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L'Administration de la guerre possède dans le département du Gard un champde tir, dit des Angles », qui avoisine une propriété consistant en bois, terres, bruyères et prairies, appartenant à M. de Forbin des Issarts. Celui-ci pratique sur cette propriété des coupes de bois, et l'afferme, en outre, pour le pâturage des bestiaux, la récolte des plantes aromatiques et la chasse. Prétendant avoir été troublé dans sa jouissance pendant les années 1907, 1908 et 1909, il a introduit contre l'Administration de la guerre une demande de dommages-intérêts, en prenant pour base de l'indemnité qu'il réclamait pour: 1" préjudice porté aux chasses; 20 dommage aux pâturages; 3° privation des chemins; 4 entraves à la cueillette des plantes aromatiques; 5° dommage aux coupes de bois, le damnum emergens et le lucrum cessans, conformément au droit commun des art. 1149 et 1382, C. civ. L'Administration de la guerre, sans contester le droit du demandeur à une indemnité, a répondu que le droit commun n'était pas applicable en la matière, et qu'aux termes de la loi du 17 avril 1901 et du règlement d'administration publique du 29 déc. 1901, rendu en exécution de la loi précitée, le dommage devait être calculé en prenant pour bases: 1 le produit total de la propriété; 2o l'étendue des terrains compris dans la zone dangereuse; 3o le nombre de jours de tir pour chaque année. Au moyen de ces trois données, une règle de proportion établirait d'abord le produit des terrains compris dans la zone dangereuse; puis ce produit serait divisé par 365 jours, et, enfin, le quotient de cette division serait multiplié par le nombre des jours effectifs de tir; le produit de cette multiplication donnerait le chiffre de l'indemnité.

Cette prétention de l'Administration a été repoussée par un jugement du tribunal civil d'Uzès, en date du 11 mai 1910, par les motifs suivants : — « Le Tribunal; Attendu que l'autorité militaire se livre à des calculs compliqués, à l'aide desquels elle divise la surface de la forêt, et, établissant une proportion entre cette surface et celle de la zone dangereuse, elle en arrive à évaluer le préjudice causé à tant par mètre carré de bois et par jour de privation de jouissance; que ce calcul, s'il arrive à évaluer d'après les baux ce que peut rapporter chaque mètre carré par chaque jour de jouissance, ne peut cependant pas s'appliquer à l'espèce; qu'en effet, quand on afferme un terrain quelconque, soit en vue de la chasse, soit en tout autre but, le preneur se propose d'exercer sa jouissance sur la surface entière, et qu'il est certain que, si la jouissance est entravée sur une partie seulement de la chose louée, c'est tout l'ensemble qui en souffre,

différent; c'est uniquement dans l'art. 54 bis (aujourd'hui 55) qu'il faut chercher quel est le pouvoir d'appréciation des tribunaux, et, comme nous l'avons vu, l'art. 54 bis, en autorisant l'allocation d'indemnités pour dommages causés, soit par des dégâts matériels, soit par privation de

et la moins-value qui en résulte s'applique à tout l'ensemble ». - En conséquence, le tribunal fixait, d'après les éléments portés à sa connaissance, l'indemnité due au demandeur pour les divers chefs de préjudice par lui allégués, en réservant seulement jusqu'après expertise l'évaluation du dommage causé aux coupes de bois. Sur appel du ministre de la guerre, ce jugement a été confirmé, par adoption de motifs, par un arrêt de la Cour de Nîmes, du 27 févr. 1911.

POURVOI en cassation par le ministre de la guerre. Moyen unique. Violation des art. 1382, 1383, C. civ., 54 et 54 bis de la loi du 17 avril 1901, 114 et 115 du décret réglementaire du 29 déc. 1901, et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs et manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a alloué à un propriétaire voisin d'un champ de tir des indemnités calculées sur des bases autres que celles qui constituent des causes de préjudice légalement recevables, aux termes des textes spéciaux, notamment en ne tenant compte, ni de l'étendue des terrains compris dans la zone dangereuse, ni de la durée de la privation de jouissance par suite des tirs, et sans répondre aux conclusions de l'Administration de la guerre, invoquant la législation et la réglementation spéciales de la matière.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique : Attendu que de Forbin des Issarts est propriétaire de terres, prés et bois, dont une partie se trouve comprise dans la zone dangereuse du champ de tir dit « des Angles, établi dans le voisinage desdites propriétés; Attendu que, troublé dans sa jouissance, tant par la privation partielle du droit de chasse pendant les années 1907, 1908 et 1909 que par les entraves apportées à l'exploitation des coupes, de Forbin des Issarts a introduit devant l'autorité judiciaire une demande de dommages-intérêts contre l'Etat, représenté par le ministre de la guerre; Attendu que, sans contester le principe du droit du défendeur éventuel à une indemnité, l'Administration de la guerre a soutenu que, par dérogation au droit commun, et par application des art. 54 et 54 bis de la loi du 17 avril 1901, 114 et 115 du décret du 29 décembre suivant, ladite indemnité devait être obligatoirement calculée en prenant pour base: 1° l'étendue du territoire interdit; 2o le temps de l'interdiction; 3o la valeur productive des terrains; Mais attendu qu'aucune prescription de cette nature ne se rencontre dans les textes visés au moyen; que les art. 54 et 54 bis de la loi du 17 avril 1901 se bornent à dire que des indemnités seront allouées en cas de dommages causés, soit par dégâts matériels, soit par privation de jouissance, aux propriétés interdites

jouissance, laisse aux tribunaux le pouvoir d'appréciation qui leur appartient de droit commun (V. Cass. 12 juill. 1892, S. et P. 1896.1.510; Pand. pér., 1893.1.495; 27 juin 1893, S. et P. 1898. 1.133, et les renvois; Pand. pér., 1894.6.4) pour déterminer, d'après les faits de la cause, la me

