Images de page
PDF
ePub

CASS.-civ. 27 novembre 1912.

1° PAIEMENT, PAIEMENT INDÛ, RÉPÉTITION, SUPPRESSION DU TITRE, SUPPRESSION DES SÛRETÉS, ADJUDICATAIRE, ORDRE, PRIVILÈGE DES FRAIS DE JUSTICE, PRODUCTION (DÉFAUT DE) (Rép., v° Paiement, n. 376 et s.; Pand. Rép., v° Indù [Paiement de l'], n. 7 et s.). 20 PRIVILÈGE, FRAIS DE JUSTICE, SÉQUESTRE, AVANCES, CREANCIERS, INTERET COMMUN (Rép., v° Privilèges, n. 125 et s.; Pand. Rép., vo Privilèges et hypothèques, n. 505 et s.).

1o La disposition du § 2 de l'art. 1377,

a

[ocr errors]

Néan

(1-2) Pour exercer l'action en répétition prévue par les art. 1876 et 1377, C. civ., il incombe au demandeur en restitution de l'indû de prouver qu'il a payé par erreur une chose qu'il ne devait pas. V. Cass., 9 mars 1909 (S. et P. 1909.1.252; Pand. pér.. 1909.1.252), et les renvois. moins, aux termes du § 2 de l'art. 1377, ce droit cesse dans le cas où le créancier a supprimé son titre par suite du paiement, sauf le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur ». Ainsi, la loi, après avoir accordé la répétition de l'indû à celui qui, par erreur et se croyant débiteur, a acquitté une dette, apporte à ce principe une exception, au cas où le créancier, une fois payé, a supprimé le titre de sa créance.

Que faut-il entendre par cette expression : suppression du titre ? S'agit-il uniquement de la destruction matérielle du titre, ou bien doit-on assimiler à ce cas les autres faits qui ont conduit le créancier à négliger les garanties attachées à sa créance et destinées à en assurer le recouvrement?

Suivant Laurent (Princ. de dr. civ., t. 20, n. 363), la disposition du § 2 de l'art. 1377 est à tous égards de stricte interprétation. D'abord, elle est fondée sur une présomption de faute, et les présomptions ne s'étendent pas par voie d'a- . nalogie. Puis, elle prononce une déchéance; celui qui a payé perd le droit qu'il avait d'agir en répétition, et les déchéances sont de droit strict. De plus, la déchéance serait aggravée; tout en disant que le droit à la répétition cesse, la loi ouvre à celui qui a fait le paiement indû un recours contre le véritable débiteur; or, si la créance est prescrite, ce recours devient impossible; on aggrave donc la déchéance, et on enlève tout droit à celui qui a payé; c'est établir une peine, et il n'y a pas de peine sans loi. Sic, Huc, Comment, du C. civ., t. 8, n. 396. MM. Baudry-Lacantinerie et Barde, Tr. des oblig., 3° éd., t. 4, n. 2830, et Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 6o éd., t. 2, n. 861, émettent aussi quelque doute au sujet de l'extension de l'art. 1377, § 2, « à cause du caractère exceptionnel de cette disposition.

[ocr errors]

Cette interprétation restrictive de l'art. 1377, 22, a été consacrée par un arrêt de la chambre des requêtes du 4 août 1859 (S. 1860.1.33. P. 1861.373), qui a décidé que la disposition de ce paragraphe est inapplicable au cas où, par suite de paiement, le créancier a laissé son action se prescrire contre le véritable débiteur. Et un arrêt de la Cour d'appel de Gand, du 25 janv. 1882 (S. 1882.4.44. P. 1882.2.74), se plaçant au même point de vue, a émis ce principe, d'une portée générale, que l'art. 1377« dispose, pour le cas unique où, par suite du paiement d'une dette existante, mais qui n'était pas due par celui qui l'a acquittée, le créancier a supprimé un titre, mais qu'il n'est pas susceptible d'extension »; ANNÉE 1913. 2o cah.

--

C. civ., aux termes de laquelle le droit de répétition accordé à celui qui a payé par erreur, se croyant débiteur, cesse dans le cas où le créancier a supprimé son titre par suite du paiement, s'étend, non seulement à la destruction matérielle du titre de la créance, mais aussi à la perte des sûretés destinées à en assurer le remboursement, de telle sorte qu'il ne soit plus possible de replacer le créancier, qui a reçu de bonne foi ce qui lui était dù et ne saurait souffrir de l'erreur de celui qui l'a payé, dans la situation où il se trouvait avant le paiement (I) (C. civ., 1377, § 2).

Spécialement, l'adjudicataire d'immeu

que, dès lors, il ne peut être appliqué au cas où, depuis le paiement indû reçu par le créancier, le véritable débiteur est devenu insolvable.

[ocr errors]

Cette opinion n'a pas été admise par la majorité des auteurs et des arrêts. A côté de la suppression matérielle du titre, il existe d'autres faits, qui, comme elle, peuvent être la conséquence du paiement, et exposent le créancier actionné en répétition de l'indû aux mêmes dangers de perte. Ainsi, il a, par exemple, donné mainlevée de l'hypothèque qui garantissait sa créance, il s'est dessaisi du gage dont il était nanti, il a déchargé la caution, il a renoncé au bénéfice d'un transport, etc. Dans tous ces cas, le créancier n'a aucune faute à se reprocher; il était désintéressé; sa conduite s'explique et se justifie par le fait même du paiement qu'il a reçu. Le condamner & opérer la restitution serait le rendre en quelque sorte victime d'une erreur qui n'est pas précisément sienne, et dont la responsabilité incombe au premier chef à celui qui l'a payé. La circonstance de suppression du titre, disent MM. Aubry et Rau (4° éd., t. 4, p. 733, 442, texte et note 21), dont le créancier est admis à exciper pour repousser l'action en répétition dirigée contre lui, est à considérer comme réalisée, lorsqu'il a, soit laissé prescrire sa créance, soit renoncé formellement aux sûretés destinées à en garantir le paiement, ou négligé de les conserver, tout aussi bien qu'au cas où il a détruit matériellement l'acte constatant l'existence de la créance. Introduite par des motifs d'équité, ex æquo et bono, la condictio indebiti doit se gouverner par les règles de l'équité; or, ces règles nous apprennent que le créancier, qui a reçu de bonne foi ce qui lui était dû, ne doit pas pâtir de l'erreur de celui qui l'a payé, et qu'il ne saurait être tenu de restituer ce qu'il a reçu, lorsqu'il n'est plus possible de le replacer dans la situation où il se trouvait avant le paiement. V. dans le même sens, la note sous Cass. 4 août 1859, précité; et les autorités citées en note sous Alger, 15 juill. 1875 (S. 1875.2.249.

