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les salaires des employés assurés aurait amené une augmentation de besogne pour son personnel administratif; Mais attendu que l'usurpation de la qualité d'inspecteur de la Comp. du Nord par Damon, et la circonstance qu'à l'aide de cette fausse qualité, il a fait croire à certains employés que la Comp. du Nord agissait officiellement auprès d'eux pour leur recommander l'Assurance générale française et leur faire signer des polices, qui, après examen, ne leur ont pas donné satisfaction, sont de nature à porter à la Comp. du Nord un grave préjudice moral, en compromettant son autorité et son influence vis-à-vis des agents, qui, à l'avenir, pourraient être tentés de mettre en doute les affirmations de leurs supérieurs, si ceux-ci avaient à leur conseiller des mesures de prévoyance réellement autorisées par la Comp. du

Nord; Attendu que le préjudice ainsi

caractérisé est la conséquence directe des agissements frauduleux de Damon et du dělit par lui commis; que, par suite, la Comp. du Nord est fondée à intervenir dans la poursuite correctionnelle, à l'effet de demander la réparation du tort qui lui a été causé; Par ces motifs; Confirme, etc. ».

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POURVOI en cassation par M. Damon.

ARRET (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; En ce qui touche la condamnation à 1.000 fr. d'amende prononcée contre Damon, sur les réquisitions du ministère public : Attendu que l'arrêt est régulier, et que les faits qui y sont souverainement constatés justifient légalement la peine; En ce qui touche les réparations civiles allouées à la Comp. des chemins de fer du Nord: Sur le moyen unique du pourvoi, pris de la violation des art. 1er, 3 et 63, C. înstr. crim., 1382 et s., C. civ., en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'intervention de la Comp. du Nord comme partie civile, alors que le

(1-2) Rarement il a été fait application de l'art. 265, C. pén., punissant les associations de malfaiteurs. La loi du 18 déc. 1893 (S. et P. Lois annotées de 1894, p. 658; Pand. pér., 1895.3. 51), en rajeunissant ce texte devant la répétition des attentats anarchistes, avait cependant essayé de lui donner une plus grande efficacité. Nous avons indiqué, dans notre C. pén. annoté, par M. Garçon (sur les art. 265 à 268, n. 29 et s.), les raisons qui avaient empêché d'obtenir ce résultat. Il semble toutefois que, devant la constitution de véritab es bandes de malfaiteurs, on veuille se souvenir davantage de l'existence de ce texte, et, devant la multiplication de leurs crimes, qu'on cherche dans ges dispositions une sauvegarde pour la société. L'idée que les bonnes routes, les chemins de fer, ou une meilleure organisation de la police, ont eu définitivement raison des bandes de brigands, est actuellement abandonnée. V. H. Joly, Le crime, chap. 5, p. 112 et s. Plus que jamais, l'association criminelle existe, parce que seule elle permet de réaliser les crimes véritablement lucratifs : vols à main armée contre les établissements de banque; cambriolages d'hôtels gardés. Les associations criminelles se sont simplement transformées depuis la Révolution française; elles ont perdu leur caractère de troupes à forme militaire.

dommage qu'elle aurait subi n'était pas une suite directe du délit poursuivi par l'action publique, et qu'aux termes dudit arrêt, le dommage n'était qu éventuel; Sur la première branche: Attendu qu'il résulte de l'arrêt que l'usurpation par Damon du titre d'inspecteur de la Comp. des chemins de fer du Nord, et la circonstance qu'à l'aide de cette fausse qualité, il a fait croire, d'une part, à certains em. ployés, que ladite Comp. agissait officiellement auprès d'eux pour leur recommander l'Assurance générale française, et leur a fait signer, d'autre part, des polices qui ne leur ont pas donné satisfaction, sont de nature à porter à la Comp. du Nord un grave préjudice moral, en compromettant son autorité et son influence vis-à-vis de ses agents; qu'ainsi, loin de déclarer, comme le prétend la Comp. l'Assurance générale française, que le dommage subi par la Comp. du Nord découlerait exclusivement de la prise d'une fausse qualité par Damon, c'est à dire d'un seul des éléments constitutifs du délit d'escroquerie, retenu à la charge de cet inculpé, la Cour d'appel constate que le préjudice éprouvé a eu sa source dans la souscription des polices d'assurance dont il s'agit, souscrip tion obtenue à l'aide de la fausse qualité susindiquée; - D'où il suit que le moyen manque en fait en sa première branche; Sur la deuxième branche: Attendu qu'après avoir constaté l'existence du préjudice moral causé à la Comp. des chemins de fer du Nord par la signature des polices d'assurance que présentait Damon, l'arrèt attaqué a ajouté que « les agents signataires pourraient, à l'avenir, être tentés de mettre en doute les affirmations de leurs supérieurs, si ceux-ci avaient à leur conseiller des mesures de prévoyance réellement autorisées par la Comp. du Nord »;

Mais attendu, d'une part, que les conséquences ainsi visées par l'arrêt, comme devant découler du dommage actuel et certain éprouvé par la Comp. des chemins

L'art. 265 doit donc sortir de l'ombre où on l'avait quelque peu laissé.

Bien qu'il ait été écrit en vue de réprimer les menées anarchistes, l'art. 265, C. pén., tel qu'il a été modifié par la loi du 18 déc. 1893, -ert aussi à frapper les vulgaires associations de malfaiteurs, dont les membres ne cherchent pas, dans les crimes de droit commun qu'ils commettent, un hypothétique et vague redressement de l'ordre social, mais la satisfaction égoïste de leurs instincts brutaux ou cupides. V. notre C. pén. annoté, loc. cit., n. 23. C'est la solution que consacre implicitement la Cour de cassation dans l'arrêt actuel, puisqu'elle ne relève pas le caractère anarchiste de l'association criminelle incriminée.