aux habitants à l'occasion des exercices de tir, qu'une commission attachée à chaque corps d'armée procéderait à l'estimation de ces dommages, dont l'évaluation et le paiement seront déterminés par un règlement d'administration publique; - Attendu que ledit règlement, en prescrivant aux commissions de reconnaitre, avant chaque série d'exercices, l'état des terrains interdits, de se rendre compte de leur valeur, de la nature des cultures et de leur production moyenne, s'est borné à déterminer leur rôle en vue de la fixation de l'indemnité amiablement offerte par l'administration militaire; que loin de rendre obligatoire pour les parties lésées l'indemnité ainsi fixée par l'autorité militaire, les art. 54 de la loi du 17 avril 1901 et 114 du règlement d'administration publique disposent qu'en cas de refus de l'indemnité offerte par l'administration militaire, la contestation sera introduite et jugée comme il est dit aux & 4 et s. de l'art. 26 de la loi du 3 juill. 1877, c'est-à-dire par l'autorité judiciaire, statuant comme en matière sommaire; que la loi du 3 juil. 1877 ne porte aucune dérogation au droit commun, et ne prescrit, pour la fixation du chiffre de l'indemnité, aucun mode d'évaluation forfaitaire, arithmétique ou autre, obligatoire pour les tribunaux; d'où il suit que l'arrêt attaqué, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a ni violė ni faussement appliqué les textes visés au moyen, en déclarant inadmissibles les calculs compliqués de l'Administration, et en allouant à de Forbin des Issarts une indemnité égale au préjudice matériel que lui aurait causé l'empêchement de louer sa chasse dans de bonnes conditions, et en renvoyant les parties devant des experts pour l'évaluation du dommage causé par l'obstacle apporté à l'exploitation des coupes de bois par les tirs militaires; Rejette, etc. Du 19 juin 1912. Ch. req. non, prés.; Feuilloley, rapp.; Blondel, av. gén. (concl. conf.); Regray, av.

MM. Ta

CASS.-Civ. 21 février 1911.

ALIMENTS, CONJOINT SURVIVANT, ACTION EN JUSTICE, DÉLAI, MOTIFS DE JUGEMENT OU D'ARRÊT, CHEF SPÉCIAL DE CONCLUSIONS, QUALITÉS, MENTION (ABSENCE DE) (Rép., vis Aliments, n. 93, Successions, n. 2426, 2427; Pand. Rép., vo Aliments, n. 508 et s.).

Le délai d'un an, accordé à l'époux survivant, par l'art. 205, C. civ., modifié par la loi du 9 mars 1891, pour réclamer des aliments à la succession de son conjoint prédécédé, est un délai de rigueur (I) (C. civ., 205; L. 9 mars 1891, art. 2).

A défaut de reconnaissance amiable de la dette alimentaire, le créancier de cette

sure du préjudice causé à une partie qui en demande réparation.

(1) Reserve faite pour le cas où il y a partage, l'époux survivant, qui prétend obtenir des aliments sur la succession de son conjoint, doit, sous peine de déchéance former sa réclamation

dette doit, pour la conservation de son droit, et sous peine de déchéance, produire sa réclamation, sous la forme d'une action en justice, dans ledit délai (1) (Id.).

Et la décision, qui déclare l'action tardive pour avoir été exercée plus d'un an après le décès, n'a pas à rechercher si le demandeur aurait pu bénéficier de la prolongation de délai accordée par la loi jusqu'à l'achèvement du partage, alors qu'il ne résulte pas des qualités que ce moyen ait fait l'objet d'un chef special de conclusions (2) (L. 20 avril 1810, art. 7). (Barbotteau C. Martin). - ARRÈT.

LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi en ses deux branches (violation de l'art. 205, C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs, en ce que le jugement attaqué, sans s'expliquer sur un chef précis des conclusions de l'exposant, a déclaré sa demande en pension alimentaire, dirigée contre le légataire universel de la femme prédécédée, irrecevable, sous prétexte qu'elle n'aurait pas été introduite par voie d'action dans l'année du décès de celle-ci, alors qu'il ne ressort nullement des termes de l'article susvisé que la réclamation qui doit être faite dans ce délai soit une demande en justice): - Attendu que l'art. 205, C. civ., modifié par la loi du 9 mars 1891, en accordant au conjoint survivant le droit à des aliments sur la succession de l'époux prédécédé, dispose que le délai pour les réclamer est d'un an à partir du décès, et se prolonge, en cas de partage, jusqu'à son achèvement »; que, de l'ensemble de cette disposition, il résulte que le délai d'un an est de rigueur, et qu'à défaut de reconnaissance amiable de la dette alimentaire, le créancier de cette dette

dans l'année du décès. V. Poitiers, 7 juill. 1897 (S. et P. 1898.2.35), et la note. Adde, BaudryLacantinerie et Houques-Fourcade, Des pers., 3o éd., t. 3, n. 2143; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 6o éd., t. 1, n. 916.

Il n'est pas douteux, d'ailleurs, que le législateur, en fixant ce délai, a entendu parler d'une réclamation judiciaire, et qu'une réclamation amiable. faite dans le délai, ne suffirait pas à conserver le droit de l'époux survivant. V. sur ce point, qui ne paraît pas avoir jamais été contesté, Degand, Tr. de la succ, entre époux, n. 262.

(1) V. la note qui précède.

(2) Les conclusions rapportées aux qualités sont les seules qui soient réputées avoir été soumises aux juges. V. Cass. 10 janv. 1911 (S. et P. 1911. 1.223; Pand. pér., 1911.1.223), et le renvoi. Et les juges ne sont tenus de statuer que sur les moyens relevés dans des chefs distincts des conclusions. V. Cass. 17 janv. 1905 (S. et P. 1905.1.440; Pand. per., 1905.1.253); 28 juin 1905 (S. et P. 1908.1. 246; Pand. pér., 1908.1.246), et les renvois.

