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LA COUR; - Vu la demande en règlement de juges formée par le procureur de la République près le tribunal de première instance de Boulogne, dans le procès instruit contre Lignier (Charles), homme d'équipe à Boulogne, prévenu de provocation non publique adressée à des militaires dans le but de les détourner de leurs devoirs militaires et de l'obéissance qu'ils doivent à leurs chefs : Vu les art. 525 et s., C. instr. crim., et l'art. 56, C. just. milit., pour l'armée de terre; Attendu que, par ordonnance du juge d'instruction près le tribunal de Boulogne, en date du 21 nov. 1910, le nommé Lignier a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Boulogne, comme prévenu du délit ci-dessus spécifié; Attendu que, par jugement du 7 déc. 1910, non frappé d'appel, et vis-à-vis duquel le procureur général du ressort a déclaré renoncer à user du droit que lui confère l'art. 202, C. instr. crim., le tribunal correctionnel de Boulogne s'est déclaré incompétent, par le motif qu'au moment où le délit aurait été commis, le prévenu était militaire, et, par suite, justiciable des tribunaux militaires; que le tribunal a basé cette appréciation de droit sur cette circonstance que l'ordre d'appel délivré aux agents grévistes des chemins de fer leur enjoignait de prendre leur service sans délai; Mais attendu qu'aux termes de l'art. 56, C. just. milit., les militaires sont justiciables des conseils de guerre pendant qu'ils sont en activité de service, ou portés présents sur les contrôles de l'armée, ou détachés pour un service spécial; qu'il résulte de la procédure et des documents produits devant la Cour que Lignier, homme d'équipe à la gare de Boulogne, a reçu, le 12 oct. 1910, un ordre d'appel lui enjoignant de se présenter im

déjà, et que, pour ce motif, il est soumis au devoir et à la discipline militaires. On ne fait aucune difficulté pour reconnaître que, si ce militaire ne satisfait qu'avec un retard à la convocation dont il est l'objet, il devra compte de ce retard à ses chefs, et qu'il pourra, pour cette cause, être passible d'une punition disciplinaire. Frappé pour ce manquement à la discipline militaire, il serait donc bien singulier que celle-ci ne le saisisse pas pour des actes plus graves, et que, demeurant désarmée devant eux, elle ne puisse pas en renvoyer l'auteur devant un conseil de guerre. On peut argumenter encore, bien que les situations ne soient pas absolument identiques, d'une décision de la Cour de cassation, du 17 juin 1887 (Bull. crim., n. 228), qui a reconnu la compétence des conseils de guerre pour juger le permissionnaire, qui, après l'expiration de sa permission et avant son retour au corps, se rend coupable d'un crime de droit commun: « Attendu, dit cet arrêt, dont les motifs sont à retenir, que le prévenu était en service actif dater de cette heure (l'expiration de sa permission), soumis aux ordres de ses chefs, et à la discipline militaire. Il est donc difficile de comprendre que la Cour de cassation ait pu depuis aller jusqu'à nier la compétence des tribunaux militaires à l'égard du réserviste, qui, arrêté comme prévenu d'insoumission par la gendarmerie, et déposé par elle, en attendant son transfert, dans les

médiatement à la gare de Boulogne pour

y accomplir une période d'exercices au titre des sections de chemin de fer de campagne, mais qu'en fait, il n'a pris son service que dans l'après-midi du lendemain, 13 octobre; que, dès lors, Lignier n'était pas, dans la matinée du 13 octobre, lorsqu'il aurait commis le délit qui lui est imputé, en activité de service, et soumis aux obligations militaires, et que, s'il pouvait devenir, aux termes de l'art. 58, C. just. milit., justiciable du conseil de guerre du chef d'insoumission, il était justiciable des tribunaux ordinaires pour les délits qu'il a pu commettre le 13 octobre avant d'avoir pris son service; - Attendu, d'autre part, que, de l'ordonnance du juge d'instruction et du jugement précités, passés en force de chose jugée, et contradictoires entre eux, résulte un conflit négatif de juridiction, qui interrompt le cours de la justice, et qu'il importe de faire cesser; - Réglant de juges; Sans s'arrêter au jugement du tribunal de police correctionnelle de Boulogne, lequel sera considéré comme non avenu, renvoie la cause et le prévenu, en l'état où ils se trouvent, devant le tribunal de police correctionnelle de SaintOmer, etc.

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Du 21 janv. 1911.-Ch. crim. MM. Bard, prés.; Petitier, rapp.; Eon, av. gén.

CASS.-CRIM. 2 décembre 1911. INSTRUCTION PUBLIQUE, ECOLE PRIVÉE, CLASSE ENFANTINE, CLASSE DIRIGÉE PAR UN INSTITUTEUR (Rép., v° Instruction publique, n. 1827 et s., 2103 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 617 et s., 1575 et s.).

Ne saurait être considérée comme une classe enfantine, une classe dirigée, dans une école privée, non par une institutrice, comme le prescrit l'art. 6 de la loi du 30 oct. 1886, mais par un instituteur (1) (L. 30 oct. 1886, art. 6).

locaux de punition d'un régiment d'artillerie, se rend coupable de voies de fait et de résistance avec violence contre le brigadier d'artillerie du poste de police. V. Cass. 29 avril 1910, précité. Eh! quoi! voilà un homme qui est entre les mains de l'autorité militaire, et que la jurisprudence traite comme un civil, parce qu'il n'est pas arrivé à son corps, et qu'il n'est pas inscrit sur les contrôles du régiment d'artillerie où il a été en subsistance! Il a droit à une solde; il a droit aux allocations journalières des soldats; et il est dispensé des obligations qu'entraîne la discipline militaire ! Il n'est soldat qu'à moité! Un système qui admet de pa. reilles conséquences est jugé par elles.

