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(Dupré).

20 oct. 1910, jugement du tribunal de simple police de Marseille, ainsi conçu :

Le Tribunal; - Attendu qu'il résulte d'un procès-verbal, dressé le 25 mai 1910 par M. l'inspecteur du travail, que, ledit jour, le sieur Dupré (César), directeur du service municipal des pompes funèbres de la ville de Marseille, ne lui a pas présenté le registre prévu par le décret du 24 août 1906, art. 1er, § 2; Attendu que le sieur Dupré prétend que le service des

pole dans l'intérêt public, ne poursuivait point de but propre ou corporatif, et n'avait d'autre règle que de compenser par les taxes établies sur les convois payants les lourdes dépenses occa-ionnées par les indigents. L'opposition est toute logique. Dès lors, le rattachement des inhumations à l'action administrative et leur exécution comme service public n'auraient dû faire l'objet ni de derogations ni de doutes; par malheur, la politique financière municipale était influencée, ou adu térée, par le désir d'assurer aux fabriques et aux consistoires, moyennant une tolérance de la concession et du commerce juridique ordinaire, les ressources nécessaires à la conservation des lieux de répulture, à l'entretien des églises ou temples, au paiement des desservants. Toutefois, la jurisprudence demeura ferme; elle modela toujours les solutions de droit d'après le fonctionnement de fait du service public; ainsi, elle déclarait commerciales les opérations de l'adjudicataire ou régisseur intéressé des pompes funèbres (V. Ca 8. 9 janv. 1810, S. et P. chr.), non commerciales, au contraire (V. Paris, 3 mai 1881, S. 1882.2 45. P. 1882.1.313, avec les conclusions de M. l'avocat général Loubers), et non susceptib es d'entraîner l'imposition à la patente (V. Cons. d'Etat, 29 janv. 1892, Fabriques paroissiales de Cette, S. et P. 1893.3.153; 12 janv. 1900, Fabrique de Combrée, S. et P. 1902.3.36), les opérations des fabriques et consistoires assurant le service en régie directe. La loi du 28 déc. 1904 ne devait rien changer à cet aspect des choses, si tant est qu'elle n'en contienne pas au fond l'expresse confirmation,

Cette législation, impatiemment attendue par les municipalités » plus de vingt-cinq années (Rapport de M. Milliès-Lacroix, au Sénat, J. off., doc. parl., oct. 1904, p. 229), accueil ie à son heure avec une froideur marquée, substitue au monopole général et facultatif des fabriques et consistoires le privilège, relatif en son objet, et réduit au service extérieur, des communes. Des abus - tel le refus de prêter le matériel pour les convois des personnes appartenant aux cultes dissidents ou exclues de la sépulture ecclésiastique, avaient été allégués ou établis à la charge des fabriques (V. l'exposé des moifs de la proposition de M. Lefebvre, et le rap, ort de M. de La Porte, à la Chambre des députés, S. et P. Lois annotées de 1905, p. 901, ad notam, n. II); peut-être étaient-ils une conséquence fatale de l'attribution d'un service public d'intérêt tout à fait général à des établissements empreints par leur origine et leur destination même d'un caractere confessionnel. Or, les vieux textes de l'an 12 et de 1806 distinguaient, au double point de vue des fournitures et des tarifs, le service extérieur du service intérieur; les dispositions nouvelles sur la liberté des funérailles réservent à l'appréciation de l'autorité municipale les questions d'ordre et d'hygiène (LL. 5 avril 1884, art. 97; 15 nov. 1887, art. 4); tout naturellement, par suite, dans les travaux préparatoires et l'art. 4

pompes funèbres n'est pas soumis à la loi du 13 juill. 1906, et que lui, Dupré, n'est qu'un simple employé municipal, la direction du service appartenant à M. le maire de Marseille; Attendu que la loi de 1906 s'applique, aux termes de l'art. ler, aux établissements industriels ou commerciaux ou à leurs dépendances, de quelque nature qu'ils soient, publics ou privés, laïques ou religieux, même s'ils ont un caractère d'enseignement professionnel ou de bienfaisance; que le législateur n'a pas exprimé d'exception en

de la loi du 28 déc. 1904, l'affirmation a trouvé place de la compétence exclusive des communes pour le service extérieur des pompes funebres, à titre de service public, ... d'affaire purement municipale, en corrélation avec toutes les attributions communales .. Comp. le rapport de M. MillièsLacroix au Sénat (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 904, col. 1 et 2).

Cependant la réforme a été arrêtée en ses effets logiques par les causes traditionnelles : crainte des charges excessives pour les municipalités, respect des usages locaux ou libertés individuelles, etc... Réserve faite du cas tout spécial visé à l'art. 4 de la loi (V. Cass. 24 avril 1909, S. et P. 1911.1. 67; Pand. pér., 1911.1.67), le droit nouveau n'a, à l'égard des communes, ni étendu le monopole ancien, ni surtout imposé son utilisation. A ce point de vue, la loi manque d'harmonie. La partie initiale de l'art. 2, sur le monopole des communes, est contredite par le § 3, faisant à l'industrie privée une part très large (V. Cass. 10 mars 1908, S. et P. 1908.1.280; Pand, pér., 1908 1.280, et le renvo), vraiment peu conciliable avec le caractère attribué aux pompes funèbres. Le propre des services publics (V. Hauriou, Princ. de dr. publ., p. 473; Précis de dr. admin., 8° éd., p. 12) est de pourvoir aux besoins collectifs, servir la commodité des individus, satisfaire les exigences de l'ordre public et assurer la paix sociale; partant, il est malaisé de les concevoir comme facultatifs : l'obligation doit être la règle de leur gestion comme de leur institution. La vieille organisation du service des inhumations était, sous ce rapport, défectueuse; l'actuelle ne l'est guère

moins.

