 1906 (S. et P. 1906.1.232); 16 juin 1909 (S. et P. 1910.1.5; Pand. pér., 1910.1.5), la note de M. Lyon-Caen et les renvois; Lyon-Caen et Renault, op. cit., 4o éd., t. 4, n. 166; Thaller, op. cit., n. 1451 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Lettre de change, n. 602; Pand. Rep., v° Effets de commerce, n. 1088.

Le vendeur originaire faisait, il est vrai, une double objection: il soutenait que le sous-acqué

mande contre les époux Josereau, le liquidateur de M. Josereau et contre veuve Jamin et fils, et a déclaré bien fondée la revendication de M. Jouannic sur les 280 sacs de blé, dont ce dernier avait repris possession dans l'intervalle. Quant aux 220 autres sacs restants, il a consacré le droit de préférence de M. Jouannic sur le prix dû par veuve Jamin et fils à M. Josereau.

Sur l'appel interjeté de ce jugement par Mme veuve Delhumeau, la Cour de Poitiers a, le 20 janv. 1908, rendu l'arrêt suivant : - La Cour; — Attendu que veuve Delhumeau demande, contre le tireur et le tiré, paiement de lettres de change non acceptées, datées des 8 et 11 déc. 1906, protestées les 21 et 22 décembre, qui lui ont été remises par Josereau, tireur, pour en porter le montant à son crédit; que, l'opération ayant été réalisée avant la mise en liquidation judiciaire de Josereau, survenue le 26 décembre, elle soutient que, les traites lui appartiennent; Attendu que la remise de traites régulièrement endossées, en compte courant, en transfère la propriété, si telle a été l'intention des parties, au banquier qui en a fourni la valeur, soit en espèces, soit en diminuant d'autant le débit de son client; que la clause sauf encaissement », toujours sous-entendue, n'est qu'une condition résolutoire de la cession; Attendu que, lorsque les traites ont été créées par Josereau, il semble bien que la provision n'existait pas, veuve Jamin et fils n'étant tenus au paiement des marchandises qu'après réception effective des blés ou tout au moins des documents, ainsi qu'ils l'ont rappelé à Josereau, quand il leur a fait présenter, dès le 3 décembre, des traites montant à 11.152 fr.; que les expéditions des 5 et 7 décembre pourraient cependant constituer la provision, dès lors que, livrables en gare de départ, les blés voyageaient au compte de veuve Jamin et fils; que veuve Delhumeau pourrait donc être fondée, comme porteur des traites paraissant en avoir acquis la propriété avant la mise en liquidation, à en réclamer la valeur à

reur n'était pas dépossédé du prix de la revente, puisqu'il n'avait pas accepté les effets de commerce tirés sur lui, qu'il n'était nullement le débiteur du porteur, et que ce qui le prouvait, c'est que, jusqu'à l'échéance, il aurait pu acquitter sa dette par un règlement en compensation; il ajoutait qu'une opposition à paiement avait frappé ce prix d'indisponibilité entre les mains du tirė.

Aucune de ces deux objections ne pouvait être prise en considération. Que le porteur d'une lettre de change ne devienne le créancier personnel du tiré que par l'acceptation de ce dernier et dans la limite de cette acceptation, c'est là un principe qui n'est pas discutable (V. Cass. 17 janv. 1898, S. et P. 1898.1.213; Pand. pér., 1898.1. 166, et le renvoi); mais, à défaut d'acceptation, le porteur peut toujours exercer contre le tiré les droits du tireur, en vertu de la cession résultant de la création de l'effet. V. Cass. 17 janv. 1898, précité, et le renvoi. D'où cette conséquence que si, à l'échéance de la lettre de change, le tiré se trouve débiteur du tireur, et qu'ainsi il y ait provision, le tiré est, par là même, tenu au paiement envers le porteur, auquel la provision est acquise.

l'encontre de cette liquidation, au moins pour la partie de l'expédition parvenue à veuve Jamin et fils avant le 26 déc. 1906;

Mais attendu que le débat s'agite entre veuve Delhumeau, se prétendant propriétaire des traites, et Jouannic, qui, sans discuter la régularité de l'endos, l'existence de la provision ou la propriété de veuve Delhumeau, invoque le privilège de l'art. 576, § 1er, C. comm., et celui de l'art. 575, § 2, du même Code, Josereau et son liquidateur ne réclamant aucun droit sur le prix du par veuve Jamin et fils;

