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BORDEAUX 29 juillet 1912.

1° ALIMENTS, EPOUX, FEMME, MARI, SOINS MÉDICAUX, HONORAIRES DE MÉDECIN, DÉCÈS DU MARI, DETTE ALIMENTAIRE, SÉPARATION DE BIENS, RENONCIATION A LA SUCCESSION (Rep., vo Aliments, n. 275 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 615 et s.). 2o MÉDECIN (OU CHIRURGIEN), HONORAIRES, PREUVE TESTIMONIALE, IMPOSSIBILITÉ DE PREUVE ÉCRITE (Rep., vis Médecin et chirurgien, n. 252 et s., Preuve testimoniale, n. 340 et s., Pand. Rép., vis Médecine et pharmacie, n. 472 et s., Preuve, n. 673 et s.).

10 L'obligation alimentaire dont les époux sont tenus à l'égard l'un de l'autre, quel que soit leur régime matrimonial, comprend, non seulement les aliments proprement dits, mais encore tout ce qui est indispensable à l'existence le logement, les vêtements, les soins à donner et les

(1) Les auteurs décident, en général, que l'obligation alimentaire ne comprend pas seulement la nourriture, les vêtements et l'habitation, mais aussi les secours en cas de maladie. V. la note sous Trib. de la Seine, 7 janv. 1902, et autres jugements (S. et P. 1903.2.52), avec les autorités citées. Adde, Planiol, Tr. elém. de dr. civ., 5e éd., t. 1er, n. 681; Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade, Des pers., 3 éd., t. 3, n. 2077. C'était déjà la solution du droit romain, qui faisait rentrer également dans l'obligation alimentaire les " frais de maladie (L. 45, Dig., liv. 7, tit. 1, De usufructu, et LL. 43 et 44, Dig., liv., 50, tit. 16, De verb. significatione). V. Van Wetter, Pandectes, t. 5, p. 25,

note 12.

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(2-3-4) On s'accorde à reconnaître que le tiers qui a fourni à une personne des aliments, ce qui, ainsi qu'il a été expliqué à la note qui précède, comprend les secours en cas de maladie, et par conséquent les soins médicaux, a, sauf dans le cas où il a agi dans une intention de libéralité (V. Cass. 25 juin 1872, S. 1873.1.129. - P. 1873. 278; C. d'appel de Rome, 11 juill. 1883, sol. implic., S. 1886.4.15. P. 1886.2.25), une action contre les membres de la famille du débiteur, tenus vis-à-vis de celui-ci de la dette alimentaire. V. Cass. 25 juin 1872 (sol. implic.), précité, et les renvois; C. d'appel de Rome, 11 juill. 1883, précité, la note et les renvois; Toulouse, 12 mars 1887 (Pand. pér., 1887.2.261); Laurent, Princ. de dr. civ., t. 3, n. 80; Aubry et Rau, 4 éd., t. 6, p. 108, § 553; Huc, Comment. du C. civ., t. 2, n. 227; Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade, Des pers., 3o éd., t. 3, n. 2082. Il en est ainsi surtout, alors que, comme dans la présente affaire, le tiers ayant fourni les aliments au vu et su des personnes auxquelles incombait l'obligation alimentaire et sans protestation de leur part, on peut induire du silence gardé par les débiteurs de l'obligation alimentaire qu'ils ont donné au tiers le mandat tacite d'exécuter cette obligation en leur nom. V. Toulouse, 12 mars 1887, précité; Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade, op. et loc. cit.

Mais il y a controverse sur le point de savoir si l'action qui appartient ainsi au tiers qui a fourni des aliments contre les débiteurs de l'obligation alimentaire doit nécessairement être intentée du vivant de la personne à laquelle les aliments ont été fournis. Une première opinion se prononce pour l'affirmative, et enseigne que l'action en remboursement des aliments fournis doit être formée contre

dépenses à faire en cas de maladie (1) (C. civ., 205, 212).

Le tiers, qui a fourni à un époux des prestations ayant un caractère alimentaire, peut, après la mort de celui-ci, réclamer à son conjoint le montant des prestations fournies (2) (ld.).

Spécialement, le chirurgien qui a opéré le mari peut, après le décès de celui-ci, réclamer à la femme le paiement de ses honoraires (3) (Id.).

Il importe peu que la femme soit mariée sous le régime de la séparation de biens (4), et qu'elle ait renoncé à la succession de son mari (5) (Id.).

Il en est ainsi surtout, alors que l'assistance prêtée par la femme au mari, les pourparlers engagés et suivis par elle, sa situation de fortune, son attitude générale, ont laissé croire au chirurgien qu'il lui serait loisible de s'adresser, pour le paiement de ses honoraires, à l'un et à l'autre

les débiteurs de l'obligation alimentaire durant la vie de celui à qui les aliments ont été fournis, en sorte que le décès de ce dernier élève une fin de non-recevoir absolue contre l'action en répétition d'aliments. V. Cass. 12 mai 1812 (S. et P. chr.), et le renvoi. A l'appui de ce système, on fait observer que la recevabilité de l'action en remboursement des fournitures et prestations après le décès de la personne qui en a bénéficié est incompatible avec le caractère alimentaire de ces prestations et fournitures, parce que les tribunaux saisis de la demande seraient, la plupart du temps, dans l'impossibilité de constater si cette personne, au jour où les aliments ont été fournis, était réellement dans le besoin. On ajoute mais cet argument est sans application au cas où les prestations dont le remboursement est poursuivi n'ont pas, comme c'était le cas dans l'espèce, un carac. tère strictement alimentaire que la loi a accordé à celui qui doit fournir des aliments la faculté de s'acquitter en nature, en recevant chez lui la personne à laquelle les aliments sont dus, et que le débiteur d'aliments se verrait privé de cette faculté, qu'il tient de la loi, si les tiers, qui ont fourni des secours au créancier d'aliments, pouvaient, après le décès de celui-ci, intenter con-tre le débiteur d'aliments une action en remboursement. V. Cass. 12 mai 1812, précité; Duranton, t. 2, n. 423.

