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LA COUR; Attendu qu'on soutient vainement que la loi du 16 nov. 1912, en autorisant, dans certains cas, la recherche de la paternité, a eu pour effet de priver les en ants naturels du droit de demander des aliments sans faire connaître préalablement leur filiation naturelle; qu'admettre cette théorie, ce serait, à la fois, restreindre la portée de la loi nouvelle, et lui donner un effet rétroactif qu'elle n'a pas; qu'en effet, ceux qui ne pourraient invoquer la loi nouvelle, parce qu'ils ne se trouveraient pas dans les conditions prévues par celle-ci, se verraient privés de la faculté que leur accordait antérieurement la jurisprudence; qu'il peut même se présenter des cas où l'enfant a intérêt, sans faire connaître sa filiation naturelle, à ne réclamer que des aliments; qu'au surplus, fùt-elle admise, la théorie soutenue devant la Cour ne saurait recevoir aucune application dans la cause, puisqu'il s'agit d'un procés né et d'un jugement rendu avant la promulgation de la loi de 1912;

Au fond: Attendu qu'il n'est pas exact de prétendre qu'il n'a été fait, dans la correspondance versée aux débats, aucune allusion, soit à l'existence de la mineure Viviane Lenable, soit à des devoirs quelconques dont Gay serait tenu vis-à-vis d'elle, alors que les lettres dont le jugement a fait état, notamment celles des 11 févr., 28 mars et 2 mai 1898, démontrent de la façon la plus indiscutable que Gay était au courant de la grossesse de Gabrielle Lenable, et qu'il se préoccupait de son accouchement; qu'il est établi, d'autre part, par les documents et circonstances de la cause qu'à l'époque de la conception de l'enfant, Gay, alors sergent

tervenu antérieurement à la publication de la loi nouvelle, mais il n'est pas nécessaire que ce jugeinent soit en dernier ressort. V. Cass. 18 févr. 1882 (2 arrêts) (S. 1882.1.185. P. 1882.1.420); 25 nov. 1895 (S. et P. 1899.1.502), et les renvois. Adde, Merlin, Rép., vo Effet rétroactif, sect. III, § 11, éd. de 1827, t. 5, p. 602. En matière pénale, on fait un pas de plus, et l'on admet que la loi nouvelle recevra son effet, si elle est plus douce que l'ancienne (V. Cass. 19 juin 1885, 2 arrêts, et 20 juin 1885, S. 1886.1.45. - P. 1886. 1.72, la note et les renvois; 3 juin 1905, S. et P. 1908.1.369; Pand. pér., 1908.1.369, la note et les renvois), tant qu'il ne sera pas intervenu une décision de justice irrévocable. V. Cass. 19 juin 1885 (1 arrêt), précité; 19 juin 1885 (2o arrêt) (sol. implic.), précité; 20 juin 1885, précité, et la note. La nouvelle loi est-elle promulguée alors que l'affaire est en appel, le tribunal d'appel devra l'appliquer. Intervient-elle après un pourvoi en cassation, la Cour de cassation, en rejetant le pourvoi, renverra devant un tribunal répressif pour qu'il soit fait application au condamné de la peine la plus douce. V. Cass. 19 juin 1885 (1er arrêt), précité; 19 juin 1885 (2 arrêt) (sol. implic.), précité; 20 juin 1885, précité, et la note. Mais on ne saurait pousser plus loin, et on reconnaît que la loi nouvelle ne peut régir les situations créées par une décision judiciaire irrévocable. V. les arrêts précités.

Convient-il d'appliquer les principes adoptés

de l'infanterie coloniale à Cherbourg, où il avait entretenu, en 1896 et 1897, des relations intimes avec Gabrielle Lenable, ne s'était pas encore embarqué pour les colonies; qu'après son départ, il a régulièrement envoyé des subsides à sa maîtresse, qu'il avait l'intention d'épouser à son retour, et qu'après la mort de celle-ci, survenue le 16 nov. 1898, il a continué à adresser au tuteur de l'enfant des sommes proportionnées à ses ressources; qu'un engagement formel de fournir à celui-ci une somme de 25 fr. par mois a été pris par lui, à la date du 3 mars 1901, dans les termes suivants : « Je vous enverrai maintenant 25 fr. par mois ; c'est tout ce que je peux faire, et encore faut-il me priver de beaucoup de choses »; qu'en tenant son engagement jusqu'en 1909, Gay a évidemment obéi à un devoir de conscience, ayant son fondement dans la croyance qu'il avait de sa paternité; que cet engagement, librement consenti, est licite, et doit sortir à effet jusqu'au jour où la mineure pourra, par son travail, subvenir à ses besoins; Par ces motifs; Confirme le jugement entrepris, etc.

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pour les lois pénales, en ce qui concerne les lois civiles qui, par leur nature rigoureusement obligatoire, sont déclarées rétroactives?

Nous sommes assez enclin à l'admettre. Des l'instant que nous supposons une loi présentant un intérêt d'ordre public supérieur, il y a lieu de l'appliquer toutes les fois que c'est possible, et c'est possible tant qu'il n'est pas intervenu une décision de justice irrévocable.

Si donc on considérait que la loi du 16 nov. 1912, dont le caractère d'ordre public est indiscutable (V. Trib. de Meaux, 28 déc. 1912, précité, et la note de M. Naquet; Trib. d'Autun, 14 mai 1913, motifs, précité), a abrogé le droit pour un père de s'obliger civilement vis-à-vis de son enfant naturel, il ne servirait de rien de constater que l'obligation dont il s'agit a donné lieu, avant la promulgation de cette loi, à un procès né et même à un jugement rendu en premier ressort. Mais, nous l'avons suffisamment démontré, telle n'est pas la conséquence, de la loi de 1912. En sorte que, si l'on peut faire quelques réserves sur la valeur juridique du considérant, la solution consacrée par la Cour est entiérement justifiée.