Mais la chambre criminelle se garde cependant de tomber dans l'exagération, qui donnerait à l'art. 265 une portée excessive, dépassant certainement l'intention de ses rédacteurs ; et elle limite ce texte aux associations, qui ont pour but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les propriétes. Ce n'est donc pas l'entente, ou le concert entre plusieurs malfaiteurs, en vue de commettre un crime unique, qui constitue l'association punissable. C'est l'entente établie en vue de commettre des crimes, une série de crimes. V. notre C. pén, annoté, loc. cit., n. 21. Cette circons

de fer du Nord, sont purement énonciatives, et que leur caractère éventuel ne saurait modifier en rien la nature du préjudice résultant, dès à présent, pour elle, de la diminution de son autorité sur ses agents; Attendu, d'autre part, en droit, qu'il suffit que le fait duquel dépend le préjudice éventuel soit consommé pour que la réparation en puisse être poursuivie, et que, dans l'espèce, il est manifeste que le dommage moral causé à la Comp. des chemins de fer du Nord affectait, dès à présent, l'autorité qu'elle a intérêt à maintenir intacte au regard de ses préposés; Rejette, etc.

Du 28 juin 1912. — Ch. crim.—MM. Bard, prės.; Bourdon, rapp.; Mallein, av. gén.; Durnerin et Cail, av.

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1o Le crime d'association ou d'entente criminelle, prévu par l'art. 265, C. pén., est consommé en tout lieu où se trouvent réunis, avec la volonté d'agir, des individus entre lesquels une association a été formée ou une entente établie dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les propriétés (1) (C. pén., 265).

Il est sans intérêt de rechercher si ces individus avaient ou non formé le dessein de commettre un cime au lieu où ils ont été trouvés; leur réunion, ainsi que la persistance de leur entente à ce moment, suffit à caractériser le crime prévu par lart. 265, C. pén. (2) (Id.).

tance, en donnant à la réunion de malfaiteurs un caractère de durée, revèle un danger plus considérable couru par la paix publique, et explique la rigueur particuliere que montre la loi, puisqu'elle punit le simple concert, sans qu'il y ait encore de commencement d'exécution. V. Angers, 10 avril 1894, sous Cass. 12 mai 1894 (S. et P. 1895.1.250; Pand. pér., 1894.1.485), et la note. C'est qu'on frappe les professionnels du crime, ceux qui vivent de pillage et de vol. V. F. Helie et Depeiges, Prat. crim. des Cours et trib., 2e éd., 2o part., n. 592.

Enfin, la Cour de cassation décide que l'association de malfaiteurs peut être poursuivie en tous lieux, où elle prépare ou exécute un des crimes en vue desquels elle s'est formée. La réunion des criminels en cet endroit et la persistance de leur entente à ce moment suffisent pour permettre leur poursuite devant le tribunal de ce lieu. L'association de malfaiteurs attache donc à ses membres une qualité qui les suit partout; et il suffit qu'ils fassent acte d'associé dans un endroit pour donner compétence au tribunal du lieu où ils ont accompli cet acte. Conf. Dijon, 29 août 1877 (S. 1877.2.240. - P. 1877.1000); Cass. 25 juil. 1902 (S. et P. 1903.1.511), et la note.

2o Lorsqu'un crime ou un délit a été commis en divers lieux, les juges d'instruction de chacun de ces lieux étant compétents ratione loci, dès que l'un d'eux a été saisi, sa compétence ne peut être utilement contestée par l'inculpé (1) (C. instr. crim., 23 et 63).

(Simonin). ARRÈT

(apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le premier moyen, pris de la violation des art. 23 et 63, C. instr. crim., en ce que le juge d'instruction d'Orléans était incompétent pour connaitre d'un prétendu crime d'association de malfaiteurs formée à Paris entre des personnes ne résidant pas dans l'arrondissement d'Orléans, et n'y ayant pas été arrêtées pour cette cause: Attendu qu'il est énoncé à l'ordonnance, dont l'arrêt attaqué a adopté les motifs, que, le 14 sept. 1912, le demandeur Simonin, ainsi que Santi, Lacombe et Le Goz, ont été trouvés à la gare des Aubrais, où ils étaient réunis, ayant en leur possession des revolvers, du chloroforme, les cordes et un engin explosif; qu'il y est également exposé que, quelques jours auparavant, ces individus avaient formé entre eux, à Paris, une association dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les propriétés; qu'enfin, au moment de leur arrestation pour port d'armes prohibées, aux Aubrais, Lacombe, en s'enfuyant, aurait tué à coup de revolver un contrôleur des chemins de fer; Attendu que les éléments constitutifs du crime prévu et réprimé par l'art. 265, C. pén., sont réunis en tout lieu où se trouvent rassemblés, avec la résolution d'agir, les individus entre lesquels une association a été formée ou une entente établie dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les propriétés; qu'il est sans intérêt de rechercher si ces individus avaient spécialement formé le dessein de commettre, audit lieu, un des crimes dont il s'agît, et que leur réunion, ainsi que la persistance de leur entente à ce moment, suffit à caractériser le crime spécifié en l'art. 265, précité; Attendu, en conséquence, que la circonstance que, dans l'espèce, l'entente aurait été formée à Paris ne saurait

(1) Point certain. V. Caes. 25 juill. 1902 (S. et P. 1903.1.541; Pand. pér., 1902.1.204), et la

note.