En ce qui concerne les 280 sacs arrêtés momentanément en cours de route: Attendu que la revendication n'est pas fondée...; qu'en fait, ces 280 sacs, comme les 220 qui complètent l'achat de veuve Jamin et fils, ont été remis à ces sous-acquéreurs; qu'il reste à examiner la revendication basée sur l'art. 575, § 2, C. comm., l'art. 2102, n. 4, C. civ., étant d'ailleurs sans application dans l'espèce; - Attendu que Josereau n'a pu transmettre à veuve Delhumeau des droits plus étendus que ceux qu'il pouvait avoir contre ses débiteurs; que sa créance était éventuellement soumise au privilège du vendeur non payé des blés achetés de Jouannic; que ce privilège existe au profit du vendeur, en présence d'un sous-acquéreur, comme dans le cas expressément visé par le 2 de l'art. 575, C. comm., et est opposable à veuve Delhumeau comme à Josereau; Attendu que l'identité des blés fournis par Jouannic et revendus à veuve Jamin et fils n'est pas douteuse; que la dette de ceux-ci correspond exactement à ces marchandises; que ces marchandises n'ont jamais été en la possession effective de Josereau, qui les avait revendues avant même l'époque fixée pour la livraison de Jouannic; qu'il est juste que leur prix, qui les représente, soit attribué au vendeur non payé, de préférence au banquier, qui a reçu, peutêtre avec le seul mandat d'en opérer le recouvrement, des traites non acceptées, comme celles dont le paiement avait été refusé le 3 décembre par veuve Jamin et

V.Rouen, 1er déc. 1854 (S. 1856.2.692. — P. 1857. 413); et la note sous Cass. 17 janv. 1898, précité.

Quant à l'opposition dont se prévalait le vendeur originaire, elle était postérieure à l'endossement. Or, si l'endossement opère par lui-même translation de propriété et équivaut à une cession notifiée de la créance, il doit s'ensuivre logiquement que l'opposition survenue postérieurement ne saurait produire aucun effet vis-à-vis du porteur. Il a été jugé en ce sens que l'opposition faite par le vendeur non payé sur le prix de la revente de l'objet vendu (dans l'espèce, un office ministériel) ne saurait produire aucun effet à l'encontre du tiers auquel le prix de revente a été régulièrement cédé ou transporté par l'acheteur. V. Cass. 20 juin 1860 (S. 1860.1.597. - P. 1860.1054): Attendu, porte cet arrêt, que, quand le transport a été notifié au nouvel acquéreur avant toute opposition de la part du vendeur primitif, le privilège n'existe plus en faveur de ce dernier ».

Les solutions consacrées par l'arrêt que nous rapportons ci-dessus nous semblent donc à l'abri de toute critique.

fils; qu'il y a lieu de confirmer le jugement, en ce que, tout en admettant, à tort, la revendication des 280 sacs que Jouannic s'était fait remettre, il a dit, en réalité, que la créance que Josereau avait sur veuve Jamin et fils appartenait à Jouannic; que ces derniers sont débiteurs vis-à-vis de Josereau du prix total des 500 sacs expédiés les 5 et 7 décembre, dont ils ont disposé, etc.; - Par ces motifs; Dit que la créance de Josereau sur veuve Jamin et fils, pour les 500 sacs expédiés par Jouannic, appartient à celui-ci, et que c'est entre ses mains que veuve Jamin et fils devront se libérer jusqu'à concurrence du montant de la créance Jouannic sur Josereau et des frais de protêt des traites Jouannic sur Josereau;-Confirme, pour le surplus, le jugement attaqué, etc. ».

[ocr errors]
[ocr errors]

POURVOI en cassation par Mme veuve Delhumeau. Moyen unique. Violation des art. 550,575, 576 et 116, C. comm., et 2102, n. 4, C. civ., en ce que l'arrêt attaqué a admis la revendication, par le vendeur impayé de marchandises,` du prix de la vente qu'en avait faite l'acheteur, depuis tombé en faillite ou mis en liquidation judiciaire, alors que ce prix constituait la provision de lettres de change régulièrement endossées à un banquier qui en avait fourni les fonds.

ARRÊT.