E. NAQUET.

(1-2) L'impuissance naturelle, et spécialement l'impuissance du mari, qui n'est pas comprise dans l'énumération des causes de divorce faite par les art. 229 et s., C. civ., ne saurait constituer, par ellemême, une cause péremptoire de divorce ou de sé

ment blessante au regard de la femme,ne saurail constituer une injure grave, de nature à motiver une demande en divorce de la part de la femme (1) (C.civ., 231).

Il en est ainsi surtout, alors que, loin de demander à établir l'ignorance dans la quelle elle aurait été laissée de l'impuissance du mari, la femme allègue, à l'appui de sa demande, que cet état d'impuissance était, lors du mariage, de notoriété publique, en telle sorte que c'est en plere connaissance de cet état qu'elle aurait contracté mariage (2) (Id.).'

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(B... C. B...)

-

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que la dame B... fonde son instance en divorce, soit sur l'état d'impuissance dans lequel se trouverait son mari, et qu'elle demande à prouver à l'aide d'une expertise médicale et d'une enquête, soit sur des sévices et injures graves dont elle aurait été l'objet de la part de sa belle-mère, en présence de son mari, qui n'aurait pas cherché à intervenir en sa faveur; Sur le premier chef Attendu que l'impuissance génésique est un vice de conformation qui, quelque désagréable qu'il soit pour celui qui en est atteint et pour son conjoint, n'a, ni pour l'un ni pour l'autre, le moindre caractere injurieux; qu'à la vérité, la dissimulation de cette infirmité à sa fiancée constitue, de la part du futur époux, une incorrection que l'on peut apprécier avec plus ou moins de sévérité, suivant l'âge des parties contractantes, mais qu'on y chercherait vainement une intention outrageante ou même simplement blessante au regard de la femine, si, du moins, comme dans les faits de la cause, aucune autre circonstance ne trahit une telle pensée chez le mari; — Attendu,

paration de corps. V. en ce sens, Trib. de Nimes. 21 juill. 1893 (motifs) sous Nimes, 5 juin 1894 (S. et P. 1896.2.142). Adde, Trib. de Compiègne, 10 mai 1905 (Rec. Gaz. Pal., 1905.2.65); Baudry-Lacantinerie et Chauveau, Des pers., 3o éd., t. 4, n. 48. Mais la question s'est posée de savoir si elle ne peut pas, du moins, constituer à la charge du mari qui, connaissant son état d'impuissance, l'a dissimulé à sa future épouse lors du mariage, une injure grave, de nature à motiver le divorce ou la séparation de corps.

La Cour d'Orléans s'est prononcée pour l'affirmative. V. Orléans, 4 mars 1904 (S. et P. 1904.2.301), et la note. Adde dans le même sens, Baudry-Lacantinerie et Chauveau, op. cit., t. 4, n. 48, note 3, p. 33. La solution de l'arrêt ci-dessus, qui écarte la demande en divorce fondée sur l'impuissance du mari, malgré la connaissance que le mari avait de son état lors du mariage, en se fondant sur ce qu'il n'était établi, à la charge du mari, aucune intention outrageante ou même blessante à l'égard de la femme, se borne à appliquer le principe que l'injure grave ne peut entraîner le divorce qu'autant qu'elle a un caractère intentionnel (V. Orléans, 21 oct. 1897, S. et P. 1898.2.39, la note et les renvois. Adde, les renvois de la note sous Trib. de Saint-Quentin, 24 janv. 1907, S. et P. 1907.2.250), sans par là même contester que l'impuissance du mari, lorsque sa dissimulation revêt un caractère injurieux pour la femme, puisse être une cause de divorce, ainsi que l'a décidé l'arrêt précité d'Orléans du 4 mars 1904.

en fait, que l'appelante ne demande même pas à prouver l'ignorance dans laquelle elle aurait été laissée de la situation spéciale de son futur époux; que, tout au contraire, elle articule que c'était là un fait de notoriété publique, ce qui donnerait à croire qu'elle aurait accepté, en pleine connaissance de cause, d entrer dans les liens du mariage avec le sieur B...; d'où il suit que, ce premier grief manquant de pertinence, il n'y a pas lieu d'en autoriser la preuve; Sur le deuxième grief... (sans intérêt) Par ces motifs; Confirme, etc.

Du 13 déc. 1910. C. Grenoble, Ire ch. - MM Sachet, prés.; Despélou, av. gén.; Givord et Tissot, av.

PARIS 28 février 1913. CHASSE, ENGINS PROHIBES, PANNEAUX, FILETS FORMANT ENCEINTE (Rép., vo Chasse, n. 316 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1452, 1455 et s.).

Constituent des engins prohibés, au sens de l'art. 12 de la loi du 3 mai 1844, les filets dits panneaux », qui, établis en forme de poches à larges mailles, ne permettent pas au gibier qui s'y prend de se dégager, et qui sont suscentibles de procurer par euxmêmes, indépendamment de tout autre mode licite de chasse, la capture du gibier, et d'en assurer la possession immédiate à celui qui en fait usage (1) (L. 3 mai 1844, art. 12). Motifs.

Mais il en est différemment des simples filets à mailles serrées, sans poches, tendus verticalement, et formant une enceinte dans laquelle le gibier se trouve enfermé, et qui n'en procurent pas, par eux-mêmes, la capture, les chasseurs devant, pour s'en assurer la possession, le poursuivre et le tirer dans l'espace circonscrit par les filets (2) (Id.).

(Hervin, Cousin et Blézy).

