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MM. Bard, prés.; Paillot, rapp.; Eon, av. gén.

CASS.-CRIM. 24 juin 1911. GREFFE-GREFFIER, GREFFIER DE JUSTICE DE PAIX, PERCEPTION ILLICITE, PÉNALITÉS, DESTITUTION, LOI DU 21 VENT. AN 7 (Rép., vis Discipline judiciaire, n. 469 et s., GreffeGreffier, n. 110 bis; Pand. Rép., vo GreffeGreffier, n. 509 et s.).

Les pénalités édictées par l'art. 23 de la loi du 21 vent. an 7 contre les greffiers des tribunaux civils et de commerce qui exigent ou reçoivent d'autres ou plus forts droits de greffe que ceux fixés par les lois et règlements, ou des droits de prompte expédition, et notamment la peine de la destitution, sont inapplicables aux greffiers des justices de paix (1) (LL. 21 vent. an 7, art. 23; 22 prair. an 7, art. 4).

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LA COUR; Sur le moyen pris par le demandeur de la fausse application de l'art. 23 de la loi du 21 vent. an 7, en ce que, étant greffier de justice de paix, il a été condamné, par l'arrêt entrepris, à 100 fr. d'amende et à la destitution de ses fonctions, en vertu du texte précité, qui ne vise que les greffiers des tribunaux civils et de commerce, et alors qu'aucune disposition légale ultérieure ne justifie cette extension:- Vu ledit article; Attendu que la loi du 21 vent. an 7, portant établissement des droits de greffe dans les tribunaux civils et de commerce », et complétée par la loi additionnelle du 22 prair. an 7, a disposé, dans son art. 23:

Il est défendu aux greffiers et à leurs commis d'exiger ni recevoir d'autres droits de greffe, ni aucun droit de prompte expédition, à peine de 100 fr. d'amende et de destitution »; qu'ainsi, cette seconde sanction, indépendante du droit de révocation, que la loi du 27 vent. an 8 confère à l'autorité investie du droit de nomination, a, comme celle d'amende, été attribuée par ledit art. 23, à l'encontre des greffiers des juridictions précitées, à la

(1) La solution de l'arrêt paraît exacte. Il est, en effet, reconnu, bien que certaines dissidences se soient produites, qu'il appartient aux tribunaux correctionnels de prononcer, concurremment avec l'amende établie par l'art. 23 de la loi du 21 vent. an 7 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 495), la destitution des greffiers ou commis greffiers des tribunaux civils et de commerce, qui perçoivent d'autres ou plus forts droits que ceux fixés par les lois et règlements. V. Cass. 16 mai 1806 (S. et P. chr.); G. Le Poittevin, Dict. formulaire des parquets, 2o éd., v° Greffes-Greffiers, n. 11; Garsonnet, Tr. de proc., 3 éd., par Cézar-Bru, t. 1, § 287. Adde, notre Rép. gén. du dr. fr., v° Discipline judiciaire, n. 469; Pand. Rép., v° Greffes-Greffiers, n. 515. La Cour de cassation, dans les motifs de l'arrêt actuel, confirme cette opinion.

Mais l'art. 23 de la loi du 21 vent. an 7 ne vise que les greffiers ou commis greffiers des tribunaux civils et de commerce. Il en est de même de l'art. 12 du décret du 24 mai 1854 (S. Lois annotées de 1854, p. 91, P. Lois, décr., etc. de 1854, p. 159) et de l'art. 16 du décret du 18 juin 1880 (S. Lois

compétence du tribunal à qui la poursuite est déférée; Mais attendu que ce texte ne vise que les greffiers des tribunaux de commerce et ceux des tribunaux civils, c'est-à-dire ceux des tribunaux de district et de département, aujourd'hui ceux d'arrondissement; qu'aucune disposition générale ayant force de loi n'a, depuis lors, étendu aux greffiers des justices de paix le régime institué dans l'art. 23 de la loi du 21 vent. an 7; que, sans doute, l'art. 4 de la loi du 21 prair. an 7 a interdit aux secrétaires-greffiers des juges de paix de < percevoir d'autres et plus forts droits que ceux qui leur sont attribués par les lois, à peine de destitution, et de restitution envers les parties, et sauf, en cas de fraude et de malversation évidente, à être poursuivis devant les tribunaux conformément aux lois; mais que cette disposition a visé manifestement, d'une part, la perception illicite, passible administrativement de la révocation, et, d'autre part, la perception frauduleuse, pouvant être réprimée judiciairement suivant le droit commun; que c'est dans le même sens que, après avoir constaté dans son préambule que, si des mesures d'ordre et de discipline pour le règlement des droits et vacations ont été édictées relativement aux greffiers des tribunaux civils et des tribunaux de commerce, il n'en a pas encore été établi en ce qui touche les greffiers des justices de paix, substitués aux secrétaires-greffiers, auxquels s'appliquait la loi du 21 prair. an 7, l'ordonn. du 17 juill. 1825, dans son art. 6, énonce que les contrevenants seront, selon la gravité des circonstances, destitués de leur emploi, traduits devant la police correctionnelle pour être condamnés aux amendes déterminées par les lois, ou poursuivis extraordinairement en vertu de l'art. 174, C. pén., sans préju dice, dans tous les cas, de la restitution des sommes indûment perçues et des dommages-intérêts quand il y aura lieu »; qu'après avoir ainsi expressément visé la mesure de la destitution, l'ordonn. du 17 juill. 1825, comme l'avait fait précédemment la loi du 21 prair. an 7 pour les secrétaires-greffiers, n'admet le renvoi

annotées de 1880, p. 607. — P. Lois, décr., etc. de 1880, p. 1046), qui reproduisent les dispositions de la loi du 21 vent. an 7. Ces textes ne sauraient donc être étendus, dans le silence de la loi, aux greffiers des justices de paix; et cela pour deux raisons d'abord, parce que, s'agissant de mesures pénales, on ne peut y soumettre des personnes contre lesquelles celles-ci n'ont pas été édictées ; ensuite, parce qu'en destituant un fonctionnaire nommé par le pouvoir exécutif, l'autorité judiciaire s'immisce dans le domaine de l'administration, et qu'il lui faut, pour qu'elle y soit admise, un texte spécial.