(3-4-5) Aux termes de l'art. 365, C. comm., l'assurance faite après la perte ou l'arrivée des objets est nulle, s'il y a présomption qu'avant la signature du contrat, l'assuré a pu être informé de la perte, ou l'assureur de l'arrivée des objets assurés ; et, d'après l'art. 366, « la présomption existe, si, en comptant trois quarts de myriamètre par heure, il est établi que, de l'endroit de l'arrivée ou de la perte du vaisseau..., la nouvelle a pu être

doit, pour la conservation de son droit, et sous peine de déchéance, produire sa réclamation, sous la forme d'une action en justice, dans ledit délai; Attendu qu'il résulte des qualités du jugement attaqué que la dame Martin, épouse du sieur Barbotteau, demandeur en cassation, est décédée le 1er nov. 1905, et que c'est seulement à la date du 8 déc. 1906 que ce dernier a cité en justice le sieur Martin, légataire universel de sa femme, en paiement de la pension alimentaire mise à la charge de la succession par l'art. 205, précité; Attendu, dès lors, que c'est à bon droit que le tribunal a déclaré cette action tardive, sans qu'il ait eu à examiner la question de savoir si le demandeur avait pu bénéficier de la prolongation du délai accordée par la loi jusqu'à l'achèvement du partage; qu'il ne résulte pas des qualités du jugement que Barbotteau ait fait de ce moyen un chef spécial de ses conclusions d'appel; - Rejette le pourvoi contre le jugement du tribunal civil d'Angoulême du 10 déc. 1907, etc.

Du 21 févr. 1911. Ch. civ. MM. Ballot-Beaupré, 1er prés.; Delcurrou, rapp.: Lombard, av. gén. (concl. conf.); Labbé et Brugnon, av.

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portée dans le lieu où le contrat d'assurance a été passé, avant la signature du contrat ». C'est là une présomption contre laquelle nulle preuve n'est admise » (C. civ., 1352). V. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4° éd., t. 6, n. 1124; Desjardins, Tr. de dr. comm. marit., t. 7, n. 1480; de Valroger, Comment. du liv. 2, C. comm., t. 4, n. 1701; notre C. comm. annoté, par Cohendy et Darras, sur l'art. 366, n. 1; et notre Rép. gén. du dr. fr., v Assurance maritime, n. 274; Pand. Rep., eod. verb., n. 1734. Elle n'est plus aujourd'hui, dans notre législation, qu'un anachronisme; aussi les polices actuellement en usage l'écartent-elles pour la remplacer par des présomptions conventionnelles toutes différentes. V. not., l'art. 29 des polices françaises d'assurance sur corps, et l'art. 18 des polices d'assurance sur facultés ; et Lyon-Caen et Renault, op. et loc. cit.; Desjardins, op. et loc. cit.; de Courcy, Comment, des polices franç. d'assur. marit., 2e éd., p. 168 et s., 334 et s.; Weill, Des assur. marit., n. 211; notre C. comm. annoté, sur l'art. 366, n. 2; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 266; Pand. Rép., verb. cit., n. 1785. Mais, dans le silence de la police, elle n'en continue pas moins à régler les rapports des parties.

Dans l'espèce ci-dessus, l'application de cette présomption, dite « de la lieue et demie par heure », donnait lieu à une double difficulté :

1° Il y avait désaccord sur le moment où s'était produite la perte du navire. Le pourvoi soutenait, au vu du rapport de mer, qu'en tenant la perte

sur un navire, ont été assurées le lendemain du départ de ce navire et à un moment où il était déjà échoué et les marchandises perdues, les juges du fond, - qui constatent souverainement que, le jour même du départ du navire et dans la soirée, une voie d'eau s'étant déclarée, le capitaine avait essayé de rallier la terre, et qu'ayant mouillé dans une baie, puis appareillé à nouveau pour tenter de gagner le point de départ, il avait dû retourner au mouillage et échouer le navire, un peu après minuit, ont pu conclure de ces constatations que le navire devait être considéré comme perdu lors de l'arrivée au mouillage, en telle sorte que c'était à compter de l'heure du mouillage, et non de l'heure de l'échonement, que devait être calculé le délai après lequel, aux termes de l'art. 366, C. comm., il y a présomption que l'assuré, qui a conclu une assurance après la perte des objets assurés, est présumé connaitre cette perte (3) (C. comm., 365, 366).

D'autre part, dans le désaccord existant entre l'assureur et l'assure sur l'heure à laquelle a été faite la déclaration d'assu rance, portant qu'elle avait été faite avant midi, les juges du fond ont pu fixer cette heure à midi même, de telle manière qu'il importait peu que la perte ait eu lieu au moment du mouillage ou au moment de l'échouement, le délai de l'art. 366 étant, dans un cas comme dans l'autre, expiré lors du contrat d'assurance (4) (Id.)

Et c'est à bon droit que les juges du fond ont déclaré inexistante, dans ces circonstances, l'assurance des marchandises (5) (Id.).

(Ngo-hien et autres C. Diethelm et Cie).

Par police en date du 30 déc. 1909, portant qu'elle avait été signée < avant

pour survenue dès le moment où le navire avait été mouillé, c'est-à-dire à un moment où il était seulement en perdition, et non au moment de l'échouement, qui seul avait consommé la perte définitive, la Cour d'appel avait violé les art. 365 et 366, C. comm. Mais c'était là une question de pur fait, et, par suite, l'appréciation des juges du fond était souveraine.

2 Il y avait aussi désaccord sur l'heure à laquelle l'assurance avait été souscrite après le sinistre. La police portait qu'elle avait été signée " avant midi ", et il avait été satisfait ainsi au vœu de l'art. 832, C. comm., qui, en exigeant que le contrat d'assurance soit daté, et qu'il y soit énoncé s'il a été passé avant ou après midi, n'exige pas l'indication de l'heure. Or, il y a controverse dans la doctrine sur le point de savoir à quelle heure la police doit être tenue pour souscrite, quand elle énonce seulement qu'elle a été signée avant ou après midi. D'après Dageville (C. comm. expliqué, t. 3, n. 342), l'heure de la signature devrait être placée à l'ouverture des bureaux, au matin ou au soir. Mais l'opinion dominante s'est fixée en ce sens que la signature doit être placée au dernier moment de la partie du jour que la police indique, c'est-à-dire à midi, si l'énonciation porte avant midi », et au coucher du soleil, si l'énonciation porte après midi ». V. Pardessus, Cours de dr. comm., t. 2, n. 785; Bédarride, Dr. comm., t. 4, n. 1883 et s.; Boulay-Paty, Cours de dr. comm. marit., t. 4, p. 193; Lemonnier, Com

