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l'expiration de ce délai; Attendu que, sans qu'il y ait lieu de rechercher si, entre les art. 2 et 19 de la loi du 4 mars 1889, il existe une certaine antinomie, et si, dans les cas prévus par ces deux articles, doivent être appliquées des règles différentes, il échet uniquement, dans la cause soumise à l'appréciation de la Cour, de rechercher si Coute était ou non en état de cessation de paiements, d'une manière certaine et non équivoque, à une époque antérieure de plus de quinze jours à la date de sa requête du 8 mai 1912; - Or, attendu, en fait, qu'il résulte de tous les documents de la cause, et notamment de la tentative de règlement amiable du 17 avril 1912, que Coute était, dès avant cette dernière date, en état manifeste de cessation de paiements; que, dès lors, le 8 mai 1912, jour où il a présenté sa requête, il n'était plus dans les délais de la loi pour obtenir le bénéfice de la liquidation judiciaire; qu'en conséquence, la décision des premiers juges, qui a déclaré Coute en état de faillite, doit être maintenue; - Par ces motifs; Confirme, etc. Du 28 juin 1912. C. Pau. MM. le cons. Dupuy, prés.; Gaches, subst.; Lamaignère, Crouau et Guichenné, av.

LYON 26 juillet 1912.

DIVORCE, PRÉLIMINAIRE DE CONCILIATION, PRÉSIDENT DU TRIBUNAL CIVIL, EXCEPTION D'INCOMPÉTENCE, DONNÉ ACTE, MESURES PROVISOIRES (Rép., vo Divorce et séparation de corps, n. 1073 et s., 1093 et s.; Pand. Rép., v Divorce, n. 1301 et s.).

L'instance en divorce étant engagée dès que l'époux défendeur a reçu assignation à comparaitre en conciliation devant le président du tribunal civil, c'est devant ce magistrat que doit, à peine de forclusion, être soulevée l'exception d'incompétence ratione loci (1) (C. civ., 238).

Elle peut également être soulevée devant la Cour, sur l'appel de l'ordonnance du président du tribunal civil, si le défendeur a fait défaut devant le président (2) (Id.).

La Cour, saisie de l'appel de l'ordonnance, n'a pas de pouvoirs plus étendus que ceux que l'art. 238, C. civ., confère au magistrat conciliateur (3) (Id.).

Et le président du tribunal civil, devant

(1-2-3) La jurisprudence se prononce en général en ce sens que, l'instance en divorce ou en séparation de corps étant liée dès lors que le défendeur se présente en conciliation, c'est devant le président du tribunal civil que doit, à peine de forclusion, être soulevée l'exception basée sur l'incompétence ratione loci. V. Grenoble, 2 mai 1891 (S. et P. 1893.2.177), et les renvois de la note, 1re col., de M. A...; Cass. 1er juin 1891 (S. et P. 1892.1.129, et la note de M. Garsonnet; Pand. pér., 1893.1.209); Paris, 15 mars 1892 (S. et P. 1892. 2.72; Pand. pér., 1893.2.135), la note et les renvois. Adde, la note et les renvois sous Paris, 4 janv. 1910 (S. et P. 1910.2.276; Pand. pér., 1910.2.276). La raison même qui justifie cette solution implique que, si le défendeur n'a pas comparu en conciliation, il ne peut être considéré comme ayant renoncé à se prévaloir de l'incompétence ratione loci; cette exception n'est donc pas couverte, et le dé

lequel l'époux défendeur à une demande en divorce soulève, lors du préliminaire de conciliation, une exception d'incompétence ratione loci, doit se borner à en donner acte, et, sans même dresser de procès-verbal de non-conciliation, il doit renvoyer les parties à faire trancher préalablement la question de compétence par les juges du fond (4) (Id.).

Sauf au président, statuant comme juge des référés, à prescrire, s'il en est requis, les mesures provisoires urgentes que commande la force même des choses (5) (C. civ., 238; C. proc., 806 et s.).