En tout cas, les errements anciens, perpétrés de propos délibéré (V. les observations de M. FleuryRavarin à la Chambre des députés, S. et P. Lois annotées de 1905, p. 907, note 4, et de M. MilliesLacroix au Senat, Ibid., p. 908, note 9), ont été précisés, quant à leur signification, par la loi ellemême et les instructions hiérarchiques subséquentes; l'art. 2 de la loi réserve la dénomination d'entreprise au fonctionnement du service assuré par tiers régisseur ou fermier; la circulaire adressée, le 25 févr. 1905, par le ministre de l'intérieur aux préfets, mesure les taxes, que les municipalités sont dorénavant autorisées à percevoir, à la somme strictement exigée par les frais du service et 1 entretien des cimetières (V. Lois nouvelles, 1905, 3 part., p. 62 et 63). La terminologie de la loi n'est point indifférente elle donne corps à la vieille distinction du régime industriel et de la gestion publique; soumettant, selon les cas, aux lois commerciales ou à des règles autonomes par rapport au droit commun la régie intéressée ou la ferme, d'une part, et, d'autre part, l'exploit tion directe par les communes, elle ajoute l'autorité de la législation aux raisons tirées de la nature des choses. Le avertissements de la circulaire ont même portée : ils marquent les limites de l'acti

faveur des entreprises gérées par les communes; que, de plus, le décret du 14 aout 1907, complétant la nomenclature des établissements admis à donner le repos hebdomadaire par roulement, comprend les entreprises de pompes funèbres, sans faire de distinction si lesdites entreprises sont gérées par le maire d'une commune ou si elles sont gérées par des particuliers; qu'il y a lieu de décider que, dans l'espèce, la loi du 13 juill. 1906 est applicable; Attendu qu'aux termes de l'art. 13 de ladite loi, les chefs d'entre

vité ouverte aux communes et de l'économie propre aux deniers publics; ils présupposent et appliquent cette donnée que toute exp oitation érigee en service public perd, du fait de sa régie directe par l'Administration, son caractère commercial ou industriel. Cette distinction et cette donnée ont trouvé, dans les faits de la cause et avec l'arrêt ci-dessus, une matière et une confirmation nouveiles.

III. Le problème consistait à rechercher la valeur des mots établissements » et « entreprises de pompes funèbres », employés par les textes organiques du repos hebdomadaire. Confronté aux principes qui viennent d'être établis, le service municipal des pompes funèbres en régie directe apparaît étranger aux prévisions des textes. - Il n'est pas un etablissement public, au sens technique de ce mot (V. notre Rp. gén. du dr. fr., v° Etablissements publics ou d'utilité publique, n. 87 et s.) aux services communaux, répartis pour la commodité du travail administratif en direc. tions ou bureaux, il manque l'individualité et la personnalité distinctes qui sont caractéristiques des établissements publics. Dès lors, il y aurait erreur à lui imposer l'obligation que la loi de 1906, en son art. 3 (C. trav., liv. 2, art. 38) a édictée contre tels ou tels organismes autonomes, hôpitaux (n. 4) ou musées (n. 6), rattachés par leur fin à l'Etat ou aux communes : la nature juridique du service n'a rien de commun avec celle de ces établissements publics. Ce n'est point, au surplus, la seule raison qui condamnerait les tentatives d'assimilation; les règles de l'interprétation pénale, et les intentions répétées du législateur, s'y opposent aussi : le raisonnement par analogie est impossible en matière répressive, spécialement au sujet des réglementations qui sont, comme celle de 1906, restrictives de la liberté; la volonté législative est, de même, indiscutable. Le dessein d'étendre la règle du repcs aux employés et ouvriers des services publics figurait dans les premiers projets; bien vite, une appréhension éclairée fut ressentie des obstacles qu'une réglementation aussi rigide eût apportés au service, et des charges budgétaires qui en auraient été l'inéluctable résultat; le correctif d'un droit de dispense attribué par la Chambre au chef de l'Etat fut rejeté par la commission; finalement, l'idée première a été repoussée pour le tout. Cette résolution confirmait une politique inaugurée avec la loi du 11 juill. 1903 (S. et P. Lois annotées de 1904, p. 681); elle marque, au dire de la circulaire ministérielle du 14 avril 1906, le plan arrêté du Parlement de ne point soumettre la puissance publique, agissant comme telle, au contrôle de l'inspection du travail ». Ainsi l'arrêt ci-dessus est adéquat aux réalités, conforme à l'ensemble de la légalité, propre à fixer le droit.

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JOSEPH DELPECH,

Professeur de droit administratif à l'Université de Dijon.

prises, directeurs ou gérants, qui auront contrevenu aux prescriptions de cette loi et des règlements d'administration publique relatifs à son exécution, seront poursuivis devant le tribunal de simple police, et passibles d'une amende de 5 à 15 fr.; Attendu que la Cour de cassation, à propos de la loi du 2 nov. 1892, a décidé que l'art. 26 de ladite loi ne soumet à la responsabilité pénale, sous la dénomination de manufacturiers, directeurs ou gérants, que les chefs immédiats du service où les infractions ont eu lieu; que cette décision doit être étendue par analogie à l'application de la loi du 13 juill. 1906; Attendu qu'il résulte des documents fournis au tribunal que le sieur Dupré a été nommé directeur des pompes funèbres; que ledit sieur Dupré est donc un véritable directeur, sur lequel M. le maire de Marseille ne garde qu'un lointain contrôle; que, dans ces conditions, la contravention relevée contre le prévenu est justifiée; qu'il y a lieu de lui faire l'application de l'art. 13 de la loi du 13 juill. 1906; Par ces motifs; Condamne, etc. ».