A l'égard des greffiers des justices de paix, la situation est réglée par l'art. 4 de la loi du 21 prair. an 7 et l'art. 6 de l'ordonn. du 17 juill, 1825 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 1143). Or, dans ces textes, à la différence de ce qui a lieu dans la loi du 21 vent. an 7, la destitution n'est plus envisagée que comme une mesure prononcée administrativement, et prise isolément ou concurremment avec une poursuite correctionnelle ou criminelle. Les pouvoirs de l'autorité judiciaire sont donc limités

devant les tribunaux correctionnels que pour les seules amendes déterminées par les lois; qu'établissant une gradation entre les modes de répression auxquels elle se réfère, elle prévoit d'une manière distincte, selon la gravité des cas, la destitution, dès lors envisagée au point de vue exclusivement administratif, la poursuite correctionnelle et la poursuite criminelle; mais qu'elle ne confère pas aux tribunaux le droit de prononcer eux-mêmes la destitution des greffiers de justices de paix; d'où il suit que c'est en dehors des prévisions légales que l'arrêt entrepris a fait application au demandeur, greffier de justice de paix, de l'art. 23 de la loi du 21 vent. an 7, et que, par suite, en l'état, la condamnation manque de base; Casse l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, du 24 mars 1911, etc.

Du 24 juin 1911. Ch. crim. MM. le cons. Boulloche, prés.; LaurentAtthalin, rapp.; Eon, av. gén.

CASS.-CRIM. 27 juillet 1911. INSTRUCTION CRIMINELLE, LOI DU 8 DEC. 1897, ORDONNANCE DU JUGE D'INSTRUCTION, COMMUNICATION AU DÉFENSEUR, MENTION AU DOSSIER (ABSENCE DE), RÉCÉPISSÉ DE LA POSTE, NULLITÉ, CHAMBRE DES MISES EN ACCUSATION (Rép., vo Instruction criminelle, n. 22 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1442 et s.).

L'ordonnance de clôture, rendue par le juge d'instruction en vertu de l'art. 133, C. instr. crim., doit être annulée, ainsi que la procédure ultérieure, lorsqu'il n'existe au dossier, en dehors d'un récépissé de la poste, qui ne saurait faire preuve de la nature de la communication à laquelle il est relatif, aucune mention constatant que cette ordonnance ait été portée à la connaissance du conseil de l'inculpé (2) (C. instr. crim., 133; L. 8 déc. 1897, art. 10, 2, 12).

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Il appartient à la chambre des mises en accusation de reconnaître les nullités encourues pour inobservation des prescrip

à la prononciation de l'amende ou de peines plus fortes, suivant les cas. Mais ils ne s'étendent pas à la destitution, comme l'a décidé la loi du 21 vent. an 7 pour les greffiers des tribunaux civils et de commerce. V. Orléans, 7 avril 1838 (S. 1838,2.523. -P. 1838.1.601), et, sur pourvoi, Cass. 7 sept. 1838 (S. 1839.1.403). C'est la solution que consacre également l'arrêt actuel de la Cour de cassation. Il en résulte, dans la situation des greffiers des diverses juridictions, une différence, qui, pour être certaine en droit, n'en paraît pas moins assez peu justifiable en raison.

(2) La Cour de cassation donne, à propos de la communication au conseil des ordonnances du juge d'instruction, la solution qu'elle avait précédamment admise, dans un arrêt du 22 juill, 1904 (S. et P. 1907.1.61), pour la communication du dossier de la procédure la veille des interrogatoires. Il était manifeste que la preuve de l'accomplissement de ces formalités, exigées à peine de nullité, devait s'établir de la même manière, et qu'un récépissé de la poste, trouvé annexé au dossier, ne prouve pas la nature de la communi

tions de la loi du 8 déc. 1897 (1) (L. 8 déc. 1897, art. 12).

(Sauret). ARRÊT

(apr. délib. en ch. du cons.).

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LA COUR; Sur le second moyen, pris de la violation de l'art. 10 de la loi du 8 déc. 1897, en ce que l'ordonnance de clôture n'a pas été portée à la connaissance du conseil de l'inculpé : Vu cet article; Attendu qu'on ne trouve au dossier, en dehors d'un récépissé de la poste, qui ne saurait faire preuve de la nature de la communication à laquelle il est relatif, aucune mention constatant que l'ordonnance rendue par le juge d'instruction, en exécution de l'art. 133, C. instr. crim., ait été portée à la connaissance du conseil; qu'il y a eu par suite inobservation de la prescription de l'art. 10, $2, de ia loi du 8 déc. 1897, et que cette inobservation entraîne, aux termes de l'art. 12 de la même loi, la nullité de ladite ordonnance et de la procédure ultérieure ; Attendu qu'il incombait à la chambre des mises en accusation de reconnaître l'existence de ce vice de la procédure; - Casse l'arrêt rendu, le 9 mai 1911, par la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Douai, etc.

Du 27 juill. 1911. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Petitier, rapp.; Séligman, av. gén.; Raynal, av.

CASS.-CRIM. 27 octobre 1911. PARTIE CIVILE, JUGE D'INSTRUCTION, ORDONNANCE DE NON-LIEU, OPPOSITION, CHAMBRE D'ACCUSATION, ARRÊT, POURVOI EN CAS SATION (Rép., vo Action civile, n. 824 et s.; Pand. Rép., v° Action publique, n. 62 et s., 179 et s.).

Si la partie civile n'est pas recevable à se pourvoir contre un arrêt de non-lieu rendu par la chambre d'accusation, et non déféré à la Cour de cassation par le ministère public, elle peut se pourvoir contre l'arrêt de la chambre d'accusation, qui, sans statuer au fond, la déclare sans qualité pour former opposition à une ordonnance de non-lieu (2) (C. instr. crim., 135). (Morel C. Perdomo).

ARRÊT (apr, délib. en ch. du cons.). LA COUR; Sur la recevabilité du pourvoi: Attendu que, si la partie civile n'est pas recevable à se pourvoir contre

cation à laquelle il est relatif. V. nos observations sous l'arrêt précité du 22 juill, 1904.

(1) Jurisprudence constante. V. Cass. 22 juill. 1904 (S. et P. 1907.1.61), et les renvois.

