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(Deschamps).

Deschamps, caporal dans un régiment d'infanterie, ayant vendu à l'Allemagne la culasse d'une mitrailleuse, a été renvoyé, par arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour de Paris, du 13 juin 1911, devant la Cour d'assises de la Marne, sous l'inculpation de vol qualifié et livraison d'un document secret intéressant la défense du territoire à des personnes non qualifiées pour le connaître. L'accusé s'est pourvu en cassation contre cet arrêt.

ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Vu le pourvoi formé par Deschamps (Maurice-Louis-Joseph) contre un arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Paris, en date du 13 juin 1911, qui l'a renvoyé devant la Cour d'assises du département de la Marne, comme accusé de vol qualifié, livraison d'un document secret intéressant la défense du territoire ou la sûreté extérieure de l'Etat français à des personnes non qualifiées pour le connaitre, et port d'arme prohibée; Attendu que la chambre des mises en accusation était compétente, et qu'il en est de même de la Cour d'assises, devant laquelle l'accusé est renvoyé; Attendu que l'arrêt est rédigé et signé conformément à la loi, qu'il a été rendu par le nombre de juges fixé par elle, que le ministère public a été entendu, et que le premier des faits connexes dont Deschamps est accusé est qualifié crime par les art. 379, 381, 384 et 386, C. pén.; Attendu que l'art. 1er de la loi du 18 avril 1886 réprime toute communication, dans les conditions spécifiées audit article, de plans, écrits ou documents secrets intéressant la défense du territoire ou la sûreté extérieure de l'Etat; Attendu que

a

du 18 avril 1886, qui ne vise que la communication, dans les conditions qu'il spécifie, de plans, écrits ou documents secrets. Avec plus de raison, la Cour de cassation a écarté cette objection, et donné au mot « document », qui figure dans ce texte, une signification fort large. Un document, en effet, n'est pas seulement une pièce écrite. O C'est, dit Littré, Dictionnaire, vo Document, toute chose qui enseigne ou renseigne». Un objet quelconque peut donc devenir un document, lorsqu'un enseignement peut être tiré de son examen. Il n'est pas à supposer, au surplus, que les auteurs de la loi de 1886, qui réprimaient l'espionnage, aient laissé en dehors de leurs prévisions une partie des secrets de la défense nationale, tels que armement, canons, fusils, balles, poudres, alors que nos progrès nous constituaient une supériorité sur les autres nations, que l'espionnage devait essayer de nous enlever.

On observera, d'autre part, que l'inculpé, quoique militaire, a été poursuivi sous l'inculpation d'espionnage, et non pas pour crime de haute trahison. V. sur la distinction de ces deux infractions, les observations de M. Roux, sous Cass. 22 mai 1908 (S. et P. 1911.1.121; Pand. pér., 1911.1.121).

(1) L'art. 15, alin. 1er, du décret du 10 août 1852 dispose qu' « aucune voiture marchant isolément ou en tête d'un convoi ne pourra circuler dans la nuit sans être pourvue d'un falot ou d'une

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CASS.-CRIM. 11 novembre 1911. ROULAGE (POLICE DU), VOITURES, LANTERNE, STATIONNEMENT, ACCOTEMENT DE LA ROUTE, MODE D'ÉCLAIRAGE DIFFÉRENT (Rép., v Roulage [Police du], n. 66 et s.; Pand. Rép., vo Roulage, n. 272 et s.).

En exigeant l'éclairage des voitures circulant sur les routes pendant la nuit, le décret du 10 août 1852 a eu en vue toute la durée de leur trajet, sans distinction entre le temps de marche proprement dit et les temps d'arrêt survenus au cours de la marche (1) (Décr., 10 août 1852, art. 15).

Et l'accotement d'une route, dépendance de celle-ci, est soumis aux mêmes prescriptions légales que celles qui s'appliquent à la voie publique (2) (Id.).

D'autre part, le voiturier n'est pas autorisé à substituer un autre mode d'éclairage à celui déterminé par la loi (3) (Id.).

Manque donc de base légale, le jugement qui relaxe un prévenu, poursuivi pour avoir laissé stationner sa voiture allelée, non pourvue d'une lanterne allumée, sous prétexte que la voiture se trouvait sur l'accote

lanterne allumée ». La jurisprudence a appliqué ce texte, non seulement aux voitures qui circulent, mais encore à celles qui stationnent, lorsque leur arrêt, au cours du trajet qu'elles effectuent, est momentané. V. Cass. 14 janv. 1859 (S. 1859.1. 543.-P. 1859.1055); 2 févr. 1861 (S. 1861.1.1018. P. 1861.1053); 31 déc. 1891 (Pand. pér., 1893.1. 288; Bull. crim., n. 259); et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Roulage (Police du), n. 66; Pand. Rep., vo Roulage, n. 272. Une voiture, en effet, peut être considérée comme circulant dans tout l'intervalle de temps entre le moment de son départ et son arrivée au lieu de destination, lorsqu'elle ne fait sur la voie publique que des stationnements momentanés. Durant ce temps d'arrêt, comme pendant sa marche, il y a les mêmes raisons d'exiger l'accomplissement rigoureux des précautions relatives à l'éclairage. V. Cass. 2 févr. 1861, précité. Faute de quoi, il serait des plus facile à un voiturier, pour éviter la constatation de la contravention, d'arrêter sa voiture à l'approche des agents verbalisateurs, et de ne la remettre en marche qu'après leur départ ou qu'après s'être conformé à la prescription légale. V. Cass. 14 janv. 1859, précité.

Mais, si le stationnement se prolonge et cesse de pouvoir être considéré comme un incident de la circulation, alors, l'art. 15 du décret du 10 août 1852 devient inapplicable; et il ne peut plus y avoir de poursuite qu'en vertu de l'art. 471, n. 4, C. pén., pour embarras de la voie publique.