MM. Hervin, Cousin et Blézy, gardes

(1-2) C'est un point certain que, parmi les engins de chasse dont la loi du 3 mai 1844, dans son art. 12, prohibe l'usage et la détention, on ne doit comprendre que les instruments, quels qu'ils soient, susceptibles d'opérer par eux-mêmes la capture du gibier, et d'en assurer la possession immédiate et matérielle à celui qui en fait usage. V. Douai, 22 juin 1886 (S. 1887.2.5. P. 1887. 1.86), avec les renvois, et, sur pourvoi, Cass. 18 déc. 1886 (S. 1887.1.140. P. 1887.1.314; Pand. pér., 1887.1.57); Aix, 19 avril 1907 (sol, implic.) (S. et P. 1909.2.182; Pand. pér. 1909 2. 182), et la note; Larcher, Rép. du dr. de chasse, v Engins prohibés, n. 447; Baudouin, Jaffeux et Radot, Dict. de la jurispr. en mat. de chasse, v° Filets, n. 6 et s.; notre Rép. gén. du dr. fr., v Chasse, n. 316 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1455 et s. Tel est le cas pour des filets. V. Cass. 7 mars 1868 (S. 1868.1.273. - P. 1868.662; Pand. chr.); Caen, 21 juill. 1874 (S. 1875.2.208. P. 1875.825); et les renvois de la note sous Caen, 23 nov. 1899 (S. et P. 1900.2.6). Mais encore faut-il que les filets soient de nature à procurer, par eux-mêmes, la capture du gibier. V. en ce sens, Trib. corr. de Valenciennes, 26 sept. 1884 (Rec. de la Gaz. Pal.,

particuliers chargés de la surveillance de la foret du Mans, près de La Ferté-sousJouarre, ont été cités devant la re chambre de la Cour d'appel de Paris pour avoir commis, dans l'exercice de leurs fonctions, les délits de chasse avec engins prohibés, et contrevenu à l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne interdisant l'usage des panneaux, en se servant, pour détruire le lapin, de filets tendus verticalement et formant une enceinte dans laquelle les lapins se trouvaient enfermés.

ARRÊT.

LA COUR; Statuant sur la poursuite intentée contre Hervin, Cousin et Blézy;

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Considérant qu'il résulte des témoignages entendus à l'audience que, pour arriver à la destruction des lapins dans les bois de la forêt du Mans, les prévenus entouraient des parties de bois de filets; que, dans les enceintes ainsi formées, ils poursuivaient les lapins avec des chiens, et les tuaient à coups de fusil; que les filets dont ils se servaient, tendus verticalement, étaient sans poches, à mailles serrées, que les lapins ne pouvaient s'y prendre, et que ces filets ne pouvaient avoir d'autre résultat que de maintenir le gibier dans la partie circonscrite, obligeant les chasseurs, pour s'en assurer la possession, à le poursuivre et à le tirer; Considérant que ces faits ne sauraient constituer, à la charge des prévenus, le délit de chasse à l'aide de panneaux, engins prohibés, contre eux relevé; qu'en effet, les engins de chasse, dits panneaux, dont les art. 9 et 12 de la loi du 3 mai 1844 et l'arrêté préfectoral du 10 août 1912 ont entendu interdire la détention et l'usage, consistent en filets établis en forme de poches, à larges mailles, ne permettant pas au gibier qui s'y prend de se dégager, et susceptibles de procurer par eux mêmes, indépendamment de tout autre mode licite de chasse, la capture du gibier, et d'en assurer la possession immédiate et matérielle à celui qui en fait usage; qu'il y a donc lieu de

1881.2.546); Baudouin, Jaffeux et Radot, op. et verb. cit.; Larcher, op. et verb. cit., n. 448. Et l'arrêt ci-dessus refuse ce caractère à une enceinte formée par des filets posés verticalement, qui enferme le gibier se trouvant dans l'enclos, mais sans en procurer par elle-même la capture, les chasseurs, pour s'en rendre maîtres, étant obligés de recourir à d'autres procédés de chasse.

(3-4) Par exception à la règle que l'action en radiation d'inscription hypothécaire doit être portée devant le tribunal dans le ressort duquel l'inscription a été prise, c'est-à-dire devant le tribunal de la situation des biens sur lesquels est prise l'inscription, l'art. 2159, C. civ., dispose que, « lorsque l'inscription a eu lieu pour sûreté d'une condamnation éventuelle ou indéterminée, sur l'exécution ou liquidation de laquelle le débiteur et le créancier prétendu sont en instance ou doivent être jugés dans un autre tribunal », la demande en radiation doit être portée ou renvoyée devant ce dernier tribunal.

Le texte ne prévoit qu'un cas, celui où l'hypothèque dont la radiation est requise dérive d'un jugement et a pour cause une condamnation éventuelle ou indéterminée. L'exception qu'il consacre

renvoyer les prévenus des fins de la poursuite; Par ces motifs; Renvoie Hervin, Cousin et Blézy des fins de la poursuite, etc.

Du 28 févr. 1913. C. Paris, 1re ch. MM. Durand, prés.; Maurice Porché, av.

NANCY 14 mars 1913.

1 INSCRIPTION HYPOTHÉCAIRE, RADIATION, COMPÉTENCE, TRIBUNAL DU LIEU DE LA SITUATION DES BIENS, INSTANCE SUR L'EXISTENCE DE LA CRÉANCE, TRIBUNAL SAISI (Rép., vo Hypothèques, n. 2968 et s.; Pand. Rép., vo Privileges et hypothèques, n. 13016 et s.). 2o SUCCESSION, COMPÉTENCE, TRIBUNAL DU LIEU DE L'OUVERTURE DE LA SUCCESSION, ACTION CONTRE UN CRÉANCIER DE LA SUCCESSION (Rép., vo Successions, n. 131 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1994, 6177 et s.).

La disposition de l'art. 2159, C. civ., qui, par exception à la règle suivant laquelle c'est le tribunal de la situation des biens frappés d'hypothèque qui est compétent pour statuer sur les demandes en radiation d'inscription, dispose que, lorsque l'inscription a été prise pour sûreté d'une condamnation éventuelle ou indéterminée dont l'exécution ou la liquidation soulève un litige né ou à naire devant un autre tribunol, ce dernier devient compétent pour statuer également sur la radiation, doit être entendue dans un sens large et compréhensif (3) (C. civ., 2159).