(2) V. conf., Cass. 7 juill. 1843 (sol. implic.) (S. 1844.1.36. (S. 1879.1.436.

P. 1843.2.704); 17 août 1878 P. 1879.1113). En principe, la partie civile ne peut pas se pourvoir contre les arrêts de non-lieu de la chambre des mises en accusation qui ne sont pas attaqués par le proctreur général, parce que son pourvoi serait sans effet utile pour elle, l'action publique étant éteinte par l'arrêt de non-lieu que le ministère public a laissé passer en force de chose jugée. V. Cass. 29 déc. 1910 (Supra, 1 part., p. 227), la note et es renvois. Il en est toutefois différemment, et la

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un arrêt de non-lieu rendu par la chambre d'accusation et non déféré à la Cour de cassation par le ministère public, il en est autrement de l'arrêt de la chambre d'accusation, qui, sans statuer au fond, déclare la partie civile sans qualité pour former opposition à une ordonnance de non-lieu, et rejette, en conséquence, ladite opposition comme irrecevable; Attendu que le dispositif de l'arrêt attaqué est ainsi conçu « Déclare Morel sans qualité, en l'état, pour se porter partie civile; dit irrecevable son opposition à l'ordonnance du 11 avril 1911; l'en déboute et le condamne aux dépens »; qu'il s'ensuit que le pourvoi est recevable; Sur la première et la seconde branches du moyen ... (sans intérêt); Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix, chambre des mises en accusation, du 17 mai 1911, etc.

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1o APPEL EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE, DÉLIT D'AUDIENCE, QUALIFICATION DES FAITS (Rép., vo Appel [mat. répressive], n. 233 et s.; Pand. Rép., v Appel correctionnel, n. 11 et s.). -2° AUDIENCES (POLICE DES), DÉLIT D'AUDIENCE, COMPÉTENCE TRIBUNAL DE POLICE CORRECTIONNELLE, COUR D'APPEL, DIFFAMATION ENVERS LA COUR DE CASSATION (Rép., vo Audience [police de l'], n. 152 et s.; Pand. Rép., vo Audience, n. 620 et s.). 3o ET 5° OuTRAGE, MÉFIANCE ENVERS LES JUGES, POUVOIR DU JUGE, APPRÉCIATION SOUVERAINE, CONNAISSANCE, ELÉMENT ESSEntiel, Délit D'AUDIENCE (Rép., v° Outrages-Offenses, n. 357, 358; Pand. Rép., voo DiffamationInjure, n. 455). - 4o DIFFAMATION, DISCOURS OU ÉCRITS PRODUITS EN JUSTICE, IMMUNITÉ, OUTRAGE ENVERS LES MAGISTRATS (Rép., v Diffamation, n. 1337 et s.; Pand. Rép., vo Diffamation-Injure, n. 1208 et s.). 60 RECUSATION, COUR DE CASSATION, IMPOSSIBILITÉ DE SE CONSTITUER, FIN DE NON-RECEVOIR, REMPLACEMENT DES MAGISTRATS, AVOCATS A LA COUR DE CASSATION (Rép., vis Cassation [mat. civ.], n. 1891 et s., Cassation (Cour de), n. 280; Pand. Rép., v Cassation civile, n. 1614).

partie civile possède le droit de se pourvoir, lorsqu'il s'agit d'arrêts de la chambre des mises en accusation, qui, sans statuer sur le fond, rejettent comme irrecevable l'opposition formée par elle contre une ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction. Comme le dit fort nettement la Cour de cassation dans l'arrêt du 17 août 1878, précité, la loi (C. instr. crim., 128 et 135), en donnant à la partie civile la faculté de frapper d'opposition les ordonnances de non-lieu rendues par le juge d'instruction, a donné par cela même à quiconque prétend user de cette faculté le droit de se pourvoir contre tout arrêt qui lui en refuse l'exercice, et d'appeler la Cour de cassation à apprécier si elle lui appartient. Le droit de se pourvoir contre ces arrêts de la chambre des mises en accusation

1° La Cour d'appel peut qualifier autrement que le tribunal de police correctionnelle le fait incriminé (en l'espèce, un délit d'audience), dès lors qu'elle n'a ajouté à ce fait aucune circonstance nouvelle (3) (C. instr. crim., 181 et s.). 2o arrêt.

20 Il n'a été apporté par la loi du 29 juill. 1881, sur la presse, aucune dérogation à l'art. 181, Č. instr. crim., qui attribue d'une manière spéciale aux Cours et tribunaux le jugement des délits qui se commettent dans leur enceinte et pendant la durée de leurs audiences, et établit une juridiction exceptionnelle pour le jugement de tous les délits qu'il prévoit (4) (C. instr. crim., 181; L. 29 juill. 1881, art. 47). 2o arrêt.

Il n'y a même pas lieu de recourir, en cas de diffamation commise à l'audience d'un tribunal envers une Cour, au mode de procédure tracé par l'art. 47 de la loi du 29 juill. 1881, et d'exiger la délibération préalable prise par ladite Cour en assemblée générale et requérant les poursuites (5) (Id.). Id.

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Dès lors, le tribunal correctionnel, l'audience duquel il est commis un deliť de diffamation envers la Cour de cassation, et, en cas d'appel, la Cour d'appel, sont competents pour le juger immédiatement (6) (Id.). - Id.

En effet, la Cour d'appel, par l'effet dévolutif de l'appel, se trouvé investie du droit de réprimer le délit qu'elle reconnait constant, dans les conditions où il aurait dû être réprimé par les premiers juges (7) (Id.). — Id.

30 Le fait par un prévenu d'exprimer publiquement à l'audience sa défiance à l'égard des membres du tribunal constitue un outrage à ces magistrals, de nature à inculper leur honneur ou leur délicatesse (8) (C. pén., 222). 28 arrêt.

Et il appartient aux juges du fond, qui retiennent une parole injurieuse proférée à leur audience par un prévenu, d'appré cier souverainement que ces paroles visent les membres du tribunal, et qu'en les proférant, le prévenu a eu l'intention d'outrager le tribunal (9) (Id.) Id.

4° L'immunité établie par l'art. 41 de la loi du 29 juill. 1881, en ce qui concerne les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux, ne s'étend pas aux outrages proférés à l'audience par les prévenus à l'encontre des membres du tribunal (10) (L. 29 juill. 1881, art. 41). 2o arrêt.

