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PARIS 9 décembre 1908.

1o FAILLITE, LIQUIDATION JUDICIAIRE, SOCIÉTÉ COMMERCIALE, SOCIÉTÉ dissoute (Rép., vo Société commerciale, n. 608 et s.; Pand. Rép., vo Sociétés, n. 1619, 1680 et s., 4911 et s.). 2o ET 4o LIQUIDATION JUDICIAIRE, SOCIÉTÉ COMMERCIALE, DISSOLUTION, LIQUIDATION AMIABLE, ASSOCIÉS, PRÉSENTATION DE LA REQUÊTE, LIQUIDATEUR, MANDAT, JUGEMENT, VOIES DE RECOURS, EXCLUSION, CLÔTURE DE LA LIQUIDATION JUDICIAIRE, SURSIS (Rép., vis Liquidation judiciaire, n. 180 et s., Société commerciale, n. 608 et s.; Pand. Rép., v Sociétés, n. 4911 et 5017 et s.). 3 SOCIÉTÉ EN NOM COL

S.,

(1) Une société commerciale dissoute continue d'exister comme personne morale jusqu'à l'achèvement complet des opérations de sa liquidation; c'est là un principe admis d'une façon constante, en doctrine et en jurisprudence. V. Cass. 7 nov. 1898 (S. et P. 1899.1.269); 3 janv. 1900 (S. et P. 1900.1.391; Pand. pér., 1900.6.29), les notes et les renvois. Adde, la note de M. Naquet, sous Cass. 24 oct. 1910 (S. et P. 1912.1.193; Pand. pér. 1912.1.193), avec les renvois ; et Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4o éd., t. 2, 1re part., n. 366; Thaller, Tr. élém. de dr. comm., 4° éd., n. 447; Houpin, Tr. gén. des soc., 4 éd., t. 1, n. 151 et s.; Vavasseur, Tr. des soc. civ. et comm., t. 1, n. 249; Rousseau, Tr. des soc. comm. fr. et étr., t. 1, n. 628 et s.; notre Rép. gén. du dr. fr., vo Société commerciale, n. 608 et s.; Pand. Rep., vo Sociétés, n. 4911 et s. V. égal., pour une société anonyme nulle pour inobservation des formalités prescrites par la loi du 24 juill. 1867, Cass. 18 févr. 1903 (S. et P. 1904.1.191). Même après sa dissolution, une société commerciale peut donc être admise au bénéfice de la liquidation judiciaire ou déclarée en faillite. V. Orléans, 9 mars 1894 (S. et P. 1895.2.310), et les renvois. V. encore, Cass. 21 mars 1904 (sol. implic.) (S. et P. 1910.1.357; Pand. pér., 1910.1.357); 27 déc. 1905 (sol. implic.) (S. et P. 1912.1.377; Pand. pér., 1912.1.877), et la note. Adde, la note de M. Lyon-Caen, sous Cass. 4 nov. 1903 (S. et P 1904.1.209); Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, 1re part., n. 366, p. 310, texte et note 3; Boistel, Précis de dr. comm., n. 379; Thaller, op. cit., n. 2195, et Rev. crit., 1885, p. 296 et s.; Pic, Tr. de la faill. des soc. comm., p. 32 et s.; Duvivier, Tr. de la faill. des soc. comm., p. 15; Frémont et Camberlin, Code prat. des liquid. judic. et des faill., t. 1, n. 28; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Liquidation judiciaire, n. 97; Pand. Rép., v° Sociétés, n. 1619, 1680 et s. Cette solution se trouve d'ailleurs expressément consacrée par l'art. 4, § 2, de la loi du 4 mars 1889, qui prévoit l'hypothèse où une société, déclarée en état de liquidation judiciaire, a déjà reçu un liquidateur, car c'est pour les sociétés dissoutes que les liquidateurs sont nom

més.

(2-3) Les décisions ci-dessus ont eu à résoudre des questions intéressantes en ce qui concerne la liquidation judiciaire des sociétés en nom collectif. Quels sont les associés qui ont qualité pour présenter la requête à fin d'admission à la liquidation judiciaire? Les associés qui ont qualité pour présenter la requête peuvent-ils exercer ce droit, malgré le refus de leurs coassociés d'y concourir? Au cas où la société est dissoute, le droit de présenter la requête continue-t-il d'appartenir aux associés, ou bien peut-il être exercé par le liquidateur de la société ?

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LECTIF, ASSOCIÉ, DISSOLUTION, LIQUIDATEUR AMIABLE, DÉSIGNATION, SIGNATURE SOCIALE, LIQUIDATION JUDICIAIRE, PRÉSENTATION DE LA REQUÈTE, FAUTE, RESPONSABILITÉ (Rép., vo Liquidation judiciaire, n. 180 et s.; Pand. Rép., vo Faillite, liquidation judiciaire, n. 8610 et s.).

1° Une société commerciale, bien que dissoute, peut, jusqu'à l'achèvement des opérations de sa liquidation, être déclarée en état de faillite ou de liquidation judiciaire (1) (C. comm., 437; L. 4 mars 1889).

2o Dans les sociétés en nom collectif, même après la dissolution de la société et la nomination d'un liquidateur amiable,