Au surplus, la solution que nous défendons, et qui est la seule logique, paraît bien résulter des travaux préparatoires du Code de justice militaire. Commentant l'art. 56, l'exposé des motifs déclarait justiciables des conseils de guerre les jeunes soldats, lorsque, ayant reçu l'ordre de se rendre sous les drapeaux, ils sont formés en détachement sous la conduite de chefs militaires, et, à plus forte raison, lorsqu'ils sont arrivés au corps. V. S. Lois annotées de 1857, p. 62, n. XXVII. - P. Lois, décr., etc. de 1857, p. 106, n. XXVII. Le législateur séparait donc l'activité de service de l'arrivée au corps, et ne faisait pas dépendre la compétence des tribunaux militaires de cette condition matérielle la présence au corps. Ses paroles

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(apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Sur le moyen pris de la violation, par fausse application, de l'art. 40 de la loi du 30 oct. 1886: - Attendu que Marini a été condamné pour avoir reçu, dans l'une des classes dont il est le directeur, sept enfants n'ayant pas six ans révolus, alors qu'il existait dans la commune une classe enfantine publique; Attendu que le demandeur prétend qu'il n'est pas, de ce fait, passible de la pénalité édictée par l'art. 40 de la loi du 30 oct. 1886, pour le motif qu'ayant annexé à son école une classe enfantine, il avait ainsi satisfait à l'exigence de l'art. 36, § 3, de ladite loi; Mais attendu que l'art. 36, $ 3, de la loi du 30 oct. 1886 ne saurait être séparé de l'art. 6 de la même loi, lequel dispose que a l'enseignement est donné dans les classes enfantines par des institutrices... »; Attendu que, par suite, il ne saurait y avoir une classe dite enfantine, au sens de l'art. 36, si cette classe n'est pas dirigée par une institutrice; que, dès lors, l'arrêt à fait une exacte application du texte visé au moyen, la classe dont il s'agit étant tenue par un instituteur; Rejette le pourvoi de Marini contre l'arrêt du 10 juin 1910 de la Cour d'appel de Nîmes, qui l'a condamné à 25 fr. d'amende, et a ordonné la fermeture de son école, etc.

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montrent que la discipline militaire saisit le soldat, avant qu'il soit parvenu au corps où il doit accomplir son service, et que, pour qu'elle soit applicable, il suffit que le militaire ait reçu l'ordre de se rendre sous les drapeaux, et que l'heure fixée pour se rendre à son corps soit expirée. Dès cet instant, l'homme cesse d'être un civil; il relève de l'autorité militaire : la discipline militaire pèse sur lui.

(1-2) L'art. 36 de la loi du 30 oct. 1886 dispose qu'aucune école privée ne peut recevoir des enfants au-dessous de six ans, s'il existe dans la commune une école maternelle publique ou une classe enfantine publique, à moins qu'elle-même ne possède une classe enfantine. D'autre part, les classes enfantines doivent être tenues par des institutrices, aux termes de l'art. 6 de la même loi. Cette disposition est applicable aux écoles privées comme aux écoles publiques. Un directeur d'école privée, qui a reçu, dans les classes par lui dirigées, des enfants de moins de six ans, alors qu'il existe dans la commune une école enfantine publique, ne peut donc, pour écarter l'infraction à l'art. 36, qui lui est reprochée, infraction sanctionnée par l'art. 40, prétendre qu'il a organisé dans son école une classe enfantine. D'après la loi, cette qualification ne convient, en effet, qu'à une classe confiée à une institutrice faute de cette condition, il n'y a pas de classe enfantine.

CASS.-CRIM. 4 février 1910 (3 ARRÊTS). 1° ET 3° AGENT DE CHANGE, MONOPOLE, IMMIXTION, VALEURS COTÉES, VALEURS NON COTÉES, CONTRAT direct, NULLITÉ, PouVOIR DU JUGE, APPRÉCIATION SOUVERAINE, SANCTION PÉNALE, ASSEMBLÉE ILLICITE, PEINE, ARRÊTÉ DU 27 PRAIR. AN 10, LÉGALITÉ, LIEU DU DÉLIT, COMPÉTENCE (Rép., vo Agent de change, n. 200 et s., Suppl., eod. verb., n. 200 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 132 et s., Suppl., eod. verb., n. 12 et s., et vo Valeurs mobilières, n. 47 et s.).

20 COMPÉTENCE, TRIBUNAL DU LIEU DU DÉLIT, ELEMENTS ESSENTIELS DU DÉLIT (Rép., vo Compétence criminelle, n. 210 et s.; Pand. Rép., vo Instruction criminelle, n. 1074 et s., 1109 et s.).

1° L'art. 76, C. comm., confère aux seuls agents de change le droit absolu de faire des négociations d'effets publics et autres susceptibles d'être cotés (1) (C. comm., 76). - Ire 2e et 3e espèces.

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De cet article, qui est d'ailleurs en par

(1 à 5) Les trois arrêts de rejet rendus par la Chambre criminelle ont une grande importance. Ils sont relatifs à l'étendue du monopole conféré par la loi aux agents de change et aux délits constituant une atteinte à ce monopole.

Les agents de change ont certainement le droit exclusif de faire pour le compte d'autrui les négociations d'effets publics et autres admis à la cote officielle (L. 13 avril 1898, art. 14). V. d'ailleurs, sur l'étendue du monopole des agents de change avant cette loi, Cass. 9 mars 1886 (S. 1886.1.208.

P. 1886.1.507), et le renvoi; et notre C. comm. annoté, par Cohendy et Darras, sur l'art. 76, n. 10

et s.

Mais le monopole des agents de change a-t-il une étendue si grande qu'il supprime la liberté des négociations directes faites entre vendeurs et acheteurs, de telle façon que les personnes qui, sans recourir à un agent de change ni à aucun autre intermédiaire, se portent directement entre elles vendeurs et acheteurs, commettent le délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change, et tombent, par suite, sous le coup des dispositions pénales édictées contre ce délit?

La Chambre criminelle, en repoussant les pourvois formés contre trois arrêts de la Cour d'appel de Paris (chambre des appels correctionnels), s'est prononcée dans le sens de l'affirmative, et a reconnu que des particuliers, qui achètent et qui vendent directement entre eux des valeurs mobilières admises à la cote officielle, commettent le délit d'immixtion.