(2) La loi pénale française protège les étrangers comme les Français, lorsqu'ils sont victimes d'une infraction passibles de ses dispositions, lorsqu'ils délinquent (C. civ., 3, § 1er), ils sont couverts par ses prescriptions, lorsqu'un délinquant les enfreint à leur préjudice. V. not., Cass. 18 déc. 1908 (Supra, 1e part., p. 116), et la note. Mais si, pour cette cause, ils peuvent porter plainte des infractions qui les ont lésés (C. instr. crim., 63), il ne s'en suit pas qu'également, ils puissent réclamer l'application de la loi française, pour exercer l'action civile et obtenir la réparation du préjudice qu'ils ont subi. V. Cass. 31 janv. 1902 (S. et P. 1903.1. 247), et a note. Il ne s'agit plus ici, en effet, de la

avoir pour résultat de dépouiller le juge d'instruction d'Orléans de sa compétence comme juge du lieu du crime;

Sur le second moyen, pris également de la violation des art. 23 et 63, C. instr. crim., en ce que, et en tout état de cause, la compétence appartenait de préférence au juge du lieu où s'est manifesté le principal élément punissable du crime, c'est-à-dire au juge d'instruction de la Seine : — Attendu que, lorsqu'un crime ou un délit a été commis en divers lieux, les juges dinstruction de chacun de ces lieux sont compétents pour en connaitre; que, dès que fun d'eux a été saisi, sa compétence, fondée sur l'art. 63, C. instr. crim., ne peut être utilement contestée par les inculpés; qu'il importe peu qu'un autre magistrat eut pu être également saisi comme étant le juge d'instruction du lieu du délit; que les raisons qui ont fait saisir le premier n'intéressent que l'administration de la justice, et que les inculpés sont inhabiles a les critiquer; que le moyen n'est donc pas recevable; Et attendu que l'arêt est régulier en la forme; Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans, du 6 déc. 1912, etc.

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crim.

Du 9 janv. 1913. Ch. MM. Bard, prés.; Bourdon, rapp.; Séligman, av. gén.

CASS.-CRIM. 6 février 1913. ALGÉRIE, PARTIE CIVILE, FEMME MUSULMANE, CAPACITÉ (Rép., vo Etranger, n. 574 et s., 831 et s.; Pand. Rép., v° Instruction criminelle, n. 349 et s.).

La capacité de la femme musulmane pour agir comme partie civile devant une juridiction de répression est réglée, non par la loi française, mais par la loi musulmane (2) (C. civ., 3; C. instr. crim., 1 et 3).

(Mohamed Daovadj Belmehal Ould El-Hadj Abdelkader). — ARRÈT.

LA COUR; Sur le premier moyen :. . (sans intérêt);

Sur le second moyen, pris de la violation de l'art. 366, C. instr. crim., de l'art. 3, C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que, en matière de dommagesintérêts réclamés par une partie civile, la Cour criminelle, saisie de conclusions ex

loi pénale et d'un droit naturel de protection, mais de la loi civile et de l'exercice d'un droit privé. L'art. 1, C. instr. crim., quoiqu'il parle de l'action civile, ne crée pas, quant à son fondement du moins, une action différente de celle qui est mentionnée dans l'art. 1382, C. civ.; toutes deux ont la même origine; toutes deux poursuivent le même but, la réparation d'un dommage. Or, la loi civile française ne s'applique pas indistinctement aux étrangers l'art. 3, C. civ., leur laisse, en ce qui concerne leur état et leur capacité, la jouissance de leurs lois nationales. V. Cass. 29 juill. 1901 (S. et P. 1903.1.73, et la note de M. Naquet; Pand. pér., 1902.5.12); Paris, 21 juin 1910, sous Cass. 20 juill. 1911 (S. et P. 1912.1.132; Pand. pér. 1912.1.132), et les renvois.

La Cour de cassation a donc pu décider, à bon

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE

cipant de l'incapacité d'une partie civile. indigène du rite malékite, a rejeté ces conclusions, sans en examiner le bien fondé, sous le prétexte que, s'agissant de matière pénale, c'était la loi française qui était applicable, alors que, en matière de demande de dommages-intérêts formée par un indigene devant la Cour criminelle, les questions de statut personnel relèvent de la loi nationale de l'indigène, que la juridiction criminelle a le devoir d'appliquer :

Vu les art. 1er et 4 du décret du 17 avril 1889; - Attendu qu'en Algérie, la capacité d'une femme musulmane indigène pour exercer une action judiciaire est déterminée par son statut personnel, réglé par la loi musulmane; qu'on ne saurait, à ce point de vue, faire une distinction selon qu'une action en réparation d'un crime, d'un délit ou d'une contravention est portée, soit devant la juridiction civile, soit devant un tribunal répressif, accessoirement à l'action publique; que la capacité pour agir dépend, dans tous les cas, du statut personnel de la demanderesse; Attendu que Mohamed Sba Kheroufa bent El Hadj Aïssa, étant intervenue, comme partie civile, dans la poursuite contre Mohamed Daovadj, accusé de meurtre, celuici a pris des conclusions tendant à faire déclarer cette intervention non recevable, pour le motif que la demanderesse, non émancipée, n'avait pas capacité pour exer cer une action en justice; que la Cour criminelle, pour rejeter les conclusions de la défense et déclarer l'intervention recevable, s'est fondée uniquement sur ce que, en matière pénale, c'est la loi française et non la loi musulmane qui est applicable; que sa décision ainsi motivée manque de base légale et doit être cassée; Attendu que l'annulation de cet arrêt incident entraîne celle de l'arrêt de condamnation sur le chef relatif aux dommages-intérêts alloués à la partie civile; Casse l'arrêt incident, relatif à la recevabilité de l'intervention de la partie civile, ensemble l'arrêt de condamnation de la Cour criminelle de Mostaganem, en date du 10 déc. 1912, sur le chef relatif aux dommages-intérêts, etc. Du 6 févr. 1913. Ch. crim. MM. Bard, prés.; La Borde, rapp.; Séligman, av. gén.; Dufourmantelle, av.

droit, que l'action en réparation d'un crime, d'un délit ou d'une contravention, portée devant la juridiction civile ou devant la juridiction répressive accessoirement à l'action publique, dépendait dans tous les cas du statut personnel de la partie lésée; et que, par suite, c'était d'après la loi musulmane, et non d'après la loi française, que devait être réglée la capacité d'une femme musulmane, pour se constituer partie civile dans un procès criminel. Comp. Cass. 31 janv. 1902, précité. Les indigènes musulmans, non citoyens français, ont, en effet, conservé en Algérie la jouissance de leur statut personnel (Décr., 17 avril 1889, art. 1o et 4). V. not., comme application, Cass. 26 oct. 1904 (S. et P. 1910.1,553, ad. notam; Pand. pér., 1910.1.553, ad notam). Adde, Larcher, Tr. dém. de legis. algér., 2 éd., t. 2, n. 600.

