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Cour d'appel ait qualifié autrement que le tribunal le fait incriminé, dès lors qu'elle n'a ajouté à ce fait aucune circonstance nouvelle; que, par l'effet dévolutif de l'appel, elle s'est trouvée investie du droit de réprimer le délit qu'elle reconnaissait constant à la charge du prévenu, dans les conditions mêmes où ce délit eût dû être réprimé par les premiers juges; Attendu que l'art. 181, C. instr. crim., attribue d'une manière spéciale aux Cours et tribunaux le jugement des délits qui se commettent dans leur enceinte et pendant la durée de leurs audiences; que cet article établit une juridiction exceptionnelle pour le jugement de tous les délits qu'il prévoit; que la loi du 29 juill. 1881, sur la presse, n'a nullement dérogé à ses dispositions; qu'il n'y a même pas lieu de recourir, en cas de diffamation commise, comme dans l'espèce, à l'audience d'un tribunal, envers une Cour, au mode de procédure tracé par l'art. 47 de la loi du 29 juill. 1881, et d'exiger la délibération. préalable prise par ladite Cour en assemblée générale et requérant les poursuites, la procédure sommaire organisée par l'art. 181, C. instr. crim., et la nécessité d'assurer une prompte répression, étant commandées par la dignité de la justice et les exigences de l'ordre public; - D'où il suit qu'en retenant la connaissance du délit prévu et puni par l'art. 30 de la loi du 29 juill. 1881, nonobstant les dispositions de l'art. 45 de la même loi, qui attribue pour ce délit compétence à la Cour d'assises, la Cour d'appel s'est exactement conformée aux prescriptions de l'art. 181, C. instr. crim.;

Sur le deuxième moyen du pourvoi, pris de la violation de l'art. 222, C. pén., de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, du défaut de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a relevé comme constitutives du délit d'outrage au tribunal des expressions ne contenant, ni l'indication de la personne visée, ni l'indication d'une imputation désobligeante, alors que les éléments d'un délit ne doivent être ni supposés ni imaginés, ni devinės, mais doivent être constatés : Attendu que le fait par un prévenu d'exprimer publiquement à l'audience sa défiance à l'égard des membres du tribunal constitue un outrage à ces magistrats, de nature à inculper leur honneur ou leur délicatesse; que ces paroles « j'aurais dù me méfier», ont été retenues par l'arrêt comme visant les membres du tribunal, et que la Cour d'appel a déclaré, par une appréciation qui est souveraine, qu'en les proférant au moment où le président lui enjoignait de faire silence, Gaucher avait eu l'intention d'étendre aux magistrats composant le tribunal correctionnel les imputations offensantes qu'il venait de formuler contre la Cour de cassation; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;

Sur le troisième moyen du pourvoi, pris

(1-2) Bien qu'il n'y ait pas de comparution du demandeur devant la Cour de cassation, c'est un principe fondamental que nul ne peut être jugé, s'il n'est pas en état de produire lui-même ses. moyens de défense. Cette règle de droit naturel,

de la violation de l'art. 41 de la loi du 29 juill. 1881, de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, des immunités de la défense, et d'un défaut de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a réprimé pénalement, à titre d'outrages au tribunal, des paroles prononcées par un prévenu au cours de l'audience où il comparaissait en qualité de prévenu, alors d'ailleurs qu'il soutenait dans ses conclusions avoir visé, non le tribunal, mais le rapport du commissaire de police qui servait de base à la prévention, sans préciser d'ailleurs si les faits avaient un rapport avec la poursuite, ce qui ne permet pas à la Cour de cassation

d'exercer son contrôle : Attendu que l'immunité établie par l'art. 41 de la loi du 29 juill. 1881, en ce qui concerne les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux, ne s'étend pas aux outrages proférés à l'audience par les prévenus à l'encontre des membres du tribunal; qu'en décidant, par une appréciation souveraine, que Gaucher avait, en proférant les paroles qu'elle a retenues comme outrageantes, entendu atteindre les membres du tribunal correctionnel, la Cour d'appel a implicitement, mais nécessairement, écarté comme non justifiées les conclusions du prévenu, tendant à faire reconnaitre qu'il avait uniquement visé le rapport du commissaire de police, qui aurait été entaché d'inexactitude; que sa décision, qui est régulièrement motivée, ne contient aucune violation de l'art. 41 de la loi du 29 juill. 1881, non plus que des immunités de la défense; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme; Rejette, etc.

Du 12 juin 1909. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Boulloche, rapp.; Blondel, av. gén.; Dufourmantelle, av.

(Bailleu).

2o Espèce.
ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur la demande en récusation: Attendu qu'il résulte de la requête de Bailleu que le demandeur en cassation prétend récuser les douze magistrats de la chambre criminelle, visés en ladite requête, à raison de leur participation à un arrêt de la Cour de cassation rendu toutes chambres réunies; que ce motif atteint nécessairement tous les magistrats de la Cour de cassation qui ont concouru à cet arrêt; qu'il en résulte qu'il n'est pas possible d'appeler en nombre suffisant pour juger la récusation des magistrats échappant à l'unique motif invoqué par le demandeur; qu'il est à tort prétendu que, conformément aux règles tracées par les art. 30 de la loi du 22 vent. an 12 et 49 du décret du 30 mars 1808, la Cour de cassation pourrait, le cas échéant, appeler pour se compléter des avocats exerçant près de cette Cour; que l'organisation spéciale de la Cour de cassation, telle qu'elle résulte de la loi du 27 vent. an 8 et de l'ordonn. du

rappelée dans l'arrêt actuel, a été déjà consacrée à plusieurs reprises. V. Cass. 19 janv. 1837 (P. 1838.1.22); 25 janv. 1839 (S. 1839.1.806. - P. 1839.1.79), avec la plaidoirie de M° Morin; 23 déc.