LA COUR; Sur l'unique moyen du pourvoi: Vu l'art. 575, § 2, C. comm.;

Attendu qu'aux termes de l'art. 550, C. comm., le privilège et le droit de revendication de l'art. 2102, n. 4, C. civ., ne sont pas admis en cas de faillite; que cette disposition est générale et absolue; que, si l'art. 575, § 2, C. comm., réserve au propriétaire le droit de revendiquer, à défaut de ses marchandises, le prix qui les représente, cette disposition exceptionnelle doit être limitée au cas prévu par le § ler dudit article, où il s'agit de marchandises consignées au failli à titre de dépôt, ou pour être vendues pour le compte du propriétaire, et alors que le prix ou la portion du prix desdites marchandises n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le failli et l'acheteur; Attendu, en fait, qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jouannic a vendu à Josereau 500 quintaux de froment à livrer; que ces grains ont été revendus par l'acheteur à veuve Jamin et fils, auxquels ils ont été expédiés; que Josereau a tiré sur les sous-acquéreurs deux traites, ensemble d'une valeur de 11.152 fr., qu'il a endossées à la veuve Delhumeau, banquier à Cholet, pour le produit en être

(1) Jurisprudence constante. V. Cass. 7 juin 1905 (S. et P. 1906.1.20; Pand. pér., 1905.1.422), et les renvois; 15 janv. 1908 (S. et P. 1911.1. 368; Pand. pér., 1911.1.368); 7 juill. 1909 (S. et P. 1909.1.1.428; Pand. pér., 1909.1.428); 30 oct. 1911 (S. et P. 1912.1.511; Pand. pér., 1912.1. 511).

(2) Point certain. V. Cass. 13 mai 1912 (S. et P. 1912.1.304; Pand. pér., 1912.1.304), et le renvoi.

(3-4-5) L'ouvrier ou employé engagé sans durée

porté au crédit de son compte courant; que cette opération a été réalisée avant la mise en liquidation judiciaire du tireur, prononcée par jugement du tribunal civil de Bressuire, jugeant commercialement, en date du 26 déc. 1906; - Attendu que, faute d'acceptation desdites traites. à présentation, la veuve Delhumeau a fait assigner, devant ce même tribunal, les époux Josereau, le liquidateur judiciaire, la veuve Jamin et fils, pour s'entendré condamner à lui payer conjointement et solidairement la somme de 11.235 fr. 25, montant des lettres de change, frais de retour et d'enregistrement; Attendu que, de son côté, Jouannic, en raison du non-paiement de ses marchandises, a revendiqué une partie de celles-ci en nature, en vertu de l'art. 576, $ler, C. comm., et le prix du surplus, en vertu de l'art. 575, § 2, du même Code; Attendu que l'arrêt attaqué a repoussé la revendication basée sur l'art. 576, § ler, mais a décidé que la créance portant sur le prix de la livraison tout entière appartenait à Jouannic, et que les sous-acquéreurs devraient se libérer entre ses mains;

[ocr errors]

Attendu que, pour le décider ainsi sur ce dernier point, l'arrêt attaqué, tout en constatant que Jouannic ne discutait ni la régularité de l'endos, ni l'existence de la provision, ni la propriété de veuve Delhumeau, s'est fondé, d'une part, sur ce que le litige ne s'élevait qu'entre deux créanciers également privilégiés, Josereau et son liquidateur ne réclamant aucun droit sur le prix dù par veuve Jamin et fils et, d'autre part, sur ce que Josereau n'avait pu transmettre à veuve Delhumeau des droits plus étendus que ceux qu'il pouvait avoir contre ses débiteurs; que sa créance était éventuellement soumise au privilège du vendeur non payé des blés achetés de Jouannic; que ce privilège existait au profit du vendeur en présence d'un sous-acquéreur, comme dans le cas expressément visé par le $ 2 de l'art. 575, C. comm., et était opposable à veuve Delhumeau comme à Josereau »; - Mais attendu, d'une part, qu'il importait peu que le liquidé et le liquidateur s'en fussent rapportés à justice; que l'action du vendeur originaire a été introduite postérieurement à la cessation des paiements; qu'elle porte sur une créance du liquidé; que le vendeur, qui ne peut opposer son droit de préférence à la masse, ne saurait être admis à l'opposer à un créancier qui prime cette masse; Attendu, d'autre part, que l'art. 575, $ 2, n'était pas applicable dans la cause, dès lors qu'il ne s'agissait point de marchandises consi.

déterminée, qui manque gravement à ses obligations, peut être congédié immédiatement par le patron, sans observation du délai de prévenance. V. Cass. 15 déc. 1908 et 6 août 1912 (Supra, 1re part., p. 37), la note et les renvois. C'est ce qui a été jugé notamment pour un employé de chemin de fer, qui, à diverses reprises, avait contrevenu à un règlement dont les prescriptions touchaient à la sécurité des voyageurs. V. Cass. 15 avril 1904 (S. et P. 1904.1.357, Pand. pér., 1904.1.440). A plus forte raison, en cas de faute

[blocks in formation]

CASS.-CIV. 29 novembre 1910. LOUAGE DE SERVICES, DURÉE INDÉTERMINÉE, CONGÉ, BRUSQue renvoi, DÉLAI DE PRÉVENANCE, SUPPRESSION, FAUTE DE L'OUVRIER, INFRACTION AUX RÈGLEMENTS, SÉCURITÉ PUBLIQUE (Rép., vo Louage d'ouvrage, de services et d'industrie, n. 316 et s., 325 et s.; Pand. Rép., v Louage d'ouvrage et d'industrie, n. 694 et s., 760 et s.).