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On décide plus généralement, dans le sens de l'arrêt ci-dessus, qu'il importe peu que l'action du tiers qui a fourni les aliments soit intentée avant ou après le décès de celui auquel ils ont été fournis; dans l'un et l'autre cas, elle est recevable. V. Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 1, p. 225, $131, note 30; Demolombe, Tr. du mar., t. 2, n. 75; Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade, op. cit., t. 3, n. 2083; et notre Rép. gen. du dr. fr., vo Aliments, n. 277; Pand. Rép., eod. verb., n. 616. Sans doute, dit-on dans cette opinion, le décès de la personne qui a reçu les aliments a pour effet de rendre plus difficile devant la justice la preuve qu'au moment où ils ont été fournis, celui qui les a reçus était réellement dans le besoin, mais les difficultés de la preuve, qui incombe d'ailleurs au tiers qui a fourni les aliments, ne sauraient avoir pour effet d'opposer une fin de non-recevoir à sa demande en remboursement. Et, cette preuve faite, il reste que celui qui a fourni les aliments a acquitté la dette du débiteur d'aliments; celui-ci ne saurait profiter de la mort du créancier d'aliments pour se soustraire

époux, et que cette attitude de la femme peut même être interprétée comme comportant un engagement personnel de sa part (6) (Id.).

20 La dignité du médecin, de même que l'intérêt du malade, s'opposant à ce que le médecin exige un engagement écrit de payer ses honoraires, le médecin peut faire la preuve par témoins, ou par présomptions graves, précises et concordantes, du montant des honoraires qui lui sont dus, alors même qu'ils excèdent 150 fr. (7) (C. civ., 1348).

(D'Ezpeleta C. Dr Faure).

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que le docteur Faure, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, réclame à la dame veuve d'Ezpeleta la somme principale de 6.000 fr., à la suite de l'intervention chirurgicale dont Sylvère Dominique Joseph d'Ezpeleta, son mari, a été l'objet, à la fin

au paiement de sa dette; le tiers qui a fourni les aliments a géré utilement son affaire, et il doit obtenir remboursement de ses avances. V. Demolombe, op. et loc. cit. On ajoute que, sans doute, s'il s'agit de fourniture d'aliments, au sens strict du mot, le débiteur aurait pu recevoir chez lui le créancier d'aliments; mais, s'il établit qu'il eût été en mesure de le faire, les juges pourront décider que le tiers qui a fourni les aliments n'a pas utilement géré son affaire, et qu'il n'est pas fondé dans son action. V. Demolombe, op. et loc. cit.

cun

C'est cette deuxième opinion que consacre l'arrêt ci-dessus, et il en fait l'application à l'action exercée contre une veuve par un chirurgien, par les soins duquel avait été opéré le mari, en paiement de ses honoraires. Les époux étaient contractuellement séparés de biens, avec stipulation qu'and'eux ne serait tenu des dettes contractées par son conjoint pendant ou avant le mariage. Mais ce qui était en jeu, ce n'étaient pas les obligations qui pouvaient ressortir, pour l'un ou l'autre des époux, de leurs conventions de mariage, c'était uniquement l'obligation de secours, dont les époux sont tenus l'un envers l'autre (C. civ., 212), et qui subsiste tant que dure le mariage, sans qu'il y ait à se préoccuper du régime matrimonial des époux.

(5) Il a été jugé dans le même sens que l'obligation alimentaire, dont sont tenus les enfants à l'égard de leur père, subsiste à la charge des enfants, malgré leur renonciation à la succession paternelle. V. Trib. de la Seine, 7 janv. 1902 (S. et P. 1903. 2.52), et la note.

(6) Les circonstances de fait relevées par l'arrêt tendaient à établir que la femme s'était tacitement engagée à payer les honoraires du chirurgien. V. d'ailleurs, la note 2-3-4, ci-dessus.

(7) L'art. 1348, C. civ., qui fait exception à la règle de la prohibition de la preuve testimoniale au-dessus de 150 fr., lorsqu'il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve écrite, s'applique même au cas d'impossibilité morale. V. Cass. 27 mars 1907 (S. et P. 1907.1.209, la note de M. Lyon-Caen et les renvois; Pand. pér., 1907.1.157). Et la jurisprudence admet que le médecin, pour le paiement de ses honoraires, doit être considéré comme ayant été dans l'impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'obligation contractée envers lui par le malade. V. Cass. 13 avril 1910 (S. et P. 1910. 1.501; Pand. per., 1910.1.501), la note et les renvois.

d'octobre 1909; que, pour repousser cette demande, la dame appelante excipe de l'art. 1er de son contrat de mariage, reçu par Me Dircks-Dilly, notaire à Bordeaux, le 21 juill. 1903, contenant adoption du régime de la séparation de biens, et d'après lequel il a été stipulé que les époux ne seraient pas tenus des dettes l'un de l'autre avant ou pendant le mariage; qu'elle plaide enfin qu'elle a renoncé, le 7 déc. 1909, à la succession de son mari, et que, s'il y avait, dans la dette dont il s'agit, une charge du mariage, les créanciers seraient sans droit pour lui réclamer le montant de sa contribution, qui devrait être, en toute hypothèse, d'un tiers seulement; Attendu que, malgré cette argumentation, il convient, pour résoudre la question soumise à la Cour, de se reporter aux textes relatifs aux droits et devoirs respectifs des époux; que, aux termes de l'art. 212, C. civ., les époux se doivent mutuellement assistance;