I. Aux termes de l'art. 3, § 1er, de la loi du 4 mars 1889, en cas de cessation des paiements d'une société en nom collectif, la requête tendant à l'admission au bénéfice de la liquidation judiciaire doit être signée par les associés ayant la signature sociale, c'est-à-dire par les associés gérants. Les motifs du jugement ci-dessus pourraient conduire à penser que le droit de solliciter le bénéfice de l'assistance judiciaire doit être reconnu à tous les associés en nom collectif, qu'ils aient ou non la signature sociale; le fait que, dans l'espèce sur laquelle statuent les décisions rapportées, la signature sociale appartenait à tous les associés, n'est, en effet, relevé que dans l'arrêt. Mais il est sans difficulté que le droit de demander la liquidation judiciaire d'une société en nom collectif ne peut appartenir qu'aux seuls associés gérants. V. notre Rép. gen. du dr. fr., v° Liquidation judiciaire, n. 135; Pand. Rep., v Faillite, liquidation judiciaire, etc., n. 508 et s. Le texte de l'art. 3, § 1er, est trop net et trop précis pour laisser place au doute, car les associés qui ne sont pas gérants ne représentent pas la société. V. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 3° éd., t. 8, n. 1161. En effet, d'une part, les associés qui ont la signature sociale sont les mieux placés pour apprécier s'il y a lieu de provoquer la mise en liquidation judiciaire de la société. D'autre part, il n'y a aucun danger pour les autres associés à reconnaître aux associés gérants le droit exclusif de présenter la requête. Si la cessation de paiements de la société entraîne la cessation de paiements des associés, le bénéfice de la liquidation judiciaire peut n'être accordé spécialement qu'à l'un ou à quelques-uns des associés, ou à la société seule. V. Paris, 21 mai 1890 (S. 1890.2.145. P. 1890.1.856), et la note de M. Lyon-Caen. Adde, Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 8, n. 1148 et 1165; Thaller, Tr. élém. de dr. comm., 4° éd., n. 2193, in fine; Thaller et Percerou, Des faill. et banqueroutes et des liquid. judic., t. 1, n. 337. Or, l'associe gérant, qui n'aurait pas déposé le bilan au nom de la société dans le délai prescrit par l'art. 2 de la loi du 4 mars 1889, se serait rendu coupable d'une faute qui le priverait du droit de solliciter pour lui-même le bénéfice de la liquidation judiciaire ; tout au contraire, le défaut de dépôt du bilan dans le délai imparti par la loi ne saurait être reproché à l'associé non gérant, et ne peut, par suite, l'empêcher de bénéficier personnellement du régime de la liquidation judiciaire.

II. Mais, s'il est certain que la requête à fin d'admission au bénéfice de la liquidation judiciaire doit être présentée par les associés ayant la signature sociale, est-il nécessaire qu'elle soit revêtue de la signature de tous les associés ayant la signature sociale?

La jurisprudence s'était déjà prononcée en fa

l'un des associés ayant la signature sociale peut seul, et à l'insu de ses coassociés ayant la signature et du liquidateur amiable, déposer le bilan de la société, et solliciter l'admission de celle-ci au bénéfice de la liquidation judiciaire (2) (L. 4 mars 1889, art. 3, 1).

Le liquidateur amiable d'une société en nom collectif en dissolution, alors que la signature sociale ne lui a pas été accordée, et qu'il n'a reçu qu'un mandat déterminé et nettement spécifié, consistant à liquider la situation, à arrêter ensuite le compte respectif des associés entre eux, et à leur répartir l'actif, n'a pas qualité pour déposer le bilan au nom de la société (3) (C. comm., 438).

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veur de la négative, mais, dans une hypothèse où le défaut de signature de certains des associés gérants n'était résulté que de l'impossibilité de signer où ils s'étaient trouvés. V. Paris, 1er mai 1890 (S. 1890.2.111. P. 1890.1.593), et la note. Il a de même été jugé que l'opposition au jugement déclaratif de faillite, tendant à l'obtention du bénéfice de la liquidation judiciaire, peut n'être signée que par l'un des associés gérants, alors qu'il y a impossibilité matérielle à ce qu'elle soit signée par l'autre associé gérant, ce dernier étant en fuite. V. Trib. de Gien, 23 févr. 1897 (Pand. pér., 1897.2.257), et la note de M. Denisse. Les décisions rapportées se prononcent, au contraire, sur l'hypothèse où certains associés ayant la signature sociale ont refusé ou se sont abstenus, en dehors de tout empêchement, de signer la requête.

La question revient à savoir si l'art. 3, § 1o, de la loi du 4 mars 1889, en prescrivant que la requête à fin de liquidation judiciaire serait signée par les associés ayant la signature sociale, doit être interprété en ce sens que le bénéfice de la liquidation judiciaire devrait être refusé à une société en nom collectif, alors que tous les associés gérants ne sont pas d'accord pour le solliciter. On l'a soutenu. V. Trib. comm. de la Seine, 12 janv. 1895 (Journ. des faill., 1896, p. 236); Drouaux, Liquid. judic., p. 27; Lecomte, Tr. theor. et prat. de la liquid. judic., p. 478, n. 421; et notre Rép. gén. du dr. fr., v Liquidation judiciaire, n. 137; Pand. Rep., v Faillite, liquidation judiciaire, etc., n. 5017 et s. On a cité également, comme pouvant présenter un argument en faveur de cette opinion, les motifs de l'arrêt de la Cour de Paris du 21 mai 1890, précité; mais, à le bien examiner, cet arrêt paraît plutôt avoir voulu simplement poser la question sans la résoudre.

Rien, à notre avis, ne justifie une pareille exigence, et, dans ses motifs, le jugement ci-dessus rapporté du tribunal de commerce de Chartres fait ressortir les inconvénients qu'il y aurait à admettre cette thèse. Le bénéfice de la liquidation judiciaire ne peut être accordé qu'autant qu'il est demandé dans le délai imparti par la loi; tout associé gérant a donc, non seulement le droit, mais le devoir de requérir ce bénéfice, dès qu'il constate que la société est en état de cessation de paiements; la dissidence des autres associés gérants ne saurait paralyser les efforts qu'il tente pour sauvegarder l'honneur et les intérêts de la société et des autres associés. C'est en ce sens que s'était déjà prononcée une partie de la doctrine. V. Boistel, Liquid. judic., p. 27; Coulon, Législ. nouvelle des faill., p. 67; Pand. Rep., vo Sociétés, n. 5017 à 5020. V. au surplus sur la question, la note sous Paris, 1er mai 1890, précité.

III. Lorsque la société est dissoute et pourvue d'un liquidateur, qui, des associés ayant la signaII PART. 12

3 Un associé en nom collectif ayant la signature sociale engage sa responsabilité vis-à-vis de ses coassociés, et se rend passible de dommages-intérêts à leur égard, si, par la présentation d'une requête à fin de liquidation judiciaire, il provoque la mise en état de liquidation judiciaire de la société, alors que celle ci est in bonis (1) (C. civ., 1992). Sol. implic.