Si la rupture du contrat de louage de services, fait sans détermination de durée, peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit de celui qui la subit, c'est à la condition qu'elle lui soit préjudiciable, et qu'elle constitue, à la charge de celui qui l'impose, une faute, qui, seule, engage sa responsabilité (1) (C. civ., 1780; C. trav., liv. ler, art. 23; L. 27 déc. 1890).

D'autre part, l'art. 1780, $ 5, C. civ.. ne défend pas aux parties de convenir qu'il ne sera observé de part et d'autre aucun délai de prévenance (2) (Id.).

Dès lors, lorsqu'une société d'électricité, qui s'était réserve le droit de congédier ses ouvriers sans délai de préavis, a renvoyé brusquement, pour une faute nouvelle, un ouvrier qu'elle avait déjà puni, à différentes reprises, pour des fautes antérieures, de réprimandes et de suspensions, doit être cassé le jugement qui, faisant état de ce que la dernière faute ne serait pas grave el n'aurait entraîné aucun préjudice, et de ce qu'en ne renvoyant pas cet ouvrier pour ses premières fautes, la société aurait renoncé au droit de rompre le contrat, condamne ladite société au paiement de dommages-intérêts (3) (C. civ., 1134, 1382, 1780). En effet, d'une part, la société n'a fait qu'user de son droit de congédiement sans délai de préavis (4) (Id.).

Et, d'autre part, on ne peut lui imputer à faute un renvoi motivé sur ce que, à plusieurs reprises, l'ouvrier ne s'est pas conformé à des règlements pris dans l'intérêt de la sécurité publique, et dont la violation pouvait amener des conséquences autrement graves qu'un préjudice maté riel (5) (Id.).

grave de l'ouvrier, le droit de congédiement immédiat et sans indemnité doit-il être reconnu au patron, lorsque les parties ont, comme cela est licite (V. la note qui précède), renoncé à l'observation du délai de prévenance, les juges, en pareille hypothèse, et réserve faite de l'abus du droit qui serait imputable à la partie qui a résilié le contrat (V. la note de M. Ruben de Couder, et les renvois, sous Cass. 18 déc. 1907 et autres arrêts, S. et P. 1908. 1.241; Pand. pér., 1908.1.241), n'ayant pas à se préoccuper des motifs qui l'ont conduite à rompre

[blocks in formation]

ARRÊT.

LA COUR; Vu l'art. 1780, C. civ.; Attendu, d'une part, que, si la rupture du contrat de louage de services, fait sans détermination de durée, peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit de celui qui la subit, c'est à la condition qu'elle lui soit préjudiciable, et qu'elle constitue, à la charge de celui qui l'impose, une faute qui, seule, engage sa responsabilité; Attendu, d'autre part, que, si le § 5 de l'art. 1780, C. civ., frappe de nullité toute convention par laquelle les parties renonceraient d'avance au droit éventuel de demander des dommagesintérêts dans les conditions précisées par les paragraphes précédents, il ne leur défend pas de convenir qu'il ne sera observé de part et d'autre aucun délai de prévenance; - Attendu que le jugement attaqué reconnait que, dans le contrat intervenu entre Debruyne et la Société l'Electrique Lille-Roubaix-Tourcoing, celle-ci s'était réservé le droit de le congédier sans aucun délai de prévenance; qu'il reconnaît que Debruyne a été, dans diverses circonstances, puni de réprimandes et de suspensions; que c'est une faute nouvelle qui, le 14 juin 1910, a motivé son renvoi; qu'il ajoute, il est vrai, que la société n'offre pas de prouver que cette dernière faute lui ait causé un préjudice matériel; que, de ces constatations, il conclut que, pour n'avoir pas renvoyé Debruyne à la suite de ses premières fautes, la société a renoncé au droit qu'elle pouvait avoir alors de rompre le contrat, et que la dernière faute n'était pas assez grave pour justifier un brusque renvoi, à raison duquel il la condamne à payer à Debruyne 25 fr. de dommages-intérêts; attendu, d'une part, que le droit qu'avait la société de congédier Debruyne sans aucun délai de prévenance résulte des constatations mêmes du jugement; Et attendu, d'autre part, que l'on ne peut imputer à faute à un chef d'entreprise le renvoi d'un ouvrier, qui, à plusieurs reprises, ne s'est pas conformé à des règlements pris dans l'intérêt de la sécurité publique, et dont la violation peut amener des conséquences autrement graves qu'un préjudice matériel; D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, le jugement attaqué a violé l'article susvisé; Casse..., mais seulement en ce qui concerne l'indemnité allouée pour brusque renvoi, le jugement du tribunal de paix de Lille (4 arr.), du 10 août 1910, etc.

