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1907, un arrêt infirmatif, dont les motifs peuvent se résumer ainsi : Pour écarter la prétention de la commune, la Cour se fondait sur ce que Me Bex n'avait pas légué sa maison de Latronquière à une autre personne qu'aux sœurs gardes-malades, dans le cas où la disposition faite au profit de celles-ci deviendrait caduque; qu'elle avait simplement voulu qu'au cas où les sœurs gardes-malades viendraient à quitter Latronquière, son neveu et légataire universel vendit la maison, pour en verser le prix à l'autorité supérieure, chargée alors de l'employer en bonnes (euvres pour la commune de Sénaillac, en telle sorte qu'aucune substitution vulgaire n'avait été faite au profit des pauvres de Sénaillac, qui n'étaient même pas mentionnés, et que la clause litigieuse constituait uniquement une charge de l'hérédité, laissée à la libre disposition du légataire universel, lequel n'était obligé que par sa conscience à remettre le prix de l'immeuble vendu à l'autorité supérieure, chargée de l'employer en bonnes œuvres pour la commune de Sénaillac. Donnant ensuite l'interprétation de la clause du testament qui définissait la charge imposée au légataire universel de verser le prix de l'immeuble entre les mains de l'autorité supérieure pour l'employer en bonnes œuvres », l'arrêt, après avoir fait observer que les mots bonnes œuvres comprennent aussi bien des œuvres qui ont un caractère religieux que des œuvres qui ont un caractère de bienfaisance, déclarait que Mme Bex, personne lettrée et veuve d'un notaire, n'avait jamais pu désigner le maire de Sénaillac comme une autorité supérieure, et que l'affirmation religieuse qui était en tête du testament, autant que les habitudes pieuses de Mme Bex, démontraient que, dans son intention, les bonnes œuvres indiquées par elle étaient des bonnes œuvres religieuses. Le dispositif était ainsi concu Dit que la disposition testamentaire litigieuse contient, non un legs, mais uniquement une charge caduque de l'hérédité, qui est laissée à la disposition de l'abbé Ferraud, légataire universel exécuteur testamentaire; Dit que l'abbé Ferraud, comme légataire universel et comme exécuteur testamentaire, avait seul le mandat et le droit de vendre la maison litigieuse; Déclare le maire de la commune de Sénaillac mal fondé dans ses demandes, fins et conclusions, et l'en dé. boute; Donne acte à l'abbé Ferraud de ce qu'il renouvelle son offre de verser le prix de vente de la maison entre les mains de l'autorité supérieure qui sera désignée par la justice;

et

dans lesquels dépens entreront, à titre de dommages-intérêts, les frais et coût d'enregistrement des pièces produites en justice, etc. ».

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POURVOI en cassation par la commune de Sénaillac. 1er Moyen. Violation des art. 895, 1002 et 1004, C. civ., en ce que l'arrêt a substitué à une disposition claire et précise d'un testament, instituant la commune de Sénaillac légataire d'une chose déterminée, une autre disposition produisant des effets légaux différents, et à ainsi violé la loi du testament.

2o Moyen. Violation des art. 902, 910, 911, C. civ., et de l'art. 2 de la loi du 9 déc. 1905, sur la séparation des Eglises et de l'Etat, en ce que l'arrêt attaqué a attribué à un legs fait en vue de bonnes œuvres ▸ une destination religieuse, et confié à Mr l'évêque de Cahors le soin de régler l'emploi des deniers provenant de ce legs, alors que, d'une part, un legs comportant une affectation religieuse est forcément fait à un établissement ecclésiastique, et que, d'autre part, en décidant que l'autorité supérieure, entre les mains de laquelle le prix de la maison vendue doit être versé, est l'autorité supérieure ecclésiastique, c'est-à-dire Me l'évêque de Cahors, l'arrêt s'est nécessairement préoccupé de l'organisation de l'Eglise catholique, et s'est ainsi livré à une recherche qui lui était inter

dite.

3 Moyen. Violation des art. 130, C. proc., 31 de la loi du 22 frim. an 7, et 1382, C. civ., 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a mis à la charge de la partie perdante les frais et coût d'enregistrement des pièces produites en justice, sans justifier cette condamnation par la précision de la faute commise et du préjudice éprouvé.

ARRÊT.

LA COUR; Sur les deux premiers moyens : - Attendu que, des constatations de l'arrêt attaqué, il résulte que, par testament olographe en date du 24 juin 1895, la veuve Paul Bex a institué comme légataire universel et comme exécuteur testamentaire son neveu l'abbé Ferraud, et qu'elle a donné et légué sa maison de Latronquière aux sœurs gardes-malades, en faisant la réserve que, si toutefois les sœurs venaient à quitter Latronquière, la maison fut vendue, le prix fùt versé entre les mains de l'autorité supérieure pour l'employer en bonnes œuvrés pour la commune de Sénaillac ; que la veuve Bex est décédée le 10 août 1895, et que les sœurs gardes-málades ont quitté Latronquière en

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1896; Dit que, dans l'intention de la dame Bex, l'autorité supérieure, entre les mains de laquelle doit être versé le prix de la maison vendue, pour l'employer en bonnes œuvres pour la commune de Sénaillac, est l'autorité supérieure ecclésiastique, c'est-à-dire M. l'évêque de Cahors: Condamne le maire de la commune de Sénaillac, ès qualité, en tous les dépens de première instance et d'appel envers toutes les parties en cause,