15 janv. 1826, exclut nécessairement l'application des dispositions légales relatives. au mode de remplacement des magistrats empêchés par des avocats, et, à défaut de ceux-ci, par les avoués, qui sont en vigueur dans les juridictions ordinaires; qu'ainsi, la chambre criminelle est dans l'impossibilité de se compléter pour statuer sur la requête dont il s'agit; Attendu que, lorsque, à raison des demandes de récusation présentées, une juridiction se trouve dans l'impossibilité de se constituer, ce cas doit être assimilé à une demande en renvoi pour cause de suspicion légitime; - Attendu qu'aucune disposition légale ne permet d'appliquer cette procédure à la Cour de cassation; Déclare la demande non recevable, etc.

Du 17 déc. 1909. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Boulloche, rapp.; Blondel, av. gén.

CASS.-CRIM. 31 octobre 1912. CASSATION, MATIÈRE RÉPRESSIVE, DÉMENCE DU CONDAMNÉ, SURSIS (Rép., vo Cassation [mat. crim.], n. 781 et s.; Pand. Rép., vo Cassation criminelle, n. 1494 et s.).

Lorsqu'à la date à laquelle il a été statué sur son pourvoi, le demandeur était interné dans un asile d'aliénés, et par suite dans l'impossibilité de faire valoir ses moyens à l'appui de son recours, l'arrêt qui a rejeté le pourvoi doit être rapporté (Í) (C. instr. crim., 2).

Il doit être sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit justifie que le demandeur a recouvre l'exercice de ses facultés mentales (2) (Id.).

(Dambrine).

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ARRÊT.

LA COUR; Vu la requête de M. le procureur général près la Cour de cassation, en date de ce jour; Attendu que, par arrêt du 26 oct. 1912, la Cour de cassation, chambre criminelle, a rejeté les pourvois de Dambrine contre deux arrêts rendus, le 14 septembre de la même année, par la Cour d'appel de Chambéry, qui ont condamné ledit Dambrine, le premier à un an et un jour d'emprisonnement, et le second à cinq ans de prison, avec confusion, et dix ans d'interdiction de séjour;

Attendu qu'il résulte des pièces produites qu'à la date à laquelle il a été statué sur les pourvois, le demandeur était interné dans un asile d'aliénés, et se trouvait par suite dans l'impossibilité de faire valoir ses moyens à l'appui de ses recours;

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Rapporte son arrêt susvisé du 26 oct. 1912; Dit qu'il sera sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit justifié que le demandeur a recouvré l'exercice de ses facultés mentales, etc.

Du 31 oct. 1912. Ch. crim. - MM. Bard, prés.; Paillot, rapp.; Séligman, av. gén.

1859 (P. 1860.298); 15 janv. 1886 (Bull. crim., n. 18). V. encore sur le principe, Paris, 2 juill. 1907 (S. et P. 1908.2.73; Pand. pér., 1908.2.73), et la note de M. Demogue.

CASS.-REQ. 29 juillet 1912.

ETRANGER, COMPÉTENCE ENTRE ÉTRANGERS, TRIBUNAUX FRANÇAIS, SÉPARATION DE CORPS, EPOUX ETRANGERS, DOMICILE EN FRANCE, CASSATION, PRODUCTION DE PIÈCES NOUVELLES, LOI AUTRICHIENNE, Sujets AUTRICHIENS, ISRAELITES, TENTATIVE DE CONCILIATION DEVANT LE RABBIN, FORMES DE PROCÉDURE, LOI FRANÇAISE (Rép., vis Divorce et séparation de corps, n. 5267 et s., 5286 et s., Etranger, n. 588; Pand. Rép., vis Divorce, n. 3095 et s., 3228 et s., Droits civils, n. 844 et s., Séparation de corps, n. 323 et s.).

Les tribunaux français sont compétents pour connaître d'une instance en séparation de corps entre époux étrangers résidant en France, où ils se sont fixés, après s'y être mariés, alors que le défendeur, à l'appui de son exception d'incompétence, ne justifie d'aucun domicile à l'étranger, et ne peut indiquer aucun tribunal étranger auquel l'époux demandeur pourrait s'adresser pour faire constater ses droits (1) (C. civ., 13, 14, 16).

En pareil cas, l'impossibilité pour l'époux demandeur de trouver d'autres juges permet à la juridiction française de retenir le litige (2) (Id.).

Et l'époux défendeur ne saurait faire état, à l'appui de son pourvoi en cassation,

(1 à 7) D'après une jurisprudence aussi constante que contestable, les tribunaux français sont incompétents, en principe, pour juger les différends qui s'élèvent entre des étrangers; et, si des exceptions nombreuses ont été apportées à l'application de ce principe, il a été maintenu dans toute sa rigueur, en ce qui concerne le statut personnel et les questions d'état. V. Cass. 18 juill. 1892 (S. et P. 1892.1.407; Pand. pér., 1894.5.19); 20 juill. 1911 (S. et P. 1912.1.132; Pand. pér., 1912.1.132), et la note.

L'incompétence est fondée sur cette idée que le droit de saisir les tribunaux français est un droit civil, et que les étrangers ne jouissent pas, en France, des droits civils.

De cette idée devrait découler logiquement que l'incompétence des tribunaux français est d'ordre public, car tout ce qui concerne la jouissance des droits civils présente un caractère manifeste d'ordre public. V. la note de M. Naquet sous Cass. 15 juin 1909 (S. et P. 1911.1.81; Pand, pér., 1911.1.81). Mais la jurisprudence a fait céder la logique devant l'utilité pratique, et elle a décidé que l'incompétence était ratione personæ, tout en laissant aux tribunaux le droit de se dessaisir d'office. V. Cass. 17 juill. 1877 (S. 1877.1.449. P. 1877.1.198); 5 mars 1879 (S. 1879.1.208. P. 1879.507); Paris, 12 déc. 1893 (S. et P. 1895.2.299); et la note précitée de M. Naquet.