JURISPRUDENCE DES COURS D'APPEL,

DES TRIBUNAUX ET DÉCISIONS DIVERSES

PARIS 8 juin 1912.

SOCIÉTÉ ANONYME, LIQUIDATEUR, ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, PRÉSIDENCE, Lecture du RAPPORT, ORDRE DU JOUR, DISCUSSION, REPRÉSENTATION DES ACTIONS, MAJORITÉ, SÉANCE LEVÉE, CONTINUATION, MINORITÉ, RÉVOCATION DU LIQUIDATEUR, NULLITÉ, NOUVELLE ASSEMBLÉE, CONVOCATION (Rép., vo Sociétés commerciales, n. 4913 et s., 5041 et s.; Pand. Rép., v° Sociétés, n. 12039 et s.).

Les liquidateurs d'une société anonyme, nommés par l'assemblée générale avec les pouvoirs les plus étendus, se trouvent, à défaut du président du conseil d'administration, désigné par les statuts pour présider les assemblées générales, naturellement qualifiés pour présider une assemblée générale extraordinaire qu'ils ont convoquée dans le but unique de donner lecture de leur rapport (1) (L. 24 juill. 1867, art. 29 et s.).

Si les liquidateurs pouvaient, à l'ouverture de cette séance, être révoqués par l'assemblée générale, sans que la question de

(1 à 6) Plusieurs questions intéressantes, nouvelles presque toutes, relatives à la tenue des assemblées générales dans les sociétés anonymes, sont résolues par l'arrêt ci-dessus recueilli.

I. A qui doit être dévolue la présidence des assemblées d'actionnaires pendant la période de liquidation? D'une manière générale, il appartient à l'assemblée de fixer elle-même la composition de son bureau, et notamment de désigner son président, car c'est elle qui représente la société. V. la note de M. Wahl (p. 10, 2° col.) sous C. d'appel de Gênes, 5 nov. 1909 (S. et P. 1910.4.9; Pand. pér., 1910. 4.9).

La plupart du temps, les statuts prennent soin de spécifier, par dérogation à cette règle, que les réunions seront présidées par le président du conseil d'administration; ils ajoutent souvent qu'à défaut du président du conseil d'administration, la présidence des assemblées appartiendra à un autre administrateur désigné par le conseil d'administration, clause dont la légalité n'est pas discutable. Mais, en présence même de cette clause des statuts, l'assemblée recouvre son droit de désigner le président, si, momentanément, il n'y a pas, soit de conseil d'administration, soit de président du conseil d'administration, ou si le président de ce conseil refuse ou s'abstient de présider l'assemblée. V. Cass. 5 juill. 1893 (S. et P. 1893.1.377; Pand. pér., 1894.1.433), et la note. Adde, la note précitée de M. Wahl, sous C. d'appel ANNÉE 1913. 1 cah.

leur révocation eût été portée à l'ordre du jour, ce n'était qu'à la condition que la nécessité de leur remplacement eût été constalée, et que la mesure à prendre eût été discutée et adoptée à la suite d'observations présentées en toute indépendance (2) (Id.).

Spécialement, une assemblée générale extraordinaire, convoquée par les liquidateurs, avec un ordre du jour portant uniquement sur la lecture du rapport des liquidateurs, ordre du jour dont il a été donné connaissance en temps utile à chaque intéressé, est valable et régulière, lorsque le procès-verbal, corrobore par la production de la feuille de présence, dûment dressée, établit que la presque totalité des actions étaient représentées, que les liquidateurs, après avoir constitué le bureau, ont fait donner lecture de leur rapport, et que, les assistants ayant été invités à produire leurs observations, et un seul actionnaire s'étant réservé de produire ses observations en temps utile, les liquidateurs, la discussion étant close, ont levé la séance (3) (Id.).

de Gênes, 5 nov. 1909, et les renvois. On ne peut accepter la doctrine d'un jugement, d'après lequel l'assemblée n'a pas le droit de prendre des délibérations, si le conseil d'administration n'est pas représenté à la séance. V. Trib. comm. de la Seine, 16 oct. 1901 (Journ. des soc., 1902, p. 78).

Dans l'espèce, les statuts confiaient la présidence des assemblées au président du conseil d'administration. L'arrêt ci-dessus recueilli paraît reconnaître implicitement que cette clause devient inapplicable pendant la période de liquidation. Cela n'est pas douteux. Sans doute, comme la société subsiste en tant que personne morale pour les besoins de la liquidation (V. Cass. 7 nov. 1898, S. et P. 1899.1.269, et le renvoi; 3 janv. 1900, S. et P. 1900.1.391; Pand. pér., 1900.1.69. Adde, la note de M. Naquet sous Cass. 24 oct. 1910, S. et P. 1912.1.193; Pand. pér., 1912.1.193, et les renvois. V. aussi, en cas d'annulation d'une société pour infraction à la loi du 24 juill. 1867, Cass. 18 févr. 1903, S. et P. 1904.1.191, et la note avec les renvois), les statuts continuent à la régir, dans la mesure où ils sont compatibles avec l'état de liquidation, c'est-à-dire dans celles de leurs dispositions qui ne se réfèrent pas à la période active d'exploitation. Mais, précisément, tout ce qui concerne la nomination et les pouvoirs des administrateurs devient incompatible avec la mise en liquidation. C'est le liquidateur seul qui est le représentant de la société, chargé de réaliser l'actif,

Et si, après la levée de la séance, divers actionnaires, en nombre inférieur au quorum nécessaire, s'étant réunis sous la présidence d'un administrateur qui avait été condamné à rendre ses comptes, ont déclaré que la précédente séance continuait, ont révoqué les liquidateurs, procédé à la nomination d'un nouveau liquidateur, et voté diverses résolutions dont ils se réservaient de couvrir ultérieurement les irrégularités, cette réunion ne saurait avoir le caractère d'une assemblée générale, et les résolutions qui y ont été prises sont dépourvues de toute valeur (4) (Id.).