5o Si l'art. 222, C. pen., exige pour la

repose donc sur une prétendue violation de l'art. 135, C. instr. crim. Et la Cour de cassation ajoute, dans le même arrêt, que ce droit ne saurait être repoussé par une fin de non-recevoir tirée de l'extinction de l'action publique, puisque, si l'opposition contestée est reconnue faite avec droit, elle aura pour effet, aux termes de cet article, de conserver l'action publique, jusqu'à ce qu'il y soit statué au fond par la chambre d'accusation.

(3 à 10) Un prévenu, poursuivi devant un tribunal correctionnel pour menaces contre des agents de la force publique, prononce à haute voix, de manière à être entendu par le tribunal, ces paroles « Je savais que les magistrats de la Cour de cassation étaient des faussaires, qui ont violé l'art. 445, C. instr. crim.; j'aurais dû me

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répression du délit d'outrage qu'il ait été reçu par l'outrage, c'est-à-dire qu'il ait été

méfier ». Le tribunal fait immédiatement arrêter l'inculpé, et relève contre lui un double délit d'audience le délit d'outrage de l'art. 222, C. pén., contre les membres de la Cour de cassation, dans la première partie de la phrase, et un second délit d'outrage envers le tribunal lui-même, dans la dernière partie. Il condamne le prévenu à deux ans d'emprisonnement, par application de l'art. 181, C. instr. crim. Sur l'appel du prévenu, la Cour d'appel maintient la seconde incrimination, le délit d'outrage envers le tribunal, mais elle substitue au délit d'outrage envers les magistrats de la Cour de cassation le délit de diffamation prévu à l'art. 30 de la loi sur la presse du 29 juil. 1881.

Le condamné attaquait cette décision pour plusieurs motifs. Il soutenait d'abord que la Cour d'appel avait excédé ses pouvoirs comme juge d'appel, en substituant au délit d'outrage envers la Cour de cassation, relevé par les premiers juges, le délit de diffamation, c'est-à-dire une incrimination nouvelle, que les premiers juges n'avaient pas examinée : ce qui constituait la suppression d'un degré de juridiction. Il alléguait ensuite que, s'agissant d'un délit de diffamation, qui était de la compétence de la Cour d'assises, la Cour d'appel aurait dû se déclarer incompétente, ou, en tout cas, si elle le retenait, attendre pour le juger une plainte formée en assemblée générale par le corps diffamé. Il affirmait, de plus, que quant au délit d'outrage envers le tribunal, il était impossible de l'apercevoir dans des mots aussi vagues et aussi peu précis que ceux qu'il avait proférés: J'aurais da me méfier!», lesquels n'indiquaient pas de quelles personnes il devait se méfier. Il prétendait d'ailleurs que ces paroles, prononcées par un inculpé au cours de la poursuite dont il était l'objet, étaient protégées par l'immunité de la défense, écrite dans l'art. 41 de la loi sur la presse. Il demandait donc à la Cour suprême d'annuler la condamnation qui l'avait frappé.

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La Cour de cassation a, au contraire, rejeté cette demande.

Sur plusieurs points, on doit approuver la décision qu'elle a rendue. Sur un point, toutefois, il y a lieu, semble-t-il, de faire des réserves. Indiquons d'abord ce qui, dans son arrêt, paraît exact.

Il est manifeste, en premier lieu, qu'il rentrait dans les pouvoirs du juge d'appel de rectifier la qualification erronée donnée par les premiers juges aux faits, qui s'étaient passés devant leurs yeux. Ce pouvoir de rectification lui appartenait sûrement, du moment qu'il se bornait à modifier la qualification du délit, sans introduire aucun élément de fait nouveau. La règle des deux degrés de juridiction ne se trouvait point violée, puisque les faits examinés par la Cour d'appel étaient, dans leur totalité, ceux qu'avaient examinés les juges du tribunal, et dont ceux-ci, pour retenir le délit d'outrage, avaient dû envisager les diverses qualifications possibles, et, par suite, mais pour l'écarter à tort, la qualification de diffamation. V. sur ce point, la note de M. Roux sous Cass. 12 janv. 1907 (S. et P. 1907.1.425); Cass. 17 nov. 1910 (2 arrêts) (S. et P. 1912.1.121; Pand. pér., 1912.1.124), et la note.

Il est également certain que l'art. 181, C. instr. crim., en autorisant les Cours et les tribunaux å juger immédiatement les délits qui se commettent dans leur enceinte pendant la durée de leur audience, établit un droit de juridiction qui déroge aux règles ordinaires de la compétence. D'une

adressé à la personne de celui-ci, cette condition peut être suppléée, lorsqu'il ressort

part, l'infraction est flagrante; et, d'autre part, elle a lieu en face de la justice, dans son propre prétoire. On peut dire, avec la Cour de cassation, que la nécessité d'assurer une prompte répression, commandée par la dignité de la justice et les exigences de l'ordre public, rend inutile le renvoi à une autre juridiction. V. Cass. 19 déc. 1884 (S. 1887.1.398. - P. 1887.1.958), la note et les renvois; Paris, 20 nov. 1888 (S. 1889.2.184. P. 1889.1.989); Cass. 31 juill. 1891 (S. et P. 1892.1.543; Pand. pér., 1892.1.84); F. Hélie, Tr. de l'instr. crim., 2o éd., t. 6, n. 2928 et 2929; Trébutien, Cours élém, de dr. crim., 2o éd., par Laisné-Deshayes et Guillouard, t. 2, n. 387 et s.; Barbier, Code expliqué de la presse., 2° éd., par Matter et Rondelet, t. 2, n. 681.