(Pigerol C. Pigerol). — ARRÊT.

LA COUR; Attendu que Pigerol a régulièrement fait appel de l'ordonnance rendue le 29 févr. 1912 par le président du tribunal civil de Lyon, en vertu de l'art. 238, C. civ., et par laquelle ce magistrat a donné défaut contre le sieur Pigerol, autorisé la dame Pigerol à assigner son mari en divorce devant le tribunal de première instance de Lyon, et fixé à ladite dame une résidence séparée, en lui allouant une pension alimentaire mensuelle de 150 fr.; Attendu que Pigerol, défaillant devant le premier juge, soulève devant la Cour un déclinatoire d'incompétence, basé sur ce qu'il serait domicilié dans l'arrondissement de Trévoux (Ain), et que, par suite, l'instance en divorce devrait être commencée et suivre son cours devant le tribunal de Trévoux, et non devant le tribunal de Lyon; - Attendu qu'en matière de divorce, l'instance est engagée dès que l'époux défendeur a reçu assignation à comparaitre en conciliation devant le président; que l'incompétence ratione loci doit, à peine de forclusion à le faire ultérieurement devant le tribunal lui-même, être soulevée dès la comparution devant ce magistrat, ou en appel devant la Cour, si l'ordonnance de l'art. 238 a été, comme dans l'espèce, rendue par défaut; - Attendu que la Cour, saisie par l'appel de Pigerol, formé contre l'ordonnance du président, n'a pas d'autres pouvoirs que ceux du président lui-même; qu'il échet donc de rechercher, en présence du déclinatoire proposé, si le président a le droit de statuer sur sa propre compétence; Attendu que lui reconnaître ce droit, c'est lui donner le pouvoir de statuer sur la compétence du tribunal lui-même, et en

fendeur est encore recevable à la proposer devant la Cour, saisie en ce cas de l'appel de l'ordonnance du président statuant sur la conciliation. V. en ce sens, dans une espèce analogue, Aix, 4 déc. 1912 (Gaz. Trib., 1er janv. 1913). Comp. Bruxelles, 23 déc. 1809 (S. et P. chr.); Douai, 26 févr. 1833 (S. 1833. 2.210. P. chr.); et notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, sur l'art. 170,

n. 51 et s.

(4-5) On décide, en général, que le président du tribunal civil, devant lequel, lors du préliminaire de conciliation, le défendeur à une demande en divorce ou en séparation de corps soulève une exception d'incompétence, tirée, soit de l'incompétence ratione personæ vel loci, soit de l'extranéité des parties, n'a pas à statuer sur cette exception, et doit se borner à en donner acte, pour permettre au défendeur de la présenter à nouveau devant le tribunal civil saisi de la demande principale. V.

lever à la juridiction du fond la faculté d'apprécier cette question; qu'une dérogation si profonde aux règles du droit commun ne pourrait être admise qu'en présence d'un texte formel, qui n'existe pas; que le président a reçu de l'art. 238 une mission qui ne l'autorise pas à empiéter sur les pouvoirs du tribunal, ni à rien faire qui puisse préjudicier irrévocablement au fond; que, si donc un déclinatoire d'incompétence ratione loci, qui s'applique nécessairement et indistincte ment à lui-même et en même temps au tribunal, est soulevé devant lui, parce qu'il faut le proposer in limine litis, le président doit se borner à en donner acte, et, sans même dresser de procès verbal de non-conciliation, renvoyer les parties à faire trancher préalablement la question par les juges du fond, sauf, s'il en est requis, à ordonner les mesures provisoires urgentes que commande la force même des choses; que le litige sur la compétence ne s'oppose pas à ce que ces mesures indispensables soient prescrites, parce qu'en pareil cas, le président fait l'office de juge des référés (l'art. 238 se réfère du reste à l'art. 809, C. proc.), et que le juge du lieu où les mesures sont nécessitées par l'urgence a qualité pour les ordonner;

