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CASS.-CIV. 21 mars 1911.

DOT, CONSTITUTION, ÜBLIGATION CONJOINTE, IMPUTATION SUR LA SUCCESSION DU PRÉMOURANT, RAPPORT A SUCCESSION, INTÉ RETS, SURVIVANT, CRÉANCE, COMPENSATION (Rép., vo Dot, n. 96 et s.; Pand. Rép., v Mariage, n. 3486 et s.).

Lorsque la dot d'un enfant, bien que constituée conjointement par ses père et mère, a été stipulée rapportable à la succession du prémourant des donateurs, et subsidiairement, s'il y avait lieu, à celle du survivant, celui-ci, s'étant trouvé affranchi, en principe, par le prédécès de son conjoint, de toute obligation relativement au paiement tant du principal que des intérêts de la dot, n'aurait pu être soumis à cet égard à un recours de la part de l'enfant doté qu'autant que la succession du prémourant aurait été insuffisante pour assurer à l'enfant la jouissance intégrale des tages résultant de la constitution de dot (1) (C. civ., 829, 843, 1438, 1440).

avan

Par suite, les juges du fond ne peuvent, dans la liquidation de la succession du dernier mourant des donateurs, ordonner que les intérêts de la dot, qui ont couru depuis le décès du premier mourant jusqu'au décès du dernier mourant, se compenseraient avec une créance que celui-ci avait contre l'enfant doté, sans avoir établi que la succession du premier mourant était insuffisante pour remplir l'enfant de sa dot (2) (Id.).

La décision qui omet de s'expliquer sur ce point manque de base legale, et doit être cassée (3) (C. civ., 843, 1438, 1440; L. 20 avril 1810, art. 7).

(1-2-3) La note que nous publions est la dernière que nous eût remise notre savant collaborateur M. Esmein, et c'est pour nous un pieux devoir, au moment de l'insérer dans le Recueil, de rendre hommage à la mémoire du savant prématurément enlevé à la sci- nce du droit. Bien qu'il se fût voué depuis de longues années à l'enseignement du droit public et de l'histoire du droit, M. Esmein n'avait jamais cessé de faire, dans sa vie laborieuse, une part à l'étude du droit privé, et ce n'est pas aux lecteurs de notre Recueil, qu'il a honoré jusqu'au dernier jour de sa collaboration, que nous avons à apprendre combien il y excellait. Il y apportait la vigueur, la clarté, la précision, la hauteur de vues, qui étaient les qualités marquantes de sa puissante intelligence. M. Esmein n'était pas seulement le collaborateur de notre Recueil; il en était de vieille date l'ami, et sa mort y a été très profondément et très douloureusement ressentie.

L'affaire, sur laquelle avait statué l'arrêt de la Cour de Caen du 3 juin 1908, cassé par le présent arrêt de la chambre civile, était complexe et pleine de petits faits, dont la Cour d'appel avait dû dẻterminer la portée juridique, et qui fournissaient autant de moyens de cassation. Il s'agissait, pour deux enfants issus d'un même mariage, de la liquidation des successions de leurs père et mère, morts, l'un en 1896, et l'autre en 1906. La double liquidation s'était faite en même temps, avec les difficultés qu'entraînait le retard apporté à la liquidation de la succession du prémourant. La plupart de ces difficultés ne présentaient aucun ANNÉE 1913. 11e cah.

(Béquet C. Tallevast).

Les époux Béquet sont décédés, M. Béquet, le 22 nov. 1896, Mme Béquet, le 28 juin 1906. Ils ont laissé deux enfants : une fille, Mine Tallevast, et un fils, M. Louis Béquet. En mariant leur fille, ils lui avaient constitué une dot aux conditions suivantes : « M. et Mme Béquet font conjointement donation entre vifs à leur fille, future épouse, d'une somme de 80.000 fr. en argent, laquelle somme sera versée à Mile Béquet à toute réquisition, avec intérêts au taux de 5 p. 100 par an, qui prendront cours au jour de la célébration civile du mariage... La somme donnée sera rapportable à la succession du prémourant des donateurs, et subsidiairement, s'il y a lieu, à celle du dernier mourant d'eux ». Il n'a été versé au moment du mariage, sur cette dot de 80.000 fr., qu'une somme de 50.000 fr. Les intérêts du surplus, soit de 30.000 fr., ont été payés par les époux Béquet jusqu'au décès de M. Béquet père; puis, après son décès, par Mme Béquet mère, jusqu'au 15 mars 1903. A cette époque, Mme Béquet mère est allée demeurer chez les époux Tallevast, lesquels ont administré ses biens. A la suite du décès de Mme Béquet, un jugement du tribunal civil de Caen, du 14 août 1906, a ordonné les compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux Béquet, ainsi que de leurs successions. Des difficultés se sont élevées entre les héritiers, notamment sur le point suivant: M. Béquét fils a demandé compte aux époux Tallevast de l'administration qu'ils avaient eue, depuis le 15 mars 1903, des biens de Mme Béquet mère. Les époux Tallevast ont demandé à imputer

intérêt doctrinal, et, parmi celles sur lesquelles la Cour de cassation a eu à statuer, une seule mérite d'être retenue et de fixer l'attention: c'est celle qui a trait à l'application d'une clause d'imputation de la dot sur la succession du prémourant.

Les père et mère avaient constitué conjointement à un de leurs enfants, une fille, une dot de 80.000 fr., qui « avait été stipulée rapportable à la succession du prémourant des donateurs, et subsidiairement, s'il y avait lieu, à celle du survivant ». Cette dot n'avait pas été payée intégralement, mais seulement jusqu'à concurrence de 50.000 fr. ; et les intérêts de 30.000 fr., restant dus, avaient continué à être payés par la mère à la fille dotée, après la mort de son père. Or, la Cour de Caen, reconnaissant que la fille devait à la succession de la mère une certaine somme, à raison de l'administration qu'elle avait ene de la fortune de sa mère, opérait la compensation de cette somme avec les intérêts du reliquat de sa dot, dus par la mère au moment de sa mort. Le jugement frappé d'appel décidait que la dame T... était débitrice, à raison de cette administration, d'une somme de 3.581 fr., mais qu'elle n'avait aucun rapport à effectuer, de ce chef, à la succession de sa mère, pour le motif que ladite somme se compenserait avec les intérêts restant dus sur la somme de 30.000 fr., formant le reliquat de sa dot

Ce chef du jugement de première instance ayant été confirmé par la Cour d'appel, il a entraîné la cassation de l'arrêt rendu par celle-ci.