L'incompétence, étant ratione personæ, doit être invoquée in limine litis; elle ne peut être proposée après des défenses au fond, ni, a fortiori, pour la première fois en appel ou devant la Cour de cassation. V. Cass. 15 avril 1861 (S. 1861.1.721. P. 1862.516); Alger, 24 juill. 1882 (S. 1884.2.27. - P. 1884.1.199), et le renvoi ; et la note précitée de M. Naquet. Contra, Alger, 4 mars 1874 (S. 1874.2.103. - P. 1874.470).

Parmi les exceptions apportées au principe de l'incompétence, il en est une qu'il faut dégager ANNÉE 1913. .9 cah.

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La compétence des tribunaux français pour connaître, entre étrangers, dans ces conditions, d'une demande en séparation de corps n'est pas infirmée par la circonstance que les époux seraient de nationalité autrichienne et de religion israélite, dès lors, d'une part, qu'il est incontesté que la loi autrichienne attribue à l'autorité judiciaire la connaissance des demandes en séparation de corps formées par ses nationaux, à quelque culte qu'ils appartiennent, et que, d'autre part, les causes de séparation de corps invoquées par l'époux demandeur sont admises par la loi autrichienne comme par la loi française (4) (C. civ., 3).

Vainement il serait allégué, devant la Cour de cassation, que la loi autrichienne impose aux époux, préalablement à l'ouverture de l'instance en séparation de corps, de se présenter devant le ministre du culte (en l'espèce, le rabbin), et qu'il

1.19.

au point de vue de l'arrêt actuel, c'est que les tribunaux français deviennent compétents, lorsqu'il s'agit d'étrangers ayant leur domicile en France. Pas de difficulté possible, si un étranger a été autorisé à établir son domicile en France, puisqu'il jouit alors des droits civils (C. civ., 13), et que la jouissance des droits civils emporte le droit de saisir la justice française. Mais un domicile de fait, consistant dans une simple résidence permanente, n'est-il pas également attributif de juridiction? Rigoureusement, on aurait dû répondre par la négative, car un domicile de ce genre ne fait pas acquérir la jouissance des droits civils, et la compétence des tribunaux français est liée à cette jouissance. Mais la jurisprudence a reculé devant les conséquences d'une pareille doctrine, qui aurait pu aboutir à un véritable déni de justice, et elle a assimilé le domicile de fait au domicile de droit. V. Cass. 7 juill. 1874 (S. 1875. · P. 1875.28); 15 juin 1909 (S. et P. 1911. 1.81; Pand. pér., 1911.1.81), et la note de M. Naquet. Ce n'est point à dire que le défendeur sera toujours obligé de subir, dans ce cas, la juridiction de nos tribunaux; mais il sera placé dans la même situation qu'un défendeur français. Le défendeur français a le droit de décliner la compétence du tribunal devant lequel il est poursuivi, lorsque ce tribunal n'est pas celui de son domicile, par application de la règle actor sequitur forum rei; le même droit appartient au défendeur étranger, à la condition toutefois de prouver qu'il a un domicile connu à l'étranger. Lors donc qu'un étranger est actionné en France par un autre étranger, il peut, quoique résidant en France, décliner la compétence du tribunal qui a été saisi, en prouvant qu'il possède à l'étranger un domicile de droit. V. Cass. 8 avril 1851 (S. 1851.1.385. P. 1852.1.89); Paris, 26 mai 1905, précité, et la note. Adde, la note de M. Naquet sous Cass. 15 juin 1909, précité.

s'agit là d'une règle sur l'observation de laquelle les juges français, à qui la loi française interdit l'examen de toute matière religieuse, ne peuvent se prononcer, alors que l'arrêt attaqué ne mentionne pas taxativement le texte de la loi étrangère dont se prévaut le pourvoi, et constate seulement que, d'après la loi autrichienne, à défaut de tentative de conciliation devant le ministre du culte, c'est au juge civil qu'incombe le devoir de rappeler à trois reprises différentes aux deux époux leurs promesses solennelles lors du mariage (5) (Id.).

De ces constatations, il résulte que la loi autrichienne, telle qu'elle est rapportée par l'arrêt attaqué, ne soumet pas nécessairement la tentative de conciliation à l'observation de rites de nature confessionnelle (6) (Id.).

Dans ces circonstances, les juges du fond, qui ont d'ailleurs constaté que l'époux défendeur ne justifiait pas qu'il se fut présenté en conciliation devant le rabbin, ont pu apprécier que, les conditions imposées par la loi autrichienne à la tentative de conciliation constituaient une procédure de pure forme, distincte du fond, en telle sorte que cette procédure trouvait son équivalent dans la loi française, et était régie par cette dernière loi, lorsque le fond du litige était porté devant les tribunaux français (7) (Id.).

Maintenant, et dans l'hypothèse où les tribunaux français sont compétents, quelle loi devront-ils appliquer?

Tout le monde est d'accord que le statut personnel des étrangers les suit en France, et que c'est d'après ce statut que le litige doit être tranché.

Mais cette règle cesse d'être applicable toutes les fois que la loi étrangère est en opposition avec une loi française de police ou de sûreté, c'està-dire avec une loi ayant pour objet la sûreté des personnes ou des propriétés et le maintien du bon ordre. C'est ainsi, par exemple, qu'un mahométan, engagé dans les liens d'un premier mariage, ne pourrait pas, bien que sa loi nationale permette la polygamie, être autorisé à contracter un second mariage en France, même avec une femme de son pays et de sa religion. V. Demolombe, Tr. de la publ., des eff. et de l'applic. des lois, n. 100; Aubry et Rau, 5o éd., t. 1, p. 150, 31; Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade, Tr. des pers., 3o éd. t. 1, n. 208.

Nous ne discutons pas; nous constatons l'état de la doctrine et de la jurisprudence. Nous ne croyons pas d'ailleurs que l'opinion admise soit justifiée. Nous n'apercevons pas en quoi l'ordre public français serait troublé parce qu'un mahométan, déjà marié, contracterait en France un second ou un troisième mariage avec une mahométane. Cette opinion procède de l'idée qu'il y a une morale absolue, et que les lois de l'Islam sont immorales. C'est là, à notre avis, une conception de l'ordre public français qui cadre mal avec la nécessité où est notre pays de respecter les coutumes de ses ressortissants mahometans.