midi, MM. Diethelm et Cie, agents d'assurances à Saigon, avaient assuré, pour 62.000 piastres, des marchandises appartenant à MM. Ngo hien et autres, chargées à bord du Guadania, vapeur qui avait quitté la veille, 29 décembre, le port de Saïgon. Au moment où cette assurance était souscrite, les marchandises assurées étaient déjà perdues, car, dans la soirée même du jour du départ, par le travers du cap Saint-Jacques, une voie d'eau s'étant déclarée, le capitaine avait pris le parti de rallier la terre, et, après avoir mouillé à 11 h. 15 dans la baie des Cocotiers, avait échoué volontairement son navire, à minuit 47. Dans ces conditions, MM. Diethelm et Cie se sont refusés à payer toute indemnité, par une lettre déclarant qu'ils considéraient l'assurance comme nulle, en vertu des art. 365 et 366, C. comm., puisqu'à l'heure où elle avait été signée, le 30 déc. 1909, « entre 9 heures et 10 heures du matin, la nouvelle du sinistre devait être réputée connue à Saigon. Les assurés ont alors assignė MM. Diethelm et Cie devant le tribunal de Saigon, qui a fait droit à leur demande par jugement du 28 mai 1910. Mais, sur appel de MM. Diethelm et Cie, la Cour d'appel de l'Indo-Chine a rendu, le 4 mars 1911, un arrêt infirmatif, et annulé l'assurance, par application des dispositions invoquées, motifs pris, d'une part, de ce que le délai de la présomption de l'art. 366 avait commencé à courir au moment du mouillage, et non au moment de l'échouement, et, d'autre part, de ce que dans le silence de la convention, qui indiquait seulement que la police avait été signée avant midi », c'était l'heure de midi qui devait être considérée, suivant la doctrine dominante, comme ayant été celle de la passation du contrat.

POURVOI en cassation par MM. Ngo-hien et autres. Moyen unique. Violation des art. 1354 et s., C. civ., 332, 365, 366, C. comm., et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de base légale, en ce que l'arrêt, d'une part, n'a pas tenu compte d'un aveu pour la détermination de l'heure de la signature de la police d'assurance, et, d'autre part, a fait courir le délai de la présomption de l'art. 366, non de l'heure de la perte effective du navire, mais de celle où il se serait trouvé en perdition.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique: Attendu que les demandeurs en cassation ont chargé à Saïgon, le 29 déc. 1909, sur le vapeur Guadania, diverses marchan

ment. sur les principales polices d'assur, marit, en France, n. 395, p. 288, note 1; et notre Rép. gen. du dr.fr., verb. cit., n. 272; Pand. Rep., verb. cit., n. 1736 et s. Comp. Desjardins, op. et loc. cit.; de Valroger, op. cit., t. 4, n. 1702; Cauvet, Tr. des assur. marit., t. 1o, n. 336, qui exposent la controverse sans prendre parti. C'est cette dernière opinion qu'avait admise la Cour d'appel. La Cour de cassation a évité de se prononcer sur la question. Elle pouvait s'en abstenir, parce que le pourvoi se bornait à faire grief à l'arrêt attaqué d'avoir, en fixant l'heure de la signature de la police à midi, méconnu l'aveu contenu dans la lettre par

dises, et que, dans la matinée du lendemain, ils ont demandé à Diethelm et Cie de les leur assurer pour une valeur de 62.000 piastres; qu'à ce moment, le navire, qui était parti la veille au soir, était échoué au cap Saint-Jacques, et qu'il s'est agi de suite de savoir si, lorsqu'ils ont passé leur déclaration d'assurance, les assurés étaient légalement présumés connaitre le sinis tre; Attendu qu'il résulte, à cet égard, du rapport de mer que, le 29 décembre, à 10 h. 35 du soir, le vapeur se trouvant à cinq milles au sud du cap Saint-Jacques, une voie d'eau extrêmement grave se déclara; que, sentant le danger, le capitaine vira de bord pour rallier les terres, et placa l'équipage aux postes d'abandon; qu'à 11 h. 15, il mouilla dans la baie des Cocotiers, puis appareilla pour tenter d'atteindre Saigon, mais qu'à minuit 15, la voie d'eau subissant une recrudescence rapide, il retourna à son mouillage, où, à minuit 47, il échoua son navire pour lui assurer le minimum d'invasion de l'eau; que l'arrêt attaqué a pu conclure de ces faits, dont il appréciait souverainement la portée, que, l'avarie s'étant produite au large, le bâtiment et sa cargaison devaient être considérés comme perdus lors de l'arrivée au mouillage, et que, l'art. 366 présumant que la nouvelle du sinistre se transmet à raison de trois quarts de myriamètre par heure, cette nouvelle était réputée connue à Saïgon, distant du cap Saint-Jacques de 80 kilomètres, à 9 h. 30 du matin; Attendu, d'autre part, que, dans le désaccord des parties sur l'heure à laquelle la déclaration d'assurance a été faite, la Cour, devant laquelle il n'a été passé aucun aveu contraire, a pu décider que la police avait été signée à midi; qu'en présence de cette constatation, il importerait peu que la perte du Guadania ait eu lieu à 11 h. 15 ou à minuit 47, puisque, dans ces deux cas, le délai de l'art. 366 était expiré lors du contrat; Attendu qu'en considérant, par suite, que l'assurance avait été conclue sur des risques inexistants, et qu'en prononçant l'annulation, l'arrêt attaqué, dùment motivé, n'a violé aucun des textes visés par le pourvoi; Rejette, etc.

Du 2 avril 1912. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Letellier, rapp.; Lénard, av. gén. (concl. conf.); de Ségogne, av.