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POURVOI en cassation par M. Dupré. ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen pris de la violation du principe de la séparation des pouvoirs, et de l'art. 2, C. pén., de la violation de l'art. 2 de la loi du 28 déc. 1904, de la violation et fausse application des art. 1 et 13 de la loi du 13 juill. 1906, ler, § 2, du décret du 24 août 1906, 1er du décret du 14 août 1907, 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de base légale, en ce que le jugement attaqué a condamné un employé communal, directeur du service public municipal des pompes funèbres, pris en cette qualité, pour inobservation d'un règlement pris pour l'exécution de la loi sur le repos hebdomadaire, tout en reconnaissant qu'il était, non un particulier, régisseur ou fermier de la commune, mais un agent de la commune, préposé à la gestion directe par la commune du service public susvisé, et cela, sous le prétexte que ledit service, qu'il fût géré par la commune ou par des particuliers, constituait une entreprise rentrant dans les prévisions de la loi sur le repos hebdomadaire, dont le maire serait

(1-2) Contrairement à ce qu'a jugé la Cour de cassation, on soutenait qu'en matière de délits de presse, il était dérogé à l'art. 399, C. instr. crim., qui prescrit l'appel des jurés avant l'ouverture de l'audience. Le droit commun, disait-on, est écarté, parce que l'art. 54 de la loi sur la presse du 29 juill., 1881 exige, à peine de forclusion, que les demandes en renvoi et les incidents sur la procédure suivie soient présentés avant l'appel des jurés; or, ceci suppose l'audience ouverte; car seul un tribunal siégeant peut accueillir ou rejeter une exception. Mais, la Cour de cassation ne s'est point ralliée à cette opinion; les deux dispositions législatives alléguées ne lui ont pas paru inconciliables. Malgré l'art. 54 de la loi de 1881, l'art. 899, O. instr. crim., peut encore régir les procès de presse : il suffit que l'accusé, présent à l'appel des jurés, manifeste, ce moment, l'intention de présenter

le chef, et dont les employés communaux, délégués par le maire pour la direction immédiat eet effective du service, seraient les directeurs ou gérants: Vu ces articles; Attendu qu'aux termes de l'art. 2 de la loi du 28 déc. 1904, le service extérieur des pompes funèbres appartient aux communes, à titre de service public, et que celles-ci peuvent assurer ce service, soit directement, soit par entreprise; Attendu que, si le concessionnaire, que la commune est autorisée à se substituer, se propose de réaliser un profit personnel, et peut dès lors être considéré comme dirigeant un établissement industriel ou commercial, il en est autrement de la commune, quand elle assure directement ce service; que, dans ce dernier cas, en effet, la commune se borne à accomplir une des prescriptions de la loi en vue d'un service d'intérêt public, et que, par suite, sa gestion n'a pas le caractère d'une entreprise industrielle ou commerciale; Attendu, d'autre part, que la loi du 13 juill. 1906 ne s'applique qu'aux établissements industriels et commerciaux, et que, si l'art. 1er du décret du 14 août 1907, pris pour l'exécution de cette loi, désigne les entreprises de pompes funèbres au nombre des établissements admis à donner le repos par roulement, il n'a pu viser que les entreprises substituées aux communes, conformément aux dispositions de l'art. 2 de la loi du 28 déc. 1904, précité;

Attendu, enfin, qu'il est constant que la ville de Marseille assure directement le service extérieur des pompes funèbres;

Attendu, en conséquence, qu'en condamnant Dupré, agent communal, préposé à la direction de ce service, pour infraction à la loi sur le repos hebdomadaire, le jugement attaqué a violé les textes visés au moyen; Casse, etc.

Du 7 juill. 1911. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Lecherbonnier, rapp.; Eon, av. gén.; Bressolles, av.

CASS.-CRIM. 3 mai 1912.

DÉLIT DE PRESSE, Cour d'Assises, Demande DE RENVOI, APPEL DES JURÉS, FORCLUSION (Rép., vis Cour d'assises, n. 1081 et s., Presse, n. 532 et s.; Pand. Rép., v° Presse, n. 1150 et s.).

Si l'art. 54 de la loi du 29 juill. 1881,

une demande de renvoi ou de soulever une exception de procédure. Peut-être la réponse ne paraîtra-t-elle pas décisive; à son insu, sans doute, la Cour suprême a quelque peu déformé la lettre de la loi. Elle parle d'intention à manifester avant l'appel des jurés; or, l'art. 54 de la loi sur la presse parle de demande présentée. Il est clair, et la Cour de cassation paraît bien le reconnaître, que le président des assises, procédant au tirage au sort des jurés, assisté du greffier en chambre du conseil, est incompétent pour donner acte d'une demande en renvoi formulée par l'accusé. Cette formalité ne peut être accomplie que par la Cour d'assises, c'est-à-dire une fois l'audience ouverte. La procédure que suppose la Cour suprême, d'une simple manifestation d'intention, est donc en de hors des termes de la loi. Par suite, à s'en tenir à la lettre de l'art. 54, il conviendrait de recon

sur la presse, prescrit que toute demande de renvoi pour quelque cause que ce soit et tout incident sur la procédure suivie soient présentés avant l'appel des jurés, à peine de forclusion, cette disposition n'implique pas que l'appel des jurés ne puisse aroir lieu que lorsque l'audience a été préala blement ouverte (1) (C. instr. crim., 399; L. 29 juill. 1881, art. 54).

En conséquence, est forclos l'inculpé qui a assisté au tirage du jury, effectué avant l'ouverture de l'audience, sans avoir au préalable manifesté l'intention de présenter une demande de renvoi ou de soulever un incident sur la procédure (2) (Id.).

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(apr. délib. en ch, du cons.).

LA COUR; Sur le premier moyen du pourvoi, pris de la violation des art. 54 et 58 de la loi du 29 juill. 1881, en ce que l'audience n'a pas été ouverte avant le tirage du jury, et que, de ce fait, le concluant n'a pas été mis en demeure de présenter des demandes de renvoi ou de nullité : Attendu qu'aux termes de l'art. 399, C. instr. crim., au jour indiqué pour chaque affaire, l'appel des jurés non excusés et non dispensés doit être fait avant l'ouverture de l'audience, en leur présence et en présence de l'accusé et du procureur général; Attendu qu'il ne cesse pas d'en être ainsi dans le cas où la Cour d'assises est appelée à connaître d'une infraction réprimée par la loi du 29 juill. 1881; que, si l'art. 54 prescrit que toute demande de renvoi, pour quelque cause que ce soit, tout incident sur la procédure suivie, soient présentés avant l'appel des jurés, à peine de forclusion, cette disposition n'implique pas que l'appel des jurés ne puisse avoir lieu que lorsque l'audience a été préalablement ouverte; qu'il suffit, pour qu'il soit satisfait au vou de l'art. 54, susvisé, que le prévenu ait été en mesure de manifester, avant l'appel des jurės. l'intention d'user de la faculté qui lui est réservée par ledit article; - Attendu qu'il est constant que Blanchard, assisté de son conseil, était présent dans la chambre des jurés, où s'étaient réunis le président de la Cour d'assises, le procureur de la République et le greffier, pour procéder au tirage des jurés qui devaient connaître de l'affaire; qu'il n'a pas, comme il pouvait le faire avant l'appel des jurés, manifesté l'inten