Lors donc, d'après la solution généralement admise, qu'un tribunal est saisi d'un litige régi par une loi étrangère qui blesse un principe d'ordre public édicté par les lois françaises, cesse d'être compétent. C'est ce qu'on décidait autrefois avant la loi du 16 nov. 1912 (S. et P. Lois annotées de -54 Ire PART.

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LA COUR; Sur le moyen unique, pris de la violation des art. 3, 6 et 11, C. civ., 170, C. proc., et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour manque de base légale et excès

de pouvoir: Attendu que les époux

Klein, de nationalité autrichienne, et israélites de religion, résidaient à Paris, où ils s'étaient mariés; que la dame Klein, ayant intenté contre son mari, devant le tribunal civil de la Seine, une demande de divorce, transformée ensuite en demande de séparation de corps, celui-ci y défendit, et forma lui-même une demande reconventionnelle, mais qu'après les enquête et contre-enquête, il souleva une exception d'incompétence, fondée sur ce que les tribunaux autrichiens pouvaient seuls faire application à son état matrimonial de sa loi nationale et religieuse, contraire, prétendait-il, à l'ordre public en cette matière, tel qu'il est établi en France; Attendu que, pour refuser de se dessaisir de la demande de séparation de corps de la dame Klein, la Cour de Paris s'est fondée sur ce que les deux parties étaient fixées en France, que le défendeur ne justifiait d'aucun domicile à l'étranger, et 1913, p. 430; Pand. pér., Lois annotées de 1913, p. 430), en ce qui concerne la loi étrangère qui permettait la recherche de la paternité, et qui était considérée comme contraire à notre ordre public. V. Cass. 25 mai 1868 (S. 1868.1.365. 1868.939).

1 - P.

Y a-t-il lieu, à cet égard, de distinguer entre l'ordre public interne et l'ordre public international, et de ne prononcer l'incompétence que s'il s'agit de l'ordre public international? V. à cet égard, dans le sens de l'affirmative, la note de M. Naquet sous Aix, 19 déc. 1892 (S. et P. 1893. 2.201). Sans discuter à nouveau ce point, qui a été examiné dans la note précitée, nous ajouterons que la jurisprudence paraît considérer tout ce qui touche à l'état des personnes comme relevant de l'ordre public international. V. Paris, 17 mai 1902, sous Cass. 29 mai 1905 (S. et P. 1906.1.161).

Dans l'espèce qui a donné lieu à l'arrêt que nous commentons, les deux plaideurs étaient de nationalité autrichienne et de religion israélite. La femme avait intenté contre son mari, devant le tribunal civil de la Seine, une demande en divorce, transformée ensuite en demande de séparation de corps. Le mari y avait défendu, et avait formé luimême une demande reconventionnelle. L'enquête et la contre-enquête avaient eu lieu, et ce n'est qu'après cette procédure que le mari avait soulevé une exception d'incompétence. Il alléguait que les tribunaux autrichiens pouvaient seuls faire application à son statut matrimonial de sa loi nationale et religieuse, contraire à l'ordre public français, et qu'ayant un domicile à l'étranger, il était loisible à la demanderesse de s'adresser au tribunal de ce domicile. Pour établir ce second point, il indiquait : 1° qu'un pouvoir aurait été donné par sa femme à un avocat, en Autriche, en vue de la représenter devant un tribunal autrichien; 2o qu'il avait obtenu lui-même, par défaut, un jugement de séparation de corps contre sa femme, du tribunal régional de Vienne.

La Cour de cassation a rejeté lé pourvoi, en disant que l'ordre public français n'était pas intéressé dans l'affaire.

Ce motif rendait assez inutiles les constatations

qu'il ne pouvait indiquer aucun tribunal étranger auquel la demanderesse pourrait s'adresser pour faire constater ses droits; que la constatation de l'impossibilité pour la dame Klein de trouver d'autres juges permettait à la juridiction française de retenir la connaissance du litige; qu'elle n'est pas utilement contredite par la double production, que fait le demandeur en cassation, d'un pouvoir qui aurait été donné par sa femme à un avocat de Koloméa pour la représenter devant le tribunal de ce lieu, et d'un jugement de séparation de corps qu'il a obtenu par défaut du tribunal régional de Vienne (Autriche), les qualités de l'arrèt attaqué ne faisant pas apparaître et Klein n'alléguant même pas, pour le second de ces documents, qu'ils aient été présentés aux juges français; que, dans ces conditions, il ne peut en être excipé pour la première fois devant la Cour de cassation, pour détruire l'autorité des affirmations de la Cour d'appel; -Attendu, au surplus, qu'il est incontesté que la loi autrichienue attribue à l'autorité judiciaire la connaissance des demandes en séparation de corps formées par ses nationaux, à quelque culte qu'ils appartiennent, et que les causes de sépara

faites par la Cour de cassation, que les documents allégués par le mari (pouvoir donné par sa femme, jugement du tribunal de Vienne) n'avaient pas, d'après les qualités de l'arrêt, été soumis aux premiers juges. Si, en effet, on écarte la question d'ordre public, l'incompétence des tribunaux français reste ratione personæ, et ne peut être opposée qu'in limine litis; or, en fait, elle n'avait été soulevée qu'après l'enquête et la contre-enquête. La question de non-communication aux juges du fond n'aurait d'importance que si l'incompétence des tribunaux français devait être considérée comme étant d'ordre public, parce que l'incompétence, même d'ordre public, ne peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation que si les titres et documents qui l'établissent ont été mis sous les yeux des premiers juges. V. Cass. 25 juin 1907 (S. et P. 1908.1.81; Pand. pér., 1908. 1.81), et les renvois.