En effet, la clause, qui rend la dot imputable sur la succession du prémourant, opère immédiatement et de plein droit, dès que se produit le décès de

sur ce compte les intérêts des 30.000 fr. non versés de la dot de Mme Tallevast, pour le temps qui s'était écoulé depuis le 15 mars 1903 jusqu'au décès de Mme Béquet mère, temps pendant lequel le service de ces intérêts n'avait pas été fait. Par jugement du 2 déc. 1907, le tribunal civil de Caen a déclaré que, le compte des recettes et dépenses faites depuis le 15 mars 1903 pour Mme Béquet mère s'élevant en recettes à 10.187 fr. 95, et en dépenses à 6.606 fr. 40, et la différence entre ces deux sommes s'appliquant aux intérêts auxquels avait droit Mme Tallevast, celle-ci ne devait rien de ce chef à la succession de sa mère. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Caen, en date du 3juin 1908.

POURVOI en cassation par M. Béquet. 1er Moyen. Violation des art. 856, 1289 et s., C. civ., en ce que l'arrêt a compensé une dette avec les intérêts d'une partie de dot, qui, s'ils avaient été versés, auraient été rapportables.

2 Moyen... 3o Moyen...

LA COUR; (sans intérêt);

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Sur le troisième moyen: ... (sans intérêt); Rejette ces deux moyens; Mais sur le premier moyen l'art. 829, C. civ.; Attendu qu'un troisième chef de contestation portait sur la gestion que les époux Tallevast avaient eue de la fortune de la mère de famille, depuis le 15 mars 1903 jusqu'au 28 juin 1906, date de son décès; que l'arrêt attaqué, confirmant à cet égard le jugement frappé d'appel, décide que la dame Tallevast était

celui des constituants qui meurt le premier. Dès lors, la dot est mise rétroactivement à la charge du prémourant, et, dès ce moment, le survivant n'a plus rien à payer sur cette dot, capital ni intérêts, pour son propre compte; il est libéré, ou plutôt il est décidé qu'il n'a jamais été obligé. V. Cass. 28 nov. 1910 (Supra, 1oo part., p. 81), et la note de M. Esmein. La mère, dans la présente hypothèse, ne devait plus d'intérêts de la dot, à partir de la mort de son mari, et la fille n'avait plus de créance contre elle. L'un des deux éléments de la compensation faisait défaut.

Sans doute, l'imputation subsidiaire sur la succession de l'époux survivant pouvait jouer. Mais, pour cela, il fallait établir que la succession du prémourant, rapport compris, ne fournissait point de quoi payer intégralement la dot constituée. Cela, l'arrêt de la Cour de Caen ne l'établissait en aucune façon ; il n'en parlait pas. Or, la clause d'imputation subsidiaire ne peut opérer que lorsque la clause d'imputation principale laisse un découvert.

La solution admise par le tribunal et par la Cour de Cien s'expliquait assez naturellement, à première vue, par l'état de confusion, l'état inorganique, qui avait duré depuis la mort du père jusqu'à la mort de la mère. La succession du père de famille n'ayant point été liquidée dans cette période, la mère survivante avait en quelque sorte pris la suite des prestations fournies par le père, et avait continué à payer les intérêts de la portion de la dot restant due. Mais ce maintien en fait d'un statu quo qui n'existait plus en droit ne pouvait empêcher les principes juridiques de produire leur effet légal. A. ESMEIN.

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débitrice, en raison de cette administration, d'une somme de 3.581 fr. 45, mais qu'elle n'avait aucun rapport à effectuer de ce chef à la succession de sa mère, par le motif que ladite somme se compenserait avec les intérêts restant dus sur la somme de 30.000 fr., formant le reliquat de sa dot; Attendu qu'une semblable compensation n'aurait été possible que si la dame Béquet mère avait été débitrice desdits intérêts; Mais attendu que la dot de la dame Tallevast, bien que constituée conjointement par les époux Béquet père et mère, avait été stipulée rapportable à la succession du prémourant des donateurs, et subsidiairement, s'il y avait lieu, à celle du survivant; qu'en raison de cette clause d'imputation, la dame Béquet s'était trouvée affranchie, en principe, par le prédécès de son mari, de toute obligation relativement au paiement tant du principal que des intérêts de la dot; qu'elle n'aurait pu être soumise à cet égard à un recours de la part de sa fille qu'autant que la succession de Béquet père aurait été insuf fisante pour assurer à la dame Tallevast la jouissance intégrale des avantages résultant de la constitution de dot faite à son profit; que la Cour de Caen, pour justifier la compensation par elle ordonnée, était done tenue d'établir que l'insuffisance dont il s'agit existait dans l'espèce; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point, elle n'a pas donné de base légale à sa décision, et à violé le texte de loi susvisé; Casse..., mais seulement au chef relatif à la compensation, etc.

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Du 21 mars 1911. Ch. civ. - MM. Ballot-Beaupré, 1er prés.; Rau, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); de Ségogne et Coutard, av.