En conséquence, les résolutions et les délibérations prises au cours de cette seconde séance sont, à bon droit, déclarées nulles pour défaut de convocation des actionnaires, d'ordre du jour et de quorum (5) (Id.).

Cette nullité entraine la nullité de la convocation à une nouvelle assemblée générale, faite par le liquidateur irrégulièrement nommé, ainsi que de toutes les délibérations, résolutions, procès-verbaux qui en seraient la suite et la conséquence (6) (Id.).

de payer le passif, d'ester en justice pour le compte de la société. V. Nancy, 19 févr. 1881 (S. 1882.2.161. P. 1882.1.828); Cass. 18 févr. 1903, précité, les notes et les renvois. V. aussi, Cass. 24 oct. 1910, précité, et la note de M. Naquet. Les administrateurs, qui, par suite de la nomination du liquidateur, n'ont pas qualité pour exercer ces attributions, ne gardent pas davantage le pouvoir de continuer l'exploitation sociale, puisque cette exploitation prend fin avec la liquidation, et qu'aucune affaire nouvelle ne peut être entreprise pour le compte de la société. V. Aix, 22 avril 1895, sous Cass. 28 juill. 1896 (S. et P. 1900.1.391), et la note, Adde, Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4° éd., t. 2, 1 part., n. 366, p. 310; Thaller, Tr. de dr. comm., 4o éd., n. 447 et 448; Thaller et Pic, Des soc. comm., t. 1, n. 638. Aussi est-il constant que, par le fait même de la mise en liquidation, les pouvoirs des administrateurs prennent fin. V. Cass. 18 févr. 1903 (sol. implic.), précité; Nîmes, 8 mai 1908 (Journ. des soc., 1910, p. 63). V. cep., pour le cas où, la société étant en faillite, sa dissolution n'a pas été prononcée, Paris, 12 juill. 1869 (S. 1871.2.233. - P. 1871.791). Adde dans le même sens, Trib. de la Seine, 16 déc. 1901 (Journ. des soc., 1904, p. 122); Houpin, Tr. gén. des Soc., 4o éd., t. 2, n. 780. A la vérité, la Cour de cassation a jugé autrefois que le gérant d'une société en commandite par actions continue, après la dissolution à être le représentant de la société, - 1 II PART.

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à l'exclusion des liquidateurs. V. Cass. 12 mai 1852 (S. 1852.1.433. P. 1852.2.673). Mais cet arrêt part de l'idée que le gérant est propriétaire de l'actif social, et que cette propriété ne disparaît pas par la liquidation. Or, cette idée est incompatible avec la personnalité de la société; la société est seule propriétaire de son actif, et elle en garde la propriété pendant la liquidation; si, d'ailleurs, la personnalité de la société n'était pas reconnue, son actif appartiendrait, non pas au gérant seul, mais à tous les associés. En tout cas, l'argumentation sur laquelle se fondait la Cour de cassation ne saurait s'appliquer aux sociétés anonymes, dans lesquelles, au point de vue de leur droits sur l'actif social, les administrateurs, choisis parmi les actionnaires, ne diffèrent en rien des autres actionnaires.

Il nous paraît donc certain que, si les statuts confient la présidence des assemblées au président du conseil d'administration ou à tout autre administrateur, les statuts ne peuvent plus être observés après la mise en liquidation. Il en serait de même, s'ils attribuaient cette présidence à un commissaire de surveillance; car les commissaires de surveillance, dont la seule fonction consiste à contrôler la gestion des administrateurs, n'ont plus de raison d'être, et, par conséquent, cessent leurs fonctions après la cessation des fonctions des administrateurs. V. Trib. comm. de la Seine, 23 avril 1898 (Journ. des soc., 1898, p. 468). Adde, Houpin, op. cit., t. 2, n. 852, in fine. Les statuts ne peuvent recevoir application, en ce qui concerne les assemblées générales, que dans la mesure où leurs dispositions sont compatibles avec la mise en liquidation. C'est ainsi, par exemple, qu'on peut continuer à observer la clause, fréquemment insérée dans les statuts, qui attribue les fonctions de scrutateurs aux deux plus forts actionnaires présents ou représentés.

La société continuant à exister pendant la liquidation, les assemblées ordinaires doivent être tenues, pour donner quitus, soit aux administrateurs, soit aux liquidateurs, ou pour autoriser certains actes qui excèdent les pouvoirs des liquidateurs. Ces assemblées doivent être composées et fonctionner suivant les règles qui les régissaient auparavant, avec les mêmes conditions d'accès, de quorum et de majorité. V. Cass. 20 juill. 1897 (sol. implic.) (S. et P. 1897.1.409). Adde, Trib. comm. de la Seine, 27 juin 1910 (Journ. des soc., 1911, p. 369). Et, encore bien qu'on ne conçoive guère, après la dissolution, la réunion d'assemblées extraordinaires chargées de modifier les statuts, théoriquement, ces assemblées peuvent être réunies, et, pratiquement, on les réunit quelquefois pour changer le mode de liquidation tel qu'il résultait des statuts, ou, dans le silence des statuts, pour déterminer le mode de liquidation. V. Cass. 12 mai 1896 (Journ. des soc., 1896, p. 392).