Dès lors, toutes les fois que l'instance en radiation se rattache à une instance pendante ou à naître devant un autre tribunal sur l'existence même du droit que garantit l'inscription, et qu'elle se présente comme la conséquence où l'accessoire d'une contestation sur l'existence de ce droit, le tribunal de la situation des biens cesse d'être compétent (4) (Id.).

Spécialement, lorsque des héritiers ont assigné un tiers, se prétendant créancier de

doit-elle être restreinte à cette seule hypothèse, ou doit-elle, au contraire, s'appliquer toutes les fois que la radiation d'une inscription hypothécaire se rattache à une demande principale relative à l'existence ou à la non-existence du droit que l'inscription garantit, demande pendante ou qui doit être portée devant un autre tribunal? La question est discutée.

L'arrêt ci-dessus recueilli, avec la majeure partie de la doctrine, se prononce pour une interprétation très large de l'art. 2159. Dans cette opinion, on décide que l'art. 2159 n'est qu'une application de la règle que l'accessoire doit suivre le sort du principal. Le législateur, dit-on, a estimé qu'il était rationnel de ne pas séparer deux demandes liées intimement entre elles, et. de donner aux juges, que les règles ordinaires de la compétence appellent à 'connaître de la demande qui a un caractère préju diciel, la connaissance et le jugement de l'autre. Or, la raison de décider est la même, dès lors que le sort de l'inscription dont la radiation est demandée dépend d'un jugement à intervenir sur des contestations pendantes ou qui doivent être portées devant un tribunal autre que celui de la situation des immeubles, sans qu'il y ait à distinguer

la succession, pour entendre dire qu'il n'avait, contre la succession, ni créance, ni privilege, le tribunal saisi de cette remande est competent pour ordonner la radiation de lin cription de privilège prise par le prétendu créancier (1) (Id.).

Vainement on opposerait l'élection de domicile faite par le prétendu créancier dans son inscription (2) (C. civ., 2148, 2159).

2o L'art. 59, § 6, C. proc., aux termes duquel. en matière de succession, le defendeur sera assigné devant le tribunal du lieu où la surcession s'est ouve te, vise exc usivement les actions dirigées contre la succession, et non les actions exercées par la succession (3) (C. civ., 822; C. proc., 59, § 6).

Spécialement, le tribunal du lieu de l'ouverture de la succession n'est pas competent pour connaître d'une action intentée par des héritiers contre un prétendu créancier de la succession, à l'effet de contester l'existence de la créance (4) (Id.).

(Bézian C. Goulard). ARRÊT.

LA COUR; Attendu que l'art. 2159, C. civ., porte que, sauf convention contraire, la radiation non consentie d'une inscription hypothécaire doit être demandée au tribunal dans le ressort duquel l'inscription a été faite, à moins que cette inscription ait été prise pour sûreté d'une condamnation éventuelle ou indéterminée, sur l'exécution ou liquidation de laquelle le débiteur et le créancier prétendu sont en instance ou do vent être jugés dans un autre tribunal, auquel cas la demande en radiation doit y être portée ou renvoyée; qu'ainsi, en règle générale, c'est le tribunal de la situation des biens frappés d'hypothèque qui est compétent pour statuer sur les demandes en radiation d'inscription; qu'il y a toutefois, en dehors de la liberté des conventions, une exception à ce principe, lorsque l'inscription a été prise pour sûreté d'une condamnation

suivant que l'inscription procède d'une condamnation judiciaire, ou d'un titre conventionnel,ni suivant qu'elle a été prise pour sûreté d'une créance éventuelle ou indéterminée, ou pour garantie d'une créance liquide et exigible. L'esprit de la loi conduit donc à reconnaître que, dans tous les cas où les parties sont en contestation sur le principal, c'està-dire sur la dette elle-même pour sûreté de laquelle a été prise l'inscription hypothécaire, la demande en radiation de l'inscription doit être portée ou renvoyée devant le tribunal qui est saisi ou doit être saisi de la contestation. V. en ce sens, les autorités citées dans la note (3 col.), sous Caen, 19 févr. 1866 (S. 1866.2.253. P. 1866. 935), Adde, Aubry et Rau, 5o ¿d., t. 3, p. 640, § 281, texte et note 24; Huc, Comment. du C. cw., t. 13, n. 381; Planiol, Tr. elém. de dr. civ., 6 éd., t. 2, n. 3066; Guillouard, Priv. et hyp, t. 3, n. 1446; André, Tr. du rég. hyp., n. 1843; Thézard, Du nantiss., des priv. et hyp., n. 264, p. 359; Boulanger et de Récy, Tr. des radiations hyp., 3o éd., t. 2, n. 621; Jouitou, De la restriction de l'hyp. lég. de la femme, n. 87 bis.