Attendu que l'art. 205 du même Code comprend. non seulement les aliments proprement dits, mais encore tout ce qui est indispensable à l'existence le logement, les vêtements, et nécessairement les soins à donner et les dépenses à faire en cas de maladie; qu'il appartient d'ailleurs aux juges d'apprécier, d'après la position sociale des parties, leur situation de fortune et les autres circonstances de la cause, l'étendue et la nature de l'obligation alimentaire; Attendu qu'il est certain que cette obligation subsiste entre conjoints apres la séparation de corps, meme au profit de l'époux contre lequel elle aurait été prononcée; qu'il est également reconnu que la femme séparée de biens ne peut refuser des aliments à son mari sous de vains prétextes; que, l'obligation alimentaire étant réciproque et les dépenses exposées en cas de maladie présentant le même caractère d'urgence que celles contractées envers un fournisseur d'aliments, il est évident que ces frais s'imposent à la conscience de chaque époux ; qu'il en résulte que toute dette alimentaire qui, par suite du décès de l'un des époux, n'est pas soldée par luimême, peut être réclamée au conjoint de l'époux décédé ; Attendu que, dans l'espèce, la dame d'Ezpeleta ne peut méconnaître les pourparlers qui ont précédé l'intervention chirurgicale; qu'on lit, dans

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(1-2-3) L'art. 15 de la convention intervenue le 8 juill. 1899 entre la France et la Belgique (S. et P. Lois annotées de 1901, p. 26) dispose que les sentences arbitrales rendues dans l'un des deux Etats ont dans l'autre l'autorité de la chose jugée et peuvent y être rendues exécutoires, si elles satisfont aux conditions exigées par les $§ 1, 2, 3 et 4 de l'art. 11 ». Or, le § 2 de l'art. 11 exige, pour qu'une décision de justice rendue dans l'un des Etats contractants ait l'autorité de la chose jugée dans l'autre, que, d'après la loi du pays où elle a été rendue, elle soit passée en force de chose jugée Si l'on prenait à la lettre cette dernière expression, il faudrait admettre qu'une décision rendue dans l'un des Etats contractants ne peut être exécutée dans l'autre que si, dans le pays où elle a été rendue, elle n'est plus susceptible d'au

la lettre du baron d'Ezpeleta, versée aux débats, le passage suivant: «Ma femme, au courant, voulait me rejoindre, mais je n'ai pas voulu; mais elle veut absolument me rejoindre à Paris et être auprès de moi en cas d'opération »; que, dans ses lettres au docteur Bloch, qui semble avoir servi d'intermédiaire auprès de l'intimé, la dame appelante s'exprime ainsi, en parlant de son mari Nous comptons aller vous voir mardi vers deux heures. Pourriez-vous nous faire passer aussitòt?... »; qu'il résulte des conclusions mêmes de la dame d'Ezpeleta qu'il a été question du paiement des honoraires du chirurgien qui devait pratiquer l'opération; qu'elle explique toutefois qu'elle s'est bornée à interpréter les pensées de son mari, complètement privé de la parole, et qu'elle a indiqué, au nom de ce dernier, que le paiement des honoraires ne pourrait s'effectuer que dans un certain délai; - Mais attendu que l'assistance ainsi prêtée par l'appelante à son mari, les pourparlers par elle engagés et suivis, sa situation de fortune, son attitude générale, en un mot, ont laissé croire à l'opérateur, dont la bonne foi n'est pas contestable, qu'il lui serait loisible de s'adresser, pour le paiement des honoraires, à l'un et à l'autre époux; que cette opinion de l'opérateur s'est fortifiée d'autant plus qu'il n'apparait pas que la baronne d'Ezpeleta ait formulé une objection quelconque, ou qu'elle ait prévenu le chirurgien qu'elle se refuserait à payer les dépenses; que les premiers juges ont même considéré à bon droit que l'honorable attitude de l'appelante devait être, en pareil cas, interprétée comme comportant un engagement personnel de sa part; qu'ils ont admis enfin que la somme réclamée, qui comprend l'honoraire d'un médecin spécialiste assistant, n'était pas exagérée ; —Attendu que, l'obligation de la dame d'Ezpeleta n'étant pas douteuse, il devient sans objet de s'arrêter aux moyens subsidiairement proposés: qu'il est à dire cependant que les juges du fond restent investis d'un pouvoir souverain pour décider qu'un usage, fondé sur l'intérêt des malades, en même temps que sur la dignité du médecin ou du chirurgien, s'oppose à ce qu'il exige des personnes qui requièrent l'assistance de son art l'engagement écrit de payer des honoraires; qu'il en résulte que leur créance peut

cune voie de recours. Mais, tant en France qu'en Belgique, la jurisprudence ne s'est pas arrêtée à cette interprétation restrictive, et elle se borne à exiger que le jugement dont l'exécution est demandée ait force exécutoire dans le pays où il a été rendu. V. en France, Trib. de Lille, 11 déc. 1906 (Rev. de dr. intern. privé et de dr.pén. intern., 1907, p. 394); Paris, 24 juill. 1908 (Id., 1910, p. 113); et en Belgique, Trib. de Bruxelles, 27 mai 1907 (Journ. du dr. intern. privé, 1907, p. 1159); Cass. Belgique, 6 juin 1907 (Id., 1908, p. 111). On peut invoquer en ce sens l'intention des rédacteurs du traité, intention qui, en France, a été rappelée en ces termes, dans l'exposé des motifs du projet de loi ayant pour objet d'approuver la convention : « La décision doit être passée en force de chose jugée d'après la loi du pays où elle a été rendue; il ne

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TOULOUSE 10 juillet 1911. ÉTRANGER, CONVENTION FRANCO-BELGE DU 8 JUILL. 1899, Sentence arbitrale, ExéCUTION EN FRANCE, CHOSE JUGÉE, EXÉCUTION PROVISOIRE, APPEL (Rép., v° Jugement etranger, n. 90 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 139, 184 et s.).

Si, en vertu de l'art. 11-2o de la convention du 8 juill. 1859, entre la France et la Belgique, la decision rendue dans l'un des deux Etats n'a, dans l'autre, l'autorité de la chose jugée que lorsque, d'après la loi du pays où elle a été rendue, elle est passée en force de chose jugée, ces expressions ne sauraient être entendues en ce sens qu'une décision rendue dans l'un des Etats cocontractants ne peut être invoquée dans l'autre qu'autant que, dans le pays où elle a été rendue, elle n'est susceptible d'aucun recours (1) (Conv. franco-belge, 8 juill. 1899, art. 11-20).