Après la dissolution, le liquidateur succède au conseil d'administration dans le droit de convoquer les assemblées générales, puisque c'est lui qui constitue désormais, dans la société, le pouvoir exécutif. Mais on ne peut admettre que le liquidateur succède au président du conseil d'administration dans le droit, accordé celui-ci par les statuts, de présider les assemblées. Car ce droit de présidence n'appartient pas au président du conseil d'administration en sa qualité, puisqu'une clause des

ties, il importe de rappeler qu'à la suite des difficultés survenues, d'une part, entre Lamarque, administrateur délégué, Richard, administrateur de la Société française d'exploration africaine, et, d'autre

statuts est nécessaire pour le lui conférer; le liquidateur ne saurait prétendre remplacer le président du conseil d'administration dans une mission que le président du conseil d'administration, par dérogation au droit commun, qui donne aux assemblées le pouvoir de nommer leur bureau, a reçue des statuts. D'ailleurs, ce n'est pas le président du conseil d'administration que remplace le liquidateur; il remplace le conseil d'administration tout entier. Enfin, on conçoit aisément que, quand les statuts donnent au président du conseil le droit de présider les assemblées, ce n'est pas seulement parce qu'il est à la tête de l'organe représentatif de la société, c'est aussi, et peut-être surtout, parce qu'il est nécessairement actionnaire, et souvent l'un des principaux actionnaires de la société, et a ainsi les mêmes intérêts que tous les membres de l'assemblée. Or, le liquidateur peut fort bien être pris en dehors des actionnaires.

Dans l'espèce, cependant, la Cour de Paris a estimé que les liquidateurs avaient la mission de présider l'assemblée. Elle se fonde sur ce qu'à défaut de président du conseil d'administration, les liquidateurs sont naturellement désignés », en vertu de l'article même des statuts qui confiait la présidence au président du conseil d'administration, pour exercer cette présidence. C'est dire que le liquidateur succède aux attributions du président du conseil d'administration; cette dernière solution est, comme nous l'avons montré, inexacte. A la vérité, l'arrêt paraît, un peu plus loin, ne vouloir se prononcer que pour la séance dans laquelle les liquidateurs rendent compte de leur mandat; mais on ne voit pas pourquoi la présidence de cette réunion serait plutôt confiée aux liquidateurs que celle des autres réunions.

Il y avait un autre motif, beaucoup plus simple et plus aisé à faire valoir, pour valider la réunion présidée par un liquidateur.

Dès lors qu'il n'y avait pas de président désigné par les statuts, il appartenait à l'assemblée de nommer son président, ainsi que nous l'avons dit; au reste, le président, même désigné par les statuts, ne s'impose pas, en principe, à l'assemblée. V. la note de M. Wahl sous C. d'appel de Gênes, 5 nov. 1909, précité. Or, en ne protestant pas contre la présidence de l'un des liquidateurs, l'assemblée avait implicitement admis cette présidence; alors même que le bureau se constitue irrégulièrement, la réunion n'est pas nulle, si l'assemblée n'a pas protesté. V. Houpin, Journ. des soc., 1896, p. 430. A plus forte raison en est-il ainsi, lorsque les statuts n'imposent pas un bureau déterminé.

II. Les liquidateurs peuvent-ils être révoqués par l'assemblée générale, alors que leur révocation n'est pas à l'ordre du jour?

L'arrêt admet, dans ses motifs, l'affirmative. La solution de cette question était sans intérêt dans l'espèce, puisqu'en tout cas, comme l'arrêt l'a reconnu, la révocation n'avait pas été prononcée par une assemblée régulière. V. infra, n. III.

La solution, dans sa généralité, est d'ailleurs contraire à la jurisprudence antérieure.

Aucune délibération ne peut porter sur une question qui n'est pas à l'ordre du jour. V. Cass. 15 juill. 1895 (S. et P. 1895.1.349; Pand. pér., 1897.1.65); Rennes, 23 mars 1909 (sol. implic.) (S. et P. 1910.2.65; Pand. pér., 1910.2.65), et

part, Salles et Magnan, liquidateurs de ladite société, Richard a été, par arrêt rendu le 11 mai 1910 par la Cour d'appel de Paris, condamné à fournir un compte général et détaillé de toutes les opérations par lui fai

la note de M. Wahl. La jurisprudence ne fait d'exception que pour les délibérations relatives à des nécessités imprévues, surgissant au cours de la discussion sur un point indiqué dans l'ordre du jour. V. Cass. 20 déc. 1910 (S. et P. 1911.1.255; Pand. per., 1911.1 255), et la note. Le cas le plus usuel est celui où, dans le cours de la réunion, des faits sont révélés à l'assemblée, qui la déterminent à révoquer les administrateurs; la révocation est alors légitime, bien qu'elle ne soit pas à l'ordre du jour. V. Cass. 20 déc. 1910, précité, et la note. Adde, Houpin, Tr. gén. des soc., 4o éd., t. 2, n. 878. Mais, en principe, les administrateurs ne peuvent être révoqués par l'assemblée, si leur révocation ne figure pas à l'ordre du jour. C'est ce que reconnaissent implicitement les décisions qui, pour déclarer valable la révocation, se fondent sur ce qu'elle résulte d'un fait inopinė. V. plus spécialement en ce sens, Paris, 7 janv. 1904 (motifs) (S. et P. 1906.2.89), et la note de M. Wahl; Cass. 20 déc. 1910, précité. La même solution s'applique la révocation des liquidateurs.

Cependant, certaines décisions récentes admettent la légitimité de la révocation des administrateurs, à la seule condition qu'elle soit prononcée pour des raisons graves. V. Paris, 7 janv. 1904, précité. D'autres l'admettent même sans aucune condition. V. Trib. comm. de la Seine, 7 mars 1910 (Journ. des soc., 1910, p. 361).