(1) C'est un point certain que le propriétaire

Attendu qu'après avoir déclaré que les sœurs, appartenant à la congrégation non autorisée des religieuses de la Miséricorde de Beaulieu, n'ont pu, à raison de leur incapacité légale, recueillir le legs qui est devenu caduc, et que la maison est entrée, dès le décès de la veuve Bex, dans le patrimoine du légataire universel, affranchie de la charge de la vente et de ses suites, charge imposée seulement pour le cas, qui ne s'est pas réalisé, où les sœurs

ou le locataire d'un bois n'est pas responsable de

gardes-malades auraient recueilli le legs et auraient ensuite quitté Latronquière, la Cour d'appel d'Agen a décidé, par une appréciation souveraine de la volonté de la testatrice, que la réserve insérée dans le testament n'a pas le caractère d'une substitution vulgaire au profit des pauvres de la commune de Sénaillac, qui ne sont pas désignés dans ledit testament, mais constitue une charge de l'hérédité, laissée à la libre disposition du légataire universel, ce dernier n'étant obligé que par sa conscience à remettre le prix de l'immeuble vendu à l'autorité supérieure, chargée de l'employer en bonnes œuvres pour la commune de Sénaillac » Attendu que,

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dans ces circonstances, la commune de Sénaillac est sans droit pour critiquer l'exécution du testament, et que les deux premiers moyens doivent être rejetés; Rejette les deux premiers moyens du pour

voi;

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Vu

Mais sur le troisième moyen : l'art. 130, C. proc.; Attendu que la condamnation aux dépens ne s'étend pas aux droits que l'Administration de l'enregistrement perçoit sur des actes antérieurs, dont les énonciations du jugement ou de l'arrêt lui ont révélé l'existence; que ces droits, dont le jugement ou l'arrêt ne sont que la cause occasionnelle, ne peuvent être mis à la charge d'une partie autre que la personne qui en est débitrice, aux termes de la loi fiscale, que si une disposition spéciale prononce cette condamnation à titre de dommages-intérêts, et la justifie par la constatation d'une faute commise et du préjudice éprouvé; - Attendu que l'arrêt attaqué a mis à la charge de la commune de Sénaillac les droits d'enregistrement des pièces produites dans l'instance, et ce, à titre de dommages-intérêts; mais qu'il n'a relevé aucune faute qui aurait été commise par la commune de Sénaillac; qu'en statuant ainsi, il a violé l'article cidessus visė; Casse, mais seulement au chef qui a mis les droits d'enregistrement des pièces produites dans l'instance à la charge de la commune de Sénaillac, etc. Du 29 avril 1911. — Ch. civ. - MM. Ballot-Beaupré, 1er prés.; Douarche, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Mornard et de Lalande, av.

CASS.-CIV. 10 février 1913. ANIMAUX, CERFs et biches, Responsabilité, DÉGATS, BOIS, PROPRIÉTAIRE, RESPONSABILITÉ, FAUTE, MOTIF DUBITATIF (Rép., v° Destruction des animaux malfaisants ou nuisibles, n. 313 et s.; Pand. Rép., v° Animaux, n. 148 et s.).

Le propriétaire d'un bois, dans lequel se trouvent des cerfs et biches vivant à l'état sauvage, n'est responsable des dommages causés par eux aux récoltes des fonds voisins que s'il est établi que, par son fait ou par sa négligence, il a, soit attiré ces animaux, soit favorisé leur multiplication, en telle sorte qu'ils soient devenus nuisibles (1) (C. civ., 1382, 1383).

plein droit du dommage causé aux voisins par le

En conséquence, la condamnation à des dommages-intérêts du propriétaire d'un bois n'est pas légalement justifiée par le jugement qui, pour accueillir la demande en dommages-intérêts formée par un riverain, d'une part, fait uniquement résulter de l'importance du préjudice subi par ce dernier la preuve de la surabondance excessive du gibier, et, d'autre part, sans relever à la charge du propriétaire du bois aucun fait précis impliquant sa faute ou négli gence, se borne à dire, en termes dubitatifs, qu'il a ne parait pas avoir employé des moyens de destruction suffisants » (1) (C. civ., 1315, 1382, 1383; L. 20 avril 1810, art. 7).

(De Broglie C. Bruneau). ARRÈT.

At

LA COUR; - Sur le moyen unique : Vu les art. 1382 et 1383, C. civ.; tendu que le propriétaire d'un bois, dans lequel se trouvent des cerfs et biches vivant à l'état sauvage, n'est responsable des dommages causés par eux aux récoltes des fonds voisins que s'il est établi que, par son fait, ou par sa négligence, il a, soit attiré ces animaux, soit favorisé leur multiplication, en telle sorte qu'ils soient devenus nuisibles; Attendu que, pour accueillir l'action en dommages-intérêts que Bruneau, riverain des bois de Chaumont-sur-Loire, appartenant aux époux de Broglie, avait formée contre ceux-ci, le 19 oct. 1909, le jugement attaqué se base sur ce que les incursions nombreuses de gros gibier, sur la terre de Bruneau, et les dégats importants causés à la récolte d'avoine, établissent suffisamment que ces bois contiennent une quantité anormale de gros gibier »; et que:

gros gibier; il ne peut être recherché à cet égard que s'il y a eu de sa part faute, négligence ou imprudence, dans les termes des art. 1382 et 1883, C. civ. V. Cass. 4 déc. 1867 (S. 1868.1.16. P. 1868.23); 15 janv. 1872 (1872.1.39.-P. 1872.61). V. aussi, Cass. 7 nov. 1881 (S. 1883.1.205. - P. 1883.1.501). La règle n'est pas différente de celle qui est admise pour les dégâts causés aux propriétaires voisins d'un bois par les lapins qui y vivent à l'état sauvage (V. Cass. 11 mars 1902, S. et P. 1902.1.392; Pand. pér., 1902.1.294, et les renvois), avec cette différence toutefois que les gros animaux ont des instincts nomades qui rendent parfois difficile de prévenir leurs dégâts, ce qui doit entrer en ligne de compte dans l'appréciation de la responsabilité du propriétaire du bois. V. la note sous Cass. 4 déc. 1867, précité; et notre Rép. gén. du dr. fr., v Destruction des animaux malfaisants ou nuisibles, n. 313; Pand. Rep., v Animaux, n. 148. Sans doute, l'existence de cerfs ou de sangliers en quantité excessive ou anormale dans un bois peut être imputée à faute au propriétaire, s'il n'a pas pris les mesures de destruction nécessaires. V. Cass. 4 déc. 1867 (motifs) et 7 nov. 1881, précités; 24 févr. 1904 (S. et P. 1904.1.228; Pand. per., 1905.1.15), et le renvoi. Mais, de ce que les dégâts ont été importants, on ne saurait induire, ni que le gibier se trouvait dans le bois en quantité excessive (V. en ce sens, pour des lapins, Cass. 11 mars 1902, précité), ni que les mesures de destruction aient été insuffisantes (V. également pour des lapins, Cass. 21 août 1871,

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d'une part, que le jugement attaqué ne relève, à la charge des défendeurs, aucun fait précis impliquant leur faute ou leur négligence; qu'il s'exprime, au contraire, en termes dubitatifs; que, d'autre part, il fait découler uniquement de l'importance du dommage la preuve d'une surabondance excessive des animaux sauvages; qu'en statuant ainsi, le tribunal civil de Blois n'a pas légalement justifié sa décision, et qu'il a, par suite, violé les articles de loi susvisés; Casse le jugement rendu par le tribunal de Blois le 11 mai 1910, etc.

Du 10 févr. 1913. Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Fabreguettes, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Hannotin, av.

CASS.-CIV. 23 octobre 1912.

1o CASSATION, POURVOI, FIN DE NON-RECEVOIR, CONCLUSIONS (DÉFAUT DE) (Rép., vo Cassation [mat. civ.], n. 1348 et s.; Pand. Rép., v Cassation civile, n. 135 et s.). 20 COMMUNE, RESPONSABILITÉ, MAIRE, POUVOIRs de police, DÉLÉGATION, SOCIÉTÉ SPORTIVE, COURSE DE MOTOCYCLETTES, ORGANISATION, SURVEILLANCE (DÉFAUT DE), ACCIDENT, FAUTE (Rép., vo Commune, n. 978 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 3344 et s.).

1o La partie, qui, actionnée avec d'autres, n'a pris contre celles-ci aucunes conclusions, ni en première instance, ni en appel,

S. 1871.1.98. P. 1871.241; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 331 et s.; Pand. Rép., verb. cit., n. 179); sinon, on arriverait à rendre le propriétaire responsable de plein droit, contrairement à la jurisprudence. Le jugement déféré à la Cour de cassation, qui manquait de base légale, en ce qu'il concluait de l'importance des dégâts à l'existence d'une quantité anormale de gros gibier, était encore critiquable, en ce qu'il s'était exprimé en termes dubitatifs sur l'insuffisance des mesures de destruction alléguées comme cause de responsabilité, en telle sorte qu'il n'affirmait pas la faute du défendeur, comme il eût été nécessaire pour justifier la condamnation à des dommages-intérêts.

(1) V. la note qui précède.

(2) C'est un point certain que la partie condamnée n'est pas recevable à se pourvoir en cassation à l'égard d'une partie contre laquelle elle n'a pas conclu devant les juges du fond. V. Cass. 11 juill. 1904 (2 arrêts) S. et P. 1909.1. 563; Pand. pér., 1909.1.563), et les renvois.

(3-4) Il n'est pas douteux que le maire ne peut déléguer à un simple particulier les pouvoirs de police qu'il tient de la loi. Mais la convention par laquelle le maire, en autorisant des particuliers à organiser une course d'automobiles sur les voies publiques, spécifie que les organisateurs de la course prendront, sous leur responsabilité, toutes les mesures nécessaires pour prévenir les accidents, ne peut être raisonnablement interprétée comme impliquant, de la part du maire, une délégation de

est sans droit ni qualité pour poursuivre contre elles la cassation de l'arrêt entrepris (2).

20 S'il n'est pas permis au maire d'une commune de se substituer une société privée dans l'exercice de ses attributions de police, et si, malgré cette substitution, la commune reste responsable, en principe, à l'égard des tiers, des dommages résultant de l'insuffisance des mesures de protection prises par la société organisatrice, aucune loi ni aucun principe d'ordre public ne s'opposent à ce qu'il soit stipulé, dans les rapports directs de la commune avec l'organisateur d'une entreprise, que ce dernier assumera toutes les charges de l'exécution de l'opération et en prendra tous les risques; une telle clause de garantie est valable, et doit recevoir exécution (3) (C. civ., 1382, 1383; L. 5 avril 1884, art. 82, 84).

Spécialement, lorsqu'une société sportive a été autorisée par une ville à organiser une course de motocyclettes, sous la condition qu'elle prendrait, sous sa responsabilité, toutes les mesures nécessaires pour prévenir les accidents, la société est à bon droit condamnée à indemniser les représentants d'un agent mis à sa disposition par la ville, et qui a été mortellement blessé pendant la course, alors qu'il est constaté par les juges du fond que la société, à qui il appartenait, en sa qualité d'organisatrice de la course, de veiller à la sécurité des agents mis à sa disposition, a commis, malgré les prescriptions de l'arrêté de police concerté entre elle et le maire, et qui défendaient de laisser stationner sur le côté extérieur de la courbe du virage, la faute de laisser stationner la victime de l'accident dans cette zone dangereuse, ce qui a été la cause de l'accident (4) (Id.).

