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mal, il peut ainsi se soutenir avec un capital minime et l'encaissement continu des courtages, dont le montant s'élève d'autant plus que les opérations sont plus nombreuses; que, d'ailleurs, les opérations se multiplient d'autant plus que le banquier donne aux clients plus de facilités pour les effectuer; que l'on s'explique ainsi, et ainsi seulement, qu'avec un capital initial de 100.000 fr., et un capital maximum de 200.000 fr., de Buzelet et Perrière aient pu, rien qu'avec un seul client, le sieur Herzog, effectuer, d'octobre 1902 à avril 1904, 1.600 opérations, s'élevant à 73 millions de francs, et ayant donné lieu à la perception de 5.327 fr. 55 de courtages; que l'on s'explique ainsi, qu'avec ce même infime capital, de Buzelet et Perrière aient pu, dès la seconde année, réaliser un bénéfice net de 175.000 fr., et, la troisième année de leur exercice, un bénéfice net de 88.000 fr.; Attendu qu'après avoir observé le jeu des rouages agencés par Perrière et de Buzelet, et scruté la nature intime des opérations auxquelles ils se livrent, il est impossible d'y voir des transactions directes sérieuses; qu'on ne conçoit pas, sans apercevoir d'emblée l'absurdité d'une pareille hypothèse, des spéculateurs à terme, quand bien même ils se proposeraient de toujours régler toutes leurs opérations par le paiement de simples différences, prenant indifféremment, au gré de la volonté d'autrui, sur les mêmes valeurs, des positions opposées; - Attendu qu'une telle indifférence et une si complète absence d'initiative, qui ne se comprendraient pas de la part de spéculateurs par voie de transaction directe, sont, au contraire, tout ce qu'il y a de plus normal de la part d'intermédiaires; que le rôle de l'intermédiaire consiste précisément à exécuter indifféremment, pour le compte de ses clients, des ordres contradictoires, à prendre pour eux, s'ils spéculent à terme, des positions opposées, et à percevoir un courtage sur chacune de ces opérations; que tel est, en effet, l'office du courtier et la source régulière des bénéfices de sa profession; qu'en réalité, ces sortes d'opérations imposent au banquier contre-partiste, au moment de la formation du contrat, une obligation de faire, une véritable obligation de courtier, obligation rémunérée par un droit de courtage, qui est désigné sous le terme spécieux de bonification, et qu'elles lui imposent, au moment de l'exécution du contrat, quand, par une très rare exception, les titres sont levés par le client, un acte de courtier, qui se trouve rémunéré par le courtage ou la bonification stipulée; que le fait, par le banquier contre-partiste, d'avoir traité proprio nomine, au moyen d'un achat ou d'une vente fictive, lui impose à coup sûr les obligations d'un commissionnaire en valeurs, personnellement garant de l'exécution du marché et du cours d'achat et de vente; mais que cette circonstance ne saurait en aucun cas abolir sa qualité d'intermédiaire; que si, dans cette négociation, n'apparaît jamais le tiers qui est à l'autre bout de la chaine dont le banquier contre-partiste forme l'anneau intermédiaire, c'est que, dans le cas où la né

gociation se termine par le paiement d'une simple différence, la marchandise, le prix, et ce tiers lui-même, se trouvent à la fois et en même temps résorbés dans la phase terminale de l'opération, et que, au cas plus rare où il y a livraison et paiement, la personnalité du tiers se trouve entièrement masquée par celle du banquier contre-partiste, agissant comme une sorte de commissionnaire ducroire; que ces compensations réciproques des achats et des ventes, dans quelque mesure qu'elles se produisent, sont de véritables applications, c'est-à-dire des actes d'intermédiaire, si bien que le banquier contre-partiste, même si l'on tendait à considérer sa contre-partie comme sérieuse, ne serait, en réalité, contre-partiste que pour les soldes non compensés et non appliqués; qu'il a, d'ailleurs, dans les mains, le moyen de réduire à peu près à son gré son stock de soldes non compensés et non appliqués;

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Attendu que, si l'on examine dans quelle forme ces opérations sont effectuées et suivant quelles phases elles évoluent, depuis l'échange initial des engagements jusqu'à l'envoi du compte de liquidation, on se convainc qu'elles sont faites suivant les formes et usages de la Bourse, sauf d'insignifiantes variantes, qui ont précisément pour but de donner le change sur leur véritable caractère, en les présentant sous les apparences de transactions directes; Attendu qu'après l'échange des engagements, un avis d'opéré est adressé par le banquier contre-partiste au client; que cet avis d'opéré est conçu dans les termes suivants Nous avons l'honneur de vous confirmer les opérations faites ce jour directement entre nous. Vous avez acheté... Vous avez vendu... »; qu'il y a lieu d'observer que, si l'opération était une transaction directe sérieuse, cet avis d'opéré serait une superfétation; qu'en effet, le contrat direct est parfait après l'échange des fiches d'engagement, et qu'il se trouve en même temps pourvu de son instrument de preuve; que l'avis d'opéré ne se comprend que de la part d'un intermédiaire annonçant à son client que l'ordre donné par lui a été exécuté ou doit être considéré comme exécuté; Attendu que de Buzelet et Perrière exigent de la part de leur clientèle le dépôt préalable d'une couverture en valeurs ou en espèces, et que, dans le cas où cette couverture est en valeurs, ils se réservent le droit de l'aliéner et de s'en appliquer le prix, dans les conditions prévues par l'art. 61 du décret du 7 oct. 1890; que cette exigence d'une couverture, soit qu'on considère la couverture comme un paiement anticipé, soit qu'on la considère comme une modalité du contrat de gage, ne se comprend que de la part d'un intermédiaire, qui, par suite de l'ordre reçu et par lui exécuté, a contracté vis-à-vis de tiers des engagements dont il est personnellement tenu; qu'il résulte de toute la correspondance des prévenus que c'est bien à titre d'intermédiaires qu'ils exigeaient une Couverture; que, le 3 avril 1903, ils écrivent à Nalės Vous êtes vendeur de 25.000 Extérieure, et au cours, avec une perte de 4.000 fr., de sorte qu'il vous reste 2.000 fr.