CASS.-REQ. 16 avril 1913. CESSION-CESSIONNAIRE, COMMUNE, SIGNIFICATION, MAIRE, Receveur municIPAL (Rép., laquelle l'assureur, en répondant à la réclamation de l'assuré, avait mentionné que la police avait été signée entre 9 et 10 heures du matin ». Ce prétendu aveu étant écarté par la déclaration qu' il n'avait été passé aucun aveu » devant la Cour d'appel, la fixation à midi, par l'arrêt attaqué, de la signature de la police, demeurait, avec la conséquence que, cette heure étant postérieure à l'expiration du délai de l'art. 366, soit que le point de départ de ce délai, et, par suite, la perte des marchandises, fût placé au moment du mouillage, soit qu'il fût placé au moment de l'échouement, de toute manière, l'assurance devait être tenue

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vo Cession de créances ou de droits incorporels, n. 212 et s.; Pand. Rép., vo Cessions de créances, n. 503 et s.).

En cas de cession d'une créance sur une commune, c'est au maire, qui est son représentant légal, et non au receveur municipal, qui, bien que détenteur des deniers de la commune, n'a pas d'autres attributions que celles d'un comptable, et ne peut effectuer un paiement que s'il a été ordonnancé par le maire, que doit être faite la signification prescrite par l'art. 1690, C. civ. (1) (C. civ., 1690; L. 5 avril 1884, art. 153).

(Comm. de Cuges C. Emeric et autres). – ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des art. 1690, C. civ., 557, 561, C. proc., et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut et contradiction de motifs (en ce que l'arrêt attaqué a considéré comme opposable à la commune de Cuges la cession d'une créance existant sur elle, alors que cette cession n'avait été signifiée qu'au maire de ladite commune, et que, pour être opposable à celle-ci, elle aurait dû être également faite au détenteur des fonds affectés au paiement de la dette, c'est-à-dire au receveur municipal): Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré valable et régulière la signification faite au maire de la commune de Cuges, d'un transport-cession, consenti au défendeur éventuel, des sommes dues par cette commune aux hoirs Chauvet; Attendu que le pourvoi soutient que cette signification était inopposable à la commune, parce qu'elle n'avait pas été faite au receveur municipal, seul qualifié pour la recevoir; - Mais attendu que le receveur municipal, bien que détenteur des deniers de la commune, n'a pas d'autres attributions que celles d'un simple comptable; qu'il ne peut sortir d'argent de sa caisse que si le paiement a été ordonnancé par le maire; que c'est donc au maire, représentant légal de la commune, que doit être faite la signification prescrite par l'art. 1690, C. civ.; qu'ainsi, l'arrêt attaqué, dûment motivé, n'a violé aucun des textes de loi visés au moyen; Rejette le pourvoi contre l'arrêt rendu le 1er mai 1911 par la Cour d'Aix, etc. Du 16 avril 1913. Ch. req.- MM. Tanon, prés.; Duboin, rapp.; Blondel, av. gén. (concl. conf.); Marcilhacy, av.

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pour nulle, au sens des art. 365 et 366, C. comm. (1) Par cet arrêt, la Cour de cassation résout, dans le sens de l'opinion la plus généralement admise par les Cours d'appel et par la doctrine, une question depuis longtemps controversée. V. conf., Chambéry, 17 janv. 1873 (S. 1873.2.79. P. 1873 345); Nîmes, 28 nov. 1910 (S. et P. 1911. 2.204; Pand. pér., 1911.2.204), et les renvois. Adde, les renvois de la note sous Douai, 15 mars 1894 (S. et P. 1894.2.215). Mais V. en sens contraire, Nancy, 13 oct. 1889 (Rec. de Nancy, 1888-1889, p. 317), et Douai, 15 mars 1894, précité. V. au surplus sur la question, la note sous ce dernier arrêt.

. CASS.-REQ. 24 octobre 1910. 1o LETTRE MISSIVE, PRODUCTION EN JUSTICE, LETTRES CONFIDENTIELLES, AVOCAT, AVOUÉ, CONVENTION ENTRE PARTIES, MENTION

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< CONFIDENTIEL », POUVOIR DU JUGE (Rép., v° Lettre missive, n. 150, 343 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 138 et s., 350, 375 et s., 708). 20 AVOCAT, USAGES DU BARREAU, NÉGOCIATIONS ENTRE LES CLIENTS, LETTRES MISSIVES, USAGE en Justice (Rép., vo Avocat, n. 577 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1137 et s.). -3° DONATION (ENTRE VIFS), CONTRAT COMMUTATIF, TESTAMENT, DEMANDE EN NULLITÉ, AIDE ET ASSISTANCE, RÉMUNÉRATION (Rép., v Donation entre vifs, n. 3 et s., 1718; Pand. Rép., vo Donations et testaments, n. 32, 1069 et s.).

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4° MOTIFS DE JUGEMENT OU D'ARRÊT, APPEL, CONCLUSIONS A FIN DE CONFIRMATION, DEMANDE non reproduite en appel (Rép., v Jugement et arrêt [mat. civ. et comm.], n. 1929 et s., 204 et s.; Pand. Rép., vo Jugements et arrêts, n. 1179 et s., 1334 et s.). 5o CASSATION, MOYEN NOUVEAU, FAIT ET DROIT, MANDAT, PREUVE (Rép., vo Cassation [mat. civ.], n. 1993 et s.; Pand. Rép., vo Cassation civile, n. 1925 et s.). 6o COMMUNAUTÉ CONJUGALE, DETTES DE LA FEMME, AUTORISATION DU MARI, CONDAMNATION CONJOINTE (Rép., v° Autorisation de femme mariée, n. 729 et s.; Pand. Rép., vo Mariage, n. 2342 et s., 11726 et s.).