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LA COUR; Vu l'art. 442, C. instr. crim.; Sur le moyen pris de la violation, pour défaut d'application, de l'art. 15 du décret du 10 août 1852: Vu ledit article, disposant « qu'aucune voiture marchant isolément en tête d'un convoi ne pourra circuler pendant la nuit, sans être pourvue d'un falot ou d'une lanterne allumée »; Attendu que procès-verbal a été dressé contre Monniot (Claude-Louis), pour avoir, le 28 mars 1911, à 7 heures du soir, laissé stationner, sur la route départementale n. 11, une voiture attelée d'un cheval. sans être pourvue d'une lanterne allumée; que, traduit devant le tribunal de simple police pour infraction à l'art. 15, susvisé, du décret du 10 août 1852, Monniot a été relaxé, pour ce motif « que la voiture se trouvait sur l'accotement de la route, à proximité d'un réverbère allumé »; Attendu qu'en exigeant l'éclairage des voitures circulant sur les routes pendant la nuit, dans un but de sécurité publique, le décret susvisé a eu non moins évidemment en vue toute la durée de leur trajet, sans distinction entre le temps de marche proprement dit et les temps d'arrêt survenus au cours de la marche; Attendu que l'accotement de la route, dépendance de celle-ci, est soumis aux mêmes prescriptions légales que celles qui s'appliquent à la voie publique; Attendu qu'en admettant qu'un mode d'éclairage pouvait être substitué par le prévenu à celui déterminé par la loi, et en suppléant des excuses non prévues par elle, le juge de police a violé le texte visé au moyen :

Casse, dans l'intérêt de la loi, le jugement du tribunal de simple police de

La distinction des deux hypothèses pourra être, dans certains cas, assez délicate à faire, surtout si le stationnement a lieu devant une maison. Il y aura lieu, pour déterminer si le décret de 1852 est applicable, de s'attacher aux circonstances de fait. Ainsi, la circonstance que la voiture demeure attelée est de nature à faire supposer que le voiturier ne s'est que momentanément arrêté, et que la voiture est, par suite, en circulation, au sens de l'art. 15 du décret de 1852.

(2) L'accotement de la route, faisant partie de la voie publique, est soumis aux prescriptions légales qui concernent celle-ci. C'est ce qui a été jugé pour l'application du § 4 de l'art. 471, C. pén., à propos de stationnement sur la voie publique. V. Cass. 11 sept. 1851 (Bull. crim., n. 378) Bien évidemment, la solution est la même pour le défaut d'éclairage.

(3-4) L'éclairage de la voie publique, par les soins de la municipalité ou l'initiative privée, ne saurait avoir pour conséquence de supprimer l'obligation, imposée aux voituriers par le décret du 10 août 1852, de munir leurs véhicules d'une lanterne. Ce texte ne prévoit aucune exception pour quelque cause que ce soit. Ainsi, il a été jugé qu'il ne pouvait être suppléé à l'obligation légale par le fait de placer une lumière à l'intérieur d'une maison, en laissant les contrevents ouverts pour éclairer une charrette, placée au-devant de la maison. V. Cass. 15 oct. 1852 (Bull. crim., n. 350).

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CASS.-CRIM. 24 novembre 1911. RELEGATION, CASSATION, CONTRÔLE, DATE DES INFRACTIONS (Rép., v Relégation, n. 199 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 112 et s.).

Les jugements ou arrêts, qui prononcent la relégation, ou les peines qui lui sont substituées par des dispositions spéciales de la loi du 27 mai 1885, doivent renfermer des constatations permettant à la Cour de cassation de vérifier si chacun des faits. qui ont motivé les condamnations successives, retenues pour l'application de la relegation ou des peines accessoires qui lui sont substituées, est postérieur à la date à laquelle la condamnation précédente était devenue définitive (1) (L. 27 mai 1885, art. 4 et 8).

Il ne suffit pas qu'ils énoncent que chacun des fails retenus est postérieur à l'époque à laquelle la condamnation était devenue définitive; ils doivent indiquer la date à laquelle chacun de ces faits à été commis (2) (Id.).

(Boulanger). ARRÊT

(apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; En ce qui touche la peine principale... (sans intérêt); - Rejette;

En ce qui touche la peine accessoire de la détention dans une colonie pénitentiaire, prononcée par application des art. 6 et 8 de la loi du 27 maí 1885 : - Sur le moyen pris d'office de la violation des art. 4 et 10 de ladite loi, ainsi que de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 -- Vu lesdits articles;

(1-2) L'exigence que manifeste la Cour de cassation paraît justifiée. Elle ne peut exercer le contrôle, que l'art. 10 de la loi du 27 mai 1885 lui reconnaît sur la légalité de l'application de la relégation, que tout autant qu'elle trouve dans l'arrêt rendu les moyens de procéder à une vérification. Or, si les juges se bornent à déclarer que chacun des faits, qu'ils ont retenus en vue de la relégation, était postérieur à l'époque à laquelle la condamnation précédente était devenue définitive, sans faire connaître la date à laquelle ces faits ont été commis, le contrôle devient impossible : en affirmant le caractère définitif de ces condamnations, ils tranchent une question de droit, dont la vérification échappe à la Cour de cassation. V. Cass. 31 août 1905 (Bull. crim., n. 422); 31 mai 1906 (Bull. crim., n. 236); 10 août 1906 (Bull. crim., n. 332); 3 avril 1909 (Bull. crim., n. 210); 12 mars 1910 (Bull. crim., n. 184). V. aussi, Cass. 16 nov. 1906 (S. et P. 1907.1.111), et les renvois; 28 juin 1910 (Bull. crim., n. 328); 3 nov. 1911 (Bull. crim., n. 489).