La seule difficulté intéressante était donc de savoir si les prescriptions de la loi autrichienne créaient contre la compétence des tribunaux français un obstacle tenant, à l'ordre public.

Le mari, demandeur en cassation, soutenait cette thèse, en affirmant que la séparation de corps et le divorce devaient, d'après la loi autrichienne en vigueur à l'égard des époux d'origine israélite, être précédés d'une tentative de conciliation devant le rabbin, et que les tribunaux français ne pouvaient se substituer à l'autorité rabbinique sans violer l'ordre public.

Il faisait état en ce sens de l'arrêt de cassation du 29 mai 1905 (S. et P. 1906.1.161), qui décide que, malgré le traité du 1er avril 1874, donnant aux sujets russes libre accès devant les tribunaux français, ces tribunaux ne peuvent statuer sur une demande en divorce entre israélites russes, parce que le divorce ne peut être prononcé, dans ce cas, que par la seule autorité rabbinique. Adde conf., Paris, 21 juin 1910, sous Cass. 20 juill, 1911 (S. et P. 1912.1.132; Pand. pér., 1912.1.132), et la note. V. aussi, pour le cas de divorce demandé en France par une femme israélite, mariée en France, alors qu'il était constaté par les juges du fond que la législation autrichienne interdit le divorce aux

tion invoquées dans la cause sont admises par cette loi comme par la loi française; que le pourvoi soutient seulement que la loi autrichienne, statut personnel des époux Klein, impose aux parties l'obligation, préalable à l'ouverture de l'instance judiciaire, de se présenter devant le ministre du culte, qui était, dans l'espèce, le rabbin, et que c'est là une règle sur l'observation de laquelle le juge francais ne pouvait se prononcer, la loi française lui interdisant l'examen de toute matière religieuse, que, par suite, la Cour de Paris ne pouvait se déclarer compétente pour juger la cause; mais que les qualités de l'arrêt attaqué ne mentionnent pas taxativement le texte de la loi étrangère dont se prévaut le pourvoi; que la Cour de Paris a seulement retenu des débats suivis devant le tribunal et devant elle que, à défaut de tentative de conciliation devant le ministre du culte, c'était au juge civil en Autriche qu'incombait le devoir de rappeler à trois reprises différentes aux deux époux leurs promesses solennelles lors du mariage; qu'il suit de là que la loi autrichienne, telle qu'elle est rapportée par l'arrêt attaqué, ne soumet pas nécessairement la tentative de concifemmes israélites, Cass. 30 oct. 1905 (S. et P. 1911.1.581; Pand. pér., 1911.1.581), et la note. Le principe posé par cet arrêt a été longuement discuté par notre savant collaborateur, M. Pillet, dans une note qui a été publiée par ce Recueil. Sans vouloir rentrer dans cette discussion, nous ne pouvons passer outre sans faire quelques réserves. Nous concevons qu'on considère comme faisant partie intégrante des lois sur l'état des personnes les lois qui établissent que les procès touchant à cet état relèveront exclusivement de l'autorité religieuse; mais nous ne parvenons pas

comprendre comment l'ordre public français serait violé, parce que les juges civils trancheraient une question de divorce entre sujets étrangers. La loi russe dispose que le divorce entre israélites russes est de la compétence du rabbin. C'est là un principe d'ordre public russe, mais non point d'ordre public français. Et, comme les lois d'ordre public interne sont essentiellement nationales, nos tribunaux n'ont pas tenir compte de l'ordre public russe. Comp. la note précitée de M. Pillet.

Quoi qu'il en soit de la doctrine consacrée par l'arrêt de 1905, la Cour n'a pas voulu étendre cette doctrine aux formalités, de nature religieuse, prescrites par la loi étrangère, lorsque ces formalités ne sont pas essentielles. La loi étrangère, qui prescrit aux époux israélites une tentative de conciliation devant le rabbin, bien qu'elle ne puisse pas être observée en France, à cause de la séparation du spirituel et du temporel, ne saurait élever un obstacle d'ordre public à la compétence de nos tribunaux, si cette même loi ne fait pas de la tentative de conciliation devant le rabbin une condition nécessaire, et permet d'y suppléer, quand elle n'a pas eu lieu, par le rappel que doit faire le tribunal civil aux époux, à trois reprises différentes, de leurs promesses solennelles lors du mariage. C'est dans cette mesure, très restreinte, que l'arrêt actuel atténue les conséquences du principe posé par l'arrêt de 1905; il ne contredit pas au principe, et se borne à refuser de l'étendre à une formalité religieuse préalable à l'instance, et non essentielle.

E. NAQUET.

liation à l'observation de rites de nature confessionnelle; qu'en conséquence, la Cour de Paris, qui constate d'ailleurs que Klein ne justifie même pas qu'il se soit présenté en conciliation devant l'autorité rabbinique, a pu apprécier que les conditions imposées à la tentative de conciliation par la loi autrichienne constituaient une procédure de pure forme, distincte du fond; que cette procédure trouvait son équivalent dans la loi française, et était régie par la loi de notre pays, lorsque le fond du litige y était porté; Attendu, dès lors, qu'il n'est pas vrai de dire que le tribunal français, quand il statuera sur la demande de séparation de corps de la dame Klein, aura, pour se conformer au statut personnel des époux Klein, à connaître de matières religieuses, contraire'ment aux règles de l'ordre public en France; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, du 6 juill. 1911, etc.

Du 29 juill. 1912. — Ch. req.

MM. Ta

non, prés.; Denis, rapp.; Blondel, av. gén. (concl. conf.); Auger, av.

CASS.-Civ. 26 décembre 1911.

PEREMPTION, ACTION CIVILE, JURIDICTION CIVILE, DIFFAMATION, JUGEMENT DE CONDAMNATION, APPEL, PRESCRIPTION, CHOSE JUGÉE, DÉCHÉANCE (Rép., vo Péremption d'instance, n. 378 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 7 et s.).