Mais attendu, à ce point de vue, que l'ordonnance entreprise ne saurait être maintenue; qu'il n'y a ni péril en la demeure, ni urgence justifiant les mesures provisoires ordonnées; que la femme, dès la présentation de la requête, avait, en fait, quitté le domicile conjugal, et est à même, au moins provisoirement, de pourvoir à ses besoins; Par ces motifs; Dit que la Cour, saisie de l'appel de l'ordonnance par défaut du 29 févr. 1912, n'a pas pouvoir, pas plus que le président du tribunal, de statuer sur l'exception d'incompétence ratione loci soulevée; Renvoie les parties à faire statuer au préalable par le tribunal de Lyon; - Dit que les mesures provisoires, relatives à la résidence de la femme et à la pension alimentaire, ne sont pas, en l'état, nécessitées par l'urgence; Réforme, en conséquence, l'ordonnance entreprise, etc.

Du 26 juill. 1912. C. Lyon, Ire ch. MM. Nectoux, prés.; Astié, av. gén.; Bernus et Mettey, av.

Lyon, 17 mars 1891 (S. et P. 1892.2.1, et la note de M. Appleton; Pand. pér., 1894.1.60); Nîmes, 16 févr. 1892 (S. et P. 1892.2.39); Paris, 4 janv. 1910 (S. et P. 1910.2.276; Pand. pér., 1910.2.276), la note et les renvois. V. cep., Grenoble, 2 mai 1891 (S. et P. 1893.2.177); et Baudry-Lacantinerie et Chauveau, Des pers., 3e éd., t. 4, n. 86, p. 58. Le président du tribunal civil, en donnant acte au défendeur de l'exception d'incompétence, peut néanmoins statuer sur les mesures provisoires et urgentes que comporte la situation des parties. V. Lyon, 17 mars 1891, Nîmes, 16 févr. 1892, et Paris, 4 janv. 1910, précités. V. égal., les renvois de la note sous ce dernier arrêt. L'opinion la plus généralement admise lui reconnaît aussi, contrairement à ce que décide l'arrêt ci-dessus recueilli, le droit de constater la non-conciliation. V. Lyon, 17 mars 1891, et Nîmes, 16 févr. 1892, précités.

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C. D'ASSISES DE L'ILLE-ET-VILAINE 18 novembre 1912. DIFFAMATION, POURSUITES, SURSIS, FAIT PUNISSABLE, INSTRUCTION CRIMINELLE, PLAINTE, PERSONNE QUAlifiée, Maire, FAUX, MINISTÈRE PUBLIC, OFFICE DU JUGE, PARTIE POURSUIVANTE (Rép., v Diffamation,n. 1301, 1605 et s.; Pand. Rép., vo Diffamation-Injure, n. 1106 et s., 1138 et s.).

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(1-2) La loi du 26 mai 1819, relative à la poursuite et au jugement des crimes et délits commis par la voie de la presse (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 1010), avait interdit, en principe, la preuve de la vérité des faits diffamatoires, sauf dans le cas d'imputations contre des dépositaires ou agents de l'autorité ou contre toute personne ayant agi dans un caractère public, de faits relatifs à leurs fonctions (art. 20). Mais, prévoyant le cas où les imputations motivant une poursuite en diffamation viseraient des faits punissables selon la loi, et sur lesquels il y aurait, soit des poursuites commencées à la requête du ministère public, soit une dénonciation de l'anteur de la diffamation, elle disposait, dans son art. 25, que, dans ce cas, il serait, durant l'instruction, sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation De la sorte, si la vérité des imputations diffamatoires était proclamée par un jugement de condamnation, préalablement prononcé contre le plaignant, le prévenu de diffamation, qui n'aurait pas en le droit de prouver directement la vérité de ses allégations, pouvait, devant ses juges, tirer de ce jugement un moyen de justification. La disposition de l'art. 25 étant conçue en termes très généraux, on décidait que le sursis pouvait être demandé, non seulement au cas où les imputations diffamatoires visaient un simple particulier, mais aussi dans le cas où elles avaient trait à des actes accomplis dans ses fonctions par une personne revêtue d'un caractère public. V. Cass. 20 juill. 1821 (S. et P. chr.); de Grattier, Comment. sur les lois de la presse, t. 1er, p. 496. Bien que, dans cette seconde hypothèse, le prévenu de diffamation eût la faculté de faire la preuve de la véracité de ses allégations, le sursis pouvait néanmoins lui être utile, en lui permettant de profiter, en vue d'une preuve qui pouvait être difficile à administrer, des éléments réunis par l'information ouverte sur les faits imputés.