Dans l'arrêt actuel, la Cour de cassation affirme à nouveau le système qu'elle a admis, et d'après lequel, pour encourir la relégation, le prévenu doit avoir reçu, entre chacun des délits retenus, l'avertissement résultant d'une condamnation définitive. V. Cass. 8 juin 1905 (S. et P. 1908.1.201; Pand. pér., 1908.1.201), et les renvois. Mais V. la critique de cette solution, qui retarde inutilement l'application de la relégation, dans la note

Attendu que les jugements ou arrêts, qui prononcent la relégation, ou les peines qui lui sont substituées par les dispositions spéciales de la loi du 27 mai 1885, doivent renfermer des constatations permettant à la Cour de cassation de vérifier si chacun des faits, qui ont motivé les condamnations successives retenues pour l'application de ces peines accessoires, était postérieur à la date à laquelle la condamnation précédente était devenue définitive, de sorte qu'entre chacun des délits poursuivis, le prévenu ait reçu l'avertissement exigé par la loi; Attendu que le jugement, dont l'arrêt attaqué s'est approprié les motifs, relève à la charge du demandeur, en vue de l'application de l'art. 4, § 3, de la loi du 27 mai 1885, quatre condamnations pour vol et abus de confiance à plus de trois mois de prison; mais qu'il ne fait pas connaître à quelle date a été commis le délit qui a motivé la seconde de ces condamnations; qu'à la vérité, il énonce que chacun des faits ayant entraîné les quatre condamnations dont il s'agit était postérieur à l'époque à laquelle la condamnation précédente était devenue définitive; mais qu'il s'agit là d'une question de droit, et qu'une telle affirmation n'a pas un caractère souverain; qu'ainsi, d'aucune des énonciations dudit jugement, il n'apparaît avec certitude que la seconde des condamnations qu'il vise doive être comprise au nombre de celles exigées par l'art. 4, § 3, de la loi du 27 mai 1885; d'où il suit que la disposition, qui prononce la peine de la détention dans une colonie pénitentiaire, manque de base légale; Casse, mais dans la partie seulement qui a prononcé la peine accessoire de la détention dans une colonie pénitentiaire, l'arrêt rendu,

-

de M. Roux sous Cass. 8 juin 1905, précité.

(3) La loi du 1er août 1905, sur les fraudes commerciales, art. 8, in fine, a refusé le bénéfice du sursis aux amendes prononcées en vertu de cette loi. C'est une réaction, heureuse d'ailleurs, contre le système du sursis à l'exécution des peines établi par la loi du 26 mars 1891, qui est parfaitement justifiable, quand il s'agit de la peine d'emprisonnement, mais qui l'est beaucoup moins pour les simples condamnations pécuniaires. Les auteurs de la loi du 1er août 1905 ne se sont pas élevés cependant jusqu'à cette question de principe. Ils ont été simplement déterminés par cette considération qu'il fallait réprimer sévèrement les fraudes commerciales, dont le développement prenait des proportions dangereuses, et que l'application du sursis pourrait constituer un énervement de la répression. Ils ont, de plus, tenu compte de ce que, si les juges persistaient à n'appliquer que des peines pécuniaires en cas de récidive, le bénéfice du sursis, que la loi de 1891 n'a retiré qu'en cas de condamnation à l'emprisonnement (art. 1er), serait conservé, bien que le condamné, par la réitération de ses délits, s'en fût montré indigne. V. l'exposé des motifs de la loi de 1905 (S. et P. Lois annotées de 1906, p. 159, note 55; Pand. pér., 1905.3.249, note 3). Adde, Monier, Chesney et Roux, Tr. sur les fraudes et les falsif., t. 1er, n. 317 et 318.

(4) V. conf., Cass. 30 août 1900 (3 arrêts) (motifs) et 9 janv. 1903 (motifs) (S. et P. 1903.1.253). Bien qu'admise par la jurisprudence, la cassation

le 25 oct. 1911, par la Cour d'appel de Paris, les autres dispositions dudit arrêt demeurant expressément maintenues, etc.

Du 24 nov. 1911.-Ch. crim.-MM. Bard, prés.; Bourdon, rapp.; Eon, av. gén.

CASS.-CRIM. 16 décembre 1911. PEINE, SURSIS, FALSIFICATION, LOI DU 1er AOUT 1905, AMENDE, CASSATION PARTIELLE, CASSATION SANS RENVOI (Rép., vo Circonstances aggravantes et atténuantes, n. 125 et s.; Pand. Rép., Suppl., v° Comestibles corrompus, etc., n. 28 et s.).

Les condamnations à l'amende, prononcées en vertu de la loi du 1er août 1905, n'étant pas susceptibles de sursis (3), lorsque le bénéfice du sursis a été accordé à tort à un condamné, cette décision, étant indépendante des autres dispositions de l'arrêt, doit être annulée par voie de retranchement et sans renvoi, lorsqu'il ne reste plus rien à juger (4) (LL. 26 mars 1891; 1er août 1905, art. 8).

(Caille). ARRÊT

(apr. délib. en ch, du cons.).

LA COUR; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'art. 8, Vu ledit § 4, de la loi du 1er août 1905 : article, lequel est ainsi conçu: « Le sursis à l'exécution des peines d'amende édictées par la présente loi ne pourra être prononcé en vertu de la loi du 26 mars 1891; Attendu que la Cour d'Amiens, après avoir prononcé contre Caille une condamnation à 200 fr. d'amende, par application de l'art. 1or, $ 3, de la loi du 1er août 1905, a ordonné qu'il serait sursis à l'exécution de cette peine; qu'elle a ainsi violé la disposition de la même loi

par voie de retranchement du bénéfice du sursis, et sans renvoi, n'en semble pas moins une décision fort critiquable. Il n'est ignoré de personne que, pour accroître l'effet préservatif d'une récidive, les juges, lorsqu'ils accordent le sursis à l'exécution de la peine, ont l'habitude de prononcer une condamnation plus sévère que ne le comporte la gravité du délit, sachant que celle-ci ne doit pas être exécutée, ou que, si elle l'est, ce sera par suite d'une faute du condamné, qui se sera montré indigne de la faveur qui lui a été faite.

