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c'est-à-dire consacrée à sa clientèle personnelle; qu'il est inadmissible que, durant tout le cours de cette journée du 3 décembre, il n'ait pas été touché par les télégrammes, pressants ceux-là, que la station de Labenne lui avait adressés à 8 h. 20 du matin et à 2 h. 40 du soir, et qu'il a été négligent à l'excès en ne prenant pas toutes les dispositions utiles pour se rendre au plus tôt auprès de Duvigneau, qu'aux termes du contrat qui le liait avec la Comp. du Midi, il avait le devoir étroit de visiter; qu'on peut se demander même si, en se retranchant derrière un prétendu scrupule professionnel, Ribeton n'a pas manqué à ses obligations envers la Comp., en s'abstenant d'aller visiter Duvigneau, laissé sans soins depuis plus de quarante-huit heures, lorsqu'il a appris que la demanderesse, affolée en voyant que la maladie de son mari allait empirant, avait, en désespoir de cause, appelé le Dr Junca; qu'il serait au moins illogique que la Comp. du Midi, qui a assumé la charge de faire donner à ses employés les soins médicaux gratuits, ne se soit pas réservé le droit de les faire visiter par ses médecins, lorsqu'ils se font soigner, à leurs frais, par d'autres que par eux, et cela, ne fût-ce que pour contrôler si la maladie est réelle et pour prévenir des abus; Attendu que le retard mis par Ribeton à faire diligence pour se rendre auprès de Duvigneau suffit à le constituer en faute, et justifie, à lui seul, le principe de la demande de la veuve Duvigneau; qu'à la vérité, celle-ci n'a pas établi le rapport de causalité entre ce retard et la mort de Duvigneau, que toute maladie, par ailleurs, à ses aléas, mais

qu'o

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'on peut présumer cependant que si, dans là journée du 2 décembre, Ribeton était accouru auprès de cet agent, et l'avait, dès le début, soumis à un traitement approprié, il aurait pu conjurer les effets désastreux de la pneumonie dont il était atteint, le processus de cette maladie étant généralement plus long que le terme de six jours, temps au bout duquel Duvigneau a succombé;

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Ribeton, comme tous les autres médecins de la Comp., recouvrait son indépendance absolue de praticien, et était seul juge des soins à donner et du traitement à suivre, sous le controle possible des médecins supérieurs de la Comp. du Midi, mais sans pouvoir recevoir directement de celle-ci, incompétente en la matière, et qui, ce faisant, aurait d'ailleurs contrevenu aux lois et règlements sur l'exercice de la médecine, des instructions relatives à la médication à faire, aux opérations à pratiquer, aux remèdes à donner ou à appliquer; Attendu que, la qualité de préposé de la Comp. appartenant ainsi à Ribeton, ladite Comp. est responsable vis-à-vis de la veuve Duvigneau du fait de ce dernier, qui, manquant à ses obligations, ne s'est pas rendu, au premier appel, auprès de son mari malade pour lui donner les soins qui, peut-être, auraient pu avoir le résultat heureux d'amener sa guérison et de lui - C. Sur le préjudice : conserver la vie;

COURS D'APPEL, TRIBUNAUX, etc.
Comp. du Midi se trouve avoir manqué à
l'obligation qu'elle avait contractée envers
Duvigneau de lui procurer gratuitement
les soins médicaux dont il pouvait avoir
besoin, et qui, dans la circonstance, s'impo-
saient impérieusement; qu'ainsi se trouve
démontrée l'existence d'une faute person-
nelle imputable à la Comp. du Midi;
Attendu
II. Sur sa responsabilité:
que la Comp. du Midi a fait plaider que, Ri-
beton n'étant pas son préposé dans le sens
de l'art. 1384, C. civ., elle ne saurait être
déclarée responsable du fait de ce dernier;
que, pour qu'il en soit ainsi déclaré, elle
prétend que les médecins attachés à son
service ne sont pas vis-à-vis d'elle sous sa
dépendance, tels que le sont les préposés
dont il est cas audit article vis-à-vis de
leurs commettants; que, n'étant que chef
de l'entreprise de transports, il n'entre pas
dans son rôle de soigner ses agents ma-
lades; que, dès lors, en assurant à ceux-ci
la gratuité des soins médicaux, elle ne met
pas à sa place, elle ne prépose pas le mé-
decin qui a charge de donner ses soins;
que celui-ci, homme de l'art, qui ne peut
être assimilé à un chauffeur ou un méca-
nicien de locomotive ou encore à un agent
de l'exploitation, soigne ses malades sous
sa propre responsabilité; que le rôle de
la Comp. se borne à lui dire de soigner
pas
ses employés malades, mais qu'elle n'a
à leur donner d'instructions relatives au
traitement à suivre, n'étant pas compé-
tente en matière de médecine; que, se fon-
dant sur l'autorité de divers arrêts (Cass.
P. 1887.
25 oct. 1886, S. 1887.1.457.
1.1134; 4 févr. 1880, S. 1880.1.463.
P. 1880.1158; Grenoble, 29 oct. 1901, Redon
C. Chem. de fer Paris-Lyon-Méditerranée,
ce dernier visant le cas spécial d'un méde-
cin de Comp. de chemins de fer), elle sou-
tient que la responsabilité, que l'art. 1384,
C. civ., fait peser sur le commettant, ne
suppose pas seulement qu'il a choisi son
préposé, mais encore qu'il a le droit de lui
donner des ordres et des instructions sur
la manière de remplir les fonctions aux-
quelles ils est attaché; que, pas plus qu'une
société de secours mutuels qui a assuré à
ses membres la gratuité de soins médicaux,
elle ne peut être recherchée en respon
sabilité, en vertu de l'art. 1384, C. civ., au
cas où le médecin aurait commis une faute
lourde dans l'exercice de ses fonctions;
Mais attendu qu'en argumentant de la
sorte, la Comp. du Midi déplace la ques-
tion; que la veuve Duvigneau n'a jamais
fait grief à Ribeton d'avoir mal soigné son
mari, ou d'avoir fait preuve d'ignorance,
d'incapacité, d'impéritie ou d'incurie dans
le traitement; qu'elle lui reproche, ce qui
est peut-être plus grave, de ne l'avoir pas
soigné du tout, et d'avoir ainsi manqué à
un devoir de sa fonction, à une obligation
du contrat de louage de service qui le liait
à la Comp. du Midi; que ce contrat pla-
çait Ribeton sous la dépendance et l'auto-
rité de la Comp. du Midi, qui, ainsi qu'elle
le reconnait elle-même, était en droit de
lui intimer l'ordre de soigner ses agents
malades, et qu'il n'est pas douteux que,
dans cette limite étroite, ce médecin était
le préposé de la Comp.; qu'il est non moins
certain qu'une fois au chevet du malade,