Pour savoir si la condition exigée par l'art. 11-20 de la convention franco-belye se trouve remplie, il y a lieu seulement d'examiner si le jugement belge dont l'exécution est demandée en France est susceptible de recevoir, dans le pays où il a été rendu, l'exécution qu'on demande pour lui en France (2) (Id.).

Specialement, il y a lieu d'accorder en France l'exequatur à une sentence arbitrale, intervenue en Belgique, lorsqu'un jugement émanant d'un tribunal belge l'a déclarée exécutoire par provision, nonobstant appel, et ce, encore bien que ce jugement ait élé frappé d'appel (3) (Conv. franco-belge, 8 juill. 1899, art. 11-2o et 15).

(Pénières C. Bouhon). ARRÊT. LA COUR; Attendu que la sentence

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faut pas entendre cela d'une manière trop absolue, et croire que la décision ne peut être invoquée qu'autant que, dans le pays où elle a été rendue, elle n'est plus susceptible d'aucun recours. Comme l'a jugé la Cour de Paris, le 23 févr. 1866 (S. 1866. 2.300. P. 1866.1120), le juge français doit examiner, avant de le rendre exécutoire, si le jugement étranger est passé en force de chose jugée, de sorte qu'il soit susceptible de recevoir, dans le pays d'où il vient, l'exécution qu'on demande pour lui en France... Il a été entendu, dans les conférences entre les délégués français et belges, que tel était le sens à attribuer à la disposition de la convention (S. et P. Lois annotées de 1901, p. 28, note 18).

Tout en reconnaissant que la solution admise par la jurisprudence française et belge se recom

arbitrale rendue par Me Coosemans, båtonnier de l'ordre des avocats de Bruxelles, en date du 24 déc. 1909, régulièrement déposée au greffe du tribunal de cette ville le 23 mai 1910, a été rendue exécutoire par ordonnance du 31 mai suivant, rendue par le président du tribunal de Bruxelles; Attendu que, le 10 août 1910, Bouion a obtenu du président du tribunal de Toulouse une ordonnance d'exequatur, à l'effet de poursuivre en France l'exécution de la sentence susmentionnée; - Attendu que Pénières a fait opposition à l'ordonnance du 31 mai, du président du tribunal de Bruxelles, devant le tribunal de cette ville, et a demandé la nullité de la sentence arbitrale; que la Cour de céans, saisie par le sieur Pénières d'un appel relevé par lui envers l'ordonnance d'exequatur du président du tribunal de Toulouse, a, par arrêt du 17 nov. 1910, sursis à statuer jusqu'à l'évacuation de l'opposition formée par Pénières devant le tribunal de Bruxelles; Mais attendu que ce tribunal, par jugement du 14 avril 1911, régulièrement signifié à Pénières, a débouté celui-ci de son opposition à l'ordonnance du 31 mai, susvisée, et a déclaré que le jugement arbitral sortirait son plein et entier effet; qu'il a, en outre, condamné Pénières à 1.500 fr. de dommages, avec intérêts judiciaires et dépens; qu'enfin, il a déclaré que sa décision serait exécutoire par provision, nonobstant appel, et sans caution, sauf quant aux dépens; Attendu que, devant la Cour, le sieur Pénières indique qu'il a relevé appel de ce jugement du 14 avril 1911, devant la Cour d'appel de Bruxelles; - Attendu qu'il doit être néanmoins fait droit à la demande de Bouhon, s'il est justifié que l'exequatur doit être accordé, en France, à la décision rendue par les tribunaux belges; Attendu, à ce point de vue, qu'un décret, en date du 30 juill. 1900, portant promulgation d'une convention conclue entre la France et la Belgique, a indiqué dans quelles conditions pourraient être exécutoires dans les Etats les décisions judiciaires, sentences arbitrales et actes authentiques; qu'il y est indiqué, dans l'art. 15, que les sentences arbitrales rendues dans l'un des deux Etats ont, dans l'autre, l'autorité de la chose jugée, si

mande par de sérieuses raisons, et qu'il ne serait pas sans inconvénient d'exiger, pour l'exécution dans un des pays d'une décision rendue dans l'autre, qu'elle soit devenue définitive, alors surtout qu'il s'agit de décisions dont l'exécution présente un caractère d'urgence non équivoque, notre savant collaborateur M. Pillet a critiqué cette jurisprudence, par le motif« qu'il est toujours incorrect et dangereux de donner à un texte un sens contraire à son sens apparent ». V. Pillet, Les conventions intern, relatives à la compétence et à l'exécution des jugements, p. 304.

(1-2-3) L'art. 3 de la loi du 4 juin 1859 (S. Lois annotées de 1859, p. 67. P. Lois, décr., etc. de 1859, p. 119) exonère l'Administration des postes de la responsabilité de la perte des valeurs déclarées, lorsque cette perte est due à la force majeure, ce qui doit s'entendre de tout événement que la prudence humaine est impuissante à prévoir ou à

elles satisfont aux conditions de l'art. 11, qui donnent aux décisions rendues par les tribunaux civils, tribunaux de commerce, etc., l'autorité de la chose jugée; qu'il est certain, dans le procès actuel, que les conditions imposées par l'art. 11 ont été remplies, et que rien ne peut s'opposer à la confirmation de l'ordonnance d'exequatur rendue par le président du tribunal de Toulouse; que, notamment, en ce qui touche l'autorité de la chose jugée, d'après la loi du pays où la décision a été rendue, «il ne faut pas entendre cette disposition d'une manière trop absolue, et croire que cette décision ne peut être invoquée qu'autant que, dans le pays où elle a été rendue, elle n'est susceptible d'aucun recours; que les juges français doivent examiner, avant de la rendre exécutoire, si le jugement étranger est passé en force de chose jugée, de telle sorte qu'il soit susceptible de recevoir, dans le pays d'où il vient, l'exécution qu'on demande pour lui en France (Exposé des motifs à la Chambre des députés, S. et P. Lois annotées de 1901, p. 28, note 18) »; que telle est, du reste, l'interprétation qui a été donnée à cette disposition de la convention par les délégués français, belges, dans les conférences qui l'ont précédée, et par la jurisprudence des deux pays; qu'il n'est pas contestable que la sentence arbitrale du 24 déc. 1909 est exécutoire sur le territoire belge, et que, dans ces conditions, il convient de lui accorder l'exequatur sur le territoire français, en confirmant l'ordonnance du 10 août 1910 du président du tribunal de Toulouse; Par ces motifs; - Démet le sieur Pénières de son appel envers l'ordonnance d'exequatur rendue le 10 août 1910 par le président du tribunal de Toulouse; Dit que cette ordonnance sortira son plein et entier effet; - Condamne, etc. Dù 10 juill. 1911. C. Toulouse. MM. Larnaudie, prés.; Ducasse, subst.; Gamard-Clairin et Basax, av.

