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CASS.-REQ. 25 juillet 1910.

1o MAINLEVÉE, PAIEMENT, INSCRIPTION HYPOTHÉCAIRE, CONSTATATION (Rép, v Hypothèque, n. 2919 et s.; Pand. Rép., vo Privilèges et hypothèqnes, n. 12981 et s.). 20 CREDIT FONCIER, HYPOTHÈQUE, MAINLEVÉE, GOUVERNEUR, CONSEIL D'ADMINISTRATION, PAIEMENT PRÉALABLE, QUITTANCE NOTARIÉE, STATUTS, INTERPRÉTATION, AUTORITÉ JUDICIAIRE (Rép., v Crédit foncier, n. 65 ets.; Pand. Rép., eod. verb., n. 41 et s.).

1o Des art. 2157 et 2159, C. civ., portant que les inscriptions d'hypothèques sont rayées du consentement des parties intéressées et ayant capacité à cet effet, et que, si la radiation n'est pas consentie, elle

(1-2-3) La question des mainlevées hypothécaires, données par le Crédit foncier de France, a beaucoup plus occupé la presse que les jurisconsultes. Elle a été célèbre durant plusieurs mois. Elle a donné lieu à des procès de diverse nature. Elle ne présente pas cependant, en droit, de difficultés bien sérieuses.

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L'art. 21 des statuts du Crédit foncier porte que le gouverneur signe toutes quittances, avec ou sans mainlevée; l'art. 34 dispose que le conseil délibère sur les affaires de la société autres que celles réservées exclusivement au gouverneur, notamment sur tout... désistement d'hypothèques, abandon de tous droits réels ou personnels, mainlevée d'oppositions ou d'inscriptions hypothécaires sans paiement ». Ainsi, la mainlevée hypothécaire peut être consentie par le gouverneur après paiement; en l'absence de paiement, elle ne peut être consentie que par le conseil d'administration.

Cette distinction est logique. Elle a, au point de vue fiscal, les conséquences suivantes : la mainlevée, devant figurer nécessairement dans un acte authentique (C. civ., 2158), doit, nécessairement aussi, être enregistrée (L. 22 frim. an 7, art. 20). La quittance peut être sous seing privé, aucune loi n'exigeant un acte notarié; faite sous seing privé, elle est exempte de l'enregistrement dans un délai déterminé (L. 22 frim. an 7, art. 23).

Lorsque la mainlevée est donnée sans quittance, elle est passible d'un droit, qui, après avoir été d'abord fixe, est devenu un droit gradué (L. 28 févr. 1872, art. 1o, n. 7), puis un droit proportionnel de 20 cent. par 100 fr. (L. 28 avril 1893, art. 19). La quittance est passible d'un droit proportionnel de 50 cent. par 100 fr. (L. 22 frim. an 7, art. 69, § 2, n. 11). Mais la mainlevée donnée à la suite d'une quittance, et contenue dans l'acte même de libération, est une disposition dépendante, qui n'est passible d'aucun droit. V. Wahl, Tr. de dr. fiscal, t. 1er, n. 152, p. 149, note 2.

Ce sont là des points certains. Des observations qui précèdent, il résulte que les parties ont intérêt, au point de vue fiscal, à éviter, dans l'acte notarié de mainlevée, toute allusion à la libération qui a précédé la mainlevée; la quittance consentie par acte notarié donne lieu à des droits plus élevés que la mainlevée; et, bien que deux actes séparés, contenant l'un quittance et l'autre mainlevée, donnent lieu à la perception de deux droits, l'un de quittance et l'autre de mainlevée, le procédé qui consiste à recourir à deux actes séparés est économique; car on ne fera enregistrer que l'acte de mainlevée, et on laissera à la quittance la forme sous seing privé, qui rend l'enregistrement de la quittance inutile.

C'est ainsi que procède le Crédit foncier. LorsANNÉE 1913. 9o cah.

peut être demandée au tribunal dans le ressort duquel l'inscription a été faile, il résulte que le propriétaire de l'immeuble sur lequel portait l'inscription, alors qu'il n'est pas contesté que celle-ci soit devenue sans objet, peut en obtenir la mainlevée pure et simple (1) (C. civ., 2157, 2159).

20 D'autre part, les art. 21 et 34 des statuts du Crédit foncier spécifiant que le gouverneur signe toutes quittances, avec ou sans mainlevée, et que le conseil d'administration délibère sur les mainlevées d'oppositions ou d'inscriptions hypothecaires sans paiement, les juges du fond, en déclarant que ces articles donnent capacité au gouverneur ou au conseil d'administration, suivant les distinctions qu'ils précisent, de donner mainlevée des inscrip

que le gouverneur veut donner mainlevée après paiement, il n'use pas du droit, qui lui appartient en pareil cas, de consentir lui-même à la radiation, parce qu'il ne pourrait le faire sans justifier de son droit en constatant le paiement. C'est le conseil d'administration qui intervient, comme si le paiement n'avait pas eu lieu, pour donner mainlevée, et l'acte notarié ne fait pas mention de la libération.

Cette pratique était constante depuis bien longtemps, qund, en 1909, un conservateur des hypothèques la signa'a comme contraire aux intérêts du Trésor, -ce qui n'est pas douteux, et comme frauduleuse, ce qui est beaucoup moins sûr. Il prétendit qu'en droit, la libération ayant eu lieu, le droit de quittance devait être perçu, au lieu du droit de mainlevée. Evaluant à plus de 20 millions le préjudice subi de ce chef par le Trésor, un journal somma le ministre des finances de poursuivre le recouvrement de ce droit sur toutes les mainlevées consenties après paiement par le conseil d'administration du Crédit foncier (V. l'Humanité du 28 janv. 1909). Il est à remarquer que les auteurs de cette campagne ne paraissent pas avoir nettement aperçu quel devait, si elle venait à triompher, en être le résultat. Ils croyaient atteindre le Crédit foncier; ils ne l'auraient atteint qu'en apparence; car, si les droits d'enregistrement peuvent être réclamés à tous les contractants (L. 22 frim. an 7, art. 29), les droits dus sur une quittance retombent finalement, non pas sur le créancier qui donne la quittance, mais sur le débiteur qui la reçoit (C. civ., 1248; L. 22 frim. an 7, art. 31). Quoi qu'il en soit, l'Administration, vraisemblablement à regret, réclama le droit de quittance, mais sans succès. V. Cass. 5 mars 1912, qui sera ultérieurement publié.

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Parallèlement, il est inutile de dire que ce fut sur l'invitation du ministre des finances, qui tirait ainsi parti de la tutelle exercée par l'Etat sur le Crédit foncier, le Crédit foncier refusa de donner à certains de ses débiteurs mainlevée après paiement, si ces débiteurs ne lui consignaient pas les frais d'une quittance. En d'autres termes, le Crédit foncier prévenait ses débiteurs que, désormais, ils n'obtiendraient pas mainlevée après paiement sans la rédaction d'un acte authentique portant quittance, et dont les frais, ainsi qu'il a été dit plus haut, devaient incomber à ces débiteurs. Certains d'entre eux ont sollicité des décisions obligeant le Crédit foncier à délivrer la mainlevée sans quittance authentique. Ces instances avaient un caractère paradoxal, puisque le Crédit foncier est, en vue de la facilité et de la diffusion de ses opérations, intéressé à réduire les frais des actes passés avec ses emprunteurs, et, par suite, à perdre ses procès. Il les a d'ailleurs perdus

tions hypothécaires, et qu'aucune disposition n'autorise le Crédit foncier, soit à se soustraire à celle obligation, soit à imposer au débiteur des formes autres que celles qui résultent du droit civil, ne contredisent, par cette interprétation, qui rentre dans leur pouvoir d'appréciation, aucune disposition ayant force de loi (2) (C. civ., 2157, 2159).

Par suite, les juges du fond décident à bon droit, par application tant des règles posées par ces articles des statuts que de celles du droit civil, que le Crédit foncier est tenu de donner mainlevée pure et simple, après paiement, de l'inscription qui porte sur un immeuble, sans que le propriétaire ait à donner quittance par acte authen tique (3) (Id.).

partout où il les a laissés s'engager. V. outre les décisions ci-dessus recueillies, Trib. de Montluçon, 13 août 1909, Trib. de Bordeaux, 10 janv. 1910; Riom, 23 mars 1910 et Trib. de Tarascon, 18 mars 1910 (Rép. pér. de Garnier, n. 12224).

Enfin, le conservateur des hypothèques, qui avait attiré l'attention sur la prétendue irrégularité des agissements du Crédit foncier, avait refusé de radier les inscriptions dont mainlevée était donnée dans les conditions indiquées plus haut, par la raison que les mainlevées n'indiquaient pas la libération des débiteurs. Sur ce point, le Crédit foncier, sur l'instance par lui engagée, obtint gain de cause; des dommages-intérêts lui furent même alloués. V. Trib. de Grasse, 22 nov. 1911 (3 jugements) (Journ. de l'enreg., n. 28490). Mais la question est actuellement soumise à la Cour d'Aix.

Des trois questions ainsi posées aux tribunaux, nous n'avons à examiner ici que la seconde, qui se subdivise. Le créancier hypothécaire, qui a obtenu le paiement de sa créance, a-t-il le droit d'imposer au débiteur la mention du paiement dans l'acte portant mainlevée de l'hypothèque? En tout cas, ce droit appartient-il, en vertu de dispositions spéciales de ses statuts, au Crédit foncier de France?

Aucune de ces deux questions ne présente, comme nous l'avons dit, de bien sérieuses difficultés.

Tout d'abord, si le débiteur peut exiger une quittance, le créancier n'a pas le droit de la lui imposer. Le débiteur peut exiger une quittance. parce que, si une quittance ne lui était pas délivrée, il serait dans l'impossibilité de faire la preuve, que lui impose la loi, de sa libération (C. civ., 1315, alin. 2); le créancier pourrait indéfiniment réclamer à nouveau la somme payée. Mais le créancier ne peut imposer une quittance au débiteur, parce qu'il n'y a aucun intérêt. Le débiteur a le droit de ne pas exposer les frais, si faibles qu'ils puissent être, d'une quittance (l'enregistrement de la quittance n'étant pas obligatoire, les seuls frais qui lui incombent nécessairement consistent dans le timbre de quittance de 10 cent., qui est à la charge du débiteur libéré; L. 23 août 1871, art. 18). Dans un seul cas, la délivrance de la quittance est obligatoire L'art. 4 de la loi du 8 juill. 1865 exige que les comptables des deniers publics délivrent une quittance aux débiteurs de l'Etat. Cette mesure spéciale a été, - cela va sans dire, édictée dans un but fiscal. Les débiteurs donc, ici, ne peuvent refuser la quittance; mais, de ce que la loi de 1865 s'explique formellement à cet égard, il résulte encore qu'il en est différemment en principe, et que le débiteur n'est pas tenu d'accepter une quittance. A plus forte raison le créancier ne peut-il imIre PART. 57

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L'autorité judiciaire, compétente pour statuer sur les difficultés relatives à une

poser au débiteur une quittance authentique. Jamais l'une des parties ne peut obliger l'autre à réaliser dans la forme notariée une convention qui, constatée par acte sous seing privé, serait valable. Comme, entre les parties, l'acte sous seing privé a la même force probante que l'acte authentique (O. civ., 1322), l'un des contractants n'a pas, en général, intérêt à la rédaction d'un acte authentique. Si, par hasard, il y a intérêt, notamment s'il craint, de la part de son cocontractant, une dénégation de signature, il lui appartient de stipuler, lors de la convention, qu'un acte authentique sera dressé. Tout au moins en est-il ainsi, quand les frais de l'acte retomberaient à la charge du cocontractant. A plus forte raison, le créancier, qui, comme nous l'avons dit, n'a pas d'intérêt à ce que le paiement soit constaté par écrit, ne saurait imposer au débiteur les frais d'un acte authentique.

Le créancier hypothécaire peut refuser de donner une mainlevée par acte sous seing privé, parce que cette mainlevée serait nulle; mais il ne peut refuser de donner la quittance sous la forme d'un acte sous seing privé, puisqu'elle est valable. Au reste, l'art. 2160, C. civ., permet au débiteur qui a payé d'obtenir une mainlevée judiciaire; d'autre part, il peut forcer le créancier à accepter le paiement, et il a à sa disposition une procédure qui le libérera sans quittance, celle des offres réelles, si le créancier s'obstine à lui imposer une quittance et à exiger que la quittance qui lui est demandée soit authentique (C. civ., 1257). Cette combinaison de textes montre qu'on ne peut imposer au débiteur, en vue de la mainlevée dont il a besoin, la constatation de sa libération par acte authentique.

Ces règles sont applicables au débiteur hypothécaire du Crédit foncier. Les statuts du Crédit foncier ne dérogent en aucune manière au droit commun. L'une de leurs dispositions porte que le gouverneur donnera mainlevée après paiement; une autre, que le conseil d'administration donnera mainlevée sans paiement. On ne saurait prétendre que ces clauses des statuts s'opposent à ce que le conseil d'administration donne mainlevée, lorsqu'il y a eu paiement. Le gouverneur ressemble dans une certaine mesure à un adminis. trateur délégué; il exerce certains des pouvoirs du conseil d'administration; ce dernier peut donc les exercer lui-même, comme un mandant peut accomplir lui-même les actes dont il a confié l'accomplissement au mandataire. Au surplus, c'est par un argument a fortiori qu'il faut accorder au conseil d'administration le droit de faire des actes moins importants que ceux que les statuts l'autorisent à faire.

Le ministre des finances avait cependant, par une circulaire, interdit au Crédit foncier de donner mainlevée après paiement, sans que le paiement fût constaté par un acte notarié.

M. J'avocat général Feuilloley, dans ses conclusions sur la présente affaire, a fait justice de cette prétention en des termes que nous ne pouvons mieux faire que de reproduire : 6 Les instructions ministérielles du 9 déc. 1908, adressées au gouverneur du Crédit foncier, a dit M. l'avocat général, ont-elles pu contraindre, je ne dirai pas cet établissement, la question de la subordination du Crédit foncier à l'Etat n'est nullement en jeu dans cette cause, mais ses débiteurs, c'est-à-dire, en langage usuel, le public, et, en langage juridique, les tiers, à recevoir de leur créancier, au moment de leur libération, soit une quittance authen

demande en mainlevée d'inscription, a également le pouvoir d'interpréter les articles

tique, dont ils n'ont nul besoin et dont ils ne veulent pas, soit, tout au moins, une mainlevée avec mention de paiement, mention inutile pour la régularité de la mainlevée, et contre l'insertion de laquelle ils protestent? Rappelons immédiatement qu'en principe, les circulaires des administrations, les instructions de service même ministérielles, et tous autres actes du même genre, qui s'imposent aux fonctionnaires à qui ils sont adressés, n'ont, au contraire, au regard des tiers, aucune valeur légale, ni force obligatoire. Il faut bien se garder de les confondre avec les règlements administratifs, les arrêtés et certains actes de puissance publique, de la légalité desquels l'autorité judiciaire n'a pas à connaître. Le citoyen qui plaide avec l'Administration de l'enregistrement, celles des contributions indirectes, des douanes, les sociétés placées sous le contrôle de l'Etat, comme les sociétés d'assurances, par exemple, et qui se voit opposer une circulaire ou une instruction de service, n'a pas à en demander la nullité, soit devant l'autorité administrative, soit devant l'autorité judiciaire; il lui suffit d'en discuter la valeur intrinsèque. C'est également le cas du Crédit foncier, qui, bien que surveillé par l'Etat, est une société privée. C'est pour cela que le Crédit foncier et il a eu pleinement raison ne les a ni envisagées comme un acte administratif, ni invoquées comme ayant force de loi contre ses débiteurs, ni même versées aux débats comme un élément juridique de ce procès. S'il en a parlé, c'est uniquement pour justifier sa conduite et pour expliquer un revirement soudain dans sa manière d'agir à l'égard de ses débiteurs. De son côté, l'adversaire du Crédit foncier et il a eu, lui aussi, pleinement raison

n'a jamais demandé aux juges d'appel d'en prononcer la nullité; il s'est borné, et il n'avait pas autre chose à faire, à soutenir qu'étant un tiers, elles ne lui étaient pas opposables, et qu'elles ne pouvaient avoir aucune influence sur le droit civil ou fiscal applicable à la matière. C'est ce qu'a jugé, avec infiniment de raison aussi, l'arrêt attaqué.

Je pourrais donc, à la rigueur, me dispenser de parler de ces instructions, puisqu'elles ne sont pas dans les choses que vous avez à juger. Je veux cependant, mais cela tout à fait surabondamment, et uniquement parce que je ne veux rien laisser sans examen dans une aussi importante affaire, vous dire un mot des actes législatifs qui placent le Crédit foncier sous la surveillance de l'Etat, et mettre sous les yeux de la Cour une importante décision du Conseil d'Etat, qui détermine très nettement que les pouvoirs du ministre ne peuvent s'exercer qu'en ce qui concerne la gestion financière de cet établissement, et nullement au regard de ses contrats de droit civil avec les tiers. Le décret du 28 févr. 1852, art. 1o, dispose que les sociétés de crédit foncier sont autorisées par le Président de la République, le Conseil d'Etat entendu; l'art. 43 les place sous la surveillance des ministres de l'intérieur, de l'agriculture, du commerce et des finances; un décret du 26 juin 1854 concentre entre les mains du ministre des finances les attributions qu'il partageait avec les autres ministres. Ce décret attribue, en outre, au gouvernement la nomination des gouverneur et sous-gouverneurs, et confère à ce gouverneur une sorte de droit de veto sur les actes du conseil; il dit, en effet, que nulle délibération ne peut être exécutée, si elle n'est approuvée par

des statuts du Crédit foncier relatifs à la mainlevée des hypothèques consenties au

le gouverneur et revêtue de sa signature. Enfin, un autre décret du 28 juin 1856 subordonne à l'approbation du gouverneur l'exécution des délibérations du conseil. En vertu de ces textes, le ministre exerce un contrôle constant sur la gestion financière du Crédit foncier. En 1878, le conseil avait fait figurer, dans les comptes de l'année, comme bénéfices acquis et distribuables, certaines sommes provenant de la réalisation d'un emprunt, et voté la distribution d'un dividende supplémentaire. Le ministre, après examen par les inspecteurs des finances, avait jugé, au contraire, que ces bénéfices n'étaient point définitivement acquis, et avait pris, en la forme administrative, un arrêté en trois articles, portant injonction au gouverneur de refuser son approbation à la délibération du conseil, Le gouverneur obéit, le conseil s'inclina; mais un groupe d'actionnaires, estimant que l'arrêté du ministre était illégal et constituait à leur égard un excès de pouvoir, se pourvut devant le Conseil d'Etat. Ce recours donna lieu à un important débat, qui fit grand bruit à l'époque. Il fut jugé (V. Cons. d'Etat, 31 mars 1882, Thoureau, S. 1884.3.20. P. chr.) que, s'agissant d'une question qui ne touchait en rien aux droits des tiers, et intéressait exclusivement le bon fonctionnement et la gestion financière d'un établissement dont il avait la surveillance, le ministre avait agi dans le cercle de ses attributions; le recours fut donc rejeté. Mais la haute Assemblée, dont vous connaissez la prudence dans la rédaction de ses décisions, prit bien garde de généraliser, et eut grand soin de préciser qu'il n'était pas établi que le ministre eût usé de ses pouvoirs en vue « d'intérêts étrangers ». Il s'agissait, en effet, de ceux des actionnaires, c'est-dire de la société elle-même. Ces mots intérêts étrangers sont à retenir; ils précisent très nettement la portée de la décision. Or, si jamais instructions furent étrangères au Crédit foncier, ce sont assurément celles du 9 déc. 1908. Elles sont exclusivement fiscales, et prises dans le seul intérêt du Trésor. Il ne s'agit, ni des finances du Crédit foncier, ni de son fonctionnement, ni de sa gestion financière; elles n'ont d'autre but que de faire de cet établissement un auxiliaire de l'enregistrement, en l'obligeant à insérer dans les mainlevées d'hypothèques qu'il délivre à ses débiteurs des mentions permettant à la Régie de percevoir un droit de quittance. Le ministre aurait bien pu adresser aux conservateurs des hypothèques des instructions prescrivant à ces fonctionnaires de ne pas opérer la radiation des inscriptions prises au profit du Crédit foncier sans mention de paiement; il a préféré s'adresser au Crédit foncier, et lui prescrire de ne pas donner mainlevée sans mention de paiement. Peu importe; qu'elles soient données d'une façon ou d'une autre, ces instructions ne peuvent toucher les tiers qu'autant qu'elles sont le développement ou le complément du droit civil ou du droit fiscal applicable à la matière.

Or, elles sont tout le contraire; elles sont en contradiction avec la loi. Le ministre, qu'il s'adresse aux conservateurs ou au Crédit foncier, ne peut pas, sous prétexte de service et de contrôle, modifier les art. 2157 et 2159, C. civ. Quand ces articles disposent que les inscriptions sont rayées du seul consentement des parties, il ne peut pas prescrire qu'elles ne le seront qu'avec constatation de la libération du débiteur, ajoutant ainsi une condition qui n'est pas écrite dans la loi. Le ministre ne peut pas dire au débiteur, sur lequel il

profit de cette institution, les statuts ne constituant que des conventions privées, dont le caractère n'est pas modifié par la nécessité de l'approbation qui doit leur étre donnée par décret (1) (Id.).

(Crédit foncier C. Sémiac).

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Le 17 janv. 1910, la Cour d'appel de Bordeanx a rendu l'arrêt suivant : « La Cour; Attendu que Sémiac a actionné le Crédit foncier de France pour obtenir la mainlevée d'une inscription prise le 5 févr. 1890, vol. 1406, n. 58, au bureau des hypothèques de Bordeaux, sur un immeuble situé à Arcachon, et pour sûreté d'un prêt de 20.000 fr., consenti par le Crédit foncier à Sémiac; Attendu que le Crédit foncier reconnaît que sa créance est éteinte, et que l'inscription n'a plus de raison d'être, mais qu'il prétend ne pouvoir accorder la mainlevée demandée que si elle fait mention du remboursement du prét, ou si elle est accompagnée d'une quittance notariée, à raison d'une instruction à lui adressée dans ce sens par le ministre des finances, afin de permettre la perception par l'enregistrement d'un droit de quittance sur toutes les mainlevées d'hypothèque consenties par le Crédit foncier; Attendu que les conditions dans lesquelles les mainlevées d'inscriptions hypothécaires doivent être consenties sont réglées par les art. 2157 et 2158, C. civ.; qu'aux termes de ces articles, les inscriptions devenues sans cause sont rayées sur le vu d'un acte contenant simplement le consentement du créancier donné à cet effet, qui, dans la pratique, est désigné sous le nom de mainlevée; que c'est seulement dans le cas d'incapacité du créancier que la mainlevée doit être donnée dans une quittance notariée ou tout autre acte mentionnant le paiement; Attendu que le Crédit foncier n'est pas un incapable, au point de vue du droit de consentir la mainlevée d'une inscription hypothécaire, puisque, d'après les art. 21 et 34 de ses statuts, il peut donner de telles mainlevées avec ou sans paiement; qu'au cas où la mainlevée est donnée sans paiement, elle doit être autorisée par le conseil d'administration, au lieu d'être consentie par le gouverneur; Attendu, dès lors, que le Crédit foncier n'est pas en droit de se refuser à consentir la mainlevée qui lui est réclamée; que l'instruction ministérielle dont il vient d'être question ne peut être opposée aux justiciables, qui, tenant leur droit d'une loi, ne le perdent que par l'effet d'une autre loi; - Par ces motifs; Confirme, etc. ».

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n'a aucune action : « J'exige que vous receviez une quittance; je vous enjoins d'en faire usage dans un acte authentique, afin que vous acquittiez des droits d'enregistrement. C'est ajouter à la loi fiscale». Et qu'on ne parle ni de fraude, ni de détour! La délivrance d'une mainlevée pure et simple n'est pas le résultat d'une collusion entre le Crédit foncier et ses débiteurs pour frauder le Trésor. C'est l'application régulière, normale, littérale de la loi. Une instruction de service ne peut pas enle. ver au débiteur le droit, que lui laisse la législa

POURVOI en cassation par le Crédit foncier de France. Moyen unique. Violation des art. 1134, 1248, 2157, 2158, C. civ., des art. 43 du décret du 28 févr. 1852, du décret du 26 juin 1854, des art. 21 et 34 des statuts du Crédit foncier, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le Crédit foncier était tenu de donner à ses emprunteurs, après remboursement intégral des prêts, mainlevée pure et simple indépendante de la quittance, alors, d'une part, que l'art. 21 des statuts du Crédit foncier donne seulement au gouverneur qualité pour donner mainlevée dans la quittance en cas de paiement, et que l'art. 34 prévoit uniquement l'intervention du conseil d'administration pour donner mainlevée pure et simple en cas de non-paiement, et alors, d'autre part, qu'en admettant que le conseil d'administration puisse, dans l'un et l'autre cas, autoriser spécialement le gouverneur à donner mainlevée pure et simple, il n'y aurait là, en tous cas, pour la société exposante, qu'une faculté, dont l'emprunteur ne pourrait la contraindre à

user.

LA COUR;

ARRÊT.

Sur le moyen unique: Attendu qu'aux termes des art. 2157, 2159, C. civ., les inscriptions d'hypothèques sont rayées du consentement des parties intéressées et ayant capacité à cet effet; que, si la radiation n'est pas consentie, elle peut être demandée au tribunal dans le ressort duquel l'inscription a été faite; qu'il résulte de ces textes que le proprié. taire de l'immeuble sur lequel portait l'inscription, alors qu'il n'est pas contesté que celle-ci soit devenue sans objet, peut en obtenir la mainlevée pure et simple;

Attendu que l'art. 21 des statuts du Crédit foncier dispose que le gouverneur signe toutes quittances avec ou sans mainlevée; que l'art. 34 des mêmes statuts porte que le conseil d'administration délibère sur les mainlevées d'oppositions ou d'inscriptions hypothécaires sans paiement; Attendu que l'autorité compétente pour statuer sur les difficultés relatives à une demande en mainlevée d'inscription a également le pouvoir d'interpréter notamment les articles précités des statuts; que ceux-ci ne constituent que des conventions privées dont le caractère n'est pas modifié par la nécessité de l'approbation qui doit leur être donnée par décret; Attendu, en l'espèce, que Sémiac a assigné la Société du Crédit foncier en mainlevée d'une inscription hypothécaire prise pour sûreté d'un prêt qui

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tion fiscale, de faire ou de ne pas faire usage de sa quittance. Enfin, et c'est là ma dernière observation, jamais un ministre ne pourra, d'un trait de plume, enlever à un citoyen le débiteur du Crédit foncier est un citoyen tout comme un autre le droit de se pourvoir en justice pour faire appliquer l'art. 2157, C. civ., et faire ordonner par jugement, en cas de refus du créancier ou du conservateur, la radiation d'une inscription hypothécaire

Nous devons ajouter que le ministre des fi

lui avait été consenti par cet établissement, et dont il s'était libéré conformément aux stipulations du contrat qui avait réglé les conditions du prêt; que le débat se trouvait donc limité à une demande de mainlevée pure et simple; Attendu qu'il est déclaré par l'arrêt attaqué que les art. 21 et 34 des statuts donnent capacité au gouverneur ou au conseil d'administration, suivant les distinctions qu'ils précisent, de donner mainlevée des inscriptions hypothécaires; qu'aucune disposition n'autorise le Crédit foncier, soit à se soustraire à cette obligation, soit à imposer au débiteur des formes autres que celles qui résultent du droit civil; Attendu que cette interprétation donnée aux articles statutaires invoqués devant la Cour d'appel de Bordeaux, et que ne contredit aucune disposition ayant force de loi, rentrait dans les pouvoirs d'appréciation des juges du fond; que, dans ces circonstances, l'arrêt attaqué a pu décider, par application tant des règles posées par ces articles que de celles du droit civil, que le Crédit foncier serait tenu de donner mainlevée pure et simple de l'inscription qui portait sur l'immeuble appartenant à Sémiac; Rejette, etc.

Du 25 juill. 1910. Ch. req. - MM. Tanon, prés.; Malepeyre, rapp.; Feuilloley, av. gen. (concl. conf.); Hannotin, av.

CASS.-Civ. 28 juin 1911.

A

OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, ACCIDENTS DONNANT DROIT INDEMNITÉ, COURSE, ORDRE DU MAÎTRE, PRÉSOMPTION (Rép., v Responsabilité civile, n. 1555, 1655 et s.; Pand. Rép., vo Travail, n. 152 et s., 1938 et s., 1982 et s.).

L'ouvrier d'une entreprise assujetive à la loi du 9 avril 1898 bénéficiant des dispositions de cette loi, lorsqu'il est victime d'un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail pour lequel il a loué ses services, doit être cassé l'arrêt qui déclare non recevable à se prévaloir de la loi de 1898 l'ouvrier qui a été blessé, en rapportant, d'ordre de son maitre, un colis d'une gare, sous le prétexte que, le colis étant desliné à la fille du patron, cette course étail sans rapport avec l'objet de l'entreprise, alors que l'arrêt ne s'explique pas sur le point de savoir si l'ouvrier était ou non tenu par son contrat de travail de faire les courses que lui donnait son patron, et n'indique pas davantage s'il a connu ou non l'objet spécial de la commission qui lui avait été donnée (2) (L. 9 avril 1898, art. 1er).

nances a reconnu lui-même, devant la Chambre des députés, que le procédé adopté par le Crédit foncier n'est pas contraire à la loi (Chambre des députés, 2o séance du 14 déc. 1906; J. off. du 15, déb. parl., p. 3250).

(1) Il est certain que l'autorité judiciaire est compétente pour interpréter les statuts d'une société anonyme, bien que ces statuts aient été approuvés par le gouvernement. V. Cass. 7 avril 1862 (S. 1862.1.984. - P. 1863.176), et les renvois. (2) Il a déjà été jugé que l'ouvrier est au lieu

(Pontonnier C. Naturel). ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Vu l'art. 1er de la loi du 9 avril 1898; Attendu que l'ouvrier d'une entreprise assujettie à la loi du 9 avril 1898 bénéficie des dispositions de cette loi, lorsqu'il est victime d'un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail pour lequel il a loué ses services; - Attendu que l'arrêt attaqué constate que Pontonnier, ouvrier de Naturel, minotier. a été, le 15 avril 1907, victime d'un accident, survenu alors que, d'ordre de son maitre, il rapportait un colis de la gare de Châtellerault; que ledit arrêt déclare que Pontonnier est irrecevable à invoquer les dispositions de la loi du 9 avril 1898, par ce motif qu'il ne conteste pas que le colis qu'il rapportait contenait un objet de toilette destiné à la fille du minotier; Mais attendu que l'arrêt ne dit pas si Pontonnier était ou non tenu par son contrat de louage de services de faire les courses que lui donnait son patron; qu'il n'indique pas davantage s'il a connu ou non l'objet spécial de la commission qui lui a été donnée le 15 avril 1907, avant d'accepter de la faire; D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision, et a, par suite, violé l'article susvisé; Casse l'arrêt rendu le 13 juil. 1908 par la Cour de Poitiers, etc.

Du 28 juin 1911. Ch. civ. MM. Ballot-Beaupré, 1er prés.; Reynaud, rapp.; le cons. Fabreguettes, av. gén. (concl. conf.); Marcilhacy et Boivin-Champeaux, av.

CASS.-CIV. 27 février 1912. RECUSATION, JUGE DE PAIX, AVIS ÉCRIT DANS L'AFFAIRE, MOTIFS DE JUGEMENT, AFFAIRE ANTÉRIEURE, AMENDE, PARTIE PERDANTE (Rép., v Juge de paix, n. 1516 et s., 1557 et s.; Pand. Rép., vo Récusation, n. 347 et S., 388).

L'art. 44, n. 5, C. proc., exigeant, pour qu'un écrit émanant d'un juge de paix puisse devenir une cause de récusation contre

du travail, et bénéficie par suite de la loi du 9 avril 1898, s'il vient à être victime d'un accident, partout ou il se rend d'ordre de son maître et pour les besoins de l'entreprise (V. Cass. 17 juill. 1907, S. et P. 1910.1.206; Pand. per., 1910.1.206; 6 août 1907, S. et P. 1910.1.207; Pand. pér., 1910. 1.207, et les renvois; Pau, 24 avril 1910, S. et P. 1910.2.175; Pand. pér., 1910.2.175). Et l'ordre donné par le maître fait présumer que l'ouvrier était dans l'obligation de l'exécuter, sans que ce dernier soit tenu d'établir que ledit ordre se rattachait au fonctionnement de l'entrep rise. V. Cass. 6 août 1907, précité, et la note.

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(1) L'art. 44, C. proc., porte : les juges de paix pourront être récusés... 5° s'ils ont donné un avis écrit dans l'affaire ». Le juge de paix, appelé à rendre plusieurs décisions successivement dans une affaire, peut-il être récusé en raison des motifs sur lesquels il a basé son premier jugement, sous prétexte qu'ils contiendraient un préjugé sur la suite du débat? Bourbeau (Justice de paix, n. 527) se prononce pour la négative, par cette raison que le juge de paix ne fait en ce cas que

lui. que cet avis soit donné « dans l'affaire », le motif inséré par un juge de païr dans un jugement terminant une affaire précé dente ne saurait, lors d'une instance ulté rieure entre les mêmes parties, constituer une cause de récusation (I) (C. proc., 44,n.5).

La disposition de l'art. 390, C. proc., d'après laquelle celui dont la récusation n'a pas été admise est passible d'une amende, ne s'applique pas au cas où la récusation est dirigée contre un juge de paix (2) (C. proc., 47, 390).

(Richardet C. Jolicard). LA COUR; (sans intérêt):

ARRÊT.

Sur le premier moyen :...

Sur le troisième moyen : - Attendu que le juge de paix de Roulans a été successivement appelé à statuer sur deux actions distinctes; que, dans la première, il était, comme juge d'appel en matière électorale, saisi, à la requête de Richardet, d'une demande tendant à l'infirmation d'une décision de la commission municipale de Roulans, et à la radiation de quinze électeurs sur la liste de cette commune; que la seconde, introduite par Jolicard, l'un des quinze électeurs contestés, contre Richardet, tendait à faire condamner ce dernier à des dommages-intérêts, à raison du caractère vexatoire de son appel dans l'affaire précédente; Attendu que, sur la première action, le juge de paix, après avoir donné acte à Richardet de ce que, avant tout débat, il se désistait purement et simplement de son appel en ce qui concerne onze électeurs sur quinze, l'a déclaré non recevable dans sa demande en radiation; que, pour justifier ce dispositif, il a donné ces deux motifs : 1° que, malgré le délai qui lui a été accordé à cet effet, Richardet n'a pu produire, ni une copie de la décision attaquée, ni aucune autre pièce de nature à établir l'existence de cette décision, existence contestée par ses adversaires; 2o que le fait par l'appelant de s'être désisté, avant tout débat, de onze chefs de son appel sur quinze, fait présumer, en outre, une action engagée avec précipitation, quelque peu téméraire, et surtout vexatoire à remplir son devoir. Peut-être y aurait-il une distinction à faire, et faudrait-il admettre que les motifs par lesquels le juge de paix a justifié sa décision ne pourraient donner lieu à récusation, à la différence des motifs inutiles à la régularité du jugement, et par lesquels le juge de paix aurait, sans nécessité, donné son opinion sur l'affaire. Quoi qu'il en soit, les causes de récusation de l'art. 44, C. proc., sont limitativement déterminées (V. Carré et Chauveau, Lois de la proc., t. 1er, quest. 184 bis: Bioche, Dict. de proc., v° Juge de paix, n. 256; Bourbeau, op. cit., n. 522; Glasson, Précis de proc., 2° éd., par Tissier, t. 1, n. 910; notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, sur l'art. 44, n. 1; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Juge de paix, n. 1516; Pand. Rep., v Récusation, n. 347); et, à supposer qu'un motif d'un jugement puisse donner lieu à récusation, il faut nécessairement que ce jugement soit intervenu dans l'affaire même pour laquelle la récusation est proposée. Les auteurs décident en ce sens, par application du caractère restrictif des causes énumérées par l'art. 14, C. proc., que

l'égard des électeurs visés » : Attendu que ce second motif, considéré comme inutile par le pourvoi, serait, suivant lui, un avis écrit donné par le juge, et pouvant entrainer la récusation de ce dernier; Mais attendu que la loi exige, pour qu'un avis émanant d'un juge de paix puisse devenir une cause de récusation contre lui, que cet avis soit donné

dans l'affaire ; que cette condition ne se rencontre pas dans l'espèce; qu'en effet, un motif, inséré dans un jugement terminant une affaire précédente, ne saurait, lors d'une instance ultérieure, constituer un avis « dans l'affaire », au sens du 5 de l'art. 44, C. proc.; Rejette les premier et troisième moyens;

Vu

Mais sur le second moyen : l'art. 390, C. proc.; Attendu que la ré

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cusation des juges de paix est réglementée par les art. 44 à 47, C. proc.; qu'aucun de ces articles n'édicte une amende contre celui dont la récusation est repoussée ; que, si l'art. 390 du même Code prononce une amende contre celui dont là récusation a été déclarée non admissible ou non recevable, il ne s'applique que lorsque la récusation est dirigée contre un magistrat autre qu'un juge de paix, et que cette disposition, qui a un caractere pénal, ne peut être étendue par analogie; D'où il suit qu'en condamnant, par application de l'art. 390, susvisé, Richardet à une amende de 100 fr., parce que sa demande en récusation d'un juge de paix était rejetée, le jugement attaqué a faussement appliqué et, par suite, violé ledit article: Casse....

mais seulement en ce qu'il a condamné Richardet à une amende de 100 fr., le jugement rendu le 29 mars 1911 par le tribunal civil de Baume-les-Dames, etc.

Du 27 févr. 1912. — Ch. civ. - MM. Baudouin, ler prés.; Dupont, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Gosset, av.

CASS.-CIV. 2 juillet 1913.

1 FAILLITE, FONDS DE COMMERCE, VENTE, NON-PAIEMENT DU PRIX, ACHETEUR, VENDEUR, ACTION RÉSOLUTOIRE, INTRODUC

le juge de paix ne peut être récusé pour avoir donné un avis verbal dans l'affaire. V. Carré et Chauveau, op. cit., t. 1, quest. 187; Bioche, op. et verb. cit., n. 253; Bourbeau, op. cit., n. 527 ; et notre C. proc. annoté, sur l'art. 44, n. 9..

(2) Cette solution doit être approuvée. L'amende prévue par l'art. 390, C. proc., est une peine qu'on ne saurait étendre par voie d'analogie. V. en ce sens, Trib. de Strasbourg, 27 janv. 1870 (cité par notre Rép. gén. du dr. fr., v Juge de paix, n. 1555; Pand. Rép., v Récusation, n. 373 et 388); Carré et Chauveau, Lois le la proc., t. 1o, quest. 205 bis: Bourbeau, Justice de paix, n. 531; Bioche, Dict de proc., v Juge de paix, n. 284; Rodière, Cours de compét. et de proc., t. 2, p. 32; Glasson, Précis de proc., 2e éd., par Tissier, t. 1o, n. 910; Garsonnet, Tr. de proc., 2o éd., par CézarBru, t. 3, p. 326, § 1000, note 19; et notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, sur l'art. 47, n. 7. V. cep. en sens contraire, Trib. de Châteaudun, 28 juill. 1894 (cité par notre Rép. gen. du dr. fr., verb. cit., n. 1557; Pand. Rép, verb. cit., n. 388).

TION AVANT LE JUGEMENT DÉCLARATIF, EXERCICE D'UN DROIT, CESSATION DE PAIEMENTS, REPORT, FRAUDE (ABSENCE DE), CONNAISSANCE DE LA CESSATION DES PAIEMENTS (Rép., vo Faillite, n. 3414, 3426 et s.; Pand. Rép., v Faillite, etc., n. 3474 et s.).

29 MOTIFS DE JUGEMENT OU D'ARRÈT, MOTIFS SURABONDANTS, CASSATION (Rép.. V Jugement et arrêt [mat. civ. et comm.], n. 2044 et s.; Pand. Rép., vo Jugements et arrêts, n. 1106 et s.).

10 Sauf le cas de fraude, l'art. 550, C. comm., qui interdit contre la faillite l'exercice du privilège et du droit de revendication établis par l'art. 2102, n. 4, C. civ., et aussi, par voie de conséquence, l'exercice du droit de résolution de la vente, n'est pas applicable à l'instance en résolution de la rente d'un fonds de commerce, introduite,

(1-2-3) L'action en résolution de la vente est opposable à la faillite, nonobstant l'art. 550, § 6, C. comm., lorsqu'elle a été formée contre un acheteur in bonis, et ayant pleine qualité pour y défendre. V. Cass. 21 déc. 1889 (S. 1891.1.455. P. 1891.1.1111); Paris, 23 mai 1901 (S. et P. 1905. 2.121) (arrêts qui statuent, comme l'arrêt ci-dessus, sur des demandes en résolution de vente de fonds de commerce); Cass. 26 déc. 1900 (S. et P. 1904.1. 409; Pand. pér., 1901.1.411); adde, la note, 2o col., et les renvois, sous Cass. 2 juill. 1912 (Supra, 1 part., p. 145); Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 3e éd, t. 8, n. 835. C'est là une application du principe général que c'est à la date de la demande qu'il faut se placer pour apprécier les droits respectifs des parties. V. Cass. 24 déc. 1889, précité, et la note. V. aussi, Cass. 15 et 16 avril 1913 (sol. implic.) (Supra, 1re part., p. 260), et la note. Le pourvoi ne contestait pas ces principes ; mais il soutenait que la solution était différente, lorsqu'à la date de l'introduction de la demande en résolution, formée antérieurement à la déclaration de faillite, le vendeur connaissait l'état de cessation de paiements de l'acheteur, existant dès cette date. Le pourvoi s'appuyait sur un arrêt de la chambre civile du 14 mars 1906 (S. et P. 1907. 1.85), qui a déclaré non recevable une action en résolution, formée à une date postérieure à celle de la cessation de paiements. D'après le pourvoi, cet arrêt n'était qu'une application de la règle, à diverses reprises consacrée par des arrêts de la Cour de cassation, que la faillite de fait produit les mêmes effets que la faillite déclarée.

Il est bien exact que la Cour de cassation, encore que la question demeure controversée (V. Trib. comm. d'Anvers, 2 août 1892, S. et P. 1893. 4.29, et les renvois; C. d'appel de Bruxelles, 2 mai 1893, S. et P. 1894.4.16; et les renvois de la note sous Cass. 14 mars 1906, précité), a admis que la faiflite de fait produisait certains effets de la faillite déclarée. V. Cass. 22 févr. 1888 (S. 1890. 1.535. P. 1890.1.1282; Pand. pér., 1888.1.144); 29 avril 1889 (S. 1889.1.425. - P. 1889.1.1049); 15 févr. 1897 (S. et P. 1897.1.233; Pand. pér., 1900. 1.33).

Il est vrai également que la non-recevabilité de la demande en résolution de la vente formée avant le jugement déclaratif de faillite, alors que le failli est déjà en état de cessation de paiements, peut se justifier, ainsi que nous en avons nousmêmes fait l'observation, par l'assimilation de la faillite de fait à la faillite déclarée.

Mais cela ne suffit pas pour établir qu'il y a contradiction entre l'arrêt attaqué dans la pré

avant le jugement déclaratif de faillite, par le vendeur non payé, contre le débiteur qui se trouvait alors à la tête de ses affaires, et avait, par conséquent, seul, qualité pour y défendre (1) (C. civ., 2102, n. 4; C. comm., 443, 550).

Et il en est ainsi, alors même que cette action aurait été introduite à une date postérieure à celle ultérieurement fixée par le jugement déclaratif pour la cessation des paiements de l'acheteur failli, si les juges du fond déclarent, d'une part, que la demande n'a constitué, dans les circonstances où elle a été formée, que l'exercice d'un droit légitime, parfaitement justifie el, d'autre part, qu'il n'est pas possible d'alléguer l'existence d'un concert frauduleux entre le vendeur et l'acheteur à l'encontre des intérêts de la masse (2) (C. comm., 441, 443).

sente affaire et l'arrêt de Cass. 14 mars 1906, précité; il faudrait, de plus, démontrer que ce dernier arrêt avait entendu faire application à l'espèce qui lui était soumise de la règle de l'assimilation des faillites de fait aux faillites déclarées, et poser en thèse que l'action en résolution de la vente, formée alors que le failli est en état de cessation de paiements, doit être écartée par la fin de nonrecevoir de l'art. 550, comme l'action en résolution qui serait formée après la faillite déclarée.

Or, il suffit de rapprocher l'arrêt précité de Cass. 14 mars 1906 des décisions qui, dans cette affaire, étaient déférées à la Cour de cassation pour se convaincre que cet arrêt n'a pas la portée que lui attribuait le pourvoi dans la présente affaire.

Le jugement du tribunal de commerce avait constaté, non seulement que l'action avait été introduite par les vendeurs après la cessation des paiements de l'acheteur, et en connaissance par eux de cet état, mais encore que les vendeurs s'étaient livrés à de véritables manoeuvres pour retarder une faillite imminente, inévitable, réclamée déjà par plusieurs créanciers. Sur appel, la Cour de Montpellier avait bien déclaré, en principe, que la demande en revendication ou en résiliation ne pouvait être postérieure à la cessation des paiements de l'acheteur, et, sur ce point, sa décision était en opposition avec les arrêts précités des 24 déc. 1889 et 26 déc. 1900, et surtout avec l'arrêt ci-dessus. Mais, en même temps, la Cour adoptait les motifs des premiers juges; elle les fortifiait même en y ajoutant d'autres constatations. Le moyen du pourvoi consistait à reprocher à la Cour de Montpellier de s'être attachée à la connaissance, par les vendeurs, de la cessation des paiements au moment de l'assignation, pour déclarer la demande en résolution non recevable, alors que cette demande ne constituait pas l'un des actes dont l'art. 447, C. comm., autorisait les tribunaux à prononcer l'annulation. Pour rejeter ce moyen, l'arrêt de la chambre civile du 14 mars 1906, précité, ne s'est pas fondé uniquement sur la constatation souveraine de la connaissance par les vendeurs de l'état de cessation de paiements de l'acheteur au moment de l'introduction de leur demande en résolution; il a relevé avec soin toutes les circonstances par lesquelles le jugement et l'arrêt attaqué avaient caractérisé les manœuvres employées par les vendeurs pour retarder le dessaisissement de leur débiteur, afin de se procurer une situation privilégiée à l'égard de la masse; il a particulièrement insisté sur les conditions spéciales dans lesquelles s'étaient trouvés les vendeurs, qui, connaissant la situation désespérée

Par ces motifs, les juges du fond repondent aux conclusions par lesquelles le syndie soutenait que le vendeur connaissait l'état de cessation de paiements de l'ache teur, au moment où sa demande avait été formée, et que cette circonstance paraissait avoir été la cause déterminante de son action (3) (C. comm., 447).

20 L'erreur juridique, fût-elle établie, qui est contenue dans des motifs déclarés surabondants par la décision où ils sont relevés, n'entraine pas la cassation de cette décision, si elle est justifiée par d'autres motifs (4) (L. 20 avril 1810, art. 7).

(Synd. Nennig C. Boyer).

M. Boyer a vendu à M. Nennig le fonds de commerce de café restaurant qu'il exploitait à Paris. L'acquéreur n'ayant pas

de leur débiteur, avaient provoqué des renvois successifs de demandes de déclaration de faillite, des réunions de créanciers chez leur propre avocat pour arriver à un arrangement amiable; il a textuellement relaté le motif final de l'arrêt attaqué, à savoir que ces efforts, non contestés, pour retarder une faillite prochaine et inévitable, et favoriser le succès de leur demande, constituaient des manoeuvres à bon droit déjouées

La portée de l'arrêt de 1906 se trouve ainsi nettement précisée, et il semble bien que deux solutions s'en dégagent avec certitude. D'abord, la chambre civile n'a pas consacré la thèse de la faillite de fait ou virtuelle dans la matière de l'action en résolution de la vente; ensuite, elle n'a pas admis que la simple connaissance de l'état de cessation de paiements pût suffire pour vicier la demande de résolution par application de l'art. 447, C. comm., et la faire rejeter. Et, sur ce dernier point, en supposant même que l'art. 447 ne vise pas seulement les actes à titre onéreux passés avec le failli après la cessation des paiements, mais qu'il s'étende encore aux actes et procédures judiciaires, qui ne sont ni volontaires, ni contractuels, c'est un point certain que la nullité édictée par cet article n'est pas obligatoire pour les tribunaux, mais facultative, selon les circonstances. V. Cass. 25 nov. 1891 (S. et P. 1893.1.465; Pand. per., 1892.1.427); 28 juill. 1897 (S. et P. 1897.1.488; Pand. pér., 1898.1.63); 20 févr. 1905 (S. et P. 1905.1.496), et les renvois.

Hors le cas de preuve de manoeuvres frauduleuses ou de collusion, qui n'étaient d'ailleurs pas alléguées dans l'affaire ci-dessus rapportée, à la difference de l'espèce de l'arrêt de 1906, le syndic est obligé de subir les conséquences de la demande en résolution de la vente, régulièrement introduite, en vertu d'un droit préexistant, à une époque cù le faili était encore à la tête de ses affaires, et avait seul qualité pour y défendre, bien qu'à ce moment il fut en état de cessation de paiements, connu du vendeur.

Nous pouvons conclure que l'arrêt ci-dessus, loin de contredire l'arrêt du 14 mars 1906, est en parfaite concordance avec cet arrét; il a, de plus. l'avantage de compléter la jurisprudence de la Cour de cassation, en ce qui concerne la recevabilité des demandes en résolution de vente formées avant la faillite déclarée.

(1) V. dans le même sens, sur le principe que des motifs erronés ne vicient pas une décision justifiée par d'autres motifs, Cass. 8 mars 1910 (S. et P. 1912. 1.473; Pand. pér., 1912.1.473); 6 juill. 1910 (S. et P. 1911.1.331; Pand. per., 1911.1.331), et le renvoi.

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