Il n'y a pas non plus de critique à formuler contre la partie de l'arrêt qui avait retenu à la charge du prévenu un délit d'outrage envers les membres du tribunal, ans ces mots : « J'aurais dû me méfier Sans doute, ces paroles étaient vagues, et n'indiquaient pas clairement la personne ou les personnes dont le prévenu aurait dû se méfier. Mais il appartenait aux juges du fait de rechercher qui elles visaient, en les rapprochant des autres paroles prononcées par l'inculpé, et qui concernaient des magistrats, et en tenant compte du lieu et des circonstances dans lesquels il les avait proférées. Or, cette recherche de l'intention rentrait naturellement dans leur pouvoir (V. Cass. 8 mai 1891, S. et P. 1892.1.41; Pand. pér., 1891.1.369), et échappait, quand elle n'était pas contredite par les faits par eux relevés, au contrôle de la Cour de cassation. V. sur ce droit de contrôle, Cass. 5 mai 1900 (S. et P. 1903.1.60; Pand. per., 1903.1.385), et la note; 7 mai 1909 (Bull. crim., n. 245). V. au surplus, la note de M. Roux, 6° et 7° col., sous Cass. 22 mai 1908 (S. et P. 1911.1.121; Pand. pér., 1911.1.121).

Enfin, le condamné ne pouvait pas davantage, pour échapper à la responsabilité qu'il avait encourue, invoquer l'immunité de la défense, établie dans l'art. 41 de la loi sur la presse. Sans doute, il est avéré qu'actuellement, cette immunité garantit les excès de parole, non seulement lorsqu'ils constitueraient, en d'autres circonstances, le délit de diffamation, mais aussi lorsqu'ils contiendraient les éléments du délit d'outrage de l'art. 222, C. pén. V. Cass. 6 juin 1902 (S. et P. 1905.1.56; Pand. pér., 1902.1.440), et les autorités citées dans la note. Mais l'art. 41 ne saurait couvrir l'outrage commis par l'inculpé envers les magistrats mêmes qui le jugent, sans quoi il faudrait effacer l'art. 222, C. pén., dans la partie qui vise l'offense adressée à des magistrats dans l'exercice de leurs fonctions, et tenir également pour non avenu l'art. 11, C. proc.

Sur tous les points qui précèdent, il convient donc de se rallier aux solutions que l'on trouve dans la première espèce ci-dessus (2o arrêt). Mais il reste un point, sur lequel il semble difficile de suivre la Cour de cassation, bien que la solution ait été déjà donnée dans des arrêts antérieurs du 5 juin 1851 (Bull. crim., n. 206) et du 30 déc. 1858 (Bull. crim., n. 326). C'est en ce qui concerne la plainte de la personne diffamée, que la Cour de cassation déclare inutile pour poursuivre le délit de diffamation qui s'est produit à l'audience d'un tribunal.

La répression immédiate des infractions par la juridiction à l'audience de laquelle elles sont accomplies est une mesure qui soulève d'assez graves objections, et qui repoзe peut-être sur

des faits et circonstances que la volonté formelle de l'auteur de l'outrage a été de le

une exagération. Cette répression, en effet, offret-elle les garanties d'une impartiale et saine justice? Il est permis d'en douter. C'est un inconnu qui est arrêté et jugé sans désemparer, un inconnu dont ni les antécédents, ni la moralité, ni l'existence ne sont connus. La justice est expéditive; mais elle est aussi sommaire, car elle retient le fait plus qu'elle n'a aperçu l'homme ! Il convient de se demander, ensuite, s'il est bon, même pour des magistrats, lorsqu'ils ont été outragés, d'être à la fois juges et parties dans leur propre cause. N'exagéreront-ils pas la condamnation? Ne prononceront-ils jamais de peines trop sévères? et garderont-ils toujours ce sang-froid et cette mesure qui, dans l'application de la loi, ne doit jamais abandonner le juge répressif? Nous ne voulons pas dire par là qu'il faille abolir complètement le droit pour les tribunaux de juger les délits qui se commettent à leur audience. Mais peut-être se perpétue-t-il, depuis le droit romain, d'où ce droit est venu, une certaine exagération dans sa reconnaissance. Il est nécessaire, incontestablement, de reconnaître à chaque juridiction le droit de faire respecter le calme et la dignité de ses audiences, et, dès lors, de réprimer le tumulte qui se produit dans son prétoire. C'est ce que marquait le jurisconsulte Ulpien dans ce fragment souvent cité : « Omnibus magistratibus secundum jus potestatis suæ concessum est juridictionem suam defendere penali judicio (L. 1, pr., Dig., liv. 2, tit. 3, Si quis jus dicenti). Mais c'est une autre question, et toute différente, que de savoir si on doit encore reconnaitre à la juridiction, à l'audience de laquelle ils se sont produits, compétence sur les délits ou les crimes dirigés contre un particulier quelconque, contre une personne présente ou même absente. Il ne s'agit plus ici, du moins uniquement, de défendre la dignité du tribunal. Il s'agit aussi, et principalement, de réprimer une infraction ordinaire. Et on peut trouver excessif que la circonstance que cette infraction s'est produite à l'audience d'un tribunal puisse modifier les règles de la compétence et supprimer les garanties ordinaires de la justice pénale. Qu'elle soit considérée comme une cause aggravante de la responsabilité pénale, personne n'en disconviendra; mais ce qu'on peut refuser d'admettre, c'est qu'elle justifie, hormis ce qui a trait à la flagrance, l'application de règles de procédure spéciales.

Il était nécessaire d'indiquer ces questions, agitées souvent à l'étranger (V. B. Alimena, I reati commessi all'udienza, dans la Rivista penale, 1902, vol. LVI, p. 117 et s.; G. Bortolotto, Polizia d'udienza e giudizio incidente, dans la même Revue, 1909, vol. LXIX, p. 5 et s., n. 44 et s.), pour comprendre qu'on doive voir dans l'art. 181, C. instr. crim., un texte exceptionnel, dont l'interprétation, par suite, doit demeurer des plus strictes. Or, s'il lie l'interprète, en ce qui concerne la compétence et l'attribution aux Cours et aux tribunaux du jugement des délits, qui, de droit commun, sont renvoyés devant les Cours d'assises (du moins on peut l'admettre), il ne le lie plus, parce qu'il est muet sur ce point, et qu'aucun des motifs qui ont pu l'inspirer n'y est applicable, lorsqu'il s'agit des conditions de la poursuite, et de supprimer la formalité d'une plainte préalable.

Aucune des considérations, en effet, qui, à tort ou à raison, ont pu conduire le législateur à déroger aux règles normales de la compétence, ne se retrouve ici. La flagrance de l'infraction? Elle

faire parvenir à celui qui en était l'objet (1) (C. pén., 222). - Rés. par la C. d'appel (Ire espèce).