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Cette opinion est loin d'être unanimement admise. Des auteurs enseignent et des arrêts ont décidé que l'art. 2159 doit être entendu limitativement, et que la compétence du tribunal de la situation

éventuelle ou indéterminée, dont l'exécution ou la liquidation soulève un litige, né ou à naître, devan un autre tribuna, lequel devient compétent pour statuer également sur la radiation; Attendu qu'il est généralement admis en doctrine que, bien qu'il s'agisse d'une exception à la règle, il ne faut pas prendre dans leur sens strict littéral les termes que le législateur a employés pour la formuler; que le texte est d'ailleurs plus large et plus compréhensif qu'il ne semble à première vue, puisqu'il y est parlé d'un litige entre le débiteur et le créancier prétendu, ce qui paraît bien indiquer que le litige portant sur l'existence même de la créance est de nature a entraîner la compétence exceptionnelle d'un tribunal autre que celui de la situation des biens; que, toutes les fois que l'instance en radiation se rattachera à une instance pendante ou à naître devant un autre tribunal sur l'existence même du droit que garantit l'inscription, et qu'elle se présentera comme la conséquence ou l'accessoire d'une contestation sur l'existence de ce droit, le tribunal de la situation des biens cessera d'être compétent; qu'en d'autres termes, la demande en radiation est essenti llement connexe à la demande en nu lité de l'obligation, et ne peut en être détachée; qu'elle en prend, en quelque sorte, le caractère d'action personnelle et mobilière, qui donne compétence exclusive au tribunal du domicile du défendeur; qu'il s'ensuit que la compétence sera fixée par les termes mêmes de la demande; Attendu qu en l'espèce, les demandeurs, agissant en qualité d'héritiers d'une dame Lardenois, ont fait assigner Bézian à comparaître devant le tribunal civil de Vouziers, pour entendre dire et déclarer: « que la succession de la dame Lardenois n'est débitrice à aucun titre ni d'aucune somme envers lui, Béz an; entendre dire et déclarer, en tous cas, que ledit Bézian était sans droit, titre,

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des biens grevés reprend son empire, toutes les fois qu'on ne se trouve plus dans l'hypothèse expressément prévue par ce texte. V. en ce sens, Cass. 24 avril 1810 (S. 1866.2.253, ad notam. P. 1866 935, ad notam); Caen, 19 févr. 1866, précité, et les renvois; Tarrible, Rép. de Merlin, vo Radiation des hypothèques, n. X, éd. de 1827, t. 14, p. 63; Colmet de Santerre (contin. de A.-M. Demante), Cours anal. de C. civ., t. 9, n. 139 bisII; Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Du nantiss., des priv. et hyp., 3o éd, t. 3, n. 1869. Cette dernière opinion se fonde sur ce que la compétence exceptionnelle d'un tribunal autre que celui de la situation des biens, pour connaître d'une radiation d'inscription dans le cas visé par l'art. 2159, a pour fondement la règle qui donne aux tribunaux une compétence exclusive pour connaître de l'exécution de leurs propres jugements. Le législateur a envisagé l'hypothèse où un créancier ayant obtenu contre son débiteur une condamnation judiciaire éventuelle ou indéterminée, par exemple, une condamnation à des dommages-intérêts à fixer par état, et ayant fait inscrire l'hypothèque résultant de cette condamnation, la radiation de cette inscription était demandée. Il lui est apparu que le tribunal, devant lequel les parties étaient en instance pour la liquidation de la condamnation, était mieux qualifié

ni qualité, pour requérir et faire opérer inscription de privilège contre la succession de la dame Lardenois »; que les consorts Goulard out donc eux-mêmes présenté leur demande de radiation, non seulement comme connexe et se rattachant à une contestation sur l'existence même de la créance, mais comme la conséquence et l'accessoire de cette contestation, dont la connaissance appartient exclusivement au tribunal du domicile du défendeur; Attendu qu'il est à peine besoin d'indiquer que l'élection de domic le contenue dans l'inscription est une pure formalité, qui ne change pas plus les ègles de la compétence qu'elle ne met obstacle à la liberté des conventions; qu'enfin, l'art. 59, § 6, C. proc., aux termes duquel, en matière de succession, le défendeur sera assigné devant le tribunal du lieu où la succession s'est ouverte, vise exclusivement les actions dirigées contre l'herédité et non par l'hérédité; Par ces motifs; Met le jugement dont est appel au néant, en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompetence opposée à la demande; Emendant, dit que le tribunal compétent était celui du domicile de Bèzian et non celui de l'arrondisment où a été prise l'inscription de privilège; Recoit, en conséquence, l'exception d'incompétence soulevée par l'appelant, etc.

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Du 14 mars 1913. C. Nancy. MM. George, ler prés.; Mengin et Léon Lévy, av.

CHAMBÉRY 26 février 1912. CHEMIN DE FER, CHEMIN DE FER D'INTÉRÊT LOCAL, CONCESSION, INTERPRÉTATION, LI

TIGE ENTRE LE CONCESSIONNAIRE ET DES TIERS, AUTORITÉ Judiciaire, COMPÉTENCE. INDUSTRIES ÉTRANGÈRES A L'EXPLOITATION, INTERDICTION, CARTES POSTALES, PHOTO GRAPHIES, VENTE DANS LES GARES, PRÉJU

qu'aucun autre pour connaître de la demande en radiation. On déduit de là que l'art. 2159, ayant eu en vue une hypothèse déterminée, ne peut recevoir application en dehors de cette hypothèse, pour laquelle seulement il a apporté exception à la règle générale, qu'il formulait, de la compétence du tribunal du lieu de la situation pour statuer sur la demande en radiation d'inscription hypothécaire. Décider autrement, dit-on dans cette seconde opinion, ce serait méconnaître le principe que les exceptions à une règle générale ne sont pas susceptibles d'extension. V. Colmet de Santerre et Baudry-Lacantinerie et de Loynes, ubi supra.

(1-2) V. la note qui précède.

(3-4) Cette solution ne peut faire difficulté. L'art. 5, § 6 C. proc., attribue compétence au tribunal du lieu où une succession est ouverte pour connaître de trois catégories d'actions qu'il énumère : 1° les demandes entre héritiers avant le partage; 2o les demandes intentées avant le partage par les créanciers du défunt; 3° les demandes relatives à l'exécution des dispositions à cause de mort consenties par le de cujus. Les demandes dirigées contre les créanciers du défunt, ne figurant pas dans cette énumération, demeurent, au point de vue de la compétence, soumises aux règles du droit commun.

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DICE, DOMMAGES - INTÉRÊTS (Rép., v Chami s de fer, n. 6319 et s.; Pand. Rep., eod. verb., n. 1178, 1187 et s.).