1° Si, en principe, les lettres missives appartiennent au destinataire, celui-ci n'a pas le droit, lorsqu'elles sont confidentielles, de les rendre publiques, de les communi quer à un tiers, ou de les produire en justice, sans l'assentiment de l'expéditeur (1)

(1) Le destinataire d'une lettre missive confidentielle n'en étant pas le maître absolu, et n'en pouvant faire usage contre le gré de celui qui l'a écrite (V. Orléans, 29 juill. 1896, S. et P. 1896.2. 248, et les renvois), il ne peut, en principe, être fait usage en justice d'une lettre missive confidentielle sans l'assentiment de son auteur, ni par le destinataire (V. Cass. 5 mai 1897, motifs, S. et P. 1901. 1.454; Pand. per., 1898.1.413; Trib. de Bayeux, 10 déc. 1907, motifs, sous Cass. 1er juill. 1909, S. et P. 1910.1.97; Pand. pér., 1910.1.97), ni par un tiers. V. Cass. 20 oct. 1908 (S. et P. 1909.1.253; Pand, pér., 1909.1.253), et les renvois.

(2-3) Si les lettres missives sont, en principe, réputées confidentielles (V. Cass. 19 juin 1895, S. et P. 1895.1.325; Pand. pér., 1896.1.300, et les renvois), il appartient aux juges d'apprécier souverainement si les lettres produites en justice ont ce caractère. V. Cass. 5 févr. 1900 (S. et P. 1901.1.17, et la note de M. Naquet; Pand. pér., 1901.1.235); 28 mai 1900 (S. et P. 1901.1.263); 20 oct. 1908 (S. et P. 1909.1.253; Pand. pér., 1909. 1.253). Adde, la note et les renvois sous Paris, 7 mars 1912 (Infra, 2° part., p. 14).

On s'accorde à reconnaître qu'il convient de réputer confidentielles les correspondances échangées entre avocats, ou entre avocats et avoués, au sujet des affaires qui leur sont confiées, et a fortiori celles échangées entre une partie et son conseil. V. Cass. 11 mai 1887 (S. 1887.1.264. P. 1887.1.632, la note et les renvois; Pand. pér., 1887.1.171). Adde, Legris, Du secret des lettres missives, 2o éd., n. 94; Hanssens, Du secret des lettres, n. 246; Péret, L'inviolabilité du secret des lettres, n. 60; et notre Rép.

(C. civ., 544). Rés. par la C. d'appel. Les lettres échangées entre des avocals, ou entre des avocats et des avoués, ou encore entre des avocats ou des avoués et leurs clients, doivent être présumées confidentielles; mais elles n'ont pas nécessairemen? Id. ce caractère (2) (Id.).

Spécialement, si des avocats et des avoués se font intermédiaires entre leurs clients pour amener entre eux un accord, les correspondances ainsi échangées, contenant les clauses et conditions des conventions intervenues entre les parties, ne sauraient demeurer secrètes, puisque, si ces lettres ne pouvaient être communiquées à ceux dont les intérêts sont ainsi débattus, on en arriverait à rendre impossible aux contractants la preuve des engagements dont ils récla ment l'exécution (3) (Id.). — Id.

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La mention « personnelle ou confidentielle, apposée sur ces lettres, serait insuffisante, dans ce cas, pour leur imprimer le caractère de lettre confidentielle, et pour interdire aux parties de s'en servir devant les tribunaux, à l'effet d'établir leurs droits, ladile mention étant en contradiction avec la nature du document et sa destination (4) Id. (Id.).

2° S'il appartient aux conseils de discipline d'avocats de ne pas permettre à des avocats de jouer le rôle d'intermédiaires el de négociateurs entre leurs clients, le juge ne saurait refuser de faire état de lettres missives produites aux débats, par le seul motif que l'avocat dont elles émanent aurail, en les écrivant, contrevenu aux usages el aux règles du barreau (5) (Ordonn., 20 nov. 1822, art. 45). Kés. par la C. d'appel.

30 La promesse faite par un héritier, qui gén. du dr. fr., v Lettres missives, n. 150; Pand. Rep., Lettres missives, n. 708. Ce n'est pas seulement le secret des lettres qui s'oppose, en pareil cas, à leur divulgation, c'est encore le secret professionnel. V. la note sous Cass. 11 mai 1887, précité; Péret, Legris et Hanssens, op. et loc. cit. Mais, même pour cette catégorie de lettres, le caractère confidentiel peut ne pas être reconnu, suivant les cas. Ainsi, les lettres échangées entre avocats ne présentent pas le caractère confidentiel, quand elles ont été écrites par eux avec l'intention et avec le pouvoir d'obliger leurs clients. V. Rennes, 24 févr. 1894 (cité par notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 151); Hanssens, op. et loc. cit.; Péret, op. et loc. cit.

Il importe peu que l'usage professionnel de certains barreaux interdise aux avocats de s'entremettre par correspondance pour négocier entre leurs clients. L'avocat qui transgresse cet usage pourrait être, le cas échéant, passible d'une peine disciplinaire (V. sur l'autorité des usages maintenus par l'art. 45 de l'ordonn. du 20 nov. 1822, Cass. 9 mai 1893, 2 arrêts, S. et P. 1893.1.417; Montpellier, 18 avril 1894, S. et P. 1895.2.29). Mais cette circonstance ne saurait retirer à la correspondance échangée l'intérêt qu'elle peut présenter au point de vue de la preuve des conventions qu'elle relate, ni faire obstacle à ce que cette correspondance soit produite en justice, s'il est reconnu qu'elle n'avait pas un caractère confidentiel.

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a formé une demande en nullité du legs universel fait par le de cujus, de verser à son cohéritier exhérédé une quote-part de l'émolument de la succession, si le legs universel étail annulé, n'a pas le caractère d'une libéralité, soumise aux formes des donations, lorsque cette promesse n'est que la rémunération des services et de la collaboration de l'héritier exhérédé en vue du succès de la demande en nullité (6) (C. civ., 894, 931, 1104). Rés. par la C. d'appel.

4o Une partie, qui, en appel, tout en déclarant reprendre ses conclusions de première instance, a, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, précisé les points du débat qu'elle entendait soumettre aux juges d'appel, sans y comprendre une demande subsidiaire, par elle soumise aux premiers juges, mais sur laquelle ils n'ont pas eu à statuer, ne saurait être considérée comme ayant fait revivre ce chef de contestation (7) (L. 20 avril 1810, art. 7).

Par suite, la constatation de l'arrêt que le litige sur lequel portait la demande subsidiaire n'a été l'objet d'aucune contestation devant la Cour, ne saurait être critiquée pour défaut de motifs, ni pour dénaturation de conclusions (8) (Id.).

5o Est nouveau, comme mélangé de fait et de droit, le moyen tiré de ce que les juges du fond auraient admis l'existence d'un mandat, sans que la preuve en fût légalement rapportée, alors que l'existence du mandat n'a pas été contestée devant les juges du fond, qui ont eu seulement à rechercher la nature juridique et la portée d'un engagement pris au nom de la partie par le mandataire (9).

6o Un arrêt, qui a condamné deux époux à acquitter un engagement pris par la

Péret, L'inviolabilité du secret des lettres, n. 59; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Lettre missive, n. 145; Pand. Rep., v Lettres missives, n. 163 et s.

(5) V. la note 2-3, ci-dessus, in fine.

(6) La convention avait les caractères d'un contrat commutatif, et non celui d'une libéralité (C. civ., 1104), puisque l'avantage qu'elle procurait à la partie bénéficiaire de la promesse contenue dans la convention avait pour contre-partie les prestations que cette partie devait fournir. V. sur le principe, Cass. 20 mars 1905 (S. et P. 1906.1. 197, et la note; Pand. pér., 1905.1.277).

(7-8) L'intimé, qui, devant la Cour, conclut à la confirmation pure et simple du jugement, s'approprie ainsi les moyens qui ont motivé la décision des premiers juges. V. Cass. 3 mai 1893 (S. et P. 1893.1.365); 14 févr. 1894 (S. et P. 1894.1.165; Pand. pér., 1894.7.114), et les renvois. V. aussi, Cass. 7 juill. 1910 (S. et P. 1911.1.29; Pand. per., 1911.1.29), et la note. Il s'ensuit que devrait être annulé pour défaut de motifs l'arrêt qui ne répondrait pas à un moyen admis par les premiers juges. V. Cass. 14 févr. 1894, précité, et les renvois. A l'inverse, en concluant à la confirmation pure et simple du jugement, l'intimé ne reprend pas des conclusions par lui déposées en première instance, et que le tribunal a rejetées, ou sur lesquelles, comme dans l'espèce, il n'a pas eu à statuer. Ces conclusions doivent être considérées comme n'ayant pas été reprises en appel, et la Cour n'a pas à statuer sur des conclusions de première instance non reproduites en appel. V. Cass. 30 janv. 1900 (S. et P. 1900.1.403); 21 mai 1900 (S. et P. 1901.1.186), et les renvois. (9) V. sur le principe que les moyens mélangéa

femme, alors que le mari figurait au procès tant en son nom personnel que pour assister et autoriser sa femme, ne saurait être critiqué pour avoir prononcé cette condam nation sans se préoccuper du régime matrimonial des époux, qui ne lui était d'ailleurs pas soumis; la question de savoir dans quelle mesure cette condamnation oblige le mari ne peut être appréciée, en cas de difficulté, que par la juridiction qui aura à connaître de l'exécution de la décision intervenue (1) (C. civ., 1409, 1419).

(De Bermont C. de Russon).

Mlle Aimée du Landreau avait, en instituant pour légataire universel M. l'abbé Thibault, secrétaire général de l'évêché d'Angers, fait un legs de 400.000 fr. à sa nièce, Mme de Bermont, née du Landreau, et exhérédé son neveu, M. René du Landreau. Celui-ci ayant attaqué le testament pour captation, les époux de Bermont sont d'abord intervenus sur cette instance, puis ont formé une action principale en nullité du legs universel, comme fait par personne interposée. Cette dernière demande a été admise par un arrêt de la Cour d'Angers du 29 janv. 1906, qui a, au contraire, rejeté la demande en nullité pour captation, et maintenu l'exhérédation de M. René du Landreau. Celui-ci, prétendant qu'au cours de l'instance, un accord était intervenu entre sa sœur et lui, accord aux termes duquel le frère et la sœur, tout en paraissant soutenir des intérêts contraires, auraient plaidé de concert, avec le concours des agents d'affaires dont M. René du Landreau s'était assuré l'appui, a réclamé de sa sœur le paiement de la somme de 130.000 fr., qui lui avait été promise pour le cas où, le testament étant annulé pour interposition de personne, sa sœur recueillerait dans la succession plus de 260.000 fr., hypothèse qui s'était réalisée, sous déduction toutefois de la somme de 55.000 fr., versée directement par les époux de Bermont aux agents d'affaires. Les époux de Bermont, ayant refusé, ont été assignés en paiement par M. de Russon, auquel M. du Landreau avait cédé sa créance, et qui a appelé à l'instance Me Desêtre, avocat de M. René du Landreau, et Pousset, avoué des époux de Bermont, en leur demandant de produire, sous peine d'être déclarés responsables de sa créance, des lettres à eux adressées tant par Me de Lacoste, avocat des époux de Bermont, que par M. de Bermont, et dont il prétendait tirer la preuve des accords allégués par M. du Landreau.

La Cour de Toulouse, sur appel d'un

de fait et de droit ne peuvent être présentés pour la première fois devant la Cour de cassation, Cass. 29 nov. 1909 (S. et P. 1912.1.100; Pand.pér., 1912. 1.100); 15 déc. 1909 (S. et P. 1910.1.171; Pand. per., 1910.1.171), et les renvois.

(1) Le mari, qui n'a été assigné que pour assister et autoriser sa femme, n'est pas partie au procès, et ne peut encourir aucune condamnation personnelle. V. Cass. 24 vend. an 7 (S. et P. chr.; Pand. chr.); 21 févr. 1832 (S. 1832.1.506; - P. chr.); Agen, 30 janv. 1882 (S. 1883.2.228. 1115); et la note avec les renvois sous Cass.

- P. 1883.1.

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jugement qui avait rejeté la demande de M. de Russon, substitué à M. du Landreau, a statué ainsi qu'il suit, par arrêt du 10 juin 1909: La Cour; -... Attendu que la première question qui s'impose à l'examen de la Cour est celle de savoir si les trois lettres, invoquées par de Russon comme établissant la créance à lui cédée, et mises par Mes Desêtre et Pousset à la disposition de justice, doivent être versées ou retenues au débat; Attendu qu'il est bien certain que si, en général, les lettres missives appartiennent au destinataire, celui-ci n'a pas le droit, lorsqu'elles sont confidentielles, de les rendre publiques ou de les communiquer à un tiers, ou de les produire en justice, sans l'assentiment de l'expéditeur; que, d'autre part, il n'est point contestable que des lettres échangées entre des avocats ou des avocats et des avoués, ou bien encore entre des avocats ou des avoués et leurs clients, doivent être présumées confidentielles; mais qu'elles n'ont pas nécessairement ce caractère; que, si des avocats ou avoués se font intermédiaires entre leurs clients pour amener entre eux un accord, leurs correspondances, contenant les clauses et conditions du contrat, ne peuvent demeurer absolument secrètes; que ces lettres doivent manifestement être communiquées à ceux dont les intérêts sont ainsi débattus, et qu'on ne peut interdire aux contractants de produire ces pièces en justice, lorsqu'elles constituent les preuves des engagements dont ils réclament l'exécution; qu'une telle prohibition ne pourrait qu'encourager la mauvaise foi des plaideurs et les inciter à s'affranchir de leurs obligations; que la mention personnelle

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ou confidentielle », apposée sur ces écrits, ne suffirait même pas à leur imprimer, dans ce cas, le caractère de lettre confidentielle et à interdire aux parties de s'en servir devant les tribunaux pour établir leurs droits, ladite mention étant en contradiction avec la nature même du document et sa destination; qu'il appartient sans doute aux conseils de l'ordre, gardiens de la discipline dans leurs ressorts, de ne pas permettre à des avocats de jouer ce rôle d'intermédiaires ou de négociateurs, mais que le juge ne pourrait refuser de faire état d'une lettre, pour ce seul motif qu'elle ne serait pas absolument conforme aux usages et même aux règles du barreau; Attendu, en fait... (l'arrêt analyse les deux lettres de Me de Lacoste à Mes Desêtre et Pousset et celle de M. de Bermont à M° de Lacoste, et il continue ainsi), qu'il doit donc être décidé, confor

29 nov. 1909 et autres arrêts (S. et P. 1912.1 100; Pand. pér., 1912.1.100). Mais, si le mari a été assigné personnellement, fût-ce à raison d'une dette contractée personnellement par la femme, il est défendeur au procès, et une condamnation peut intervenir contre lui; il peut même être condamné solidairement avec elle, s'il s'agit d'une dette contractée par la femme, avec son autorisation, sous le régime de la communauté. V. Cass. 16 juill. 1902 (S. et P. 1905.1.22), la note et les renvois. C'est au mari, s'il estime qu'à raison du régime matrimonial qui régit son union, aucune condamna

mément aux conclusions de l'appelant, et malgré la résistance des époux de Bermont, que les trois lettres dont il s'agit, lesquelles ont été d'ailleurs communiquées à toutes parties et librement discutées, appartiennent au débat, et que de Russon a le droit de s'en servir pour justifier ses prétentions;

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Attendu que, cette question préjudicielle étant résolue, il convient de rechercher si, de ces documents et des autres pièces produites, il résulte que René du Landreau, actuellement représenté par de Russon, en vertu d'un contrat de cession régulier et dont personne ne demande l'annulation, est réellement créancier de sa sœur, à concurrence de 75.000 fr.; qu'il est reconnu que l'annulation du legs fait à l'abbé Thibault a procuré à Mine de Bermont un émolument supérieur à 260.000 fr.; que, par la lettre du 15 août 1904, les époux de Bermont, au nom desquels écrivait Me de Lacoste, ont promis à René du Landreau de lui abandonner, sur l'actif de la succession, une somme de 130.000 fr., de laquelle doit être déduite celle de 55.000 fr., touchée à titre de rémunération par Magrimaut et Desfontaines; qu'il reste donc dû au cessionnaire dudit René du Landreau le reliquat de 75.000 fr., qu'il réclame; Attendu que Mme de Bermont, qui, d'ailleurs, ne désavoue, ni son mari, ni Me de Lacoste, ses mandataires, reconnaît bien avoir manifesté verbalement l'intention de faire bénéficier, à titre gracieux, son frère d'une part de l'hérédité de Me Aimée du Landreau », mais qu'elle soutient n'avoir contracté aucun engagement dont l'exécution puisse être exigée d'elle, et que cet engagement, si ou le tenait pour constant, constituerait une pure libéralité, qui serait nulle pour n'avoir pas revetu les formes exigées par la loi pour la validité des donations; · Attendu que, si les documents de la cause ne reproduisent point tous les pourparlers engagés entre Mme de Bermont et son frère, à l'occasion du procès soutenu par eux contre l'abbé Thibault, les trois lettres cidessus reproduites en donnent le résumé et la conclusion; que, par la lettre du 15 août 1904, Mme de Bermont promet à son frère, non point un avantage indéterminé, mais la moitié de l'hérédité, si l'actif net est inférieur à 260.000 fr., et 130.000 fr. s'il est supérieur; qu'elle ne s'est point réservé le droit d'apprécier à quel moment cette part de l'hoirie devrait être versée à son frère; qu'elle s'est engagée à faire ce paiement, lorsque, le testament annulé et René du Landreau exhérédé, elle se trouverait investie de la totalité de la succes

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tion personnelle ne peut l'atteindre, à invoquer ce moyen. Il ne peut faire grief à un jugement ou à un arrêt d'avoir prononcé contre lui la condamnation personnelle qui était requise, s'il n'a pas mis les juges en mesure de vérifier sous quel régime il était marié. Il pourra seulement, lorsque des poursuites en exécution seront exercées contre lui, et pour se soustraire aux poursuites, exciper, dans la mesure où le permettra l'autorité de la chose jugée acquise par la décision qui l'a condamné du régime sous lequel il est marié.

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