Il n'y a donc, au point de vue de l'équité, absolument rien à redire contre cette pratique, qui applique en matière pénale ce que fait couramment la justice civile en matière d'astreintes. Mais l'injustice apparaît, et l'exagération intentionnellement voulue de la condamnation devient une iniquité, si le sursis a été accordé à tort, et que la Cour de cassation le supprime par voie de retranchement, laissant subsister pour le surplus la condamnation, qui sera alors mise à exécution sans réduction. Il nous semble donc qu'au lieu de déclarer, comme elle l'a décidé, la disposition relative à la loi de sursis indépendante des autres dispositions de l'arrêt, la Cour de cassation aurait fait une œuvre de justice plus pleine, comme étant plus exacte, en tenant compte de la façon dont les juges calculent la peine, quand ils prononcent le sursis, et, par conséquent, en ne laissant pas subsister partiellement une condamnation qui n'est équitable qu'avec l'octroi du bénéfice du sursis.

visée au moyen; Attendu, d'ailleurs, en ce qui concerne les autres dispositions de la décision attaquée, que l'arrêt est régulier en la forme, et que les faits qu'il constate souverainement justifient la qualification retenue et la peine appliquée; Sur l'étendue de la cassation:

Attendu que la disposition relative à la loi de sursis est indépendante des autres dispositions de l'arrêt; qu'elle doit donc être annulée par voie de retranchement et sans renvoi, lorsqu'il ne reste plus rien à juger, ce qui est le cas de l'espèce : -Casse l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, en date du 7 juill. 1911, mais seulement en ce qu'il a ordonné à tort qu'il serait sursis à l'exécution de la peine d'amende prononcée, les autres dispositions dudit arrêt demeurant expressément maintenues; Prononce cette cassation par voie de retranchement et sans renvoi, rien ne restant à juger, etc.

Du 16 déc. 1911.-Ch. crim. - MM. Bard, prés.; Mercier, rapp.; Séligman, av. gén.

CASS.-CRIM. 23 février 1912. FRAIS EN MATIÈRE CRIMINELLE, POURVOI EN CASSATION, PARTIE CIVILE, PRÉVENU ACQUITTÉ, INDEMNITÉ, OMISSION, ADMINISTRATION DES CONTRIBUTIONS INDIRECTES (Rép., vo Dépens, n. 3905 et s.; Pand. Rép., vo Frais et dépens, n. 1286 et s., 1348 et s.).

Lorsqu'en rejetant le pourvoi de la partie civile, la Cour de cassation a omis de la condamner à l'indemnité de 150 fr. envers le prévenu acquitté, prévue par l'art. 436, C. instr. crim., cette omission peut être réparée par un arrêt postérieur (1) (C. instr. crim., 436).

La pénalité est applicable à la Régie des contributions indirectes comme à toute

autre personne (2) (Id.). Sol. implic.

(Fouché C. Admin. des contrib. indir.). ARRÊT.

LA COUR; Vu la requête produite au

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(1) V. conf. Cass., 22 août 1874 (Bull. crim., n. 242). Il est impossible de ne pas approuver cette solution, qui permet de respecter la disposition formelle de l'art. 436, C. instr. crim. D'ailleurs, d'une manière générale, il appartient à la Cour de cassation de réparer les omissions matérielles qui se sont glissées dans ses arrêts. V. notamment, Cass. 14 avril 1910 (Supra, 1" part., p. 114), et la note.

(2) La portée de l'art. 436, C. instr. crim., d'après lequel les administrations ou régies de l'Etat, et les agents publics, qui succombent dans leur recours en cassation, seront condamnés aux frais et à l'indemnité de 150 fr. envers la partie acquittée, absoute ou renvoyée, est obscure. Un arrêt du 4 juill. 1861 (S. 1861.1.915. - P. 1862. 201) en a dispensé les administrations publiques, lorsqu'elles poursuivent des infractions intéressant exclusivement l'ordre public. Mais un arrêt postérieur du 28 août 1868 (S. 1869.1.189. 1869.442), ne contenant plus cette restriction, a appliqué cette disposition aux administrations publiques, même quand elles participent à l'exercice de l'action publique. L'arrêt actuel ne semble même pas supposer qu'une difficulté puisse se

P.

nom de Fouché; Attendu que le pourvoi de l'Administration des contributions indirectes contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, en date du 31 mars 1911, portant relaxe de Fouché, a été rejeté par la chambre criminelle le 9 févr. 1912; que l'une des conséquences légales de ce rejet était, aux termes de l'art. 436, C. instr. crim., la condamnation de l'Administration demanderesse à l'indemnité envers le prévenu acquitté; que, néanmoins, la Cour, dans son arrêt, a omis de prononcer cette condamnation; que rien ne s'oppose à ce que, sur la demande de Fouché, cette omission soit réparée; qu'en effet, la disposition de l'art. 436, C. instr. crim., est absolue, et doit être observée dans tous les cas où le pourvoi contre un arrêt d'acquittement a été rejeté; Condamne l'Administration des contributions indirectes à l'indemnité de 150 fr. envers Fouché, etc. Du 23 févr. 1912. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Petitier, rapp.; Séligman, av. gén.

CASS.-CRIM. 27 avril 1912. CONTRIBUTIONS INDIRECTES, VISITE DOMICILIAIRE, ORDRE DE VISITE, SOUPÇON DE FRAUDE, MOTIF INSUFFISANT (Rép., vo Contributions indirectes, n. 248 et s.; Pand. Rép., vo Impôts, n. 7292 et s.).

Rien ne s'oppose à ce que l'ordre de visite fasse état d'une enquête à laquelle les employés de l'Administration des contributions indirectes ont procédé, sans qu'il soit nécessaire que les éléments de cette enquête soient analyses (3) (L. 6 août 1905, art. 15).

Mais, le fait allégué de la cohabitation d'une prévenue avec un contrebandier, énoncé dans l'ordre de visite comme résultant de l'enquête des agents, ne peut, en l'absence de circonstances plus précises, constituer un motif de soupçon de fraude propre à justifier une perquisition (4) (Id.). (Admin. des contrib. indir. C. Dame Nadal). ARRÈT.

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Sur le moyen unique, pris

poser. V. conf. Cass., 21 mai 1897 (motifs) (Pand. pér., 1898.1.133; Bull. crim., n. 180). Il est vrai que l'idée que la Régie des contributions indirectes agit comme une partie civile, et que son action est une action civile, a fait des progrès en jurisprudence. V. Cass. 9 févr. 1912 (S. et P. 1912. 1.593; Pand. pér., 1912.1.593). Mais V. la note de M. Roux sous cet arrêt, § 2.