pour porter cette position et celle de 23 Rio. Nous vous prions de nous couvrir demain en proportion du risque encouru, et de rétablir la couverture en nous versant de 7 à 8.000 fr. »; qu'ils écrivent à Nalès, le 6 juin 1903 « Vous nous aviez promis de nous couvrir dès hier, en partie, pour la position en cours. Nous ne vous avons pas vu aujourd'hui et comptons absolument sur votre présence pour après-demain jeudi. Il nous serait impossible autrement de vous maintenir une position de cette importance; que les termes de ces lettres supposent un intermédiaire qui a contracté ou qui est susceptible de contracter des obligations personnelles envers des tiers, à raison des ordres qu'il a reçus de son client; que telle est, en effet, l'unique raison d'être de la couverture; qu'elle est destinée à garantir l'intermédiaire contre les risques considérables d'une opération qui ne peut lui donner d'autre bénéfice que son courtage, alors qu'elle peut procurer des bénéfices importants au donneur d'ordre; que le dépôt d'une couverture ne se comprend pas de la part d'un seul des contractants directs; que deux contractants directs ont, en effet, les mêmes risques de perte et les mêmes chances de gain, et qu'il n'y a aucune raison pour que l'un d'eux fournisse à l'autre une garantie réelle qui lui est refusée par sa contre-partie; que cette rupture d'équilibre dans les garanties données ne trouve son explication que dans la nature réelle de l'opération effectuée, laquelle est une opération d'entremise; que, d'ailleurs, d'une façon générale, les formes et usages de la Bourse n'ont leur signification et leur raison d'être que dans le cas de courtiers se livrant à la négociation de valeurs mobilières, et sont, au contraire, vides de sens et d'utilité dans le cas où des vendeurs et des acheteurs sont en présence, pour des transactions à effectuer directement entre eux sur ces mêmes valeurs; que, dans ces formes et usages : ordres donnés et reçus, avis d'opéré, dépôt d'une couverture, mode de réalisation de cette couverture, achat et vente à des cours variables suivant les fluctuations de l'offre et de la demande sur un marché public et réglementé, exécution des contrats à des dates uniformes, dites «< dates de liquidation, tout présuppose et nécessite des opérations par intermédiaire, c'est-à-dire des négociations, non point des transactions directes; qu'en pareille matière, par la force même des choses, la forme qu'affectent les opérations en emporte le fond; que, de l'emploi des formes et usages de la Bourse pour effectuer des opérations sur valeurs mobilières, on peut donc induire, sans aucune chance d'erreur, que ces opérations ne sont pas des transactions directes, mais des négociations; Attendu que l'examen du fond des opérations effectuées et l'examen de la forme dans laquelle ces opérations sont faites conduisent ainsi au même résultat, à savoir que ces opérations sont des négociations par intermédiaire, dissimulées sous l'apparence de transactions directes; que la forme de ces opérations se trouve ainsi très exactement adaptée à leur nature in

time; Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les seules opérations de contre-partie au comptant ou à terme qui soient licites, quand elles ont lieu suivant les formes et usages de la Bourse, sont celles que le banquier contre-partiste déclare à ses clients en termes parfaitement clairs et exempts de toute équivoque, qui portent sur des valeurs du marché libre, qui n'excluent pas, au moment où le contrat est lié entre les parties, la faculté de livrer les titres ou d'en exiger la livraison, même quand l'opération doit finalement se résoudre par le paiement d'une simple différence; que l'opération de contre-partie boursière, quand elle ne réunit pas tous ces caractères, quels que soient les subterfuges en usage pour lui donner la figure d'une transaction directe, est toujours, de la part du banquier contre-partiste, un acte délictueux; qu'elle constitue à sa charge, suivant les espèces, soit le délit d'escroquerie, soit le délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change, soit le délit de tenue de maison de jeux ou de paris sur le cours des valeurs; Attendu qu'il résulte des nombreux documents versés au débat, tels qu'ordres par écrit donnés sous la forme de fiches d'engagement, avis d'opéré, récépissés de couverture, demandes d'augmentation de couverture, comptes de liquidation, que, depuis moins de trois ans avant l'ouverture des informations suivies contre eux, Perrière et de Buzelet se sont livrés à Paris à de nombreuses négociations de valeurs admises à la cote officielle de la Bourse de Paris, telles que Rente française, Extérieure espagnole, Rio, etc., etc.; qu'ils ont ainsi commis le délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change; - Attendu que

les prévenus ont provoqué et organisé, dans le hall de leur office de contre-partie, des assemblées pour proposer et faire ces négociations illicites; qu'il importe peu qu'ils aient été les seuls intermédiaires de ces négociations; qu'il n'est pas nécessaire, pour que le délit d'assemblée illicite soit consommé, que les personnes assemblées fassent entre elles des négociations; que le délit existe dès qu'il y a réunion en vue de la négociation, bien qu'il n'y ait qu'un seul négociateur; Par ces motifs; Condamne de Buzelet à 25.000 fr. d'amende, Perrière à 25.000 fr. d'amende;

Dit que le montant sera versé au service des enfants abandonnés; Déclare irrecevables les demandes en dommages-intérêts formées par Nalès, Triquenaux et la dame Herzog, les en déboute; Condamne les prévenus solidairement à payer à de Verneuil, ès qualités (de syndic des agents de change), la somme de I fr., à titre de dommages-intérêts, etc. ».