La disposition de l'art. 25 de la loi du 26 mai 1819, qui, dans l'opinion générale, n'avait pas été abrogée par l'art. 28 du décret organique sur la presse du 17 févr. 1852, interdisant la preuve par témoins des faits injurieux ou diffamatoires (V. Cass. 19 janv. 1855, S. 1855.1.304. P. 1855.1. 148; 1er juin 1855, S. 1855.1.767. P. 1856.1. 175; 29 déc. 1865, S. 1866.1.311. P. 1866.802), avait soulevé dans l'application de telles difficultés que le projet primitif, présenté par la commission de la Chambre des députés lors de l'élaboration de la loi du 29 juill. 1881, l'avait délibérément écartée. La commission avait substitué au système admis par la loi du 26 mai 1819 un autre systéme, qui autorisait la preuve de la vérité des faits diffamatoires aussi bien lorsque la diffamation visait de simples particuliers que lorsqu'elle s'adressait à des personnes revêtues d'un caractère public, en la subordonnant, dans le cas où la diffamation était commise à l'égard de simples particuliers, à la double condition que le fait, à le supposer prouvé, fût passible d'une peine, et que le prévenu de diffamation eût été lésé par le fait imputé. V. le rapport de M. Lisbonne à la Chambre des députés (S. Lois annotées de 1882, p. 218, 2o et ANNÉE 1913. 4° cah.

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Lors de la première délibération à la Chambre des députés, le système de la commission a été abandonné, par suite de l'adoption d'un amendement de MM. Bardoux et Durand, qui, d'une part, restreignait la preuve de la vérité des faits diffamatoires au cas où ils étaient relatifs aux fonctions, et où la diffamation était dirigée contre les corps constitués, les armées de terre ou de mer, les administrations publiques, et contre toutes les personnes énumérées à l'art. 31 de la loi (personnes ayant un caractère public), et qui, d'autre part, ajoutait : « Dans toute autre circonstance, et visà-vis de toute autre personne non qualifiée, lorsque le fait imputé est l'objet de poursuites commencées à la requête du ministère public sur la plainte du prévenu, il sera, durant l'instruction, sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation. (S. Lois annotées de 1882, p. 218 et 219, note 69. P. Lois, décr., etc. de 1882, p. 366 et 367, note 69). Depuis, soit à la Chambre, soit au Sénat, l'art. 35, tel qu'il était rédigé à la suite du vote de l'amendement de MM. Bardoux et Durand, n'a subi d'antres modifications que celles résultant de l'assimilation, au point de vue de la preuve de la vérité des faits diffamatoires, des directeurs et administrateurs d'entreprises financières aux personnes revêtues d'un caractère public (art. 35, § 2) (V. S. Lois annotées de 1882, p. 219, note 70. P. Lois, décr., etc. de 1882, p. 368, note 70), et des rectifications apportées au texte de l'art. 35, § 4, relatif au sursis, rectifications ayant pour objet, d'une part, de ne pas subordonner le sursis exclusivement à des poursuites commencées, comme le faisait l'amendement Bardoux et Durand, et de donner à la plainte du prévenu le même effet qu'à des poursuites commencées, conformément à la disposition de l'art. 25 de la loi de 1819, et, d'antre part, de préciser, par les expressions : « durant l'instruction qui devra avoir lieu la nécessité d'une instruction. V. S. Lois annotées de 1882, p. 219, 1re col., note 69. P. Lois, décr., etc. de 1882, p. 367, 2e col., note 69.