naître plutôt qu'il est dérogé, en matière de presse, à l'art. 399, C. instr. crim. Au fond, d'ail leurs, cette solution paraît logique. Lorsque le tirage au sort du jury cesse d'être le premier act de la procédure en Cour d'assises, et que cette Cour est appelée à connaître préalablement de nombreux incidents, il est naturel que la formation du jury de jugement se fasse à l'audience même. On sait du reste que la disposition de l'art. 399, C. instr. crim., n'a rien d'imperatif, et que le tirage au sort des jurés peut être fait publiquement à l'audience, sans qu'il en résulte de nullité (V. Cass. 2 août 1833, S. 1833.1.887. P. chr. ; 8 oct. 1884, S. 1835. 1.229. - P. chr.; 3 déc. 1×36, S. 1848.1.82. P. 1838.1.87; 4 nov. 1882; Bull. crim., n. 237), ce qui rend plus facilement présumable une dérogation à ce texte, quand il y a pour cela des considérations rationnelles puissantes à cet égard.

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CASS.-CRIM. 11 mai 1912.

REGLEMENT DE POLICE OU MUNICIPAL, PRÉFET, INTERVENTION, MAIRE, MISE EN DEMEURE, ARRÈTE MUNICIPAL EXISTANT, LOI DU 17 AVRIL 1901, CHAMP DE TIR, AUTORITÉ MILITAIRE, CONSIGNE (Rép., vo Règlement de police ou municipal, n. 241, 243, 581 et s.; Pand. Rép., vo Arrêté municipal, n. 50 et s.).

Pour que le préfet puisse exercer le droit, que lui confère l'art. 99 de la loi du 5 avril 1884, de prendre un arrêté de police à l'égard d'une seule commune, il ne suffit pas qu'une mise en demeure ait été adressée au maire; il faut encore que les mesures que prend le préfet n'aient pas déjà fait l'objet d'un arrêté municipal (1) (L. 5 avril 1884, art. 99).

A supposer que la loi du 17 avril 1901, qui

a investi l'autorité militaire du droit d'interdire l'accès sur les champs de tir, en édictant des consignes sanctionnées par l'art. 471, n. 15, C. pen., puisse recevoir application aux champs de tir permanents, même en dehors du temps où il est procédé à des tirs, le droit n'a pas été enlevé au maire de prendre, s'il y a lieu, les mêmes mesures, en vue d'assurer la sûreté publi

(1) Pour que l'autorité préfectorale pnisse prendre un arrêté de police limité à une seule commune, à la place de l'autorité municipale, il faut, d'après l'art. 99 de la loi du 5 avril 1884, une double condition : 1° une mise en demeure adressée à l'autorité locale négligente, et 2o l'ab. sence de mesures, ou bien des mesures insuffisantes prises par le maire. Une mise en demeure ne suffirait donc pas pour justifier l'intervention de l'autorité administrative supérieure. V. Cass. 23 janv. 1892 (S. et P. 1893.1.62; Pand. pér., 1893.1.47). En l'espèce, la réglementation que l'on sollicitait du maire avait été prise par lui dans un arrêté en date du 26 juin 1878. Mais, ce qui faisait naître une difficulté, à la suite de la loi du 17 avril 1901 (S. et P. Lois annotées de 1902, p. 377), autorisant l'autorité militaire à prendre des consignes sur les terrains de tir, des décisions judiciaires étaient intervenues, déniant toute force légale à l'arrêté municipal, attendu que, depuis cette loi, l'autorité municipale aurait été incompétente pour ordonner des mesures de police sur ces terrains.

Il n'y avait pas, dans ces circonstances, un motif pour justifier l'intervention du préfet du département. En effet, d'une part, ces décisions judiciaires, à les supposer exactes (V. la note qui suit), n'empêchaient pas l'existence de l'arrêté municipal, quelque inerte qu'il fût devenu. D'autre part, il y avait une véritable antinomie à faire intervenir le préfet, comme substitué au maire, dans une matière où, par hypothèse, l'autorité municipale avait perdu

que (2) (G. pén., 471, n. 15; LL. 3 juill. 1877, art. 54 bis; 17 avril 1901; 23 juill. 1911, art. 55).

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(Dupuis).

LA COUR; Sur le premier moyen. pris de la violation par fausse application de l'art. 99 de la loi du 5 avril 1884 : Attendu qu'après l'établissement d'un champ de tir dans des terrains communaux dont la jouissance avait été, à cette fin, cédée à l'Etat, le maire de la ville de Nimes a pris, le 26 juin 1878, un arrêté portant notamment défense de pénétrer dans les terrains formant le périmètre du champ de tir, en dehors des chemins tracés »; Attendu qu'à partir de la loi du 17 avril 1901, sont intervenues des décisions judiciaires déniant à cet arrêté toute force légale, pour ce motif que la loi susénoncée avait investi l'autorité militaire du droit d'interdire par des consignes la pénétration et le séjour dans les champs de tir, et que, dès lors, l'autorité administrative avait perdu tout pouvoir régle mentaire sur ce point; Attendu que, sur la demande de l'autorité militaire, et pour obvier au danger résultant de la présence, dans le champ de tir, de projectiles non explosés, le préfet du Gard, après une mise en demeure adressée au maire de Nîmes, a pris, le 20 juin 19 1, un arrêté reproduisant la défense déjà édictée par l'arrêté municipal du 26 juin 1878;

Attendu que, pour que le préfet puisse exercer, à l'égard d'une seule commune, les pouvoirs de police qui lui sont conférés

par l'art. 99 de Îa loi du 5 avril 1884, il ne suffit pas qu'une mise en demeure ait été adressée au maire; qu'il faut, en outre, que le maire n'ait pris aucune mesure ou n'ait édicté que des mesures insuffisantes; Attendu, dans l'espèce, que le maire de

:

son pouvoir de police. De deux choses l'une ou bien, en vertu de la loi du 17 avril 1901, c'était à l'autorité militaire qu'il appartenait exclusivement de prendre les consignes nécessaires sur les champs de tir, et alors le préfet, comme le maire, étaient également incompétents à la remplacer; ou bien, malgré la loi de 1901, le pouvoir de police sur les champs de tir a persisté entre les mains de l'autorité municipale, et le préfet était encore incompétent pour intervenir, l'arrêté municipal du 26 juin 1878 subsistant avec sa sanction, nonobstant les décisions judiciaires contraires.