a

ture sociale ou du liquidateur, a qualité pour présenter la requête à fin d'admission à la liquidation judiciaire? On décide en général, contrairement à la décision ci-dessus recueillie, que l'on ne doit pas s'attacher à une interprétation littérale de l'art. 3, § 1, de la loi du 4 mars 1889, d'après lequel la requête à fin de liquidation judiciaire doit être signée par celui ou ceux des associés ayant la signature sociale; en s'exprimant ainsi, le législateur n'a visé que l'hypothèse la plus générale, celle où la société est administrée par des associés; lorsqu'elle est gérée par des tiers, c'est à ces tiers gérant la société qu'il appartient de déposer le bilan, et de signer la requête tendant à l'admission au bénéfice de la liquidation judiciaire (V. Courtois, Tr. de la liquid. judic., p. 135, et la note; Pand. Rep., v Sociétés, n. 5022); et lorsque, la société ayant été dissoute, il a été nommé un liquidateur amiable, c'est à ce liquidateur, et à lui seul, qu'appartient ce pouvoir, car lui seul désormais représente la société. On peut ajouter que la dissolution de la société met fin à la gestion des associés auxquels les statuts donnaient la signature sociale, puisque la société ne survit que pour les besoins de la liquidation, et que c'est au liquidateur, et non aux associés ayant la signature sociale, qu'il appartient de procéder à toutes les opérations rendues nécessaires par la liquidation. Cette solution est d'ailleurs implicitement consacrée par l'art. 4, 2, de la loi du 4 mars 1889, car ce texte, en décidant que la société, au cas où elle a été dissoute antérieurement au jugement déclaratif, est représentée par le liquidateur dans les opérations de la liquidation judiciaire, habilite, par là même, ce liquidateur à présenter la requête, point de départ de la procédure de la liquidation judiciaire. V. Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 8, n. 1163; Thaller et Percerou, op. cit., t. 1, n. 337; Bailly, La loi sur les liquid. judic. (Ann. de dr. comm., 1889, 2, p. 53, note 1); Pic, Tr. de la faill. des soc., p. 65; et notre Rép. gén, du dr. fr., vo Liquidation judiciaire, n. 144; Pand. Rép., v Sociétés, n. 5026.

Dans la présente affaire, le jugement du tribunal de commerce de Chartres, dont la Cour a adopté les motifs, s'est prononcé en sens contraire. Il s'est principalement fondé sur ce que les pouvoirs du liquidateur, par la volonté des coassociés qui l'avaient désigné, étaient limités à la liquidation de la société in bonis, et que c'eût été, de sa part, excéder le mandat qu'il avait reçu que de déposer le bilan et de demander l'admission à la liquidation judiciaire. Cette considération n'est pas pleinement déterminante. Il est bien certain, à la vérité, que l'étendue du mandat du liquidateur amiable est fixée par la convention des parties, et qu'il leur appartient de ne lui donner d'autres pouvoirs que celui de dresser les comptes entre associés. Mais, lorsqu'un liquidateur amiable est donné, comme dans l'espèce, à une société dissoute, avec pouvoir, non seulement de dresser les comptes, mais de répartir l'actif, cela implique le pouvoir d'acquitter le passif de la société, opération qui doit nécessairement précéder la répar

4o Le dernier alinéa de l'art. 4 de la loi du 4 mars 1889 ne saurait être interprété comme contenant une interdiction absolue de toutes les voies de recours contre les jugements prononçant la liquidation judiciaire (2) (L. 4 mars 1889, art. 4).

Spécialement, lorsqu'une société en nom collectif a été mise en liquidation judiciaire sur la requête d'un seul des associés

tition de l'actif; et cela implique aussi que, si le liquidateur, au cours de ses opérations, se rend compte que le passif dépasse l'actif, et que la société est en état de cessation de paiements, il doit pouvoir prendre les mesures nécessaires pour éviter une déclaration de faillite, en accomplissant les formalités nécessaires pour l'admission de la société à la liquidation judiciaire.

(1) Le représentant d'une société, qui, soit par légèreté, soit frauduleusement, provoquerait sa mise en faillite ou en liquidation judiciaire, sans que cette mesure soit justifiée, aurait causé ainsi à la société un grave préjudice dont il devrait réparation. V. en ce sens, Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 3o éd., t. 8, n. 1162; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Sociétés commerciales, n. 1187 et s.; Pand. Rép., v° Sociétés, n. 6433 et s.

(2-3-4) L'assertion contenue dans les motifs de l'arrêt, que l'art. 4, dernier alinéa, de la loi du 4 mars 1889 ne contient pas une interdiction absolue de toutes les voies de recours contre les jugements prononçant la liquidation judiciaire, paraît bien être en contradiction avec ce texte, d'après lequel le jugement qui déclare ouverte la liquidation judiciaire ... n'est susceptible d'aucun recours et ne peut être attaqué par voie de tierce opposition Quelques auteurs, pour s'efforcer d'échapper à la règle ainsi posée, ont tenté de soutenir que ce jugement pourrait être l'objet d'un pourvoi en cassation, V. Goirand et Périer, Comment. de la loi du 4 mars 1889, p. 63; Voron, De la liquid. judic., p. 97. Mais la majorité de la doctrine, tout en critiquant sévèrement la disposition de l'art. 4 de la loi du 4 mars 1889, s'accorde à reconnaître qu'on se trouve ici en présence d'une exclusion absolue de toute voie de recours V. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 3o éd., t. 8, n. 1030 et 1032; Thaller, Tr. élém. de dr. comm., 4o éd., n. 1760 et 1761; Thaller et Percerou, Tr. des faill. et des banquer, et des liquid. judic., t. 1er, n. 414 et s.; Pand. Rep., vo Faillite, liquidation judiciaire, n. 8608 et 8., et v° Société, n. 5056 et s. Comp. notre Rép. gén. du dr. fr., vo Liquidation judiciaire, n. 182 et s.

C'est ainsi, notamment, qu'il a été décidé que le jugement prononçant la liquidation judiciaire ne saurait être rapporté, alors même que les créanciers prétendraient que leur débiteur, objet de ce jugement, n'était pas commerçant. V. Amiens, 22 déc. 1900 (Pand. pér., 1901.2.288).

De même, à la différence du jugement prononçant la faillite, le jugement qui a déclaré la liquidation judiciaire ouverte ne saurait être rapporté, sous le prétexte que le débiteur n'a jamais cessé d'être in bonis; la liquidation judiciaire une fois ouverte ne peut se terminer que par l'un des modes prévus par la loi. Il n'en serait autrement que si le tribunal, qui a rendu le jugement, avait été simultanément saisi d'une demande en déclaration de faillite et d'une requête à fin de liquidation judiciaire; l'appel, en ce cas, serait recevable contre la décision prononçant la liquidation judi

gérants, les autres associés gérants sont recevables à demander la clôture des opérations, pour le motif que la société n'a pas cessé d'être in bonis (3) (Id.).