[ocr errors]
[ocr errors]

Mais

Du 29 nov. 1910. Ch. civ. -MM. Ballot-Beaupré, 1er prés.; Reynaud, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Alcock, av.

le contrat. V. Cass. 13 mai 1912 (S. et P. 1912. 1.304; Pand. pér., 1912.1.304), et le renvoi.

(1-2-3) Il est de jurisprudence constante qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement si les faits invoqués comme constitutifs d'une renonciation à la prescription manifestent cette renonciation d'une manière non équivoque. V. Cass. 11 nov. 1903 et 20 janv. 1904 (sol. im

CASS.-CIV. 10 mars 1913.

1° PRESCRIPTION, APPEL, RENONCIATION, POUVOIR DU JUGE, APPRECIATION SOUVERAINE (Rép., vo Prescription [mat. civ.], n. 351 et s.; Pand. Rép., vo Prescription civile, n. 496 et s.). 2o OUVRIER, ACCIDENTS DE TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, LOI DU 9 AVRIL 1898, PRESCRIPTION, RENONCIATION, POUVOIR DU JUGE (Rép., v° Responsabilité civile, n. 2632 et s.; Pand. Rép., vo Travail, n. 3632 et s.).

1° Si, aux termes de l'art. 2224, C. civ., la prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la Cour d'appel, il en est autrement, lorsque la partie, qui n'a pas opposé le moyen de prescription, doit, d'après les circonstances de la cause, élre présumée y avoir renoncé (1) (C. civ., 2221, 2224).

Et l'appréciation de ces circonstances rentre dans le pouvoir du juge du fait (2) (Id.).

2o Spécialement, le chef d'entreprise, condamné par jugement du tribunal civil au paiement d'une rente au profit d'un ouvrier victime d'un accident du travail, est à bon droit déclaré mal fondé à se prévaloir en cause d'appel de la prescription de l'action, lorsque les juges du fond, rappelant la procé dure suivie et les conclusions prises de part et d'autre, décident qu'eu égard aux faits de la cause, le chef d'entreprise doit être considéré comme ayant tacitement renoncé à la prescription lors de l'instance devant les premiers juges, et qu'il ne peut rétracter cette renonciation en cause d'appel (3) (C. civ., 2224; L. 9 avril 1898, art. 18). (Soc. des anciens établissements Albaret C. Martin). ARRÊT.

LA COUR; - Attendu que l'arrêt attaqué constate que Martin, ouvrier de la Société des anciens établissements Albaret, a été victime d'un accident du travail le 10 oct. 1907; que, se prétendant atteint d'incapacité permanente, il a comparu le 10 janv. 1910, avec le représentant de la société, devant le président du tribunal de Clermont, qui, n'ayant pu mettre les parties d'accord, les a renvoyées devant le tribunal; qu'un premier jugement du 4 mai suivant, rendu par défaut, a condamné la société à servir à Martin une rente de 207 fr. 25; que ce jugement a examiné, d'office, la question de savoir si Martin n'était pas déchu de son action, par application de l'art. 18 de la loi du 9 avril 1898; qu'il l'a résolue négativement, notamment pour cette raison que Martin était, en tout cas, dans les conditions et dans les délais prévus pour exercer l'action en revision de l'indemnité journalière qui lui avait été allouée; que la société a fait opposition à ce jugement; qu'elle s'est

plic.) (S. et P. 1905.1.335) (arrêts rendus en matière d'accidents du travail), et le renvoi. Ce pouvoir souverain leur appartient spécialement dans le cas, qui était celui de l'arrêt recueilli, où, la prescription étant invoquée pour la première fois en appel (C. civ., 2224), on prétend induire la renonciation ce moyen tant des circonstances particulières de la cause que du silence