CASS.-REQ. 26 décembre 1911. LEGS-LÉGATAIRE (EN GÉNÉRAL). COMMUNE, AUTORISATION D'ACCEPTER, PAUVRES, AUTORISATION NOUVELLE, FRUITS, INTÉRÊTS, POINT DE DÉPART, ACTE ADMINISTRATIF, APPLICATION (Rép., vo Acte administratif, n. 112 et s.; Pand. Rép., v Autorité administrative [Actes de l'], n. 155 et s.). Lorsque le maire d'une commune, ayant été autorisé par décret à accepter un legs « au nom des pauvres de la commune », un autre décret est intervenu ultérieurement, à la suite d'un arrêt qui reconnaissait la commune, et non les pauvres, comme bénéficiaire du legs, pour substituer à l'au torisation d'accepter donnée aux pauvres la même autorisation, « en faveur de la commune elle-même », les juges, saisis d'une contestation entre la commune et le légataire universel sur le point de départ des fruits

(1-2) L'arrêt ci-dessus fait une pure et simple application du principe qu'un acte administratif clair et précis peut être appliqué par l'autorité judiciaire au litige qui lui est soumis, sans qu'il y ait lieu pour elle de surseoir jusqu'à l'interprétation de cet acte par l'autorité administrative. V. Cass. 18 avril 1910 (S. et P. 1911.1.33; Pand. pér., 1911.1.33), et les renvois. V. aussi, Cass. 11 et 18 déc. 1911 (Supra, 1r part., p. 146), et les renvois. Il a paru à la Cour de cassation que, les deux décrets, qui avaient successivement autorisé la com

et intérêts, la commune prétendant y avoir droit depuis le premier décret, encore bien qu'il n'eût visé que les pauvres, sous prétexte que les droits de ceux-ci se confondaient avec les siens, ne méconnaissent pas la règle de la séparation des pouvoirs, en refusant de surseoir jusqu'à interprétation des deux décrets par l'autorité administralive, ces décrets ayant un sens clair et précis, qui ne nécessitait qu'une interprétation administrative (1) (LL. 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13; 16 fruct. an 3).

Alors surtout que les juges ont réservé les droits des parties, et notamment l'examen des moyens que la commune pourrait tirer, soit du testament, soit des actes du légataire universel (2) (Id.).

(Comm. de Lavault-Sainte-Anne C. de
Bodinat et autres).

Le vicomte Pailhon, décédé le 24 nov. 1893, avait institué pour son légataire universel et exécuteur testamentaire M. de Bodinat; il avait légué à la commune de Lavault-Sainte-Anne plusieurs domaines et une somme de 900.000 fr., à charge par elle de créer divers établissements charitables, et de les organiser avec le concours et sous le controle de l'exécuteur testamentaire. Il était dit, dans le testament, que la commune ne jouirait des biens et des capitaux légués qu'à partir du jour où elle aurait été autorisée par l'Etat à accepter le legs. Un décret du 7 août 1896 a autorisé le maire de Lavault-Sainte-Anne

à accepter le legs « au nom des pauvres de cette commune ». En conséquence, M. de Bodinat a fait délivrance du legs, et la commune a créé, conformément aux vues du testateur, les établissements prévus par lui. Mais un décret du 25 mars 1899, relatif à leur organisation et à leur fonctionnement, ayant érigé les « Hospices et hôpital de la Charité », créés en exécution du legs, en un établissement public, distinct et indépendant de la commune, une instance a été engagée par M. de Bodinat et par la commune, instance qui s'est terminée par un arrêt de la Cour de Paris du 11 août 1903, interprétant le testament du vicomte Pailhon en ce sens que le legs avait été fait personnellement à la commune, qui, seule, en devait administrer directement les diverses œuvres. A la suite de cet arrêt, un nouveau décret a été rendu, le 6 mars 1907, qui a autorisé le maire de la commune de Lavault-SainteAnne à accepter le legs « au nom de cette commune ». M. de Bodinat, considérant que la commune avait été autorisée seulement à la date de ce décret à accepter le legs, lui a réclamé les fruits des objets légués du 7 août 1896 au 6 mars 1907. La

mune accepter le legs, d'abord au nom des pauvres, ensuite en son propre nom, étant clairs et précis, la question, qui s'était élevée entre la commune et le légataire universel, de savoir si la commune, qui, d'après les termes du testament, n'avait droit aux fruits et intérêts du legs qu'à compter du jour où elle aurait été autorisée à accepter,

avait été autorisée à accepter par le premier ou par le second décret, n'impliquait pas l'interprétation de ces décrets, mais simplement l'examen des termes du testament, pour en déduire si l'au

commune de Lavault-Sainte-Anne a sou tenu que la jouissance à elle attribuée par le testament remontait au 7 août 1896, et que, dans tous les cas, s'agissant de l'interprétation d'actes administratifs, il y avait lieu de surseoir à toute décision jusqu'à ce que les tribunaux compétents se soient prononcés. C'est à cette solution que s'est rallié le tribunal de Montluçon, dans un jugement du 18 mars 1909. Mais, sur appel, la Cour de Riom a déclaré, au contraire, par arrêt du 14 déc. 1910, qu'il n'y avait pas lieu à surseoir, les décrets étant suffisamment clairs par eux-mêmes, et la solution du procès engagé dépendant des termes du testament et des actes des légataires.

POURVOI en cassation par la commune de Lavault-Sainte-Anne. Moyen unique. Violation de l'art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8, de la loi des 16-24 août 1790, du principe de la séparation des pouvoirs, et des règles de la compétence, de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt s'est livré à l'interprétation d'actes administratifs, sous prétexte de les appliquer.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique, pris de la violation de l'art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8, de la loi des 16-24 août 1790, du principe de la séparation des pouvoirs, et des règles de la compétence, de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810: Attendu que, d'après le testament du sieur Pailhon, la commune de Lavault-Sainte-Anne ne devait avoir la jouissance des biens et des capitaux légués qu'à partir du jour où elle serait autorisée par l'Etat à les accepter; qu'un premier décret, en date du 7 août 1896, avait autorisé le maire à accepter le legs au nom des pauvres; mais que, des difficultés étant intervenues entre l'Administration, le légataire universel, les exécuteurs testamentaires et la commune, sur les conditions d'administration de l'hospice à créer, un arrêt de la Cour de Riom, du 11 août 1903, a déclaré véritable béné ficiaire du legs la commune, et non les pauvres; qu'en conséquence de cette décision, passée en force de chose jugée, un nouveau décret fut rendu le 6 mars 1907, qui rapportait le précédent, et substituait à l'autorisation donnée aux pauvres d'acceptér le legs la même autorisation pour la commune, en tant que commune; Attendu qu'à la prétention du sieur de Bodinat, légataire universel de Pailhon, de se faire rendre compte par la commune, qui détenait les biens légués depuis 1896, des fruits et intérêts de ces biens jusqu'au 6 mars 1907, date du décret qui l'avait pour la première fois autorisée à accepter

torisation donnée par le premier décret devait faire considérer comme accomplie la condition à laquelle le testateur avait subordonné le droit de la commune aux fruits et intérêts, et l'appréciation de la portée des agissements du légataire universel, qui avait, aussitôt après le premier décret, laissé percevoir par la commune les fruits et intérêts; c'étaient là des questions sur lesquelles l'autorité judiciaire pouvait statuer, sans avoir à renvoyer à l'examen de l'autorité administrative aucune question préjudicielle d'interprétation d'actes administratifs.