Mais il y a lieu de surseoir à statuer sur cette demande jusqu'à ce que les opérations prescrites par le jugement déclaratif soient terminées, et permettent d'en apprécier le bien ou mal fonde (4) (Id.).

ciaire. V. Caen, 24 avril 1895 (S. et P. 1896.2.177),

et la note.

On aperçoit, d'ailleurs, les motifs pour lesquels le débiteur, qui prétend n'avoir jamais cessé d'être in bonis, a été traité d'une façon différente par le législateur, suivant qu'il a été déclaré en état de faillite ou de liquidation judiciaire; au premier cas, il est admis faire opposition au jugement déclaratif; il a alors, en effet, le plus grand intérêt à faire rapporter ce jugement; autrement, il aurait beau désintéresser ses créanciers et obtenir un concordat, il n'en resterait pas moins sous le coup des déchéances encourues par ceux qui ont été l'objet d'une mise en faillite; au second cas, au contraire, le débiteur qui a bénéficié du régime de la liquidation judiciaire, étant frappé d'incapacités beaucoup moins graves que celui qui a été déclaré en faillite, le législateur a estimé qu'il n'avait pas un intérêt suffisant pour qu'il fût autorisé à faire opposition au jugement déclaratif.

C'est donc avec raison que, dans l'espèce rapportée, le jugement du tribunal de commerce de Chartres a décidé qu'il ne pouvait accueillir la demande des associés gérants, tendant à ce que la liquidation judiciaire de la société fût close immédiatement, sous le prétexte que ladite société n'avait pas cessé d'être in bonis, l'acceptation de cette demande « étant, dit-il, en contradiction évidente avec les stipulations formelles insérées dans le § 3 de l'art. 4 de la loi du 4 mars 1889, puisqu'elle entraînerait l'annulation indirecte du jugement accordant la liquidation judiciaire, lequel, suivant les termes de la loi susvisée, n'est susceptible d'aucun recours, et ne peut être attaqué par voie de tierce opposition

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Sur appel, tout en posant, à l'encontre de ce qu'avait dit la juridiction du premier degré, le principe que les juges peuvent, si le débiteur est in bonis, prononcer la clôture des opérations de la liquidation judiciaire, la Cour de Paris a décidé que cette clôture ne peut, du moins, être ordonnée qu'après que les opérations prescrites par le jugement déclaratif sont terminées. Ces opérations comprennent toute la procédure qui se déroule jusqu'à la convocation de l'assemblée, qui doit statuer sur l'accord d'un concordat ou la déclaration d'union, c'est-à-dire toute la procédure préparatoire de la solution à intervenir, et qui a pour but de faire connaître d'une façon précise la consistance de l'actif et du passif; le seul intérêt du système adopté par la Cour de Paris est donc que, lorsque cette procédure montre que le débiteur était in bonis, la liquidation judiciaire peut être clôturée sans que le vote d'un concordat soit nécessaire. Mais il faut observer que, pour qu'une telle solution soit possible en fait, il est nécessaire, non seulement que le débiteur ait été in bonis au jour où a été prononcé le jugement déclaratif, mais encore que la liquidation judiciaire donne aux créanciers une répartition de 100 p. 100; si, par suite des résultats de la liquidation, la répartition était au-dessous de ce taux, un concordat serait indispensable, afin de statuer sur le

(Bourgeois, Renard, Doutres et autres, C. Etienne et Liquid. judic. de la Soc.

Renard, Etienne et Doutres).

23 mars 1908, jugement du tribunal de commerce de Chartres, ainsi conçu : « Le Tribunal; Attendu que Bourgeois, Renard et Doutres exposent que, suivant acte sous signatures privées, en date, à Chartres, du 4 janv. 1907, enregistré, et publié conformément à la loi, il a été constitué entre MM. Renard, Etienne et Doutres, une société en nom collectif, ayant pour but la fabrication de la mou. tarde, des conserves alimentaires, avec extension, si besoin était, à toutes les branches de l'alimentation et de la consommation; que, suivant un autre acte sous signatures privées, en date du 31 déc. 1907, également enregistré, et publié conformément à la loi, il a été convenu entre tous les associés que la société en nom collectif dont s'agit était déclarée dissoute purement et simplement, à compter du 1er janv. 1908; qu'aux termes du même acte, d'un commun accord entre les associés, il a été convenu que la liquidation serait faite par M. Bourgeois, agréé par les trois associés, et auquel les pouvoirs les plus étendus furent consentis, pour administrer, réaliser, et arrêter définitivement les comptes des associés, et répartir l'actif entre les dits associés, au prorata des droits de chacun;que l'un des associés, M. Etienne, a déposé seul, le 9 janvier dernier, le bilan de la société, et demandé par requête, pour celle-ci, le bénéfice de la liquidation judiciaire; qu'à la suite de ce dépôt, il a été rendu par le tribunal, le même jour, 9 janvier, un jugement déclarant la Société Renard, Etienne et Doutres en état de liquidation judiciaire, et nommant M. Carnis comme liquidateur provisoire; qu'Etienne n'aurait eu aucune qualité pour déposer le bilan; qu'en effet, toute liquidation judiciaire ne peut être prononcée que si elle est sollicitée par le débiteur lui-même, et que, dans l'espèce, le débiteur se trouvait être la société prise dans son intégralité, et non Etienne seul; que, cette société ayant été régulièrement dissoute, et un liquidateur amiable ayant été désigné d'accord entre les trois associés, la faculté de déposer le bilan et de réclamer le bénéfice de la liquidation judiciaire était acquise à ce liquidateur amiable seul, à l'exclusion de tous autres; que, d'ailleurs, cette mesure était aussi inop portune qu'injustifiée, puisque la société fonctionnait normalement, et se trouvait in bonis; que, dans ces conditions, l'existence d'un préjudice considérable, causé par Etienne à Renard et Doutres, est un fait patent; que Bourgeois, Renard et Doutres demandent, en conséquence, que le tribunal déclare que c'est sans droit qu'Etienne

point de savoir s'il sera fait remise de la différence au débiteur, ou dans quelles conditions il devrait en effectuer le paiement. L'intérêt pratique de l'opinion consacrée par l'arrêt rapporté est donc on le voit, bien minime; il se réduit à savoir si le vote d'un concordat est nécessaire, lorsque la liquidation judiciaire donne 100 p. 100. Le con