At

bornée à conclure au fond, en soutenant que l'incapacité permanente de Martin n'était pas la conséquence de l'accident du 10 oct. 1907; que le tribunal, statuant sur l'opposition, après avoir constaté que la recevabilité de la demande n'était pas contestée, a élevé la pension de Martin à 249 fr. 38; que, sur appel, la société a conclu pour la première fois à ce que l'action de Martin fut déclarée prescrite; tendu que l'arrêt attaqué rappelle la procédure suivie, les conclusions prises de part et d'autre, et déclare qu'eu égard aux faits de la cause, la société doit être considérée comme ayant tacitement renoncé à la prescription lors de l'instance suivie sur son opposition, et qu'elle ne peut rétracter cette renonciation en cause d'appel; qu'il prononce ensuite la confirmation du jugement entrepris; Attendu qu'en statuant ainsi, ledit arrêt n'a violė aucun des articles visés au pourvoi; Attendu, en fait, que si, aux termes de l'art. 2224, C. civ., la prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la Cour d'appel, il en est autrement. lorsque la partie, qui n'a pas opposé le moyen de prescription, doit, d'après les circonstances de la cause, être présumée y avoir renoncé, et que l'appréciation de ces circonstances rentre dans le pouvoir souverain du juge du fait; - Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu, le 21 déc. 1910, par la Cour d'appel d'Amiens, etc.

Du 10 mars 1913. —Ch. civ. — MM. Baudouin, ler prés.; Reynaud, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Marcilhacy et Hannotin, av.

CASS.-CIV. 29 avril 1911.

1° LEGS-LÉGATAIRE (EN GÉNÉRAL), CONGRÉGATION NON AUTORISÉE, INCAPACITÉ, CADUCITÉ, LÉGATAIRE UNIVERSEL, SUBSTITUTION VULGAIRE (ABSENCE DE), DEVOIR DE CONSCIENCE, BONNES OEUVRES, INTERPRÉTATION, POUVOIR DU JUGE (Rép., vo Testament, n. 1610 et s.; Pand. Rép.. v Donations et testaments, n. 8117 et s..

2o DÉPENS, ENREGISTREMENT (DROITS D'), ACTES PRODUITS, DOMMAGES-INTÉRÊTS (Rép., v Dépens, n. 2333 et s.; Pand. Rép., vo Frais et dépens, n. 854 et s.).

1° En présence d'un legs d'une maison, fait à une communauté non autorisée de sœurs gardes-malades, sous la réserve « que, si les sœurs venaient à quitter la commune, la maison serait vendue, et le prix versé entre les mains de l'autorité supérieure, pour l'employer en bonnes œuvres pour la commune », il appartient aux juges du fond,

après avoir déclaré que, le legs aux sœurs gardes-malades étant caduc, à raison

gardé par le défendeur en première instance. V. Cass. 21 mai 1883 (1re espèce) (S. 1884.1. 422. P. 1884.1.1048); 16 mars 1897 (S. et P. 1901.1.22), et la note. Adde, Baudry-Lacantinerie et Tissier, Prescription, 3° éd., n. 69; et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Prescription (mat. cir.), n. 351 et 8.; Pand. Rép., v° Prescription civile, n. 496 et s.

de l'incapacité légale de la communauté, la maison léguée était entrée, dès le décès du testateur, dans le patrimoine du legataire universel, affranchie de la charge de la vente et de ses suites, charge imposée seulement pour le cas, qui ne s'était pas réalisé, où les sœurs gardes-malades au· raient recueilli le legs et auraient ensuite quillé la commune, - de décider, par une appréciation souveraine de la volonté du lestateur, que la réserve insérée dans le testament n'avait pas le caractère d'une substitution vulgaire au profit des pauvres de la commune, non désignés au testament, mais constituait une charge de l'hérédité laissée à la libre disposition du legataire, universel, ce dernier n'étant obligé que par sa conscience à remettre le prix de l'immeuble vendu à l'autorité supérieure, chargée de l'employer en bonnes œuvres pour la commune (1) (C. civ., 910).