(2) Peut-être convient-il de formuler quelques doutes sur l'exactitude de la solution contenue dans l'arrêt actuel. La Cour de cassation affirme que le pouvoir réglementaire, que la loi du 17 avril 1901 (S. et P. Lois annotées de 1902, p. 377) a attribué, dans l'art. 54 bis, ajouté par elle à la loi du 3 juill. 1877 (article qui porte aujourd'hui le n. 55 dans la codification opérée par la loi du 23 juill. 1911, S. et P. Lois annotées de 1912, p. 185; Pand, pér., Lois annotées de 1912, p. 185), à l'autorité militaire sur les champs de tir, et qui est sanctionné par les pénalités de l'art. 471, n. 15, O. pén., n'est aucunement incompatible avec le pouvoir de police, que l'autorité municipale tient de la loi du 5 avril 1884. Elle se fonde sur ce que les deux pouvoirs poursuivraient des buts différents : le premier, destiné à permettre à l'autorite militaire d'assurer l'exercice d'un service public; le second, ayant pour objet d'assurer la sécurité publique. Mais on peut ré

Nimes avait déjà pourvu, dans les termes mêmes ultérieurement repris dans l'arrêté préfectoral, à la mesure de sûreté jugée utile par le préfet; qu'en décidant, dans ces conditions, que l'arrêté du 20 juin 1911 avait été pris incompétemment, le jugement attaqué a fait une exacte application de l'article de loi visé au moyen;

Mais sur le deuxième moyen, pris de la violation par défaut d'application de l'art. 471, n. 15, C. pén. : — Vu ledit article;

Attendu que l'art. 54 bis de la loi du 3 juill. 1877, modifiée par la loi du 17 avril 1901, déclare passible des peines prévues par l'art. 471, n. 15, C. pén., « quiconque séjournera ou pénétrera dans les terrains interdits par les consignes des champs de tir, ou y laissera séjourner ou pénétrer des bestiaux ou bêtes de trait, Attendu de charge ou de monture »; qu'en admettant que cette disposition s'applique avec sa sanction aux champs de tir permanents, même en dehors du temps où il est procédé à des tirs, il y a lieu de reconnaître que le pouvoir réglementaire ainsi donné à l'autorité militaire pour lui permettre d'assurer l'exercice d'un service public n'est pas, en principe, incompatible avec celui conféré au maire dans un autre but, en vue d'assurer la sûreté publique; que, dès lors, le texte susrappelé n'a pu avoir pour effet d'enlever à l'autorité municipale le droit d'interdire ellemême l'accès des champs de tir, si elle le juge utile, dans un intérêt de sécurité publique, alors que l'autorité militaire néglige de prendre cette mesure; - Attendu qu'il est constaté que les prévenus ont été trouvés dans le champ de tir de Nîmes, en dehors des chemins tracés; que ce fait, interdit par l'arrêté municipal du 26 juin 1878, était de nature à motiver l'applica tion des peines prévues par l'art. 471,

pondre, semble-t-il, que c'est attribuer une base trop étroite au pouvoir réglementaire de l'autorité militaire que d'en découvrir le fondement uniquement dans un intérêt de service. Les consignes qu'elle prend sur les champs de tir ont aussi, et certainement, un autre objet, celui d'éviter les accidents de tir, les dangers ou les dommages aux personnes et aux animaux. Ce second motif peut même devenir exclusif. Lorsque, par exemple, l'autorité militaire interdit, au moyen de drapeaux rouges ou de sentinelles postées sur les chemins, la pénétration dans les terrains situés derrière la butte de tir, pour qu'une balle égarée n'atteigne personne, c'est bien évidemment le souci de la sécurité publique qui l'inspire uniquement; il ne s'y joint aucune préoccupation de service. Or, si le pouvoir réglementaire, que la loi du 17 avril 1901 a dévolu à l'autorité militaire, englobe ainsi les motifs de sécurité publique, qui peuvent inciter l'autorité municipale à prendre un arrêté de police, il devient certain que le droit de faire un règlement de police échappe à cette dernière. D'ailleurs, devant l'incom. pétence ordinaire des maires sur l'étendue des mesures de précaution à prendre, une réglementation faite par eux risquerait d'être ou dangereusement insuffisante, ou inutilement gênante; et on conçoit fort bien que le législateur s'en soit remis à l'autorité responsable du soin de l'édicter; il n'est nullement prouvé qu'en faisant jouer à la fois une double compétence, on obtienne un résultat plus satisfaisant.

1

n. 15, C. pén.; qu'en s'abstenant de les prononcer pour ce motif que l'arrêté susénoncé était devenu caduc, le jugement attaqué a commis une violation de la loi;

Casse le jugement du tribunal de Nimes, du 5 déc. 1911, mais seulement pour partie, et en ce qu'il a relaxé Dupuis (Louis) et Dupuis (Pierre) du chef de contravention qui leur était imputée, etc.

Dull mai 1912.-Ch. crim. MM. Bard, prés.; La Borde, rapp.; Séligman, av. gén.

CASS.-CRIM. 20 novembre 1909. RÉCIDIVE, CONDAMNATION ANTÉRIEURE, CONSEIL DE GUERRE, VOL MILITAIRE, LOI DU 28 JUIN 1904 (Rép., v Récidive, n. 52; Pand. Rép., eod. verb., n. 114).