ses pouvoirs de police, qu'il n'a pas le droit de faire. Le maire conserve entier, en dépit de cette convention, son droit de police, avec le devoir qui lui incombe de veiller par lui-même à ce que soient prises les mesures nécessaires pour garantir la sécurité publique. Et, au regard des tiers, la responsabilité qui peut résulter, soit pour le maire lui-même, soit pour la commune dont il est le représentant, de l'insuffisance des mesures prises (V. sur le point de savoir si la responsabilité de la commune peut être engagée par les fautes du maire, en matière de police, Cass. 23 mai 1905 et 15 janv. 1906, S. et P. 1907.1.81, et la note de M. Appert. Adde, les renvois de la note de M. Appert sous Bordeaux, 26 mars 1906, S. et P. 1908.2.17; Pand. pér., 1908.2.17), n'est pas modifiée par la convention intervenue. Cette convention a un tout autre objet ayant affaire à des spécialistes, particulièrement renseignés sur les dangers que peut présenter la course qu'ils organisent, et sur les mesures propres à conjurer ces dangers, le maire, en donnant son autorisation aux organisateurs, leur impose l'obligation de faire le nécessaire pour que les accidents soient évités, sauf à mettre à leur disposition le personnel de police qui permettra d'assurer l'exécution des mesures prises d'accord entre les organisateurs et la municipalité. Alors même que la convention ne spécifierait pas que ces mesures, inspirées aux organisateurs par leurs connaissances techniques, sont prises par eux sous leur responsabilité, cette conséquence en découlerait

(Soc. du journ. l'Auto C. Ville de Château-Thierry, Billouin, Grapperon et consorts Robin).

La Société du journal l'Auto avait été autorisée par le préfet de l'Aisne et par le maire de Château-Thierry à organiser, sur le territoire de cette ville, une course de motocyclettes, à la condition, expressément spécifiée par une lettre du préfet du 13 mai 1907, de prendre sous son entière responsabilité toutes mesures nécessaires pour éviter les accidents. Pendant cette course, qui a eu lieu le 29 sept. 1907, M. Robin, qui avait été placé par les organisateurs de la course, pour assurer le service d'ordre, sur la droite de la piste, a été blessé mortellement par la voiture conduite par le coureur Grapperon. La veuve, le fils et le père de M. Robin ont formé une demande en dommages-intérêts contre la Société du journal l'Auto, la ville de Château-Thierry, M. Grapperon et M. Billouin, pris comme commettant de M. Grapperon. Par jugement du 3 juin 1908, le tribunal de Château-Thierry a mis hors de cause MM. Grapperon et Billouin, et condamné, chacune par moitié, la Société du journal l'Auto et la ville de Château - Thierry à payer aux consorts Robin des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé. — Sur appel, la Cour d'Amiens, par arrêt du 19 janv. 1909, a maintenu la mise hors de cause de MM. Grapperon et Billouin, déchargé la ville de Château-Thierry de la condamnation prononcée contre elle, et mis à la charge exclusive de la Société du journal l'Auto le paiement des réparations dues aux consorts Robin.

POURVOI en cassation par la Société du journal l'Auto. Moyen unique. Violation des art. 1382 et 1384, C. civ., 82 et 84 de la loi du 5 avril 1884, en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société demanderesse comme responsable d'un accident survenu à l'un des agents chargés de la surveillance d'une course de motocyclettes, organisée par elle à Château-Thierry, avec l'autorisation du préfet, sous la condition d'obtenir l'agrément du maire, et de prendre à ses frais et sous son entière responsabilité les mesures nécessaires pour éviter les accidents, sous prétexte que, les représentants de la force publique inunicipale ayant été mis à sa disposition par le maire, elle avait le devoir de ne placer, ou même simplement de ne laisser stationner personne à l'endroit où l'accident s'était produit, alors que, s'il lui appartenait, en sa qualité d'organisatrice de la course, d'indiquer à l'autorité munici

tout naturellement, et, quelle que puisse être la responsabilité que pourrait faire encourir au maire ou à la commune l'insuffisance des mesures, le maire ou la commune, s'ils étaient condamnés, auraient le droit de recourir en garantie contre les organisateurs, .qui auraient omis de prendre ou de signaler au maire les mesures que leur compétence technique devait leur faire juger indispensables, et dont le maire était hors d'état de soupçonner la nécessité. Dans l'espèce,

pale et d'arrêter, d'accord avec elle, les mesures de précaution à prendre, il ne pouvait, à aucun titre, lui incomber d'en assurer l'exécution, aucune délégation au commandement de la force publique n'ayant pu lui être et ne lui ayant d'ailleurs été faite, et alors que, dans tous les cas, la responsabilité encourue de ce chef devait être à tout le moins partagée avec la ville.

La ville de Château-Thierry a soulevé une fin de non-recevoir, tirée de ce que la société demanderesse n'avait pas conclu contre elle en première instance ni en appel.

ARRÊT (apr. délib, en ch. du cons.).

LA COUR; Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par la ville de Chàteau-Thierry, et d'office en ce qui concerne les sieurs Billouin et Grapperon :

Attendu que, ni en première instance, ni en appel, la Société du journal l'Auto n'a pris, ni contre la ville de ChâteauThierry, ni contre les sieurs Billouin et Grapperon, défendeurs comme elle à l'action des consorts Robin, aucunes conclusions tendant à ce qu'au cas de condamnation prononcée contre elle, à raison d'un accident survenu à Robin, les parties cidessus nommées fussent reconnues responsables, en tout ou en partie, des conséquences de cet accident; que ladite société est, par conséquent,; sans droit ni qualité pour poursuivre la cassation de l'arrêt attaqué contre les parties susdésignées, avec lesquelles elle n'a précédemment lié aucune contestation; Déclare

le pourvoi irrecevable à l'égard desdites parties;

En ce qui concerne les consorts Robin:

Au fond : Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la course de côtes, organisée à Château-Thierry par la Société du journal l'Auto, l'a été avec l'autorisation de l'autorité préfectorale et l'agrément du maire de cette ville, mais sous la condition expresse que le directeur de cette société prendrait, à ses frais et sous son entière responsabilité, toutes les mesures nécessaires pour éviter les accidents; que cette course a eu lieu; qu'elle a été la cause d'un accident mortel arrivé au sieur Robin, atteint par la machine de l'un des coureurs; Attendu que, pour faire supporter par la Société du journal l'Auto seule les conséquences dommageables de cet événement, ledit arrêt s'est fondé, d'une part, sur ce que la route choisie par les agents de l'Auto comme piste de course présentait des dangers particuliers, en raison de ses courbes; que, dans les

le danger de tolérer le stationnement sur le côté extérieur de la courbe des virages n'avait pas échappé aux organisateurs, puisqu'un arrêté pris par le maire, de concert avec eux, l'avait formellement interdit. Néanmoins, ils avaient commis l'imprudence, alors qu'il leur appartenait de veiller à ce que la course n'occasionnât aucun accident, de laisser stationner pendant la course, en ce point particulièrement dangereux, un agent mis à leur disposition par le maire pour le main

tournants, les coureurs, animés d'une grande vitesse, étaient exposés à être projetés en dehors de la course, sur les bas côtés de la route, et à atteindre les personnes, curieux ou surveillants, qui s'y trouveraient; que ce danger avait été signalé dans l'arrêté de police concerté entre le maire et la Société l'Auto, lequel défendait de laisser stationner sur le côté extérieur de courbe du virage...; que le fait d'avoir placé, ou même simplement d'avoir laissé stationner le sieur Robin dans cette zone dangereuse constitue une faute grave, qui a été la cause de l'accident survenu audit Robin; que cette faute est imputable aux représentants de l'Auto, qui auraient dû remarquer, pendant leur surveillance de la course, le danger auquel Robin était exposé »; que, d'autre part, le même arrêt ajoute: « qu'il appartenait aux représentants de l'Auto, en seur qualité d'organisateurs expérimentés et responsables des accidents, de veiller à la sécurité des agents placés le long de la piste, et mis comme auxiliaires à leur disposition par la municipalité; - Attendu, il est vrai, que, pour décliner tout ou partie de cette responsabilité, le pourvoi soutient que, s'il appartenait à la Société du journal l'Auto, en sa qualité d'organisatrice de la course, d'indiquer à l'autorité municipale et d'arrêter, d'accord avec elle, les mesures de précaution à prendre, il ne pouvait, à aucun titre, lui incomber d'en assurer l'exécution, le droit de commander à la force publique n'étant pas susceptible de délégation; — Mais attendu que, s'il n'est pas permis à un maire de se substituer une société privée dans l'exercice de ses attributions de police, et si, malgré cette substitution, il n'en reste pas moins, en principe, responsable, visà-vis des tiers, de l'insuffisance des mesures prises et de leurs suites dommageables, aucune loi ni aucun principe d'ordre public ne s'opposent à ce qu'il soit stipulé, dans les rapports directs de la commune avec l'organisateur d'une entreprise, que ce dernier assumera toutes les charges de l'exécution de l'opération et en subira tous les risques; qu'une telle clause de garantie est valable et doit recevoir son application; que, par suite, en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la Cour d'appel a usé de son pouvoir souverain d'appréciation, et n'a violé aucun des textes de lois visés par le pourvoi; Rejette, etc.

Du 23 oct. 1912. Ch. civ.- MM. Beaudouin, ler prés.; Ruben de Couder, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Defert et Regray, av.

tien de l'ordre. Il y avait là, de leur part, une faute, qui engageait leur responsabilité à raison de l'accident dont avait été victime cet agent, et ils n'étaient pas fondés à prétendre que la responsabilité incombait au maire ou à la ville, puisque, si le maire ou la ville avaient été déclarés responsables, ils auraient pu s'exonérer des condamnations encourues par un recours contre les organisateurs, dont la négligence avait été la cause de l'accident.

CASS.-CIV. 6 août et 24 décembre 1912 et 23 avril 1913.

RETRAITES OUVRIÈRES ET PAYSANNES, Lor DU 5 AVRIL 1910, ASSURÉS OBLIGATOIRES, INSTITUTRICE LIBRE, MINISTRE DU CULTE, CULTE CATHOLIQUE, CULTE PROTESTANT (Rép., vo Retraites ouvrières, n. 1 et s.; Pand. Rép., vo Retraites et pensions, n. 1654 et s.).

L'institutrice, qui, en vertu d'une convention ayant le caractère d'un contrat de louage de services, intervenue entre elle et le propriétaire d'un local dans lequel est ouverte une école libre, dirige cette école sans

(1 à 4) L'art. 1er de la loi du 5 avril 1910 (S. et P. Lois annotées de 1911, p. 1; Pand. pér., Lois annotées de 1911, p. 1) appelle au bénéfice de l'assurance obligatoire contre la vieillesse les sala

riés de l'industrie, du commerce, des professions libérales et de l'agriculture, les serviteurs à gages, les salariés de l'Etat qui ne sont pas placés sous le régime des pensions civiles ou des pensions militaires et les salariés des départements et des

communes ».