Le tribunal correctionnel de la Seine avait admis une doctrine tout opposée. Il avait reconnu que les négociations directes sont libres, mais il avait décidé, en même temps, que, d'aprés les circonstances de l'espèce, on avait dissimulé sous l'apparence de négociations directes des achats et des ventes faits par des intermédiaires autres que des agents de change. Saisie du double appel de la Chambre syndicale des agents de change de Paris et des individus condamnés, la Cour d'appel a, en laissant de côté les circonstances spéciales de l'espèce, jugé en thèse que les valeurs mobilières admises à la cote officielle ne peuvent pas être l'objet de négociations même directes, sans qu'il soit porté atteinte au monopole des agents de change.

Sur ce point, du reste, la doctrine consacrée par la Chambre criminelle est semblable à celle qu'a ANNÉE 1913. 2 cah.

faite concordance avec les dispositions légales antérieures, il résulte qu'aucune négociation, c'est-à-dire aucune opération de bourse ayant pour objet des effets publics ou assimilés, ne peut être licitement réalisée sans le concours d'un agent de change (2) (Id.). - Id.

S'il est vrai qu'on ne saurait considérer comme constituant une opération de bourse, rentrant dans ces prévisions, le fait, notamment, par un propriétaire de titres, de les vendre directement à un acheteur auquel livraison en est faite, il en est autrement, lorsqu'il s'agit d'opérations ne comportant ni détention ni livraison de titres, et se soldant par des différences (3) (Id.). - Ire et 2e espèces.

Spécialement, lorsqu'un arrêt constate que des banquiers se portent, au gré de leurs clients, acheteurs ou vendeurs aussi bien de valeurs admises à la cote officielle que de celles du marché libre; que ces opérations consistent très rarement en ventes ou achats effectifs de titres, le règlement de

adoptée la Chambre civile, spécialement dans un arrêt du 21 mars 1893 (S. et P. 1893.1.241; Pand. pér., 1894.1.477). Adde, Paris, 30 juin 1894 (motifs) (S. et P. 1895.2.257); Paris, 30 juin 1894 (S. et P. 1895.2.262; Pand. pér., 1897.2.113). Mais V. en sens contraire, la note de M. Lyon-Caen sous Cass. 21 mars 1893, précité. Comp. Cass. req. 30 juin 1909 (2° arrêt) (S. et P. 1911.1.505; Pand. pér., 1911.1.505), et la note de M. Naquet. V. au surplus en sens divers, les autorités citées dans la note de M. Naquet sous Cass. 24 nov. 1909 (S. et P. 1911.1.193; Pand. pér., 1911.1.193). Seulement, la Chambre civile s'était bornée à une affirmation, tandis que la Chambre criminelle a rendu des arrêts soigneusement et assez longuement motivés.

Nous avions critiqué l'arrêt de la Chambre civile de 1893. Les arrêts de la Chambre criminelle ne nous ont pas, par leurs remarquables motifs, convaincu de la justesse de la doctrine qu'ils consacrent. Nous persistons à croire que, dès l'instant où il s'agit d'opérations directes, le monopole des agents de change est hors de cause, et que, par suite, on ne saurait parler d'une atteinte qui y serait portée par ces opérations.

Nous devons indiquer les raisons qui nous font penser que les motifs des trois arrêts de la Chambre criminelle doivent être écartés, et celles qui sont, selon nous, décisives en faveur de la liberté des opérations directes sur valeurs mobilières.

La Chambre criminelle se prévaut à la fois de dispositions du Code de commerce de 1807 et de dispositions antérieures à ce Code, remontant à l'ancien droit ou à la période intermédiaire.

La Chambre criminelle constate d'abord que l'art. 76, 1 alin., O. comm., reconnaît aux agents de change seuls le droit de faire des négociations sur des effets publics et autres susceptibles d'être cotés, sans indiquer qu'il faut qu'il s'agisse de négociations faites pour le compte d'autrui. L'argument est rendu très spécieux par l'opposition entre la première disposition de l'alin. 1er de l'art. 76, C. comm., et la seconde disposition de cet alinéa, laquelle, pour les négociations de lettres de change ou billets et de tous papiers commerçables, réserve aux agents de change seuls le droit de les faire, en ajoutant: pour le compte d'autrui. V. Locré, Esprit du C. comm., t. 1, p. 460 et s. Selon la Chambre criminelle, l'art. 76 est, en ce qui concerne les attributions privilégiées des agents de change, conforme aux dispositions légales anté

des

chaque opération s'effectuant habituellement par le paiement d'une différence, il apparait de ces constatations, souveraines en fait, que les opérations visées représentent, au sens de l'art. 76, C. comm., négociations, qui, s'appliquant à des valeurs admises à la cote, ne peuvent être réalisées licitement sans l'intervention d'un agent de change (4) (L. 28 vent. an 9, art. 8; Arr., 27 prair. an 10, art. 4; C. comm., 76). - Ire et 2e espèces.

De même, une condamnation pour immixtion dans les fonctions d'agent de change est justifiée par l'arrêt qui constate qu'un banquier faisait commerce habituel de recueillir des offres et demandes d'effets admis à la cote officielle, qu'il procurait à ses clients le moyen d'effectuer sur ces effets, en dehors de la Bourse, et sans recourir au ministère d'agents de change, des opérations qui n'auraient pu être régulièrement effectuées sans le ministère de ces officiers publics » (5) (Id.). 3o espèce.

rieures; elles faisaient la distinction qui paraît ressortir des termes de l'art. 76, C. comm. La Chambre criminelle mentionne des arrêts du Conseil du 24 sept. 1724 (art. 12 et 14), du 26 nov. 1781 (art. 13), du 7 août 1785 (art. 1 et 3), du 10 juin 1788 (art. 7). Sans doute, le monopole des agents de change a été supprimé à l'époque de la Révolution; mais, selon la Chambre criminelle, ce monopole a été rétabli, par la loi du 28 vend. an 4, et l'arrêté des consuls du 27 prair. an 10, avec l'étendue qu'il avait sous l'ancien régime.

Nous ne croyons pas que tous ces textes invoqués démontrent qu'il soit porté atteinte, par nos lois actuelles, au droit des particuliers de négocier directement entre eux des valeurs mobilières.