B. En ce qui concerne la Comp. du Midi : I. Sur la faute personnelle : Attendu que, dès le premier moment, la Comp. du Midi a eu connaissance du caractère, sinon grave, du moins sérieux, de l'état de maladie de Duvigneau, puisqu'elle a cru devoir, sachant qu'il avait interrompu son service, le faire remplacer par un intérimaire, envoyé spécialement de Bordeaux le même jour, 2 décembre; que, s'il faut reconnaître qu'elle a scrupuleusement transmis à Ribeton les trois télégrammes des 2 et 3 décembre, que la station de Labenne avait adressés à ce dernier, le mettant ainsi en quelque sorte en demeure d'avoir à remplir les obligations auxquelles il était tenu envers le malade qu'était devenu Duvigneau, elle avait le devoir, devant les appels pressants qui firent l'objet des deux télégrammes du 3 décembre, de se préoccuper de la raison pour laquelle Ribeton ne s'était pas rendu auprès de cet agent, de lui intimer l'ordre de l'aller visiter sans tarder et, au besoin, de le faire remplacer par un autre médecin; mais qu'ayant négligé de ce faire, la

Attendu que Duvigneau est mort prématurément, à l'âge de quarante ans, en pleine force et vigueur, alors qu'il pouvait espérer de longues années d'existence et atteindre le terme de sa retraite; qu'à son traitement fixe de 1.500 fr. par an, s'ajoutaient la jouissance d'un logement et celle d'un jardin, représentant une valeur locative annuelle qu'il n'est pas téméraire de fixer à 300 fr.; que, s'il avait vécu seulement jusqu'au 1er janv. 1911, sa veuve aurait eu droit au service, par la caisse de prévoyance, d'une pension annuelle de 200 fr. environ; que sa brusque disparition a tari la source de ces avantages, fruit de l'épargne et du travail; que la veuve Duvigneau a, par suite, éprouvé, du fait de la mort de son mari, un préjudice matériel incontestable; qu'il est à peine besoin d'indiquer qu'elle a subi, par suite de ce même fait, survenu dans les circonstances douloureusement tristes ci-dessus rapportées, un préjudice moral considérable; qu'il lui en est dû réparation par la Comp. du Midi et par Ribeton solidairement; Attendu toutefois que la somme de 30.000 fr., qu'elle leur réclame à titre de dommages-intérêts, est exagérée; qu'il existe en la cause des éléments d'appréciation suffisants pour permettre au tribunal de les arbitrer à 15.000 fr., etc. ». Appel par le Dr Ribeton et la Comp. du Midi.

:

ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'il est constant en fait 1°...; 2o que Duvigneau était obligatoirement membre cotisant de la caisse de prévoyance instituée par la Comp. ; qu'à ce titre, il versait à la Comp. 2 p. 100 de son traitement mensuel; qu'en retour, la Comp. devait lui procurer, en cas de maladie, les soins gratuits des médecins attachés à son service; 3° qu'aux termes des règlements, le membre cotisant ne peut s'adresser qu'au médecin de section, et que c'est seulement en cas d'urgence qu'il peut, exceptionnellement, recourir à un autre homme de l'art; 4° que le médecin de la section dont dépend En ce qui Labenne est le Dr Ribeton; Attendu que la concerne Ribeton : Comp. des chemins de fer du Midi, en sti

pulant avec lui qu'il donnerait ses soins aux employés de la section, a stipulé, non dans son intérêt, mais dans l'intérêt desdits employés; qu'ainsi, un lien de droit s'est établi entre ceux-ci, au nombre desquels était Duvigneau, et Ribeton, et que, par suite, Duvigneau a pu valablement engager une action directe à l'égard de ce dernier; Attendu que Ribeton, s'étant obligé à donner ses soins aux employés de la section, est responsable de toute négligence commise dans l'exécution de son obligation, si cette négligence a eu pour conséquence certaine de causer un dommage; Attendu qu'en ne se rendant pas auprès de Duvigneau dans les conditions ci-dessus précisées, Ribeton a commis une négligence évidente, considérablement aggravée par le fait d'avoir laissé sans réponse les trois télégrammes; qu'en effet, son silence était de nature à faire croire à son arrivée prochaine, et a empêché, par suite, le malade ou son entourage de recourir, dans cette croyance, à un autre médecin; que cette négligence a donc eu pour conséquence certaine de priver le malade, pendant les débuts de sa maladie, des soins éclairés et nécessaires d'un homme de l'art; Attendu qu'on ne peut soutenir, à moins de nier l'efficacité de l'intervention médicale, qu'il n'y a aucune relation de cause à effet entre la mort de Duvigneau et la négligence grave commise par Ribeton; que cette relation peut être établie par tous les moyens, et, par conséquent, par présomption; qu'il suffit de constater, d'une part, que le malade était sain et dans la force de l'âge, c'est-à-dire dans des conditions telles que des soins appropriés devaient donner à son organisme le maximum de résistance, d'autre part, que la maladie était une pneumonie, c'est-à-dire une maladie dont l'évolution exige, plus qu'aucune autre, des soins immédiats, enfin, qu'il est démontré par l'expérience qu'une pneumonie, prisé à son début, se termine d'ordinaire par la guérison; Attendu que ces constatations constituent un ensemble de présomptions graves, précises et concordantes, donnant à la Cour la certitude que le défaut de soins, occasionné par la négligence de Ribeton, a permis à la maladie de se déve lopper, de s'aggraver et d'arriver à un tel état d'acuité qu'il n'a plus été possible de conjurer ensuite une issue fatâle; Attendu que, de ces divers motifs et de ceux

--

(1-2) Il y a controverse sur le point de savoir si l'on peut considérer comme une correspondance circulant à découvert, au sens de l'art. 1er de la loi du 11 juin 1887 (S. Lois annotées de 1887, p. 231 - P. Lois, décr., etc., de 1887, p. 398; Pand. pér., 1887.3.49), une lettre diffamatoire ou injurieuse enfermée dans une enveloppe non cachetée. V. la note sous Pau, 1er août 1891 (S. 1891.2.205. P. 1891.1.1191). - Une première opinion se prononce pour la négative, et interprète restrictivement la loi du 11 juin 1887, en décidant que la qualification de correspondance à découvert ne peut s'appliquer à une correspondance qui ne se place pas d'elle-même sous les yeux des intermédiaires. V. Barbier, Code expliqué de la presse, 1'e éd., Compl., n. 164-4°, p. 48; Fabreguettes, Tr. des délits polit.

non contraires du jugement entrepris, il résulte que c'est avec raison que les premiers juges ont admis la responsabilité de Ribeton;

En ce qui concerne la Comp. des chemins de fer du Midi : - Attendu qu'il ressort des documents et circonstances de la cause que la Comp., obligée à procurer à Duvigneau des soins gratuits, a rempli cette obligation, en contractant avec Ribeton, dans les conditions prévues aux règlements, et en permettant à Duvigneau de recourir, en cas d'urgence, à un autre médecin; qu'à la vérité, elle aurait pu engager sa responsabilité par une transmission défectueuse des télégrammes, mais qu'à ce point de vue, il est reconnu qu'elle a fait toute diligence; que c'est donc à tort que les premiers juges ont retenu à son encontre une faute personnelle;

Mais

attendu que c'est avec raison qu'ils ont décidé que Ribeton était son préposé, et que, à ce titre, elle était responsable; qu'il y a lieu, sur ce point, d'adopter les motifs de leur décision; Attendu, enfin, que les premiers juges ont exactement apprécié le préjudice causé à la dame veuve Duvigneau; que l'évaluation faite par eux n'est, du reste, pas contestée par les appelants, et qu'il suffit de s'approprier les motifs de leur jugement pour la justifier; Par ces motifs; Confirme, etc.