Si, entre le département et le concessionnaire, la concession d'un chemin de fer d'intérêt local, approuvee par une lo, et le cahier des charges qui est annexé à la concession, présentent le caractère administratif, ils ont, dans les rapports des concessionnaires et des particuliers, le caractère d'actes légistatifs ou de conventions, dont il appartient à l'autorité judiciaire d'interpréter le sens et la portée (1) (LL. 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13; 16 fruct. an 3). Rés. par le Trib.

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(1-2) C'est un point certain que le conseil de préfecture est seul compétent, en vertu de l'art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8, pour juger toutes les contestations qui peuvent s'élever entre l'Administration et les concessionnaires de chemins de fer, au sujet de l'interprétation des traités de con cession. V. Cons. d'Etat, 27 juin 1890, Comp. des chem. de fer à voie étroite de St-Etienne (S. et P. 1892.3.124), et la note; 23 janv. 1903, Comp. des chem. de fer économiques du Nord (S. et P. 1904.3.49), et la note de M. Hauriou; Pand. pér., 1905.4.77. Adde, la note de M. Chassaigne, avec les renvois, sous Cass. 23 mai 1905 (S. et P. 1907.1.185). Mais la détermination de l'autorité compétente pour interpréter les clauses des contrats de concession de chemins de fer, des conventions modificatives ou des tarifs homologués par l'Administration, dans les contestations qui s'élèvent entre les concessionnaires et les tiers, présente de sérieuses difficultés.

Cette question a été étudiée dans la note de M. Chassaigne sous Cass. 23 mai 1905, précité, où sont analysés les arrêts intervenus, dont quelques-uns sont susceptibles d'interprétations divergentes. Mais, d'une manière générale, la jurisprudence de la Cour de cassation paraît se prononcer en ce sens que les tribunaux de l'ordre judiciaire ont compétence pour interpréter les concessions, cahiers des charges et tarifs de chemins de fer, dans les contestations qui, s'élevant entre les concessionnaires et les tiers, ne touchent qu'à des questions d'intérêt privé. V. Cass. 21 janv. 1857 (S. 1857.1.566. P. 1857.1150); 5 févr. 1861 (S. 1862.1.196. P. 1862.891); 31 déc. 1866 (S. 1867.1.34. P. 1867.50); 26 août 1874 (S. P. 1874.1241); 12 avril 1905 (S. et P. 1907.1.190). Comp., mais dans une espèce où la question débattue était une question de légalité de tarifs, Cass. 23 mai 1905, précité.

1874.1.490.

(3 à 7) La question de savoir si les Comp. de chemins de fer peuvent entreprendre des industries ou des commerces ne rentrant pas dans l'objet même

oomme l'accessoire normal et le développe ment naturel, il n'en saurait être ainsi, alors que la loi de concession interdit expressément au concessionnaire de s'inté- | resser directement dans aucune entreprise étrangère à l'objet même de la concession sans une autorisation préalable par décret en Conseil d'Etat (3).

Spécialement, la Comp. de chemins de fer d'intérêt loca', dont l'acte de concession, approuvé par une loi, contient pareille interdiction, ne saurait, sans justifier de l'autorisation prescrite par l'acte de concession, faire, dans ses gares, le commerce des cartes postales, photographies et bibelols (4).

D'ailleurs, si l'exploitation de certaines industries accessoires a pu être considérée comme l'accessoire de l'exploitation principale, c'est qu'elle se justifiai! par la nécessité de parer aux besoins de voyageurs qui ont de longs parcours à effectuer; et il n'en saurait être ainsi, pour une ligne de chemin de fer d'une longueur de 5 kilomètres et demi, où le trajet a une durée de moins d'une heure, et où les voyageurs peuvent trouver, dans le voisinage des gares, tout ce qui leur est nécessaire (5).

Il importe peu que la Comp. de chemins de fer ait été autorisée par le préfet à établir dans les gares des kiosques pour la

de leur concession, et ne s'y rattachant pas par un lien nécessaire, ne comporte pas les mêmes solutions, lorsque l'acte de concession ne contient aucune clause d'interdiction, et lorsque l'acte de concession interdit, au contraire, aux Comp. de chemins de fer d'exercer aucune industrie et aucun commerce étrangers à l'objet de leur exploitation.

Dans le premier cas, la question a été vivement débattue; mais on a beaucoup plus discuté les limites du droit des Comp. de chemins de fer d'entreprendre des industries et commerces étrangers à l'objet même de la concession que ce droit luimême.

-

La jurisprudence est fixée en ce sens que si, en principe, les Comp. de chemins de fer ne peuvent se livrer à une autre industrie que celle en vue de laquelle elles ont été créées, elles ne commettent pas un abus de leur monopole, susceptible de donner ouverture à une action en justice de la part des tiers, en accomplissant certaines opérations commerciales qui peuvent être considérées comme l'accessoire de leur exploitation principale. Cette solution ressort notamment des nombreuses décisions qui ont admis qu'une Comp. de chemins de fer peut créer dans une gare, avec l'autorisation administrative, un hôtel terminus. (V. Aix, 15 févr. 1882, S. 1882.2.169. P. 1882.1.895, avec la note de M. Lyon-Caen, et, sur pourvoi, Cass. 19 déc. 1882, S. 1884.1.433. P. 1884.1.1065, la note de M. Lyon-Caen et le rapport de M. le conseiller Féraud-Giraud; Pand. chr.; Trib. de Bordeaux, 12 janv. 1898, S. et P. 1898.2.253, la note et les renvois; Paris, 2 août 1900, S. et P. 1901.2.135, et les renvois), alors même que l'hôtel serait accessible à des voyageurs non munis de billets (V. Aix, 15 févr. 1882, précité; et les renvois de la note sous Trib. de Bordeaux, 12 janv. 1898, précité), ou que l'hôtel ne se bornerait pas à recevoir des voyageurs pour leur fournir la nourriture et le logement, et louerait, en outre, ses salles pour des bals, soirées, réunions et banquets. V. Paris,

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vente des cartes postales, photographies et bibelots, cette autorisation administrative ne pouvant faire échec aux droits des tiers (6).