«

L'arrêt du Conseil le plus ancien, cité par la Chambre criminelle, faisait, comme elle l'indique très exactement, une distinction entre les négociations des effets publics et celles des lettres de change, pour défendre absolument aux particuliers de faire les premières, même directement entre eux, et restreindre le monopole des agents de change, quant aux secondes, au cas où il s'agit d'opérations pour lesquelles on recourrait à des intermédiaires. Mais cette distinction a-t-elle subsisté depuis 1724? Nullement. Elle a été abandonnée sous l'ancienne monarchie même. L'arrêt du Conseil du 26 févr. 1726 reconnut expressément aux particuliers le droit de faire des négociations directes portant sur des valeurs mobilières. Selon cet arrêt, le Roi permet à tous marchands, négociants, banquiers et autres, qui ont été ou qui seront admis à la Bourse, de négocier entre eux les actions de la Compagnie, des traites et autres papiers commerçables, de la même façon que se négocient les lettres de change, billets au porteur et à ordre. En est-on revenu ensuite à la prohibition des négociations directes qu'avait édictée l'arrêt du Conseil du 24 sept. 1724? Non. Tout au contraire, la loi du 28 vent. an 9, qui traite du monopole des agents de change, supprimé par la loi du 8 mai 1791, et rétabli par la loi du 28 vend. an 4, les considère comme des intermédiaires. On lit notamment, dans l'exposé des motifs de la loi du 28 vent. an 9, le passage suivant: Entre le vendeur et l'acheteur, il est besoin d'intermédiaires, qui facilitent, proposent, consomment, garantissent l'exécution du con. trat qui se fait entre eux. Il faut que ces intermédiaires, qui sont les agents de change et courtiers, offrent, par leur moralité, leurs connaissances et

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I PART. 9

En cas d'immixtion dans les fonctions d'agent de change, la sanction de la nullité et la sanction pénale sont encourues simultanément et constituent un système de répression indivisible; par suite, la pénalité édictée par l'art. 8 de la loi du 28 vent. an 9 doit être prononcée dans les mêmes cas où la nullité de l'opération est encourue (1) (C. comm., 76; L. 28 vent. an 9, art. 8). Ire, 2e et 3e espèces.

Etla sanction pénale est encourue, encore bien que les opérations incriminées, rentrant dans celles qui sont réservées aux agents de change, auraient emprunté une forme interdite à ces officiers publics par l'art. 85, C. comm., ou par toute autre dis

même par l'engagement d'une partie de leurs propriétés, une garantie à l'Administration publique, comme à l'intérêt particulier. L'arrêté des consuls du 27 prair. an 10 confirme bien l'idée selon laquelle on n'a à recourir à un agent de change que lorsqu'on veut se servir d'un intermédiaire. D'après l'art. 6, 1er alin., de cet arrêté, fondamental en matière de bourse, il est défendu, sous les peines portées contre ceux qui s'immiscent dans les négociations sans être agents de change ou courtiers, à tout banquier, négociant ou marchand, de confier ses négociations, ventes ou achats, et de payer des droits de commission ou de courtage à d'autres qu'aux agents de change et courtiers La personne qui, selon les expressions mêmes de cet article, confie ses négociations à une autre n'y intervient pas directement elle-même comme contractant.

L'art. 7 du même arrêté des consuls dispose que, conformément à l'art. 7 de la loi du 28 vent, an 9, toutes négociations faites par des intermédiaires sans qualité sont déclarées nulles». Cette disposition laisse en dehors de ses prévisions les négociations directes. Au point de vue pénal, qui est celui que la Chambre criminelle avait à considérer, l'art. 8 de la loi du 28 vent. an 9 semble décisif contre la doctrine consacrée par l'arrêt que nous critiquons. Qui, d'après ses termes, cet article frappet-il d'amende? Ceux qui, n'étant pas nommés par le Gouvernement, exercent les fonctions d'agent de change. Les personnes qui font entre elles des négociations directes ne s'immiscent point dans les fonctions d'agent de change; car les opérations qu'elles font sont interdites à ceux-ci, par cela même qu'il leur est défendu de faire des opérations de commerce pour leur compte (art. 85, C. comm.). On appelle même, par suite, dans l'usage, le délit dont il s'agit délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change.

:

Le Code de commerce a-t-il supprimé la liberté que la législation intermédiaire laissait aux parties de vendre et d'acheter directement des valeurs mobilières? Assurément, les termes de la première disposition du 1er alinéa de l'art. 76 sont très généraux, et, pris à la lettre, en faisant abstraction des autres dispositions du Code de commerce, comme des précédents qui viennent d'être rappelés, paraissent réserver aux agents de change le droit exclusif de négocier les valeurs mobilières, de telle sorte que le droit de négociation directe serait retiré aux particuliers. Mais l'art. 74, C. comm., qualifie les agents de change d'intermédiaires, et les place à côté des courtiers privilégiés, dont assurément l'existence laisse intact le droit pour les intéressés de contracter directement ensemble, selon l'ancien adage: ne prend courtier qui ne veut.

D'ailleurs, la Chambre criminelle a quelque peu manqué de logique. Elle a très bien senti qu'elle ne pouvait admettre sans restriction la doctrine

position légale (2) (L. 28 vent. an 9, art. 8). - Id.

En interdisant, sous les peines portées du chef d'immixtion illégale, de s'assembler ailleurs qu'à la Bourse pour proposer et faire des négociations, l'art. 3 de l'arrêté du 27 prair. an 10 a visé les assemblees tenues pour proposer et faire des opérations réservées aux agents de change (3) (Arr., 27 prair. an 10, art. 3). Ire et 2o espèces. Constitue le délit de tenue d'assemblée illicite, la réunion dans une salle ouverte au public aux heures de la Bourse, par des banquiers, où les cours sont indiqués par des appels ainsi que par des inscriptions sur un tableau (Ire espèce), et où les opéra