Mais encore faut-il qu'en fait, les paroles outrageantes aient été portées à la connaissance de la personne outragée (2) (Id.). - Id.

Et, au cas où l'outrage est commis à l'audience, et poursuivi camme délit d'audience, le délit n'est caractérisé qu'autant que les paroles outrageantes ont été portées à la connaisance de la personne outragée avant qu'il soit statue par les juges (3) (Id.). Id.

6o La récusation dirigée contre des magistrats de la Cour de cassation, à raison de leur participation à un arrêt rendu toutes chambres réunies, visant nécessairement tous les magistrats qui ont concouru à cet arrêt, il en résulte qu'il n'est pas possible d'appeler en nombre suffisant, pour juger cet incident, des magistrats

n'attribue pas de droit commun au ministère public le droit de poursuivre d'office les délits pour lesquels la loi exige une plainte préalable. On comprend donc mal que ce droit, il l'obtienne, à cause de la flagrance, quand le délit est commis à l'audience d'un tribunal. Est-ce alors la dignité de la justice offensée qui lui conférerait ce pouvoir? On ne le comprend guère mieux; car, enfin, les considérations d'intérêt privé, qui ont paru au lẻ-gislateur l'emporter sur la protection de l'ordre public, et qui lui ont fait subordonner l'exercice de l'action publique à la demande de la victime, subsistent ici, et elles n'ont rien perdu de leur valeur. Accepterait-on que, parce qu'un délit de diffamation s'est commis à l'audience d'un tribunal, il sera possible à celui-ci, sans écouter la voix de la victime, et l'intérêt qu'elle peut avoir à souffrir l'injure, de poursuivre le délinquant, et, par là, de permettre à celui-ci, si l'on est dans un cas où la preuve du fait diffamatoire est autorisée, d'étaler publiquement et au grand jour l'infamie de celui qu'il a attaqué? La réparation de l'offense faite à la dignité de la justice doit-elle s'acheter au prix du sacrifice de l'honneur privé? Nous nous refusons à le penser, et nous ne croyons pas que, lorsque le législateur a estimé l'intérêt public au-dessous de l'intérêt privé, il a placé au-dessus de celui-ci l'intérêt des magistrats. On trouvera cependant des auteurs qui professent cette opinion. V. Barbier, Code expliqué de la presse, 2° éd., par Matter et Rondelet, t. 2, n. 683.

(1-2-3) L'outrage est le fait injurieux accompli en présence de la personne visée, ou dans des conditions telles que, par la volonté de son auteur, il soit porté à sa connaissance. V. la note, 5 col., de M. Roux, sous Cass. 6 janv. et 3 mars 1900 (S. et P. 1902.1.425), et les renvois. Adde, Cass. 26 juill. 1902 (S. et P. 1904.1.204; Pand. pér., 1903.1.387), et la note. La connaissance de l'outrage par la personne outragée étant ainsi un élément du délit, il est évident qu'elle doit se réaliser avant que l'auteur de l'outrage soit jugé ; le jugement qui est rendu avant que cette condition soit remplie statue sur un délit qui n'est pas caractérisé, et par conséquent la condamnation qu'il prononce n'est pas légalement justifiée.

(4 à 7) Il est actuellement reconnu que la récusation peut s'exercer à l'égard des magistrats de la Cour de cassation aussi bien qu'à l'égard des membres des autres Cours ou des tribunaux. C'est une mesure générale, qui touche à la bonne

échappant au motif invoqué, et qu'ainsi la chambre saisie du pourvoi est dans l'impossibilité de se compléter (4) (C. proc., 378). 1er et 3 arrêts.

D'autre part, aucune disposition légale ne permet d'appliquer à la Cour de cassation la règle qui assimile à une demande en renvoi pour cause de suspicion légitime le cas où, à raison des récusations proposées, une juridiction se trouve dans l'impossibilité de se constituer (5) (Id.). — Id. Par suite, la demande en récusation doit être déclarée non recevable (6) (Id.). Id.

La Cour de cassation ne saurait d'ailleurs appeler pour se compléter des avocats exerçant à sa barre, son organisation spéciale excluant nécessairement l'application des dispositions légales relatives au mode de remplacement des magistrats empêchés par des avocats ou des avoués, qui est en vigueur dans les juridictions

administration de la justice, puisqu'elle garantit l'impartialité de ceux qui la rendent. V. Cass. réun. 24 mars 1899 (sol. implic.) (S. et P. 1900. 1.105), avec la note de M. Roux, col. 3 et s., et les autorités citées; Cass. 27 juill. 1904 (sol. implic.) (S. et P. 1908.1.549; Pand. pér., 1908.1. 549), et les renvois; 8 déc. 1904 (sol. implic.) (S. et P. 1908.1.549; Pand. pér., 1908.1.549).

Mais la récusation portant sur un certain nombre de magistrats d'une Cour ou d'un tribunal, lorsqu'elle met cette juridiction dans l'impossibilité de se constituer, est considérée, par une jurisprudence établie, comme une demande en renvoi pour cause de suspicion légitime; car la suspicion contre les membres de la juridiction s'adresse alors à la juridiction elle-même. V. Cass. 19 sept. 1901 (S. et P. 1904.1.429; Pand. pér., 1902.1.137), et la note; 29 nov. 1902 (S. et P. 1904.1.430), et les renvois; 28 mars 1907 (S. et P. 1907.1.255; Pand. pér., 1907.1.105), et les renvois. Or, la demande de renvoi est compréhensible, s'il existe une autre juridiction de même nature, à laquelle on puisse renvoyer les plaideurs. Elle ne se comprend plus, lorsque, s'agissant d'une juridiction unique, il n'y a pas d'autre juridiction pour juger le procès. C'est ce que décide exactement l'arrêt actuel. V. pour la prise à partie d'une chambre de la Cour de cassation, Cass. 8 déc. 1904, précité, et la note. Quoique l'hypothèse soit bien exceptionnelle, il y aurait lieu de se demander, cependant, si, dans le cas où un plaideur aurait en réalité des motifs de récusation à faire valoir contre un certain nombre de magistrats de la Cour suprême, empêchant une de ses chambres de se constituer, il ne conviendrait pas, pour assurer l'impartialité de la justice, d'établir dans la loi le renvoi devant les chambres réunies. Mais c'est là une question de législation, qui, bien entendu, ne pouvait pas se poser dans le procès actuel.

Dans la seconde espèce rapportée ci-dessus, pour faire admettre sa requête à fin de récusation, le demandeur prétextait que, si les membres qu'il récusait devaient être écartés de la chambre criminelle, celle-ci avait encore la possibilité de se constituer, en faisant appel au concours d'avocats près la Cour de cassation, par analogie avec ce que disposent, pour les magistrats empêchés d'une Cour ou d'un tribunal, les art. 30 de la loi du 22 vent. an 12, et 49 du décret du 30 mars 1808. Mais la raison alléguée ne pouvait avoir aucune valeur. Les textes qui concernent l'organisation

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M. Gaucher, poursuivi pour avoir pris part à des manifestations qui s'étaient produites au Théâtre Français, lors des représentations du Foyer, a comparu le 21 janv. 1909 devant le tribunal correctionnel de la Seine. Au début de l'audience, le prévenu a fait la déclaration suivante Je savais que les magistrats de la Cour de cassation étaient des faussaires, qui ont violé l'art. 445, C. instr. crim. J'aurais dû me méfier ». Le ministère

public ayant pris aussitôt des réquisitions, le tribunal a instruit sans désemparer, dans les formes prescrites, en cas de délit d'audience, par l'art. 181, C. instr. crim., et M. Gaucher a été condamné, par ap

judiciaire, et qui appellent les membres d'un barreau ou d'une compagnie d'avoués à remplir des fonctions judiciaires, touchent au droit public et sont essentiellement de droit étroit. On ne peut donc leur donner aucune extension.

Or, les dispositions, invoquées par le demandeur en cassation ne concernent que les Cours d'appel et les tribunaux de première instance. L'art. 49 du décret du 30 mars 1808 ne vise même que les tribunaux de première instance. S'il est re connu que les Cours d'appel peuvent, elles aussi, appeler des avocats ou des avoués pour se compléter (V. Cass. 8 déc. 1813, S. et P. chr.; Toulouse, 28 août 1841, S. 1841.2.580. P. 1843. 1.859; Pand. chr.; Cass. 9 mai 1842, S. 1842.1.513. - P. 1842.2.274; 17 déc. 1901, S. et P. 1905.1. 324; Pand. pér., 1902.1.285, et les renvois; adde, Garsonnet, Tr. de proc., 3° éd., par Cézar-Bru, t. 1, p. 145 et 146, § 81, texte et note 15; et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Jugement et arrêt [mat. civ. et comm.], n. 803 et s.), c'est en vertu de l'art. 30 de la loi du 22 vent. an 12 (V. Toulouse, 28 août 1841, motifs, précité; Garsonnet et Cézar-Bru, loc. cit.), qui porte que les avocats et les avoués pourront suppléer les juges », c'est-à-dire, sui. vant le langage de l'époque, les magistrats des tribunaux d'appel comme ceux des tribunaux de première instance; c'est aussi à raison de la disposition de l'art. 468, C. proc. (V. la note au Sirey sous Cass. 8 déc. 1813, précité), qui admet, en cas de partage, les avocats et les avoués aux délibérés des Cours d'appel.

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Au contraire, la Cour de cassation ayant ses règlements spéciaux, et rien, dans ces règlements, ne permettant d'introduire dans la composition des chambres de jugement un autre élément que celui fourni par les magistrats spécialement choisis, on ne peut transporter dans le fonctionnement de la Cour suprême la disposition de l'art. 49 du décret du 30 mars 1808, qui, manifestement, n'a pas été écrite pour elle. En 1886, la chambre civile, ne s'étant pas trouvée en nombre, et n'ayant pu se compléter à l'aide de magistrats des autres chambres, s'est abstenue de siéger, ne se jugeant pas autorisée, en présence des termes de l'art. 4 de l'ordonn, du 15 janv. 1826, à réclamer le concours des avocats. V. Crépon, Pourv. en cass., t. 1, n. 353; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Cassation (Cour de), n. 280. C'est cette solution que l'arrêt rendu dans la deuxième espèce ci-dessus a expressément consacrée.

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plication de l'art. 222, C. pén., pour outrages envers la Cour de cassation et envers le tribunal, à deux années d'emprisonnement. Sur appel du prévenu, la Cour de Paris, après avoir annulé le jugement du tribunal pour défaut de motifs, a évoqué l'affaire, et statué au fond, lé 26 févr. 1909, par un arrêt ainsi conçu : « La Cour; < Au fond Considérant que Gaucher est poursuivi, en vertu de l'art. 222, C. pén., pour avoir outragé par paroles tant les membres de la Cour de cassation que les membres du tribunal devant lequel il était traduit; - Sur le premier chef de la poursuite : Considérant que le prévenu Gaucher soutient et fait plaider que les paroles incriminées ne pouvaient pas constituer le délit d'outrages à la Cour de cassation, n'ayant été prononcées en présence d'aucun des membres de ce corps judiciaire; Considérant que si, en principe, l'art. 222 retient comme condition de l'outrage prévu et réprimé par son texte qu'il ait été reçu par l'outragé, c'est-à-dire qu'il ait été adressé à la personne de celui-ci, cette condition peut être suppléée, lorsqu'il ressort manifestement des faits et circonstances que la volonté formelle de l'auteur de l'outrage a été de le faire parvenir à celui qui en était l'objet, et sa conviction qu'il obtiendrait le résultat poursuivi en proférant l'outrage devant des auditeurs qui devaient nécessairement_en_transmettre l'expression; que la Cour a des éléments suffisants pour apprécier que cette volonté formelle et cette conviction ont existé chez Gaucher; Mais considérant que ces conditions ne suffisent pas, à elles seules, pour caractériser le délit; qu'il faut, en outre, rechercher si, en fait, les paroles outrageantes ont été portées à la connaissance de la personne outragée, et ce avant la sentence des premiers juges; Considérant que, dans la journée même du 21 janv. 1909, M. le procureur de la République près le tribunal de la Seine a rendu compte de l'incident qui venait de se produire à M. le procureur général près la Cour de cassation, ainsi qu'il résulte d'une lettre de ce magistrat, en date du même jour, accusant réception de cette communication; mais qu'on ne saurait induire de là que la Cour de cassation a eu connaissance de l'outrage antérieurement au jugement qui a prononcé sur la poursuite; Considérant, toutefois, que, régulièrement saisie du fait par l'appel du condamné et par celui du ministère public, la Cour est en droit et qu'elle est tenue de rechercher, même d'office, si les éléments d'un délit autre que celui qui ne parait pas suffisamment caractérisé ne se rencontrent pas dans la cause; - Or, considérant qu'en proférant dans un lieu public les paroles qui lui sont attribuées, Gaucher a formulé, contre les membres de la Cour de cassation, l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur et à la considération de ces magistrats; - Considérant que, sans persister, d'ailleurs, dans son exception d'incompétence, Gaucher a indiqué, dans des conclusions nouvelles prises à l'audience du 19 courant, où il semblait prévoir