le legs, la commune opposait que cette autorisation résultait pour elle du décret de 1896, quoi qu'il n'ait visé que les pauvres, parce que ses droits se confondaient avec les leurs; qu'elle concluait à ce que, tout au moins, l'autorité judiciaire sursît à trancher cette question jusqu'à ce que l'autorité administrative ait interprété le sens des deux décrets, en opposition seulement apparente; que le pourvoi reproche à la Cour de Riom d'avoir déclaré à tort que la précision et la clarté de ces deux décrets rendait inutile toute interprétation de leur sens et de leur portée par l'autorité administrative; mais que l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, et qui a réservé tous les droits des parties, et notamment l'examen des moyens que la commune pourrait tirer, soit du testament, soit des faits de l'héritier, n'a pas, comme le prétend le pourvoi, violé le principe de la séparation des pouvoirs, en déclarant que les actes administratifs déférés à son examen avaient un sens clair et précis, qui ne nécessitait aucune interprétation administrative; Rejette, etc.

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Du 26 déc. 1911. Ch. req MM. Tanon, prés.; Denis, rapp.; Seligman, av. gén. (concl. conf.); de Ségogne, av.

CASS.-CIV. 14 avril 1913.

1° CASSATION, POURVOI, MOYENS (DÉFAUT DE), FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., vo Cassation [mat. civ.], n. 60 et s., 1154 et s.; Pand. Rép., vo Cassation civile, n. 451 et s.). 2o APPEL EN MATIÈRE CIVILE, RAPPORT A JUSTICE (Rép., vis Acquiescement, n. 47 et s., Appel [mat. civ.], n. 982; Pand. Rép., vo Appel civil, n. 140). 30 MOTIFS DE JUGEMENT OU D'ARRÊT, ADOPTION DE MOTIFS, CONCLUSIONS NOUVELLES, RÉPONSE (DÉFAUT DE) (Rép., v° Jugement et arrêt [mat. civ. et comm.], n. 2044 et s., 2107 et s.; Pand. Rép., v Jugements et arrêts, n. 1106 et s., 1115 et s.).

1o La partie, contre laquelle aucun moyen de cassation n'a été relevé doit être mise hors de cause (1) (Règl., 28 juin 1738, Ire part., tit. 4, art. 1er).

20 La partie, qui, en première instance, a déclaré s'en rapporter à justice sur les conclusions de son contradicteur, est recevable à interjeter appel de la décision qui les a admises (2) (C. proc., 443).

Dès lors, doit être cassé l'arrêt déclarant irrecevable l'appel de la partie qui, devant les premiers juges, s'en était rapportée à justice, et ce, sur le motif qu'on ne peut intimer sur l'appel une partie contre laquelle on n'a pas conclu en première instance (3) (Id.).

3o Doit être cassé pour défaut de motifs,

(1) Point certain. V. Cass. 3 déc. 1912 (Supra, 1re part., p. 324), et les renvois.

(2-3) Suivant une jurisprudence constante, la partie qui s'en rapporte à justice conteste, en tant qu'il y a lieu, les prétentions des autres parties. V. Cass. 9 nov. 1892 (S. et P. 1895.1.899, et le renvoi; Pand. pér., 1893.1.132); 24 oct. 1904 (S. et P. 1905.1.283), et la note. Adde, Garsonnet, Tr. de proc., 2o éd., par Cézar-Bru, t. 6, p. 162, § 2162, et p. 778, § 2561. Il s'ensuit que la partie, qui s'en est rapportée à justice en première instance, est

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Sur la demande de mise hors de cause de Paget: Attendu qu'aucun des moyens du pourvoi n'est dirigé contre Paget, dont la responsabilité vis-àvis de Chenot demeure fixée par l'arrêt attaqué, qui acquis entre eux l'autorité de la chose jugée; que le pourvoi est, par suite, irrecevable; Déclare irrecevable le pourvoi en ce qui concerne la condamnation prononcée contre Paget;

Mais en ce qui concerne Bally et le Syndicat général de garantie du bâtiment et des travaux publics : Sur le premier moyen du pourvoi: Vu l'art. 443, C. proc.; Attendu que la partie, qui, en première instance, a déclaré s'en rapporter à justice sur les conclusions de son contradicteur, est recevable à interjeter appel de la décision qui les a admises; Attendu qu'il résulte des qualités de l'arrêt attaqué que Bally, patron de Chenot, victime d'un accident du travail, et le Syndicat général, assureur de Bally, sont intervenus dans l'instance dirigée par Chenot contre Paget, pris comme tiers responsable de l'accident, et qu'ils ont conclu à ce que l'indemnité qui serait mise à la charge de Paget les exonérât jusqu'à due concur rence des obligations qui leur incombent en vertu d'une ordonnance rendue en conciliation le 19 juill. 1905; que leurs conclusions ont été signifiées le 15 janv. 1906 à Me Lot, avoué de Chenot, qui, le 7 février suivant, répondit au nom de son client qu'il s'en rapportait à justice; qu'un jugement du 20 janv. 1909 a fait droit aux conclusions de Bally et du Syndicat général de garantie; que, le 13 juin 1910, Chenot a, dans les délais de la loi, formé appel principal de ce jugement; - Attendu que l'arrêt attaqué déclare irrecevable cet appel, par ce motif que l'on ne peut intimer sur l'appel une partie contre laquelle on n'a pas conclu en première instance; - Attendu qu'en statuant ainsi, ledit arrêt a violé l'article susvisé;

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Sur le second moyen, ou moyen addi tionnel : Vu l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810; Attendu que, sur l'action dirigée par Chenot contre Paget, et sur l'intervention de Bally, son patron, et du Syndicat

fondée à interjeter appel du jugement qui a fait droit aux conclusions des autres parties. V. Cass. 17 mars 1869 (S. 1869.1.273. P. 1869.663), et le renvoi; Caen, 20 mars 1878 (S. 1878.2.105. P. 1878.463), et les renvois; Cass. 9 nov. 1892, précité. Adde, Chauveau et Carré, Lois de la proc., t. 4, p. 26, quest. 1584; Rousseau et Laisney, Dict. de proc., v° Appel, n. 37; Talandier, Tr. de l'appel, n. 111; et notre Rép. gén. du dr. fr., vis Acquiescement, n. 47 et s., Appel (mat. civ.), n. 982; Pand. Rép., v Appel civil, n. 140.

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général de garantie, assureur de Bally, un jugement du tribunal de première instance de la Seine a déclaré que l'accident dont Chenot avait été victime était dù à la faute commune de Paget et de Bally; qu'il a évalué le préjudice causé à Chenot au double de la rente forfaitaire dont Bally ou son assureur étaient débiteurs vis-à-vis de lui, et qu'il a dit que ces derniers seraient exonérés de toute responsabilité par l'exécution de la condamnation prononcée contre Paget; Attendu que, Paget ayant fait appel de ce jugement contre toutes les parties, Chenot a fait, avant l'appel principal sur lequel il vient d'être statué, un appel incident tant contre Paget que contre Bally et le Syndicat général; que, dans des conclusions, dont les motifs et le dispositif sont rapportés aux qualités, il a soutenu, contre Bally et son assureur, que l'indemnité, au paiement de laquelle Paget avait été condamné vis-àvis de lui, ne devait pas exonérer le chef d'entreprise, déclaré responsable de l'autre moitié du préjudice; - Attendu que l'arrêt attaqué, apres avoir déclaré régulier et recevable l'appel incident de Chenot contre Bally et le Syndicat général de garantie, le déclare mal fondé, en adoptant les motifs donnés par les premiers juges,

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qui ont fait une exacte appréciation des faits de la cause, et répondent suffisamment aux conclusions des appelants »; Or, attendu que le jugement ainsi confirmé ne contient aucun motif, relatif à la question soulevée par les conclusions prises pour la première fois devant la Cour, et qu'il se borne, dans son dispositif, à ordonner l'exonération de Bally, précisément critiquée par l'appelant; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article susvisé; Casse... entre Chenot et Bally et son assureur, l'arrêt rendu le 2 déc. 1910 par la Cour de Paris, etc.

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CASS-REQ. 23 juillet 1913. DIVORCE, FEMME, RÉSIDENCE PROVISOIRE, ABANDON, FIN DE NON-RECEVOIR, POUVOIR DU JUGE, INJURE GRAVE, ENQUÈTE, APPRÉCIATION SOUVERAINE (Rép., vo Divorce et séparation de corps, n. 1909 et s.; Pand. Rép., vo Divorce, n. 1612 et s.).

La fin de non-recevoir tirée de l'art. 241, C. civ., n'est pas impérieusement imposée aux juges, qui ont toujours le droit d'apprécier les circonstances qui ont motivé l'abandon, par la femme demanderesse en divorce, de la résidence qui lui avait été

V. aussi, Cass. 30 juin 1896 (S. et P. 1898.1.492).

(4) C'est un principe dont la jurisprudence a fait de nombreuses applications que les juges d'appel ne peuvent se borner à adopter les motifs des premiers juges, si ces motifs ne contiennent aucune réponse anticipée, expresse ou implicite, à des conclusions nouvelles prises en appel. V. not., Cass. 24 oct. 1905 (S. et P. 1910.1.485; Pand. pér., 1910.1.485); 3 mars 1908 (S. et P. 1908.1. 424; Pand. pér., 1908.1.424), et le renvoi.

assignée par le président du tribunal (1) (C. civ., 241).

Et les juges du fond, en motivant le rejet de la fin de non-recevoir par la nécessité où s'est trouvée la femme, à la connaissance de son mari, par suite du départ de ses maîtres pour l'Amérique, de quitter la résidence à elle assignée, usent de leur pouvoir d'appréciation, et donnent une base légale à leur décision (2) (Id.).

Les juges du fond usent du droit qui leur appartient d'apprécier les témoignages de la contre enquête, en déclarant que les faits caractéristiques d'injures graves, établis par les témoignages de l'enquête à la charge du défendeur à la demande en divorce, ne sont pas contredits par les résultats de la contre-enquête (3) (C. proc., 252). (Benassy C. Dme Benassy).

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LA COUR; Sur le premier moyen du pourvoi: Attendu que la fin de nonrecevoir tirée de l'art. 241, C. civ., n'est point impérieusement imposée aux juges, qui ont toujours le droit d'apprécier les circonstances qui ont motivé l'abandon par la femme demanderesse en divorce de la résidence fixée par le président du tribunal; Attendu qu'en décidant que le changement de résidence de la dame Benassy lui avait été, à la connaissance même de son mari, imposé par le départ de ses maîtres pour l'Amérique, et nécessité ainsi par les circonstances, les juges du fond ont usé de leur droit d'appréciation, et donné une base légale à leur décision ;

Sur le second moyen : Attendu que l'arrêt attaqué déclare que les faits caractéristiques d'injures graves, établis par les témoignages de l'enquête à la charge de Benassy, ne sont pas contredits par les résultats de la contre-enquête; que la Cour a ainsi usé du droit qui lui appartenait d'apprécier les témoignages de la contre-enquête, et dûment motivé sa déci

(1-2) La jurisprudence reconnaît, avec la majorité des auteurs, que la fin de non-recevoir, tirée de ce que la femme a abandonné la résidence à elle assignée (C. civ., 241, ancien art. 269) n'est pas absolue, et que les juges peuvent apprécier si l'abandon de la résidence n'a pas eu de motifs légitimes. V. Cass. 25 juin 1889 (S. 1890.1.71. P. 1889.1.150; Pand. pér., 1889.1.555), et les renvois; Orléans, 22 févr. 1907 (S. et P. 1908.2. 110; Pand. pér., 1908.2 110), et les renvois. V. aussi, Paris, 12 mars 1912 (motifs) (Infra, 2o part., p. 115). C'est là, d'ailleurs, une appréciation qui, étant basée sur des circonstances de fait, est souveraine de la part des juges. V. Cass. 25 juin 1889, précité, et les renvois; adde, la note sous Paris, 12 mars 1912, précité.

(3) C'est un point certain qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier la valeur des dépositions recueillies au cours des enquête et contreenquête, et que cette appréciation ne tombe pas sous le contrôle de la Cour de cassation. V. Cass. 29 juill. 1908 (S. et P. 1909.1.8; Pand. pér., 1909.1.8), et les renvois. Il en est ainsi spéciale

t en matière de divorce. V. Cass. 14 janv. 1908 (S. et P. 1908.1.143; Pand. pér., 1908.1. 143), et les renvois.

à 13) Tout Français jouissant de ses droits civils et politiques peut exiger son inscription

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CASS.-CIV. 13, 18 et 19 avril 1910. 1o, 3o ET 5° ELECTIONS (EN GÉNÉRAL), LISTES ÉLECTORALES, RADIATION, DOUBLE INSCRIPTION, OPTION, VOTE, TIERS ÉLECTEUR, DEMANDE D'INSCRIPTION, INSCRIPTION ANTÉRIEURE, INSCRIPTION D'OFFICE, DOMIcile, Douanier, DOMICILE D'ORIGINE, SERVICE MILITAIRE, ENFANT NÉ EN FRANCE D'UN ÉTRANGER, POURVOI, NOTIFICATION, GARDE CHAMPÊTRE, CIRCONSCRIPTION (Rép., vo Elections, n. 819 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 547, 1243 et s.). - 2o ET 4o DOMICILE, DOUANIER, DOMICILE D'origine, SERVICE MILITAIRE (Rép., v° Domicile, n. 72 et s., 227; Pand. Rép., eod. verb., n. 9 et s., 399 et s.).

1° L'électeur, inscrit sur deux listes, ne peut être rayé de l'une de ces listes que s'il a sollicicité ou accepté par ses votes son inscription sur l'autre (4) (L. 5 avril 1884, art. 14). Ire espèce (motifs).

Ainsi, c'est à bon droit que le jugement, qui constate qu'un citoyen a exercé ses droits électoraux dans une commune, et n'a fait en temps utile aucune démarche pour obtenir sa radiation de la liste électorale de cette commune, ordonne de rayer ce citoyen de la liste d'une autre commune, liste sur laquelle il figurait à titre de contribuablė (5) (Id.). — 2o espèce.

Au contraire, doit être cassé le jugement qui ordonne de rayer un citoyen de la liste où il figurait et avait le droit de figurer en qualité de contribuable, sous prétexte que ce citoyen n'avait pas demandé en temps utile sa radiation de la liste d'une autre commune, alors que ce jugement n'établit

sur les listes électorales d'une commune, alors qu'il se trouve dans l'une des conditions prévues par l'art. 14 de la loi du 5 avril 1884. Il n'a pas à justifier qu'il n'est point inscrit dans une autre commune; c'est à celui qui conteste son droit à une inscription à établir contre lui qu'il est déjà porté sur les listes d'une autre commune. V. Cass. 27 mars 1907 (S. et P. 1907.1.424), et le renvoi. Cette preuve faite, c'est à l'électeur, qui sollicite son inscription, à démontrer qu'il a obtenu sa radiation de la liste où il était précédemment inscrit, ou du moins qu'il a fait, en temps utile, des démarches pour obtenir cette radiation. V. Cass. 4 mai 1903 (S. et P. 1903.1.421; Pand. pér., 1904.1.375), et les renvois.

Cette inscription sur une autre liste peut avoir été effectuée sans l'intervention de l'intéressé, soit qu'elle ait été faite sur la demande d'un tiers électeur, soit qu'elle ait eu lieu d'office; que décider en ce cas? Cette inscription sera-t-elle opposable à l'électeur, et celui-ci devra-t-il prealablement faire tout au moins des démarches pour en obtenir la radiation? Oui, sans difficulté, si l'électeur intéressé a ratifié cette inscription en l'utilisant pour voter dans la commune. V. Cass. 4 avril 1906 (S. et P. 1906.1,359; Pand. pér., 1906. 1.241), et le renvoi.

Mais, si l'électeur n'a pas ratifié l'inscription

pas qu'il eûl sollicité cette dernière inscription ou en cût profité (6) (Id.). — Id.

Mais nul ne peut, par son fait, être inscrit à la fois sur deux listes électorales (7) (Id.). Ire et 3e espèces.

Et un tiers électeur ne saurait avoir à cet égard d'autres droits que ceux de l'électeur lui-même (8) (Id.). 1re espèce.

Lors donc qu'il s'agit d'une demande d'inscription formée pour la première fois, il suffit de l'existence d'une inscription sur une autre liste pour que l'électeur, qui sollicite une inscription nouvelle, doive faire les démarches nécessaires pour obtenir la radiation de l'inscription ancienne, sans qu'on ait à rechercher dans quelles condiId. tions elle a été opérée (9) (Id.).

S'agissant d'une demande d'inscription nouvelle, la justification de démarches à fin de radiation de la première inscription est nécessaire, que cette inscription ait été ou non faite d'office (10) (ld.). 2o espèce. A défaut de cette justification, la demande d'inscription doit être rejetée (11) (Id.). Ire et 20 espèces.

-

Et il y a lieu de casser le jugement qui, alors qu'un citoyen demandait pour la première fois son inscription sur la liste électorale d'une commune à titre de contribuable, et que la commission municipale avait rejeté sa demande, parce qu'il ne justifiait pas de démarches faites en temps utile pour obtenir sa radiation de la liste électorale d'une autre commune où il aurait été précédemment inscrit, a réformé cette décision, sans contester l'existence de la précédente inscription (12) (Id.) - 2o espèce.

Jugé, d'autre part, que, lorsqu'un citoyen est inscrit sur la liste électorale d'une commune et a voté dans cette commune, il ne peut être inscrit sur la liste d'une autre commune qu'en rapportant la preuve de sa radiation dans la première commune; en ordonnant l'inscription sans rechercher si celte preuve était rapportée, le juge de paix viole la loi (13) (ld.). 3o espèce.

faite sans sa participation, qu'il peut même n'avoir pas connue, sa demande actuelle sera-t-elle arrêtée par cette inscription? Ne sera-t-elle recevable que s'il a fait des démarches pour en obtenir la radiation en temps utile? Il est à noter qu'il a pu, dans l'ignorance de cette inscription, ne pas faire, en temps utile, les démarches nécessaires; il en résultera que sa demande actuelle sera rejetée, et qu'il demeurera électeur dans une commune où il n'a plus d'intérêts, où il ne séjourne pas, et qui peut être fort éloignée de sa résidence.

Jusqu'ici, la Cour de cassation avait décidé que, lorsqu'une inscription avait été faite sans la participation d'un électeur, celui-ci pouvait former la demande d'une autre inscription sans rapporter la preuve qu'il eût fait des démarches pour obtenir radiation de l'inscription antérieure. V. Cass. 8 avril 1886 (Bull. civ., n. 78); 9 juin 1902 (S. et P. 1902.1.526; Pand. pér., 1903.1.482); 4 avril 1906, précité; Greffier, De la format. et de la revis. ann. des listes élect., 4o éd., n. 224 et 225; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Elections, n. 819; Pand. Rep., eod. verb., n. 1243 et s.

La Cour de cassation, par deux des arrêts que nous recueillons (1re et 2° espèces), se range à un système différent; du moment qu'un électeur est inscrit sur une liste, il doit, pour se faire inscrire sur une autre liste, rapporter la preuve qu'il a fait

2o Un douanier, qui a son domicile réel dans la commune où il exerce ses fonetions, ne perd pas ce domicile, parce qu'il aurait été détaché temporairement de sa brigade et envoyé comme planton dans une autre commune (1) (C. civ., 106). 3o espèce.

3o En conséquence, et alors que ce douanier a demandé sa radiation de la liste de la commune où il avait été envoyé temporairement, il ne saurait être rayé de la liste de l'autre commune (2) (L. 5 avril 1884, art. 14). 3o espèce.

4 Ne saurait être considéré comme ayant perdu son domicile d'origine, le citoyen qui s'est marie au lieu de ce domicile, "qui ya ses intérêts, et qui ne l'a quitté que pendant la durée de son service militaire (3) (C. civ., 103). 3o espèce.

---

5o Par suite, ce citoyen a le droit de se faire inscrire sur les listes électorales de la commune de son domicile d'origine (4) (L. 5 avril 1884, art. 14). 3o espèce.

des démarches pour obtenir la radiation de la première inscription; peu importe qu'elle ait été effectuée d'office. Ce système a pour effet d'éviter une distinction que l'on chercherait vainement dans la loi; il offre encore l'avantage de la rapidité et de la célérité, puisqu'on n'est point obligé de se demander de qui provient l'inscription, et, s'il y a contestation, d'examiner et de trancher cette difficulté.

Il faut reconnaître toutefois qu'il permet des surprises, des manoeuvres mêmes, de la part des tiers électeurs mal intentionnés, qui pourraient solliciter une inscription pour que, par son antériorité, démisquée au dernier moment, elle mette obstacle à une inscription régulièrement demandée par l'intéressé. Quoi qu'il en soit, la jurisprudence de la Cour suprême paraît définitivement fixée.

Mais il ne faut pas aller plus loin; l'arrêt cidessus du 19 avril 1910 (3o espèce) pourrait autoriser à penser que la Cour de cassation exige, pour qu'une inscription nouvelle soit ordonnée, non seulement la preuve de démarches faites en vue de la radiation, mais même la preuve de la radiation opérée; ce n'est certainement pas là ce qu'elle a voulu décider, car ce serait contraire à sa jurisprudence antérieure et aux solutions données par les arrêts contemporains des 13 et 18 avril 1910 (1 et 2° espèces). V. d'ailleurs, l'art. 1, § 6, de la loi du 29 juill. 1913 (J. off., du 30 juill.), intervenue depuis les arrêts ci-dessus, qui exige que toute demande de changement d'inscription soit accompagnée d'une demande de radiation de la liste du domicile antérieur.

Il peut arriver et il arrive qu'un électeur se trouve inscrit sur les listes électorales de deux communes; en vertu du principe de la permanence des listes électorales, il est en droit de demeurer inscrit sur les deux listes, tant qu'on ne prouve pas qu'il a opté pour l'une d'elles, en sollicitant lui-même son inscription sur cette liste, ou en utilisant l'inscription par l'exercice de son droit d'électeur et sa participation effective, par un vote, à une élection. V. Cass. 4 mai 1903 (S. et P. 1904. 1.47; Pand. pér., 1904.1.375); 27 mars 1912 (S. et P. 1912.1.229; Pand. pér., 1912.1.229), les notes et renvois. Cette solution est expressément maintenue par les arrêts des 13 et 18 avril 1910, rapportés ci-dessus, conformes sur ce point à la jurisprudence antérieure. V. sur le régime actuel des inscriptions multiples, la loi précitée du 29 juill. 1913, art. 1o. Il convient de réserver également le cas où un c toyen, déjà inscrit sur une liste, est inscrit d'of

Le jugement, qui constate qu'un individu est né de parents étrangers, dans la commune sur les listes électorales de laquelle il demande son inscription, qu'il a atteint sa majorité dans celle commune, et qu'il est porté au tableau de la classe à laquelle son age correspond, ne justifie pas suffisamment par ces constatations l'inscription dudit individu sur les listes électorales de cette commune, et il doit être cassé pour défaut de base légale, s'il ne s'explique pas sur le domicile que cet individu avait à l'époque de sa majorité, alors que les conclusions prises en appel contestaient qu'il fût, à cette époque, domicilié en France, condition exigée par l'art. 8, n. 4, C. civ., pour qu'il put revendiquer la nationalité francaise (5) (C. civ., 8, n. 4; L. 5 avril 1884, art. 14). 2o espèce.