(3-4) Dans l'arrêt ci-dessus la Cour de cassation précise la doctrine de son précédent arrêt du 25 nov. 1910 (S. et P. 1912.1.62; Pand. pér., 1912.1.62). D'après celui-ci, la mention, faite dans l'ordre de visite, que la Régie a puisé ses soupçons dans une enquête effectuée par ses agents, constitue une énonciation vague, et ne répond pas au vœu des nouvelles dispositions ajoutées à l'art. 237 de la loi du 28 avril 1816 par l'art. 15 de la loi du 6 août 1905, qui exigent que l'ordre de visite contienne des indications suffisamment précises pour que l'intéressé soit instruit avant la visite des motifs du soupçon dont il est l'objet. Dans l'arrêt ci-dessus, la Cour de cassation décide qu'il peut être fait état, dans l'ordre de visite, d'une enquête des employés de la Régie, sans que les éléments de cette enquête soient analysés. Ainsi,

de la violation par fausse application de l'art. 237 de la loi du 28 avril 1816, modifié par l'art. 15 de la loi du 6 août 1905, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nul un procès-verbal dressé à la suite d'une visite dans l'habitation d'un débitant de boissons, sous le prétexte que l'ordre de visite en vertu duquel la perquisition est opérée ne faisait pas connaître les motifs sur lesquels était basé le soupçon de fraude, alors qu'il y était énoncé que les employés soupçonnaient la femme débitante de recéler de l'alcool de fraude pour le compte du contrebandier avec qui elle cohabitait: Attendu que l'ordre de visite, en vertu duquel il a été procédé à une perquisition dans le débit et dans les dépendances du débit de la prévenue, portait que celle-ci était soupçonnée de recéler de l'alcool en fraude pour le compte du sieur Petit (Pierre), contrebandier, avec qui elle cohabite, ainsi que cela résulte des renseignements parvenus à notre connaissance et de nos investigations personnelles » ; Attendu que rien ne s'oppose à ce que l'ordre de visite fasse état d'une enquête à laquelle les employés ont procédé, sans qu'il soit nécessaire que les éléments de cette enquête soient analysés; mais que, dans l'espèce, l'arrêt attaqué a jugé, à bon droit, que le fait allégué de la cohabitation de la prévenue avec un contrebandier, énoncé dans l'ordre de visite, comme résultant de l'enquête du service, ne pouvait, en l'absence de circonstances plus précises, constituer un motif de soupçon de fraude propre à justifier une perquisition; D'où il suit qu'en annulant le procès-verbal de perquisition, et en prononcant, par voie de conséquence, la relaxe de la prévenue, l'arrêt à fait une exacte application de l'article de loi visé au moyen; Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, du 2 déc. 1911, etc.

Du 27 avril 1912.-Ch. crim. - MM. Bard, prés.; La Borde, rapp. ; Séligman, av. gén.; Aubert, av.

du rapprochement des deux arrêts, il ressort qu'en se référant à une enquête qui a été faite précédemment par les agents de la Régie, l'ordre de visite ne doit pas se borner à viser purement et simplement cette enquête, mais qu'il n'a pas non plus à en exposer les détails.

Peut-être pourrait-on être surpris que l'arrêt ci-dessus ait déclaré insuffisamment précis le motif tiré de la cohabitation de la prévenue avec un contrebandier avéré. Il semble, en effet, que, par cette mention, la prévenue sache pourquoi elle est soupçonnée par l'Administration des contributions indirectes de recel d'alcool frauduleux. Serait-ce que la Cour de cassation, pour mieux assurer le respect du domicile contre les actes de l'Administration des contributions indirectes, ne se contenterait pas d'un motif précis, mais voudrait que le soupçon de fraude reposât sur une présomption sérieuse? S'il en est ainsi, la solution qu'elle a donnée serait justifiée, car il n'est pas douteux que le fait de cohabiter avec un contrebandier, en l'absence de toute autre circonstance, ne constitue pas un motif suffisant de soupçon de détention d'alcool en fraude.

CASS.-CRIM. 30 mars 1912.

RAPT OU ENLÈVEMENT DE MINEUR, LOI DU 5 DEC. 1901, DIVORCE, GARDE DES ENNON-REPRÉSENTATION, FANTS, VISITE (DROIT DE) (Rép., vo Divorce et séparation de corps, n. 1206 et s., 1235 et s.; Pand. Rép., Suppl., vo Puissance paternelle, n. 74 et s.).

La loi du 5 déc. 1901, qui a eu pour but d'assurer par une sanction pénalé l'exécution des mesures judiciaires ordonnées, notamment au cours ou à la suite d'une

(1-2-3) L'interprétation de la loi du déc. 1901 soulève une question délicate. La Cour de cassation, dans l'arrêt ci-dessus, se prononce en faveur de la solution qui nous avait paru préférable, en ce qui concerne le point de savoir si les pénalités édictées par cette loi s'appliquent aussi bien au père ou à la mère qui, ayant la garde des enfants à la suite d'une instance en séparation de corps ou en divorce, refuse de les représenter à ceux auxquels a été reconnu un droit de visite, qu'au père ou à la mère qui, dans les mêmes circonstances, refuse de représenter un enfant à celui qui en a la garde. V. la note sous Trib. corr. de la Seine, 27 févr. 1902 (S. et P. 1903.2.252). Bien que cet arrêt semble devoir fixer la jurisprudence, la question présente trop d'importance pour que nous ne mettions pas sous les yeux de nos lecteurs les observations suivantes, dans lesquelles notre distingué collaborateur, M. Roux, défend la thèse opposée à celle que la chambre criminelle a adoptée.

Trois systèmes différents ont été soutenus sur le paragraphe additionnel que la loi du 5 déc. 1901 a ajouté à l'art. 357, C. pén.

D'après une première opinion, les pénalités de ce texte concernent uniquement celui des époux qui, privé ou déchu de la garde de son enfant, refuse de le remettre à la personne à qui la garde a été confiée par décision judiciaire. V. Paris, 13 févr. 1903 (S. et P. 1903.2.279); Paris, 13 nov. 1903 (S. et P. 1904.2.96); Trib. corr. de Narbonne, 29 janv. 1904 (S. et P. 1904.2.220). V. aussi, Aix, 27 mars 1903 (S. et P. 1903.2.280; Pand. pér., 1903.2,331).

D'après une autre opinion, que vient de consacrer la Cour de cassation dans l'arrêt actuel, et qui se trouvait déjà dans quelques décisions de jurisprudence (V. not., Trib. corr. de la Seine, 27 févr. 1902, précité; Trib. corr. de Marseille, 19 déc. 1902, motifs, sous Aix, 27 mars 1903, précité), l'art. 357, C. pén., sanctionne l'exécution de toutes les mesures ordonnées par la justice au sujet de la personne de l'enfant, le droit de visite aussi bien que le droit de garde; et ses dispositions peuvent dès lors être invoquées tant par l'époux, qui, n'ayant pas la garde de l'enfant, se voit refuser l'exercice utile de son droit de visite, que par l'époux, qui, ayant le droit de garde, n'obtient pas la remise de l'enfant entre ses mains. V. Rev. pénit., 1912, p. 1188 et s.

Enfin, dans une opinion intermédiaire, on distingue entre le simple droit de visite, et le droit d'avoir l'enfant pendant les mois de vacances. Les auteurs, qui ont soutenu cette dernière interprétation, appliquent dans ce dernier cas l'art. 357, C. pén., en faisant rentrer dans un droit de garde partagé le droit de posséder l'enfant durant les mois de vacances. V. en ce sens, notre C. pén. annoté par M. Garçon, sur l'art. 357, n. 122. Au fond, ce dernier système est conforme à la ANNÉE 1913. - 7-8 cah.

instance en séparation de corps ou en divorce, au sujet de la garde des enfants, s'applique aussi bien au père ou à la mère, divorcé ou séparé de corps, qui ne représente pas l'enfant à ceux qui ont le droit de le réclamer, qu'au père ou à la mère qui ne représente pas ce mineur à ceux auxquels la garde en a été confiee (1) (C. pén., 357; L. 5 déc. 1901).

En effet, les mesures relatives à la garde des enfants comprennent tout à la fois la réglementation du droit de garde, du partage des vacances et du droit de visite; et

première opinion, dont il accepte la méthode d'interprétation, tout en donnant, grâce à une analyse ingénieuse, une application un peu plus extensive de l'art. 357. La solution, qui a prévalu en jurisprudence, y est au contraire nettement opposée. Mais celle-ci est-elle exacte? et convientil de la suivre? D'assez vives objections se dressent contre elle.

Il s'agit, en effet, d'un texte de droit pénal; et il est de principe reconnu que les dispositions sanctionnées de peines sont de stricte interprétation, et ne peuvent être étendues en dehors de la lettre et de l'esprit de la loi. Or, la lettre et l'esprit de la loi ne sont pas favorables à la théorie jurisprudentielle.

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Si l'on examine d'abord l'art. 357, il semble bien que cette disposition ait visé uniquement la garde de l'enfant, et nullement d'autres mesures, concernant les rapports des parents avec leurs enfants, qui, pour limiter et restreindre le droit de garde, n'en sont pas moins juriquement et légalement différentes. Lorsque le § 2 de l'art. 357 dit, in initio : « Quand il aura été statué sur la garde d'un mic'est de la garde de l'enfant, de la garde seule, qu'il est question dans l'hypothèse envisagée par le législateur, et non de ce qui peut réduire la liberté d'action du gardien, des droits qui, appartenant à d'autres que lui, peuvent limiter son droit de garde. Complet ou soumis à certaines restrictions, c'est uniquement du droit de garde dont il s'agit. C'est donc de lui seul qu'il va être traité par la suite, et non pas des autres droits que la justice peut se trouver appelée à régler par l'effet de la disparition du foyer conjugal. C'est bien ce qu'également semblent indiquer ces mots du milieu du texte : « ... le père ou la mère, qui ne représentera pas ce mineur à ceux qui ont le droit de le réclamer. Ceux qui peuvent réclamer l'enfant, ce sont, en réalité, ceux qui en ont obtenu la garde. Le père ou la mère, qui, privé de cette fonction, a seulement le droit de visite, certains jours de la semaine ou du mois, soit au domicile du gardien ou chez une personne tierce, soit même chez lui, ne réclame pas l'enfant; il demande seulement à voir l'enfant, il prétend qu'on lui amène l'enfant, ou qu'on le laisse pénétrer jusqu'à l'endroit où l'enfant demeure; mais il ne demande pas, et ne saurait exiger que l'enfant lui soit remis, la garde restant à l'autre parent. Et c'est encore de cette garde, exclusivement, qu'il est fait mention dans la fin du texte par ces mots importants, parce qu'ils caractérisent le fait matériel de l'infraction réprimée par la loi : « qui le détournera... des mains de ceux auxquels sa garde aura été confiée ». On voit mal que ceci puisse s'appliquer à celui des époux, qui, n'ayant pas l'enfant, se plaint de ce qu'on ne le lui laisse pas voir à son jour de visite. Au début, au milieu, à la fin du paragraphe, il n'est donc fait allusion qu'à un seul droit, au droit de garde, et à aucun autre.

Si on passe maintenant à l'esprit de la loi, la

le père ou la mère, auquel le juge a accordé le droit de prendre son enfant à un jour déterminé, rentre bien dans la catégorie de ceux qui ont le droit de le réclamer (2) (ld.).

C'est donc à bon droit qu'il est fait application des peines édictées par le $2, nouveau, de l'art. 357, C. pén., au père qui n'a pas représenté sa fille mineure, dont il avait la garde, à sa femme divorcée, à laquelle, en vertu d'une décision de justice, l'enfant devait être remise pour une journée (3) (Id.).

même impression persiste. Faut-il, pour éclairer l'esprit de la loi, rappeler d'abord les circonstances qui ont provoqué l'intervention du législateur? Pour vaincre les résistances d'un époux, enlevant, cachant ou refusant de rendre l'enfant quand le tribunal le lui avait ordonné, la jurisprudence avait imaginé différents procédés, tels que la saisie des revenus ou une astreinte. V. Cass. 25 mars 1857 (S. 1857.1.267.-P. 1857.879); 18 mars 1878 (2° arrêt) (S. 1878.1.193. P. 1878.497; Pand. chr.), et la note. Adde, les renvois de la note sous Cass. 18 mai 1905 (S. et P. 1905.1.253). Devant l'insuffisance, et peut-être la légalité douteuse de ces moyens de contrainte, uniquement créés en vue de sanctionner le droit de garde, la loi du 5 déc. 1901 est intervenue. V. la note précitée sous Cass. 18 mai 1905. Adde, Rev. pénit., loc. cit.; et notre C. pén. annoté par Garçon, loc. cit., n. 89 et s.

Or, c'est également de l'hypothèse du refus de remettre l'enfant qui en a reçu la garde qu'il est uniquement question dans les travaux préparatoires, pour justifier l'établissement d'une sanction pénale plus énergique et plus efficace que les anciennes sanctions civiles. Qu'on prenne l'exposé des motifs qui a accompagné le dépôt du projet de loi, ou qu'on examine les rapports qui expliquent la future loi aux deux Chambres, ils sont également concordants sur ce point. V. S. et P. Lois annotées de 1902, p. 385, note 1, n. III. « Lorsqu'au cours ou à la suite d'une instance de divorce ou de séparation de corps, dit l'exposé des motifs, il a été statué provisoirement ou déíinitivement sur la garde des enfants, il n'existe dans nos lois pénales aucune sanction contre les entreprises du père ou de la mère, déchus du droit de garde, qui peut, en ne s'exposant qu'à une action en dommages et intérêts, souvent illusoire, refuser de représenter, enlever, faire disparaître ses enfants, et tenir en échec les décisions de justice ». M. Cruppi, rapporteur de la loi devant la Chambre des députés, dit également, en rappelant les pratiques de la jurisprudence: « Lorsque, malgré le jugement qui ordonne que les enfants seront remis à l'un des époux ou à un tiers, l'autre conjoint s'en empare et refuse de les livrer, comment vaincre sa résistance?... Et M. Gomot, rapporteur de la loi devant le Sénat, appuie celle-ci en citant des faits lamentables d'enlèvement d'enfants par des parents indignes, privés ou déchus des droits de garde. Or, le refus de laisser voir l'enfant, quand il est l'acte de l'époux qui a la garde de celui-ci, n'émane pas d'un parent indigne; il peut être l'œuvre d'un père ou d'une mère jaloux de ses prérogatives; il ne met pas en danger la moralité ni la santé de l'enfant. Ce n'est pas là l'hypothèse qui correspond aux préoccupations du législateur.

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Qu'oppose à cet ensemble de preuves concordantes la Cour de cassation, pour donner de la loi de 1901 une interprétation différente?

Elle allègue d'abord que cette loi a eu pour but d'assurer, par une sanction pénale, l'exécution des 53 I PART.

(Th... C. Dame C...). ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen pris de la violation, par fausse application, de l'art. 357, C. pén., complété par la loi du 5 déc. 1901, en ce que l'arrêt attaqué a condamné Th... en vertu de ce texte, alors que Th... avait la garde de sa fille mineure, et que la loi ne s'applique qu'à l'époux, divorcé ou séparé de corps, qui n'a pas représenté l'enfant à ceux qui en ont la garde: Attendu que la loi du 5 déc. 1901 a eu pour but d'assurer, par une sanction pénale, l'exécution des mesures judiciaires, ordonnées notamment au cours ou à la suite d'une instance en séparation de corps ou en divorce, concernant la garde des enfants; qu'elle s'applique aussi bien au père ou à la mère, divorcé ou séparé de corps, qui ne représente pas l'enfant à ceux qui ont le droit de le réclamer, qu'au père ou à la mère qui ne représente pas ce mineur à ceux auxquels la garde en a été confiée; que le père ou la mère, auquel le juge a accordé le droit de prendre son enfant à un jour déterminé, rentre bien dans la catégorie de ceux qui ont le droit de le réclamer; que les mesures relatives à la garde des enfants comprennent tout à la fois la réglementation du droit de garde, du partage des vacances et du droit de visite; qu'on ne comprendrait pas que la loi eût attaché une sanction pénale au respect des unes et non des autres, et que rien dans le texte n'autorise une telle distinction; Attendu, par suite, que c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a fait application de l'art. 357, C. pén.,

mesures judiciaires, ordonnées notamment au cours ou à la suite d'une instance en séparation de corps ou en divorce, concernant la garde des enfants; ce premier motif peut être aisément concédé, si on donne à ce mot de garde sa signification technique, mais il constitue une équivoque, si on prétend y faire rentrer ce qui est juridiquement différent, les divers droits pouvant réduire la liberté d'action du gardien de l'enfant.

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Elle ajoute que le père ou la mère, auquel le juge a accordé le droit de visiter son enfant à un jour déterminé, rentre bien dans la catégorie de ceux qui ont le droit de le réclamer. Mais il est facile de répondre que, malgré le visible effort de hausser l'importance du droit de visite au moyen de cette expression: « prendre l'enfant à un jour déterminé, on reste encore au-dessous de l'expression employée par la loi : « le réclamer ». Peuton même dire que le père prend l'enfant, quand, privé du droit de garde, son droit de visite s'analyse simplement dans le droit de voir son enfant au domicile du gardien, ou dans une maison tierce, sans pouvoir le faire sortir, et l'amener chez lui? Et si, dans cette hypothèse, devant l'impossibilité de la faire rentrer dans les termes de la loi, on en écarte l'application, comment alors com. prendre la fin du raisonnement de la Cour de cassation ?

Celle-ci invoque, en effet, comme dernière considération, que l'on ne comprendrait pas que la loi ait attaché une sanction pénale au respect de certaines mesures ordonnées par la justice, et non des autres, et que rien dans son texte n'autorise une telle distinction. N'est-ce donc rien comme indication que d'avoir, à trois reprises différentes, fait allusion au droit de garde seulement, et de n'avoir

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CASS.-CRIM. 25 novembre 1910. CHASSE, DESTRUCTION DU GIBIER, POISON, PIGEONS (Rép., vo Chasse, n. 1008 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 346 et s., 428 et s.).

L'art. 12, 5, de la loi du 3 mai 1844, qui interdit l'emploi de drogues ou appats de nature à enivrer le gibier ou à le détruire, ne réprime pas seulement la recherche et la capture du gibier; il est applicable, quel que soit le but que se proposent ceux qui emploient les substances dont il s'agit (1) (L. 3 mai 1844, art. 12, § 5).

En conséquence, le droit attribué au propriétaire, par les art. 4 et 7 de la loi du 4 avril 1889, de tuer les volailles et les pigeons qui causent des dommages aux récoltes, ne saurait être exercé à l'aide des moyens visés par la disposition sus-énoncée de la loi du 3 mai 1844(2) (LL. 3 mai 1844, art. 12, § 5; 4 avril 1889, art. 4 et 7).

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Notamment à l'aide de grains empoi

jamais mentionné un autre droit pouvant résulter de la désagrégation du foyer domestique? Et n'est-ce rien non plus que ces déclarations, que nous avons reproduites plus haut, des travaux préparatoires, où également il a été uniquement question des parents indignes, soustrayant leurs enfants aux recherches de la justice? Quant à comprendre que la loi ait attaché une sanction pénale à certaines mesures ordonnées par le tribunal, et non à toutes, il n'y a aucune difficulté. N'avait-on pas d'abord les pratiques de la jurisprudence antérieures, imaginées pour le droit de garde seulement? Puis, toutes les mesures ordonnées par la justice ont-elles la même importance? N'ont-elles pas, au contraire, une gravité différente? Et n'est-il pas certain que la garde de l'enfant est la plus importante de toutes, parce que, de son exécution, se trouvent dépendre la direction et l'éducation morale à donner à l'enfant. L'affection paternelle peut avoir à souffrir d'un droit de visite qui demeure paralysé; mais elle est seule en cause. L'avenir de l'enfant, sa préservation morale, son honnêteté future, sont en jeu, lorsqu'au lieu d'être entre les mains de personnes respectables, il est laissé à un parent immoral et indigne. On conçoit qu'ici, le législateur se soit ému, qu'ici, il ait cherché dans l'application d'une sanction pénale un moyen de contrainte efficace et énergique, et qu'il ait établi, dans les discordes que la désunion conjugale peut élever entre les parents, une distinction entre l'acte de parents indignes et l'acte de parents simplement jaloux de l'affection de leurs enfants!

En somme, on a, dans la solution de l'arrêt actuel, un nouvel exemple de cette œuvre prétorienne, que la Cour de cassation a souvent faite

sonnés répandus sur le sol d'un jardin (3) (Id.).

(Avousté). ARRÊT.

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LA COUR; Sur le moyen pris de la violation de l'art. 12, § 5, de la loi du 3 mai 1844, en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Avousté, pour le motif qu'en répandant des grains empoisonnés sur le sol de son jardin, il avait voulu, non se livrer à un acte de chasse, mais détruire les pigeons domestiques qui pouvaient commettre des dégâts dans sa propriété : — Vu cet article; Attendu qu'aux termes de l'art. 12, § 5, de la loi du 3 mai 1844, seront punis d'une amende de 50 à 200 fr., et pourront en outre l'être d'un emprisonnement de six jours à deux mois, ceux qui auront employé des drogues ou appâts de nature à enivrer le gibier ou à le détruire;

Attendu que, prise en vue de protéger le gibier, cette disposition n'en réprime pas seulement la recherche et la capture, mais qu'elle est applicable, quel que soit le but que se proposent ceux qui emploient les substances dont il s'agit; Attendu que, si les art. 4 et 7 de la loi du 4 avril 1889 donnent à tout propriétaire, dans les conditions qu'ils indiquent, le droit de tuer les volailles et les pigeons qui causent du dommage à ses récoltes, ce droit ne peut pas s'exercer à l'aide de drogues ou appats qui sont de nature à causer l'ivresse où la destruction des animaux protégés par la loi du 3 mai 1844; Casse l'arrêt rendu le 23 déc. 1909 par la Cour d'appel de Lyon, etc.

Du 25 nov. 1910.

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Ch. crim.

-

en matière de lois pénales. V. Cass. 3 août 1912 (Supra, 1 part., p. 337), et la note, in fine. Mais, ici, cette œuvre, juridiquement condamnable, n'est même pas pratiquement désirable par l'assimilation qu'elle crée entre des hypothèses socialement et moralement différentes ».

(1-2-3) La solution de l'arrêt mérite, semblet-il, approbation, quoiqu'elle soit contraire à un arrêt antérieur de la Cour de cassation. V. Cass. 7 mai 1868 (S. 1869.1.186. - P. 1869.439). D'une part, l'art. 12, § 5, de la loi du 3 mai 1844 est absolu dans ses termes, quand il défend l'emploi de drogues ou appâts de nature à enivrer le gibier ou à le détruire. Il ne vise donc pas nécessairement un fait de chasse; il établit une mesure destinée à protéger le gibier, à le garantir contre une destruction trop rapide et sans profit. Il s'applique, par suite, quel que soit le but poursuivi par celui qui a fait emploi de grains empoisonnés. D'autre part, si les art. 4 et 7 de la loi du 4 avril 1889 autorisent les propriétaires, sous certaines conditions, à tuer les volailles et les pigeons, qui causent du dégât à leurs propriétés, ils sont muets sur les moyens à employer pour atteindre ce résultat. Mais ces deux dispositions légales ne doivent pas se contredire cependant, et l'une abroger implicitement l'autre. Elles sont, en effet, conciliables entre elles : le propriétaire ne pourra donc se débarrasser des volailles et des pigeons, appartenant à des tiers, que par des moyens impropres à causer en même temps la disparition du gibier. V. dans le sens de l'arrêt ci-dessus recueilli, Jacques, Rev. prat., 1878-1879, p. 565. Comp., en ce qui concerne la destruction des bêtes fauves au moyen d'engins prohibés, Cass. 15 juill. 1910 (Supra, 1re part., p. 171) et la note.

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