Nous avons insisté sur l'historique de la disposition de l'art. 35, § 4, de la loi de 1881, relative au sursis, parce que, à notre avis, cet historique projette une lumière très vive sur l'interprétation que comporte ce texte. Sans doute, après avoir d'abord projeté d'écarter le système de la loi du 26 mai 1819, autorisant la preuve de la vérité des faits diffamatoires aussi bien en cas de diffamation contre des particuliers que contre des personnes revêtues d'un caractère public, sauf à ne l'admettre qu'avec des restrictions dans le premier cas, le législateur de 1881 a fini par consacrer un système très voisin de celui de la loi de 1819: preuve de la vérité des faits diffamatoires à l'encontre des personnes revêtues d'un caractère public; sursis en cas de poursuites commencées ou de plainte déposée par le prévenu du délit de diffamation. Mais la disposition relative au sursis est autrement restrictive que ne l'était la disposition correspondante de l'art. 25 de la loi de 1819. Tandis que cet article, placé à la suite de ceux qui réglementaient la

ouverte contre un ancien maire, à raison de faits de faux, usage de faux et détournements commis dans l'exercice de ses fonctions, la Cour d'assises, saisie par l'ancien maire d'une poursuite en diffamation fondée sur des imputations visant ces mêmes faits, peut surseoir à statuer, soit sur la demande du ministère public, soit même d'office (2) (Id.).

preuve de la vérité des faits diffamatoires à l'encontre des personnes revêtues d'un caractère public, disposait, en termes très généraux et sans faire aucune distinction, qu'il y aurait sursis aux poursuites et au jugement de la diffamation, lorsque les faits imputés seraient punissables, et qu'il y aurait eu poursuites commencées à la requête du ministère public, ou dénonciation de la part du prévenu de diffamation, l'art. 35, après avoir énuméré les hypothèses dans lesquelles la preuve de la vérité des faits diffamatoires est autorisée (diffamation contre les corps constitués, les armées de terre ou de mer, les administrations publiques et les personnes énumérées dans l'art. 31, c'est-à-dire les personnes revêtues d'un caractère public, et contre les administrateurs et directeurs des entreprises financières), ajoute, dans son § 4, qu'il y aura sursis, moyennant la réunion des conditions qu'il spécifie, dans toute autre circonstance, et envers toute personne non qualifiée ». On ne peut dire en termes plus clairs et plus nets que, à la différence de ce que l'on décidait sous l'empire de la loi du 26 mai 1819, c'est seulement dans les cas où la preuve de la vérité des faits diffamatoires n'est pas autorisée, c'est-à-dire lorsque la diffamation vise de simples particuliers, que l'art. 35, § 4, est applicable, et qu'il peut y avoir lieu à sursis. En d'autres termes, le sursis n'est pas un moyen de défense ouvert à tout prévenu de diffamation, lorsque les faits imputés ont un caractère délictueux, comme sous l'empire de la loi du 26 mai 1819; ce moyen de défense n'est plus donné qu'au prévenu de diffamation auquel la loi de 1881 interdit de faire la preuve de la vérité des faits dif-, famatoires, et pour empêcher que, faute de pouvoir faire cette preuve, il ne soit condamné, encore bien que les faits par lui dénoncés tombent sous l'application des lois pénales.