s'est permis de déposer seul le bilan de la Société Renard, Etienne et Doutres, dont M. Carolus Bourgeois, l'un des demandeurs, était liquidateur amiable, en vertu d'une convention signée de tous les membres composant ladite société, que, dès lors, la nullité de ce dépôt, avec toutes les conséquences qu'elle comporterait, soit prononcée; qu'ils demandent de plus que le tribunal reconnaisse que ce dit dépôt, illicite et illégal, a constitué, au regard de Renard et de Doutres, ses coassociés, un véritable dol; qu'ils réclament, en conséquence, qu'Etienne verse à chacun de ceux-ci, à titre de préjudice ainsi causé, la somme de 10.000 fr.; que, subsidiairement, ils demandent de plus que le tribunal ordonne la clôture des opérations de la liquidation judiciaire; qu'ils réclament, enfin, qu'Etienne soit condamné aux dépens; Attendu, d'autre part, qu'Etienne et Carnis, liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire dont s'agit, invoquent la force de chose jugée; qu'ils prétendent, en effet, que le jugement ordonnant la liquidation judiciaire ne peut être attaqué par aucun moyen, même par voie de tierce opposition, et que déclarer la nullité du dépôt de bilan, ou clore avant terme les opérations de la liquidation judiciaire, équivaudrait à une atteinte portée, au mépris de la loi, au jugement inattaquable ordonnant la liquidation judiciaire; qu'ils exposent, de plus, qu'en dépit de la dissolution, la personnalité civile de la société dissoute subsistait, et que tous les membres de cette société, encore sous le poids de leur responsabilité collective et particulière, conservaient, d'autre part, tous les droits susceptibles de parer à cette responsabilité; que, chaque associé ayant des intérêts personnels distincts de ceux de la société, il devait demeurer loisible à chacun d'eux d'user des droits à lui conférés par la loi pour la sauvegarde de ses intérêts; qu'ils concluent, en conséquence, à ce que l'action de Bourgeois, liquidateur amiable, et de Renard et Doutres, coassociés d'Etienne, soit déclarée irrecevable; que ceux-ci en soient, dès lors, déboutés, et qu'ils soient condamnés aux dépens;

Attendu qu'il importe de rechercher le mérite de ces prétentions respectives, et de statuer sur la demande en dommagesintérêts, introduite contre Etienne par Renard et Doutres; Attendu qu'il est nécessaire de rechercher, d'abord, si la société se trouvait in bonis, à l'époque à laquelle fut déposé le bilan; - Attendu que Bourgeois, Renard et Doutres n'apportent, à ce sujet, que des affirmations; que les éléments d'appréciation sont, sur ce point, actuellement insuffisants; qu'il résulte, cependant, des renseignements recueillis que, pour faire face à l'échéance de fin décembre 1907, c'est-à-dire avant le

cordat perd, en ce cas, l'une de ses principales utilités, qui est de régler, pour le débiteur, le mode de sa libération; en outre, son obtention est alors certaine, et le vote n'est plus, par conséquent, qu'une simple formalité; il n'a donc plus d'autre raison que de produire les effets attachés à son homologation: la cessation des restrictions appor

dépôt du bilan, et pour solder les ouvriers, une somme de 1.765 fr. 40 était nécessaire, tandis que la caisse de la société se trouvait en déficit de 110 fr. 80; qu'il échet d'examiner maintenant si Etienne a illégalement agi, et s'il a outrepassé les droits qu'il tenait de la loi ; Attendu qu'il est nécessaire de considérer d'abord que, si les associés en nom collectif sont collectivement engagés, ils le sont également isolément et in infinitum; que l'on ne saurait donc leur refuser séparément les droits concédés aux débiteurs simples, et la faculté personnelle de sauvegarder l'avenir; mais qu'il est, d'autre part, non moins nécessaire que toute mesure isolément prise, susceptible d'engager les coassociés, ne soit pas, intentionnellement ou non, préjudiciable à ceux-ci, et soit prise, comme du reste en ce qui concerne tous les actes engageant la collectivité, dans l'intérêt commun; Attendu qu'il n'ap

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parait pas qu'Etienne puisse encourir de ce fait un reproche, puisqu'il n'est ni acquis ni prouvé que la société se trouvait, au moment du dépôt de bilan, in bonis; qu'il semble, au contraire, que, si la société était véritablement dans une situation précaire, justifiant la mesure prise par Etienne, ses coassociés ne pourraient lui faire grief d'avoir pris une initiative, qui, dans l'intérêt commun, s'imposait, puisque tout retard pouvait exposer les sociétaires à ne pas bénéficier de la mesure bienveillante qu'est la liquidation judiciaire; qu'en effet, dans son rapport à la Chambre des députés sur la loi du 4 mars 1889, M. Laroze exposait que, pour obtenir le bénéfice de la liquidation judiciaire, il faudrait être de bonne foi (S. Lois annotées de 1889, p. 452, note 6. - P. Lois, déer., etc., de 1889, p. 777, note 6), et, au nombre des circonstances qui indiquent le mieux la bonne foi, il faut inscrire tout d'abord la volonté de confier à la justice (et non pas à un liquidateur amiable) le règlement de ses affaires, dès les premiers jours qui suivent la cessation des paiements; Attendu que l'on ne saurait, d'autre part, contester à Etienne le droit d'effectuer le dépôt du bilan, en alléguant que celui-ci aurait, en signant l'acte de dissolution par lequel était nommé un liquidateur amiable, aliéné sa liberté, et que, de plus, il appartenait à ce liquidateur seul de prendre toutes les mesures que comportait la situation; qu'il est, en effet, nécessaire de constater: 1 que la dissolution n'excluait pas la possibilité d'une mise en liquidation judiciaire; 2° que les associés n'ont prévu et ne pouvaient prévoir, en s'engageant à soumettre le règlement de leur situation aux offices d'un tiers, qu'une liquidation amiable, laquelle n'était fatalement exclusive d'une liquidation judiciaire que suivant les circonstances; 3 que, dans le cas

tées à la capacité du débiteur, et la reddition des comptes du liquidateur; on comprend qu'on puisse être tenté de dire que ces mesures pourront simplement être ordonnées par un jugement, sans qu'on ait recours aux formalités prescrites pour la formation du concordat; toutefois, il ne semble pas que cette simplification soit autorisée par la loi.