L'action civile résultant d'un délit, étant, lorsqu'elle est exercée devant les tribunaux civils, soumise, quant à la procédure, aux règles de droit commun, les règles de la péremption d'instance lui sont applicables (1) (C. proc., 397; C. instr. crim., 3).

Il en est ainsi notamment de l'action civile en dommages-intérêts pour diffamation, portée devant le tribunal civil (2)

(1 à 5) La péremption d'instance, prévue et réglée par les art. 397 et 8., C. proc., n'est pas applicable en matière répressive. V. Cass. 18 mars 1880 (S. 1881.1.483. P. 1881.1.1224), la note et les renvois. Adde, Brun de Villeret, Tr. de la prescript. en mat. crim., n. 228; et notre Rép. gén. du dr. fr., v Peremption d'instance, n. 378; Pand. Rep., eod. verb., n. 7.

Mais cette règle doit-elle être étendue à l'action civile, quand elle est intentée séparément de l'action publique et portée devant la juridiction civile? La négative ne peut faire doute. D'une part, l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction pénale, formée devant les tribunaux civils, est une instance civile, soumise aux règles du Code de procédure civile. V. Garraud, Tr. d'instr. crim. et de proc. pen., t. 1, n. 199; Sourdat, Tr. de la respons., 6 éd., t. 1, n. 285; notre C. instr. crim. annoté, par G. Le Poittevin, t. 1er, sur l'art. 3, n. 67, p. 65; et notre Rep. gén. du dr. fr., v° Action civile, n. 543; Pand. Rep.,. v° Instruction criminelle, n. 140 et s., 501 et s. C'est là un principe dont la jurisprudence de la Cour de cassation a fait application, en décidant que les dispositions de la loi du 29 juill. 1881, sur la presse, déterminant les formes de la citation devant les tribunaux de répression (art. 50 et 60), ne régissent pas les instances in

(C. proc., 397; C. instr. crim., 3; L. 29 juill. 1881).

Par suite, si, après avoir interjeté appel d'un jugement du tribunal civil prononçant contre lui une condamnation à des dommages-intérêts pour diffamation, le défendeur condamné, qui, dans l'instance d'appel, joue le rôle de demandeur, laisse écouler trois ans sans continuer la procédure, l'intimé est en droit de lui opposer la péremption de l'instance (3) (Id.).

Et, la péremption, en instance d'appel, ayant pour effet de donner au jugement frappe d'appel l'autorité de la chose jugée, l'appelant, auquel l'intimé oppose la péremption, n'est pas fondé à se prévaloir de la prescription de l'action en diffamation, tirée de l'expiration du délai de trois mois fixé par l'art. 65 de la loi du 29 juill. 1881 (4) (C. proc., 397, 469; L. 29 juill. 1881, art. 65).

En effet, dans le conflit des deux exceptions en jeu, la priorité doit nécessairement rester acquise à la péremption, puisqu'elle entraine l'extinction de l'instance d'appel, et qu'elle produit les effets d'une déchéance contre la partie qui, par son inaction, a perdu le droit de se prévaloir de la prescription (5) (Id.).

(Dupriez C. Serrin).

M. Dupriez s'est pourvu en cassation contre un arrêt de la Cour d'Amiens du 31 juill. 1907, qui avait rejeté l'exception de péremption de l'instance d'appel, par lui opposée à l'appel interjeté par M. Serrin d'un jugement du tribunal civil de Senlis, du 7 janv. 1903, qui l'avait condamné à 100 fr. de dommages-intérêts envers M. Dupriez, à raison d'articles diffamatoires publiés dans le journal le Nouvelliste de l'Oise, et avait déclaré l'action prescrite. 1er Moyen...

2e Moyen. Violation par fausse application de l'art. 65 de la loi du 29 juill. 1881; violation par non-application des art. 397

troduites devant les tribunaux civils, en réparation du préjudice causé par un délit prévu par ladite loi. V. Cass. 29 oct. 1900 (S. et P. 1901.1.85, et la note; Pand. pér., 1901.1.132); 30 mai 1911 (S. et P. 1912.1.567; Pand. pér., 1912.1.567), et les renvois. Adde, notre Rép. gén. du dr. fr., vo Presse, n. 579. Et, si la procédure des actions en réparation du dommage causé par un délit, lorsque les tribunaux civils en sont saisis, est soumise à la procédure de droit commun en matière civile, il s'ensuit que la péremption d'instance, telle qu'elle est réglementée par les dispositions des art. 397 et s., C. proc., auxquelles la jurisprudence a reconnu un caractère général, en les déclarant notamment applicables aux instances commerciales (V. Cass. 21 déc. 1836, S.1837.1.5.-P. 1837.1.130, et les renvois), et à l'instance suivie devant le tribunal ou la Cour de renvoi, après cassation (V. Riom, 8 juin 1853, S. 1853.2.582. - P. 1855.1.56),

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peut être opposée devant la juridiction civile, saisie de l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction.

L'intimé, dans la présente affaire, était donc en droit d'opposer à l'appelant, condamné en première instance par le tribunal civil à lui payer des dommages-intérêts pour diffamation, la péremption de l'instance, discontinuée pendant plus de trois ans. Il est de principe que l'intimé, en cause

à 401, C. proc., et violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué s'est refusé à reconnaître la priorité due à l'examen de la péremption de l'instance sur l'examen de la prescription de l'action, et en ce qu'il a dit, au surplus, la péremption de l'instance inapplicable, au civil, en matière de délit de presse.