Si cette interprétation ressort du texte même de l'art. 35, § 4, rapproché des dispositions du même article qui le précèdent, il ne peut faire doute qu'elle correspond à l'intention non équivoque des auteurs de la loi du 29 juill. 1881. Il suffit de se reporter au rapport de M. Lisbonne à la Chambre des députés pour se rendre compte que, dans le projet primitivement soumis à la Chambre, l'abrogation de l'art. 25 de la loi du 26 mai 1819 et la suppression du sursis apparaissaient comme une conséquence de l'innovation qui permettait au prévenu de diffamation d'administrer, même à l'égard des simples particuliers, la preuve de la vérité des faits diffamatoires (V. S. Lois annotées de 1882, p. 218, 3 col., note 69. P. Lois, déer., etc. de 1882, p. 367, 1re col., note 69). D'autre part, c'est une conception analogue qui avait inspiré l'amendement Bardoux et Durand, substitué par la Chambre au texte présenté par la commission. C'est parce qu'ils estimaient que la preuve de la vérité des faits diffamatoires ne devait pas être autorisée en cas de diffamation envers les personnes non qualifiées, et qu'ils proposaient, contrairement au projet de la commission, de l'interdire, que les auteurs de l'amendement avaient jugé nécessaire de rétablir, dans ce cas, le sursis, comme corollaire de cette interdiction. La forme même qu'ils avaient donnée 14 II PART.

Le sursis pourrait-il être accordé sur la seule demande de la partie poursuivante (1) (Id.)? — V. la note.

(Morin C. Journ. Le Nouvelliste de Bretagne et Soc. la Presse de Bretagne).

A la suite de poursuites en diffamation, dirigées par M. Morin, ancien maire dé Gahart (Ille-et-Vilaine), contre différents journaux, une information a été ouverte contre M. Morin, pour faux, usage de faux et détournements commis dans l'exercice de ses fonctions de maire.

M. Morin a demandé à la Cour d'assises de surseoir à statuer sur les poursuites en diffamation, jusqu'à clôture de l'information. Le ministère public s'est joint à cette demande.

ARRÊT.

LA COUR; -- Considérant que les termes de l'art. 35, § 4, de la loi du 29 juill. 1881 peuvent paraitre réserver l'application du sursis au seul cas de diffamation envers personnes non qualifiées; qu'ils ne doivent cependant pas être interprétés dans ce sens absolument limitatif: qu'on peut fort bien admettre que le législateur a cru nécessaire d'énoncer expressément l'applicabilité possible du sursis au cas spécial

à la partie de leur amendement relative au sursis, qui débutait exactement comme l'art. 35, § 4, démontre que, dans leur pensée, le sursis n'était ouvert qu'à ceux qui ne pouvaient faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires. V. S. Lois annotées de 1882, p. 218 et 219, note 69. P. Lois, déer., etc. de 1882, p. 366 et 367, note 69.

Aussi est-on, en général, d'accord pour reconnaître, contrairement à la solution admise par l'arrêt cidessus, que le sursis ne peut être réclamé que dans les poursuites pour diffamation envers un simple particulier, et que, par suite, lorsque la Cour d'assises est appelée à statuer sur des faits de diffamation envers un fonctionnaire public, ou lorsque le tribunal correctionnel est saisi par un administrateur de société financière d'une poursuite pour diffamation commise à son égard, le prévenu ne peut, devant ces juridictions, se prévaloir de l'art. 35 de la loi du 29 juill. 1881 pour demander un sursis. V. Trib. corr. de la Seine, 2 juin 1897, rapporté en (a) (De Lavigerie et Ourback C. Dame Richard-Lesclide et Marot journal le Vélocipède illustré).