P. 1875.981), et sous Caen, 20 mars 1891 (S. et P. 1892.2.204). Adde, Larombière, Théor. et prat. des oblig., 2o éd., t. 7, sur l'art. 1877, n. 10; et notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1377, n. 20 et s. Comp. notre Rép. gén. du dr. fr., v Paiement, n. 367 et s.; Pand. Rep., v Indú (Paiement de l'), n. 7 et 8.

Avant d'être consacrée par l'arrêt de la chambre civile que nous rapportons ci-dessus, cette doctrine avait été suivie par plusieurs Cours d'appel. V. Riom, 20 mai 1851 (S. 1851.2.767. . P. 1853.2. 117); Alger, 15 juill. 1875, et Caen, 20 mars 1891, précités. L'arrêt d'Alger, 15 juill. 1875, précité, pour refuser l'action en répétition à celui qui a payé indûment, se base sur ce motif, d'une portée générale, que l'art. 1377, § 2, s'applique, non seulement au cas de destruction matérielle du titre de

bles vendus sur surenchère, qui, induit en erreur par une fausse interprétation d'un dire inséré au cahier des charges, a payé des créanciers protégés pour leurs avances par le privilege général des frais de justice, n'a pas contre eux d'action en répétition de l'indú, si, àraison tant du paiement qu'ils ont reçu avant l'ouverture de l'ordre ouvert pour la distribution du prix des immeubles que de la tardiveté de la réclamation de l'adjudicataire, ils ont pu se croire définitivement désintéressés, et ont été, par là, empêchés de produire à l'ordre et de faire valoir leur privilège (2) (C. civ., 1382 et s., 2101, $ler).

créance, mais aussi au cas où les garanties de cette créance ont disparu par suite du paiement effectué », et où il est impossible, dès lors, de replacer le créancier, à la suite de l'action en répétition, dans tous les droits qu'il avait avant le paiement indû.

La Cour de Riom, dans l'arrêt précité du 20 mai 1851, après avoir rappelé la disposition de l'art. 1377, § 2, et lui avoir donné pour fondement « le principe que le dommage doit être supporté par l'auteur du fait qui l'a occasionné », applique cette disposition au cas où un adjudicataire sur saisie, ayant payé son prix, à la suite d'un ordre judiciaire, aux créanciers inscrits, qui, en conséquence de ce paiement, ont donné mainlevée de leurs inscriptions hypothécaires, portant sur les immeubles saisis et sur des immeubles non compris dans la sais e, exerce contre eux l'action en répétition de l'indû, après avoir subi l'éviction de partie des immeubles saisis, qui ont été reconnus ne pas appartenir au saisi; la radiation des inscriptions, disait le jugement, dont l'arrêt adopte les motifs, est « une véritable suppression de titre, dans le sens de l'art. 1877, § 2, C. civ. ». L'arrêt de Caen, 20 mars 1891, précité, a décidé, dans le même sens, que le créancier, qui, par suite du paiement indû qu'il a reçu, a donné au débiteur mainlevée de l'hypothèque qui garantissait sa créance, et a renoncé à faire valoir une cessiontransport qui lui avait été également consentie, était en droit d'opposer l'exception de l'art. 1377, § 2, à l'action en répétition de l'indû, à raison des sommes dont l'hypothèque ou la cession-transport lui auraient assuré le recouvrement. . La suppression de titre, dont parle l'art. 1377, 2, s'applique à la destruction matérielle de l'acte qui constatait la créance, et aussi à la suppression des garanties qui étaient destinées à en assurer le recouvrement..., sur lesquelles le créancier a dû compter, en vertu du titre même, et auxquelles il a renoncé par suite du paiement même ».

[ocr errors]

La chambre civile de la Cour de cassation, dans la partie doctrinale de son arrêt ci-dessus reproduit, s'est prononcée en faveur du second système; elle résume sa théorie dans une formule d'une netteté et d'une concision remarquables; suivant elle, la suppression du titre dont parle le § 2 de l'art. 1377 comprend, non seulement la destruction matérielle du titre de la créance, mais aussi la perte des sûretés destinées à en assurer le remboursement, de telle sorte qu'il ne soit plus possible de replacer ce créancier, qui a reçu de bonne foi ce qui lui est dû et ne saurait souffrir de l'erreur de celui qui l'a payé, dans la situation où il se trouvait avant le paiement ».

Quelque opinion que l'on adopte sur cette question de principe, il est un point sur lequel aucune divergence ne saurait se produire, c'est que le droit de répétition peut être exercé par celui qui a payé par erreur, si le titre ou les sûretés I PART. 12

[blocks in formation]

(Strauss C. époux Ricco et Pfrimmer).

Le 24 juill. 1897, MM. Giraud frères, banquiers à Oran, ont fait procéder à la saisie de divers immeubles dépendant de la communauté de biens ayant existé entre les époux Deharo. M. Jean Deharo fils, nommé séquestre desdits biens, s'est fait autoriser, par ordonnance de référé des 1er et 2 avril 1901, à emprunter, aux époux Ricco, une somme de 5.000 fr.; pour les travaux nécessités par l'exploitation agricole et le bon entretien des immeubles séquestrés, et à M. Pirimmer, la somme de 2.000 fr., pour frais de labours, soufrage, etc., de la récolte de raisins et de vins de l'année courante. Ces deux prêts ont été contractés avec stipulation au profit des prêteurs du privilège de l'art. 2102, ler, C. civ., pour les frais de récolte; les sommes empruntées ont été employées suivant leur destination. Dans le cahier des charges dressé en vue de l'adjudication des immeubles, a été insérée une clause portant qu'en sus du prix d'adjudication, l'acquéreur aurait à rembourser aux prêteurs les sommes avancées en totalité. Le 18 juill. 1901, M. Strauss s'est rendu adjudicataire sur surenchère, moyennant une somme de 38.100 fr., d'un certain nombre de lots des immeubles saisis; d'autres lots ont été adjugés à M. Raymond. M. Strauss a remboursé, le 17 sept. 1901, aux époux Ricco et à M. Pfrimmer la totalité de leurs avances, soit 7.127 fr. 30. L'ordre pour la distribution du prix d'adjudication a été ouvert le 4 févr. 1902, et clôturé le 30 août suivant. - Plus tard, prétendant qu'adjudicataire de partie seulement des immeubles, il n'aurait dù payer qu'une part proportionnelle dans les avances, suivant une ventilation à établir, M. Strauss a formé contre M. Raymond, adjudicataire comme lui, une demande en répétition de la somme qui aurait dû incomber à celuici dans le remboursement; mais cette demande a été rejetée par arrêt de la Cour d'Alger, du 21 juin 1906. - A la suite de cet arrêt, M. Strauss a, par exploit du 27 nov. 1906, assigné les époux Ricco et M. Pfrimmer en remboursement des sommes qu'il leur aurait versées indument:

[ocr errors]

supprimés à la suite du paiement étaient dénués de valeur et ne pouvaient conférer aucun droit au créancier. V. Cass., 8 févr. 1848 (S. 1849.1.55. P. 1849.1.256); Demolombe, Contr. ou oblig., t. 8, n. 325; et notre C. civ. annoté, sur l'art. 1377, n. 26. On rentre alors dans l'hypothèse d'une dette inexis. tante, régie par l'art. 1235, C. civ., aux termes duquel ⚫ tout paiement suppose une dette », et par l'art. 1376 du même Code, qui dispose que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ».

savoir, les époux Ricco, en restitution de 5.426 fr. 92, et M. Pfrimmer, en restitution de 2.036 fr. 37. Il a été débouté de sa de mande par un jugement du tribunal civil d'Oran, du 21 mars 1907. - Sur appel, la Cour d'Alger a confirmé la décision des premiers juges, par arrêt en date du 26 mars 1908. Après avoir déclaré que c'était par erreur que M. Strauss avait fait les paiements aux créanciers, elle a écarté l'action en répétition, par le motif que les époux Ricco et M. Pfrimmer avaient été, à cause de ces paiements, empêchés de produire dans l'ordre ouvert pour la distribution du prix d'adjudication, qu'ils avaient été ainsi privés des garanties résultant de leurs titres ou s'y rattachant, et qui étaient de nature à leur assurer le paiement de leurs créances en tout ou en partie, savoir: 1° le privilège sur les récoltes de l'année (C. civ., 2102, ler), qu'ils pouvaient faire valoir aux lieu et place du séquestre; 2° à défaut, le privilège des frais de justice, garantissant les avances faites au séquestre dans un but utile à son administration et dans les limites de son mandat.

POURVOI en cassation par M. Strauss. Moyen unique. Violation des art. 1235, 1376, 1377, C. civ., 1382, 2093 et 2102,

Ier, même Code, 682, C. proc., et fausse application des art. 2101 et 2104, C. civ., en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'action en répétition du demandeur, sous prétexte que le paiement fait par lui par erreur avait fait perdre aux défendeurs les garanties attachées à leur titre, en les empêchant de produire, dans l'ordre ouvert sur le prix d'adjudication, pour le montant des sommes prêtées par eux au séquestre pour frais de récoltes, ou mème subsidiairement pour frais de justice, alors que lesdits défendeurs n'auraient pu se prévaloir dans l'ordre, ni du premier de ces privilèges, auquel ils n'avaient aucun droit comme prêteurs, et qui, étant exclusivement mobilier, ne pouvait porter sur les fruits immobilisés par la transcription de la saisie, ni du second, s'étant eux-mêmes placés en dehors de l'ordre, en stipulant le remboursement direct de leurs avances par l'adjudicataire en sus du prix d'adjudication, et ayant été ainsi la cause de l'erreur commise dans le paiement litigieux. ARRÊT.

[blocks in formation]

(1) Les frais faits par un séquestre, dans l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée, sont des frais de justice privilégiés (V. Cass. 29 juin 1875, S. 1875.1.397. P. 1875.1015; 26 juin 1878, S. 1878.1.460. . P. 1878.1202. Adde, les renvois de la note sous Cass. 10 nov. 1909, S. et P. 1912.1.491; Pand. pér., 1912.1.491; et Guillouard, Tr. des priv. et hyp., t. 1, n. 186 p. 221; Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Nantiss., priv. et hyp., 3o éd., t. 1o, n. 311. V. spécialement, pour les avances faites au séquestre en vue de l'accomplissement de sa mission, Cass.,

de la vente sur surenchère poursuivie contre les consorts Deharo, et qu'en sus du prix d'adjudication, il a payé, le 17 sept. 1901, directenent à deux créanciers inscrits, les époux Ricco et le sieur Primmer, une somme totale de 7.127 fr., dont il poursuit la répétition; qu'il soutient qu'il a fait ce versement par erreur, et que la cause de son erreur doit être attribuée à l'interprétation d'un dire formulé par ces créanciers, dans le cahier des charges de l'adjudication, au sujet du remboursement de leurs avances; Attendu que l'arrêt attaqué reconnait bien que le paiement a eu lieu par erreur, mais qu'il refuse le droit de répétition à Strauss, entre autres motifs, parce que les prèts avaient été consentis par les époux Ricco et par Pfrimmer à Deharo (Jean), en sa qualité de séquestre des biens de la communauté ayant existé entre la veuve Deharo et son mari et de la succession de ladite dame; que le séquestre s'était fait autoriser par deux ordonnances de reféré à emprunter les sommes nécessaires à la conservation des immeubles dans l'intérêt commun de tous les créanciers; qu'en conséquence, les fonds par lui empruntés aux époux Ricco et à Pfrimmer l'ont été, soit pour pourvoir aux nécessités de l'exploitation agricole et du bon entretien des immeubles, soit pour subvenir aux frais de la récolte de l'année courante, et qu'ils ont été effectivement employés suivant leur destination; Attendu que, de ces faits par lui Souverainement constatés, l'arrêt conclut à bon droit que les créanciers étaient, pour leurs avances, protégés par le privilège général des frais de justice de l'art. 2101, $ler, C. civ.; - Attendu que l'arrêt attaqué précise encore ces autres circonstances que le remboursement des prêteurs a été opéré le 17 sept. 1901; que l'ordre pour la distribution du prix d'adjudication a été ouvert le 4 févr. 1902 et clôturé le 30 août suivant; que l'action en répétition de Strauss n'a été introduite que par exploit du 27 nov. 1906, c'est-à-dire plus de quatre ans après cette clôture; qu'il ajoute qu'à raison tant du paiement par lui effectué que de la tardiveté de sa réclamation, Strauss a empêché les créanciers, qui pouvaient se croire définitivement désintéressés, de produire à l'ordre et de faire valoir leur privilège; Attendu qu'il n'a jamais été allégué que les créanciers eussent renoncé à leur privilège; tendu qu'en assimilant la perte de ce privilège à la perte matérielle du titre, et en rejetant, par application du § 2 de l'art. 1377, C. civ., la demande de Strauss, l'arrêt attaqué s'est conformé à la loi et a

- At

18 mai 1881, S. 1882.1.57. P. 1882.1.126; 30 mars 1886, S. 1886.1.264. P. 1886.1.633; Pand. pér., 1887.1.256; et les renvois de la note sous Cass. 10 nov. 1909, précité), à la condition qu'ils aient été faits dans l'intérêt commun des créanciers au regard desquels le privilège est réclamé. V. sur le principe, Cass 5 févr. 1900 (S. et P. 1901.1.77; Pand. pér., 1901.1.230), et les renvois; 8 mai 1900 (S. et P. 1901.1.409, et la note de M. Naquet; Pand. pér., 1901.1.274). V. aussi, Cass. 10 nov. 1909, précité, la note et les renvois.

justifié sa décision; qu'en effet, la disposition de ce texte, en vertu de laquelle

le droit de répétition cesse dans le cas où le créancier a supprimé son titre par suite du paiement », comprend, non seulement la destruction matérielle du titre de la créance, mais aussi la perte des sûretés destinées à en assurer le remboursement, de telle sorte qu'il ne soit plus possible de replacer ce créancier, qui a reçu de bonne foi ce qui lui est dù, et ne saurait souffrir de l'erreur de celui qui l'a payé, dans la situation où il se trouvait avant le paiement; Attendu qu'il n'échet, en conséquence, de rechercher si, dans d'autres motifs surabondants, ledit arrêt aurait, comme le prétend le pourvoi, violé soit l'art. 2102, $ler, C. civ., soit tout autre texte de loi; Rejette, etc.

Du 27 nov. 1912. Ch. civ. MM. Baudouin, 1er prés.; Ruben de Couder, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Defert,

av.

CASS.-Civ. 17 décembre 1912. FONDS DE COMMERCE, CESSION, GARANTIE, SOCIÉTÉ, LIQUIDATION, COASSOCIÉ, CONCURRENCE ILLICITE, CHOSE JUGÉE, INTERDICTION ABSOLUE, PRÉJUDICE, DÉTERMINATION, CLIENTS ANCIENS, CLIENTS NOUVEAUX, CHIFFRE GLOBAL D'AFFAIRES, VISITE A LÁ CLIENTÈLE, SOLLICITATIONS, Défense parTIELLE (Rép., vis Fonds de commerce, n. 179 et s., Liberté du commerce et de l'industrie, n. 88 et s.; Pand. Rép., vo Liberté du commerce et de l'industrie, n. 202 et s., 363 et s.).

La cession d'un fonds de commerce, consentie par un associé à son coassocié, encore bien qu'elle intervienne comme mode de liquidation de la société ayant existé entre eux, emporte-t-elle les mêmes conséquences qu'une vente ordinaire, au point de vue de la garantie (1) (C. civ., 1625 et s.) ? — V. la

note.

Lorsqu'un premier arrêt, passé en force de chose jugée, a prononcé contre un associé, tenu à la garantie à raison d'une telle cession, une interdiction absolue d'exercer

(1) L'associé qui effectue un apport est tenu à la même obligation de garantie qu'un vendeur l'est envers son acheteur (C. civ., 1845). La situation est identique, lorsqu'à la suite de la dissolution et de la liquidation d'une société, constituée pour l'exploitation d'un fonds de commerce, ce fonds est acquis par l'un des associés seul, et devient sa propriété exclusive; l'associé qui s'est retiré a le devoir de s'abstenir de tout acte de nature à diminuer l'achalandage et à détourner la clientèle de la société. On peut même soutenir que, vu le caractère essentiellement de bonne foi du contrat de société dans les rapports qui unissent les associés entre eux, l'associé cédant est tenu à une plus grande réserve que le vendeur ordinaire, et qu'il a, plus que ce dernier encore, le devoir de s'abstenir de tout acte de nature à diminuer l'achalandage et à détourner la clientèle du fonds cédé. C'est d'ailleurs ce qui est admis par une jurisprudence bien établie. V. Cass. 4 févr. 1901 (S. et P. 1902.1.171; Pand. pér., 1902.1.448), et les renvois. V. aussi, Cass. 19 févr. 1907 (sol. implic.) (8. et P. 1908.1.423; Pand. pér., 1908.1.423);

le même commerce dans un rayon d'affaires déterminé, viole l'autorité de la chose jugée, le nouvel arrêt, qui, pour évaluer le préjudice qu'ont pu causer à la société substituée à son co-associé des actes de concurrence illicite intervenus depuis le premier arrêt, décide que les dommages-intérêts ne seront pas calculés sur le chiffre global d'affaires traitées par le cédant, mais sur les seules opérations faites par lui avec les clients de la société exclusivement, aucune distinction ne devant être faite, en effet, entre les opérations conclues avec les clients détournés de la société et celles passées avec des acheteurs nouveaux, mais dont la clientèle aurait pu bénéficier au fonds cédé (2) (C. civ., 1351).

Il y a également violation de la chose jugée dans la disposition du second arrêt, qui, pour le cas où le cédant viendrait à établir le même commerce en dehors de la zone fermée à son action, lui renouvelle la défense de visiter et solliciter dans cette zone la clientèle de la société, mais qui ne s'explique pas en ce qui concerne les autres acheteurs de la région prohibée, non compris dans cette clientèle, en reconnaissant, par là même, au cedant, implicitement tout au moins, la faculté de se faire de nouveaux clients aux dépens du fonds cédé dans le périmètre où il ne lui est pas permis de s'établir (3) (ld.).

(Soc. Simoëns et fils C. Simoëns).

Cette affaire se rattache à une précédente instance, qui a donné lieu à un arrêt de cassation du 18 juill. 1907 (S. et P. 1909.1.22; Pand. pér., 1909.1.22). La Cour d'Amiens, statuant comme Cour de renvoi, a décidé, par arrêt du 26 mars 1908, que l'obligation de garantie, à laquelle M. Ernest Simoëns était tenu vis-à-vis de la Société Simoëns et fils, dans les circonstances qui sont relatées dans l'exposé de faits précédant l'arrêt de cassation ci-dessus rappelé, devait, pour être efficace, entrainer une interdiction absolue d'exercer le même commerce que la société ou un commerce similaire, c'est-à-dire de lui faire concurrence dans le rayon d'affaires de cette société; que, toutefois, il y avait lieu de limiter aux cantons de Roubaix et aux

29 juill. 1908 (sol. implic.) (S. et P. 1969.1.291; Pand. pér., 1909.1.291), les notes et les renvois.

(2-3) La Cour d'Amiens, par un arrêt rendu sur renvoi de l'arrêt de Cass. 18 juill. 1907 (S. et P. 1909.1.22; Pand. pér., 1909.1.22), intervenu dans la présente affaire, interprétant l'acte par lequel un des associés avait cédé ses droits sociaux, et l'obligation de garantie dont il était tenu en vertu de l'acte de cession (V. la note qui précède), avait décidé que cette obligation comportait pour lui l'interdiction de faire un commerce similaire dans une région déterminée, qui constituait le rayon d'affaires de la société (V. à cet égard, les notes sous Cass. 18 juill. 1907, précité, et sous Cass. 29 juill. 1908, S. et P. 1909.1.291; Pand. pér., 1909.1.291, et les renvois), sans cependant que l'ancien associé fût autorisé, en dehors de cette région, à visiter ou solliciter la clientèle de la société, ce qui pourrait constituer des faits de concurrence déloyale. En interdisant à l'ancien associé d'exercer un commerce similaire dans le rayon d'affaires de la société, l'arrêt d'Amiens proscrivait par là même tout acte se

cantons de Tourcoing la zone territoriale qui devait être considérée comme constituant le rayon d'affaires de cette société, sans cependant qu'Ernest Simoens fût autorisé, en dehors de cette zone, à solliciter la clientèle de son père et à la visiter, ce qui pourrait constituer, suivant les circonstances, des actes de concurrence déloyale. L'arrêt de la Cour d'Amiens, étant devenu définitif entre les parties. avait réglé leur situation respective autant pour le passé que pour l'avenir. M. Ernest Simoëns ayant, dès le 13 janv. 1905, ouvert, à Tourcoing, une maison pour le commerce d'huiles, la Société Simoëns et fils l'a de nouveau assigné, par exploit du 2 juill. 1908, en dommages-intérêts pour concurrence illicite. Le tribunal de commerce de Tourcoing a, suivant jugement du 19 févr. 1909, par application des décisions antérieures passées en force de chose jugée, dit qu'en s'établissant négociant en huiles à Tourcoing, le 13 janv. 1905, Ernest Simoëns avait, depuis cette date, contrevenu à ses obligations de cédant de ses parts et droits dans la société, et fait aux demandeurs, ès qualités, une concurrence déloyale; qu'à peine de 100 fr. de dommages-intérêts par jour de retard, Ernest Simoëns devra cesser le commerce d'huiles dans Tourcoing, Roubaix et leurs cantons; qu'il devra s'abstenir de tout acte de nature à nuire, même partout ailleurs, à la Société Simoëns et fils dans la clientèle cédée, à peine de 100 fr. de dommages-intérêts par jour ». Pour établir le préjudice éprouvé dans le passé, le tribunal avait renvoyé les parties devant un juge commis à cet effet. M. Ernest Simoëns a interjeté appel de ce jugement. Par arrêt du 13 janv. 1910, la Cour de Douai, tout en reconnaissant que c'étaient les dispositions de l'arrêt de la Cour d'Amiens qui devaient régir les rapports des parties et en confirmant le jugement, a, pour le calcul des dommages-intérêts, établi une distinction entre les affaires faites par M. Ernest Simoëns avec les clients de l'ancienne société et celles par lui conclues avec de nouveaux clients; elle a exclu de l'évaluation du préjudice

rapportant à ce commerce, sans distinguer suivant que l'ancien associé se serait adressé à des clients de l'ancienne société ou à des personnes non clientes de cette société. Il va de soi, d'ailleurs, que ce qui est interdit au cédant par l'obligation de garantie, ce n'est pas seulement de s'adresser, pour le même commerce, aux clients de la société; la prohibition a une portée plus générale; elle frappe l'acte de commerce lui-même, accompli dans le rayon d'affaires du fonds cédé, et susceptible de nuire au cessionnaire, en le privant d'une partie plus ou moins notable de la clientèle éventuelle sur laquelle il pouvait légitimement compter. V. Guillouard, Tr. de la vente, t. 1, n. 330; LyonCaen et Renault, Tr. de dr. comm., 4° éd., t. 3, n. 247; Ruben de Couder, Dict. de dr. comm., Suppl.. t. 2, v° Fonds de commerce, n. 39; Baudry-Lacantinerie et Saignat, Vente, 3e éd, n. 344. En restreignant à la clientèle actuelle de la société l'interdiction faite à l'ancien associé de se livrer à un commerce similaire dans un rayon délimité, l'arrêt attaqué avait manifestement méconnu la chose jugée par l'arrêt d'Amiens.

cette dernière catégorie d'affaires. Elle a dit qu'à peine de 100 fr. de dommagesintérêts par jour de retard, Ernest Simoëns devra cesser son commerce d'huiles dans les cantons de Tourcoing et de Roubaix »; elle « a fait, en outre, défense à Ernest Simoëns de visiter et de solliciter la clientèle de l'ancienne société dans les cantons de Roubaix et de Tourcoing pendant toute sa vie, et même partout ailleurs que dans ces cinq cantons pendant un délai de quinze années à dater de la dissolution de cette société, intervenue le 7 juin 1904, à peine, dans l'un et l'autre cas, de 100 fr. de dommages-intérêts pour chaque contravention constatée ».

POURVOI en cassation par la Société Simoëns et fils. - ler Moyen. Violation des art. 1134, 1350, 1351, 1352, 1625 et s., C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué exclut, en principe absolu, de l'évaluation par le juge commis du préjudice que l'associé cédant d'un fonds de commerce a causé à l'associé cessionnaire par l'exercice du mème commerce dans le rayon d'affaires du fonds cédé, toutes ventes à d'autres clients que ceux de l'ancienne société exploitant ce fonds, alors qu'en vertu d'un arrêt passé en force de chose jugée, et formellement invoqué par la cédante, la garantie due au cessionnaire comporte de plein droit l'interdiction d'exercer le même commerce dans le rayon déterminé par les juges, et qu'ainsi le préjudice subi peut comprendre l'acquisition, au détriment du cessionnaire, d'une nouvelle clientèle.

2o Moyen. Violation des textes visés au premier moyen, en ce que l'arrêt attaqué a limité à l'interdiction de visiter et de solliciter la clientèle de la société qui exploitait le fonds cédé, dans le rayon d'action de ce fonds, l'interdiction, découlant de l'obligation de garantie, de faire acte de commerce dans le rayon fixé par les juges, interdiction formellement édictée par un arrêt passé en force de chose jugée.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

(1) Dans l'opinion généralement admise par la jurisprudence française, les constructions nouvelles rentrent dans la catégorie des amélicrations, pour lesquelles l'usufruitier, aux termes de l'art. 599, § 2, C. civ., n'a droit à ancuue indemnité. V. Cass. 4 nov. 1885 (S. 1886.1.113.

P. 1886.1.252, la note et les renvois; Pand. chr.); Montpellier, 21 févr. 1907 (S. et P. 1907. 2.138), et les renvois; adde, Baudry-Lacantinerie et Chauveau, Des biens, 3° éd., n. 573. Mais la question est controversée. V. en sens contraire, Cass. Belgique, 27 janv. 1887 (S. 1887.4.29. P. 1887.2.50), et les conclusions de M. l'avocat général Bosch. Adde, les autorités citées dans les notes sous Cass. 4 nov. 1885, et sous Montpelier, 21 févr. 1907, précités; et Aubry et Rau, 5o éd, t. 2,

cassation d'un arrêt de la Cour de Douai,

en date du 27 oct. 1904, que la cession du fonds de commerce d'huiles, faite par Ernest Simoëns à son père, encore bien qu'elle fût intervenue comme mode de liquidation de la société ayant existé entre eux, emportait les mêmes conséquences qu'une vente ordinaire, au point de vue de la garantie, et que cette obligation de garantie, pour être efficace, devait entraîner une interdiction absolue d'exercer le même commerce que la société, et de lui faire concurrence dans le rayon d'affaires limité aux cantons de Tourcoing et de Roubaix; Attendu qu'Ernest Simoëns ayant, dès le 13 janv. 1905, établi et exploité un commerce identique d'huiles dans les localités exclues de son action, l'ancienne société reconstituée l'a, par exploit du 2 juill. 1908, assigné, devant le tribunal de commerce de Tourcoing, en réparation du préjudice causé pour le passé, et en cessation immédiate de toutes opérations de concurrence pour l'avenir, sous peine d'une astreinte par jour de retard; que, par jugement du 19 févr. 1909, le tribunal à fait droit à la demande, et renvoyé les parties devant un juge commis à l'effet de déterminer le montant du dommage; Attendu que, sur appel, la Cour de Douai a bien reconnu que c'étaient les dispositions de l'arrêt précité d'Amiens qui régissaient seules les rapports des parties, et rétroagissaient au jour de la dissolution de la Société Simoëns et fils »; qu'elle a même renouvelé l'injonction, avec astreinte, formulée contre Ernest Simoëns, d'avoir à cesser son commerce d'huiles dans les cantons sus-indiqués; mais qu'elle a restreint la portée dudit arrêt, quant au mode d'évaluation des dommages-intérêts pour le préjudice passé et quant à la latitude accordée à Ernest Simoëns pour la continuation de son commerce d'huiles; qu'ainsi, par cela même qu'à raison de l'obligation de garantie, tout acte de concurrence était interdit à Ernest Simoëns dans le rayon d'affaires de la société par l'arrêt d'Amiens, il en résultait qu'il n'y avait pas lieu de distinguer entre les opérations conclues avec les clients détournés de l'ancienne société et celles passées avec des acheteurs nouveaux, mais dont la clientèle aurait pu bénéficier au fonds cédé; que les unes et les autres, étant frappées de la même interdiction, devaient entrer en ligne de compte pour l'évaluation du

p. 399, § 204, texte et note 23, et p. 736 et s., § 235; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5° éd., t. 1", n. 2870.

La question est particulièrement délicate en ce qui concerne les reconstructions, car il est telles hypotheses où la reconstruction n'apporte rien de nouveau aux bâtiments sur lesquels porte l'usufruit, comme c'est le cas lorsque l'usufruitier se borne à rétablir, tels qu'ils étaient auparavant, des bâtiments tombant de vétusté ou détruits par un incendie, et on pourrait soutenir qu'en pareil cas, il n'y a pas amélioration, mais grosse réparation, donnant lieu, d'après la jurisprudence (V. la note qui suit), à indemnité. Cependant, les arrêts ont toujours assimilé la reconstruction aux constructions nouvelles, soit pour admettre le droit à in

préjudice causé à la société dans le passé et continuer à être prohibées dans l'avenir; Attendu, cependant, que l'arrêt attaqué de la Cour de Douai a décidé, d'une part, que les dommages-intérêts ne seraient pas calculés sur le chiffre global d'affaires traitées par Ernest Simoëns, mais sur les seules opérations faites par lui avec les clients de la société; qu'il a exclu de cette évaluation toutes les ventes consenties à des tiers qui étaient restés en dehors de cette clientèle; que, d'autre part, prévoyant le cas où Ernest Simoëns établirait son commerce d'huiles ailleurs que dans les cantons de Tourcoing et de Roubaix, ledit arrêt, dominé par la même distinction erronée, fait bien défense à Ernest Simoëns de visiter et solliciter la clientèle de l'ancienne société, mais qu'il ne s'explique pas en ce qui concerne les autres acheteurs, non compris dans cette clientèle, reconnaissant par là, implicitement tout au moins, à Ernest Simoëns la faculté de se faire de nouveaux clients aux dépens du fonds cédé dans le périmètre. où il ne peut s'établir; Attendu qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a méconnu les principes de la chose jugée, et violé le texte de loi susvisé; Casse, etc. Du 17 déc. 1912. -MM. Baudouin, ler prés.; Ruben de Couder, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Cail, av.

[ocr errors]

CASS.-CIV. 17 juillet 1911.

USUFRUIT, AMÉLIORATIONS, CONSTRUCTIONS, RECONSTRUCTIONS, VIGNES, PHYLLOXÉRA, RECONSTITUTION, GROSSES RÉPARATIONS, BOIS, SAPINIÈRES, EXPLOITATION, ARBRES ÉPARS, PEUPLIERS, ABUS DE JOUISSANCE (Rep., v Usufruit, n. 326 et s., 389 et s., 917 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 643 et s., 692 et s., 1927 et s.).

Les constructions neuves et reconstructions faites par l'usufruitier constituent des améliorations, à raison desquelles l'usufruitier ne peut, aux termes de l'art. 599, $ 2, C. civ., réclamer, à la cessation de l'usufruit, aucune indemnité (1) (C. civ., 599). Rés. par la C. d'appel.

Mais la reconstitution d'un vignoble ravage par le phylloxera constitue, non une amélioration, au sens de l'art. 599, $2, mais une grosse réparation, dans les termes de l'art. 606, C. civ., à raison de laquelle

demnité, conformément à l'opinion qui reconnaît ce droit à l'usufruitier qui a fait des constructions nouvelles (V. pour le cas de reconstruction d'un bâtiment à la suite d'un incendie, Colmar, 13 janv. 1831, S. 1831.2.180. P. chr.; Pand. chr.), soit, au contraire, pour décider que la reconstruction, aussi bien que la construction nouvelle, est une amélioration, pour laquelle l'usufruitier ne peut réclamer aucune indemnité. V. pour le cas de substitution de constructions nouvelles à des bâtiments insuffisants pour l'usage auquel ils étaient destinés, Colmar, 18 mars 1853 (S. 1854.2.624.-P. 1854.1.530); et pour le cas de reconstruction d'un immeuble détruit par un incendie, Besançon, 5 avril 1887 (S. 1889.2.62. P. 1889.1.347).

l'usufruitier est fondé à reclamer le montant de la plus-value lors de la cessation de l'usufruit (1) (C. civ.. 599, 605, 606).

Lorsqu'il est constaté que, d'après l'usage d'une région, les bois de sapins sont exploités par petites coupes annuelles, et que les sapinières sont aménagées de manière à ce que les sapins soient abattus à l'âge de trente ans, et le terrain réensemencé après la coupe, en sorte que les sapins, à raison de leur age lors de l'abalage, ne peuvent être considérés comme des arbres de haute futaie, et que leur abatage constitue le re

[ocr errors]

(1) Bien que la question ait été discutée (V. Bourges, 13 juin 1843, S. 1843.2.513), on s'accorde généralement à reconnaître que l'usufruitier, qui, aux termes de l'art. 605, C. civ., « n'est tenu qu'aux réparations d'entretien », a droit à une indemnité, s'il a effectué de grosses réparations. V. Douai, 2 déc. 1834 (S. 1835.2.29. P. chr.); Toulouse, 23 mai 1881 (sol. implic.) (S. 1881.2.141. - P. 1881.1.801); Alger, 29 mai 1886 (sol. implic.), sous Cass. 1er avril 1889 (S. 1889.1.217. - P. 1889.1.521; Pand. pér., 1889. 1.386). Adde, la note de M. Gilbert au Sirey sous Bourges, 13 juin 1843, précité; et Aubry et Rau, 5 éd., t. 2, p. 736, § 235; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 6, n. 550; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5 éd., t. 1er, n. 2869; Demolombe, Distinct. des biens, t. 2, n. 591; Baudry-Lacantinerie et Chauveau, Des biens, 3e éd., n. 685, p. 445, texte et note 3. Mais c'est seulement à l'expiration de l'usufruit que, d'après la jurisprudence, l'indemnité peut être réclamée. V. Toulouse, 23 mai 1881, et Alger, 29 mai 1886, précités, et les renvois; Aubry et Rau, loc. cit.; Baudry-Lacantinerie et Chauveau, op. cit., n. 685, p. 446. Et cette indemnité ne peut être que de la plus-value donnée à l'immeuble par les travaux effectués (V. Alger, 29 mai 1886, précité, et les renvois; Aubry et Rau, 5o éd., t. 2, p. 736, § 235, texte et note 9; Baudry-Lacantinerie et Chauveau, op. cit., n. 685, p. 446, texte et note 1), et non, comme il. a été soutenu, du remboursement intégral de la main-d'œuvre et des matériaux. V. en ce dernier sens, les autorités citées sous Alger, 29 mai 1886, précité; et Planiol, op. cit., t. 1, n. 2869.

Ce sont là les principes qu'affirme l'arrêt cidessus, et il en fait une application qui n'était pas sans présenter de difficulté. Il s'agissait, en effet, de décider si la reconstitution par l'usufruitier d'un vignoble détruit par le phylloxéra peut être considérée comme une grosse réparation. Pour lui dénier ce caractère, on peut dire que les plantations sont généralement considérées comme des améliorations. V. Aubry et Rau, 5o éd., t. 2, p. 737, § 235; Laurent, op. cit., t. 6, n. 491; Planiol, op. cit., t. 1er, n. 2868; Baudry-Lacantinerie et Chauveau, op. cit., n. 563; notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 599, n. 24; et notre Rép. gén, du dr, fr., vo Usufruit, n. 917 et 924; Pand. Rép., eod. verb., n. 1927 et s. V. cep., Demolombe, op. cit., t. 2, n. 643. Mais on peat répondre que, si des plantations nouvelles sont une amélioration, il n'en saurait être de même d'une plantation reconstituée après sa destruction. Les améliorations constituant, suivant la distinction communément admise, des dépenses utiles, tandis que les grosses réparations sont des dépenses nécessaires (V. sur cette distinction, Pothier, Tr. du douaire, n. 276, éd. Bugnet, t. 6, p. 438; Planiol, op. cit., t. 1, n. 2869), la reconstitution d'une vigne phylloxérée, qui a pour objet de remettre en valeur des terrains que le phylloxéra

venu régulier du fonds, les juges décident à bon droit que l'usufruitier, qui a exploité une sapinière dans ces conditions, né saurait être considéré comme ayant commis un abus de jouissance, ouvrant droit à indemnité en faveur du nu propriétaire, à la cessation de l'usufruit (2) (C. civ., 590, 591, 592).

L'usufruitier n'a droit aux arbres de haute futaie, fussent-ils épars, que lorsque ces arbres ont été mis en coupe réglée el que l'époque de l'une de ces coupes est arrivée; c'est alors seulement qu'ils cons

a rendus improductifs, n'est pas seulement une dépense utile, mais une dépense nécessaire, et peut, en conséquence, être tenue comme une grosse réparation. La Cour de cassation s'était déjà prononcée en ce sens, en décidant que la reconstitution d'un vignoble, qui donnait des revenus considérables, et qui a été ruiné par le phylloxera, constitue, au sens de l'art. 1558, C. civ., une grosse réparation pouvant justifier l'autorisation d'un emprunt hypothécaire sur le fonds dotal. V. Cass. 23 nov. 1898 (S. et P. 1899. 1.93; Pand. pér., 1899.1.104), et la note.

(2-3-4) Le Code civil donne à l'usufruitier des droits différents sur les bois taillis et sur les arbres de haute futaie. Pour les taillis, les coupes de bois sont considérées comme des fruits, qui appartiennent à l'usufruitier, à la condition de se conformer à l'aménagement ou à l'usage constant des anciens propriétaires (C. civ., 590), mais sans que l'absence d'aménagement par les anciens propriétaires lui enlève le droit de faire les coupes, dès lors qu'il jouira en bon père de famille. V. Aubry et Rau, 5o éd., t. 2, p. 686, § 230, texte et note 23; Demolombe, Distinct. des biens, t. 2, n. 392; Baudry-Lacantinerie et Chauveau, Tr. des biens, 3o éd., n. 606; et notre Rép. gen. du dr. fr.,

Usufruit, n. 342 et s.; l'and. Rép., eod. verb., n. 643 et s. V. toutefois en sens divers, Proudhon, Tr. des droits d'usufr., d'usage, t. 3, n. 1181; Du Caurroy, Bonnier et Roustaing, Comment. du C. civ., t. 2, n. 173. Comp. Paris, 17 juin 1870, sous Cass. 19 août 1872 (S. 1872.1.316. - P. 1872.838). Pour les arbres de haute futaie, ce n'est qu'autant qu'ils ont été mis en coupes réglées par les anciens propriétaires que l'usufruitier peut pratiquer des coupes, à la condition de les faire conformément à l'usage des anciens propriétaires; en dehors de ce cas, il ne peut toucher aux arbres de haute futaie, sinon pour les réparations dont il est tenu (C. civ., 591 et 592). La jurisprudence a conclu de là que l'usufruitier ne peut, à défaut de mise en coupe réglée, abattre des arbres de haute futaie épars sur le domaine soumis à usufruit, soit qu'il s'agisse d'arbres de haute futaie épars dans un bois taillis (V. Cass. 16 déc. 1874, S. 1875.1.265. - P. 1875.633, la note et les renvois), soit qu'il s'agisse d'arbres épars sur les haies de la propriété. V. Angers, 28 nov. 1878 (S. 1880.2.263.

P. 1880.990), et les renvois. Adde, Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5o éd., t. 1o, n. 2793; BaudryLacantinerie et Chauveau, op. cit., n. 615; notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 592, n. 7; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 336 et 358; Pand. Rép., eod. verb., n. 701 et s. V. cep., Guyot, Cours de dr. forest., t. 2, n. 1719 et s. Comp. Aubry t Rau, 5° éd., t. 2, p. 689, § 230.

C'est ce qui a été jugé spécialement pour des peupliers qui n'étaient pas soumis à coupe réglée, bien que l'usage constant des propriétaires du domaine et des autres propriétaires du pays fût

tituent des fruits (3) (C. civ., 591, 592). En conséquence, indemnité est due, à la cessation de l'usufruit, à raison des peupliers épars, ayant le caractère d'arbres de haute futaie, et non soumis à un aménagement, que l'usufruitier a fait abattre, suivant leur état et leur âge, au cours de l'usufruit (4) (Id.).

(Dlle de Gabriac C. de la Mure).

Le marquis de Fayolle, usufruitier du domaine de Chateaufort, est décédé en 1899, laissant comme héritières sa fille, la

de faire abattre chaque année un certain nombre de peupliers, suivant leurs besoins, et quand l'état de ces arbres exigeait qu'ils fussent abattus. V. Angers, 28 nov. 1878, précité, et les renvois. En refusant, dans l'espèce, d'admettre qu'il fût dû indemnité pour l'abatage de peupliers épars, et non mis en coupes réglées, l'arrêt attaqué s'était mis en opposition avec cette jurisprudence, que la Cour de cassation confirme expressément.

Une question plus délicate se posait en ce qui concerne l'exploitation de jeunes sapinières par l'usufruitier. Encore bien qu'elles eussent été aménagées en coupes réglées par les anciens propriétaires et que, pour les coupes, l'usufruitier se fût conformé à l'usage établi par eux, et qui était celui de la région, en telle sorte que l'usufruitier avait droit aux coupes par lui faites pendant son usufruit, qu'il s'agit de taillis ou de futaies, il pouvait y avoir intérêt à déterminer si les sapinières étaient des taillis ou des futaies, l'usufruitier ayant intégralement droit aux coupes do taillis, tandis que, pour les coupes de futaies, il faut tenir compte, ainsi que l'a décidé la Cour de cassation, que « la valeur totale des futaies, existant au moment de l'ouverture de l'usufruit, formie un capital, qui doit être conservé, de telle sorte que l'usufruitier a droit seulement aux augmentations que reçoit cette valeur par l'effet de la croissance continuelle des réserves .. V. Cass. 8 janv. 1845 (P. 1845.1.519), et le rapport de M. le conseiller Zangiacomi. V. aussi, Guyot, op. cit., t. 2, n. 1709.

L'arrêt attaqué avait déclaré qu'à raison du mode d'exploitation adopté (abatage après trente ans, suivi de réensemencement), les sapins ne pouvaient être considérés comme arbres de haute futaie, et la Cour de cassation reconnaît qu'il a été fait ainsi une exacte application de la lci. La distinction entre le taillis et la futaie consiste, en effet, en ce que le taillis est le bois qui s'exploite à des époques périodiques assez rapprochées et avant qu'il ait achevé sa croissance; la futaie s'entend des arbres qui ne s'exploitent qu'alors qu'ils ont atteint leur entier développement. V. Planiol, op. cit., t. 1er, n. 2792; et notre Rép. gen. du dr. fr., vis Bois, n. 14 et s., 28 et s., et Usufruit, n. 326 et s.; Pand. Rep., vo Usufruit, n. 643, 692. Et c'est à cette distinction que paraissent bien se rattacher les décisions qui ont reconnu aux bois de pins ou de sapins le caractère de futaie (V. Cass. 20 févr. 1812, S. et P. chr.; Besançon, 12 août 1852, cité à notre Rép. gen. du dr. fr., v Usufruit, n. 359; Pand. Rép., eod. verb., n. 713 et s.; C. d'appel de Bruxelles, 30 juil. 1861; Pasier. belge, 1861.2.326; Pau, 8 févr. 1886, cité par notre Rép. gen. du dr. fr., verb. cit., n. 332; Pand. Rep., loc. cit.), soit à raison de l'âge des arbres (V. Pau, 8 févr. 1886, précité), soit parce que les bois plantés de pins ne s'exploitaient pas en taillis. V. Cass. 20 févr. 1812, précité.

« PrécédentContinuer »