où l'un des associés, ou même le liquidateur amiable estimerait nécessaire le dépôt de bilan, ce liquidateur amiable ne pouvait ni utilement, ni légalement agir;

I. Attendu que rien ne s'oppose à ce qu'une société dissoute soit mise en liquidation judiciaire ou même en faillite; qu'en effet, toute société n'a, par la dissolution, perdu en aucune façon sa qualité première, ni répudié ses devoirs; qu'elle demeure ainsi assujettie à toutes les obligations du commercant; que, s'il en était autrement, il suffirait, aux époques critiques, de procé der à une dissolution in extremis, pour échapper aux communes obligations ainsi qu'aux lois; que, d'ailleurs, toute dissolution, comme dans l'espèce, nécessite une liquidation, laquelle engendre fatalement des actes commerciaux; que la vie commerciale ne s'arrête donc qu'avec le dernier souffle de la liquidation; que, pour toutes ces raisons, la dissolution ne crée pas une situation dispensant de certaines obligations générales;

« II. Attendu que l'acte confiant à M. Carolus Bourgeois les fonctions de liquidateur ne pouvait s'appliquer à la Société Renard, Étienne et Doutres qu'autant que celle-ci serait demeurée in bonis; qu'en effet, le mandat déterminé et nettement spécifié consistait à liquider la situation, à arrêter ensuite le compte respectif des associés entre eux, et à leur répartir l'actif, tous actes permettant de reconnaitre l'existence de la supériorité de l'actif sur le passif; que, de plus, c'est exclusivement sur les points précis de ce mandat que demeure circonscrit l'engagement contracté par Etienne;

« III. Attendu que, contrairement aux affirmations et déductions émanant de Bourgeois, Renard et Doutres, et sur lesquelles s'appuie principalement l'argumentation des demandeurs, le liquidateur amiable n'aurait pas, comme on l'a prétendu, qualité pour déposer, si cela devenait nécessaire, le bilan; qu'en effet, le mandat formel qui lui aurait été dévolu excluait absolument cette qualité, susceptible d'être acquise effectivement, sinon légalement, uniquement par un acquiescement nouveau de ses trois commettants; que, d'autre part, l'art. 3 de la loi du 4 mars 1889 stipule formellement que la requête obligatoire, présentée en vue de l'obtention du bénéfice de la liquidation judiciaire, doit être signée, lorsqu'il s'agit d'une société en nom collectif, par celui ou ceux des associés ayant la signature sociale; qu'enfin, l'art. 4 ordonne que le débiteur soit entendu en personne; que, en résumé, la convention nommant un liquidateur amiable, non seulement n'accordait pas à celui-ci la signature sociale, mais ne lui conférait pas davantage la faculté de déposer le bilan; que, d'autre part, il ne pouvait légalement signer la requête, cet acte étant exclusivement réservé aux associés; qu'enfin, il n'avait pas qualité pour remplacer le débiteur, puisque celui-ci doit obligatoirement se présenter en personne; que, dans ces conditions, Etienne n'avait pu consentir et n'avait effectivement consenti à aliéner sa liberté que dans la limite du mandat pré

cis confié au liquidateur, lequel mandat ne comportait pas la faculté de déposer le bilan, mais n'excluait pas, d'autre part, ainsi que cela a été ci-dessus démontré, le droit pour chaque associé de prendre, en cas de nécessité, cette initiative; Attendu, en résumé, qu'Etienne, en déposant le bilan et en présentant requête, n'a pas outrepassé les droits qu'il tient de la loi, et n'a pas manqué aux engagements pris; que, d'autre part, la demande subsidiaire de Bourgeois, Renard et Doutres en clôture immédiate et anticipée des opérations de la liquidation judiciaire ne peut être accueillie, cette demande étant en contradiction évidente avec les stipulations formelles insérées dans le 3 de l'art. 4 de la loi du 4 mars 1889, puisque son acceptation entraînerait l'annulation. indirecte du jugement accordant la liquidation judiciaire, lequel, suivant les termes de la loi susvisée, n'est susceptible d'aucun recours et ne peut être attaqué par voie de tierce opposition; que, dans ces conditions, présentement du moins, aucune faute n'étant relevée à l'encontre d'Etienne, la demande en paiement par celui-ci à Renard et à Doutres d'une somme de 20.000 fr. (10.000 fr. pour chacun) ne saurait être accueillie, la clôture absolue et normale des opérations de la lquidation judiciaire pouvant seule permettre de reconnaître si, en provoquant, le 9 janvier dernier, la transformation en liquidation judiciaire de la liquidation amiable, par lui acceptée le 31 décembre précédent, Etienne a pris l'initiative d'une mesure sciemment injustifiée, et en même temps préjudiciable à Renard et à Doutres; Attendu donc que, de tout ce qui précède, l'action de Bourgeois, Renard et Doutres doit être considérée comme irrecevable ou au moins prématurée; - Par ces motifs; - Déclare les demandes de Bourgeois, Renard et Doutres non justifiées, par conséquent, irrecevables ».

Appel par M. Bourgeois, ès qualités, et par MM. Renard et Doutres.

ARRÊT.

LA COUR; Considérant que, suivant acte du 4 janv. 1907, une société en nom collectif, entre Etienne, Renard et Doutres, a été constituée à Chartres, pour la fabrication de la moutarde et des conserves alimentaires; Considérant que,

suivant autre acte du 31 décembre de la même année, cette société a été déclarée dissoute à partir du 1er janv. 1908, et que, d'un commun accord entre les associés, Bourgeois en a été nommé le liquidateur, avec les pouvoirs les plus étendus, pour administrer, arrêter les comptes, répartir l'actif net au prorata des droits des associés; Considérant que, le 9 janv. 1908, Etienne, seul et à l'insu de ses deux coassociés et du liquidateur amiable, déposa le bilan de la société, et sollicita le bénéfice de la liquidation judiciaire; Considérant que, le même jour, le tribunal de commerce de Chartres entérina la requête, et désigna Carnis comme liquidateur judiciaire; Considérant que Renard, Doutres et Bourgeois, ès qualités, ont attaqué cette décision devant le tribunal de