Le vol prévu par l'art. 248, C. just. milit., bien que punissable en tant que vol, et, en principe, d'après les dispositions du Code penal, affectant, par les circonstances dans lesquelles il est commis et par sa nature, autant que par la peine qui y est af férente, un caractère tout spécial d'infraction militaire, en dehors des conditions de droit commun, la condamnation à l'emprisonnement prononcée contre un militaire par un conseil de guerre, en application

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(1) L'art. 56, C. pén., dans son dernier paragraphe, dispose que ... l'individu condamné par un tribunal militaire ou maritime ne sera, en cas de crime ou de délit postérieur, passible des peines de la récidive qu'autant que la première condamnation aurait été prononcée pour des crimes ou délits punissables d'après les lois pénales ordinaires ». Il était admis, par application de cette disposition, que les condamnations prononcées par les conseils de guerre pour des crimes ou délits prévus à la fois par le Code de justice militaire et par le Code pénal, mais entraînant une peine différente, suivant qu'il était fait appilcation des dispositions de l'un ou de l'autre Code, ne pouvaient servir de base à la récidive. V. not., en ce qui concerne le vol commis par un militaire au préjudice d'un autre militaire, Donai, 18 juill. 1871 (S. 1873.2.81. P. 1872. 433), et la note de M. Canwès; Cass. 26 févr. 1880 (S. 1881.1.43. - P. 1881.1.68); 26 août 1880 (S. 1881.1.232. P. 1881.1.547). Adde, F. Hélie et Depeiges, Prat. crim. des Cours et trib., 2e éd., 2o part., n. 161; Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2o éd., t. 3, n. 743, p. 83, texte et note 15; Augier et Le Poittevin, Tr. de dr. pén. milit., t. 1, n. 136; notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 56, 57, 58, n. 69; et notre Rep. gen. du dr. fr., vo Récidive, n. 52; Pand. Rep., eod. verb., n. 114. V. aussi, Cass. 24 janv. 1889 (S. 1890.1.18. P. 1890.1.79).

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de l'art. 248, précité, ne saurait servir de premier terme à la récidive (1) (C. just. milit., 248; L. 28 juin 1901, art. 4).

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(Benoist). ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Statuant sur le pourvoi de Benoist contre l'arrêt rendu, le 18 oct. 1909, par la Cour d'appel de Lyon, qui l'a condamné à quatre mois de prison; - Sur le moyen pris de la violation des art. 56, 58, C. pén., et 4 de la loi du 28 juin 1904: Vu ces articles; Attendu qu'il résulte de la disposition finale de l'art. 56, C. pén., et de l'art. 4 de la loi du 28 juin 1904, que l'individu condamné par un tribunal militaire n'est passible des peines de la récidive qu'autant que la première condamnation a été prononcée pour des crimes ou délits punissables d'après les lois pénales ordinaires ; Attendu que, pour déclarer Benoist en état de récidive légale, l'arrêt attaqué s'est fondé sur ce qu'il a été condamné, le 3 déc. 1906, par le conseil de guerre d'Oran, à cinq ans de prison, avec sursis, pour vol au préjudice d'un militaire; Mais attendu que le vol prévu par l'art. 248, C. just. milit., bien que punissable en tant que vol, et, en principe, d'après le Code pénal, affecte, par les circonstances dans lesquelles il est commis et par sa nature,

la loi du 28 juin 1904 s'est-il substitué à l'art. 56, dern. alin., qui devrait être considéré comme virtuellement abrogé? M. Laborde (La loi Bérenger et les Codes de just. milit. et marit.; Lois nouv. 1905, 1re part., n. 5, p. 4) se prononce pour l'affirmative, et telle paraît être également l'opinion de la chambre criminelle, qui fait application de l'art. 4 de la loi du 28 juin 1904, paraissant bien par là même tenir pour abrogé implicitement l'art. 56, dern. alin., C. pén. Sans discuter cette solution, nous nous bornerons à faire observer que l'intention des auteurs de la disposition de l'art. 4 semble bien avoir été uniquement d'empêcher qu'« en vertu du principe posé par l'art. 1o de la loi », tel qu'il avait été voté par la Chambre des députés, << toutes les condamnations pour delits militaires puissent désormais, en cas de récidive, être aggravées, conformément aux art. 57 et 58, C. pén., tandis que, jusqu'ici, ces articles n'étaient, comme l'art. 56, applicables qu'aux condamnations prononcées par les tribunaux militaires pour des faits punissables, d'après les lois pénales ordinaires (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 898, 1re col., note 1, III).

a

Cette observation faite, pour nous maintenir désormais dans les termes mêmes de la question résolue par l'arrêt ci-dessus, la règle que la jurisprudence et la doctrine avaient déduite de l'art. 56, C. pén., en ce qui concerne les condamnations prononcées par les tribunaux militaires, que l'on peut qualifier de mixtes, parce qu'elles sont prévues à la fois par le Code pénal et le Code de justice militaire, et auxquelles les deux Codes assurent une répression différente, tel le vol militaire, doit-elle être maintenue depuis la loi du 28 juin 1904?

On l'a contesté. On a prétendu que l'art. 4 comportait un élargissement des conditions de la récidive pour les condamnations prononcées par les tribunaux militaires, et que, désormais, une condamnation antérieure, prononcée par un tribunal militaire pour un de ces délits que nous ve

autant que par la peine qui y est afférente, un caractère tout spécial d'infraction militaire, en dehors des conditions de droit commun; que, notamment, ce fait, aux termes de l'art. 248, susvisé, constitue un crime puni de la réclusion, et, en cas d'admission de circonstances atténuantes, ne peut être puni d'une peine inférieure à une année d'emprisonnement, alors que le délit de vol prévu par le Code pénal est puni d'un emprisonnement qui peut être réduit même au-dessous de six jours, ou remplacé par une amende, par application de l'art. 463 dudit Code; Attendu, dès lors, qu'en déclarant Benoist en état de récidive légale, à raison de la condamnation prononcée antérieurement contre lui pour vol au préjudice d'un militaire, l'arrêt attaqué a violé les textes de loi visės au moyen; Casse, etc.

Du 20 nov. 1909. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Paillot, rapp.; Blondel, av. gén.

CASS.-CRIM. 28 juin 1912.