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PARIS 14 novembre 1912.

POSTES, VALEURS DÉCLARÉES, PERTE, ADMINISTRATION DES POSTES, RESPONSABILITÉ, NAVIRE, NAUFRAGE, FORCE MAJEURE, FAUTE (Rép., vis Cas fortuit et de force

conjurer (V. Cass. 9 mai 1911, S. et P. 1911.1.576; Pand. per., 1911.1.576, et les renvois). Le naufrage du bâtiment qui transportait des valeurs déclarées peut être considéré comme un cas de force majeure, au sens de l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859, lorsque, toutes les mesures exigées par la prudence ayant été prises, le sinistre est le résultat d'un de ces événements de mer, que tous les soins et toute l'habileté du capitaine ne peuvent écarter. V. Cass. 26 déc. 1866 (S. 1867.1.73. - P. 1867.153); Trib. de la Seine, 30 janv. 1867 (S. 1867. 1.73, ad notam. P. 1867.153, ad notam), et la note. Adde, notre Rép. gén. du dr. fr., vo Postes et télégraphes, n. 900; Pand. Rep., v° Postes, télégraphes et téléphones, n. 1191 et s. Mais, pour que le naufrage d'un navire qui transporte des valeurs déclarées, lorsqu'il présente ce caractère de force majeure, puisse exonérer l'Administration des postes de la responsabilité qui lui incombe à raison de

majeure, n. 2 et s, Postes et télégraphes, n. 889 et s.; Pand. Rép., vis Obligations, n. 1781 et s., Postes, télégraphes et téléphones, n. 1191 et s.).

Le naufrage d'un navire chargé d'un service postal, et qui transportait des valeurs déclarées ne peut être considéré comme un cas de force majeure, exonér ant l'Adminis tration des postes du remboursement des valeurs déclarées confiées à cette Administration, et transportées par le navire, qu'autant que le naufrage n'a pas été occasionné par une faute du capitaine (1) (C. civ., 1148; L. 4 juin 1859, art. 3).

...

Et encore à la condition qu'il soit établi par l'Administration des postes que c'est bien par une conséquence du naufrage, et non par suite d'une négligence ou d'un manque de surveillance, que les valeurs déclarées ont été perdues lors du naufrage (2) (Id.).

L'Administration des postes doit donc être déclarée responsable de la perte des valeurs déclarées, lorsque, d'une part, les faits de négligence établis à la charge du capitaine ne permettent pas d'affirmer que le navire ait péri par force majeure, et que, d'autre part, une partie de la correspondance ayant été sauvée, il est démontré que le surplus a été égaré par suite d'un manque de surveillance, d'une négligence ou d'une imprudence, soit du capitaine du navire, soit de l'employé des postes, chargé de convoyer l'expédition (3) (Id.).

(Admin. des postes C. Dumont et Cie).

15 juill. 1911, jugement du tribunal civil de la Seine ainsi conçu : « Le Tribunal; Attendu que, le 24 févr. 1905, la maison Dumont et Cie expédiait à M. Dumont, au Caire, une lettre chargée d'une valeur de 7.000 fr.; Attendu que, cette lettre n'étant pas parvenue à destination, la société démanderesse réclame à l'Administration des postes le remboursement de ladite somme, avec intérêts de droit et 1,000 fr. à titre de dommages-intérêts; Attendu que le ministre des travaux publics, des postes et télégraphes oppose à cette demande une fin de nonrecevoir, basée sur ce que le pli aurait été perdu par suite d'un cas de force majeure, et qu'aux termes des art. 3 de la loi du 4 juin 1859, 8 et 10 de la loi du 25 janv.

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la perte des valeurs déclarées, encore faut-il que l'Administration des postes établisse que la perte des valeurs déclarées a bien eu pour canse le naufrage lui-même, sans quoi la perte par force majeure, qu'exige l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859 pour exonérer l'Administration des postes, n'est pas démontrée.

Or, dans l'espèce, d'une part, il était établi à la charge du capitaine des faits de négligence qui pouvaient avoir été la cause du naufrage, en telle sorte que l'on ne pouvait reconnaitre au naufrage le caractère de force majeure. De plus, ce caractère lui eût-il été reconnu, il n'était pas davantage démontré que la perte des correspondances transportées eût été la conséquence du naufrage. En l'état de ces constatations, la Cour de Paris a pu estimer que l'Administration des postes n'avait pas fait la preuve qui lui incombait pour s'exonérer de la responsabilité.