En conséquence, une commune, proprié taire, au point terminus de la ligne de chemins de fer, d'un hôtel dont le locataire exploite un commerce similaire, est recevable et fondée à demander qu'il soit fait défense à la Comp. de chemins de fer, tant qu'elle ne sera pas autorisée par décret en Conseil d'Etat, conformément à l'acte de concession, de faire dans ses gares le commerce des cartes postales, photographies et bibelots (7) (C. civ., 1382).

(Chem. de fer de Chamonix à Montenvers C. Comm. de Chamonix).

La commune de Chamonix. propriétaire de l'hôtel de Montenvers, prétendant que la Société du chemin de fer de Chamonix à Montenvers, concédé par le département de la Haute-Savoie, en se livrant, en vertu d'une autorisation à elle donnée par le préfet de la Haute-Savoie, dans ses gares, et notamment dans la gare terminus de Montenvers, au commerce des cartes postales, souvenirs et bibelots de tous genres, exploités d'ordinaire par les hôteliers dans les pays de montagne, s'occupait d'un

18 févr. 1903 (S. et P. 1904.2.37); et, sur pourvoi, Cass. 13 mars 1906 (S. et P. 1907.1.517). Mais V. en sens contraire, Thaller et Josserand, Tr. des transports, n. 1011.

Si l'acte de concession d'une Comp. de chemins de fer ou une clause du cahier des charges lui interdit absolument de se livrer à des entreprises étrangères à l'exploitation, ou, comme c'était le cas dans la présente affaire, ne le lui permet qu'à la condition de se munir d'une autorisation dans des conditions déterminées, la Comp. qui, en dehors de son exploitation, se livre à des opérations commerciales, en violation de l'interdiction qui lui en a été faite en termes généraux dans son traité, ou sans avoir accompli les formalités qui lui avaient été imposées, peut, à raison de cette inexécution des clauses du traité, se voir retirer sa concession. V. la note de M. LyonCaen sous Cass. 19 déc. 1882, précité. De plus, toute personne à qui ces agissements auront causé un préjudice, et spécialement les commerçants ou industriels qui exercent la profession à laquelle se rapportent les opérations effectuées indûment par la Comp., sont en droit de lui réclamer des dommages-intérêts, en veitu des art. 1382 et 1383, C. civ., à raison du prėjudice qui résulte pour eux de la concurrence illicite de la Comp. V. la note de M. Lyon-Caen, sous Cass. 19 déc. 1882, précité. Il importe peu, à cet égard, que la Comp. ait obtenu de l'Adininistration une autorisation qui n'est pas celle prévue par la concession ou le cahier des charges; que, par exemple, la concession ou le cahier des charges prescrivant une autorisation par décret en Conseil d'État, elle ait obtenu une autorisation du préfet ; cette autorisation, qui ne réunit pas les conditions prescrites par la concession ou le cahier des charges, n'est pas de nature à faire écarter l'action des tiers lésés. V. en ce sens, pour le cas où la concession ne contient aucune interdiction spéciale, Paris, 2 août 1900, précité, et les renvois. Adde, la note sons Paris, 18 févr. 1903, précité. Comp. cet arrêt.

commerce autre que celui qui lui avait été accordé, et contrevenait ainsi à l'art. 3 de la convention de concession du 6 mars 1897, reproduit dans la loi du 6 août 1897, approuvant la concession, et qui portait qu'il est interdit expressément aux concessionnaires, sous peine de déchéance, de s'intéresser directement ou indirectement dans une entreprise étrangère à l'objet même de la concession, sans en avoir obtenu l'autorisation préalable par un décret délibéré en Conseil d'Etat », a assigné en dommages-intérêts la Société du chemin de fer de Chamonix à Montenvers, en demandant, en outre, la suppression de tout commerce illicite et déloyal dans les gares, sous une astreinte de 500 fr. par contravention constatée.

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28 mars 1911, jugement du tribunal civil de Saint-Julien, statuant commercialement, qui accueille la demande de la commune de Montenvers par les motifs suivants : - Le Tribunal; Attendu que la société excipe d'abord de l'incompétence du tribunal, en prétendant qu'il est indispensable, pour trancher le litige, d'interpréter le sens et la portée de la convention (de concession) du 6 mars 1897, qui constitue un acte administratif, dont l'appreciation ne rentre pas dans la compétence des tribunaux consulaires; Attendu que cette convention, ainsi que le cahier des charges qui y était annexé, ont été visés par la loi du 6 août 1897, et déclarés annexes à ladite loi; qu'il en résulte qu'ils doivent être réputés en faire partie intégrante et avoir la même force; que, dès lors, si, entre le département et les concessionnaires, ladie convention et le cahier des charges présentent le carac tère administratif, dans les rapports de la société et des particuliers, ils ont le caractère d'actes législatifs ou de conventions ordinaires, dont il appartient à l'autorité judiciaire d'interpréter souverainement le sens et la portée; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'accueillir l'exception d'incompétence;

« Attendu, au fond, que la Société du chemin de fer d'intérêt local de Chamonix au Montenvers est tenue de limiter ses opérations industrielles à celles qui sont strictement prévues dans son acte de concession; que tous les tiers lésés par la violation des clauses de cet acte ont qualité pour demander réparation du préju dice causé par cette violation; qu'il importe peu, au regard de ces tiers, dont les droits sont placés sous la sauvegarde des tribunaux de droit commun, que des autorisations administratives aient éte accordées implicitement ou explicitement, régulièrement ou irrégulièrement; qu'il y a lieu seulement de rechercher si les actes reprochés à la société constituent une violation de la convention intervenue, ou simplement l'accessoire licite de l'exploitation principale, son développement naturel, et une amélioration du transport des voyageurs; Attendu que l'objet de la concession faite à la Société du chemin de fer est bien précisé dans la convention; que c'est le transport des voyageurs, des bagages et des marchandises; que la prohibition qui est faite est formelle et très