C'est cette dernière solution que l'arrêt ci-dessus recueilli applique à la révocation des liquidateurs. Et c'est elle, peut-être, qui finira par l'emporter, car, si elle est difficile à justifier en droit, elle se recommande par des considérations d'ordre pratique. En l'absence d'une clause des statuts, les actionnaires ne peuvent exiger la convocation d'une assemblée, ni l'addition d'une question quelconque à l'ordre du jour; le conseil d'administration est seul maître en cette matière. V. la note de M. Wahl sous C. d'appel de Gênes, 5 nov. 1909, précité. Un actionnaire ne peut, spécialement, obtenir des tribunaux la convocation de l'assemblée pour prendre des mesures nécessitées par les vices constatés dans la gestion des administrateurs. V. Trib. comm. de Lyon, 14 mai 1910 (Journ. des soc., 1911, p. 320). Le principe d'après lequel les administrateurs sont révocables ad nutum (V. Cass. 20 déc. 1910, précité, la note et les renvois) est ainsi mis en échec, puisqu'il dépend des administrateurs eux-mêmes d'empêcher leur révocation. La force des choses exige donc que la révocation puisse avoir lieu au cours d'une réunion, indépendamment de toute mention dans l'ordre du jour. Or, si l'assemblée générale qui a nommé le liquidateur peut le révoquer (V. Cass. 15 juill. 1895, sol. implic., précité; Paris, 24 juill. 1895, Journ, des soc., 1896, p. 23), c'est le liquidateur qui compose l'ordre du jour. Il y a donc la même raison pratique de décider, pour la révocation du liquidateur et pour celle des administrateurs.

III. Lorsque la séance a été levée par le bureau, l'assemblée peut-elle rester réunie?

On pourrait être tenté de croire que la Cour de Paris admet implicitement l'affirmative, puisqu'elle prononce la nullité de l'assemblée pour défaut de quorum; l'arrêt se fonde également, d'une manière plus générale, sur le défaut de convocation et d'ordre du jour, pour déclarer nulle la réu

tes; que, contestant la qualité de liquidateurs de Salles et Magnan, qu'ils prétendent avoir fait valablement remplacer par Boucher, Richard et Lamarque arguent de nullité, conjointement avec divers actionnaires, l'assemblée générale extraordinaire, tenue le 24 juin 1911 sous la présidence de Salles, pour exciper de la validité d'une assemblée qu'ils auraient tenue le même jour, sous la présidence de Boucher; Considérant que, régulièrement nommés liquidateurs de la Société française d'exploration africaine par l'assemblée générale du 28 avril 1909, avec les pouvoirs les plus étendus, Salles et Magnan se trouvaient, conformément à l'art. 32 des statuts de ladite société, à défaut du président du conseil d'administration, et à défaut de révocation préalable, naturellement désignés pour présider l'assemblée générale extraordinaire, par eux convoquée pour le 24 juin 1911, dans le but unique de donner lecture de leur rapport; que, s'ils étaient, à l'ouverture de la séance, susceptibles d'être révoqués sans que la

nion dans laquelle, après la séance levée, les actionnaires avaient délibéré sur un objet autre que celui qui était à l'ordre du jour.

Les délibérations ne pouvant porter que sur les objets qui sont à l'ordre du jour (V. supra, n. II), les actionnaires ne peuvent légalement, après que l'ordre du jour a été épuisé, rester réunis pour délibérer sur un objet qui n'y était pas mentionné. Toutefois, cette considération ne saurait s'appliquer au cas où les actionnaires sont restés réunis pour délibérer sur un point qu'ils pouvaient trancher sans ordre du jour. Or, c'était bien là le cas de l'espèce, puisque les actionnaires, une fois la séance levée par le président, étaient restés réunis pour révoquer les liquidateurs, droit qui, suivant la Cour, peut être exercé en l'absence même de toute mention à l'ordre du jour (V. supra, n. II). La solution donnée par l'arrêt est cependant exacte. Les actionnaires ne peuvent se réunir sans convocation (V. la note de M. Wahl, p. 11, 3 col., sous C. d'appel de Gênes, 5 nov. 1909, précité); par conséquent, s'ils continuent à délibérer une fois que la séance a été levée, ils délibérent illégalement, puisqu'ils n'ont pas été convoqués à cette nouvelle réunion. A la vérité, on a soutenu, avec raison suivant nous, qu'une fois la séance ouverte, le président ne peut, sans le consentement de la majorité des actionnaires présents, lever la séance, et que, s'il la lève, les actionnaires peuvent constituer un nouveau bureau, et continuer à délibérer sur les questions portées à l'ordre du jour. V. Houpin, Journ. des soc., 1896, p. 431. V. cep. en sens contraire, Trib. comm. de la Seine, 29 mai 1896 (motifs) (Journ. des soc., 1896, p. 429). La raison en est que, si le président a pour mission de veiller au bon ordre de la réunion, de régler la discussion, de faire en sorte que l'ordre du jour, qui contient implicitement l'engagement de soumettre à l'assemblée les questions inscrites à cet ordre du jour, soit observé, il ne peut abuser de ses pouvoirs pour empêcher l'assemblée de délibérer sur son ordre du jour; il agit illégalement en levant la séance, de sa propre autorité, dans une circonstance où l'assemblée seule pouvait en autoriser la levée; et l'assemblée générale, qui est maîtresse de la désignation de son bureau, quand celui qui a, d'après les statuts, qualité pour présider ne remplit pas ou ne peut remplir ses fonctions

question de leur révocation fût portée à l'ordre du jour, il fallait, tout au moins, que la nécessité de leur remplacement fût constatée, et que la mesure à prendre fût discutée et adoptée à la suite d'observations présentées en toute indépendance; - Considérant qu'en l'espèce, le procès-verbal de la séance du 24 juin 1911, appuyé de la production d'une feuille de présence dùment dressée, établit que 894 actions, sur les 1.000 formant le capital social, étaient représentées; que l'ordre du jour, porté en temps utile à la connaissance de chaque intéressé, ne comportait que la lecture du rapport des liquidateurs; que Salles, après avoir constitué le bureau, a donné ou fait donner une communication intégrale de ce rapport, qui, malgré son importance, a été lu en entier; qu'après cette lecture, Salles ayant, à deux reprises, invité les assistants à produire les observations qu'ils croiraient devoir soumettre à l'assemblée, aucune observation suscep. tible d'être prise en considération n'a été formulée; qu'il résulte des énonciations

(V. suprà, n. I), et qui notamment se choisit librement un président, si le président se retire pendant la délibération (V. Trib. de le Seine, 29 mai 1896, précité), reste dans la légalité en épuisant l'ordre du jour. Mais il n'en est pas de même, si, au moment où la séance a été levée par le président, cet ordre du jour était épuisé.