2o La condamnation aux dépens ne s'étend pas aux droits que l'Administration de l'enregistrement perçoit sur des actes antérieurs, dont les énonciations du jugement ou de l'arrêt lui ont révélé l'existence; ces droits, dont le jugement ou l'arrêt ne sont que la cause occasionnelle, ne peuvent

(1) Le pourvoi, par son premier moyen, soutenait que la Cour d'appel avait faussé ou dénaturé le testament qui lui était soumis, et que son arrêt. avait ainsi encouru la cassation. V. sur le principe que le pouvoir d'interprétation des juges du fond ne va pas jusqu'à leur permettre de refaire les dispositions du testateur, Cass. 19 oct. 1896 (S. et P. 1898.1.350; Pand. pér., 1897.1.297); 17 avril 1907 (Supra, 1re part., p. 203); 25 avril 1910 (S. et P. 1912.1.326; Pand. pér., 1912.1.326); 8 nov. 1911 (S. et P. 1912.1.256; Pand. pér., 1912.1.256), et les renvois. En effet, disait le pourvoi à l'appui de ce premier moyen, la testatrice, après avoir institué les sœurs gardes-malades légataires de sa maison, prévoyant le cas où ces sœurs viendraient à quitter la commune, avait institué éventuellement un second légataire par cette formule: « les bonnes œuvres pour la commune ». Cette formule désignait les pauvres de la commune, c'està-dire le bureau de bienfaisance ou la commune elle-même, puisque celle-ci n'avait pas de bureau de bienfaisance. V. sur le droit du bureau de bienfaisance de recueillir les legs faits au profit des pauvres d'une commune, Cass. 21 avril 1898 (S. et P. 1898.1.233; Pand. pér., 1898.1.417); Rouen, 9 mai 1900 (motifs) (S. et P. 1903.2.197), et les notes. Si la maison devait être vendue, cela ne changeait rien au caractère du legs, ni à la personnalité du second légataire. Le prix de la maison devant être versé entre les mains de l'autorité supérieure, quel que pût être le mode de distribution des deniers, le bénéficiaire serait toujours le bureau de bienfaisance ou la commune. Ainsi, sous prétexte d'interprétation, d'après le pourvoi, la Cour avait fait disparaître le second legs fait au profit des pauvres. Elle avait par là même refait le testament, car, lorsque la testatrice avait dit que le prix à provenir de la vente de sa maison serait employé en bonnes œuvres pour la commune, c'étaient les pauvres de la commune qu'elle avait nécessairement visés.

De plus, ajoutait le pourvoi, et c'était l'objet du second moyen, la Cour, en voyant dans l'évêque le répartiteur des bonnes œuvres de la testatrice, avait prêté à celle-ci une volonté qu'elle

être mis à la charge d'une partie autre que la personne qui en est débitrice, aux termes de la loi fiscale, que si une disposition spéciale prononcé cette condamnation à titre de dommages-intérêts, et la justifie par la constatation d'une faute commise et du préjudice éprouvé (2) (C. civ., 1382; C. proc., 130; L. 22 frim. an 7, art. 31).

Doit, par suite, être cassé l'arrêt qui met à la charge de l'une des parties, à titre de dommages-intérêts, les droits d'enregistrement des pièces produites dans l'instance, sans relever aucune faute qui aurait été commise par cette partie (3) (Id.).

(Comm. de Sénaillac C. Abbés Ferraud et Lherm).

Mme veuve Bex est décédée le 10 août 1895, laissant un testament olographe, en date du 24 juin 1895, qui portait : « J'institue pour mon légataire universel et mon exécuteur testamentaire M. l'abbé Jules Ferraud, mon neveu, curé de Labathude... Je donné et lègue ma maison de Latronquière aux sœurs gardes-malades, en faisant la réserve que, si les sœurs venaient à quitter Latronquière, la maison füt vendue, le prix fût versé entre les mains

n'avait pas exprimée, en même temps qu'elle effaçait le caractère charitable de la libéralité, pour la transformer en un legs fait au profit de l'évêché, et elle avait ainsi méconnu les dispositions de la loi du 9 déc. 1905, sur la séparation des Églises et de l'État. La République ne reconnaissant plus aucun culte, la Cour ne pouvait pas ordonner qu'une disposition testamentaire concernant l'Église catholique s'exécuterait par l'attribution du montant de cette disposition à un membre de la hiérarchie ecclésiastique. En statuant ainsi, elle avait traité l'Église catholique comme si elle était encore légalement reconnue, et restitué à une institution abolie une existence qu'elle ne saurait plus avoir désormais, au regard de la loi et des pouvoirs publics.