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nette; qu'elle est aussi large que possible; qu'elle n'interdit pas seulement à cette société de se livrer à d'autres entreprises que celle qui lui est concédée; qu'elle lui défend même de s'y intéresser directement ou indirectement; que ces termes n'offrent aucun doute; qu'ils excluent tout commerce de bibelots de montagne, cartes postales et journaux, toute création de buffets, restaurants, hôtels ou autres; Attendu que cette inhibition est si absolue que les parties contractantes ont éprouvé le besoin d'en tempérer la rigueur par une clause insérée à la fin de l'article, qui permet à la société de se faire autoriser à une dérogation par décret délibéré en Conseil d'Etat; Attendu qu'en confiant au Conseil d'Etat le droit de mitiger la défense générale imposée à la société, les par ies ont écarté l'autorité de la jurisprudence qui s'est formée à propos des grandes Comp. de chemins de fer qui exploitent les réseaux d'intérêt général, et qui reconnaît à ces dernières le droit d'exercer, à titre d'accessoire de l'exploitation principale, les diverses industries dont il s'agit, et ont constitué cette haute institution comme arbitre unique et souverain; Attendu, au surplus, que cette jurisprudence concerne des sociétés exploitant des parcours très longs, qui ne peuvent être faits normalement sans des conditions spéciales; qu'elle ne saurait s'appliquer à une société à parcours très restreint (5.500 mètres), dans un endroit où le public trouve abondamment, au départ et à l'arrivée, toutes les fournitures auxquelles voudrait participer la société, où l'industrie des bibelots, photographies, articles de voyage, restaurants et hôtels, a une importance capitale et prime toutes les autres; que, quoi qu'il en soit, cette jurisprudence doit fléchir, en présence de la défense formelle et du moyen d'y déroger, établis dans l'art. 3 de la convention; Attendu que la commune de Chamonix est propriétaire, au Montenvers, d'un hôtel dont les tenanciers exploitent en mème temps le commerce de cartes, journaux, bibelots, qui constituent pour eux un revenu avantageux; que l'installation et l'exploitation par la société d'un kiosque servant à la vente d'objets similaires n'est pas déniée; qu'il est incontestable que ce fait est de nature à causer à la commune un préjudice, par la diminution du prix de location de son hôtel, et qu'il est dû à cette dernière réparation de ce préjudice; Par ces motifs; - Se déclare compétent; -Dit la commune de Chamonix recevable et fondée en son instance; Dit que le commerce des bibelots, cartes postales et journaux, comme celui des buffets-restaurants, est une branche commerciale nettement distincte du commerce de transport par chemin de fer, et que la société ne pouvait s'y livrer ou s'y intéresser directement ou indirectement, à moins qu'elle n'en eût obtenu l'autorisation par un décret délibéré en Conseil d'Etat; · Dit que cette société, ne présentant aucun décret du Conseil d'Etat, a violé la loi du 6 août 1897, a commis vis-à-vis de tout commerce similaire des actes de concurrence, et la condamne à supprimer, dans le délai de

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LA COUR; Attendu qu'une clause expresse de son acte de concession interdit à la Société du chemin de fer d'intérêt local de Chamonix au Montenvers de s'intéresser dans une entreprise étrangère à l'objet meme de la concession, sans avoir obtenu l'autorisation préalable par décret délibéré en Conseil d'Etat; Atiendu que cette société, régulièrement autorisée à cet effet par l'Administration, a établi, dans les gares d'arrivée et de départ, des kiosques pour la vente de cartes postales illustrées, de photographies et de bibelots;

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Attendu que la commune de Chamonix, propriétaire de l'hôtel du Montenvers, prétendant que le commerce auquel se Îivre la société fait concurrence au commerce similaire exercé par le locataire de l'hôtel et a été la cause d'une diminution du prix de location dans les dernières adjudications, a assigné la société aux fins d'entendre or tonner qu'elle sera tenue de cesser tout commerce de cartes postales, photographies et bibelots, et s'entendre condamner à des dommages-intérêts pour le préjudice causé; Attendu que, par jugement du 28 mars 1911, le tribunal de Saint-Julien a fait droit à la demande de la commune de Chamonix;

Attendu que la société a fait appel; que, renonçant à l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée en première instance, elle oppose à la demande de la commune une fin de non-recevoir, fondée sur ce que la commune n'a pas été partie à la convention intervenue entre la société et le département de la Haute-Savoie, et qu'elle ne saurait, dès lors, se prévaloir de la clause restrictive qui y est insérée;

Mais attendu que la commune base sa demande, non pas sur le traité de concession, mais sur la loi du 6 août 1897, qui a déclaré d'utilité publique le chemin de fer du Montenvers, et qui reproduit, en termes identiques, la clause prohibitive du traité; que cette loi a stipulé dans un intérêt public, et, par suite, dans l'intérêt des tiers; que, si la société s'est livrée à des opérations commerciales qui lui sont défendues, et a causé un préjudice à autrui, elle a commis une faute en dépassant les limites de son droit, et est tenue de dommages-intérêts, en vertu de l'art. 1382, C. civ., sans qu'il y ait d'ail leurs à se préoccuper de l'autorisation administrative qui a pu lui être accordée, et qui ne saurait faire échec aux droits des tiers; Au fond: Attendu qu'on

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ne saurait sérieusement contester que le commerce de cartes postales, photographies et bibelo's, auquel la société se livre dans ses gares, constitue une opération

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