La première condition imposée par ce texte est celle d'être salarié, les services à gages n'étant qu'une forme du salariat. V. la note sous Cass. 7 mai 1913 (Supra, 1re part., p. 321), et les renvois. Adde, Sachet, Tr. de la législ. sur les retr. ouvr., 110 et 20 éd., n. 115; Salaün, Les retr. ouvr., n. 1 et s. Il faut, en second lieu, que le salarié soit au service d'une personne appartenant à l'industrie, au commerce, à une profession libérale, ou encore qu'il ait pour patron l'Etat, un département ou une commune; il peut même être le serviteur à gages d'une personne sans profession. Cela revient à dire que tous les salariés ont été compris dans l'énumération de l'art. 1er, hormis ceux qui sont placés sous des régimes spéciaux de retraite. On chercherait vainement, en effet, une branche de l'activité humaine qui pût trouver place en dehors de l'industrie, du commerce, des professions libérales, de l'agriculture, des fonctions publiques et des services domestiques. V. Sachet, op. cit., n. 162.

Les professions libérales, dont les limites imprécises se prêtent mal à une définition positive, peuvent être considérées comme étant celles qui ne rentrent dans aucune des autres catégories. V. Sachet, op. cit., n. 166. Tout spécialement, l'exercice du culte, qui, sous l'empire du Concordat, était compris dans les services publics, est devenu, depuis la loi du 9 déc. 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat, une profession libérale. V. Sachet, op. cit., n. 167. Un curé ou un pasteur peuvent avoir recours à des salariés pour les besoins de l'exercice de leur culte. Personne ne conteste qu'un bedeau ou un sacristain, dans une église catholique, ou un appariteur dans un temple protestant, soit un assuré obligatoire de la loi sur les retraites ouvrières.

Le curé ou le pasteur, qui est patron au regard de ses auxiliaires, devient-il lui-même un salarié, quand il reçoit une rémunération fixe ou périodique pour assurer le service du culte? Si, au lieu de conclure un traité in globo, il se tenait à la disposition des fidèles en général, et recevait de chacun d'eux une rémunération distincte pour les divers actes de son ministère, ces multiples contrats de louage d'industrie le laisseraient complètement en dehors de la sphère d'application de la loi, au même titre que le médecin, l'avocat, etc. V. sur le principe que la loi du 5 avril 1910 ne ANNÉE 1913. 7-8 cah.

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pouvoir retirer de l'enseignement qu'elle donne dans cette école, dont la fréquentation est gratuite, d'autre émolument que le salaire qui lui est payé par le propriétaire de l'établissement sous la forme d'un traitement fixe de 900 fr. par an, doit être inscrite sur la liste des assurés obligatoires pour le service des retraites ouvrières (1) (L. 5 avril 1910, art. 1er). 1re espèce.

Au contraire, les ministres du culle ne rentrent dans aucune des catégories prévues par l'art. 1er de la loi du 5 avril 1910 (2) (Id.). 2e et 3e espèces.

Par suite, les ministres du culte catholique, qui ne sont pas liés à l'évêque diocé

s'applique pas à ceux qui exercent une profession libérale, Cass. 7 mai 1913 (Supra, 1re part., p. 321), et la note de M. Ruben de Couder. Une convention unique, par laquelle il s'oblige par avance, moyennant le paiement mensuel ou annuel d'une somme déterminée, à accomplir les mêmes prestations au regard de l'ensemble des fidèles d'une région, perdelle le caractère de louage d'industrie ou d'entreprise pour revêtir celui de louage de services ? En d'autres termes, a-t-elle pour effet de lui conférer la qualité de salarié ? Nous ne le pensons pas.

Le louage d'industrie ou contrat d'entreprise et le louage de services, tout en étant nettement distincts l'un de l'autre, sont des variétés du contrat générique que l'art. 1710, C. civ., dénomme le louage d'ouvrage, et dont le nouveau Code du travail et de la prévoyance sociale (S. et P. Lois annotées de 1911, p. 112; Pand. pér., Lois annotées de 1911, p. 112) a fait, dans son art. 19, tit. 2, liv. 1o, le contrat de travail. L'art. 1710 le définit un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles. En appliquant à cette définition les expressions propres au louage, on peut dire avec plus de précision que le locateur s'oblige à faire profiter de son travail le locataire, moyennant une rémunération que celui-ci s'engage à lui payer.

Dans le louage de services, c'est le travail agissant, l'activité même du locateur ou salarié, qui est livrée au locataire ou patron, de telle sorte que celui-ci le dirige et en dispose à son gré. Dans le louage d'industrie ou contrat d'entreprise, le travail est promis en vue d'une œuvre déterminée, qui s'accomplit sous la direction et la responsabilité du locateur. De là cette différence caractéristique que le louage de services implique la subordination du salarié au regard de l'employeur, tandis que le louage d'industrie ou contrat d'entreprise laisse au locateur ou entrepreneur son entière indépendance vis-à-vis du locataire ou maître dans l'accomplissement de son travail. V. Baudry-Lacantinerie et Wahl, Du contr. de louage, 3° éd., t. 2, 1re part., n. 1638, et 2° part., n. 3865.

L'œuvre à exécuter dans le louage d'industrie ou dans le contrat d'entreprise consiste le plus souvent dans un objet déterminé ou dans des prestations également fixes, et ne comportant aucune périodicité. C'est ce qui a fait dire que le prix en était proportionné à la qualité de l'ouvrage, quelle qu'ait été la durée du travail, à la différence de ce qui a lieu dans le louage de services, où le prix est en rapport avec la durée du travail, abstraction faite de la qualité de la chose produite. Il est cependant des cas où l'œuvre que le locateur d'industrie s'engage à produire comporte une exécution continue, en ce sens qu'elle consiste dans un enchainement ininterrompu d'actes pendant

sain par un contrat de louage de services, el qui reçoivent de l'évêché des allocations n'ayant pas le caractère d'un salaire, au sens de la loi, ne sauraient être inscrits sur la liste des assurés obligatoires (3) (Id.). 2o espèce.