commerce de Chartres, en soutenant qu'Etienne avait agi sans qualité, en déposant seul le bilan de la société, alors que la signature sociale appartenait aux trois associés; qu'il avait ainsi contrevenu aux prescriptions de l'art. 3 de la loi du 4 mars 1889, qui exigent l'accord de tous les associés ayant la signature sociale; que, d'ailleurs, la société n'avait jamais cessé de demeurer in bonis; qu'il y avait lieu d'or donner la clôture des opérations de la liquidation judiciaire, et d'allouer 10.000 fr. de dommages-intérêts à chacun des deux coassociés; Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'art. 4 de la loi du 4 mars 1889, le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire, n'est susceptible d'aucun recours et ne peut être attaqué par voie de tierce opposition; - Considérant que ce serait assurément méconnaitre la pensée du législateur que d'interpréter cette formule générale comme contenant une interdiction absolue de toutes les voies de recours contre les jugements prononçant la liquidation judiciaire; Considérant que cette interprétation serait d'ailleurs en contradiction avec l'art. 19 de ladite loi, qui détermine limitativement les cas dans lesquels, au cours des opérations de la liquidation judiciaire, la conversion de la liquidation judiciaire en faillite est tantôt facultative, et tantôt obligatoire; Considérant que le législateur de 1889, voulant assurer le bénéfice de la liquidation judiciaire au débiteur malheureux et de bonne foi, qui a déposé son bilan dans la quinzaine de la cessation de ses paiements, a entendu restreindre l'autorité de la chose jugée aux seules dé cisions déclarant ouverte la liquidation judiciaire; -- Considérant que la Cour ne saurait, dès à présent, prononcer la clôture de la liquidation judiciaire, puisque les opérations prescrites par le jugement ne sont pas terminées; Considérant qu'en l'état des faits et circonstances de la cause susanalysés, la sentence entreprise, loin de violer les principes de la chose jugée et les dispositions de la loi du 4 mars 1889, en a, au contraire, fait une juste et exacte application; Considérant que les premiers juges ont également rejeté à bon droit la demande à fin de dommages-intérêts, en spécifiant que la clôture des opérations de la liquidation judiciaire pouvait seule laisser ultérieurement apparaître, à la charge d'Etienne, une faute préjudiciable aux intérêts de ses deux coassociés;Par ces motifs, et ceux non contraires du jugement attaqué; Confirme, etc. Du 9 déc. 1908. C. Paris, 9e ch. MM. Berr, prés.; Peyssonnié, av. gén.; Lhopiteau et Lauret, av.

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AIX 4 juin 1912.

ÉTRANGER, JUGEMENTS ÉTRANGERS, TRIBUNAUX MIXTES ÉGYPTIENS, SUCCESSION, LO OTTOMANE, SUJET OTTOMAN, NATURALISATION EN FRANCE, AUTORISATION PRÉALABLE, SURSIS A STATUER, TRIBUNAUX FRANÇAIS, LOI FRANÇAISE (Rép., vis Jugement étranger, n. 25, Nationalité-Naturalisation,

n. 489; Pand. Rép., vo Jugements étrangers, n. 11 et s., 31 et s.).

Les tribunaux français ne sont pas liés par les décisions rendues par les tribunaux étrangers, parmi lesquels il faut ran ger les tribunaux mixtes d'Egypte (1) (C. civ., 2123).

Spécialement, un arrêt, par lequel la Cour d'appel mixte d'Alexandrie, saisie d'une contestation relative à la dévolution de la succession d'un sujet ottoman naturalisé français, contestation élevée entre la fille du de cujus, se prétendant héritière d'après la loi française, et des héritiers collatéraux, invoquant la loi ottomane pour recueillir cette succession, a imparti un délai à la fille de de cujus, à l'effet de rapporter la preuve que celui-ci avait obtenu l'autorisation du gouvernement ottoman, nécessaire, aux termes de la loi ottomane du 19 janv. 1869, pour la validité de la naturalisation à l'étranger des sujets oltomans, ne peut mettre obstacle à ce que les tribunaux français, saisis par la fille du de cujus d'une demande dirigée contre une

(1-2) Dans l'espèce, les tribunaux mixtes d'Egypte, d'une part, les tribunaux français, d'autre part, avaient eu à statuer sur la validité de la naturalisation obtenue en France par un sujet ottoman, question d'où dépendait la dévolution de sa succession, revendiquée par la fille du de cujus, en vertu de la loi française, et par des héritiers collatéraux, s'appuyant sur les dispositions de la loi ottomane. Le débat devant les tribunaux mixtes, entre les prétendants droit à la succession, avait abouti à un arrêt de la Cour mixte d'Alexandrie, qui, avant de statuer au fond, avait imparti à la fille du de cujus un délai pour rapporter la preuve que son père avait été, comme le prescrit la loi ottomane (V. la note qui suit), autorisé par le gouvernement ottoman à se faire naturaliser à l'étranger. Cette décision, qui ne jugeait pas, mais qui préjugeait la nationalité du de cujus, mettait-elle obstacle à ce que les juges français, saisis à leur tour d'une demande en remise des valeurs de la succession, détenues par un tiers, pussent se prononcer sur le point de savoir si le de cujus avait régulièrement acquis la nationalité française?

La Cour d'Aix ne l'a pas pensé, et nous croyons que c'est avec juste raison; mais le motif qu'elle a invoqué, à savoir que les tribunaux français ne sont pas liés par les décisions rendues par les tribunaux étrangers, parmi lesquels il faut ranger les tribunaux mixtes d'Egypte, a besoin d'être complété.

On doit admettre, avec la Cour d'Aix, bien que cela ait été contesté, que les tribunaux mixtes d'Egypte sont des juridictions étrangères. V. Aix, 27 mars 1890, sous Cass. 25 oct. 1892 (S. et P. 1893.1.505; Pand. pér., 1890.2.282); Trib. de Nevers, 1 mai 1912 (Gaz. Pal., 1er juill. 1912); Weiss, Tr. de dr. intern. privé, 1'e éd., t. 5, p. 563 et s.; Audinet, Princ. élém. de dr. intern. privé, 2o éd., n. 469; Moreau, Effets intern. des jug, p. 81. V. cep. en sens contraire, Fauchille, De l'exéc. en France des jug. rendus par les trib. mixtes d'Egypte, (Journ, du dr. intern. privé, 1880, p. 457).

Mais est-il exact d'affirmer d'une manière aussi générale que les tribunaux français ne sont pas liés par les décisions des juridictions étrangères? Ce principe reçoit, au contraire, une très notable exception, quand il s'agit de questions d'état, parmi lesquelles il faut ranger les questions de

banque qui détient des valeurs dépendant de la succession, et tendant à se faire remettre ces valeurs, reconnaissent la nationalité française du de cujus, et décident, en conséquence, que sa fille a le droit d'appréhender les valeurs de la succession (2) (Id.).