le

1873, et de l'art. 12, ler, de l'arrangement inte national conclu à Washington 15 juin 1897, approuvé par la loi du 6 avril 1893, 1 Administration des postes ne saurait être tenue du remboursement demandé; qu'à l'appui de sa prétention, elle justifie avoir reinis le pli dont s'agit à la poste italienne; que cette dernière déclare l'avoir contié au paquebot-postal Cairo, lequel aurait fait naufrage en février 1905, à l'entrée du port d'Alexandrie; qu'elle ajoute ne pouvoir formuler aucune réclamation à l'encontre de la poste italienne, un jugement du tribunal de Gènes, du 2 mai 1906, ayant décidé que le naufrage du Cairo devait être attribué à un cas de force majeure, et le Conseil d'Etat italien, consulté, ayant déclaré qu'en présence de cet arret, il n'y avait pas lieu, pour l'Administration des postes italienne, d'intenter une action contre la Société générale de navigation; Attendu que les arrêts et avis invoqués ne peuvent être opposés au demandeur; qu'ils sont, à son égard, res inter alios acta; Attendu qu'il appartiendrait donc au tribunal de rechercher si vraiment la perte du paquebot est ou n'est pas le fait d'un cas de force majeure, qui parait des plus problématiques, étant données les constatations établies, tant par le rapport de la capitainerie de Gènes et du consul d'Italie d'Alexandrie que par les considérants mêmes tujugement de Gènes, susvisé, qui précisent que le capitaine de Marchi, commandant du Cairo, n'a tenu compte, dans son appréciation des distances, ni de la vitesse acquise par son navire au moment où il faisait arrêter les machines, ni des courants produits par la tempête qu'il venait de subir, et qu'il devait connaître, puisqu'il avait l'habitude de fréquenter le port d'Alexandrie; que ces faits seuls pourraient suffire à établir une négligence de sa part; Attendu

que, même en admettant la théorie qui a prévalu, il ne suffit pas d'établir que le navire a péri par suite d'un accident de force majeure, il faut également prouver que les objets qu'il transportait ont disparu par suite de la perte même du naVire; que cette preuve n'est nullement faite dans l'espèce actuelle; qu'en effet, le Cairo n'a pas immédiatement péri corps et biens; qu'échoué sur un banc de récifs, il n'a été envahi par l'eau que petit à petit; que l'on a essayé de renflouer le navire en jetant à la mer une partie de la cargaison; qu'il n'est pas allégué que les plis chargés aient été du nombre des objets sacrifiés; qu'il résulte d'une lettre du 10 mai 1905, émanée de la direction des postes à Rome, que la lettre adressée à Dumont se trouve parmi celles disparues

(1-2) L'arrêt ci-dessus adopte, sur la question de savoir si le délit de falsification par addition d'eau peut être retenu à la charge du débitant de boissons ou restaurateur, qui, du consentement de ses pensionnaires, a mouillé à l'avance le vin destiné à leur consommation, la solution qui nous avait paru préférable. V. la note sous Angers, 20 déc. 1912 (Supra, 2 part., p. 286), rendu en sens contraire. Adde conf. à l'arrêt ci-dessus, Trib. corr. de Toulouse, 11 mai 1911 (Gaz. Trib.,

ου

lors du naufrage; qu'il en résulte donc qu'une certaine partie de la correspondance a été sauvée; que le surplus à été certainement égaré par suite d'un manque de surveillance, d'une négligence d'une imprudence, soit de la part du capitaine du Cairo, soit de celle de l'employé des postes italiennes chargé de convoyer l'expédition; qu'en tout cas, en ce qui concerne la perte du pli chargé recommandé, la force majeure n'est nullement établie; - Par ces motifs; Condamne le ministre des travaux publics, des postes et télégraphes à payer à Dumont et Cie la somme de 7.000 fr., à titre de restitution, avec intérêts de droit, etc ».

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AMIENS 2 mai 1913.

VINS, FALSIFICATION, VIN MOUILLÉ, DÉBITANT DE BOISSONS, ADDITION D'EAU DE SELTZ, PENSIONNAIRES, CONSENTEMENT DES CONSOMMATEURS (Rép., v° Fraude commerciale, n. 394 et s.; Pand. Rép., Suppl., vo Tromperies sur les marchandises, n. 285 et s.).

Les pénalités édictées pour falsification de vin par addition d'eau étant encourues, aux termes de l'art. 1er de la loi du 24 juill. 1894, même au cas où l'acheteur ou consommateur aurait eu connaissance de la falsification, le délit de falsification doit être relevé à la charge d'un restaurateur débitant de boissons, chez lequel ont été trouvées, préparées pour la vente, des bouteilles de vin additionnées d'eau de Selts, encore bien que le prévenu allegue que ces bouteilles étaient destinées à des pensionnaires de sa maison, qui l'avaient autorisé à mouiller à l'avance le vin à leur usage (1) (LL. 24 juill. 1894, art. 1er; 1er août 1905, art. 1er, 3 et 14).

Alors, d'ailleurs, qu'il n'est pas établi que les bouteilles de vin additionnées d'eau de Seltz fussent exclusivement destinées aux pensionnaires qui auraient autorisé le restaurateur à mouiller à l'avance le vin destiné à leur consommation (2) (Id.). (G... ARRÈT.

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Considérant que G... re

27 oct. 1911). A l'appui de cette solution, l'arrêt invoque l'art. 1er de la loi du 24 juill. 1894 (S. et P. Lois annotées de 1894, p. 870), aux termes duquel la falsification par addition d'eau est punissable, encore bien qu'elle ait été connue de l'acheteur ou consommateur, en affirmant implicitement ainsi la survivance de cette disposition à la loi du 1er août 1905 (S. et P. Lois annotées de 1906, p. 153; Pand. pér., 1905.3.249), qui, d'ailleurs, loin de la comprendre dans l'abrogation qu'elle