Il en est de même des pasteurs des églises réformées, qui ne concluent pas, relativement à l'exercice de leur ministère, un contrat de louage de services avec les associations cultuelles légalement établies, et qui reçoivent de ces associations des allocations ne présentant pas le caractère de salaires, au sens de la loi du 5 avril 1910 (4) (Id.). 3e espèce.

une durée illimitée, de telle sorte que l'importance du prix en est mesurée, non seulement à la qualité de l'industrie, mais aussi à la période de temps pendant laquelle le locateur s'engage à la mettre en œuvre; tel est le contrat relatif à l'entretien d'horloges, d'appareils d'éclairage ou de machines, à la réparation périodique de pianos, etc., etc. V. Baudry-Lacantinerie et Wahl, op. cit., t. 2, 2o part., n. 4106 bis.

Analysons maintenant les faits de la cause à la lumière de ces principes. Le service du culte est une œuvre pour l'accomplissement de laquelle les prêtres, dans l'Eglise catholique, et les pasteurs, dans l'Eglise protestante, sont seuls habilités. Leur ministère ne peut s'exercer qu'en toute indépendance au regard des fidèles. Quand ils prennent l'engagement, moyennant une rémunération, d'assurer le service du culte dans une commune ou dans une agglomération, ils traitent, en réalité, avec les fidèles, dont l'évêque ou l'association cultuelle ne sont que les mandataires ou les gérants d'affaires. Seuls, en effet, les fidèles profitent du service du culte; seuls aussi, ils alimentent de leurs deniers la caisse dans laquelle est puisé le montant de la rémunération. Ce simple exposé fait apparaître tous les éléments du contrat de louage d'industrie ou contrat d'entreprise, à l'exclusion du louage de services.

Il n'importe que l'œuvre, étant continue, ne réponde pas à l'unité de temps qu'on rencontre le plus souvent dans le contrat d'entreprise. Nous avons vu que ce n'était pas là un élément essentiel de ce contrat. Le service du culte consiste dans l'accomplissement d'actes successifs pendant une durée à laquelle la nature des choses ne fixe aucune limite; la rémunération en est donc calculée à la fois d'après l'importance de ces actes et suivant la longueur de la période de temps stipulée dans la convention.

L'objection tirée de l'état de subordination du prêtre vis-à-vis de son évêque a été par avance réfutée par l'observation que nous avons faite cidessus, en faisant remarquer que l'évêque ne figure pas au contrat en son nom personnel, mais qu'il agit, en réalité, comme mandataire ou gérant d'affaires des fidèles; car ce n'est ni lui qui paie la rémunération, ni pour lui que le service du culte est exercé. Quant à l'autorité incontestable qu'il a sur ses prêtres, il ne la tient pas du mandat que ses fidèles lui ont expressément ou implicitement donné, mais il en a été investi par les règles canoniques de l'Eglise, qui lui ont en même temps imprimé un caractère purement hiérarchique, de telle sorte que les limites très précises dans lesquelles cette autorité se trouve contenue laissent au prêtre une certaine indépendance dans l'accom. plissement des actes religieux de son ministère, et lui imposent en même temps une responsabilité correspondante. On ne saurait donc, à aucun point Ire PART. -48

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ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'il résulte des énonciations et constatations du jugement attaqué que la demoiselle Aoustin, institutrice, dirige à Chanteloup une école primaire, ouverte dans un local appartenant à un sieur de la Rochebrochard, et que ses rapports avec le propriétaire de ce local sont régis par une convention, en date du 29 août 1903, analysée par le tribunal, qui la définit dans les termes suivants : Attendu que cette convention constitue évidemment un contrat de travai entre la demoiselle Aoustin et de la Rochebrochard, auquel elle loue ses services moyennant 900 fr. par an, pour assurer la direction de l'école qui luí appartient »; Attendu que le jugement constate,en outre, que la demoiselle Aoustin ne peut retirer aucun autre émolument de l'enseignement qu'elle donne à l'école de Chanteloup, qui est gratuite, et qu'elle ne peut chercher ses moyens de subsistance ailleurs que dans le salaire qui lui est payé en rémunération du travail qu'elle accomplit; - Attendu que, dans les circonstances de fait ainsi souverainement constatées par lui, le tribunal de Parthenay, en ordonnant l'inscription de la demoiselle Aoustin sur la liste des assurés obligatoires de la commune de Chanteloup, bien loin de violer les articles, visés par le pourvoi, de la loi du 5 avril 1910, en a fait au contraire une exacte application; Rejette le pourvoi formé contre le jugement du tribunal de Parthenay en date du 6 févr. 1912, etc. Du 6 août 1912. Ch. civ. MM. Baudouin, 1er prés.; Ditte, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.).

2o Espèce.

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LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi :- Attendu que l'art. 1er de la loi du 5 avril 1910 accorde, dans les conditions déterminées par ladite loi, une retraite de vieillesse aux salariés de l'industrie, du commerce, des professions libérales et de l'agriculture, aux serviteurs à gages et aux salariés de l'Etat, des départements et des communes; Attendu

de vue, comparer les rapports de l'évêque et du curé avec ceux du patron et du salarié.

La même objection ne peut être soulevée en ce qui concerne le culte protestant, dont l'organisation fédérative n'apporte aucune restriction aux pouvoirs des pasteurs dans l'exercice de leur ministère.

Nous ne pouvons, en définitive, qu'approuver sans réserve la solution de la Cour de cassation relativement aux ministres du culte.

Essayons maintenant d'appliquer les mêmes principes aux rapports d'un instituteur libre et de la personne qui le rémunère pour la tenue d'une école primaire.