l'éventualité d'un changement de qualification, que le délit de diffamation commis envers une Cour de justice échappait, par sa nature même, à la procédure du délit d'audience, et ne saurait être poursuivi que dans les formes et conditions prescrites par la loi du 29 juill. 1881; Considérant qu'en attribuant d'une manière spéciale aux Cours et tribunaux le jugement des délits, quelle qu'en soit la nature, qui se commettent dans leur enceinte, et pendant la durée de leurs audiences, l'art. 181, C. instr. crim., a établi une juridiction exceptionnelle et d'ordre public, et tracé les règles d'une procédure abrégée et sommaire, devant lesquelles toutes les dispositions contraires doivent fléchir;

-

Sur le second chef de la poursuite : Considérant qu'en prononçant ces paroles « J'aurais dû me méfier », au moment où le président lui enjoignait de faire silence, Gaucher a eu l'intention manifeste d'étendre aux membres du tribunal devant lequel il était traduit les imputations offensantes qu'il venait de proférer contre ceux de la Cour de cassation; que ces paroles forment, avec celles qui les avaient précédées, un ensemble tel qu'elles se complètent et s'éclairent réciproquement; que les premiers juges, témoins directs de l'incident, ont eu l'impression certaine de l'outrage qui leur était adressé, et que cette impression n'a été atténuée, ni par la déclaration du prévenu, ni par les dépositions entendues à l'audience de la Cour; Par ces motif's;

Déclare Gaucher coupable d'avoir, le 21 janv. 1909, à Paris: 1° proféré publiquement contre les membres de la Cour de cassation des paroles contenant l'imputation d'un fait qui porte atteinte à leur honneur et à leur considération, délit prévu et réprimé par les art. 23, 29 et 30 de la loi du 29 juill. 1881; 2° adressé aux membres de la 10e chambre du tribunal civil de la Seine, siégeant en matière de police correctionnelle, un outrage par paroles, tendant à inculper leur honneur ou leur délicatesse, avec cette circonstance que l'outrage dont s'agit a eu lieu à l'audience, délit prévu et puni par l'art. 222, C. pén.; et, lui faisant application desdits articles, le condamne à deux années d'emprisonnement, etc. ».

M. Gaucher, s'étant pourvu en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, du 26 févr. 1909, qui précède, a formé une demande en récusation contre un certain nombre de magistrats de la chambre criminelle. Cette demande a été déclarée non recevable par l'arrêt suivant :

1er ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.).

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bre suffisant, pour juger la récusation, des magistrats échappant à l'unique motif invoqué par le demandeur; qu'ainsi, la chambre criminelle est dans l'impossibilité de se compléter pour statuer sur la requête dont il s'agit; Attendu que, lorsque, à raison des demandes de récusation présentées, une juridiction se trouve dans l'impossibilité de se constituer, ce cas doit être assimilé à une demande en renvoi pour cause de suspicion légitime; - Attendu qu'aucune disposition légale ne permet d'appliquer cette procédure à la Cour de cassation: Déclare la demande non recevable, etc. MM. Bard,

Du 12 juin 1909. --- Ch. crim. prés.; Boulloche, rapp.; Blondel, av. gén. § 2.

A la suite de l'arrêt qui précède, la Cour de cassation a statué au fond, par l'arrêt qui suit :

2o ARRÈT

(apr. délib. en ch. du cons.).

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A1

LA COUR; Sur le premier moyen du pourvoi, pris de la violation de l'art. 181, C. instr. crim., en ce que l'arrêt attaqué a retenu la connaissance et la répression d'un délit de diffamation envers la Cour de cassation, alors que ce délit, qui n'a-. vait été ni qualifié ni réprimé par la juridiction devant laquelle il avait été commis, cessait d'être régi par la compétence des délits d'audience, et ressortait de la compétence de la Cour d'assises : tendu que l'arrêt attaqué a statué sur les appels interjetés par le procureur de la République et par Gaucher d'un jugement du tribunal correctionnel de la Seine, du 21 janv. 1909, qui a condamné Gaucher à deux années d'emprisonnement, par application de l'art. 222, C. pén., pour outrages commis à l'audience de ce tribunal tant envers les membres de la Cour de cassation qu'envers les membres du tribunal correctionnel; Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que Gaucher, poursuivi par le ministère public sous la prévention de rébellion et d'outrages aux agents, a prononcé à haute voix, et de manière à être entendu par les membres du tribunal correctionnel, les paroles suivantes : « Je savais que les magistrats de la Cour de cassation étaient des faussaires, qui ont violé l'art. 445, C. instr. crim. J'aurais dû me méfier»; Attendu que la Cour d'appel a annulé la décision qui lui était déférée, par le motif que le tribunal correctionnel de la Seine avait passé outre à l'examen du fond, nonobstant les conclusions d'incompétence déposées par le prévenu; que, statuant ensuite par voie d'évocation, elle a déclaré que les paroles incriminées, en tant qu'elles visaient la Cour de cassation, ne constituaient pas le délit d'outrage prévu et puni par l'art. 222, C. pén.; qu'elle les a retenues comme constituant le délit de diffamation envers une Cour, prévu et puni par l'art. 30 de la loi du 29 juill. 1881; Attendu qu'il s'agissait, dans l'espèce, d'un délit qui avait été commis à l'audience du tribunal correctionnel, et jugé comme tel par ce tribunal; qu'il importe peu que la

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