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Du 30 juin 1913. C. Pau. MM. le cons. Maury, prés.; Ancely, subst.; Chalės (du barreau de Bordeaux), Lamaignére, du Foz du Rau (ce dernier du barreau de Dax), av.

MONTPELLIER 22 mai 1913. DIFFAMATION, INJURE, CORRESPONDANCE A DÉCOUVERT, LETTRE NON CACHETÉE, ENVELOPPE NON CLOSE (Rép., v° Diffamation, n. 1878 et s.; Pand. Rép., v° DiffamationInjure, n. 639 et s.).

On ne saurait considérer comme une correspondance circulant à découvert, au sens de la loi du 11 juin 1887, qui punit la diffamation et l'injure commises par les correspondances postales et télégraphiques circulant à découvert, une lettre contenue dans une enveloppe non cachetée, dont le revers est enfermé en dedans de l'enveloppe (1) (L. 11 juin 1887, art. 1er).

Il suffit, en effet, qu'une manœuvre, quel

et des infr. par la parole, l'écrit. et la presse, 2o éd., t. 1o, n. 55, p. 215, note 2. La Cour de Pau s'est prononcée en ce sens, en décidant que la loi du 11 juin 1887 ne s'applique pas au cas où la diffamation ou l'injure sont contenues dans une lettre close, mais non cachetée, écrite sur le recto d'une feuille simple, qui a été pliée pour recevoir au verso l'adresse du destinataire. V. Pau, 1er août 1891, précité. De même, la Cour de Bordeaux a décidé que l'envoi par la poste de circulaires diffamatoires, sous enveloppes même non cachetées, ne constitue pas le délit spécial prévu par la loi du 11 juin 1887. V. Bordeaux, 5 déc. 1895 (Rec. de Bordeaux, 1896.1. 35). V. encore, Trib. de Douai, 2 févr. 1899 (Journ. Le Droit des 24-25 avril 1899). - Une autre opinion admet, au contraire, qu'une correspondance circule

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LA COUR; Attendu que le sieur Roudoulausse a été poursuivi par le ministère public pour avoir expédié par l'Administration des postes et télégraphes une correspondance, qualifiée correspondance à découvert, adressée aux demoiselles Bosc, institutrices, contenant des imputations dé nature à porter atteinte à leur honneur ou à leur considération; Attendu qu'il s'agit, en l'espèce, d'une lettre placée sous enveloppe, dont le revers, au lieu d'avoir été collé ou cacheté, a été enfermé en dedans, dans l'enveloppe même; qu'ainsi disposée, la correspondance ne se présentait pas d'elle-même aux yeux des agents chargés de la transmission, et qu'un acte volontaire était nécessaire de la part des tiers, pour prendre connaissance des expressions diffamatoires ou injurieuses que pouvait contenir la lettre; Or, attendu que l'art. 1er de la loi du 11 juin 1887 prévoit le cas où une correspondance circule à découvert, et qu'on ne peut considérer comme telle une lettre close, quoique non cachetée, se défendant contre l'indiscrétion des tiers, sinon par un obstacle matériel, tout au moins par le sentiment de délicatesse et l'obligation du devoir professionnel s'imposant à tous ceux à qui une lettre est confiée; qu'il suffit qu'une manoeuvre, quelque facile qu'elle soit, soit nécessaire pour violer le secret de la correspondance, pour qu'on ne puisse la considérer comme circulant à découvert ainsi que l'exige la loi; Attendu, sans doute, et comme le fait remarquer le tribunal, que la lettre incriminée pourrait constituer la contravention de police prévue par l'art. 471, 11, C. pén., mais que, aux termes de l'art. 192, C. instr. crim., la Cour serait incompétente pour en connaitre; Par ces motifs; Dit que le fait reproché au sieur Roudoulausse ne tombe pas sous l'application de la loi du 11 juin 1887, en vertu de laquelle il a été poursuivi et le relaxe des fins de la poursuite, sans dépens, etc.

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Du 22 mai 1913. C. Montpellier, ch. corr. MM. Moulenq, prés.: Falgairulle. av. gén.; Lisbonne, av.

à découvert, lorsqu'elle ne se défend contre l'indiscrétion des tiers par aucun obstacle matériel, lorsque toute personne, en dépliant la feuille sur laquelle la lettre est écrite, ou en la retirant de l'enveloppe non close qui la contient, a le moyen d'en prendre connaissance. V. Le Poittevin, Tr. de la presse, t. 2, n. 908, p. 530; Matter et Rondelet, sur Barbier, Code expliqué de la presse, 2o éd., t. 1, n. 261-4°. Ces derniers auteurs citent en ce sens un arrêt de la Cour de Paris, rendu en 1893, et dont ils ne précisent pas la date, qui aurait fait application de la loi de 1887 à l'expéditeur de lettres diffamatoires placées sous une enveloppe cachetée, mais avec une mention portée sur l'enveloppe pour inviter à l'ouvrir et à prendre connaissance de son contenu.

AIX 12 février 1912.

GAGE, FONDS DE COMMERCE, MATÉRIEL, IMMEUBLE PAR DESTINATION, MATÉRIEL SUBSTITUÉ, AUGMENTATION, HYPOTHÈQUE, ConFLIT, MAUVAISE FOI, Loi du 1er MARS 1898, LOI DU 17 MARS 1909 (Rép., v° Gage, n. 306 et s.: Pand. Rép., vo Fonds de commerce, n. 1099 et s.).

Le matériel d'une usine, lorsqu'il est immeuble par destination, peut-il faire l'objet d'un nantissement commercial, par applica tion de la loi du 17 mars 1909 (1) (LL. 19 mars 1898; 17 mars 1909, art. 9)? V. la note.

En tout cas, les hypothèques légales et les autres hypothèques qui grèvent l'immeuble où est installée l'usine frappent le matériel au fur et à mesure de son immobilisation (2) (C. civ., 2118).

(1 à 8) C'est une difficulté toute nouvelle, née indirectement de l'organisation spéciale donnée au nantissement des fonds de commerce par les lois du 1er mars 1898 et du 17 mars 1909, que le conflit du créancier hypothécaire et du créancier nanti sur le matériel immobilisé par destination. Rien, ni dans ces lois, ni dans les travaux préparatoires qui les out précédées, ne permet de le trancher. Ce n'est pas, en effet, dans un rapport fait à la Chambre des députés que se rencontre l'affirmation, relevée par l'arrêt ci-dessus, que la préférence doit appartenir au plus anciennement inscrit des créanciers, mais bien dans un rapport à la Société des études législatives (Bull. de la Soc. des études législ., 1903, p. 232; S. et P. Lois annotées de 1909, p. 861, 1 col., note 42; Pand. pér., Lois annotées de 1909, p. 861, 1re col., note 42); ce rapport ne peut être d'aucun secours pour l'interprétation d'un texte de loi, et son auteur ne pouvait qu'exprimer un simple vœu, qui a été ainsi formulé dans le projet soumis à la Société, sans d'ailleurs qu'aucune discussion s'engageât sur la disposition ainsi proposée : «En cas de conflit entre le créancier nanti et un créancier ayant une hypothèque sur l'immeuble auquel le matériel a été incorporé par le débiteur, propriétaire à la fois de cet immeuble et du fonds de commerce qui y est situé, le prix du matériel se distribue entre ces créanciers d'après la date respective des inscriptions du nantissement et de l'hypothèque » (Bull. de la Soc. des études législ., 1903, p. 261).

Il est bien certain, d'ailleurs, que ni le législateur de 1898, ni celui de 1909, n'ont songé à régler ce conflit. La loi de 1898 s'est bornée à dire que le fonds de commerce serait donné en nantissement à l'aide d'une inscription au greffe; la jurisprudence a dû s'appuyer sur les principes généraux et sur les solutions antérieurement données à des questions analogues pour trancher le conflit entre le créancier nanti et d'autres créanciers ayant un privilege mobilier, comme le vendeur de meubles ou le bailleur de l'immeuble. V. Rouen, 11 déc. 1901 (S. et P. 1904.2.225), et la note de M. Wahl. Quant à la loi de 1909, qui, dans les développements qu'elles a donnés à l'institution du nantissement des fonds de commerce, aurait pu se préoccuper de régler le conflit entre le créancier gagiste et les créanciers privilégiés ou hypothécaires, elle ne l'a pas prévu, et elle règle exclusivement le conflit entre créanciers gagistes successivement inscrits, en donnant la préférence au plus anciennement inscrit (art. 12), ce qui, d'ailleurs, n'aurait guère, en l'absence même d'un texte, été contestable. On conçoit, du reste, qu'elle ne se soit pas préoccupée de l'hypothèse où le matériel serait à la fois grevé d'un gage et d'une hypothèque, car c'était ANNEE 1913. 10o cah.

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Et cela, sans distinction entre le matériel qui se trouvait dans l'usine au moment de la constitution de l'hypothèque et celui que le propriétaire y a apporté par la suite, par substitution où en augmentation du premier (3) (Id.).

Il s'ensuit qu'un nouveau matériel d'exploitation, introduit dans l'usine en remplacement du premier (détruit par un incendie), ayant, dès son entrée dans l'usine, pris le caractère d'immeuble par destination, est devenu à l'instant le gage des créanciers hypothécaires (4) (Id.).

En conséquence, cette incorporation matérielle ayant fait perdre au matériel son individualité, le privilège dont il pouvait être affecté, en tant qu'objet mobilier, au profit d'un créancier gagiste, s'est évanoui ipso facto (5) (Id.).

là une difficulté toute nouvelle, qui n'était pas sus ceptible de se présenter avant la loi de 1898, et qui ne s'était guère présentée depuis.

Antérieurement à la loi de 1898, la question se posait, en effet, tout autrement qu'aujourd'hui. En vertu de l'art. 2133, C. civ., l'hypothèque qui grève un immeuble s'étend de plein droit aux immeubles par destination qui s'ajoutent à l'immeuble. V. Toulouse, 15 mars 1911 (S. et P. 1911.2.143; Pand. pér., 1911.2.143), la note et les renvois. Or, au nombre des immeubles par destination, la jurisprudence range le matériel d'exploitation, placé dans l'immeuble par celui qui est à la fois propriétaire de l'immeuble et du fonds de commerce, pourvu du moins que le matériel ne puisse, sans transformation ni détérioration, être affecté à un autre usage. V. Cass. 9 déc. 1885 (S. 1886.1.201. - P. 1886.1.494); Limoges, 29 juin 1888 (S. 1888.2.205.

-

P. 1888.1.1101); Cass. 19 oct. 1896 (sol. implic.) (S. et P. 1897.1.128; Pand. pér., 1897.1.293); Toulouse, 15 mars 1911, précité, les notes et les renvois. Il va sans dire que, comme il n'y a qu'une seule inscription, celle qui porte sur l'immeuble par nature, cette inscription conserve à sa date le droit hypothécaire sur tous les objets frappés de l'hypothèque, y compris les immeubles par destination, et cela même s'ils ne sont entrés dans le patrimoine qu'après l'inscription; c'est d'une manière absolue que l'art. 2134, C. civ., assigne comme rang à l'hypothèque celui qui résulte de la date de l'inscription.

Il pouvait se faire qu'avant l'inscription, le matériel eût été donné en gage, par le propriétaire de l'immeuble et du fonds de commerce, à un créancier. Mais le créancier gagiste et le créancier hypothécaire n'étaient jamais en conflit; d'une part, en incorporant le matériel à l'immeuble, et en le transformant ainsi en immeuble par destination, le propriétaire le rendait insusceptible de gage, puisque le gage ne peut porter que sur des biens mobiliers (C. civ., 2072). D'autre part, le gage ne pouvait être constitué que par la mise en possession du créancier gagiste (C. civ., 2071) (V. Cass. 26 mars 1907, S. et P. 1911.1.372; Pand, pér., 1911.1.372, et le renvoi. V. aussi, Cass. 2 janv. 1912, S. et P. 1912.1.200; Pand. pér., 1912.1.200, et le renvoi), et ne pouvait subsister que tant que l'objet donné en gage restait en la possession du débiteur (C. civ., 2076) (V. Dijon, 10 févr. 1902, S. et P. 1904.2.97; Cass. 26 mars 1907, précité, et les renvois), de sorte que le propriétaire, qui incorporait à l'immeuble l'objet donné en gage, en reprenait par là même possession, et mettait fin au privilège du créancier gagiste.

Cette solution est d'accord avec celle qu'admet la Cour de cassation en ce qui concerne le privi

Sauf le cas de mauvaise foi et le cas où les créanciers hypothécaires auraient, soit texpressément, soit tacitement, accepté le nantissement qui grevait le matériel au moment de son introduction dans l'usine, el, par ce fait, reconnu le droit de priorité du créancier gagiste (6) (Id.).

Ces règles n'ont pas été modifiées par la loi du 1er mars 1898, qui a traité le nantissement du fonds de commerce comme s'il était un gage, et, par son silence sur les conflits possibles avec les créanciers hypothécaires, a implicitement renvoyé aux règles de l'art. 2102, qui fixe les droits des créanciers gagistes en général (7) (L. 1er mars 1898).

Que décider depuis la loi du 17 mars 1909 (8) (L. 17 mars 1909, art. 9)? — V. la note.

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lège du vendeur de meubles devenus ensuite immeubles par destination, et compris ainsi, en vertu de l'art. 2133, C. civ., dans l'hypothèque constituée sur le fonds. La Cour de cassation reconnait, en effet, que le privilège ne s'exerce pas « au préjudice des créanciers ayant hypothèque sur l'immeuble dont les meubles vendus sont devenus l'accessoire ». V. Cass. 11 janv. 1887 (S. 1887.1. 154. P. 1887.1.369; Pand. pér., 1888.1.290), le rapport de M. le conseiller Demangeat, et la note. Adde, Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Du nantiss., des priv. et hyp., 3o éd., t. 1o, n. 504, et t. 3, n. 1945: En effet, dit l'arrêt de Cass. 11 janv. 1887, précité, cet exercice serait contraire à l'art. 524, C. civ., et à tout le système hypothécaire Cette référence au « système hypothécaire» signifie sans doute que, l'hypothèque s'étendant aux immeubles par destination, ces immeubles ne sont pas susceptibles d'être grevés d'un droit de préférence établi sur les meubles; le renvoi à l'art. 524 veut dire nettement que, cette disposition rangeant parmi les immeubles les meubles affectés au service d'un imameuble, les privilèges mobiliers cessent de frapper cet immeuble. Aussi est-il douteux que la Cour de cassation entende simplement, comme on l'a soutenu (Baudry-Lacantinerie et de Loynes, op. et loc. cit.), préférer le créancier hypothécaire au vendeur de meubles, tout en reconnaissant le maintien du privilège du vendeur de meubles, qui pourrait être opposé aux créanciers chirographaires. Elle n'avait à statuer que sur un conflit entre deux créanciers, et les arguments qu'elle invoque sont en faveur de l'extinction absolue du privilège qui appartenait au vendeur de meubles.

Il pouvait se faire, réciproquement, qu'après l'inscription, le propriétaire, resté jusqu'alors en possession du matériel, le donnât en gage. La solution était alors inverse. C'est l'hypothèque qui, d'une manière absolue, cessait de frapper le matériel. En effet, une fois détachés de l'immeuble, les immeubles par destination reprennent, vis-à-vis de tous, le caractère mobilier; par conséquent, ils cessent d'être grevés d'un droit réel autorisé exclusivement sur les immeubles.

Ici encore, la solution est d'accord avec une autre solution admise par la jurisprudence. L'hypothèque cesse de frapper les immeubles par destination, quand ils ont été vendus et livrés à un tiers; car, en vertu de l'art. 2279, C. civ., le tiers est devenu propriétaire de cet objet comme objet mobilier, et il lui arrive ainsi dégagé de tout droit réel immobilier. V. Cass. 21 nov. 1894 (S. et P. 1896.1.230; Pand, pér., 1895,1.491); 1 mai 1906 (S. et P. 1909.1.9; Pand. pér., 1909.1.9), la note de M Naquet, 3 col.. et les renvois; Toulouse, 15 mars Ile PART. 36

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1911, précité, et la note. On sait que, d'après la jurisprudence, le bénéfice de l'art. 2279 appartient aussi bien au créancier gagiste qu'à l'acquéreur. V. Cass. 25 mars 1901 (S. et P. 1901.1.305, et la note de M. Lyon-Caen; Pand. pér., 1901.1.382); 23 oct. 1905 (S. et P. 1906.1.40), et le renvoi. Adde, LyonCaen et Renault, Tr. de dr. comm., 4o éd., t. 3, n. 290.

En un mot, il n'y avait jamais de conflit, parce que, l'hypothèque supposant que le propriétaire de l'immeuble est en possession des accessoires de l'immeuble, et le gage supposant que le créancier gagiste est en possession des mêmes accessoires, le gage et l'hypothèque s'excluaient réciproque

ment.

Les développements qui précèdent ne sont pas, comme on le verra, sans intérêt pour l'examen de la question sous l'empire des lois de 1898 et de 1909. Mais il est certain que le problème a changé de nature, et en même temps est devenu beaucoup plus délicat.

Il est évident que le matériel continue à être susceptible de devenir immeuble par destination, et, s'il est immeuble par destination, à être soumis aux hypothèques qui grèvent l'immeuble dans lequel le fonds est exploité. Sur ce point, des lois qui n'ont pas pour objet l'hypothèque n'ont rien pu

modifier.

D'une manière générale, sous l'empire de la loi de 1898, le matériel était compris dans le nantissement du fonds de commerce, d'après une jurisprudence fermement assise, qui se basait sur ce que, faute de distinction, la loi de 1898 entendait par fonds de commerce tous les éléments de ce fonds. V. Paris, 18 mars 1903 (S. et P. 1905.2.289, et la note de M. Wahl; Pand. pér., 1903.2.161); Cass. 5 janv. 1904 (sol. implic.) (S. et P. 1904.1.223; Pand. pér.. 1905.1.33). L'art. 9 de la loi de 1909 ne diffère à cet égard de la loi de 1898 qu'en un point: c'est qu'à défaut de désignation expresse et précise », le matériel n'est pas soumis au nantissement; mais il compte parmi les éléments qui sont susceptibles d'y être soumis : le mobilier commercial, le matériel ou l'outillage servant à l'exploitation du fonds "1 dit l'art. 9. Dans l'espèce, le matériel avait (a) (Commerson C. Clerc et Perrucot). - JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Considérant que, par acte reçu Besson, notaire à Dijon, le 19 févr. 1906, Maurice, entrepreneur de menuiserie, et Marie Gaudillière, sa femme, se sont reconnus débiteurs envers Commerson d'une somme principale de 3.000 fr.; qu'à la garantie de cette créance, ils affectaient hypothécairement la généralité de leurs immeubles, dont un sis aux Lentillères, et notamment, a au fond de la cour, grand bâtiment élevé sur terreplein, à l'usage d'atelier de menuiserie, avec tout le matériel et les machines, pouvant être considérés comme immeubles par destination »; qu'en outre, et par le même acte, la dame Maurice subrogeait Commerson dans les effets de son hypothèque légale sur les biens de son mari;

Considérant que, Maurice ayant été déclaré en faillite, les machines et le matériel contenus dans le bâtiment cidessus décrit furent vendus, avec l'autorisation de Commerson et sous réserve de ses droits, à Clerc et Perrucot, pour la somme globale de 4.000 fr.; que Commerson, en sa qualité de créancier hypothécaire, entend se faire payer sur cette somme du montant de ce qui lui reste du en principal, intérêts et frais, à l'encontre de Clerc et Perrucot, qui ne sont que créanciers gagistes, et qu'à cet effet. il les a assignés devant le tribunal civil; -- Considérant que Clerc et Perrucot objectent que, par acte sous seing pirvé des 22 et 23 mars 1901, enregistré à Dijon le 20 avril 1904, et inscrit au greffe du tribunal de commerce de Dijon, le 20 avril 1904, les mariés Maurice leur ont donné en gage et nantissement le fonds de commerce (fabrication mécanique de menuiserie et meubles) qu'ils exploi

en fait que, le 23 nov. 1905, un incendie ayant détruit les machines et autres appareils d'exploitation du moulin de la Palud, appartenant à Long, et dont le prix fait

été donné en nantissement par application de la loi du 1er mars 1898, c'est-à-dire sans dépossession du constituant et par voie d'inscription au greffe. La Cour d'Aix émet un doute sur la validité du nantissement qui portait exclusivement sur le matériel. Ce doute, à notre avis, est entièrement justifié ; la loi de 1898 organisait le nantissement du fonds de commerce, et non pas de l'un ou l'autre des éliments du fonds. On conçoit que le matériel puisse être exclu, parce qu'il n'est pas un élément essentiel du fonds et peut facilement y être remplacé par un autre matériel; on ne conçoit pas que cet ensemble d'immeubles corporels, susceptibles d'étre utilisés ailleurs, puisse, par la volonté des parties, être assimilé au fonds lui-même. Cela est encore plus certain depuis la loi de 1909, qui, ainsi que nous l'avons vu, ne considère le matériel que comme une partie accessoire du nantissement.

La Cour, qui a, comme nous le disons, refusé tout droit au créancier nanti, aurait donc pu justifier facilement sa solution, en déclarant le nantissement nul, faute de mise en possession conforme au droit commun, et sans prendre parti sur le conflit qui s'élevait entre le créancier hypothécaire et le créancier gagiste.

A supposer que le nantissement portât sur le fonds de commerce, y compris le matériel, ce maté riel avait été, en fait, incorporé à l'immeuble, de manière à constituer un immeuble par destination. Cette incorporation était-elle conciliable avec la clause qui comprenait le matériel dans le nantissement? Ici encore, l'arrêt émet un doute, et ici encore la négative lui aurait permis d'écarter, sans autre raisonnement, la prétention du créancier nanti. Les auteurs, qui donnent au créancier nanti la préférence sur le créancier hypothécaire (V. Bouvier-Bangillon, De la vente et du nantiss. des fonds de commerce, n. 414, p. 177, note 1; Boutaud et Chabrol, Tr. gén. des fonds de commerce, n. 381), reconnaissent ainsi implicitement que, malgré l'hypothèque qui le frappe en tant qu'immeuble par destination, le matériel est susceptible d'être compris dans le nantissement du fonds; mais ils ne se sont pas posé directement la question. D'autre part, un arrêt, dont la solution est extrêmement critiquable, a permis de comtent, comprenant : 1° la clientèle et l'achalandage; 2o le matériel, l'outillage, le moteur et accessoires, scie mécanique, raboteuse, etc.; 3° les marchandises dépendant dudit fonds; que, sans avoir à rechercher si le matériel et les objets mobiliers dont le prix est en litige étaient ou n'étaient pas immeubles par destination, il y a lieu de remarquer que rien ne s'oppose à ce que le commerçant imprime aux objets qu'il veut donner en gage un caractère d'indivisibilité, et les affecte dans leur universalité à la garantie de sa créance, sous la condition de l'inscription au greffe du tribunal de commerce, prescrite par l'art. 2075, C. civ., modifié par la loi du 1er mars 1898; que les droits concédés ultérieurement sur les mêmes objets, soit par voie d'hypothèque conventionnelle, soit par voie de cession d'hypothèque légale, ne peuvent prévaloir sur leur droit de gage; Considérant qu'aux termes des art. 2072 et s., C. civ., le gage est un droit essentiellement mobilier. qui confère au créancier nanti un privilège sur les biens qui le constituent; que, si le nantissement est constitué sur des objets qui sont immeubles par leur nature et accessoirement par des objets qui sont immeubles par destination, il devient une antichrèse, droit réel immobilier, qui, à la condition d'être transcrit au bureau des hypothèques, conformément à l'art. 2 de la loi du 23 mars 1855, confère au créancier nanti un droit de retention sur la chose, à l'encontre de tous créanciers hypothecaires postérieurs en date; - Considérant que la loi du 1er mars 1898, qui a complété l'art. 2075. C. civ., est spéciale au nantissement d'objets mobiliers; qu'elle n'a rien innové en matière de droit hypothécaire, et n'a pas dit que le nantissement d'objets immobiliers, bien qu'inscrit au greffe du

l'objet du présent ordre, Long y fit ins taller un nouvel outillage pour le remplacer; qu'en outre, dans le même acte sous seing privé du 28 févr. 1906, qui

prendre dans le nantissement l'immeuble même dans lequel un propriétaire exploite un fonds de commerce (V. Pau. 6 nov. 1911, supra, 2 part., p. 193. Mais V. la note de M. Wahl sous cet arrêt), ce qui implique a fortiori que le matériel, immeuble par destination, peut également y être compris. Mais, en sens inverse, un tribunal a décidé que, sous l'empire de la loi de 1898, le matériel immobilisé reste nécessairement étranger au nantissement, et ne peut être donné en gage qu'au moyen des formalités de l'antichrèse. V. Trib. de Dijon, 30 mars 1908, reproduit en sous-note (a). Ce jugement s'appuie sur le motif que le gage est un droit essentiellement mobilier, et qu'il devient une antichrèse, non seulement s'il est constitué sur des immeubles par nature, mais aussi s'il est consenti sur des meubles immobilisés à raison de leur destination. Le raisonnement est très simple; mais, exact pour les immeubles par nature (V. la note sous Pau, 6 nov. 1911, précité), il nous paraît devoir être écarté en ce qui concerne le matériel immeuble par destination. Le gage, il est vrai, nous l'avons rappelé plus haut, ne peut porter que sur des meubles. Il peut cependant porter sur des immeubles par destination; car, ainsi que nous l'avons dit également. le gage suppose la mise en possession du créancier, et cette mise en possession rend immédiatement aux immeubles par destination leur caractère de meubles.

Donc, avant la loi de 1898, les immeubles par destination, à la différence des immeubles par nature, étant susceptibles de gage, le matériel immobilisé pouvait être donné en gage, sous la seule condition de l'observation des formalités requises pour la constitution en gage des autres meubles. La loi de 1898, pour faciliter le gage du fonds de commerce, a décidé qu'il peut être effectué sans mise en possession du gagiste. Ce gage résulte d'une inscription au greffe. La mise en possession est inutile, d'après la jurisprudence et la doctrine. V. Paris, 18 mars 1903 (S. et P. 1905.2.189, et la note de M. Wahl; Pand. pér., 1903.2.161); Rouen, 8 juill. 1903 (S. et P. 1905. 2.153), et la note de M. Wahl; Cass. 5 janv. 1904 (S. et P. 1904.1.223; Pand. pér., 1905.1.33); 31 oct. 1906 (S. et P. 1907.1.24), et les renvois. Adde, tribunal de commerce, viendrait en concurrence avec les créances hypothécaires régulièrement inscrites, et même par préférence à ces dernières; qu'il suit de là que le nantissement d'un fonds de commerce comprenant des immeubles par nature ou par destination ne peut être opposable aux créanciers hypothécaires inscrits que s'il est établi par un contrat d'antichrèse, régulièrement transcrit dans les formes de la loi du 23 mars 1855; - Consi dérant, d'après ce qui vient d'être dit, que Clerc et Perrucot, n'excipant d'aucun contrat d'antichrèse sur les immeubles par nature ou par destination soumis à l'hypo thèque de Commerson, ne peuvent davantage lui opposer un contrat de gage constitué sur des objets purement mobiliers compris dans le fonds; Considérant, d'autre part, que, par l'acte d'obligation du 19 févr. 1906, Commerson a été subrogé dans l'hypothèque légale de la dame Maurice sur les biens de son mari; que cette hypothèque a pris rang, sans inscription, conformément à l'art. 2135. C. civ., du jour où ladite dame s'est engagée solidairement avec son mari; que c'est à la date des 22 et 23 mars 1904 que la dame Maurice s'est engagée à payer à Clerc et Perrucot, solidairement avec son mari, une somme de 5.454 fr.; que, par conséquent, dès ce jour et bien avant l'inscription au tribunal de commerce du nantissement donné à Clerc et Perrucot, qui n'a été opéré que le 20 avril 1901, les immeubles par destination qui font l'objet du litige se trouvaient grevés de l'hypothèque de la dame Maurice, aux effets de laquelle Commerson se trouve au jourd'hui subrogé; Par ces motifs, etc.

Du 30 mars 1908. Trib. civ. de Dijon, 1re ch.1 MM. Party, prés.; Garnier, av.

réglait les conditions de cette réorgani

Bernus, Vente et nantiss. des fonds de commerce, n. 111; Boutaud et Chabrol, op. cit., n. 293; Bouvier-Bangillon, op. cit., n. 308.

L'inscription au greffe équivaut donc à la mise en possession; comme cette dernière, elle est une mesure de publicité. C'est bien, en effet, à titre de mesure de publicité vis-à-vis des tiers que la mise en possession du gagiste est prescrite par le Code civil. Si la mise en possession est nécessaire pour que le gagiste garde son privilège, c'est parce que « cette circonstance seule peut faire connaître aux tiers que l'objet engagé est sorti du patrimoine du débiteur». V. Cass. 26 mars 1907 (S. et P. 1911.1. 372, et la note; Pand. pér., 1911.1.372); 2 janv. 1912 (S. et P. 1912.1.200 ; Pand. pér., 1912.1.200), les notes et les renvois. Aussi la jurisprudence exiget-elle que la possession du gagiste soit assez notoire pour n'être pas ignorée des tiers. V. Cass. 28 mai 1910 (S. et P. 1910.1.488; Pand. pér., 1910. 1.488), et les renvois. Et c'est bien aussi pour tenir lieu de mise en possession que la loi de 1898 a institué l'inscription. V. le rapport de M. Thézard au Sénat (S. et P. Lois annotées de 1898, p. 416, 2o col., note 1).

L'inscription est donc une véritable transmission' fictive de la possession au gagiste; le privilège du gagiste d'un fonds de commerce peut être rapproché de celui du bailleur d'immeubles, qui est réputé avoir reçu en gage les meubles garnissant l'immeable loué, bien que ces meubles soient restés en possession du preneur. C'est pourquoi la jurisprudence applique au commerçant, qui détourne les objets compris dans le gage constitué conformément à la loi de 1898, les peines édictées contre le débiteur qui détourne les objets remis en gage à son créancier. V. Paris, 10 avril 1907 (S. et P 1907.2.144), et, sur pourvoi, Cass. 13 mars 1909 (S. et P. 1912.1.236; Pand. pér., 1912.1.236), et la note. V. cep. en sens contraire, notre C. pen. annoté, par Garçon, sur l'art. 400, n. 182. De même, pour trancher les conflits entre le créancier nanti conformément aux lois de 1898 et de 1909 et les autres créanciers privilégiés sur les meubles compris dans le fonds de commerce (V. sur ce conflit, Nimes, 22 juill. 1912, supra, 2o part., p. 85, la note et les renvois), on raisonne en partant de l'idée que le privilège du créancier est fondé sur une véritable possession. V. la note de M. Wahl sous Rouen, 11 déc. 1901 (S. et P. 1904.2.225, p. 226, note 1).

Le matériel, étant réputé se trouver dans la possession du créancier nanti, cesse, à son égard, d'être immeuble par destination, et est, par suite, soumis à son privilège. On peut affirmer que l'esprit de la loi est en ce sens; elle a voulu que le fonds de commerce fût en entier soumis au privilège : elle a dit qu'il est soumis au privilege; il y est done soumis dans tous ses éléments. Elle a voulu aussi que le privilège fût stable; il ne le serait pas, si le commerçant, qui a donné en nantissement son fonds, étant devenu ensuite propriétaire de l'immeuble, soustrayait ainsi au gage le matériel devenu immeuble par destination. La loi a voulu aussi que le privilège ne fût pas incertain; il le serait, si le créancier auquel le nantissement est donné était obligé, pour savoir si le matériel est soumis à son privilège, de rechercher si le commerçant n'est pas propriétaire de l'immeuble.

Toutes ces raisons subsistent depuis la loi de 1909. Elle a apporté, en ce qui concerne le matériel, une seule modification à la loi de 1898 : c'est qu'il faut une mention spéciale du matériel dans l'acte constitutif pour qu'il soit soumis au nantis

sation, il donna comme garantie de paie

sement. Mais, en permettant de le donner en nantissement, sans faire aucune distinction, elle montre qu'en toute hypothèse, sans qu'il y ait lieu de se préoccuper de son caractère mobilier ou immobilier, le matériel est susceptible d'être compris dans le nantissement. Il y aurait quelque puérilité à objecter que la loi de 1909, en mentionnant le matériel à côté du mobilier commercial, a voulu dire que, pour être susceptible de nantissement, le matériel devait être mobilier. Nous pourrions dire avec autant ou aussi peu de vraisemblance que, si la loi a mentionné le matériel à côté du mobilier, ce n'est pas pour faire de la première expression une redondance de la seconde, et que c'est, au contraire, pour donner un sens au mot matériel », et rendre le matériel susceptible de nantissement pour le cas même où il ne serait pas mobilier. La vérité, c'est que la loi n'a aucunement préjugé la question; mais c'est aussi qu'elle a entendu faire servir au crédit du commerçant, sauf les marchandises, qu'elle a formellement exclues, tous les éléments qui, autrefois, pouvaient y servir par la mise en possession; le « fonds de peut faire l'objet du nantissement

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commerce 1

« sans autres conditions et formalités que celles prescrites par la présente loi » (art. 8), et « par le seul fait de l'inscription» (art. 10); le matériel, même immeuble par destination, fait partie du fonds de commerce; donc, même immeuble par destination, il est susceptible de nantissement.

Il reste à savoir comment se régle le conflit entre le créancier hypothécaire et le créancier nanti. Jusqu'à présent, il y avait tendance à décider que l'un et l'autre ont leur droit de préférence, et que celui des deux qui l'emporte est celui dont la créance est la plus anciennement inscrite. V. Trib. de Lyon, 12 janv. 1901 (Ree. Gaz. Trib., 1901, 1r sem., 2o part., p. 476; Mon. jud. de Lyon, 22 févr. 1901); Bouvier-Bangillon, op. cit., n. 414, p. 177, note 1; Boutaud et Chabrol, op. cit., n. 381.

Il est incontestable que cette solution est la plus équitable; le créancier gagiste, qui fait inscrire son privilège sur le matériel, a autant de facilité pour consulter le registre des inscriptions à la conservation des hypothèques qu'au greffe, et le créancier hypothécaire, qui fait inscrire son hypothèque sur l'immeuble, a autant de facilité pour consulter ce registre au greffe qu'au bureau des hypothèques. Il est juste que l'ordre des inscriptions règle la priorité, comme entre deux créanciers hypothécaires ou entre deux créanciers gagistes inscrits.

L'arrêt ci-dessus recueilli fait, en toute hypothese, passer le créancier hypothécaire avant le créancier nanti; cela est peu équitable. Cela est même plus injuste que ne le serait la solution absolument opposée, car c'est accidentellement et temporairement qu'un meuble est immeuble par destination; il a commencé par être un meuble, et sa destination est de redevenir un meuble. Il n'est pas admissible que le créancier ayant hypothèque sur l'immeuble soit toujours préféré, sur le matériel immobilisé, au créancier garanti sur le fonds de

commerce.

En droit, on peut dire que les lois de 1898 et de 1909 assimilent autant que possible le gage du fonds de commerce à une hypothèque, et déjà, du reste, cette assimilation dérive nécessairement du mode de publicité adopté pour ce gage. La jurisprudence, sous l'empire de la loi de 1898, appliquait an gage du fonds de commerce une grande partie des textes relatifs aux hypothèques (V. Cass. 15 et 23 juill. 1907, S. et P. 1907.1.257, et la note de

ment, à titre de nantissement commercial,

M. Lyon-Caen; Pand. pér., 1907.1.279 et 259), et la loi de 1909 est entrée dans la même voie. V. not., l'art. 11.

D'autre part, si l'on suppose que l'inscription du nantissement est antérieure à l'inscription de l'hypothèque, le créancier nanti, nous l'avons montré, est considéré fictivement comme étant en possession, par le fait même de son inscription, et, en conséquence, demeurant en possession tant que dure l'effet de son inscription, il reste nanti vis-à-vis des tiers, et notamment du créancier hypothécaire, malgré l'inscription prise par ce dernier. Le créancier hypothécaire acquiert bien hypothèque, en vertu de l'art. 2133, C. civ., sur le matériel immobilisé, mais il est tenu de respecter les droits du créancier nanti, pour lequel le matériel est un meuble qu'il possède. Cela est exact, tout d'abord, si le matériel, meuble lors de la constitution du nantissement, est devenu ensuite immeuble par destination; l'immobilisation n'existe pas vis-à-vis du créancier gagiste, qui a acquis et conservé, par l'inscription, une possession fictive incompatible. avec l'immobilisation. On ne pourrait donc pas objecter la solution d'après laquelle le privilège du vendeur de meubles s'éteint par l'immobilisation (V. supra); cette immobilisation ne se produit pas vis-à-vis d'un créancier, qui, juridiquement, est en possession, puisque sa possession empêche, en ce qui le concerne, l'incorporation du meuble au fonds.

La solution est également vraie, si, dès le moment de la constitution du nantissement, le matériel était immeuble par destination. Un créancier gagiste, qui entrerait en possession du matériel, aurait un gage efficace, puisque l'immeuble par destination reprendrait sa qualité de meuble; or, le créancier nanti du fonds de commerce acquiert, comme nous l'avons montré, son privilège sur le matériel compris dans le fonds, malgré l'immobilisation de ce matériel, et l'inscription lui assure fictivement la possession de ce matériel.

Si, au contraire, c'est l'hypothèque qui est inscrite la première, le créancier nanti doit-il la respecter? On pourrait soutenir la négative, en disant que le créancier nanti, étant réputé mis en possession, restitue, dans la mesure de son intérêt, au matériel le caractère mobilier et le soustrait à l'hypothèque. Ce serait, à notre avis, un raisonnement inexact; l'hypothèque sur les immeubles par destination ne se perd, comme nous l'avons rappelé, que si les immeubles par destination sont livrés, en tant que meubles, à un tiers de bonne foi; c'est l'art. 2279, C. civ., qui est le fondement de la disparition de l'hypothèque. Il faut done ici au gagiste autre chose qu'une possession fictive; il lui faut une possession matérielle; la possession fictive qui résulte pour lui de l'inscription ne lui permet pas d'invoquer l'art. 2279.

Nous pouvons donc conclure que, dans le concours de l'hypothèque et du gage sur des immeubles par destination, le créancier hypothécaire ne doit pas être nécessairement préféré au créancier gagiste, comme l'a décidé la Cour d'Aix.

Il faut ajouter que l'arrêt ci-dessus constate que, dans l'espèce, l'inscription de l'hypothèque était antérieure à celle du nantissement; done, dans notre système même, la préférence devant être accordée au créancier hypothécaire se justifie. Il était par là même inutile, pour la Cour d'Aix, de se préoccuper de la solution à donner au conflit entre un créancier nanti, premier inscrit, et un créancier hypothécaire.

ALBERT WAHL.

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