connait avoir additionné d'eau de Seltz le vin sur lequel des prélèvements ont été opérés par les agents de la répression des fraudes; qu'il est constant que ce vin était mouillé à 12 p. 100 environ, et que les bouteilles qui le contenaient ont été trouvées préparées pour la vente, sous le comptoir du débit; que vainement G... prétend n'avoir agi qu'en vertu d'un mandat de quelques pensionnaires, qui l'auraient autorisé à mouiller le vin destiné à leur usage, et ce, afin, d'éviter une aug. mentation du prix de leur pension; Considérant que ce système de défense est démenti par les faits et circonstances de la cause; que si, pour un motif quelconque, la nécessité s'imposait à G... comme il le prétend, de réduire la quantité de vin qu'il servait à ses pensionnaires allemands, il devait leur laisser le soin de le couper d'eau pendant le repas, et dans la proportion qui leur conviendrait; qu'au surplus, G... n'établit pas que le vin dont le mouillage a été constaté fût exclusivement destiné à une certaine catégorie de consommateurs, avec lesquels des conventions exceptionnelles seraient intervenues; qu'il résulte, d'ailleurs, des termes formels de l'art. 1er de la loi du 24 juill. 1894, auquel se réfère la loi de 1905, que les pénalités édictées pour falsification de vin par addition d'eau sont encourues même au cas où le consommateur aurait eu connaissance de la falsification; que, dans ces conditions, il échet de considérer comme suffisamment établies par les constatations des agents de la Régie la fabrication et la mise en vente, sous le nom de vin, d'une dilution alcoolique passible, non des droits sur les vins, mais des droits sur l'alcool, tels qu ils sont fixés par les taxes générales et locales, fabrication qui implique nécessairement le délit de falsification de vin destiné à être vendu; - Par ces motifs; - Déclare G... coupable d'avoir, en 1912, et en particulier, le 18 déc. 1912, à La Fère, falsifié du vin destiné à être vendu, par addition d'une certaine quantité d'eau, d'avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, mis en vente du vin falsifié sachant qu'il était falsifié, délits prévus par les art. 1er et 3 de la loi de 1905, et d'avoir commis les contraventions prévues par les art. 1er de la loi du 14 août 1889, 1er de la loi du 6 avril 1897, et par le règlement d'octroi de la ville de La Fère; Le condamne, etc.

Du 2 mai 1913.

C. Amiens, ch. corr. MM. Baradez, prés.; Dondenne (du barreau de Paris), av.

prononçait, dans son art. 14, de l'art. 423. C. pén., et de la loi du 27 mars 1851, auxquel s'était incorporé l'art. 1er de la loi du 24 juill. 1894, a, dans ce même art. 14, expressément substitué les pénalités qu'elle édictait aux pénalités de l'art. 423, C. pén., et de la loi du 27 mars 1851, pour l'application de la loi du 24 juill. 1894. V. d'ailleurs, la note sous Angers, 20 déc. 1912, précité.

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(1 à 4) Nous ne saurions qu'approuver la solution donnée par la Cour d'Aix à la question qui lui était soumise.

Un homme a eu un enfant de sa maîtresse, à laquelle il n'a jamais rien reproché, et qu'il comptait épouser plus tard. Militaire, et obligé de se rendre aux colonies, il lui a envoyé des subsides pour subvenir à l'entretien de l'enfant. La mère étant morte, il a continué, pendant un certain temps, à envoyer de l'argent au tuteur de l'enfant. Dans des lettres nombreuses, il reconnaît, sans ambiguïté, sa paternité. Plus tard, cependant, il cherche à se soustraire l'obligation librement contractée. Le peut-il ?

Le procès est né sous l'empire de l'art. 340, C. civ., qui proscrivait la recherche de la paternité. Cet article faisait-il obstacle à ce qu'on considérât comme ayant une cause licite, susceptible de produire des effets juridiques, l'engagement pris par un père naturel d'entretenir et d'élever son enfant ?

La jurisprudence avait admis la validité de cet engagement, comme reposant sur un devoir de conscience de nature à engendrer une obligation naturelle, que le père avait la faculté de transformer en une obligation civile. L'objection déduite de ce que l'action exercée pour faire respecter cet engagement faisait apparaître la paternité de l'obligé ne l'avait pas arrêtée. Elle disait : Les tribunaux n'ont pas à se préoccuper des relations de parenté existant entre le débiteur et le créancier; ils n'ont qu'à constater l'existence de l'obligation contractée. V. Cass. 15 janv. 1873 (S. 1873.1.29. P. 1873.46); 3 avril 1882 (S. 1882.1.404. 1882.1.1010); 30 juill. 1900 (S. et P. 1901.1.259); Chambéry, 17 mars 1908 (S. et P. 1909.2.309; Pand. pér., 1909.2.309); Cass. 20 avril 1912 (Supra, 1re part., p. 214), les notes et renvois.

P.

C'était absolument équitable et logique. Que l'on refusât à un enfant le droit de faire constater sa filiation paternelle, c'était déjà d'une rigueur extrême, que la loi du 16 nov. 1912 (S. et P. Lois annotées de 1913, p. 430; Pand. pr, Lois annotées de 1913, p. 430) a eu grandement raison de condamner; mais cela pouvait, cependant, s'expliquer dans une certaine mesure. Mais aller jusqu'à annuler l'obligation librement consentie par un père de nourrir et d'élever son enfant serait obéir à une pensée que réprouve la conscience. L'art. 340, C. civ., ne pouvait conduire à une conséquence aussi immorale, car ce qu'il prohibait, c'était, non pas la reconnaissance, mais la recherche de la paternité.

Dira-t-on que la reconnaissance d'un enfant naturel ne peut avoir lieu que dans la forme légale (C. civ., 334), c'est-à-dire dans un acte authentique (V. sur le principe, Paris, 26 févr. 1896, S. et P. 1898.2.238, et la note), et que, dans les espèces jugées, il s'agissait d'une simple reconnaissance ANNÉE 1913. - 11 cah.

son décès, il a continué d'en adresser au tuteur de l'enfant, en promettant meme, dans une lettre, une somme fixe par mois, l'engagement par lui pris libremen', pour obéir à un devoir de conscience ayant son fondement dans la croyance qu'il avait de sa paternité, est licite et doit produire effet (1) (C. civ., 340, 1382).

En conséquence, il doit être condamné à payer, jusqu'au jour où l'enfant sera en état de subvenir par son travail à ses besoins, la pension qu'il s'était engagé à servir (2) (Id.).

La loi du 16 nov. 1912 ne fait pas obs

par lettres missives? Soit. Mais la reconnaissance prévue par l'art. 334 est celle qui attribue à l'enfant la qualité d'enfant naturel, lui donne le droit de porter le nom de son père, de participer à sa succession. Ici, rien de semblable. Sans doute, l'engagement contracté par le père a été motivé par le rapport de parenté naturelle existant, et qui constitue la cause même de cet engagement; mais en quoi cette cause serait elle illicite? Si elle sert de fondement à l'obligation, elle n'équivaut pas à une reconnaissance proprement dite, et ne peut être déclarée inefficace, sous le prétexte que les formes de la reconnaissance n'ont pas été observées.