Par le contrat qu'il souscrit, l'instituteur prendil l'engagement de procurer, sous sa seule responsabilité et en toute indépendance, l'enseignement et l'éducation aux enfants confiés à ses soins, ou bien ne fait-il que placer son activité professionnelle à la disposition de la personne

que le jugement attaqué a décidé que l'abbé Bernard, en sa qualité de desservant de la paroisse de Dosnon, ne bénéficiait pas des dispositions de la loi du 5 avril 1910, et maintenu la radiation de son nom sur la liste des assurés obligatoires; - Attendu que les ministres du culte ne rentrent dans aucune des catégories prévues par l'art. 1er de la loi susvisée; qu'ils ne sont pas liés à l'évêque diocésain par un contrat de louage de services, et qu'en conséquence, les allocations qu'ils reçoivent de l'évêché ne constituent pas un salaire au sens de la loi; que, dès lors, en décidant que l'abbé Bernard ne pouvait bénéficier de la loi du 5 avril 1910, le jugement attaqué en a fait une exacte application;

Rejette le pourvoi contre le jugement du tribunal civil d'Arcis-sur-Aube, en date du 14 déc. 1911, etc.

Du 24 déc. 1912. — Ch. civ. — MM. Baudouin, ler prés.; Paul, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Bailby, av.

3o Espèce.

(Préfet du Nord C. Diény). ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique de cassation : Attendu qu'il résulte des qualités du jugement attaqué que Diény, pasteur de l'Eglise réformée évangélique de Quiévy, dont les émoluments annuels sont inférieurs à 3.000 fr., a été inscrit sur la liste des assurés obligatoires de ladite commune, et que le juge de paix de Carnières a maintenu cette inscription, en se fondant sur ce que Diény, lié par un contrat de travail envers l'association presbytérale de Quiévy, serait un salarié... des professions libérales >; Attendu qu'à bon droit, le jugement attaqué a infirmé cette sentence, et ordonné la radiation du nom de Dieny de la liste susmentionnée; Attendu, en effet, que les ministres du culte ne rentrent dans aucune des catégories prévues par l'art. 1er de la loi du 5 avril 1910; que les pasteurs des églises réformées évangéliques de France ne concluent pas, relativement à l'exercice de leur ministère, un contrat de louage de services avec les associations cultuelles légalement établies, et que, dès lors, les allocations qu'ils peuvent recevoir ne constituent pas un salaire, au sens

qui le paie, de façon que celle-ci reste entièrement maîtresse de donner à cet enseignement et à cette éducation la direction qui lui convient? Dans le premier cas, il y a louage d'industrie ou contrat d'entreprise, dans le second cas, louage de services faisant de l'instituteur libre un salarié.

La Cour de cassation a admis cette dernière solution dans la première espèce ci-dessus rapportée, où il était constaté en fait par le tribunal que l'instituteur (ou plus exactement l'institutrice) avait effectivement loué ses services. Cette constatation paraît, il est vrai, s'étayer sur l'unique motif que le local dans lequel l'enseignement était donné appartenait à la personne qui rémunérait l'instituteur, ce qui n'est peut-être pas une preuve péremptoire de l'engagement de subordination de l'instituteur envers son cocontractant. Le tribunal ajoutait encore que l'instituteur n'avait pas d'autre moyen de subsistance que le montant de cette munération; mais cette considération

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CASS.-CIV. 25 mars 1912

et 30 octobre 1912. RETRAITES OUVRIÈRES ET PAYSANNES, ASSURÉS OBLIGATOIRES, CLERC D'AVOUÉ, CLERC AMATEUR, RELIGIEUSE INFIRMIÈRE, COMMUNAUTÉ RELIGIEUSE, CONVENTION AVEC UN HOSPICE, LOUAGE DE SERVICES (ABSENCE DE) (Rép., vo Retraites ouvrières, n. 1 et s.; Pand. Rép., vo Retraites et pensions, n. 1654 et s.).

Ne peut être considéré comme un salarié, au sens de l'art. 1er de la loi du 5 avril 1910, et, par suite, ne doit pas être inscrit sur la liste des assurés obligatoires, le clerc d'avoué, qui, d'après les constatations souveraines des juges du fond, exerce cette fonction, non dans le but de se procurer des moyens d'existence, mais uniquement en vue de se préparer à une profession libérale, et dont les modestes emoluments ont le caractère de simples gratifications (1) (L. 5 avril 1910, art. Ier). 1re espèce.

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Ne peut davantage être inscrite sur la liste des assurés obligatoires la religieuse infirmière employée dans un hospice, qui n'est, ni au regard de l'administration hospitalière, ni même au regard de la communauté dont elle fait partie, locateur de services, et ne peut, par suite, être considé rée comme salariée (2) (ld.). 2o espèce.

Il en est ainsi, spécialement, alors que, le traité passé entre la congrégation et l'administration hospitalière réservant à la supérieure le droit de remplacer à son grẻ les religieuses employées, les juges du fond en ont déduit qu'il n'existait aucun lien de droit, et par suite aucun contrat de travail, entre l'administration hospitalière et les religieuses prises individuellement (3) (Id.). - Id.

ne vise que le point de savoir si le taux du salaire ne dépassait pas celui qui est admis pour les assurés obligatoires.

Quoi qu'il en soit, il s'agissait d'un contrat susceptible d'une double interprétation. Les juges du fond n'ont fait qu'user de leur droit souverain d'appréciation (V. sur le pouvoir d'appréciation des juges du fond en matière de retraites ouvrières, la note sous Cass. 7 mai 1913, précité, en choisissant celle qui, d'après les circonstances de la cause et sans dénaturer le sens du texte, leur a paru répondre le mieux à l'intention commune des parties. Leur décision échappait, à ce point de vue, à la censure de la Cour suprême.

ADRIEN SACHET,

Premier Président de la Cour d'appel de Montpellier.

(1-2-3) Les deux arrêts ci-dessus nous procurent l'occasion de faire un pas en avant dans l'étude

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