1o ESCROQUERIE, FAUSSE QUALITÉ, POLICES D'ASSURANCE, SOUSCRIPTION (Rép., vo Escroquerie, n. 14 et s., 291 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 527 et s.). - 2o ACTION CIVILE, ESCROQUERIE, POLICES D'ASSU

nons de qualifier de mixtes, et dont le vol militaire fournit un exemple, parce qu'il ne diffère du vol ordinaire que par les conditions dans lesquelles il est commis et par la peine encourue, pouvait servir de premier terme à la récidive, en cas de nouvelle condamnation pour un délit de droit commun. V. Laborde, op. cit., n. 34 et 35 (Lois nouvelles, 1905, 1re part., p. 15 et s.). Comp. Garraud, Précis de dr. crim., 10o éd., n. 269, p. 478, note 1,

La Cour de cassation décide, au contraire, que les solutions qu'avait données la jurisprudence sur l'art. 56, C. pén., doivent être maintenues par application de l'art. 4 de la loi du 28 juin 1904. Vainement on a argumenté en sens contraire des différences de rédaction entre l'art. 56, C. pén., et la loi du 28 juin 1904; ces différences s'expliquent par la considération que l'on a voulu, dans la loi de 1904, viser les condamnations militaires à la fois comme premier terme et comme second terme de la récidive (V. Laborde, op. cit., n. 34, Lois nouv., 1905, 1re part., p. 15 et s.), tandis que l'art. 56 ne les prévoyait que comme premier terme de la récidive, et que, par là même, le texte de l'art. 4 devait nécessairement être plus compréhensif que l'art. 56. Mais on n'en rencontre pas moins, dans l'une et l'autre disposition, lorsqu'il s'agit de définir 1 infraction déférée aux tribunaux militaires, qui peut servir de base à la récidive, des expressions identiques : crimes et délits punissables d'après les lois pénales ordinaires. Comment les mêmes expressions, dans les deux textes, auraient-elles une signification différente, alors surtout que rien, dans les travaux préparatoires, ne vient établir que les auteurs de la loi aient entendu lui donner une autre portée que celle qui avait été consacrée par la jurisprudence, par application de l'art. 56, C. pén. (V. supra), et aussi en matière de relégation (V. Cass. 26 déc. 1895, S. et P. 1896.1.540; Pand. pér., 1896.1.491; 18 oct. 1906, S. et P. 1907.1.528, et la note)?

RANCE, SOUSCRIPTION, COMP. DE CHEMINS DE FER, EMPLOYÉS, PRÉJUDICE MORAL (Rép., vo Action civile, n. 35 et s., 44 et s., 151 et s.; Pand. Rép., vo Instruction criminelle, n. 184 et s.).

1o Commet le délit d'escroquerie un agent d'une Comp. d'assurances, qui, en se faisant accompagner par un agent retraité d'une Comp. de chemins de fer, dont il se donne lui-même faussement comme étant l'un des inspecteurs, se présente chez les employés de la Comp. de chemins de fer, et leur persuade de souscrire des polices d'assurance désavantageuses (1) (C. pén., 405). Sol. implic.

2° Lorsqu'un arrêt, pour admettre une Comp. de chemins de fer à se porter partie civile sur une poursuite pour escroquerie contre un individu, qui, en se présentant auprès d'employés de cette Comp. comme lui étant attaché en qualité d'inspecteur, leur a fait signer des polices d'assurance désavantageuses, constate que l'usurpation par le prévenu du titre d'inspecteur, et la circonstance qu'à l'aide de cette fausse qualité, il a fait signer les polices frustratoires, sont de nature à causer à la Comp. un grave préjudice moral, en compromettant son autorité et son influence vis-à-vis de ses agents, cet arrêt ne peut être critiqué comme ayant fait découler le préjudice qu'il relève exclusivement de la prise d'une fausse qualité, c'est-à-dire d'un seul des éléments constitutifs du délit; il résulte, au contraire, des constatations de l'arrêt que le préjudice éprouvé a eu sa source dans la souscription des polices d'assurance, souscription obtenue à l'aide de la fausse qualité (2) (C. civ., 1382; C. instr. crim., 3 et 63; C. pén., 405).

(1 à 5) L'arrêt ci-dessus de la Cour de cassation n'est pas sans présenter une réelle importance: il met en jeu la théorie de l'action civile. Un agent d'une société d'assurances, pour faire signer plus aisément des contrats d'a-surance, s'était présenté auprès des euployés d'une Comp. de chemins de fer avec la fausse qualité d'inspecteur de cette Comp. Grâce à cette usurpation de qualité, il avait obtenu la signature d'un certain nombre d'employés, qui ne la lui auraient pas donnée dans d'autres circonstances. Poursuivi pour délit d'escroquerie, l'agent d'assurances avait été condamné, en même temps qu'à une peine d'amende, à des dommages et intérêts, tant vis-à-vis des employés que vis-à-vis de la Comp. de chemins de fer.

On comprend facilement la première condamnation: le prévenu, en prenant une fausse qualité pour faire souscrire des polices d'assurance désavantageuses, avait escroqué l'argent des souscripteurs. Mais la deuxième condamnation se justifie-t-elle également? Les juges du fait ont déclaré que la Comp. de chemins de fer avait éprouvé un grave préjudice moral à raison du fait du procès, qui avait compromis son autorité et son influence sur ses employés. La Cour de cassation a approuvé cette argumentation. Peut-être convient-il d'avoir quelque doute sur sa valeur; deux objections de nature différente peuvent, en effet, lui être adressées.

Ne peut-on pas soutenir d'abord que le préjudice moral, éprouvé par la Comp. de chemins de fer, et qui n'est guère contestable, dérive simplement de l'usurpation de qualité prise par le pré

Si, après avoir déclaré l'existence du préjudice moral causé à la Comp. de chemins de fer par la signature des polices d'assurance, les juges ont ajoute que les agents signataires pourraient, à l'avenir, être tentés de mettre en doute les affirmations de leurs supérieurs, lorsque ceux-ci auraient à leur conseiller des mesures de prévoyance réellement autorisées par la Comp. de chemins de fer, les conséquences ainsi visées par les juges comme devant découler du dommage actuel et certain éprouvé par la Comp. sont purement énonciatives, et leur caractère éventuel ne saurait modifier en rien la nature du préjudice résultant dès à présent pour la Comp. de la diminution de son autorité sur ses agents (3) (Id.).