La Cour de cassation a rejeté, avec raison, croyons-nous, les deux moyens du pourvoi. La congrégation à laquelle appartenaient les sœurs gardes-malades n'étant pas autorisée, le legs qui leur avait été attribué était frappé de nullité. V. Cass. 17 juin 1905 (S. et P. 1906.1.174), et les renvois. La disposition du testament concernant l'emploi du prix de l'immeuble, au cas où les sœurs quitteraient la localité, était nulle aussi par voie de conséquence. Il n'en aurait été autrement qu'au cas où la testatrice, après avoir légué sa maison à la congrégation, aurait ensuite prévu le cas où celle-ci ne pourrait ou ne voudrait recueillir le legs, le cas où ce legs deviendrait caduc, ou bien ne pourrait avoir son effet, par exemple, parce que les sœurs auraient quitté la localité avant l'ouverture de la succession. Si la testatrice avait, dans ce cas, institué un autre légataire, on aurait pu dire alors qu'il y avait une substitution vulgaire, sauf à examiner quel devait être le bénéficiaire de cette substitution. Mais la testatrice avait procédé autrement. Elle avait légué uniquement aux sœurs, et, prévoyant le cas où celles-ci, après avoir recueilli le legs et en avoir bénéficié pendant un certain temps, ne pourraient plus habiter la maison léguée, elle avait voulu que cette maison fût vendue et que le prix en fût affecté à des bonnes œuvres spéciales à la commune. Mais elle n'avait désigné aucun nouveau légataire. Or, il ne

de l'autorité supérieure pour l'employer en bonnes œuvres pour la commune de Sénaillac...». Les sœurs gardes-malades, appartenant à la congrégation non autorisée des religieuses de la Miséricorde de Beaulieu, ont quitté Latronquière en 1896. Le 1er févr. 1899, M. l'abbé Ferraud a vendu, par acte sous seing privé, à M. l'abbé Lherm, la maison léguée par le testament de Mme veuve Bex, moyennant le prix de 2.300 fr. La commune de Sénaillac, considérant que la libéralité faite par Mme Bex était attribuée à elle et à ses pauvres, s'est fait autoriser, par arrêté préfectoral en date du 9 janv. 1907, à l'accepter. Puis elle a assigné, par exploits des 22 et 23 févr. 1907, les abbés Ferraud et Lherm devant le tribunal civil de Figeac, pour voir ordonner, au profit de la commune, la délivrance du legs dont s'agit, et voir prononcer la nullité de la vente du 1er févr. 1899. Par jugement du 28 juin 1907, le tribunal civil de Figeac a annulé la vente de la maison sise à Latronquière, et a ordonné, au profit de la commune de Sénaillac, la délivrance du legs de cette maison.

Sur l'appel des abbés Ferraud et Lherm, la Cour d'appel d'Agen a rendu, le 30 déc.

saurait y avoir de legs que lorsque la disposition est faite au profit, soit d'une personne physique ou morale, soit d'une catégorie de personnes susceptibles d'être légalement représentées. V. Demolombe, Don. et test., t. 1, n. 608; Baudry-Lacantinerie et Colin, Don. et test., 3e éd., t. 1, n. 357 et s., 377. Il n'y avait rien d'analogue dans la disposition litigieuse, que la testatrice avait formulée sous forme de réserve, c'est-à-dire de condition, de modalité apposée à la libéralité faite aux sœurs gardes-malades.

Il est, dans tous les cas, indiscutable que l'interprétation donnée aux termes du testament par l'arrêt allégué, attribuant à la réserve qui y était insérée le caractère d'une condition résolutoire qui avait pour effet de grever l'hérédité d'une charge, et refusant de voir dans cette clause une substitution vulgaire, rentrait dans les limites du pouvoir souverain d'interprétation des juges du fond et échappait absolument à la censure de la Cour suprême.

Toute l'argumentation du pourvoi devenait donc sans objet. Si le legs était nul, et s'il n'y avait pas de substitution vulgaire, l'objet légué, c'est-à-dire la maison, que les sœurs n'avaient point capacité pour recueillir, était entré, dès le jour du décès de la testatrice, dans la patrimoine du légataire universel. Dès lors, la charge, imposée en vue d'une éventualité qui ne s'était pas produite dans les conditions prévues, ne constituait plus pour ce légataire universel qu'un devoir de conscience. Et, s'agissant d'un devoir de conscience, il importait peu que la Cour eût, à la demande du légataire universel, défini quelle était l'autorité supérieure » entre les mains de laquelle il pourrait, pour accomplir les intentions de la testatrice, remettre le prix de l'immeuble. Les dispositions de l'arrêt sur ce point ne pouvaient avoir d'autre portée que celle d'une consuitation officieuse, sans caractère obligatoire. Le second moyen du pourvoi tombait ainsi de lui-même, et n'avait plus aucune raison d'être. Il n'était pas même nécessaire pour la Cour de cassation d'y répondre directement. (2-3) Jurisprudence constante. V. Cass. 2 déc. 1912 (Supra, 1re part., p. 254), et les renvois.

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »