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(1-2) Il n'est peut-être pas sans intérêt d'appeler l'attention sur cet arrêt de la Cour de cassation, bien qu'il consacre des solutions devenues en quelque sorte banales, tellement elles paraissent certaines en jurisprudence, et aussi en doctrine. Il décide, en effet, d'une part, que la disposition de l'art. 317, C. instr. crim., prescrivant que les témoins seront entendus séparément, n'est pas imposée devant la Cour d'assises à peine de nullité (V. Cass. 16 avril 1818, S. et P. chr.; 8 mars 1855, S. 1855.1.621. P. 1856.1. 60, et le renvoi; 4 déc. 1885, motifs, Bull. crim., n. 336; 2 déc. 1892, Bull. crim., n. 311; 4 nov. 1893, Bull. crim., n. 293; Garraud, Tr. d'instr. crim., t. 2, p. 126, n. 421); et, d'autre part, ce qui est logique après une pareille affirmation, que ce texte est étranger à la procédure devant les tribunaux de simple police. V. Cass. 4 juin 1847 (S. 1847.1.832. P. 1847.2.571); 4 déc. 1885, précité. Quoiqu'il s'agisse, nous le répétons, d'une solution qui paraît assurée, on nous permettra d'indiquer certaines raisons de douter de l'exactitude de cette solution, et de trouver la pratique complètement étrangère à ce que l'étude scientifique du témoignage a révélé dans ces dernières années. V. Binet, La suggestibilité; Stern, Zur Psychologie der Aussage (Zeitschrift für die gesammte Strafrechts wissenschaft, vol. 22, p. 315); Claparède, Psychologie du témoignage (Bull. de l'Union intern. de dr. pén., vol. 17, p. 496).

Avant d'aborder la discussion, rappelons d'abord brièvement le système qui a triomphé en jurisprudence sur la réception du témoignage. Le Code d'instruction criminelle, pour assurer la fidélité si nécessaire du témoignage, a pris, dans les art. 316 et 317, trois mesures différentes. Il a ordonné, en premier lieu, que la déposition soit précédée de la formalité du serment, estimant que la crainte du parjure arrêterait ou préviendrait les témoignages mensongers, inspirés par l'amitié ou par la haine. Il a prescrit, en second lieu, que les dépositions soient faites séparément, afin que la déclaration d'un témoin ne reçoive pas d'influence de la part d'un autre témoin. Enfin, il a voulu que les personnes appelées en justice déposent librement, considérant, non sans raison, que la spontanéité de la déclaration est une garantie d'exactitude. Or, de cette triple règle, il est depuis longtemps acquis que la première seule a un caractère rigoureux (V. Cass. 6 sept. 1894, S. et P. 1894.1.479; Pand. pér., 1895.1.495; 13 nov. 1896, S. et P. 1897.1.430; Pand. pér., 1897.7.171, et les renvois), tandis que les deux autres peuvent être violées sans qu'il en résulte de nullité. V. Cass. 16 avril 1818, 8 mars 1855, 4 déc. 1885, 2 déc. 1892, 4 nov. 1893, précités. Et la doctrine a approuvé cette jurisprudence. A propos de l'audition séparée, Faustin Hélie, qui a toujours eu cependant un vif souci d'assurer l'impartiale administration de la justice, dit ce qui suit : . C'est là une précaution qui a pour objet d'empêcher que les dépositions soient influencées les ANNÉE 1913. 70-8° cah.

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DÉBATS, AUDITION DE TÉMOINS A DÉCHARGE (Rép., vo Tribunal de simple police, n. 404, 410; Pand. Rép., vo Témoins, n. 490 et s. 4o CASSATION, POURVOI DANS L'INTÉRET DE LA LOI ET DES CONDAMNÉS, RENVOI (Rép., v Cassation [mat. crim.], n. 1487 et s.; Pand. Rép., v Cassation criminelle, n. 2000 et s.).

1o La disposition de l'art. 317, C. instr. crim., qui prescrit que les témoins seront

unes par les autres, et de conserver à chacune son caractère propre et sa spontanéité; ce n'est point là toutefois une forme essentielle de la procédure (Tr. de l'instr. crim., 2o éd., t. 7, n. 3526). Et la même solution est donnée pour la spontanéité de la déposition: « Il s'agit moins d'ailleurs d'une forme que d'une règle de conduite pour le juge; ce que veut la loi, c'est que le témoin ne soit point assis sur la sellette comme le prévenu >> (op. cit., t. 4, p. 492, n. 1866).

Voilà le système de la pratique. Que vaut-il en réalité? Ne nous laissons impressionner, ni par l'importance des auteurs qui l'ont admis, ni par le nombre des arrêts qui l'ont consacré ; voyons-le en lui-même.

De récentes recherches, auxquelles se sont livrés divers psychologues modernes (V. Claparède, op. cit., p. 504; Stern, op. cit., p. 327), il résulte que le serment, auquel on avait attribué jusqu'ici une importance exclusive pour la véracité des témoignages, n'a pas en général l'influence qu'on lui prête, et ne donne pas une garantie bien considérable. Cela tient, semble-t-il, à une diminution de la foi religieuse et de la crainte du parjure, mais aussi à un développement de la conscience et du sentiment d'honneur, qui tend à rapprocher la déposition faite sans serment de celle précédée du serment, et qui porte tout homme loyal à dire la vérité, par respect pour lui-même et par scrupule des conséquences qu'un mensonge entraînerait pour autrui. On a calculé qu'entre les dépositions reçues sous la foi du serment et les dépositions non précédées de cette formalité, il y avait, en faveur des premières, seulement dix chances d'exactitude de plus sur cent que pour les secondes. V. Claparède, op. et loc. cit.

Le fossé que la pratique a établi entre la première des prescriptions du Code d'instruction criminelle, relativement aux formes de déposer, et les deux autres, n'est donc pas aussi profond qu'on pouvait le supposer. Ce n'est pas que le serment ne soit pas une formalité utile, et qu'il faille le supprimer. Loin de nous une pareille pensée ! Mais il y a lieu de rechercher si les deux autres mesures, ordonnées par le législateur, se rapprochant de celle qui concerne le serment, ne doivent pas, avec autant de raison que celle-ci, être considérées comme des formalités substantielles. Il semble que la seule préoccupation de la doctrine, et le seul souci de la jurisprudence, Boit la crainte des dépositions sciemment et volontairement mensongères : en d'autres termes, le danger des faux témoins. En réalité, il est un autre danger, peut-être plus grave, parce qu'il est plus commun, et plus difficile à découvrir, c'est celui des dépositions faites inexactement par des témoins de bonne foi; et, contre ce danger, le serment ne peut rien.

En soumettant à l'expérimentation la valeur du témoignage, on a mis en évidence ce fait qu'un très grand nombre d'inexactitudes étaient commises par des personnes de parfaite bonne foi,

entendus séparément, est spéciale à la Cour d'assises, où elle n'est pas d'ailleurs édictée à peine de nullité (1) (C. instr. crim., 317).

2o Cette disposition, n'ayant pas été reproduite dans l'art. 153, C. instr crim., et ne figurant dans aucun des textes relatifs à la procédure devant les tribunaux de simple police, est inapplicable à cette procédure (2) (C. instr. crim., 153, 317).

3o D'autre part, la loi n'ayant pas, à l'égard des tribunaux de simple police,

appelées à redire, au bout d'un temps même assez court, ce qu'elles avaient vu ou entendu. On a constaté ainsi que rien n'est plus fragile ni plus précaire que la preuve testimoniale, à laquelle la justice répressive fait un si fréquent appel, faute de disposer de moyens de preuve plus sûrs. Il a été établi, en effet, par des expériences de diverses natures, que les témoins, rapportant, d'une manière plus ou moins infidèle, ce qui a été placé sous leurs yeux, un dessin ou une scène imaginée à l'avance, sont fort nombreux, et que fort rares sont les témoignages reproduisant fidèlement et complètement la réalité. V. Stern, op. cit.

C'est qu'on a à faire à deux causes différentes d'erreur au temps, d'abord, qui produit un oubli plus ou moins grand de ce qui a été vu ou perçu ; et au travail de la mémoire, ensuite, qui modifie les perceptions éprouvées, et ajoute l'idée d'autres perceptions entièrement imaginaires, mais qui arrivent à être considérées comme réelles, parce qu'il paraît logique l'esprit qu'il en soit ainsi.

S'il n'y avait à tenir compte, comme facteur d'erreur, que du temps, le mal ne serait peut-être pas considérable; et l'oubli, qui fait sortir de la mémoire humaine le souvenir de certaines choses ou de certains faits, serait relativement de médiocre importance pour la justice. Il priverait, sans doute, celle-ci de renseignements qui pourraient lui être utiles. Mais il n'égarerait pas sa marche, il ne l'orienterait pas dans une fausse direction, en affirmant ce qui n'est pas. Par l'effet de l'oubli des témoins, des coupables pourront échapper à une répression méritée; du moins, aucun innocent ne sera convaincu par eux d'un crime qu'il n'a pas commis.

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Mais l'autre cause d'erreur, celle qui a pour raison le travail latent qui se fait dans le cerveau humain, est beaucoup plus importante et autrement grave. Comme l'a remarqué un psychologue étranger, il ne faut pas nous représenter l'esprit comme un réservoir, où l'on ne verserait que de l'eau, qui ne peut que s'évaporer. La mémoire est un milieu vivant; et, si l'on veut comparer l'esprit à quelque chose prise dans l'ordre physique, il faut le comparer à la terre dans laquelle on planterait une graine ». V. Claparède, op. cit., p. 503 et 504. Le cerveau n'enregistre pas simplement des perceptions du monde extérieur. Il les transforme en idées, parce que, d'abord, c'est pour lui un moyen facile de les retenir, et parce qu'ensuite, organe de raisonnement, il interprète et raisonne les phénomènes extérieurs qui lui parviennent. Il se fait donc dans l'esprit de l'homme un travail d'assemblage et de construction logique pour conserver et pour comprendre les perceptions extérieures; et ce travail a sur la mémoire, qui est chargée d'en livrer plus tard les impressions, une action déformatrice et une action ampliative, qui est une autre forme de déformation. A la réalité perçue se substitue une chose imaginaire, que l'on arrive à considérer comme réelle, et à affirmer comme telle, parce qu'elle est, ou I PART. - 52

édicté de dispositions spéciales sur la clôture des débuts devant ces tribunaux, le dernier état du débat n'est irrévocablement fixé que par le prononcé du jugement, et, jusque-là, le prévenu, dans l'intérêt de sa défense, et le ministère public, au nom de l'action publique, doivent être admis à conclure (1)(C. instr. crim., 153).

Le tribunal de simple police ne saurait donc repousser les conclusions des prévenus, tendant à faire entendre des témoins à décharge, sous prétexte que ces conclusions n'ont été déposées qu'après les conclusions du ministère public (2) (Id.).

4° Lorsque le pourvoi, formé dans l'inté rêt de la loi, est étendu à l'intérêt des condamnés, il y a lieu à un renvoi devant un tribunal compétent (3) (C. instr. crim., 441). (Intérêt de la loi. Aff. Chabaud, Maurel, Rullan, Aubert, Chastel, Colomb, Rosetti et Delaye).

ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Vu la lettre de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 24 avril 1911, donnant l'ordre à M. le procureur général près la Cour de cassation de se pourvoir, conformément à l'art. 441, C. instr. crim., contre deux jugements du tribunal de simple police de Sisteron, en date du 11 janv. 1911, qui ont condamné à des peines d'amende les

l'interprétation logique du phénomène que l'on a éprouvé ou le lien rationnel réunissant les souvenirs épars que l'on a conservés de ce phénomène, ou encore la conséquence que l'on croit nécessaire de la vision fragmentaire que l'on a eue d'un objet. Et, chose singulière, ce travail, qui se produit dans le cerveau, agit en sens opposé du temps; celui-ci diminue le nombre des souvenirs, celui-là l'augmente (V. Stern, op. cit., p. 358); de sorte que, tandis que la quantité des perceptions réelles, c'est-à-dire exactes, va en s'affaiblissant avec le temps, celle des perceptions imaginaires, et par suite erronées, grandit par l'effet du travail qui s'opère dans le cerveau.

Il n'a été question jusqu'ici que des causes d'erreurs inhérentes à la mémoire. Mais ce ne sont pas les seules causes de mécompte pour le juge. Les expériences, auxquelles on s'est livré, ont montré qu'il pouvait y avoir une suggestion, plus ou moins forte, exercée sur le témoin, d'après la manière de l'interroger et de lui poser des questions. Déjà, Bentham (Traité des preuves judiciaires, t. 1er, p. 218) en avait fait l'observation : « On comprend que, sous la forme interrogative, on peut communiquer au répondant toute espèce d'informations d'une manière déguisée. On peut le préparer sur la façon dont il doit répondre aux questions qu'on lui adresse; et l'interrogateur, en feignant d'ignorer, en feignant de demander une instruction, la donne lui-même au lieu de la recevoir ". Mais, Bentham ne croyait pas que l'interrogation suggestive pât donner lieu à de sérieux abus. Il y voyait le moyen de reproduire dans l'esprit d'un témoin honnête toute une série de souvenirs, et de réveiller en lui une foule d'idées dormantes (op. cit., p. 219). Reprenant de nos jours le problème de la suggestibilité des témoins, on a été conduit à de toutes autres conclusions. On s'est aperçu que le nombre des réponses erronées était en relation directe avec la force de la sug

nommés Chabaud, Maurel, Rullan, Aubert, Chastel, Colomb, Rosetti et Delaye, par application de l'art. 479, n. 8, C. pén.; Vu le réquisitoire de M. le procureur général, ensemble l'art. 441, ̊C. instr. crim.; Sur le moyen, pris de la violation, par fausse application des art. 317 et 153, C. instr. crim., et de la violation des droits de la défense : Attendu que les prévenus susnommés, poursuivis et condamnés pour tapage nocturne devant le tribunal de simple police de Sisteron, avaient, après l'audition des témoins produits par le ministère public et les conclusions de ce magistrat, demandé au juge de paix d'entendre des témoins à décharge, et que cette demande a été repoussée par le double motif: 1° que ces témoins n'avaient pas été indiqués en même temps que ceux du ministère public, et n'avaient pu, conformément aux art. 316 et 317, C. instr. crim., être mis dans la chambre spéciale et entendus séparément; 2° que la demande des prévenus n'avait pas été formée, conformément à l'art. 153, C. instr. crim., avant les conclusions du ministère public; Mais attendu, en premier lieu, que la disposition de l'art. 317, C. instr. crim., qui prescrit que les témoins seront entendus séparément, est spéciale à la Cour d'assises, où elle n'est même pas édictée à peine de nullité; qu'elle n'a pas

gestion; et l'on a constaté qu'il y avait des formes d'interroger plus vicieuses que d'autres. Si, par exemple, on veut savoir avec le plus de chance de certitude la couleur d'un objet, d'une cravate, il faut se contenter de demander au témoin: « Quelle est la couleur de ladite cravate? »; si on lui demande : « Etait-elle rouge ou verte? », on le suggestionne, et le nombre des réponses erronées augmente; si on l'interroge ainsi : « N'étaitelle pas de couleur verte? », le chiffre des erreurs s'élève encore. V. Binet, op. cit., p. 244 et s.; Claparède, op. cit., p. 497.

Il n'est pas douteux qu'une suggestion semblable s'exerce, quand le témoin entend, avant de faire sa déposition, les personnes qui ont vu les mêmes faits que lui. A son insu, il se fait dans son esprit un travail de réflexion et de comparaison entre ses propres souvenirs et ceux des personnes qu'il vient d'écouter; et, s'il a entendu un témoin affirmer que la cravate du prévenu était verte, que c'est bien celle que le président des assises lui montre sur la table des pièces à conviction, c'est comme si ce magistrat l'avait directement interpellé, et lui avait demandé à lui-même : . Cette cravate n'était-elle pas de couleur verte? n'est-ce pas celle qui est sur cette table? »; c'est-à-dire que les chances d'erreur sont au maximum !

Il est donc maintenant permis, semble-t-il, de dire que, pour obtenir la certitude, autant du moins qu'on peut l'avoir, de la véracité des dépositions, ce n'est pas au serment seulement qu'il faut songer, mais aussi à ces deux autres prescriptions, que sagement le Code d'instruction criminelle avait ordonnées, et dont l'importance est égale, sinon même supérieure, à celle du serment: l'audition séparée et l'auditionpontanée des témoins. Aucune précaution, en effet, ne doit être négligée dans une matière aussi grave, et où si facilement il est possible de prendre des faits imaginaires pour des faits réels, afin de se mettre à

été reproduite par l'art. 153 du même Code, et qu'elle ne figure dans aucune des dispositions relatives à la procédure devant les tribunaux de simple police; Attendu, en second lieu, que, pour la procédure suivie devant les tribunaux de simple police, la loi n'a pas édicté, comme pour les Cours d'assises, de dispositions spéciales sur la clôture des débats; que le dernier état du débat n'est irrévocablement fixé que par le prononcé du jugement, et que, jusque-là, le prévenu, dans l'intérêt de sa défense, et le ministère public, au nom de l'action publique, doivent être admis à conclure; qu'il suit de là que les jugements attaqués, en statuant ainsi qu'ils l'ont fait, ont faussement appliqué les articles visés au moyen et violé les droits de la défense; Casse, dans l'intérêt de la loi et des condamnés, les deux jugements susvisés du tribunal de simple police de Sisteron;... renvoie la cause et les prévenus devant le tribunal de simple police de Digne, etc. Du 24 juin 1911. Ch. crim. MM. le cons. Boulloche, prés.; Berchon, rapp.; Eon, av. gén.

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CASS.-CRIM. 22 juillet 1910.

1° CHASSE, DÉLIT, PRESCRIPTION, POINT DE

l'abri des chances d'erreurs. Il convient de le redire ce n'est pas le faux témoignage qui est le plus à redouter; le mensonge volontaire est plus facile à déceler que le mensonge inconscient. Ce qui est dangereux, ce sont les infidélités involontaires qui se glissent dans les dépositions des témoins de bonne foi, dont l'honorabilité est connue, et dont on ne met pås en doute la véracité. Il importe donc d'attacher le caractère de formalité substantielle à tout ce qui contribue à conserver au témoignage sa qualité de pureté. Par une contradiction regrettable, qui est le résultat d'une étude incomplète du témoignage, la pratique s'est attachée à un système différent. C'est, à notre sens, une doctrine dangereuse, dénuée de caractère scientifique. Les données de l'expérience de la science moderne tendent, en effet, imposer deux règles diamétralement opposées à celles que consacre la jurisprudence à savoir, d'une part, que la prescription d'entendre les témoins séparément est substantielle, ct, d'autre part, que cette mesure, écrite par le Code d'instruction criminelle, dans l'art. 317, en vue de la procédure devant la Cour d'assises, de vrait être observée devant toutes les juridictions répressives.

J.-A. Roux.

:

(1-2) Le principe de cette solution est consacré par la jurisprudence. V. pour les tribunaux de simple police, Cass. 17 janv. 1868 (S. 1868.1.424. P. 1868.1120), et le renvoi; 17 nov. 1883 (Bull. crim., n. 262); 19 avril 1894 (S. et P. 1894. 1.301); 17 janv. 1895 (Bull. crim., n. 26); et pour les tribunaux de police correctionnelle, Cass. 14 nov. 1896 (S. et P. 1898.1.478; Pand. per., 1897.7.129). V. toutefois, Bourges, 5 juin 1912 (S. et P. 1912.2.319; Pand. pér., 1912.2.319). Comp. la note sous cet arrêt.

(3) Point certain. V. Cass. 27 nov. 1869 (Bull. crim., n. 243).

DÉPART, SUSPENSION, PLAINTE, DÉLIT COMMIS A L'ÉTRANGER, DENONCIATION DU GOUVERNEMENT ÉTRANGER (Rép., v° Chasse, n. 1897 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 2081 et s.). 2o ETRANGER, DÉLIT COMMIS A L'ÉTRANGER, FRANÇAIS, PRESCRIPTION DE L'ACTION PUBLIQUE, POINT DE DÉPART, SUSPENSION, DÉNONCIATION DU GOUVERNEMENT ÉTRANGER (Rép., v° Prescription, n. 433 et s., 435; Pand. Rép., vo Action publique, n. 678 et s.).

1o La disposition de l'art. 29 de la loi du 3 mai 1844, qui fixe le point de départ de la prescription de trois mois, édictée pour les délits de chasse, au jour où le délit a été commis, a une portée générale et absolue, comme celles des art. 637 et 638, C. instr. crim., dont elle n'est que l'application (1) (C. instr. crim., 637 et 638; L. 3 mai 1814, art. 29).

Cette disposition ne fait aucune distinction pour le cas où il s'agit d'un délit dont la poursuite est subordonnée, soit à une plainte de la partie lésée, soit à une dénonciation officielle du gouvernement étranger sur le territoire duquel le délit a été commis, soit enfin à tout autre motif, d'où il résulterait que le ministère public n'a pas eu connaissance du délit et a été dans l'impossibilité d'agir (2) (Id.).

2 Ni la loi du 27 juin 1866, modificative des art. 5, 6 et 7, C. instr. crim., ni la loi du 3 avril 1903, n'ont d'ailleurs apporté aucune dérogation au droit commun, en ce qui concerne le point de départ de la prescription des délits commis par un Français en territoire étranger (3) (C. instr. crim., 5. 6, 7; LL. 27 juin 1866; 3 avril 1903).

En conséquence, la prescription de l'action publique, à raison d'un délit de chasse commis à l'étranger par un Français, délit dont la poursuite est subordonnée à la plainte de la partie lésée ou à la dénonciation du gouvernement étranger, n'est pas suspendue par l'impossibilité dans laquelle le ministère public s'est trouvé d'agir tant qu'il n'a pas été saisi de la plainte du gourernement étranger (4) (C. instr. crim., 5, 6, 7; LL. 3 mai 1844, art. 29; 27 juin 1866; 3 avril 1903).

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LA COUR; Statuant sur le pourvoi du procureur général près la Cour d'appel

(1 à 4) Lorsque, pour répondre à la demande des gouvernements étrangers, le législateur français élargit, en 1866, en revisant les art. 5, 6 et 7, C. instr. crim., la compétence extraterritoriale de la loi pénale, il a été incidemment observé par M. Lenormand, commissaire du gouvernement, qu'il n'était rien innové aux règles de la prescription, et que celle-ci, d'ailleurs soumise aux dispositions de la loi française, avait pour point de départ le moment où le fait avait été commis. V. S. Lois annotées de 1866, p. 40, 1re col., note 3. P. Lois décr., etc. de 1866, p. 70, 1 col., note 3. Rien de plus juste, au reste. C'est la loi pénale française qui étendait son empire au delà des frontières; elle l'étendait avec ses règles et avec ses principes. Or, il est de principe que le point de départ du délai, dans les prescriptions spéciales comme dans les prescriptions ordinaires, sauf dé

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de Besançon; Sur le moyen pris de la violation de la maxime: Contra non valentem agere non currit præscriptio, et de la fausse application des art. 29 de la loi du 3 mai 1844, 637, 638, C. instr. crim., en ce que l'arrêt attaqué a déclaré prescrite l'action du ninistère public, alors qu'il s'agissait d'un délit de chasse commis par un Français en pays étranger, délit dont la poursuite était subordonnée à la plainte de la partie lésée ou à la dénonciation du gouvernement étranger, et que le cours de la prescription a été nécessairement suspendu tant que le ministère public n'a pas eu connaissance du délit, puisque jusque-là il s'est trouvé dans l'impossibilité d'agir : Attendu qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que le délit de chasse commis sur le territoire d'Alsace-Lorraine, et imputé à deux ressortissants aux tribunaux français, l'a été à la date du 13 janv. 1908; que le gouvernement allemand, conformément aux prescriptions de l'art. 5, C. instr. crim., a dénoncé officiellement ce délit au gouvernement français, le 20 mars 1908, et que c'est seulement le 24 mai suivant, et plus de trois mois après la perpétration du délit, que le ministère public a saisi le juge d'instruction de la poursuite; Attendu qu'aux termes de l'art. 29 de la loi du 3 mai 1844, le point de départ de la prescription de trois mois, édictée pour les délits de chasse, a été fixé au jour où le délit a été commis; que cette disposition, comme celle des art. 637 et 638, C. instr. crim., dont elle n'est que l'application, est générale et absolue; qu'elle ne fait aucune distinction pour le cas où il s'agit d'un délit dont la poursuite est subordonnée, soit à une plainte de la partie lésée, soit à une dénonciation officielle du gouvernement étranger sur le territoire duquel le délit a été commis, soit enfin à tout autre motif, d'où il résulterait que le ministère public n'a pas eu connaissance du délit et a été dans l'impossibilité d'agir Attendu, d'autre part, qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 27 juin 1866, modificative des art. 5, 6 et 7, C. instr. crim., que le législateur n'a entendu apporter aucune dérogation au droit commun, en ce qui concerne le point de départ de la prescription des délits commis par un Français en territoire étranger; que l'addition faite le 3 avril 1903 à la foi de 1866 n'a pas davantage

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modifié ces principes; qu'en décidant, dans ces circonstances, que la maxime: Contra non valentem agere non currit præscriptio, invoquée par le pourvoi, était sans application dans la cause, et que la prescription du délit poursuivi était acquise, l'arrêt attaqué n'a violé aucun principe de droit, et à exactement appliqué les articles de loi visés au moyen; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme; Rejette le pourvoi formé par le procureur général près la Cour d'appel de Besançon contre l'arrêt de cette Cour, en date du 18 mars 1910, etc.

Du 22 juill. 1910. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Berchon, rapp.; Lénard, gén.

av.

CASS.-CRIM. 3 novembre 1911. 1° SOCIÉTÉS D'ÉPARGNE ET DE CAPITALISATION, APPEL A L'ÉPARGNE, ENGAGEMENT DÉTERMINÉ, ADJONCTION D'UN TIERS (Rép., vo Société de capitalisation, n. 3 et s., 25 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1 et s.). 2o MOTIFS.DE JUGEMENT OU D'ARRÊT, ARGUMENTS (Rép., v Jugement et arrêt [mat. civ. et comm.], n. 2044 et s.; Pand. Rép., V Jugements et arrêts, n. 1106 et s.).

1° Constitue une société de capitalisation, assujettie au régime de la loi du 19 déc. 1907, la société qui émet, contre la remise d'une certaine somme, payable partie comptant, et partie par des versements mensuels, des titres, dénommés obligations d'épar gne, garantissant un capital déterminé, représenté par des bons d'une autre société, remboursables à un taux fixe, par des obligations de la ville de Paris, et par la participation à des valeurs à lots, nommément désignées (5) (L. 19 déc. 1907, art. 1er).

En décidant que la société qui passait ces contrats faisait appel à l'épargne, et prenait, contre des versements périodiques, l'engagement de garantir aux souscripteurs le remboursement d'une somme determinée, les juges du fond, loin d'en dénaturer les clauses, en font une exacte interprétation (6) (Id.).

Et le caractère d'entreprise de capitali sation, qui appartient en conséquence à cette société, n'est pas modifié parce qu'elle s'est adjoint un tiers pour l'exécution de ses engagements (7) (Id.).

annotées de 1908, p. 647), les sociétés de capitalisation, avant de fonctionner, doivent être enregistrées au ministère du travail (art. 2). Sur les motifs de cette surveillance de l'Etat, V. S. et P. Lois annotées de 1908, p. 647, note 1, II; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 647, note 1, II. Dans son rapport à la Chambre des députés, M. Bonnevay désignait de la façon suivante les sociétés de capitalisation que la loi allait saisir :

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2o Les juges ne sont pas tenus de répon-envoyait un titre, intitulé : « Proposition

dre par des motifs spéciaux à tous les arguments développés dans les conclusions prises devant eux (1) (L. 20 avril 1810, art. 7).

(Audaire). ARRÊT

(apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le moyen pris de la violation, par fausse application, des art. 1er et 16 de la loi du 19 dec. 1907, 405, C. pėn., et violation des art. 1134, 1582 et s., C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs, en ce que l'arrêt attaqué a prononcé contre le demandeur des condamnations pour infractions à la loi relative aux sociétés de capitalisation, alors: 1° que le Crédit mutualiste, qu'il dirigeait, n'avait pas le caractère juridique de ces sortes d'entreprises, d'après les clauses précises des engagements contractés, dont les juges ont dénaturé la teneur; 2° et que, d'autre part, il a rejeté sans motif valable un imoyen de droit, tiré de l'impossibilité de se conformer aux décrets du 1er avril 1908:

Sur la première branche du moyen: Attendu que sont assujetties à la loi du 19 déc. 1907 les entreprises françaises ou étrangères de toute nature, qui, sous le titre de sociétés de capitalisation, de reconstitution de capitaux, ou sous toute autre dénomination, font appel à l'épargne en vue de la capitalisation, et contractent, en échange de versements uniques ou périodiques, directs ou indirects, des engagements déterminés; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dans le cours des années 1908 et 1909», Audaire, se disant directeur du Crédit mutualiste, a fait insérer, dans divers journaux de Paris et des départements, des annonces par lesquelles il offrait au public, contre la somme de 2 fr., la Nouvelle Pochette, avec 11.000 lots, au total de 82 millions, 224 tirages, comprenant notamment 24 lots de 600.000 fr., etc. »; qu'en réponse aux demandes qui lui étaient adressées, il

soutenait que son entreprise n'était pas une entreprise de capitalisation, car la combinaison qu'il offrait au public consistait simplement à vendre, moyennant le versement échelonné d'une somme de 200 fr., cinq bons d'une société différente (La Caisse syndicale), remboursables par voie de tirage au sort à 250 fr., auxquels il ajoutait 1/5° d'obligation de la Ville de Paris 1904, et la participation à dix valeurs à lots. Il s'engageait donc bien, disait-il, à livrer des titres, qui étaient ou pouvaient être susceptibles de procurer des avantages à celui qui les achetait; mais il ne s'engageait pas personnellement à rembourser leur valeur nominale; il n'entrait donc pas dans une opération de capitalisation des sommes reçues. En fait, l'excuse était vaine : l'obligation d'épargne, qu'il avait créée, et qu'il remettait à ses souscripteurs, portait expressément la garantie d'un capital-espèces de 250 fr. ; c'est ce que relève l'arrêt de la Cour de cassation, et c'est ce qui faisait qu'il se trouvait soumis à la loi du 19 déc. 1907: car, bien que ce capital dût être constitué par la remise de cinq bons d'une autre société, il garantissait, au moins sur son titre, la valeur nominale de ces bons, qu'il délivrait en échange des versements opérés entre ses mains.

d'obligation d'épargne, garantissant un capital-espèces de 250 fr. contre une somme de 200 fr., payable 2 fr. comptant, à la remise du titre, et le surplus en 33 versements mensuels de 6 fr. »; Attendu qu'il résulte également de l'arrêt que. comme mode de paiement, il était attribué à tout souscripteur 5 bons de la Caisse syndicale, remboursables à 50 fr. l'un, et deux primes, consistant en une obligation (cinquième) Ville de Paris 1904, et la participation immédiate à 10 titres à lots nommément désignés avec leurs numéros;

Attendu qu'en décidant que, par ce contrat, Audaire faisait appel à l'épargne, et prenait, contre des versements périodiques, l'engagement de garantir aux souscripteurs le remboursement d'une somme déterminée,l'arrêt attaqué, loin d'en dénaturer les clauses, en a fait une exacte interprétation; Attendu, en effet, que les sommes remises par les adhérents étaient versées en vue de la capitalisation; que la garantie d'un capital-espèces de 250 fr. ne pouvait être que le remboursement des versements capitalisés; qu'ainsi, l'entreprise dirigée par le demandeur était bien une entreprise de capitalisation, et que le caractère n'en saurait être modifié, parce qu'il se serait adjoint un tiers pour l'exécution de ses engagements;

Sur la deuxième branche du moyen : Attendu que, si le demandeur a allégué, dans les motifs de ses conclusions, l'impossibilité de se conformer aux décrets du 1er avril 1908, cette allégation ne constituait qu'un argument destiné à établir que l'entreprise qu'il dirigeait n'était pas une entreprise de capitalisation; - Attendu que les juges ne sont pas tenus de répondre par des motifs spéciaux à chacun des arguments des conclusions; qu'il suffit qu'ils statuent sur les chefs de demande qui leur sont soumis; Attendu, au surplus, que l'arrêt a fait une réponse suffisante à ladite allégation, par l'ensemble

(1) Principe certain. V. Cass. 12 avril 1907 (S. et P. 1910.1.155; Pand. pér., 1910.1.155); 11 déc. 1911 (S. et P. 1912.1.380; Pand. pér., 1912.1.380), et les renvois.

(2-3) La jurisprudence est fixée en ce sens depuis un arrêt du 25 nov. 1886 (S. 1887.1.349. - P. 1887.1.823; Pand. pér., 1888.1.37), que nous avons publié avec la lettre du garde des sceaux, et le réquisitoire du procureur général Ronjat. Adde, Cass. 7 nov. 1907 (Bull. crim., n. 444); 22 juill. 1909 (Bull. crim., n. 390). Mais la doctrine a élevé certaines objections contre cette interprétation très extensive, donnée au mot ordre de service, de l'art. 218, C. just. milit. V. Lacoste, Rer. algér., 1887, p. 29. Et il nous a paru, en effet, que ces réserves étaient justifiées. V. la note sous l'arrêt du 25 nov. 1886, précité.

Qu'on veuille bien y réfléchir : l'ordre adressé à un homme puni de salle de police de se rendre aux locaux de punition touche sans doute directement à la discipline, et, à ce point de vue, son inexécution pourra, comme faute contre la discipline, être punie de peines plus ou moins sévères, sous le nom de défaut d'obéissance ou de rébellion; mais ce n'est pas un ordre de service, à moins de confondre service et discipline. Car, il n'y a pas le service de la

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LA COUR; Sur les premier et troisieme moyens, pris de la violation de l'art. 218, C. just. milit., en ce que le conseil de guerre aurait à tort considéré comme un ordre de service l'ordre de se rendre aux locaux disciplinaires pour y subir une punition : Attendu que l'expression ordre de service doit être entendue dans le sens le plus général, et embrasse tous les ordres relatifs à l'accomplissement d'un devoir quelconque; qu'on doit, dès lors, l'appliquer aux injonctions que les chefs adressent à leurs subordonnés pour tout ce qui touche à la discipline, et spécialement à l'injonction.

salle de police, comme il y a le service armé (service de marche, de garde ou de planton, etc.) et le service non armé (service de corvées de tout genre). On ne commande pas un homme pour aller à la salle de police; on lui prescrit de s'y rendre. S'il n'obtempère pas à cette injonction, il commet une faute contre la discipline, mais il ne fait pas manquer un service, comme le soldat qui refuse de marcher quand l'ordre lui en est donné, ou de prendre la garde, quand son tour de faction est arrivé. Il en est de lui comme du militaire, rencontré dans les rues d'une ville en état d'ivresse ou en tenue irrégulière, à qui un supérieur ordonne de rentrer à la caserne, et qui s'y refuse. Ils commettent l'un et l'autre des fautes contre la discipline, mais non un délit de désobéissance à un ordre de service. Discipline et service ne sont pas synonymes.

Nous avons fait observer toutefois que la solution donnée par l'arrêt du 25 nov. 1886, qui a fixé la jurisprud nce, pouvait se justifier, parce que le supérieur avait en outre enjoint à l'homme puni de changer de tenue, et que la fixation de la tenue, suivant les exercices de la troupe, rentre normalement dans le service, et en est inséparable, étant un élément d'exécution de celui-ci.

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d'exécuter une peine disciplinaire; Attendu, en conséquence, qu'en enjoignant à Troy de se rendre à la salle de police, pour y subir la punition qui lui avait été infligée, le supérieur du susnommé lui a donné, au sens légal, un ordre de service; d'où il suit qu'en condamnant le demandeur à dix-huit mois d'emprisonnement pour refus d'obéissance, le conseil de guerre n'a nullement violé l'article visé au moyen;

Sur le second moyen: ... (sans intérêt); Rejette le pourvoi formé contre le jugement rendu le 10 oct. 1911 par le conseil de guerre de Toulouse, etc.

Du 16 nov. 1911. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Petitier, rapp.; Séligman, av. gén.

CASS.-CRIM. 29 décembre 1911. MANDATS DE JUSTICE, MANDAT D'ARRET, COPIE DÉLIVRÉE A L'INCULPÉ, MANDAT D'AMENER, ERREUR (Rép., vo Mandat de justice, n. 187 et s.; Pand. Rép., vo Arrestation, n. 194 et s.).

La loi n'attache pas la sanction de la nullité à l'obligation, écrite dans l'art. 97, C. instr. crim., de notifier le mandat d'ar rét, ou à la régularité de la notification (1) (C. instr. crim., 97).

Lanullité ne serait encourue que dans le cas où il aurait été porté atteinte aux droits essentiels de la défense (2) (Id.).

(1-2-3) Il y a certainement une méprise étrange commise, lorsqu'un mandat d'arrêt, délivré par le juge d'instruction, s'est converti, dans la copie qui a été remise à l'inculpé, en un mandat d'amener. Comment la transformation a-t-elle pu s'opérer, et par suite de quels événements le fonctionnaire, qui a copié l'original, a-t-il pu écrire un mandat tout opposé, de fond et de forme, à celui qu'il avait sous les yeux? Nous l'ignorons; quoi qu'il en soit, la substitution a été faite, et le mandat d'arrêt originaire est devenu dans la copie un mandat d'amener. Incarcéré en vertu d'un mandat dont il ignorait la teneur vraie, le prévenu s'est cru victime d'une arrestation arbitraire (C. pén., 122), et il a demandé au juge d'instruction, d'abord, à la chambre des mises en accusation, ensuite, de la faire cesser: celle-ci s'y est refusée, et la Cour de cassation a approuvé son refus, ce qui paraît exact.

Deux situations cependant sont à distinguer, qui ne comportent pas, semble-t-il, le même règle

ment.

Il y a lieu, en effet, de relever une atteinte portée au droit de la défense, si on décerne contre l'inculpé un mandat d'arrêt, avant qu'il ait comparu devant le juge d'instruction, ou alors qu'étant domicilié et non en fuite, il était possible de l'amener devant le magistrat instructeur sans le priver de sa liberté. Peut-être est-ce dans cette direction que l'on trouve l'explication la plus plausible de la transformation du caractère du mandat. Le fonctionnaire, qui l'a copié, a pu croire qu'il s'agissait de l'ouverture d'une information judiciaire, et que l'inculpé n'avait pas encore été interrogé par le juge d'instruction; connaissant l'art. 94, C. instr. crim., il a donc transformé le mandat d'arrêt en mandat d'amener. Si ce sont là les faits, il convient de reconnaître