En droit, d'ailleurs, il suffit que le fait duquel depend le préjudice eventuel soit consommé pour que la réparation en puisse être poursuivie (4) (Id.).

Et le dommage moral cause à la Comp. de chemins de fer affecte dès à présent l'autorité qu'elle a intérêt à maintenir intacte au regard de ses préposés (5) (Id.).

(Damon).

Au cours de l'année 1909, M. Damon, dans le but de faire souscrire, par des employés de la Comp. des chemins de fer du Nord, des polices d'assurance contre les accidents de la Société l'Assurance générale française, dont il était l'agent, s'est présenté chez un grand nombre d'entre eux, en se faisant accompagner par un agent retraité de la Comp. du Nord, et en se disant inspecteur de cette Comp. Cette fausse qualité, prise vis-à-vis d'employés, ainsi persuadés qu'ils avaient affaire à un de leurs chefs, les a déterminés à souscrire

venu? En se présentant revêtu d'une fonction et d'un titre qu'il n'avait pas, celui-ci a compromis aux yeux des employés de la Comp. le prestige et l'autorité des ch-fs véritables; il a nui au bon fonctionnement des services. Il semble bien que ce soit la cause réelle du préjudice dont pouvait se plaindre la Comp. Mais, dans ce cas, celle-ci était irrecevable à se porter partie civile dans l'instance criminelle; car elle n'avait pas été lésée par le délit, mais seulement par un de ses éléments; cette circonstance l'empêchait donc de se joindre à la poursuite du délit ; elle devait porter son action devant les tribunaux civils. V. la note (col. 8) de M. Roux sous Cass. 13 févr. 1909 et 5 mars 1910 (S. et P. 1911.1.417; Pand. pér., 1911.1.417).

Il est vrai que les juges du fait avaient prévu l'objection, et qu'ils ont fait dériver le préjudice moral de la Comp. de la signature des contrats d'assurance, qui consommait le délit d'escroquerie. Mais, et c'est l'autre objection, un préjudice moral peutil résulter dans ce cas, avec le caractère nécessaire de préjudice direct (V. Cass. 17 févr. 1912, S. et P. 1912.1.604; Pand. pér., 1912.1.604, et le renvoi), d'une infraction qui, comme le délit d'escroquerie, consiste dans l'appropriation matérielle de la fortune d'autrui? Sans doute, on conçoit le préjudice moral chez des tiers, qui n'ont personnellement rien remis à l'escroc, mais c'est avec la qualité de préjudice indirect, naissant du jugement défavorable porté sur eux par les personnes qu'ils n'ont pas suffisamment protégées contre les entreprises du délinquant. On l'aperçoit, au contraire, dificilement avec le caractère de préjudice direct;

Par

en toute confiance les polices qui leur étaient présentées. Ces polices étant désavantageuses pour ceux qui les avaient souscrites, des plaintes ont été portées, et une poursuite pour escroquerie a été engagée contre M. Damon, dans laquelle les employés lésés, et la Comp. du chemin de fer du Nord elle-même, sont intervenus comme parties civiles. jugement du 8 sept. 1911, le tribunal correctionnel d'Avesnes a condamné le prévenu à 1.000 fr. d'amende, et à des dommages-intérêts envers les employés de la Comp. du Nord qu'il avait assurés, et envers cette Comp. Sur l'appel du prévenu, la Cour de Douai a rendu, le 6 févr. 1912, un arrêt confirmatif ainsi conçu « La Cour; ... Attendu qu'en prenant une fausse qualité, et en se faisant accompagner d'un agent retraité de la Comp. du Nord, dont la présence suffisait pour empêcher qu'on mit en doute son affirmation, Damon a déterminé un certain nombre d'employés de cette Comp. à signer des polices et à contracter des assurances qui n'ont pas été l'objet de leur volonté libre; qu'ils se sont ainsi trouvés grevés de l'obligation, qu'ils n'auraient point librement contractée, de payer des primes à l'Assurance générale française, pendant des années; qu'en conséquence, le délit d'escroquerie, à l'encontre des plaignants, est établi à la charge de Damon;

Sur l'intervention de la Comp. du Nord Attendu qu'il n'apparaît pas que cette Comp. ait subi un préjudice maté riel, soit du fait que Damon aurait troublé le service de certains employés au moment où il leur faisait souscrire des polices d'assurance, soit du fait que les nombreuses saisies arrêts pratiquées sur

car la signature des polices d'assurance, qui consommait le délit d'escroquerie, en soi et par ellemême, ne diminuait pas l'autorité de la Comp.; ce qui la diminuait, c'était l'opinion, que les employés du chemin de fer, déçus on trompés, portaient sur leurs chefs, qui auraient dû les garantir. Mais, à cette opinion, l'auteur du délit était étranger.

Il semble donc qu'il eût été plus exact, soit pour l'une, soit pour l'autre des deux raisons qui précédent, d'écarter l'intervention de la Comp. de chemins de fer, et de ne pas admettre son action civile. En l'accueillant, la chambre criminelle a obscurci la distinction essentielle du préjudice direct et du préjudice indirect; peut-être, sans s'en rendre compte, a-t-elle aussi compromis sa jurisprudence (V. Cass. 17 fevr. 1912, précité, et les renvois) sur l'irrecevabilité de l action des syndicats dans les poursuites des delits de falsification; car eux aussi pourraient relever, à titre de prejudice direct, le discrédit que le fraudeur jette dans l'esprit du public sur la corporation toute entière.

Cette réserve faite, il convient d'observer que l'arrêt ci-dessus rappelle justement que l'action en responsabilité est ouverte pour la réparation d'un dommage futur, mais qui doit certainement se réaliser. V. Cass. 16 juill. 1896 (Bull. crim., n. 2 9); Baudry-Lacantinerie et Barde, Tr. des oblig., 3° éd., t. 4, n. 2875; Sourdat, Tr. de la respons., 6o éd, t. 1, n. 448. Comp. la note de M. Blon fel (n. IV) sous Cass. 11 nov. 1896 (S. et P. 1897.1.273).

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