qu'elle adopte. Elle refuse bien le droit de contracter directement, quand le vendeur n'est pas, au moment de la conclusion de la vente, propriétaire. Mais elle reconnaît à celui qui a actuellement la propriété de valeurs mobilières le droit d'en faire des ventes au comptant, qui impliquent la livraison immédiate des titres contre le paiement du prix, sauf les délais accordés par les règlements. Sur ce dernier point, les arrêts de la Chambre criminelle ne peuvent qu'être pleinement approuvės. V. dans le même sens, Cass. 21 mars 1893, précité; Rouen, 22 juill. 1896 (S. et P. 1897.2.115), et les renvois. Mais où trouve-t-on donc dans nos lois la base de cette distinction? Elle est, nous semble-t-il, tout à fait arbitraire. Si les dispositions légales diverses invoquées par la Cour suprême prouvent que les marchés directs à terme sur valeurs mobilières sont interdits, à peine de commettre le délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change, elles prouvent également que les marchés directs au comptant sont prohibés. Les marchés au comptant constituent des négociations, comme les marchés à terme. Ne parle-t-on pas souvent de négociations au comptant? Du reste, les arrêts de la Chambre criminelle, si soigneusement motivés, n'ont pas essayé d'expliquer pourquoi ils mettent à part les marchés au comptant. Le fait qu'il serait impossible de tenir la main à la prohibition des marchés directs au comptant ne constituerait pas une raison décisive en faveur de la doctrine de la Chambre criminelle. Un obstacle de fait, rendant l'application de dispositions légales difficile dans certains cas, n'a jamais pu justifier qu'en principe, on les déclarât inapplicables à ces cas.

Le monopole des agents de change pourrait, il est vrai, être plus facilement violé à l'aide de négociations directes à terme faites par des vendeurs à découvert que par des négociations directes faites par des vendeurs ayant la propriété des titres vendus. Mais cette considération, qui aurait pu déterminer le législateur à admettre une distinction à cet égard, ne suffit pas pour la faire adopter par le juge, alors qu'aucune disposition légale ne semble la consacrer ni même y faire allusion.

La solution admise par la Chambre criminelle conduit à une singularité vraiment choquante. Quand un monopole existe en vertu de la loi, il va de soi qu'on considère comme y portant atteinte les tiers qui font précisément des actes qu'ont seuls le droit de faire ceux auxquels ce monopole est accordé. Mais n'est-il pas tout à fait irrationnel qu'on considère comme portant atteinte à ce monopole les actes défendus à ceux auxquels il appartient? C'est, pourtant, à ce résultat bizarre que conduit la doctrine de la Chambre criminelle. Un agent de change, par cela même qu'il lui est défendu de faire des opérations de commerce pour son compte, ne peut pas, en se portant contre

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partie, vendre ou acheter pour lui-même des valeurs mobilières, en contractant ainsi directement avec des clients. Pourtant, les personnes, qui font des achats ou des ventes directes de valeurs mobilières admises à la cote officielle, commettraient le délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change!

La Chambre criminelle a bien aperçu la force de cet argument. Aussi a-t-elle essayé d'y répondre. On lit dans les motifs de ses arrêts :

Attendu que, si nul ne peut faire les actes d'une fonction sans s'y immiscer, il n'est pas également vrai que, pour s'immiscer dans une fonction, il soit nécessaire d'en accomplir exactement les actes réglementés. L'idée renfermée dans ces motifs semble exacte en elle-même, bien qu'elle manque peut-être quelque peu de précision. Mais ne passent-ils pas à côté de la question, en visant des cas tout différents de celui à l'occasion duquel la Chambre criminelle a statué? Les personnes qui concluent entre elles des négociations directes ne font pas des actes qui ne sont pas strictement ceux qui sont réservés aux agents de change; elles font des actes interdits absolument à ceux-ci par la loi.

Il va de soi, comme l'indique très exactement la Chambre criminelle, que la question doit être résolue de la même manière, qu'il s'agisse de la sanction civile de la nullité ou de la sanction pénale de l'amende qui protège le monopole des agents de change. Mais il n'en est pas moins vrai qu'on peut être d'autant plus surpris de la doctrine admise par la Chambre criminelle qu'il s'agissait devant elle de la sanction pénale, et que, selon un principe fondamental, que la Chambre criminelle applique si exactement d'ordinaire, les dispositions pénales ne doivent pas être l'objet d'une interprétation extensive.

Toutes ces considérations sont de nature à ébranler tout au moins la doctrine de la Chambre criminelle. Aussi doit-on regretter que la Cour de Paris, au lieu de se borner, comme l'avait fait si bien le tribunal correctionnel de la Seine, à juger que, d'après les circonstances de l'espèce, il y avait, sous l'apparence de marchés directs, des marchés faits par l'entremise d'autres personnes que les agents de change, ait cru devoir trancher la question de principe concernant l'étendue du monopole des agents de change et la nature des opérations interdites aux tiers. Mais, dès l'instant où la Cour d'appel avait statué sur cette question, il allait de soi qu'elle était soumise par le pourvoi à la Cour suprême, qui devait la résoudre. (1 à 5) Des poursuites avaient été exercées contre les mêmes personnes à la fois pour immixtion dans les fonctions d'agents de change et pour délit de tenue d'assemblée illicite.

Ce dernier délit est prévu et réprimé par l'art. 3, 1 alin., de l'arrêté des consuls du 27 prair.

--

sultat de déterminer des cours indépendants de ceux de la Bourse (1) (Id.). Ire et 2e espèces.

Le fait qu'une partie des opérations portait sur des valeurs du marché libre, et que quelques-unes de celles qui avaient pour objet des effets publics auraient été suivies de réalisation effective, ne saurait exclure non plus le délit, alors que les assemblées incriminées avaient en même temps pour objet, d'une manière essentielle, des opérations de bourse ayant un caractère illicite (2) (Id.). 1re espèce.

Le délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change ayant, par lui-même, une existence indépendante de celle du délit de tenue d'assemblée illicite, les deux préventions peuvent être cumulativement retenues, sans qu'il y ait grief de qualification double d'un fait unique (3) (Id.). — Id.

Il est sans intérêt de rechercher si la disposition de l'art. 3 de l'arrêté des consuls du 27 prair. an 10, qui interdit les assemblées en dehors de la Bourse et en frappe la

an 10, qui est ainsi conçu : « Il est défendu de s'assembler ailleurs qu'à la Bourse et à d'autres heures qu'à celles fixées par le règlement de police, pour proposer et faire des négociations, à peine de destitution des agents de change ou courtiers qui auraient contrevenu, et, pour les autres individus, sous les peines portées par la loi contre ceux qui s'immisceront dans les négociations sans titre légal ».