3o Moyen. Violation des textes visés au deuxième moyen, en ce que l'arrêt attaqué s'est refusé à reconnaitre la priorité due à l'examen de la péremption de l'instance sur l'examen de la prescription de l'action, opposée postérieurement à la péremption, et en ce que, en outre, il a admis à tort qu'il y eût eu prescription avant la péremption.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen :... (sans intérêt);

Mais sur les deuxième et troisième moyens réunis : - Vu les art. 397 et 469, C. proc.; Attendu que l'art. 397, C. proc., contient une disposition générale applicable à toutes les instances suivies devant les tribunaux civils; Attendu qu'il résulte des qualités et des motifs de l'arrêt attaqué : 1o que, Dupriez ayant cité Serrin devant le tribunal civil, en réparation du préjudice à lui causé par l'article diffamatoire et injurieux que ledit Serrin avait publié contre lui dans le Nouvelliste de l'Oise (n. du 9 juill. 1902), le tribunal, par jugement du 7 janv. 1903, a condamné ledit Serrin en 100 fr. de dommages-intérêts; 2° que Serrin a interjeté appel le 21 juill. 1903, en excipant de la prescription de trois mois, édictée par l'art. 65, précité; 3° que, sur cet appel, Dupriez a constitué avoué le 23 juil. 1903, et que, le 23 juill. 1907, cet avoué a fait signifier à l'avoué de Serrin des conclusions tendant à « faire déclarer périmée l'instance d'appel, et déclarer, en consé

d'appel, est un défendeur, qui peut, par suite, réclamer la péremption d'instance, alors même qu'il serait le demandeur originaire. V. Cass. 28 juill. 1902 (S. et P. 1907.1.387), la note et les renvois. Et la péremption admise devait avoir pour effet de donner au jugement frappé d'appel, conformément à l'art. 469, C. proc., la force de chose jugée.

Une objection provenait de ce que l'appelant avait invoqué, comme moyen d'appel, la prescription de trois mois de l'art. 65 de la loi du 29 juill. 1881, et la question se posait de savoir laquelle de ces deux exceptions, de la péremption ou de la prescription, devait prévaloir, la prescription devant avoir pour effet d'éteindre l'action, tandis que la péremption, en faisant tomber l'instance d'appel, donnait, au contraire, force de chose jugée au jugement frappé d'appel. La Cour de cassation a estimé avec raison que l'exception de péremption devait prévaloir. En effet, emportant extinction de tous les actes de la procédure d'appel (C. proc., 401), et par conséquent de l'acte d'appel lui-même, elle mettait obstacle à ce que l'appelant pût invoquer les moyens sur lesquels il avait fondé son appel, et notamment la prescription. Seul le jugement de première instance demeurait, avec l'autorité de la chose jugée (C. proc., 469).

quence, que le jugement du 7 janv. 1903 a force de chose jugée »; Attendu que, pour rejeter cette exception, l'arrêt attaqué, sans contester la discontinuation de la procédure d'appel pendant plus de trois ans, déclare que la péremption, qui n'est pas admise en matière criminelle, ne peut être invoquée devant les juges saisis de l'action civile résultant d'un délit, et qu'il ajoute que, « si la péremption était admise, Dupriez pourrait ainsi échapper aux conséquences de la prescription qu'il a encourue »; Mais attendu, d'une part, que l'action civile résultant d'un délit, lorsqu'elle est exercée séparément de l'action publique, est soumise, quant à la procédure devant les tribunaux civils, aux règles de droit commun; qu'aucun texte du Code d'instruction criminelle et de la loi du 29 juill. 1881 sur la presse ne déroge à la disposition de l'art. 397, C. proc. ; qu'ainsi, dans la cause, l'instance était susceptible de péremption; - Attendu, d'autre part, que l'art. 469 du même Code dispose que la péremption, en instance d'appel, a pour effet de donner au jugement dont est appel la force de chose jugée; qu'il en résulte que, dans cette instance, l'appelant joue le rôle de demandeur, et l'intimé celui de défendeur, quels qu'aient été leurs rôles respectifs en première instance; d'où la conséquence que, si l'appelant laisse tomber l'instance, en s'abstenant de suivre son appel pendant trois ans, l'intimé est recevable à demander la péremption; Attendu, enfin, que, dans le conflit des deux exceptions qui sont en jeu dans la cause, la priorité reste nécessairement acquise à la péremption, puisqu'elle entraîne l'extinction de l'instance d'appel, et qu'elle produit les effets d'une déchéance contre la partie qui, par son inaction, a perdu le droit de se prévaloir de la prescription; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les textes ci-dessus visés; Casse, etc.

Du 26 déc. 1911. Ch. civ. - MM. Baudouin, ler prés.; Delcurrou, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Chabrol et Auger, av.

avril

(1-2-3) D'après l'art. 15, § 5, de la loi du 1898, modifiée par la loi du 31 mars 1905: « Les décisions du juge de paix relatives à l'indemnité journalière sont exécutoires nonobstant opposition ». Ces décisions sont-elles également exécutoires par provision nonobstant appel? La question est controversée. On a soutenu que, malgré le silence de l'art. 15, § 5, sur l'exécution provisoire en cas d'appel, les décisions du juge de paix sur l'indemnité journalière étaient de droit provisoirement exécutoires nonobstant appel. V. Trib. de Gex, 17 oct. 1906 (Journ. La Loi, 8 nov. 1906). Une autre opinion, tenant compte du silence de l'art. 17, § 5, sur l'exécution provisoire en cas d'appel, décide que l'exécution provisoire ne s'impose pas au juge, mais peut être facultativement prononcée par lui. Elle se fonde sur ce que, la procédure à suivre en cette matière, en dehors des dispositions pour lesquelles les lois sur les accidents du travail y ont dérogé, étant la procédure ordinaire des justices de paix, l'exécution provi

CASS.-REQ. 7 avril 1913.

OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, INDEMNITÉ TEMPORAIRE, JUGEMENT, EXÉCUTION PROVISOIRE, APPEL (Rép., vo Responsabilité civile, n. 2531 et s.; Pand. Rép., n. 3862 et s.).

L'art. 15, 5, de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905, en disposant que les décisions du juge de paix, relatives à l'indemnité journalière, sont exécutoires nonobstant opposition, a, par là même, sous-entendu qu'elles ne pourraient l'être nonobstant appel (1) (LL. 9 avril 1898, art. 15, $ 5; 31 mars 1905).