L'art. 5 de la loi ottomane du 19 janv. 1869, qui refuse à un sujet ottoman le droit de se faire naturaliser à l'étranger sans l'autorisation de son gouvernement, n'est pas applicable, lorsque le sujet ottoman, an moment de sa naturalisation, avait quitté son pays d'origine pour aller résider à l'étranger, cette loi ayant eu uniquement pour but d'empêcher les sujets ottomans ayant leur domicile dans l'empire ottoman de se soustraire à l'application des lois ollomanes en se faisant naturaliser à l'étranger (3).

En conséquence, la naturalisation obtenue en France par un sujet ottoman, qui, depuis plusieurs années, avait cessé de résider en pays ottoman pour s'établir en France, où il avait été admis à domicile, et où il s'était marié, ne peut être contes

nationalité, la nationalité étant l'un des éléments, et non le moins important, de l'état des personnes. V. Weiss, op. cit., 2e éd., t. 1, p. 803. On reconnaît, en effet, que les jugements étrangers, intervenus sur un litige entre étrangers, et relatifs à l'état des personnes, ont en France, sans qu'il soit besoin au préalable d'en demander l'exequatur, la même autorité que dans le pays où ils ont été rendus (V. Trib. de la Seine, 4 févr. 1897, sous Paris, 23 juin 1898, S. et P. 1900.2.41, et la note de M. Audinet; Aix, 9 juill. 1903, S. et P. 1906.2.257, la note 1-2 de M. Audinet et les renvois; Pand. pér., 1903.5.36; Cass. 11 nov. 1908, sol. implic., S. et P. 1909.1.572; Pand. pér., 1909. 1.572, la note et les renvois. Adde, C. d'appel de Milan, 19 déc. 1900, S. et P. 1904.4.30), en tant, du moins, qu'il ne s'agit pas de les ramener à des actes d'exécution. V. Trib. de la Seine, 4 févr. 1897, précité, et la note de M. Audinet; Aix, 9 juill. 1903, précité, et la note 1-2 de M. Audinet. Adde, les renvois de la note sous Cass. 11 nov. 1908, précité.

Mais l'application de cette règle est limitée par le principe que les décisions étrangères ne peuvent recevoir exécution en France qu'autant qu'elles ne sont pas contraires à l'ordre public (V. Paris, 23 juin 1898, précité, et la note de M. Audinet; Cass. 9 mai 1900, S. et P. 1901.1.185, et la note de M. Audinet; Aix, 9 juill. 1903, précité, et les renvois. Adde, Cass. Turin, 21 nov. 1900, S. et P. 1904.4.13, et les renvois), principe dont l'observation s'impose, non pas seulement lorsque l'exequatur d'un jugement étranger est demandé en France, mais aussi lorsque ce jugement peut y être invoqué sans être revêtu de l'exequatur, comme c'est le cas, d'après la jurisprudence, pour les jugements étrangers relatifs à l'état des personnes. V. en ce sens, Aix, 9 juill. 1903, précité, et les renvois; Cass. 11 nov. 1908 (sol. implic.), précité, et les renvois. V. aussi, Cass. Naples, 17 déc. 1900 (S. et P. 1904. 4.30), et la note. Or, au premier rang des règles d'ordre public dont les tribunaux français doivent assurer l'observation, il faut, de toute évidence, placer les lois françaises qui réglementent l'acquisition ou la perte de la qualité de Français. On ne peut mettre en doute, en effet, que les lois relatives à la nationalité intéressent au plus haut point l'ordre public. V. la note de M. Pillet sous Be

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sançon, 9 janv. 1895 (S et P. 1897.2.17). Adde, Weiss, op. cit., 2° éd., t. 1er, p. 784; Audinet, op. cit., 2o éd., n. 175. V. au surplus, sur le caractère d'ordre public des contestations relatives à la nationalité, Colmar, 19 mai 1868 (S. 1868.2.245. 1 P. 1868. 974), et les renvois; Besançon, 9 janv. 1895, précité; Alger, 23 mars 1900 (S. et P. 1903.2.297), et les renvois. Il en faut conclure, et c'est ce qui justitie pleinement la décision de l'arrêt ci-dessus, que le jugement étranger, qui statue sur le point de savoir si une personne est ou non Française, ne peut lier les tribunaux français, appelés à se prononcer sur la même question de nationalité.

Faisons d'ailleurs observer que la décision étrangère qui était opposée n'avait pas statué au fond; l'instance était demeurée en cours devant la Cour mixte d'Alexandrie, jusqu'à ce qu'il fût intervenu un arrêt après l'expiration du sursis ordonné par la Cour. Ce n'était donc pas une décision définitive d'une juridiction étrangère qui était invoquée devant les tribunaux français; on opposait devant eux, en réalité, une exception de litispendance. Or, il est de jurisprudence que l'exception de litispendance ne peut en principe être invoquée qu'à raison d'instances engagées devant les tribunaux français. V. Besançon, 1er mars 1905 (S. et P. 1908.2.265; Pand. pér., 1908.2.265), la note et les renvois.

(3-4-5) La Cour d'appel d'Aix persiste dans l'interprétation qu'elle avait déjà donnée de l'art. 5 de la loi ottomane du 19 janv. 1869, en décidant que l'autorisation du gouvernement ottoman, que cet article exige pour la validité de la naturalisation d'un sujet ottoman à l'étranger, n'est pas requise, lorsque le sujet ottoman n'est pas domicilié dans l'empire ottoman lors de sa naturalisation. V. Aix, 9 juill, 1903 (S. et P. 1906.2.257; Pand. per., 1903.5.36). Dans la note sous cet arrêt, notre collaborateur, M. Audinet, a défendu l'opinion contraire, d'après laquelle l'art. 5 de la loi de 1869 ne comporte aucune restriction, en telle sorte que les sujets ottomans doivent obtenir une autorisation préalable, pour que la naturalisation acquise par eux l'étranger soit reconnue dans leur pays d'origine. V. la note de M. Audinet sous Aix, 9 juill. 1903, précité. Comp. Weiss, Tr. de dr. intern. privé, 2o éd., t. 1, p. 699, texte

et note 2.

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