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Sur l'appel des prévenus et de la Chambre syndicale des agents de change, la Cour de Paris (ch, corr.) a rendu, le 9 avril 1908, un arrêt ainsi conçu « La Cour; - En ce qui concerne le délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change: Considérant que, de l'ensemble de la législation relative à l'institution des bourses de commerce et du monopole des agents de change, il résulte deux principes certains: que, d'une part, il est permis aux particu

liers de négocier entre eux, sans intermédiaire, leurs lettres de change et autres effets de commerce; qu'à cet égard, les agents de change ne jouissent d'un privilège qu'en ce sens que, si les particuliers veulent, pour ces négociations, se servir d'un intermédiaire, ils sont obligés de recourir à l'entremise des agents de change; que, d'autre part, la négociation des effets publics n'est pas libre; que, dans un intérêt général, afin d'assurer la sincérité du commerce de ces effets et la validité des cessions, le législateur a décidé qu'ils ne pourraient être négociés qu'à la Bourse, par l'intermédiaire obligatoire des agents de change; Considérant que ces principes sont consacrés par l'art. 76, C. comm., dans les termes suivants : « Les agents de change, constitués de la manière prescrite par la loi, ont seuls le droit de faire des négociations des effets publics et autres susceptibles d'être cotés, de faire pour le compte d'autrui les négociations des lettres de change ou billets, et de tous papiers commerçables, et d'en constater le cours; qu'ainsi, cet article donne aux agents de change le privilège exclusif de faire les négociations tant des effets publics que des lettres de change, billets et autres papiers commerçables; que si, en ce qui concerne la négociation de ces der niers effets, lettres de change, billets et autres papiers commerçables, le législateur a ajouté les mots pour le compte d'autrui», restreignant par là, dans une certaine mesure, le privilège des agents de change, c'est afin de permettre aux particuliers, ainsi que l'avait fait précédemment l'arrêté du 27 prair. an 10, dans le dernier paragraphe de son art. 4, de négocier directement entre eux les lettres de change et autres effets de commerce; qu'aucune restriction semblable n'a été apportée au monopole des agents de change pour la négociation des effets publics, c'està-dire pour les ventes et les achats de ces effets; qu'il est donc absolu; Considérant que, s'il est admis par la jurisprudence que l'existence de ce monopole ne fait pas obstacle à ce que tous propriétaires d'effets publics et autres valeurs cotées cèdent directement leurs titres à des acheteurs avec lesquels ils s'entendent à l'amiable, la règle du monopole reprend, au contraire, tout son empire, quand il s'agit d'opérations faites sans détention des titres, alors même qu'elles affectent la forme de ventes et achats directs; que des opérations de cette dernière sorte ne peuvent être effectuées qu'à la Bourse, par l'intermédiaire des agents de change; Considérant qu'aucun doute ne saurait subsister sur ce point, si l'on se reporte au vote par la Chambre des députés de la loi de finances du 13 avril 1898, dont l'art. 14 est destiné à mettre en harmonie la législation fiscale relative aux opérations de bourse avec les dispositions légales établissant le monopole des agents de change; qu'il résulte, en effet, des observations échangées entre un député et le rapporteur général du budget, ainsi qu'avec le ministre des finances, que toutes les négociations de valeurs admises à la cote officielle, auxquelles procéderait quicon

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que fait commerce habituel de recueillir des offres et des demandes de valeurs de bourse, devraient être justifiées par des bordereaux d'agent de change, à l'exception des seules négociations directes effectuées par des vendeurs détenant les titres négociés; Considérant que la loi du 28 mars 1885, sur les marchés à terme, n'a apporté aucune modification au monopole des agents de change; qu'elle ne l'a ni étendu ni restreint; Considérant que ce monopole est garanti par les sanctions pénales édictées contre ceux qui s'immiscent dans les fonctions des agents de change, soit dans l'intérieur, soit à l'extérieur de la Bourse; qu'à la vérité, cette sanction n'est pas prononcée par l'art. 76, C. comm., mais que, cet article s'étant borné à confirmer les principes contenus dans la législation antérieure, il faut, pour trouver les textes qui prévoient et punissent le délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change, se reporter à l'art. 4 de l'arrêté du 27 prair. an 10 et à l'art. 8 de la loi du 28 vent. an 9; — Considérant qu'il est établi par l'instruction et par les débats que, depuis 1901, de Buzelet et Perrière exploitent à Paris, rue de la Bourse, n. 3, un établissement dénommé « Comptoir des valeurs au comptant et à terme; que, dans la salle de cet établissement, ouverte pendant l'heure de la Bourse, le public est informé des cours des valeurs qui y sont négociées par des appels ainsi que par des inscriptions sur un tableau, au fur et à mesure que ces cours sont apportés de la Bourse par des employés de la maison affectés à ce service; que de Buzelet et Perrière se portent acheteurs et vendeurs, au gré de leurs clients, de toutes les valeurs figurant sur ce tableau, aussi bien de celles admises à la cote officielle que de celles du marché libre ; - Considérant que, bien que, sur le prospectus du Comptoir des valeurs, il soit fait mention de ventes ou d'achats au comptant, il est certain que les opérations ont lieu généralement à terme; qu'elles sont constatées par un échange de bulletins entre les clients et les propriétaires du Comptoir des valeurs; qu'elles donnent très rarement lieu à des ventes ou à des achats effectifs de titres, par ce motif que les vendeurs ne possèdent pas les titres qu'ils vendent, et les acheteurs ne versent pas les fonds pour obtenir ceux qu'ils achètent; qu'habituellement donc, le règlement de chaque opération s'effectue par le paiement d'une différence, à la charge, soit du client, soit de de Buzelet et Perrière; qu'au Comptoir des valeurs sur les opérations à terme, ces opérations ne sont pas soumises aux usages du marché officiel, en ce qui concerne les quantités, de sorte que la clientèle y spécule sur des quantités qui ne peuvent, à la Bourse, être négociées qu'au comptant; que, pour la garantie des engagements pris par leurs clients, de Buzelet et Perrière exigent de ceux-ci le dépôt d'une couverture, soit en espèces, soit en titres; qu'ils prélèvent enfin, sur chaque opération, sous le nom de bonification, une certaine somme, qui est destinée à les couvrir de leurs frais, et n'est en l'espèce qu'un courtage déguisé;

Considérant que, spécialement en ce qui concerne les plaignants Nalès et Triquenaux, il résulte du rapport de l'expert Doyen, commis par le juge d'instruction, qu'ils ont, le premier, depuis le 15 nov. 1902 jusqu'au 30 juin 1903, et le second, depuis le 15 févr. 1903 jusqu'au 31 octobre suivant, effectué au Comptoir des valeurs, sur des effets publics et des titres cotés officiellement (rentes françaises, etc.), diverses opérations qui n'ont été réglées à chaque liquidation que par des différences, à l'exception de deux opérations, à l'occasion desquelles Nalès à demandé à lever les titres; que les prévenus, toutefois, ne justifient pas qu'ils aient été en possession des titres lors de la conclusion du marché avec Nalės; Considérant que, dans leur interrogatoire du 23 nov. 1905, de Buzelet et Perrière ont reconnu qu'au début de leurs relations avec Nalès, ils lui ont, pendant un certain temps, réclamé une bonification; que, d'autre part, Nalès et Triquenaux ont été contraints de déposer des Couvertures, qui ont été plus qu'absorbées par les pertes qu'ils ont subies; Considérant qu'il appert du rapport de l'expert Bizouarne, relatif à la plainte de la dame Herzog, que le mari de cette dernière avait, d'octobre 1902 à avril 1904, fait chez de Buzelet et Perrière, sur diverses valeurs admises à la cote officielle (Brésil, RioTinto, Briansk, Sosnowice, etc.), des opérations réglées uniquement par des différences; qu'il avait déposé aussi des couvertures et payé des bonifications; Considérant qu'il importe peu que, sur leurs prospectus et sur les bulletins qu'ils échangent avec leurs clients pour constater les ventes et les achats de valeurs, de Buzelet et Perrière stipulent qu'ils n'opèrent que par contrats directs; que cet artifice ne peut changer la nature des négociations qu'ils font dans leur établissement, et qui sont absolument étrangères aux véritables opérations directes, lesquelles, ne consistant qu'en des ventes et des achats effectifs de titres à l'amiable, ne comportent ni couvertures, ni droits de courtage;

Considérant qu'il résulte de ces faits que de Buzelet et Perrière font le commerce habituel de recueillir des offres et des demandes d'effets publics et autres admis à la cote officielle; qu'ils procurent à tous venants le moyen d'effectuer sur ces effets, en dehors de la Bourse et sans recourir au ministère des agents de change, des opérations qui ne peuvent être régulièrement faites sans l'intermédiaire de ces officiers publics; qu'ils se substituent ainsi aux agents de change, et s'immiscent, par suite, dans leurs fonctions à l'extérieur de la Bourse; — Considérant, en conséquence, qu'il échet de confirmer le jugement dont est appel, qui a déclaré de Buzelet et Perrière coupables du délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change, mais sans toutefois en adopter les motifs qui sont en contradiction avec les principes posés ci-dessus, relativement à l'étendue du monopole des agents de change; Considérant que, dans ces circonstances, il échet de rejeter les conclusions prises par de Buzelet et Perrière devant la Cour d'appel, soit parce qu'il y a

déjà été suffisamment répondu par les motifs de cet arrêt, soit parce qu'elles sont sans objet; qu'il est donc inutile d'ordonner une expertise afin de vérifier la comptabilité des appelants;

«En ce qui concerne le délit de tenue d'assemblées illicites: Considérant que l'art. 3 de l'arrêté du 27 prair. an 10 défend de s'assembler ailleurs qu'à la Bourse pour proposer et faire des négociations, sous les peines portées par la loi contre ceux qui s'immiscent dans les négociations sans titre légal; - Considérant qu'il résulte des faits exposés ci-dessus que de Buzelet et Perrière provoquent et organisent, dans la salle de leur établissement ouverte au public, des assemblées, dans le but interdit par l'article précité; qu'il n'y a lieu de s'attacher à cette considération que les négociations ne seraient effectuées qu'avec eux, et que les autres personnes réunies n'en feraient pas ensemble, alors que la preuve est rapportée que les assemblées ont lieu en vue de la négociation; qu'il échet donc de confirmer aussi sur ce second chef de la prévention le jugement dont est appel, sans toutefois en adopter les motifs; Par ces motifs; Déclare de Buzelet et Perrière convaincus 1° de s'être, depuis moins de trois ans, à Paris, immiscés dans les fonctions des agents de change à l'extérieur de la Bourse; 2o d'avoir, à la même époque, au même lieu, contrevenu à la défense de s'assembler ailleurs qu'à la Bourse pour proposer et faire des négociations; Confirme, en conséquence, le jugement dont est appel, etc. ».

POURVOI en cassation par MM. Perrière et de Buzelet.

ARRET (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le premier moyen, pris par de Buzelet et Perrière de la violation des art. 74, 76, 85, 87, C. comm.; 1123, 1129, 1134, 1594, 1598, C. civ.; 7, 8 de la loi du 28 vent. an 9; 4, 5, 6, 7 de l'arrêté du 27 prair. an 10; 1 et s, de la loi du 28 mars 1885; 29 et 35 de la loi du 28 avril 1893; 14 de la loi du 13 avril 1898; 408, 413, C. instr. crim.; et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué, pour déclarer coupables d'un prétendu délit d'immixtion dans les fonctions d'agents de change les exposants, qui achetaient ou vendaient des valeurs mobilières dont certaines étaient cotées à la Bourse, s'est fondé sur ce que les opérations auxquelles ils se livraient ne consistaient pas exclusivement en des ventes et achats conclus avec détention préalable des titres chez le vendeur, alors, d'une part, que les textes susvisés ne prohibent que les négociations des effets publics et autres valeurs cotées faites par des intermédiaires sans titre légal, et laissent, par conséquent, sous l'empire du droit commun, qui est la liberté, toutes les transactions directes entre parties, quelles qu'en soient les modalités; alors, d'autre part, que les opérations directes à découvert, fussent-elles, par impossible, considérées comme nulles, ne sauraient en aucun cas constituer une usurpation des fonctions des agents de change, auxquels ce genre d'opérations

est rigoureusement interdit par la loi; Sur la première branche du moyen: Attendu que, aux termes de l'art. 76, ler, C. comm., « les agents de change, constitués de la manière prescrite par la loi, ont seuls le droit de faire les négociations des effets publics et autres susceptibles d'être cotés, de faire, pour le compte d'autrui, les négociations des lettres de change ou billets, et de tous papiers commercables, et d'en constater le cours ; - Attendu que cet article est en absolue concordance avec les textes antérieurs qui déterminaient déjà la nature et l'objet des opérations réservées aux agents de change; que, dans ses art. 12 et 13, l'arrêt du Conseil du 24 sept. 1724 interdisait aux particuliers de faire aucune assemblée...

pour y traiter de négociations, pour y faire aucunes négociations et sous quelque cause et prétexte que ce soit »; qu'en son art. 13, l'arrêt du Conseil du 26 nov. 1781 faisait défense à toutes personnes autres que les agents de change de s'immiscer dans les négociations d'effets royaux et de papiers commercables; que cette défense était renouvelée dans les art. 1er et 3 de l'arrêt du 7 août 1785, 7 de l'arrêt du 10 juin 1788, qui, en interdisant de s'immiscer dans aucunes négociations publiques de banque, de finance et de commerce déclaraient que les négociations d'effets royaux et autres effets publics ne peuvent être faites validement que par l'entremise des agents de change;

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Attendu que les art. 8 de la loi du 28 vent. an 9, et 4 de l'arrêté du 27 prair. an 10, n'ont fait que reprendre et consacrer la même interdiction, en défendant à toutes personnes autres que celles nommées par le gouvernement, d'exercer les fonctions d'agent de change, de s'immiscer, en façon quelconque et sous quelque prétexte que ce puisse être, dans les fonctions des agents de change »; qu'encore, dans son art. 3, ledit arrêté se réfère aux peines portées contre ceux qui s'immisceront dans les négociations sans titre légal ; · Attendu que de ces textes résultait le droit exclusif, pour les agents de change, de faire les négociations des effets publics et assimilés; que c'est seulement en ce qui touche les lettres de change, billets, ou autres effets de commerce, que les particuliers pouvaient librement traiter entre eux; Attendu que l'art. 76, C. comm., s'exprime dans les mêmes termes et reproduit la même distinction; qu'ainsi que dans la législation antérieure, la disposition de cet article, qui réserve aux seuls agents de change le droit de faire des négociations d'effets publics et assimilés, est générale et absolue, et qu'elle a moins pour objet d'assurer un monopole ou de protéger une fonction que de sauvegarder le crédit public; qu'il résulte donc à la fois de sa lettre et de son esprit qu'aucune négociation, c'est-à-dire aucune opération de bourse ayant pour objet des effets publics ou assimilés, ne peut être licitement réalisée sans le concours d'un agent de change; Attendu. il est vrai, qu'on ne saurait considérer comme constituant une opération de bourse, rentrant dans ces prévisions, le fait, no

tamment, par un propriétaire de titres, de les vendre directement à un acheteur auquel livraison en est faite; mais qu'il en est autrement, lorsque, comme dans l'espèce, il s'agit d'opérations ne comportant ni détention ni livraison de titres, et se soldant par des différences; qu'en fait, l'arrêt énonce que, au gré de leurs clients, de Buzelet et Perrière se portent acheteurs ou vendeurs aussi bien des valeurs admises à la cote officielle que de celles du marché libre; que les opérations consistent très rarement en ventes ou achats effectifs de titres, les vendeurs ne possédant pas les titres qu'ils vendent, et les acheteurs ne versant pas les fonds pour obtenir ceux qu'ils achètent; qu'habituellement, le règlement de chaque opération s'effectue par le paiement d'une différence; qu'il apparait de ces constatations, souveraines en fait, que les opérations visées représentent, au sens de l'art. 76, C. comm., des négociations qui, s'appliquant à des valeurs admises à la cote, ne peuvent être réalisées licitement sans l'intervention d'un agent de change:

Sur la seconde branche du moyen : Attendu, d'une part, que, en déclarant que les agents de change ont, seuls, le droit de faire des négociations des effets publics et autres susceptibles d'être cotés, l'art. 76, précité, n'a fait, ainsi qu'il vient d'être dit, que renouveler l'interdiction, résultant précédemment des arrêts du Conseil, de la loi du 28 vent. an 9, et de l'arrêté des consuls du 27 prair. an 10, de s'immiscer d'une façon quelconque, sous quelque forme et prétexte que ce put être, dans toutes négociations dont l'objet ne doit pouvoir être réalisé et le but atteint qu'avec le concours de ces officiers publics; que, dans ces textes, la sanction de nullité et la sanction pénale sont encourues simultanément, et constituent un système de répression indivisible; qu'ainsi, la pénalité édictée par l'art. 8 de la loi du 28 vent. an 9 doit être prononcée dans les mêmes cas où la nullité de l'opération est encourue; qu'on ne saurait juridiquement admettre que, lorsqu'il s'agit d'une opération réservée par son objet à l'agent de change, la sanction pénale soit éludée par cela seul que cette opération aurait emprunté une forme interdite à ces officiers publics par l'art. 85, C. comm., ou par toute autre disposition légale; qu'en constatant que les prévenus procurent à tous venants le moyen d'effectuer, en dehors de la Bourse, sur des valeurs cotées, des opérations qui, envisagées en elles-mêmes, ne comportent, - ainsi qu'il vient d'être dit, de réalisation licite qu'avec le ministère des agents de change, l'arrêt justifie donc légalement les condamnations prononcées; - Attendu, d'autre part, que, si nul ne peut faire les actes d'une fonction sans s'y immiscer, il n'est pas également vrai que, pour s'immiscer dans une fonction, il soit nécessaire d'en accomplir strictement les actes réglementés; qu'à ce point de vue encore, l'argument pris des prohibitions faites aux agents de change par les art. 85 et 87, C. comm., est inopérant;

D'où il suit que, dans aucune de ses deux branches, le premier moyen ne peut être accueilli;

Sur le deuxième moyen, pris aussi par les demandeurs de la violation de l'art. 3 de l'arrêté du 27 prair. an 10, des art. 408, 413, C. instr. crim., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandeurs coupables d'avoir tenu des assemblées illicites, alors, d'une part, que le fait d'assemblée, envisagé isolément, ne comporte et ne pourrait comporter aucune sanction correctionnelle, alors, d'autre part, que, de l'aveu mème dé la Cour d'appel, les achats et ventes réalisés dans ces prétendues assemblées ne l'avaient été qu'avec les prévenus, à leurs guichets personnels, à titre individuel, en dehors de la réunion, que les autres personnes venues au même lieu n'avaient effectué ensemble aucun marché, qu'en outre, les opérations s'étaient traitées à des cours préalablement déterminés sans la participation de ceux qui réalisaient les achats et ventes, et qu'ainsi ces réunions n'avaient rien de commun avec les assemblées, les seules qu'aurait pu viser l'arrêté de prairial, où se font des négociations semblables à celles opérées à la Bourse par les agents de change, et où les personnes réunies se portent réciproquement vendeurs et acheteurs, d'où résulte la création de cours variant selon l'offre et la demande; alors, enfin, que, en toute hypothèse, la réunion aurait trouvé une juste cause dans les achats et ventes au comptant de valeurs cotées, et dans les marchés quelconques relatifs aux valeurs non cotées, c'est-à-dire dans les opérations que l'arrêt constate être pratiquées chez les exposants: Attendu que, en l'état de ce qui a été dit sur le premier moyen, les peines prononcées sont justifiées par la déclaration de culpabilité sur le délit d'immixtion; mais que, la règle posée dans l'art. 411, C. instr. crim., étant sans application au point de vue des réparations civiles, il y a lieu de statuer sur le second moyen, malgré le rejet du premier; Sur la première branche: Attendu que si, en interdisant, sous les peines portées du chef d'immixtion illégale, de s'assembler ailleurs qu'à la Bourse pour proposer et faire des négociations, l'art. 3 ́de l'arrêté du 27 prair. an 10 a visé des assemblées tenues pour proposer et faire des opérations réservées aux agents de change, des opérations de bourse, cette condition se rencontre dans l'espèce, ainsi qu'il résulte des motifs de rejet du moyen précédent; qu'il appert, en outre, que, le délit d'immixtion ayant par lui-même une existence indépendante de celle du délit de tenue d'assemblée, les deux préventions ont pu être cumulativement retenues, sans qu'il y ait grief de qualification double d'un fait unique;

Sur la seconde branche du moyen : Attendu, d'une part, que, loin qu'il résulte de l'arrêt que les opérations illicites aient eu lieu en dehors des réunions incriminées, il appert en fait de ses énonciations que l'assemblée était tenue dans la salle du Comptoir, ouverte pendant l'heure de la Bourse, que les cours y étaient indiqués par des appels ainsi que par des inscriptions sur un tableau, et que les opérations étaient constatées par un échange de bul

letins entre le public et les prévenus; Attendu, d'autre part, que, consistant dans le fait de s'assembler ailleurs qu'à la Bourse pour proposer et faire des négociations, le délit institué à l'art. 3, susvisé, n'implique nullement, ni que les personnes assemblées aient effectué ensemble des marchés en se portant réciproquement vendeurs ou acheteurs, au lieu de n'avoir, toutes, été en rapport qu'avec l'une d'elles, ni que les négociations aient eu pour résultat de déterminer des cours indépendants de ceux de la Bourse; qu'en prétendant subordonner la constitution du délit à ces conditions, les demandeurs ajoutent à la loi; - Attendu, enfin, que le fait que partie des opérations engageait des valeurs du marché libre, et que quelques-unes de celles qui avaient pour objet des effets publics auraient été suivies de réalisation effective, ne saurait exclure le délit, alors que les assemblées incriminées avaient en même temps pour objet, d'une manière essentielle, d'autres marchés, constituant, ainsi qu'il vient d'être dit, des opérations de bourse, et ayant, dans les conditions où ils avaient lieu, un caractère illicite; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme, et que les condamnations prononcées sont légalement justifiées; Rejette, etc. Du 4 févr. 1910. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Laurent-Atthalin, rapp.; Baudouin, proc. gén. (concl. conf.); Pérouse, Boivin-Champeaux et Hannotin, av.

2o Espèce. (Vilamitjana C. Chambre syndicale des agents de change de Paris).

Le 9 avril 1908, la Cour de Paris (ch. corr.) a rendu contre M. Vilamitjana, inculpé également, dans des conditions de fait analogues à celles qui ont été relatées dans la re espèce: 1o du délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change; 2o du délit de tenue d'assemblées illicites pour proposer et faire des négociations sur effets publics, un arrêt rédigé en termes identiques à ceux de l'arrêt rendu dans la précédente affaire, et qui condamnait M. Vilamitjana à 25.000 fr. d'amende, et à 1 fr. de dommages-intérêts envers la Chambre syndicale des agents de change. POURVOI en cassation par M. Vilamitjana.

ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Sur le premier moyen, pris par Vilamitjana de la violation des art. 76, C. comm., 8 de la loi du 28 vent. an 9 et du principe fondamental du droit criminel d'après lequel les textes édictant des peines sont de droit étroit, en ce que l'arrêt attaqué a condamné Vilamitjana pour immixtion dans les fonctions d'agent de change, alors que les opérations relevées à sa charge, et retenues par l'arrêt, n'étaient que des opérations directes, dans lesquelles il n'a jamais pris le rôle de courtier, qui est celui de l'agent de change:

Attendu que le demandeur soutient que, l'arrêt n'ayant relevé à sa charge aucun acte d'entremise, les opérations faites directement entre lui et le public

n'ont pu, qu'elles qu'en aient été les modalités, constituer des infractions à l'art. 76, C. comm.; qu'en tout cas, étant interdites aux agents de change par les art. 85 et 87 du même Code, elles ne pourraient représenter une immixtion dans leurs fonctions, et comporter à ce titre, outre la sanction de nullité, une sanction pénale; Sur le premier point:... (motifs identiques aux motifs donnés par l'arrêt qui précède sur la première branche du premier moyen);

Sur le second point:... (motifs identiques à ceux donnés par l'arrêt qui précède sur la seconde branche du premier moyen);

Sur le deuxième moyen, pris aussi par le demandeur de la violation de l'art. 8 de la loi du 28 vent. an 9, par fausse application de l'art. 3 de l'arrêté du 27 prair. an 10, et du principe fondamental d'après lequel les dispositions pénales sont de droit étroit, en ce que l'arrêt attaqué a condamné Vilamitjana pour avoir tenu assemblée en dehors de là Bourse pour la négociation d'effets publics, alors, d'une part, que les opérations directes relevées à sa charge, même accomplies avec un nombre important de clients, ne constituent pas la tenue d'assemblée prévue et punie par l'arrêté de l'an 10, et alors, d'autre part, que le prétendu délit de tenue d'assemblée illicite, non prévu par la loi de l'an 9, n'a pu être créé par un simple arrêté des consuls, en prairial an 10: - - Attendu que, en l'état de ce qui a été dit sur le premier moyen, la peine prononcée est justifiée par la déclaration de culpabilité sur le délit d'immixtion; mais que, la règle posée dans l'art. 411, C. instr. crim., étant sans application au point de vue des réparations civiles, il y a lieu de statuer sur le second moyen, malgré le rejet du premier; Sur la première branche: Attendu que si, en interdisant, sous les peines portées du chef d'immixtion illégale, de s'assembler ailleurs qu'à la Bourse pour proposer et faire des négociations, l'art. 3 de l'arrêté du 27 prair. an 10 a visé les assemblées tenues pour proposer et faire des opérations réservées aux agents de change, des opérations de bourse, cette condition se rencontre dans l'espèce, ainsi qu'il résulte du motif de rejet du moyen précédent; qu'il ne peut donc être fait droit à la proposition d'après laquelle, en admettant qu'il y ait eu des assemblées, celles-ci n'auraient pas eu pour objet des négociations illicites; Attendu, en second lieu, qu'en présence des termes généraux de l'art. 3, susvisé, le demandeur subordonne à tort la constitution du délit à cette condition que les négociations aient eu pour résultat de déterminer des cours indépendants de ceux de la Bourse;

Attendu, enfin, qu'il n'apparait nullement que l'arrêt entrepris condamne ainsi la vente directe, à guichets ouverts, par une maison de banque, des titres qu'elle posséderait; qu'il est, en effet, constaté que, dans la salle de l'établissement, le public est informé des cours à mesure qu'ils sont apportés de la Bourse, que les opérations, de pure spéculation en général, entre le propriétaire du Comptoir et les personnes ANNÉE 1913. 2o cah.

présentes, sont constatées par un échange de bulletins, que le vendeur ne possède pas les titres qu'il vend, et que l'acheteur ne verse pas les fonds pour en avoir livraison; qu'en cet état, il est vainement contesté que ces éléments de fait caractérisent la tenue d'une assemblée au sens des textes susvisés;

Sur la deuxième branche Attendu qu'il est sans objet de rechercher si la disposition de l'art. 3 de l'arrêté des consuls du 27 prair. an 10, qui porte l'interdiction précitée, sous la sanction d'une amende instituée, pour le délit d'immixtion seul, par l'art. 8 de la loi du 28 vent. an 9, aurait été édictée en dehors de la délégation donnée au pouvoir exécutif par l'art. 11 de cette loi; qu'il suffit de constater que, dans cette disposition de l'art. 3 comme en toute autre, l'arrêté de l'an 10, inséré au Bulletin des lois, a été exécuté sans être attaqué devant le Sénat, et, dès lors, a force de loi, aux termes de l'art.21 de l'acte constitutionnel du 28 frim. an 8; qu'il est vainement prétendu que la seule sanction actuellement applicable ne serait plus, en tout cas, que celle de l'art. 471, n. 15, C. pén.; qu'il en est ainsi, il est vrai, en ce qui touche les anciens édits et règlements de police locale sur les matières attribuées par la législation actuelle au pouvoir réglementaire de l'Administration, mais non en ce qui concerne ceux qui traitent une matière de police générale, et ne rentrent, ni dans les attributions municipales, ni dans celles d'autres autoritės administratives; qu'en ce cas, les peines édictées doivent continuer à être appliquées, et que, par suite, l'amende du douzième au sixième du cautionnement des agents de change de la place était enAttendu que l'arrêt est régulier en la forme, et que les condamnations prononcées sont légalement justifiées; Rejette, etc.

courue;

Du 4 févr. 1910. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Laurent-Atthalin, rapp.; Baudouin, proc. gén. (concl. conf); Mornard, BoivinChampeaux et Hannotin, av.

3o Espèce. (Chambre syndicale des agents de change de Paris C. Chavaroux).

Le 9 avril 1898, la Cour de Paris (ch. corr.) avait rendu, sur des poursuites intentées contre M. Chavaroux par le ministère public, et sur lesquelles la Chambre syndicale des agents de change de Paris s'était portée partie civile, un troisième arrêt, qui retenait contre lui le délit d'immixtion dans les fonctions d'agents de change, par les motifs suivants : - La Cour;

Considérant que, depuis moins de trois ans avant la date du réquisitoire introductif d'instance, Chavaroux a exploité, à Paris, une maison de banque, dont toutes les opérations consistaient principalement à recueillir des offres et des demandes de valeurs de bourse, aussi bien de la cote officielle que du marché libre; que Chavaroux faisait lui-même la contre-partie des opérations qui lui étaient proposées par sa clientèle; que ces opérations étaient toujours faites à terme, et ne donnaient jamais lieu à des ventes ou à des achats effectifs de titres, parce que les vendeurs

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ne possédaient pas les titres qu'ils vendaient et les acheteurs ne versaient pas les fonds pour obtenir ceux qu'ils achetaient; que ces opérations ne se réglaient que par le paiement d'une différence, à la charge, soit du client, soit de Chavaroux; que celui-ci avait, en province, des représentants, qu'il rémunérait par l'abandon d'une partie des courtages payés par la clientèle; Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert Véréecque, commis par le juge d'instruction, que le plaignant Montagard, demeurant à Avignon, a effectué, dans le cours de l'année 1903, avec Chavaroux, sur les titres des Usines de Briansk, valeurs cotées officiellement, diverses opérations qui n'ont été réglées à chaque liquidation que par des différences; que les ordres de Montagard étaient transmis par Santandréa, représentant à Avignon de la banque Chavaroux ; que Montagard avait déposé des couvertures qui ont été plus qu'absorbées par les pertes qu'il a subies; Considérant qu'il résulte de ces faits que Chavaroux faisait commerce habituel de recueillir des offres et des demandes d'effets admis à la cote officielle; qu'il procurait à ses clients le moyen d'effectuer sur ces effets, en dehors de la Bourse et sans recourir au ministère des agents de change, des opérations qui n'auraient pu être régulièrement faites sans l'intermédiaire de ces officiers publics; qu'il se substituait ainsi aux agents de change, et s'immisçait, par suite, dans leurs fonctions, à l'extérieur de la Bourse;

Considérant que Chavaroux soutient vainement qu'il opérait par contrats directs avec ses clients; qu'il est constant que les négociations qu'il faisait dans son établissement étaient absolument étrangères aux véritables opérations directes, lesquelles, ne consistant qu'en des achats et des ventes effectifs de titres à l'amiable, ne comportent ni couverture, ni droits de courtage; Considérant, en conséquence, qu'il échet de confirmer le jugement dont est appel, qui a déclaré Chavaroux coupable du délit d'immixtion dans les fonctions des agents de change, mais sans, toutefois, en adopter les motifs; Par ces motifs, etc. ».

ARRET (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le premier moyen, pris par Chavaroux de la violation des art. 8 de la loi du 28 vent. an 9, 3 et 4 de l'arrêté du 27 prair. an 10, 4 du décret du 1er oct. 1862, 76, C. comm., 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué considère comme coupable du délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change, et condamne comme tel, un banquier qui se livrait à des opérations précisément interdites aux agents de change:

Attendu que l'arrêt déclare que les opérations dont Chavaroux faisait luimême la contre-partie ne consistaient jamais en des ventes ou achats effectifs de titres, les vendeurs ne possédant pas les titres qu'ils vendaient, et les acheteurs ne versant pas les fonds pour obtenir ceux qu'ils achetaient; Attendu que le demandeur soutient que des opérations de cette nature, faites directement entre

Ire PART. 10

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