Si le garde champêtre a qualité pour dénoncer le pourvoi en cassation en matière électorale, c'est à la condition qu'il agisse dans les limites de la circonscription où il

fice (et non plus sur sa demande, cas prévu par les arrêts des 13 et 18 avril 1910, rapportés ci-dessus) sur une autre liste par la commission administrative. Dans ce cas, l'inscription faite d'office ne saurait être utilement contestée par le motif que l'électeur ne rapporterait pas la preuve de démarches faites par lui en temps utile, afin d'obtenir sa radiation dans la commune où il était déjà précédemment inscrit. V. Cass. 18 mars 1912 (S. et P. 1912.1.231; Pand. pér., 1912.1.231), et la note. (1-2) Aux termes de l'art. 106, C. civ., le citoyen, appelé à une fonction publique temporaire ou révocable, conserve le domicile qu'il avait auparavant, s'il n'a pas manifesté d'intention contraire. Il en résulte notamment que les douaniers ne peuvent être considérés comme domiciliés dans la commune où ils exercent leurs fonctions que s'ils y ont effectivement établi leur domicile. V. Nancy, 16 déc. 1893 (S. et P. 1894.2.78), et la note. Telle paraît bien être également la solution d'un jugement du tribunal civil de Pontarlier, 9 juill. 1896, sous Besançon, 20 déc. 1896 (S. et P. 1897.2.212), qui, tout en formulant daus ses motifs le principe critiquable que le domicile des douaniers est au siège de la brigade, parce que les douaniers ont une résidence permanente dans la commune où ce siège est établi, et y ont par conséquent leur principal établissement, prend soin de relater les circonstances de fait justifiant que l'intéressé avait son domicile réel au siège de la brigade.

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(3-4) Le jeune homme qui fait son service militaire n'est pas domicilié, pendant la durée de son service, dans les différentes garnisons où il est envoyé; il conserve le domicile qu'il avait auparavant. V. Bordeaux, 21 nov. 1901 (S. et P. 1904.2. 158), et le renvoi; Cass. 27 mars 1912 (S. et P. 1912.1.229; Pand. pér., 1912.1.229), et la note. L'absence qui résulte du service militaire ne porte donc aucune atteinte aux règles relatives aux inscriptions en matière électorale. V. Cass. 27 mars 1912, précité, et la note.

(5) Pour que l'étranger, né en France d'un étranger, devienne Français au moment de sa majorité, il faut, d'après l'art. 8, 4o, C. civ., qu'à cette époque, il soit domicilié en France. On admet généralement que, pour l'application de l'art. 8, 4o, C. civ., l'étranger doit être considéré comme domicilié en France, alors qu'il y a une résidence permanente. V. la note de M. Audinet (10° col.), sous Cass. 2 mai 1910 (S. et P. 1912.1.369'; Pand. pér., 1912.1.869), et les autorités citées,

a le droit de verbaliser (6) (Décr. organ., 2 févr. 1852, art. 23). 2o espèce.

-

Les procès-verbaux de dénonciation dressés par le garde champêtre, dont il a été remis copie à l'intéressé par le maire d'une commune, autre que celle où le garde champêtre exerce ses fonctions, n'étant que des déclarations d'envois faits à l'intéressé, sont sans valeur légale, et doivent être tenus pour non avenus (7) (Id.). Id.

Et cette irrégularité constitue une fin de non-recevoir contre le pourvoi ainsi dénoncé (8) (Id.) — Id.

Ire Espèce. (Ferriol). — ARRÊT. LA COUR; Statuant sur le pourvoi de Ferriol contre un jugement du juge de paix de Mont; ellier, troisieme canton, du 22 mars 19. - Attendu que le jugement attaque constate que Perrot (Henri), dont le demandeur en cassation poursuivait, comme tiers électeur, l'inscription sur la liste électorale de Montpellier, où

Cependant, d'après une autre opinion, un domicile, au sens légal du mot, serait nécessaire. V. les autorités citées dans la note de M. Audinet, ubi supra.

Dans l'espèce, bien qu'il eût été formellement soutenu, dans les conclusions de l'électeur contestant, que l'électeur, dont l'inscription était contestée pour cause d'extranéité, n'avait pas son domicile en France à l'époque de sa majorité, le juge de paix ne s'était pas expliqué sur ce point dans son jugement, qui devait, en conséquence, être cassé pour défaut de motifs, les juges étant tenus de répondre aux moyens soulevés dans les conclusions des parties et qui sont les soutiens nécessaires de la demande ou de la défense (V. Cass. 4 janv. 1904, S. et P. 1908.1.463; Pand. pér., 1908. 1.463, et les renvois), ou, ainsi que le porte l'arrêt, pour défaut de base légale, comme ne permettant pas à la Cour de cassation d'apprécier l'application qui avait été faite de la loi.

Etant donné le moyen sur lequel il a eu à statuer, il ne semble pas que l'arrêt rapporté puisse être considéré comme préjugeant la question de savoir si l'art. 8, n. 4, C. civ, exige, pour attribuer la nationalité française à l'étranger né en France d'un étranger, un véritable domicile ou une simple résidence. Le juge de paix avait omis de constater l'existence de la condition de domicile, prévue par l'art. 8, n. 4. L'arrêt de la Cour de cassation a relevé cette omission de la sentence, sans avoir à examiner en quoi consiste précisément ladite condition de domicile.

(6-7-8) V. en ce sens, Cass. 11 avril 1889, cité par Greffier, De la format. et de la revis. annuelle des listes élect., 4° éd., n. 497; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Elections, n. 1632; Pand. Rép., eod. verb., n. 1837. La loi prévoit la dénonciation par un agent assermenté; or, le garde champêtre n'a la qualité d'agent assermenté que sur le territoire de la commune où il exerce ses fonctions; en dehors de ce territoire, il est un simple particulier. La dénonciation du pourvoi par un garde champêtre, qui, faite dans les limites de la circonscription de cet agent, aurait été valable (V. Cass. 14 juin 1895, motifs, S. et P. 1896.1.415, et la note; Pand. pér., 1897.1.98), était nulle, au contraire, dès lors qu'elle avait été faite en dehors des limites de cette circonscription. Cette nullité équivalait au défaut de dénonciation; et le pourvoi était dès lors irrecevable, puisque la dénonciation du pourvoi constitue une formalité substantielle. V. Cass. 12 mars 1912 (Supra, 1 part., p. 398). et le renvoi

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