IV. Quel est le quorum nécessaire pour qu'une assemblée puisse délibérer sur la révocation d'un liquidateur?

Il semble que, sur ce point, la Cour de Paris a incidemment donné une solution critiquable.

Le quorum est exigé par la loi pour toutes les délibérations prises dans le cours d'une réunion, et, par suite, si, la feuille de présence ayant constaté la représentation d'une majorité suffisante pour délibérer, et certaines résolutions ayant été prises par cette majorité, le départ de certains actionnaires réduit le nombre des actions représentées au-dessous du chiffre légal, les délibérations qui sont prises par la suite sont nulles. Non seulement cela est rationnel; mais les art. 29 et s. de la loi du 24 juill. 1867 imposent cette solution, puisqu'ils déterminent le quorum nécessaire suivant les objets sur lesquels les assemblées ont à délibérer; c'est donc l'objet de chaque délibération qui doit être consulté pour la fixation du quorum nécessaire à cette délibération.

Mais la Cour d'appel a commis une erreur, en paraissant croire qu'une assemblée, où étaient représentées 437 actions sur 1000, n'atteignait pas le quorum nécessaire pour révoquer un liquidateur. Cela semblerait impliquer que l'assemblée aurait dû réunir la moitié du capital, conformément à l'art. 31 de la loi du 24 juill. 1867. Or, ce quorum n'est, suivant l'art. 31, exigé que pour les assemblées « qui ont à délibérer sur des modifications aux statuts »; pour les autres assemblées, suivant l'art. 29, la représentation du quart du capital suffit. Une assemblée qui révoque un liquidateur ne modifie pas plus les statuts qu'une assemblée qui nomme le liquidateur; les statuts n'interdisant pas cette révocation, l'assemblée ne se met pas en contradiction avec eux. Aussi est-il admis sans difficulté que l'assemblée réunissant le quart du capital est compétente pour révoquer les administrateurs. V. Cass. 20 déc. 1910, précité, et la note. Elle l'est, de même, pour révoquer

d'un constat dressé par Mermilliod, huissier, que Richard a déclaré réserver à une autre époque les observations qu'il jugerait utiles; que, dans ces conditions, et quelles qu'aient pu être les tentatives d'obstruction faites par certains actionnaires, l'ordre du jour étant épuisé, la discussion close, les liquidateurs, sans se préoccuper de ces manoeuvres, ont valablement levé la séance, valablement emporté, sans qu'il puisse leur en être fait grief, les documents, pièces, papiers, y compris la feuille. de présence émargée, qui leur étaient indispensables pour dresser le procès-verbal de la séance; que si, après la levée de cette séance, qui seule représentait légalement la majorité des actionnaires, une minorité, composée de Richard, qui avait été condamné à rendre ses comptes, de Lamarque, intéressé comme lui dans les affaires de la Société française d'exploration africaine, et de divers actionnaires favorisant leurs projets dans un intérêt personnel, s'est arrogé le droit, alors que la feuille de présence par eux dressée ne re

un liquidateur. V. Trib. comm. de la Seine. 22 juill. 1891 (Journ. La Loi, 8 août 1891). V. Quelles sont les conséquences de la nullité de la nomination d'un liquidateur?

La Cour de Paris décide avec raison que tous les actes de ce liquidateur sont nuls, et que sont nulles, par voie de conséquence, les délibérations votées dans les assemblées générales qu'il a convoquées. Le liquidateur est un mandataire de la société (V. supra, n. I); le manda taire irrégulièrement désigné ne peut rien faire de valable. En particulier, la convocation ne pouvant émaner que du liquidateur, après que la dissolution de la société a mis fin aux pouvoirs des administrateurs, toute convocation adressée aux actionnaires par une personne non qualifiée est nulle, et cette nullité entraîne celle des assemblées. La question a déjà été tranchée, à propos de la convocation faite irrégulièrement par des administrateurs. La convocation, pour être valable, devant émaner du conseil d'administration, ne peut émaner d'un seul des administrateurs (V. Trib. comm. de la Seine, 16 janv. 1899, Journ. des soc., 1899, p. 366; Trib. comm. de la Seine, 19 mai 1899, Id., 1899, p. 456), ni d'un conseil d'administration irrégulièrement désigné. L'assemblée qui se réunit sur cette convocation irrégulière est nulle, parce qu'elle doit être assimilée à une assemblée se réunissant sans convocation. Or, nous avons vu plus haut que les actionnaires ne peuvent valablement délibérer s'ils sont réunis sans convocation. V. Trib. comm. de la Seine, 16 janv. et 19 mai 1899, précités. V. de même, en matière d'associations sans but lucratif, Besançon, 23 janv. 1901 (S. et P. 1906.2.196), et la note. Il est vrai qu'il a été décidé, en sens contraire, que les irrégularités de la convocation sont couvertes par la réunion de l'assemblée. V. Trib. comm. de la Seine, 16 juill. 1898 (Journ. des soc., 1899, p. 122). V. égal., Houpin, Tr.gén. des soc., 4° éd., t. 2, n. 874. Mais cela ne peut être exact, puisque cette réunion est, elle-même, nécessairement irrégulière. Le seul moyen de réparer l'irrégularité, c'est de faire adresser aux actionnaires, avant la réunion, et dans les délais fixés par les statuts, de nouvelles convocations, cette fois régulières. V. Trib. comm. de Lyon, 14 janv. 1904 (Journ, des soc., 1905, p. 42). ALBERT WAHL.

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