Pour écarter, du chef de cette disposition, les poursuites, des arguments multiples et variés étaient invoqués. La Chambre criminelle les écarte tous. Elle le fait pour des raisons qui nous semblent décisives; dès l'instant où l'on admet, soit, avec la Chambre criminelle, que les négociations directes constituent une atteinte au monopole des agents de change, soit, comme l'avait admis le tribunal correctionnel de la Seine, que les opérations faites dans les assemblées étaient, en réalité, conclues par des intermédiaires irréguliers, les assemblées dont il s'agissait étaient illicites. Car sont telles les assemblées où se traitent des opérations réservées aux agents de change. Cela implique, bien entendu, comme l'indique fort exactement la Chambre criminelle, que les opérations portaient sur des valeurs mobilières admises à la cote officielle, puisque le monopole des agents de change ne porte pas sur les autres valeurs mobilières. V. la note qui précède, initio.

Il importe de donner ici quelques indications sur les moyens qui avaient été opposés pour écarter le délit d'assemblée illicite, et qu'avec raison la Chambre criminelle repousse.

a) Les personnes qui s'assemblaient ne contractaient pas ensemble, mais toutes contractaient avec le banquier dans la maison duquel les assemblées se tenaient. On a prétendu que le délit d'assemblée illicite suppose nécessairement que les personnes réunies font des opérations les unes avec les autres. Il y a là une condition qu'on voulait ajouter arbitrairement, c'est-à-dire sans que cela résulte des textes, à celles qu'exige l'arrêté du 27 prair. an 10 pour que le délit existe.

b) Les opérations faites dans les assemblées portaient sur des valeurs mobilières non admises à la cote officielle. Cette circonstance aurait été exclusive du délit, si les opérations n'avaient eu pour objet que de telles valeurs. Mais il avait été constaté qu'un certain nombre, au moins, avaient pour objet des valeurs mobilières admises à la cote officielle. Cela suffisait pour qu'il y eût eu tenue d'as

tenue d'une amende, a été édictée en dehors de la délégation donnée au pouvoir exécutif par l'art. 11 de la loi du 28 vent. an 9; en effet, l'arrêté du 27 prair. an 10 a été exécuté sans être attaqué devant le Sénat, eta, dès lors, force de loi, aux termes de la Constitution de l'an 8 (4) (Constit., 28 frim. an 8, art. 21; L. 28 vent. an 9, art. 11; Arr., 27 prair. an 10, art. 3). 2e espèce,

Ôn ne saurait admettre que la seule sanction applicable n'est plus que celle de l'art. 471, 15o, C. pén.; il en est ainsi pour les anciens édits et règlements de police locale sur les matières attribuées par la législation actuelle au pouvoir réglementaire de l'Administration, mais non pour ceux qui traitent d'une matière de police générale, et ne rentrent, ni dans les attributions municipales, ni dans celles d'autres autorités administratives (5) (C. pén., 471, 15o). Id. Par suite, l'amende encourue est l'amende du douzième au sixième du cautionnement des agents de la place (6) (L. 28 vent. an 9, Id. art. 8; Arr. 27 prair. an 10, art. 3).

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semblées illicites dans lesquelles se concluaient des opérations empiétant sur le monopole des agents de change. Il n'est assurément pas exigé, pour que le délit existe, que toutes les négociations sans exception faites dans une assemblée soient relatives à des valeurs mobilières admises à la cote officielle. c) Il était soutenu que la tenue d'une assemblée illicite et l'immixtion dans les fonctions d'agent de change sont constitutives d'un même délit, et que, par suite, les prévenus avaient été à tort poursuivis pour deux délits distincts. Il y avait là une erreur certaine. Il suffit, pour le prouver, de constater deux faits indéniables: 1° une personne peut s'immiscer indûment dans les fonctions d'agent de change sans qu'une assemblée soit tenue, et 2° il peut y avoir assemblée illicite sans délit d'immixtion. C'est ce dernier cas qui se présenterait, s'il y avait une réunion dans laquelle certaines personnes offriraient de négocier des valeurs mobilières, sans qu'il y eût négociation, parce que ces offres ne seraient point acceptées. Il y avait donc deux délits distincts. C'était le cas d'appliquer l'art. 865, C. instr. crim., sur le non-cumul des peines. C'est ce qu'avait fait l'arrêt attaqué.

d) On avait été jusqu'à soutenir que l'arrêté du 27 prair. an 10 n'avait pu prévoir et réprimer le délit d'assemblée illicite. Cet arrêté, disait-on, est un acte du pouvoir exécutif. Il a été rendu en vertu d'une délégation du pouvoir législatif (L. 28 vent. an 9, art. 11); il n'a pas pu créer un délit nouveau non prévu par la loi, et prononcer une peine qu'elle n'édictait pas.

Ce moyen a été aussi justement écarté, Sans doute, il est vrai que l'arrêté du 27 prair. an 10 est un acte du pouvoir exécutif, et qu'il n'a été rendu qu'en vertu d'une délégation du pouvoir législatif. La loi du 28 vent. an 9 dispose, dans son art. 11 : Le Gouvernement fera, pour la police des Bourses, et en général pour l'exécution de la présente loi, les règlements qui seront nécessaires ». Le Gouvernement a dépassé les pouvoirs qui lui étaient ainsi délégués, en créant, dans l'art. 3 de l'arrêté du 27 prairial an 10, le délit d'assemblée illicite, que ne prévoyait pas la loi du 28 vent. an 9, à la différence des anciens arrêts du Conseil des 24 sept. 1724, et 7 août 1785. Mais l'arrêté des consuls de prairial an 10 n'a pas été annulé par le Sénat dans les dix jours de sa promulgation, comme il aurait pu l'être, pour inconstitutionnalité, en vertu de l'art. 21 de la Constitution

20 Tant au point de vue de l'action civile que de l'action publique, lorsque toutes deux sont poursuivies en même temps et devant les mêmes juges, le lieu du délit est celui où le prévenu en réalise les éléments essentiels (7) (C. instr. crim., 23,63). - 3o espèce.

30 Par suite, le délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change est consommé à Paris, lorsque les ordres relatifs aux opérations, donnés en province, ont été transmis, reçus et acceptés à Paris, où l'exé cution en a eu lieu sans l'entremise d'agent de change (8) (L. 28 vent. an 9, art. 8; Arr., 27 prair. an 10, art. 4; C. comm., C. instr. crim., 23, 62). 3e espèce.