Il n'y avait donc rien que de rationnel dans la jurisprudence qui validait la dette du père naturel. Cette jurisprudence a-t-elle été modifiée par la loi du 16 nov. 1912, qui autorise, sous certaines conditions, la recherche de la paternité?

L'appelant le soutenait, mais c'était insoutenable. Il n'y avait aucun rapport de dépendance entre la loi interdisant la recherche de la paternité et la loi générale, telle que l'interprétait la jurisprudence, qui permettait à un père naturel de réaliser, en contractant une obligation civile, l'obligation naturelle qui existait à sa charge. Dès lors, comment la loi, qui permet la recherche de la paternité, aurait-elle une influence sur la nature de l'engagement consenti par le père? V. la note sous Cass. 20 avril 1912, précité, et le renvoi.

C'est là évidemment tout ce qu'a voulu dire la Cour d'Aix. Peut-être cependant a-t-elle e nployé, pour formuler sa pensée, une expression légèrement équivoque. On lit dans son premier considérant :

4

Attendu qu'on soutient vainement que la loi du 16 nov. 1912, en autorisant, dans certains cas, la recherche de la paternité, a eu pour effet de priver les enfants naturels du droit de demander des aliments, sans faire reconnaître préalablement leur filiation naturelle ».

Cette formule n'est pas irréprochable. Si, en effet, le père a, sous l'empire de la loi nouvelle, comme sous l'empire de la loi ancienne, le droit de s'obliger civilement à fournir des aliments à son enfant naturel, celui-ci n'avait pas autrefois le droit, en dehors d'un acte volontaire de son père, de réclamer des aliments en invoquant sa filiation; il n'acquiert ce droit, aujourd'hui, que s'il se trouve dans les conditions prévues par la loi nouvelle pour exercer l'action en recherche de la paternité, et comme conséquence de cette paternité judiciairement établie.

La Cour dit ensuite qu'admettre la théorie qu'elle condamne serait donner à la loi nouvelle un effet rétroactif qu'elle n'a pus.

Il ne faudrait pas, croyons-nous, se méprendre sur la portée de ce considérant. Nous avons longuement exposé, dans une note sous un jugement du

tacle à ce que l'exécution de cet engagement soit réclamée en justice; en effet, cette loi, en autorisant la recherche de la paternité, n'a pas eu pour effet de priver les enfants naturels du droit de demander des aliments sans faire reconnaître préalablement_leur filiation naturelle (3) (L. 16 nov. 1912, art. 1er).

A supposer d'ailleurs que la loi du 15 nov. 1912 dût être interprétée autrement, il n'en saurait être fait application, en appel, à une instance sur laquelle il était intervenu un jugement avant sa promulgation (4) (Id.).

tribunal de Meaux du 28 déc. 1912 (Supra, 2° part., p. 65), que la loi du 16 nov. 1912 a un effet rétroactif, en ce sens qu'elle peut être invoquée par les enfants qui étaient nés au moment où cette loi est devenue exécutoire. V. dans le même sens, Trib. de Meaux, 28 déc. 1912, précité; Trib. de St-Lô, 10 juill. 1913 (Supra, 2o part., p. 259). Mais V. en sens contraire, Trib. d'Autun, 14 mai 1913 (Supra, 2o part., p. 258).

Il ne semble pas que la Cour d'Aix ait voulu contredire à cette idée. Elle a voulu simplement indiquer que la loi du 16 nov. 1912, étant extensive et non restrictive du droit des enfants naturels, ne pouvait être interprétée comme ayant abrogé le droit des enfants de demander l'exécution des engagements contractés par leur père pour assurer leur entretien. C'est une question d'interprétation de la loi, et non une question de rétroactivité, que la Cour a tranchée, sous une forme peut-être un peu imprécise.

La Cour termine en disant que, si même la théorie contraire à la sienne était admise, elle ne saurait recevoir aucune application dans la cause, parce qu'il s'agit d'un procès né et d'un jugement rendu avant la promulgation de la loi du 16 nov. 1912.

Ce considérant appelle quelques explications. A l'égard des lois ordinaires, il est de principe que la loi nouvelle ne s'applique pas dès qu'une action a été intentée. On considère que celui qui introduit une action devant un tribunal doit être jugé conformément au droit qui lui appartient au moment où le procès est engagé. V. la note, 4 col., de M. Lyon-Caen sous Cass. 17 févr. 1896 (S. et P. 1896.1.257). Adde, comme application, Lyon, 14 juin 1895 et Douai, 8 juill. 1895 (S. et P. 1896. 2.213). ~

Ce qui est vrai des lois qui obéissent au principe de la non-rétroactivité des lois, l'est-il également des lois qui doivent, à raison de leur caractère rigoureusement obligatoire (V. la note précitée de M. Naquet, sous Trib. de Meaux, 28 déc. 1912), opérer un effet rétroactif?

La question s'est posée, soit à propos des lois de compétence, soit à propos des lois pénales.

En matière de compétence, on décide que le fait que l'action a été introduite ne suffit pas pour faire obstacle à l'application de la loi nouvelle à l'instance en cours. V Aix, 18 févr. 1886 (S. 1886. 2.169. - P. 1886.1.957), et la note de M. Naquet; Trib. de Lyon, 20 déc. 1895 (S. et P. 1896.2.52); Paris, 11 juin 1896 (S. et P., 1896.2.245); Trib. de Beauvais, 24 déc. 1896 (S. et P. 1897.2.120); Cass. 29 mars 1897 (S. et P. 1898.1.441; Pand. pér., 1897.1.367), les notes et les renvois. Comp. Grenoble, 12 août 1902 (S. et P. 1904.2.206), et la note. Il faut, dans l'opinion la plus généralement admise, pour que la loi ancienne demeure applicable au litige, qu'un jugement sur le fond soit in- 40 II PART.

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