Ces décisions étant toujours rendues en dernier ressort, quel que soit le chiffre de la demande, et n'étant susceptibles d'appel que pour cause d'incompetence, ou lorsque le principe même de la demande est contesté, le droit à l'indemnité journalière se trouve, en effet, en cas d'appel, subordonné au jugement à intervenir (2) (Id.).

Dès lors, le juge de paix ordonne l'exécution provisoire hors des cas prévus par la loi, s'il condamne au paiement de l'indemnité journalière, avec exécution provisoire nonobstant appel, le chef d'entreprise qui dénie l'accident, et c'est à bon droit que le tribunal civil, saisi de l'appel, fait défense d'exécuter cette décision (3) (C. proc., 459; LL. 9 avril 1898, art. 15, $5; 31 mars 1905).

(De Rock C. Merveille père et fils). ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique, pris de la violation des art. 459 et 460, C. proc., 11 de la loi du 25 mai 1838, sur les justices de paix, 15 de la loi du 9 avril 1898, sur les accidents du travail, modifiée par la loi du 31 mars 1905, et 7 de la loi du 20 avril 1810 (en ce que la décision entreprise a fait défense à l'exposant d'exécuter un jugement de paix lui reconnaissant droit à des indemnités journalièresjusqu'à la solution de l'appel interjeté, alors que l'exécution provisoire avait été ordonnée, nonobstant appel, dans un cas prévu par la loi sur les justices de paix, et que n'exclut pas la loi sur les accidents du travail, et cela, par le seul motif que la

soire peut être ordonnée, en vertu de l'art. 11, § 2, de la loi du 25 mai 1838, en raison du caractère alimentaire de l'indemnité temporaire. V. Trib. de paix de Paris (19° arr.), 13 oct. 1909 (Journ. La Loi, 8 déc. 1909); Trib. de Valenciennes, 23 mars 1911 (Gaz. Pal., 1911.2.62); Baudry-Lacantinerie et Wahl, Du louage, 3o éd., t. 2, 2o part., n. 3339. Ces deux opinions doivent être l'une et l'autre écartées, et il faut décider, avec la Cour de cassation, que l'exécution provisoire ne peut jamais être ordonnée nonobstant appel. V. en ce sens, Trib. de la Seine, 26 févr. 1909 (Gaz. des Trib., 13 mars 1909); Aubry et Rau, 5o éd., t. 5, p. 572, § 872 quinquies, texte et note 19; Sachet, Tr. de la législ. sur les acc. du trav., 5o éd., t. 2, n. 1113; Loubat, Tr. sur le risque profess., 3o éd., t. 1er, n. 1461. Ce n'est pas seulement parce que le texte de l'art. 15, § 5, est muet sur l'exécution provisoire en cas d'appel, ce qui est déjà une raison des plus sérieuses; c'est aussi parce qu'il résulte des travaux préparatoires que le silence de l'art. 15,

loi sur les accidents du travail ne déclarait pas les sentences des juges de paix relatives à l'indemnité temporaire exécutoires nonobstant appel): Attendu que, dans la première partie du § 5 de l'art. 15, la loi du 9 avril 1898, sur les accidents du travail, modifiée par la loi du 31 mars 1905, en disposant que les décisions du juge de paix, relatives à l'indemnité journalière. sont exécutoires nonobstant opposition, a, parlà même, sous-entendu qu'elles ne pourraient l'être nonobstant appel; que, toujours rendues en dernier ressort, quel que soit le chiffre de la demande, ces sortes de décisions n'étant susceptibles d'appel que pour cause d'incompétence, ou lorsque le principe même de l'action est contesté, le droit à l'indemnité journalière se trouve, en effet, dans le cas d'appel, subordonné au jugement à intervenir; Or, attendu, dans l'espèce, qu'il résulte du jugement attaqué que l'accident du travail, dont de Rock prétendait avoir été victime, était dénié par les appelants, Merveille père et fils, ses patrons; Attendu, dès lors, qu'en déclarant que l'exécution provisoire du jugement, qui condamnait ces derniers à payer à cet ouvrier la somme de 112 fr. 50 pour demi-salaires, avait été ordonnée nonobstant appel hors des cas prévus par la loi, et en lui faisant défense d'exécuter cette décision, le tribunal civil de Lille n'a violé aucune des dispositions invoquées par le pourvoi; Rejette le pourvoi formé contre le jugement rendu, le 26 févr. 1912, par le tribunal civil de Lille, etc. Du 7 avril 1913. Ch. req. non, prés.; Michel-Jaffard, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Lemanissier, av.

- MM. Ta

CASS.-CIV. 15 novembre 1911. BAIL (EN GÉNÉRAL), BAIL ÉCRIT, DURÉE, PREUVE, PREUVE PAR ÉCRIT (COMMENCEMENT DE), PRÉSOMPTIONS (Rép., vo Bail en général, n. 419 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 462 et s.).

La preuve de la durée d'un bail par écrit, qui a reçu un commencement d'exécution, peut, en cas de désaccord des parties, être faite conformément aux prescriptions des

§ 5, a été intentionnel de la part des auteurs de la loi de 1905. M. Cordelet, président de la commission du Sénat, s'en est expliqué très nettement : " Nous n'avons pas cru devoir, a-t-il dit, admettre l'exécution provisoire en cas d'appel. Voici pourquoi. Le juge de paix, en principe, statue d'une manière définitive sur l'indemnité journalière. Mais il peut y avoir appel, si le juge de paix est incompétent, s'il y a contestation sur l'existence même de l'accident, ou sur l'application de la loi à la profession ou à l'accident luimême. L'appel n'est possible que dans ces trois cas. S'il est interjeté pour cause d'incompétence, la décision peut avoir été rendue par un juge de paix qui n'a pas qualité, et, dans les autres cas, c'est le fond même du droit qui est en contestation. Par conséquent, une indemnité journalière pourrait (s'il y avait exécution provisoire nonobstant appel) être accordée à un blessé qui n'y aurait aucun droit » (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 966, note 36).

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