76;

Il suit de là qu'en pareil cas, c'est à bon droit que l'intervention de la Chambre syndicale des agents de change près la Bourse de Paris a été admise (9) (Id.).

- Id.

Il n'y a donc pas, dans ces circonstances, à examiner si la négociation des effets publics est libre partout où il n'existe pas de parquet d'agents de change (10) (C. comm., 76). Id.

de l'an 8. La Charte de 1814 (art. 68) et la Charte de 1830 (art. 70) ont laissé en vigueur les dispositions législatives et autres qui, bien qu'inconstitutionnelles, n'avaient pas été annulées par le Sénat. V. Cass. 7 juin 1833 (S. 1833.1.512. P. chr.); Trib. de Bordeaux, 21 févr. 1876, sous Bordeaux, 11 mai 1876 (S. 1876.2.178.-P. 1876.711; Pand. chr.); Bordeaux, 11 mai 1876 (sol. implic.), précité, avec les renvois. Aussi est-ce très justement que la Chambre criminelle a décidé qu'il était sans intérêt de rechercher si les consuls avaient dépassé les pouvoirs qui leur avaient été délégués, en créant et en réprimant, dans l'arrêté du 27 prair. an 10 (art. 3), le délit de tenue d'une assemblée illicite.

e) En reconnaissant, au moins hypothétiquement, que le délit de tenue d'une assemblée illicite existe dans notre législation, on prétendait que la peine applicable à ce délit était, non l'amende élevée qui est prononcée par la loi du 28 vent. an 9 (art. 8), à laquelle renvoie l'arrêté du 27 prair. an 10 (art. 3), mais l'amende infime que prononce l'art. 471, 15o, O. pén., et, en cas de récidive, l'emprisonnement de l'art. 474, C. pén. Ce sont, en effet, ces dispositions du Code pénal qui servent de sanction aux anciens règlements. Mais une distinction a été toujours faite entre les règlements rendus par les autorités administratives locales et les règlements se rattachant à la police générale. Les dispositions du Code pénal invoquées s'appliquent aux premiers seuls. La police générale est demeurée régie par les lois anciennes, et il n'est pas contestable que la police des Bourses a ce caractère. V. Cass. 1er févr. 1878 (S. 1878.1.137. P. 1878. 308), et la note.

(1 à 6) V. la note qui précède.

(7 à 10) La juridiction de répression, compé tente pour statuer sur les poursuites concernant un délit, est notamment celle dans le ressort de laquelle le délit a été commis (C. instr. crim., 23 et 63). Cette règle est d'une application très simple, quand les faits constituant les éléments dont se compose le délit ont été accomplis dans le ressort de la même juridiction. Mais que décider, quand ils l'ont été dans des lieux divers, situés dans les ressorts de juridictions différentes? La Chambre criminelle admet, conformément à la jurisprudence, que la juridiction compétente est celle dans le ressort de laquelle se sont réalisés les éléments essentiels du délit. V. Cass. 2 août 1883 (S. 1885. 1.509. P. 1885.1.1197); 18 déc. 1908 (Infra,

Ire Espèce. (Chambre syndicale des agents de change de Paris, Nalès et autres C. Perrière et de Buzelet).

Plusieurs banquiers, MM. Perrière, de Buzelet et autres, ont été poursuivis par le ministère public devant le tribunal correctionnel de la Seine dans des circonstances de fait que font connaitre le jugement et l'arrêt d'appel ci-dessous rapportés, sous la double inculpation : 1o d'avoir commis le délit d'immixtion dans la fonction d'agent de change, délit prévu et puni par la loi du 28 vent. an 9 (art. 8) et par l'arrêté du 27 prair. an 10 (art. 4); 2o de s'être assemblés ailleurs qu'à la Bourse pour proposer et faire des négociations, délit prévu et puni par l'arrêté du 27 prair. an 10 (art. 3).- La Chambre syndicale des agents de change près la Bourse de Paris s'est portée partie civile.

Le tribunal de police correctionnelle de la Seine a, le 11 avril 1907, rendu le jugement suivant : Le Tribunal;

Au fond Attendu qu'il résulte de l'instruction et des débats que les prévenus se sont associés, en 1901, pour l'exploitation d'un établissement situé, 3, rue de la Bourse, et dénommé par eux : « Comptoir des valeurs ; que cette société fut fondée au capital de 200.000 fr., dont 100.000 fr. versés comptant, les 100.000 fr. de surplus devant être constitués par les bénéfices que chaque associé laisserait au crédit du compte capital; - Attendu que les bureaux du Comptoir des valeurs comprennent un hall où le public est librement admis; qu'à l'heure de la Bourse, des coureurs de la maison vont et viennent entre le Comptoir et la Bourse, apportant les cours au fur et à mesure de leur publication; que ces cours, annoncés par un coup de timbre, sont criés par de Buzelet et Perrière, et aussitôt inscrits à la craie sur un tableau; que, tant que ce cours reste inscrit au tableau, les prévenus l'acceptent indifféremment de tous leurs clients comme cours d'achat et de vente au comptant ou à terme, et cela aussi bien pour les valeurs admises à la cote officielle que pour celles du marché libre; Attendu qu'au Comptoir des valeurs, les opérations sont constatées par un échange de fiches entre le client et le banquier contre-partiste; que, sur la fiche signée du client, il est mentionné que le client achète direc

1re part., p. 116), et la note. Elle en déduit logiquement que, si les ordres de bourse ont été donnés par des personnes se trouvant hors du ressort du tribunal de la Seine, ce tribunal est, pourtant, compétent, si ces ordres ont été transmis, reçus et acceptés à Paris, où l'exécution a eu lieu, c'està-dire où les négociations ont été faites sans l'intermédiaire d'agents de change. C'est bien alors aux droits des agents de change de Paris qu'il est porté atteinte. Cela justifiait, dans l'espèce, l'intervention de la Chambre syndicale des agents de change près la Bourse de Paris.