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LA COUR; Sur l'unique moyen, pris de la violation des art. 93, 97, 608, 609, C. instr. crim., et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de base légale, en ce que la Cour d'appel a rejeté les conclusions du prévenu, tendant à faire juger que sa détention était arbitraire, alors qu'en présence de la notification d'un simple mandat d'amener qui lui avait été faite, les motifs donnés par l'arrêt sont inopérants: Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'un mandat d'arrêt a été décerné dans les formes légales contre Zucco, le 19 oct. 1911; que ce mandat, dont l'original est au dossier, a été régulièrement mis à exécution le lendemain 20 octobre; qu'à la vérité, la copie remise à Zucco, lors de son arrestation, contient, par suite d'une erreur matérielle, après la mention manuscrite « mandat, d'arrêt », les énonciations d'un mandat d'amener; Mais attendu que la loi n'attache pas la sanction de la nullité à l'obligation, écrite dans l'art. 97, C. instr. crim., de notifier le mandat d'arrêt ou à la régularité de la notification; que la nullité ne serait encourue que dans le

que l'incarcération du prévenu dans une maison d'arrêt était illégale, non pas parce qu'elle avait eu lieu en vertu d'un mandat dont la copie était irrégulière, mais parce que le mandat pris par le juge d'instruction était irrégulier. Le mandat d'arrêt était, en effet, nul, la loi n'autorisant le juge d'instruction à le décerner qu'après l'interrogatoire de l'inculpé, ou, avant cette formalité, en cas de fuite (C. instr. crim., 94). Il s'agit, en effet, d'une mesure grave, qui prive momentanément l'individu de sa liberté. Elle ne peut être ordonnée que tout autant que l'intéressé a été mis à même, par sa comparution devant le magistrat instructeur, de se disculper, ou qu'il est en faute de ne pas l'avoir fait. V. Cass. 4 août 1820 (S. et P. chr.). Adde, notre C. instr. crim. annoté, par G. Le Poittevin, sur l'art. 94, n. 43 et s.

Mais, ce grief, l'inculpé n'a pas songé à l'invoquer; peut-être est-ce parce qu'en fait, il n'existait pas; et c'est autre chose qu'il a allégué. Il a prétendu son arrestation arbitraire, simplement parce que la copie du mandat qui lui a été remise n'était pas conforme au mandat original, ou plutôt parce qu'elle n'autorisait pas son arrestation, et que c'était elle qui devait déterminer les droits de l'administration sur sa personne. C'est là la seule question qu'il a portée devant la Cour de cassation, et celle-ci n'a pas eu de peine à la résoudre contre sa prétention. L'art. 97, C. instr. crim., qui prescrit la notification à l'intéressé du mandat délivré contre lui, n'est pas sanctionné par une nullité formelle. La nullité n'est encourue que lorsqu'il est résulté du défaut de notification une atteinte aux droits de la défense. V. Cass. 31 janv. 1834 (S. 1834.1.490. · P. chr.); 5 févr. 1875 (Bull. crim., n. 40). Adde, notre C. instr. crim. annoté, par G. Le Poittevin, sur l'art. 97, n. 18 et s. Comp. Faustin Hélie, Tr. de l'instr. crim.,

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cas où il aurait été porté atteinte aux droits essentiels de la défense, ce qui n'a pas eu lieu dans l'espèce; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé; Rejette le pourvoi contre l'arrêt rendu le 14 nov. 1911 par la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Paris, etc. Du 29 déc. 1911. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Petitier, rapp.; Séligman, av. gén.; de Lalande, av.

CASS.-CRIM. 20 juillet 1911. ESPIONNAGE, DOCUMENTS, COMMUNICATION, PIÈCE D'ARTILLERIE (Rép.. v° Attentats et complots contre la sûreté de l'Etat, n. 70 et s., 138 et s., 162 et s.; Pand. Rép., vo Sûreté de l'Etat crimes et délits contre la], n. 46 et s., 126 et s.).

L'art. 1er de la loi du 18 avril 1886, sur l'espionnage, qui réprime toute communication, dans les conditions qu'il spécifie, de plans, écrits ou documents secrets inté ressant la défense du territoire ou la sùreté extérieure de l'Etat, comprend, sous l'expression de « documents », les objets matériels de nature à renseigner sur les secrets intéressant la défense du pays (4) (L. 18 avril 1886, art. 1).

Et notamment une pièce d'artillerie (la culasse d'une mitrailleuse, en l'espèce) (5) (Id.).

2o éd., t. 4, n. 1980; Garraud, Tr. d'instr. crim., t. 3, p. 101, n. 825, texte et note 16. Il a été jugé également que le défaut de remise de la copie du mandat, lors de la notification, n'était pas une cause de nullité, lorsqu'elle ne laissait pas l'inculpé dans l'ignorance de la mesure prise contre lui. V. Cass. 24 févr. 1883 (Bull. crim., n. 57). Adde, notre C. instr. crim. annoté, sur l'art. 97, n. 25 et s. Il en était de même ici : l'in culpé ne pouvait ignorer, l'incarcération ayant été exécutée contre sa personne, la mesure ordonnée à son égard.

La solution de l'arrêt est donc en droit justifiable. Sans croire qu'il faille transporter dans la procédure pénale les nullités qui existent dans les instances civiles, il y a lieu cependant d'observer qu'il y aurait de l'humanité et de la justice à assurer la régularité de l'exécution d'un acte aussi important qu'un mandat d'arrestation, et à faire en sorte qu'aucune erreur essentielle ne se glisse dans sa délivrance. S'il n'y a pas violation des droits de la défense, lorsque le prévenu reçoit un mandat d'amener, alors que c'est un mandat d'arrêt qui a été décerné contre lui, puisque sa défense n'en est pas entravée, on ne peut nier que l'erreur commise ne puisse lui être préjudiciable. Il n'est pas indifférent pour lui de savoir, au moment même où le mandat lui est notifié, quelle mesure le juge d'instruction a prise; car ses dispositions seront naturellement différentes, suivant qu'il s'agit d'une simple comparution devant le juge d'instruction, ou d'une incarcération immédiate; il est donc intéressé à savoir la nature du mandat décerné contre lui.

(4-5) L'inculpé alléguait pour sa défense qu'ayant livré à une puissance étrangère une pièce d'artillerie (la culasse d'une mitrailleuse), il ne tombait pas sous l'application de l'art. 1o de la loi

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