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CASS.-CRIM. 22 juin 1912 (3 ARRÈTS). RETRAITES OUVRIÈRES ET PAYSANNES, PRÉLÈVEMENT SUR LE SALAIRE, TIMBRES, OUVRIER, REFUS DE PRÉSENTATION DE LA CARTE, PATRON, RESPONSABILITÉ PÉNALE, PRÉSOMPTION DE FAUTE (ABSENCE DE), CONSIGNATION AU GREFFE DE LA JUSTICE DE PAIX, CONTRIBUTION PATRONALE, SANCTION PÉNALE (ABSENCE DE) (Rép., vo Retraites ouvrières, n. 1 et s.; Pand. Rép., vo Retraites et pensions, n. 1654 et s.).

Si l'employeur est tenu, aux termes de l'art. 3 de la loi du 5 avril 1910, sur les retraites ouvrières et paysannes, d'opérer un prélèvement sur le salaire de l'employé, c'est afin de pouvoir apposer un timbre, qui est pour partie la représentation de ce prélèvement, sur la carte délivrée à l'employé; et ces deux obligations corrélatives ne peuvent être remplies que si une carte

(1 à 6) La loi du 5 avril 1910 (S. et P. Lois annotées de 1911, p. 1; Pand. pér., Lois annotées de 1911, p. 1), sur les retraites ouvrières et paysannes, vient de soulever un nouveau débat devant les tribunaux sur une question qui est essentielle pour son existence, et qui aura probablement son épilogue devant le Parlement. Après la chambre civile, la chambre criminelle s'est, en effet, prononcée, mais sur un point un peu différent, sur le sens de l'art. 23. V. l'arrêt de la chambre civile du 11 déc. 1911 (S. et P. 1912.1.9; Pand. pér., 1912.1.9), avec le rapport de M. le conseiller Reynaud et la note de M. Sachet.

Il n'est pas exagéré de penser que, de l'interprétation donnée à ce texte, dépendait le sort de la loi de 1910. Le principe de l'assurance obligatoire, accepté, semble-t-il, à l'étranger, rencontre au contraire de nombreuses résistances en France: toutes ne sont pas dues à l'ignorance ou au parti pris. Il y a certainement quelque raison pour les ouvriers, qui n'espèrent guère atteindre l'âge fixé dans la loi pour la retraite, de n'être pas très portés à verser en vue d'une vieillesse qu'ils ne verront pas. Quant aux employeurs, ne redouteraientils pas les charges que la loi leur impose qu'ils trouveraient déjà, dans la conduite des ouvriers envers elle, un motif suffisant d'indifférence à son égard. Raisonnée, ou, si on le croit, erronée, l'opposition existe de toutes parts, fréquente et commune cela est certain. V. Herriot, Questions prat. de législ. ouvr., 1912, p. 1.

Il incombait à l'art. 23, qui prononce des peines contre l'employeur ou l'assuré par la faute duquel l'apposition de timbres de retraite n'aura pas eu lieu, de triompher de ces résistances, et d'assurer, par le jeu d'une responsabilité pénale, le respect du principe d'obligation voulu par le législateur. C'est ce texte qui formait, pour ainsi dire, la clef de voûte de tout le système législatif; c'est sur lui que reposait le caractère obligatoire des assurances pour la vieillesse; c'est par lui que la loi devait être obéie. Il est clair, en effet, qu'avec la possibilité d'échapper aux sanctions pénales, ou seulement avec la difficulté de les appliquer, tout l'édifice laborieusement construit par le législateur s'écroulait l'assurance obligatoire devenait un mot sans importance; et les calculs, minutieusement établis pour fixer le chiffre des retraites, se trouvaient faussés par la défection d'un grand nombre d'assujettis. Comp. Cabouat, Examen doctrinal (Rev. crit., 1912, p. 334).

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C'est surtout à l'égard des employeurs que l'existence de cette responsabilité pénale avait de ANNÉE 1913. 1er cah.

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est présentée à l'employeur, le défaut de présentation de cette carte rendant impossible l'apposition du timbre prescrit, et af franchissant dès lors l'employeur de l'obligation de prélever sur les salaires de l'employé les versements à la charge de ce dernier (1) (L. 5 avril 1910, art. 3). 1re, 2e et 3 espèces.

La loi ne frappant d'une amende, dans l'art. 23, que l'employeur ou l'employé par la faute duquel l'apposition du timbre n'aura pas eu lieu, la faute commise par l'employé qui n'a pas présenté sa carte, en mettant l'employeur dans l'impossibilité d'observer les formalités qui lui sont imposées, l'exonere par là même de toute responsabilité pénale (2) (L. 5 avril 1910, art. 3 et 23).

Id.

On ne saurait d'ailleurs soutenir qu'il existe à la charge de l'employeur une présomption de faute, et que celui-ci n'aurait,

l'importance. Ne disons pas qu'il doit y avoir dans les sévérités de la loi deux mesures; ne déclarons pas, ce que certains ont proclamé, ou laissé entendre, qu'une pression trop vive, exercée sur les ouvriers, pouvait avoir de fâcheuses répercussions politiques, et détourner les grandes masses électorales de la République. Laissons ce genre de considérations, qui serait déplacé ici. Il est exact de reconnaître cependant que, si l'on parvenait à imposer la loi sur les retraites aux employeurs, le succès définitif de celle-ci ne serait plus qu'une affaire de temps. Insensiblement, par leur autorité ou simplement par leur exemple, les patrons amèneront leurs ouvriers à les imiter, et à satisfaire, en ce qui les touche eux-mêmes, à leurs obligations légales. Voilà pourquoi la responsabilité mise à leur charge prenait une importance sociale particulière; voilà ce qui explique qu'après la réponse peu satisfaisante de la chambre civile, on se soit tourné du côté de la chambre criminelle, pour essayer de sauver la loi de 1910, dans l'hypothèse, très fréquente, où les ouvriers refusent de se soumettre à ses exigences, soit en ne retirant pas leur carte, soit en s'opposant, à l'instant de la paye, laisser opérer un prélèvement sur leur salaire.

Mais la chambre criminelle a dû à son tour détromper les espérances que l'on avait placées en elle. La solution qu'elle consacre dans l'arrêt de principe qu'elle a rendu, et qui est suivi de deux autres, du même jour, dans le même sens, ruine complètement l'espoir, que l'on avait eu, de croire que l'on pourrait, simplement par une contrainte exercée sur les employeurs, assurer à la loi sur les retraites un fonctionnement régulier. A notre avis, la chambre criminelle, qui n'avait pas de politique à faire, même pas de politique sociale, était obligée, en l'état actuel du texte, de juger comme elle l'a fait; et, si l'échec de la loi de 1910 doit être la conséquence de ses arrêts, il serait injuste de laisser accréditer l'opinion que la responsabilité lui en incombe. La faute en est aux auteurs de cette loi, qui ont posé le principe de l'assurance obligatoire, et n'ont pas su l'imposer.

Qu'on veuille, en effet, se rappeler les principes qui, de toute certitude, dominent l'interprétation des lois pénales. L'interprète, pour déterminer le sens d'une loi, doit rechercher ce qu'a voulu et ce qu'a fait le législateur. S'il s'attache simplement à ce qu'a voulu le législateur, il court le risque de prendre pour la loi ce qui n'est pas la loi; car la volonté, qui n'est pas exprimée par un texte, n'est qu'une intention imparfaite, une volition incomplète, qui n'oblige pas, parce qu'elle n'a

pour établir sa bonne foi, d'autre moyen de preuve que la consignation des cotisations au greffe de la justice de paix; une telle présomption, fut-elle instituée par la loi, se trouverait détruite, quand le défaut d'apposition des timbres est le résultat de la faute exclusive de l'employé; et il en est ainsi, lorsque la carte n'a pas été présentée à l'employeur (3) (Id.). Id.

L'art. 23, 52, de la loi, en autorisant la consignation au greffe par l'employeur qui veut se libérer, ne vise que la seule contribution de l'employeur (4) (Id.). 1re espèce.

Au surplus, la loi n'a donné ainsi à l'employeur qu'une faculté, mais n'a pas créé à sa charge une obligation (5) (Id.). — 1TM, 2o et 3o espèces.

Et aucune sanction pénale n'est attachée à l'inobservation de cette disposition (6) (Id.). Id.

pas la forme qui l'impose. Les exemples abondent. On en trouvera un, qui est topique, dans la loi du 31 mars 1904, sur les tribunaux répressifs indigènes. V. la note, n. II, souз Cass. 22 juill. 1904 (S. et P. 1907.1.249). L'esprit et la lettre de la loi sont donc deux pôles, dont l'interprète doit tenir compte; et, si l'on peut dire que la lettre de la loi, sans son esprit, tue, il convient immédiatement d'ajouter que l'esprit, sans la lettre, n'est pas moins meurtrier, en enlevant au droit pénal la certitude et la rigidité, qui lui sont nécessaires pour empêcher la tyrannie du pouvoir de s'exercer, et que seule peut lui donner une formule rédigée.

Un impérieux devoir s'imposait donc à la jurisprudence de dégager, avant toute chose, le sens matériel de l'art. 23.

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Or, que dit celui-ci ? Reprenons-le pour le savoir. Il est conçu dans les termes suivants L'employeur ou l'assuré, par la faute duquel l'apposition des timbres prescrite par la présente loi n'aura pas eu lieu, sera passible d'une amende égale aux versements omis, prononcée par le juge de simple police, quel qu'en soit le chiffre... ». Soulignons immédiatement l'expression de faute le mot est capital! Donc, pour faire naître la responsabilité à la charge de l'employeur, et il en est de même pour l'assuré, il est nécessaire d'établir l'existence d'une faute. Que l'on entende cette faute aussi largement que l'on voudra, que, devant la généralité des termes de la loi, on admette qu'elle puisse consister tant dans des faits positifs d'opposition ou de résistance du patron à l'exécution de la loi que dans un manquement à une des obligations que la loi lui impose, qu'on lui impute même les faits d'inexécution qu'il partagerait avec les ouvriers, il y aura toujours, dans l'exigence de cette condition, une limite infranchissable pour le juge, une barrière au delà de laquelle il ne saurait être question, sans abus tyrannique, de responsabilité pénale. Comp. Cabouat, op. cit., p. 343. Pas de faute relevée contre l'employeur, pas de responsabilité pénale à sa charge! V. Salain, Les retraites ouvr. et paysannes, 2o éd., n. 256. C'est d'ailleurs le principe de droit commun; et ce principe essentiel d'équité et de justice, qui paraît avoir été perdu de vue un moment dans la préparation de la loi de 1910, doit d'autant plus être suivi que s'il s'agit de matières rangées dans la compétence du juge de simple police, on est en présence en réalité de délits, qui peuvent être passibles de peines correctionnelles. V. S. et P. Lois annotées de 1911, p. 65, note 125; Pand. pér., Lois annotées de 1911, p. 65, I PART. 7

1re Espèce. — (Lévy).

20 oct. 1911, jugement par défaut du tribunal de simple police de Paris, ainsi

note 125. Or, peut-on parler véritablement de faute commise par les employeurs, lorsque la nonapposition des timbres de retraite a été matériellement rendue impossible de leur part, par le refus des ouvriers de retirer leur carte, ou de laisser faire un prélèvement sur leur salaire? Car c'étaient là les espèces qu'avait à juger la chambre criminelle. Ne faut-il pas, pour que le patron exécute l'obligation qui lui incombe d'apposer des timbres sur une carte, que d'abord il n'y ait pas refus opposé par l'ouvrier, et qu'il y ait remise par celui-ci de sa carte?

Au reste, personne n'a contesté le sens clair de l'art. 23. Ce qu'on conteste, c'est que l'employeur soit exempt de faute dans ce cas. On ne nie donc pas qu'il faille, pour établir sa responsabilité, l'existence d'une faute; mais cette faute, on la trouve, ou du moins on croit la trouver, dans deux directions opposées.

Elle serait, d'après certains, dans le fait que le patron n'a pas retenu, comme l'art. 3 de la loi lui en donnait le droit, au moment de la paye, les cotisations que ses ouvriers devaient verser pour leur retraite. Il pouvait, dit-on, retirer lui-même les cartes de ces derniers, et y apposer personnellement les timbres. La résistance de ces ouvriers n'était pas invincible; et le patron était en faute de ne pas l'avoir vaincue.

Mais la chambre criminelle n'aurait pas eu de peine à faire justice de cette opinion, que la chambre civile avait déjà condamnée, et qui ne trouvait d'ailleurs aucun appui sérieux dans la rédaction de l'art. 23, du moins dans celle finalement donnée à ce texte. Rien, en effet, dans les disposition sactuelles de ce texte, n'indique, d'une manière positive, que l'on ait investi le patron de cette prérogative exorbitante, consistant à retenir d'autorité quelque chose qui ne lui appartient pas, quelque chose qui ne lui est pas dû, la cotisation ouvrière de l'assurance obligatoire. Sans doute, l'art. 3 de la loi de 1910 dispose que les versements des salariés sont prélevés sur le salaire par l'employeur lors de chaque paye, et son § 3 ajoute que le montant total du prélèvement et de la contribution patronale est représenté par un timbre mobile que l'employeur doit apposer sur la carte de l'assuré. Cette obligation du patron, qui le lie visà-vis de l'assuré, consiste seulement en ceci que, si l'ouvrier veut s'assurer sur la vieillesse, l'employeur ne peut pas se refuser au prélèvement à effectuer sur le salaire ni à l'apposition de timbres mobiles sur la carte de son employé. Mais cette obligation n'implique pas le droit du patron de faire un prélèvement forcé sur le salaire de ses ouvriers. Il n'a pour cela ni titre légal ni titre judiciaire! Que cependant le législateur ait eu un moment l'intention de rendre le patron responsable des non-versements de ses ouvriers, ce qui aurait pu faire croire qu'il avait le droit de leur imposer ces versements, la chose est possible (V. la rédaction de l'art. 23, votée par la Chambre des députés, 1 séance du 7 févr. 1906; J. off. du 8, déb. parl., p. 531, et la rédaction présentée par la commission du Sénat, à la séance du 28 janv. 1910; J. off. du 29, déb. parl., p. 142). Mais il a sûrement abandonné cette intention, en adoptant l'amendement déposé au Sénat par MM. Guillier et Cordelet (V. le texte de cet amendement, et les observations présentées par M. Guillier à la séance du Sénat du 1er févr. 1910; S. et P. Lois annotées

concu: « Le Tribunal :

Attendu que M. Lévy est poursuivi pour avoir contrevenu à la loi du 5 avril 1910, en ne prélevant pas sur les salaires de ses ouvrières

de 1911, p. 65, note 126; Pand. pér., Lois annotées de 1911, p. 65, note 126). Et peut-être trouverat-on sage ce revirement, qui a permis d'éviter, par le précompte obligatoire, une nouvelle pomme de discorde entre patrons et ouvriers, un nouveau sujet de haine, et une nouvelle cause de grève entre le travail et le capital. Sage ou non, le refus d'admettre le précompte obligatoire est certain. Est-ce que le législateur aurait, en effet, parlé, dans l'art. 23, § 2, d'impossibilité d'apposer les timbres de retraite sur la carte, si les retenues avaient pu être imposées obligatoirement, et si le patron avait eu le pouvoir de vaincre l'opposition de ses ouvriers? On dira peut-être que cette impossibilité se réfère au cas où, au début de l'année, les cartes ne sont pas encore distribuées : soit! Est-ce qu'alors, dans cet art. 23, le législateur aurait admis ce mode de paiement, qui ne réalise aucunement le vœu de la loi le versement, qui va au fonds de réserve, de la seule contribution patronale entre les mains du greffier de la justice de paix? Est-ce qu'il aurait, enfin, dans l'art. 23, § 1o, mentionné que la non-apposition des timbres de retraite pouvait avoir lieu par la faute des assurés, si, quelle que soit leur conduite ou leur attitude, le patron, qui est débiteur des salaires, et qui a à payer ses ouvriers, peut leur retenir le montant de leur cotisation? V. Cass. 11 déc. 1911 (motifs), précité, et le rapport de M. le conseiller Reynaud. Adde, Cabouat, op. cit., p. 329, 334 et s. V. cep. en sens contraire, la note de M. Sachet sous l'arrêt de la chambre civile du 11 déc. 1911, précité.

Ce n'est point là d'ailleurs le genre de faute que l'on a songé à relever devant la chambre criminelle. L'échec éprouvé devant la chambre civile laissait trop peu de chance de succès sur ce terrain. Il fallait songer à autre chose. L'employeur, a-t-on donc soutenu, est en faute, non pas précisément lorsqu'il n'a pas apposé les timbres de retraite sur les cartes de ses ouvriers, mais lorsque ce résultat s'est produit par suite d'un manquement quelconque de sa part à l'une des obligations que le législateur fait peser sur lui pour arriver à cette apposition des timbres. - Jusqu'à présent, la formule est très correcte, et peut être tenue pour exacte. Mais poursuivons : quel est ce manquement que l'on peut relever à la charge de l'employeur? C'est, dit-on, d'avoir omis, au moment de la paye des salaires, de demander à ses ouvriers s'ils ont une carte, et s'ils consentent à une retenue sur leurs salaires! Voilà l'oubli sur lequel on prétend asseoir une responsabilité pénale; c'est un oubli bien mince, parce que l'interpellation ne saurait avoir guère d'efficacité, le patron ne pouvant pas opérer d'office la retenue, et un oubli trop faible, semble-t-il, pour fonder cette chose grave qui est l'application d'une sanction pénale.

Mais, enfin, si c'était là, cependant, le système de notre loi, l'interprète n'aurait qu'à s'incliner. Heureusement, la Cour de cassation a montré que le législateur avait eu un souci plus grand de la responsabilité pénale, et ne l'avait pas établie sur d'aussi minimes arguties. Et d'abord, où est écrite cette soi-disant obligation incombant aux em. ployeurs d'interpeller leurs ouvriers au moment de la paye? quel est le texte qui la contient? quelle est la disposition qui l'impose? C'est en vain qu'on le chercherait. C'est donc ici le cas de rappeler les règles de l'interprétation des lois, que nous indiquions plus haut, que ce qui n'est

la cotisation à leur charge, et en versant au greffier de la justice de paix sa contribution patronale seule; En droit : Attendu que le régime des retraites, ins

pas dans la loi est hors la loi. Sans doute, en fait, il arrivera souvent que le patron, pour savoir s'il doit opérer le précompte sur les salaires, demandera aux ouvriers s'ils acceptent la retenue; il la leur fera même subir, en ne leur versant que le surplus de leur salaire, sauf à leur compter celui-ci intégralement à la moindre opposition. Mais, de là à ériger en obligation légalement imposée une pratique qui facilite simplement la tâche du patron, il y a loin; et surtout à sanctionner de peine cette obligation, il y a plus loin encore. Il faudrait même supposer qu'entre les obligations qui incombent aux employeurs, et celles qui existent à la charge des assurés, il y a un certain ordre successif, qui implique une certaine initiative prise par les patrons. Ne trouvant rien dans la loi, qui laisse supposer un ordre, la Cour de cassation a pu justement déclarer que les obligations des employeurs et des assurés sont corrélatives, et que la première chose qui soit exigée, pour qu'on puisse imputer comme faute à un employeur de n'avoir pas apposé de timbres de retraite sur une carte, c'est qu'il ait eu la possibilité matérielle de faire l'apposition, c'est-à-dire que les assurés aient retiré leur carte, et qu'ils ne se soient pas opposés à cette apposition.

La solution de la jurisprudence est dès lors acquise. Car, si la faute de l'employeur n'est ni dans le défaut d'apposition des timbres sur la carte de l'assuré, ni dans l'absence d'interpellation à celui-ci, elle n'est plus nulle part. Elle ne saurait être davantage, en effet, dans le non-versement, qui pouvait se rencontrer en fait, de la contribution patronale entre les mains du greffier de la justice de paix. Sur ce point, l'art. 23, § 2, ouvre au patron une solution, qui a une grande importance pratique, soit pour mettre sa bonne foi dans la non-application de la loi à l'abri de toute discussion, soit pour lui éviter l'ennui de garder dans sa caisse les sommes dont il reste débiteur, malgré le refus de ses ouvriers de s'assurer, et qu'il pourra être obligé à verser quand ce refus cessera. Mais, comme le déclare la chambre criminelle, après d'ailleurs la chambre civile, il y a là simplement un mode facultatif de libération, dont l'omission, précisément parce qu'il n'est pas imposé, n'engage pas la responsabilité des employeurs, « sous la sanction d'une peine », ajoute, dans nos arrêts, la chambre criminelle. Adde, Salain, op. cit., n. 257, p. 373. Revoyons, en effet, l'art. 23 dans son ensemble. Il parle de peine seulement dans le § 1er, et à propos d'une certaine mesure, la non-apposition de timbres sur la carte individuelle de retraite, avant même qu'il soit encore question, comme conséquence civile de la faute de l'assuré, de versement entre les mains du greffier. Il serait donc contraire aux principes les plus élémentaires du droit pénal de transporter la sanction pénale du

1er au 2, et de l'appliquer à une mesure différente, qui n'a rien de semblable à celle pour laquelle elle a été écrite. V. Cabouat, op. cit., p. 345.

Or, cet oubli des principes essentiels du droit pénal, les défenseurs de l'assurance obligatoire n'ont pas craint de le commettre sur un point important, pour arriver pratiquement au respect de l'œuvre établie par cette loi. Il ne suffisait pas, en effet, d'affirmer théoriquement une prétendue obligation des employeurs d'interpeller leurs ouvriers au moment de chaque paye. Il fallait, de plus, mettre à leur charge une présomption d'inaccom

titué par la loi du 5 avril 1910, repose sur les trois ordres d'opérations suivantes, qui sont la base et la garantie même de l'existence de cette loi : 1° cotisation obligatoire des salariés qui bénéficient de la loi; 2o contribution des employeurs et de l'Etat à la constitution de la retraite ; 3° prélèvement par le patron de la cotisation de l'ouvrier sur le salaire lors de chaque paie; - Attendu qu'aucun doute ne peut s'élever et ne s'élève sur le principe et l'application des deux premiers ordres d'opérations; mais qu'on conteste l'obligation où serait l'employeur de prélever la cotisation de ses ouvriers pour la joindre à sa contribution et déposer le tout au greffe de la justice de paix; que c'est l'opinion qu'a notamment émise M. Lévy, lorsque l'auteur du procès-verbal du 25 sept. 1911 s'est présenté chez lui; Attendu que le

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texte de l'art. 3 de la loi du 5 avril 1910 est formel; qu'il dispose expressément que « les versements des salariés sont prélevés sur le salaire par l'employeur lors de chaque paie; que le texte ajoute, sous le $3 Le montant total du prélèvement et de la contribution patronale est représenté par un timbre mobile, que l'employeur doit apposer sur la carte de l'assuré »; - Attendu qu'il résulte incontestablement de ces dispositions que le législateur a entendu faire et a fait de l'employeur le collecteur des cotisations de ses ouvriers; qu'il a entendu obliger et a obligé le patron à adjoindre à ces cotisations sa contribution personnelle, si bien que c'est par un seul timbre, apposé sur la carte du salarié, que se traduit et se justifie le double versement imposé par l'art. 3; Attendu que cette manière de procéder ne ressort pas seulement des textes de loi précités; qu'elle est encore confirmée par le § 2 de

-

plissement de cette obligation, quand on se trouverait en présence de la non-apposition de timbres sur la carte de l'assuré. Comment autrement le ministère public, après six mois ou un an, pourrat-il faire la preuve que le patron a omis d'interpeller ses ouvriers, et par là a fait naître à sa charge une responsabilité pénale? Il s'agit d'un échange de paroles, qui s'est passé dans un bureau, et qui peut ne pas avoir d'autres témoins que les deux parties intéressées. Dans quel dédale inextricable de difficultés ne s'engagerait-on pas, si on obligeait le ministère public à rapporter cette preuve ? Ce n'était donc rien faire, en définitive, si on maintenait sur ce point les règles ordinaires de la preuve.

A vrai dire, n'y a-t-il pas là un nouvel indice que toute la théorie péniblement échafaudée de l'obligation de l'interpellation est une construction purement imaginaire, puisqu'à la supposition d'une obligation dont on ne trouve pas la trace dans la loi, il faut encore ajouter, toujours sans texte, un renversement des règles ordinaires de la preuve? Assurément, c'est à l'employeur, et non au ministère public, qu'il incomberait de justifier pourquoi l'apposition des timbres de retraites n'a pas eu lieu, lorsque les cartes individuelles ont été retirées, et que les ouvriers n'ont fait aucune opposition à leur assurance. C'est qu'alors, il échéait au patron d'effectuer le précompte et de le constater au moyen de timbres, ainsi que l'exige l'art. 3 de la loi de 1910; et c'est à lui que naturellement il appartient de se justi

l'art. 23, qui prévoit le versement par l'employeur, soit au greffier de la justice de paix, soit à l'organisme auquel serait affilié l'assuré, ce qui implique bien le versement cumulé de la cotisation de l'assuré et de la contribution patronale; Attendu que l'obligation du prélèvement imposée à l'employeur résulte encore du $2 de l'art. 33′ du règlement d'administration publique du 25 mars 1911, qui indique que la mention mise par la société de secours mutuels sur la carte du salarié << emporte pour l'employeur décharge du prélèvement à opérer sur le salaire en vertu de l'art. 3 de la loi »; Attendu, enfin, que la discussion de la loi au Parlement, les discours de MM. Ribot, Monis, Gacon, ne laissent aucun doute sur l'obligation du prélevement ou précompte par l'employeur; que M. Monis, notamment, qui en a fait triompher le principe, disait:

Le prélèvement est une condition sine qua non, il est le fondement organique de la loi » (S. et P. Lois annotées de 1911, p. 27, Ire col., ad notam; Pand. pér., Lois annotées de 1911, p. 27, 1re col., ad notam);

Attendu que, dans ces conditions, on ne saurait soutenir utilement que l'employeur n'est pas tenu, lorsqu'il verse au greffe de la justice de paix la somme à sa charge, d'y adjoindre la cotisation qu'il a dù retenir sur le salaire de ses employés; que le double versement n'est pas moins obligatoire lors du paiement au greffe que lors de l'apposition du timbre mobile, prescrite par le 3 de l'art. 3; Et attendu qu'il est établi que Lévy n'a versé au greffe de la justice de paix que sa contribution patronale; qu'il ne justifie pas, par suite, s'être libéré de la somme mise à sa charge par la loi, et tombe, en conséquence, sous l'application des 1er et 2 de l'art. 23 de

fier, dans un délit d'omission, de l'exécution de son obligation. V. Cabouat, op. cit., p. 346. Mais telle n'est pas l'hypothèse qui nous occupe. Les ouvriers sont ouvertement en rébellion contre la loi; ils refusent de s'assurer ou ils n'ont pas retiré leurs cartes. La non-apposition de timbres de retraites trouve dans cette résistance une explication immédiate et naturelle. Parler, dans ces circonstances, de présomption de faute à la charge des employeurs, c'est, outre que la lor de 1910 parle positivement de faute, aller à l'encontre de toute vraisemblance. V. Salaiin, ubi supra. Il est exact cependant, ce qui n'est pas une présomption de faute, mais une présomption de fait, que la pertinence de certains faits autorise la déduction d'autres faits, de nature cachée, et dont la preuve directe serait à peu près impossible à rapporter. Il a été fait application de ces idées, notamment propos du délit de vagabondage spécial. V. Trib. de la Seine, 22 oct. 1903, et Paris, 31 oct. 1903 (S. et P. 1906.2.121), et notre note; Dijon, 22 déc. 1910 (S. et P. 1911.2.45; Pand. pér., 1911.2.45). Mais certes, nul ne songera à prétendre que la non-apposition des timbres sur la carte de l'assuré constitue une présomption pertinente et certaine que l'employeur n'a pas interpellé l'assuré ! Ce serait supposer aux patrons un bien singulier empire sur leurs ouvriers qui se dérobent à l'application de la loi, que de croire qu'il aurait suffi d'un mot, d'un geste de leur part pour les ramener obéissants à la loi des retraites. Que n'usent-ils

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la loi du 5 avril 1910; Par ces motifs; -Faisant application au prévenu de l'art. 23, 1er et 2; · Condamne Lévy à une amende de 23 fr. 46, qui sera versée au fonds de réserve représentant le montant des retenues ouvrières afférentes aux ouvrières dont les noms suivent, occupées par lui à leur domicile en août 1911...; Le condamne, en outre, au paiement de la somme de 23 fr. 46, montant total des retenues qu'il aurait dû opérer et comprendre dans sa déclaration, etc. ».

M. Lévy a formé opposition à ce jugement; mais il a été débouté de cette opposition par un second jugement du tribunal de simple police de Paris, en date du 18 nov. 1911.

Sur appel du prévenu, le tribunal correctionnel de la Seine a rendu, le 30 janv. 1912, le jugement suivant : bunal;

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Le TriAttendu qu'un procès-verbal, en date du 25 sept. 1911, et un rapport du commissaire spécial de police des Halles centrales, en date du 29 du même mois, constatent que Lévy, négociant en confections, a versé au greffe de la justice de paix du 1er arrondissement de Paris la somme de 23 fr. 46, montant de sa part contributive pour les retraites ouvrières concernant soixante-six ouvrières qui ne s'étaient pas munies de la carte prescrite par la loi du 5 avril 1910; mais que ledit Lévy a négligé d'ajouter à ce versement une somme égale, représentant le prélèvement que, d'après le ministère public près le tribunal de simple police, il aurait dù faire sur le salaire de ses ouvrières; Attendu qu'aux termes de l'art. 2 de la loi du 5 avril 1910, la retraite de vieillesse, que l'art. 1er assure aux salariés des deux sexes, est constituée par leurs versements, tant obligatoires que facultatifs, par les

alors plus souvent de cette autorité quand éclate une grève? Comp. Jouarre, Questions de droit (Gaz. des trib., 29 juin 1912).

Le sens matériel de l'art. 23 est maintenant connu. Vainement, dès lors, on soutiendrait qu'il résulte d'affirmations, faites au cours de la loi ou après son vote, que l'intention du législateur était de faire peser sur les employeurs une responsabilité complète, peut-être difficile à justifier en équité, au cas de non-apposition des timbres de retraite sur les cartes individuelles. V. la première rédaction donnée à l'art. 23, et la déclaration de M. Paul Boncour, ministre du travail, à la séance du Sénat, du 30 mai 1911 (J. off. du 31 mai 1911, déb. parl., p. 532 et s.). Aucune de ces allégations ne saurait prévaloir contre le sens clair et précis de la loi. La jurisprudence ne s'y est point trompée; et, s'il est nécessaire de répéter la règle qui domine toute l'interprétation des lois pénales, nous dirions qu'elle n'avait pas, même devant la volonté certaine du législateur, à aller au delà de ce qui était dit et exprimé dans la loi. Pour être restée fidèle à cette règle, la jurisprudence a été, de divers côtés, l'objet d'attaques; elle n'a pas à s'émouvoir de ces critiques; car elle n'a pas la charge de redresser les lois boiteuses; en s'absterant de toute ingérence sur un domaine qui n'est pas le sien, elle reste dans son rôle constitutionnel de gardienne de la justice.

J.-A. ROUX.

contributions des employeurs et par des allocations viagères de l'Etat; que les versements obligatoires des salariés, qui ne sont adhérents ni à une société de secours mutuels ni à une caisse autorisée par l'Etat, sont, d'après l'art. 3, prélevés par l'employeur sur le salaire, lors de chaque paie, et constatés par l'apposition, sur une carte délivrée aux salariés par les soins de l'Administration, d'un timbre mixte, dont la valeur représente le prélèvement et la contribution patronale d'égale importance;

Attendu que la seule sanction de cette prescription se trouve dans l'art. 23 de la loi, punissant d'une amende l'employeur ou l'assuré par la faute duquel l'apposition des timbres prescrits par la présente loi n'aura pas lieu ; Attendu que, d'après ce texte, la peine ne peut être prononcée que si le défaut d'apposition du timbre résulte d'une faute de la personne poursuivie; Attendu que, si les timbres mixtes n'ont pas été apposés en vue de la retraite des ouvrières dénommées au procès-verbal; la faute est imputable, non pas à Lévy, mais aux ouvrières elles-mêmes, qui ont négligé de se munir d'une carte, d'où il suit que Lévy n'est passible d'aucune peine; Attendu que le fait de n'avoir pas versé au greffe de la justice de paix le prélèvement prévu par la loi sur le salaire des ouvrières ne peut être assimilé au défaut d'apposition des timbres, seule contravention prévue par l'art. 23; qu'au surplus, ce même article, dans son $2, ne donne au patron (qui a été dans l'impossibilité d'apposer le timbre prescrit) la faculté de verser au greffe de la justice de paix que la somme mise à sa charge, c'est-à-dire sa propre contribution, et non un prélèvement causant au salaire une réduction que ce patron ne saurait, de sa propre autorité, imposer à son ouvrier; Par ces motifs; Înfirme, etc. ». POURVOI en cassation par le procureur de la République près le tribunal de la

Seine.

ARRET (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le moyen pris de la violation des art. 3 et 23 de la loi du 5 avril 1910: Attendu que Lévy était poursuivi pour avoir contrevenu à la loi du 5 avril 1910, en ne prélevant pas, sur le salaire de soixante-six ouvrières, la cotisation à leur charge, et en ne versant au greffe de la justice de paix que sa contribution patronale; Attendu que le jugement attaqué relaxe Lévy, par le motif, d'une part, que le défaut d'apposition des timbres représentant la cotisation ouvrière et la contribution patronale est le résultat d'une faute imputable aux ouvrières, qui ont négligé de se munir d'une carte, et, d'autre part, parce que la faculté donnée au patron de verser au greffe la somme mise à sa charge ne comporte que le montant de sa propre contribution; - Attendu qu'en statuant ainsi, le jugement a fait une juste application de la loi;· Attendu, en effet, que, si l'employeur est tenu, aux termes de l'art. 3 de la loi du 5 avril 1910, d'opérer un prélèvement sur le salaire de l'employé, c'est afin de pouvoir apposer un timbre, qui est pour partie la représen

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tation de ce prélèvement, sur la carte délivrée à l'employé en vertu du même article; que ces deux obligations corrélatives ne peuvent être remplies que si une carte est présentée à l'employeur, le défaut de présentation de cette carte rendant impossible l'apposition du timbre prescrit, et affranchissant, dès lors, l'employeur de l'obligation de prélever sur les salaires de l'employé les versements à la charge de ce dernier; Attendu, en outre, que, la loi ne frappant d'une amende, dans l'art. 23, que l'employeur ou l'assuré par la faute duquel l'apposition du timbre n'aura pas eu lieu, la non-présentation d'une carte constitue, à la charge de l'employé, une faute, qui, en mettant l'employeur dans l'impossibilité d'observer les formalités qui lui sont imposées, l'exonère par là même de toute responsabilité pénale; - Attendu qu'on ne saurait soutenir, en l'absence d'une disposition précise de la loi, qu'il existe à la charge de l'employeur une présomption de faute, et que celui-ci n'aurait, pour établir sa bonne foi, d'autre moyen de preuve que la consignation au greffe de la justice de paix; Attendu qu'une telle présomption, fût-elle instituée par la loi, se trouverait détruite, quand le défaut d'apposition des timbres serait le résultat de la faute exclusive de l'employé, et qu'il en serait ainsi, lorsque la carte ne serait pas présentée à l'employeur; - Attendu, d'autre part, que si, aux termes du

2 de l'art. 23, l'employeur, qui a été dans l'impossibilité d'apposer le timbre prescrit, peut se libérer de la somme à sa charge en la versant à la fin de chaque mois, directement ou par la poste, au greffier de la justice de paix ou à l'organisme auquel est affilié l'assuré, il ne peut s'agir que de la contribution patronale; que, dans son 1er, ledit art. 23 prévoit le cas où l'apposition du timbre n'a pas eu lieu par la faute de l'employeur ou par celle de l'employé; qu'il punit cette faute d'une amende, sans préjudice de la condamnation au paiement de la somme représentant les versements à la charge du contrevenant; que cette condamnation, quand elle frappe l'employé en faute, ne s'explique que par cette raison que le défaut de présentation de la carte n'a pas permis à l'employeur de prélever lesdits versements; que, dans un second paragraphe, le même article s'occupe de l'employeur qui a été dans l'impossibilité d'apposer le timbre prescrit, et qui n'en demeure pas moins tenu de sa propre contribution; qu'il déclare que cet employeur pourra se libérer de la somme à sa charge par une consignation; que les mots à sa charge» ne peuvent avoir, dans le § 2, une signification autre que celle qu'ils ont dans le § ler; Attendu, au surplus, que la loi n'a donné ainsi à l'employeur qu'une faculté, mais n'a pas créé à sa charge une obligation, et qu'aucune sanction pénale n'est attachée à cette disposition; Rejette le pourvoi contre le jugement du tribunal correctionnel de la Seine du 30 janv. 1912, etc. Du 22 juin 1912. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Lecherbonnier, rapp.; Séligman, av. gén. (concl. contr.); Mornard et de Ségogne, av.

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LA COUR; Sur le moyen pris de la violation des art. 3 et 23 de la loi du 5 avril 1910: — Attendu que la dame Humbert était poursuivie pour avoir contrevenu à la loi du 5 avril 1910, en n'apposant pas les timbres prescrits sur les cartes de neuf ouvriers, et en ne faisant pas au greffe de la justice de paix les versements des sommes à sa charge; Attendu que le jugement attaqué relaxe la dame Humbert, d'une part, parce que le défaut d'apposition des timbres représentant la cotisation ouvrière et la contribution patronale est le résultat de la faute imputable aux ouvriers, qui ont négligé de se faire délivrer des cartes, et, d'autre part, parce que le versement au greffe de la justice de paix ne constitue qu'une faculté; Attendu qu'en statuant ainsi, le jugement a fait une juste application de la loi; Attendu, en effet,... (motifs de droit identiques à ceux de l'arrêt rendu dans la Ire espèce, jusqu'à lorsque la carte ne serait pas présentée à l'employeur »); Attendu, d'autre part, que si, aux termes de l'art. 23, l'employeur, qui a été dans l'impossibilité d'apposer le timbre prescrit, peut se libérer de la somme à sa charge en la versant à la fin de chaque mois, directement ou par la poste, au greffier de la justice de paix ou à l'organisme auquel est affilié l'assuré », la loi n'a donné ainsi à l'employeur qu'une faculté, mais n'a pas créé à sa charge une obligation; qu'au surplus, aucune sanction pénale n'est attachée à cette disposition;

Rejette le pourvoi contre le jugement du tribunal correctionnel de la Seine du 30 janv. 1912, etc.

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Ch. crim. Du 22 juin 1912. MM. Bard, prés.; Lecherbonnier, rapp., Séligman, av. gén. (concl. contr.); Mornard et de Ségogne, av.

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3 Espèce. (Bontemps et Maillard). 21 déc. 1911, jugement du tribunal de simple police de Soissons, ainsi conçu : Le Tribunal; Attendu qu'aux termes de l'art. 23 de la loi du 5 avril 1910, l'employeur ou l'assuré, par la faute duquel l'apposition des timbres, prescrite par elle, n'aura pas eu lieu sera passible d'une amende égale aux versements omis, prononcée par le juge de simple police, quel qu'en soit le chiffre, sans préjudice de la condamnation, par le même jugement, au paiement de la somme représentant les versements à sa charge, et qui sera portée Atau compte individuel de l'assuré »; tendu que le même article dispose que l'amende sera versée au fonds de réserve et que l'employeur, qui aura été dans l'impossibilité d'apposer le timbre prescrit, peut se libérer de la somme à sa charge, en la versant à la fin de chaque mois, directement ou par la poste, au greffier de la justice de paix ou à l'organisme reconnu par la loi auquel serait affilié l'assuré; que la loi donne ainsi toute facilité aux intéressés pour remplir leur engagement; Attendu qu'il est avéré que le plaignant Royant a été employé, les mois de juillet et

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août 1911 en entier, au service de la Société Bontemps et Cie, à Soissons, ladite société représentée pendant le mois de juillet et jusqu'au 19 août par M. Maillard, en qualité d'administrateur délégué; et que M. Bontemps, bien que ne reprenant les fonctions d'administrateur délégué de ladite société qu'à la date du 1er septembre, les remplissait cependant depuis le 19 août, ainsi qu'il l'a reconnu; qu'il avait donc la responsabilité entière de l'administrateur délégué en son absence; Attendu que, de l'enquête à laquelle il a été procédé le 13 décembre courant, il est résulté que Royant n'a pas remis sa carte à ses patrons, mais s'est contenté de la laisser dans le bureau qu'il occupait; qu'il était réfractaire à la loi; que MM. Bontemps et Cie n'ont jamais refusé d'apposer les timbres patronaux, et ont affiché dans les ateliers un placard rappelant aux ouvriers d'avoir à présenter leur carte pour l'apposition des timbres, et, pour ceux qui n'étaient pas munis de carte, de s'en procurer au plus tôt; Attendu que, de l'enquête et de la déclaration du sieur Bontemps lui-même, il ressort que la Société Bontemps et Cie a procédé à l'apposition des timbres sur les cartes des assurés qui en avaient fait la présentation, et que, pour les autres, les fonds destinés à l'achat de ces timbres avaient été versés et mis en réserve dans une caisse spéciale; Attendu que Maillard et Bontemps soutiennent, en s'appuyant sur le texte même de l'art. 23, que le versement au greffe n'est que facultatif, et qu'ils n'ont encouru aucune sanction pénale, et que les concluants ne sont pas poursuivis pour défaut de versement au greffe; Mais attendu que l'art. 23, dans son § 2, s'occupe de l'employeur qui a été dans l'impossibilité d'apposer le timbre prescrit par le $ 3 de l'art. 3, lequel représente le total du prélèvement et de la contribution patronale; que cet article déclare que l'employeur n'en est pas moins tenu de sa propre contribution, et qu'il pourra se libérer de la somme à sa charge à la fin de chaque mois, directement ou par la poste, au greffier de la justice de paix, ou à l'organisme reconnu par la loi; que les mots à sa charge ne peuvent avoir, dans le 2, une signification autre que celle qu'ils ont dans le ler; que la contribution patronale est la seule somme qui soit à la charge de l'employeur; que cette opinion est, du reste, celle émise par la Cour de cassation dans son arrêt du 11 décembre 1911; — Attendu que, ni la non-présentation par Royant de sa carte, ni la mise en réserve dans une caisse spéciale avec inscription au grand-livre de la contribution patronale à la charge de la Société Bontemps et Cie, ne dispensaient les sieurs Maillard et Bontemps, administrateurs délégués pendant les mois de juillet et août, de se

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(1-2) La difficulté que résout l'arrêt actuel portait sur le point de savoir quelle juridiction doit être saisie, quand une infraction, commise par des militaires et des non militaires, constitue un crime pour les premiers, un simple délit pour les seconds. La Cour de cassation décide avec raison que, dans ce cas, il convient de saisir la Cour d'assises (dans

conformer aux prescriptions de l'art. 23 de la loi; qu'ils devaient s'y conformer; que la lettre de M. le préfet, bien que visant le refus d'apposer les timbres, réclame l'application des pénalités édictées par l'art. 23 de la loi du 5 avril 1910, qui vise la faute; que les sieurs Bontemps et Maillard ont donc commis une faute en ne déposant pas au greffe la contribution patronale; Attendu que les termes de l'art. 170 du décret du 25 mars 1911 prescrivent bien les formalités que doivent remplir les patrons pour leurs versements au greffe; Attendu qu'il est suffisamment établi que Maillard et Bontemps n'ont pas opéré, à la fin des mois de juillet et août, conformément aux prescriptions de l'art. 23, § 2, de la loi du 5 avril 1910, au greffe de la justice de paix, le dépôt de la contribution patronale à leur charge pour l'employé Royant; qu'ils tombent sous l'application des 1er et 2 de l'art. 23 de la loi précitée...; Par ces motifs;

Condamne Bontemps et Maillard, conjointement et solidairement, comme administrateurs délégués de la Société Bontemps et Cie, à une amende de 1 fr. 50, égale aux versements omis; et, en outre, au paiement de la somme de 1 fr. 50, représentant les contributions à leur charge, etc..

POURVOI en cassation par MM. Bontemps et Maillard.

ARRÈT (apr. délib. ench. du cons.). LA COUR; Statuant sur les pourvois formés par Bontemps et Maillard contre un jugement du tribunal de simple police de Soissons en date du 21 déc. 1911; — Joint les pourvois, vu leur connexité; Sur le moyen pris de la violation des art. 23 de la loi du 5 avril 1910, 145, 146, 413, C. instr. crim., en ce que le jugement attaqué, créant une contravention de non-versement de contributions patronales dans la caisse du greffier, à côté de la contravention, prévue par l'art. 23 de la loi, de défaut d'apposi tion de timbres sur la carte d'un assuré, a jugé les exposants pour des faits non relevés dans la citation, et les a illégalement frappés d'une peine pour une contravention que ne reconnait pas la loi pénale :

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Vu ces articles; - Attendu que, si l'employeur est tenu... (motifs de droit identiques à ceux de l'arrêt rendu dans la première espèce, jusqu'à lorsque la carte ne serait pas présentée à l'employeur »);

Attendu que Bontemps et Maillard étaient poursuivis pour avoir refusé d'apposer les timbres sur la carte de l'employé Royant; Attendu que le juge a procédé à une enquête, et qu'après avoir constaté, d'une part, que Royant n'a pas remis sa carte à ses patrons et était réfractaire à la loi, et, d'autre part, que la contribution patronale, relative à la retraite

l'espèce ci-dessus la Cour criminelle de la colonie) parce qu'elle a la plénitude de juridiction, et que, de plus, la procédure, étant indivisible entre les prévenus, ne saurait se scinder. On aboutit donc à ce résultat singulier, mais parfaitement légal, que le civil attire le militaire devant la juridiction de droit commun, et qu'il est ensuite entraîné par

de cet employé, a été mise en réserve dans une caisse spéciale, a néanmoins condamné Bontemps et Maillard pour n'avoir pas opéré au greffe la consignation de ladite contribution; Attendu, en premier lieu, qu'en l'état des constatations précitées, c'est par la faute personnelle et exclusive de Royant que les prévenus ont été mis dans l'impossibilité d'apposer le timbre prescrit; Attendu, en second lieu, que si, aux termes de l'art. 23, l'employeur, qui a été mis dans l'impossibilité d'apposer le timbre prescrit, peut se libérer de la somme à sa charge, en la versant, à la fin de chaque mois, directement ou par la poste, au greffier de la justice de paix ou à l'organisme auquel est affilié l'assuré, la loi n'a donné ainsi à l'employeur qu'une faculté, mais n'a pas créé à sa charge une obligation; qu'au surplus, aucune sanction pénale n'est attachée à cette disposition;

Attendu, dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si les prévenus ont été jugés pour des faits autres que ceux relevés dans la citation, que la condamnation n'est pas légalement justifiée; Et attendu que les faits ne présentent aucun caractère punissable, et qu'il n'y a pas lieu à renvoi; — Casse, etc. Du 22 juin 1912. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Lecherbonnier, rapp.; Séligman, av. gén. (concl. contr.); Mornard et de Ségogne, av.

CASS.-CRIM. 2 avril 1909. DÉLIT MILITAIRE, COMPLICE CIVIL, PEINE CRIMINELLE ENCOURUE, COUR CRIMINELLE, COMPÉTENCE, INDIVISIBILITÉ (Rép., v° Justice militaire, n. 298 et s.; Pand. Rép., vo Conseils de guerre et de revision, n. 439, 454 et s.).

Lorsque des militaires sont poursuivis pour un crime commis avec la complicité d'un non militaire (dans l'espèce, un sujet annamite, justiciable, aux termes des décrets du 15 sept. 1896 et du 1er déc. 1902, des tribunaux ordinaires), tous doivent être traduits devant la juridiction ordinaire compétente pour connaitre des crimes (dans l'espèce, la Cour criminelle) (1) (C. instr. crim., 227; C. just. milit., 76).

Il importe peu que la complicité dont le non militaire est prévenu ne constitue à son égard qu'un simple délit, puisque, d'une part, le droit de prononcer une peine correctionnelle rentre dans les attributions de la Cour criminelle, et que, d'autre part, l'indivisibilité de la procédure ne peut recevoir aucune exception, à raison des différences de qualité des coprévenus d'un seul et même fait (2) (Id.).

(Nguyen Huy Tran et autres).

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ARRÈT.

LA COUR; Statuant sur la demande en règlement de juges formée par le pro

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