La règle de compétence ainsi rappelée a rendu inutile l'examen par la Chambre criminelle d'une question importante, celle de savoir si la négociation des valeurs mobilières est libre dans les lieux où il n'existe pas d'agents de change. Comme les ordres provenaient de lieux où il en était ainsi, la

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tement du Comptoir des valeurs ou vend directement au Comptoir des valeurs telle quantité de tels titres à tel cours; qu'à cette fiche, signée du client, répond une autre fiche, signée du banquier, constatant que le Comptoir des valeurs vend directement à M. X..., ou achète directement à M. X..., la même quantité des mêmes titres au même cours; que la fiche signée du client mentionne qu'il adhère aux conditions affichées dans les bureaux; que la principale de ces conditions stipule une bonification au profit de la maison, bonification qui consiste dans une différence équivalente au droit ordinaire de courtage, ajoutée au cours, lorsque le client se constitue acheteur, venant en déduction du cours, lorsque le client se constitue vendeur; Attendu que, d'une part, l'art. 76, C. comm., a établi au profit des agents de change un privilège de courtiers, pour la négociation des effets publics et autres susceptibles d'être cotés; que, d'autre part, la liberté des transactions est un des principes essentiels de notre droit moderne; que les prescriptions générales qui régissent la vente, et qui forment la matière du titre 6, livre 3, C. civ., ne contiennent aucune disposition restrictive concernant l'achat ou la vente des valeurs mobilières; que les transactions directes sur les titres cotés ou non cotés sont donc licites, sans distinguer si les achats ou les ventes sont au comptant ou à terme, fermes ou à prime, portent sur des titres déterminés in specie ou in genere, sans distinguer non plus, dans le cas où les titres sont déterminés in genere, si le vendeur en est ou non propriétaire au moment du contrat, sans distinguer davantage si ces transactions constituent, de la part des contractants ou de l'un d'eux, un acte de commerce; que le domaine des transactions directes, en matière de titres, n'est donc en aucune manière restreint ou limité par le privilège de courtiers, qui constitue le monopole des agents de change;

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Attendu que, ces principes étant posés, il appartient toujours aux juges du fait de rechercher si les opérations qui sont présentées comme des ventes et des achats directs ne sont pas, en réalité, des ventes et des achats simulés, si les apparentes transactions directes de titres ne sont pas, en réalité, de simples négociations; qu'à ce point de vue, il importe

question aurait dû être résolue par la Chambre criminelle, pour déterminer si les poursuites avaient été bien fondées, s'il avait été admis que le délit avait été commis dans les lieux d'où provenaient ces ordres.

En général, on reconnaît que le monopole des agents de change a pour conséquence d'empêcher des personnes non investies de cette qualité de servir d'intermédiaires pour les négociations de valeurs mobilières dans un lieu quelconque du territoire national (V. Waldmann, La prof. d'agent de change, 2 éd., p. 262, n. 192), à la différence de ce qui était admis pour les courtiers de marchandises, avant la suppression des courtiers de marchandises privilégiés par la loi du 18 juill. 1866. V. Cass. 24 juill. 1852 (S. 1852.1.584. P. 1852.2.587). Mais l'application de cette doctrine, qui donne au monopole des agents de change la plus grande

de distinguer avec soin la contre-partie privée de la contre-partie de Bourse, c'està-dire de celle qui est effectuée suivant les formes et usages de la Bourse; Attendu que, pour se rendre exactement compte de la nature réelle des opérations sur valeurs mobilières, il convient d'examiner d'abord le fond même de ces opérations, prises dans leur ensemble, sans s'en tenir aux apparences qui leur sont imposées; qu'il convient d'examiner ensuite dans quelle forme elles sont effectuées; qu'il y a lieu, enfin, de confronter les résultats fournis par cette double analyse, et de voir si la forme de ces opérations est adéquate à l'apparence qu'on s'efforce de leur donner ou à la réalité qu'on découvre derrière cette apparence;

Attendu que le fonctionnement qui vient d'être décrit de l'office de contrepartie exploité par les prévenus aboutit à une pollicitation simultanée d'achat et de vente à un même cours d'une même valeur, de la part du banquier contre-partiste; que les acceptations de la clientèle, qui répondent à ces deux pollicitations inverses, tendent donc à rendre le banquier contre-partiste, au même moment et au même cours, à la fois vendeur et acheteur des mêmes titres et pour des quantités sensiblement égales; que cette tendance automatique à l'équilibre des achats et des ventes, et, par suite, à l'annulation réciproque de ces apparentes transactions directes, est le résultat de la loi d'alternance qui domine les jeux de hasard; que les ordres ou acceptations sont, en effet, donnés par des spéculateurs, qui se décident dans un sens ou dans l'autre, suivant le caprice de leur inspiration, ou sur des renseignements de rencontre dénués de toute valeur objective; que, d'ailleurs, par le moyen de remisiers ou de rabatteurs, tels que la dame Wuicklaër, qui sont dans la main du banquier contre-partiste, celui-ci peut toujours obtenir les ordres dont il a besoin pour parfaire l'équivalence des achats et des ventes; Attendu que ces tendances à l'annulation réciproque des prétendues transactions directes, en même temps que les moyens dont il dispose pour parfaire l'équivalence des achats et des ventes, peuvent seuls permettre au banquier contre-partiste d'être indifféremment acheteur ou vendeur apparent des mêmes titres, aux mêmes cours; qu'en temps nor

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étendue, peut se heurter à de graves difficultés. Elle s'appliquerait sans peine, sile monopole des agents de change portait sur toutes les valeurs mobilières réunissant les conditions légales exigées pour être négociées. Mais, avec le système consacré d'abord par la jurisprudence (V. Cass. 9 mars 1886, S. 1886.1.208. P. 1886.1.507, et le renvoi. Adde, notre C. comm. annoté, par Cohendy et Darras, sur l'art. 76, n. 10 et s.), puis par la loi du 13 avril 1898 (art. 14), selon lequel le monopole des agents de change est restreint aux valeurs mobilières admises à la cote officielle, le monopole ne peut être admis sur tout le territoire français qu'autant qu'il s'agit de valeurs mobilières admises à la cote officielle dans toutes les Bourses de France. Il y en a, même en mettant à part les fonds d'Etat français, un grand nombre qui sont dans ce cas. CH. LYON-CAEN.

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