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que, par assignation, en date du 20 févr. 1897, renouvelée par acte du 17 avril, Taveau de Lavigerie et Ourback ont assigné devant cette chambre 1o la dame veuve Richard Lesclide, en sa qualité de gérante du journal le Velocipède illustré: 2o Léon Marot, à raison d'articles prétendus injurieux et diffamatoires, parus daus le Velocipède illustré, n. des 13 déc. 1896, 3, 10, 17 et 24 janv. 1897, dont Marot serait l'auteur; Attendu que, par acte en date du 25 févr. 1897, la dame veuve Richard-Lesclide a signifié à Taveau de Lavigerie et Ourback qu'elle entendait user des droits que lui confère l'art. 35 de la loi du 29 juil. 1881, et faire la preuve des faits incriminés dans l'assignation; qu'elle a, en conséquence, notifié aux susnommés les noms des témoins qu'elle se propose de faire entendre à cet effet; -Attendu qu'aux dates des 13 nov., 18 et 23 déc. 1896, Marot a déposé au parquet du procureur de la République, contre Taveau de Lavigerie, Ourback et autres, des plaintes pour infraction aux lois des 24 juill. 1867 et 1er août 1893, abus de confiance, escroquerie et faux; Attendu qu'à la date du 5 janv. 1897, la dame veuve Richard-Lesclide a déposé contre les mêmes une plainte à raison des mêmes faits; qu'ils concluent à ce que, conformément à l'art. 35, in fine, de la loi du 29 juill. 1881, il soit sursis au jugement de la présente affaire jusqu'à ce qu'il ait été procédé à une instruction sur les faits dénoncés ; Attendu que Ta

de diffamation envers particuliers, sans pour cela avoir voulu l'écarter, au cas de diffamation envers personnes qualifiées; qu'il est certain, au contraire, que c'est dans le cas où la preuve des faits diffamatoires est admise que le sursis peut et doit avoir sa plus grande utilité; qu'en effet, dans le cas de diffamation envers particuliers, la décision intervenue sur la réalité des faits allégués, à la suite de l'information ouverte, soit d'office par le ministère public, soit sur la plainte du prévenu, ne peut jamais être retenue par le juge de la diffamation que comme un élément d'appréciation du degré de culpabilité de l'auteur de cette diffamation: qu'au contraire, dans le cas de diffamation envers personnes qualifiées, cette même décision peut être retenue comme une preuve complète et une justification de la vérité des faits allégués, faisant, en conséquence, disparaitre toute culpabilité du prétendu diffamateur: - Considérant que, sans qu'il soit besoin de rechercher si la demande de sursis peut être utilement et légalement formée par la partie poursuivante, il est de principe certain que cette demande peut être formée par le ministere public; que, d'ailleurs, la Cour d'assises peut l'ordonner d'office; qu'elle peut trouver dans ce moyen, le cas échéant, un

sous-note (a): Barbier, Code expliqué de la presse, 2e éd., par Matter et Rondelet, t. 2, n. 575; Le Poittevin, Tr. de la presse, t. 2, n. 797; Fabreguettes, Tr. des dél. polit. et des infr. par la parole, l'écriture et la presse, t. 1er, n. 133 bis, p. 532.

Mais, si cette solution s'impose, étant donnés les termes de l'art. 35, § 4, et les conditions dans lesquelles cette disposition a été introduite dans la loi, elle n'en demeure pas moins, en soi, fort eritiquable, comme l'observation en a été faite : « De ce que le prévenu de diffamation envers une personne qualifiée est admis à faire la preuve des faits diffamatoires par les voies ordinaires, il ne s'ensuit nullement que le moyen de défense résultant du sursis soit pour lui inutile. L'instruction ouverte sur les faits imputés peut fort bien rassembler des éléments de preuve que l'auteur des imputations, abandonné à ses propres moyens, est dans l'impossibilité de rapporter. N'est-il pas étrange de refuser au prévenu, qui, en principe, est veau de Lavigerie et Ourback concluent à ce que les défendeurs soient déboutés, l'art. 35, dernier paragraphe, ne s'appliquant pas aux directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière faisant publiquement appel à l'épargne ou au crédit, contre lesquels la preuve par témoins de la vérité des faits diffamatoires peut seule être établie (art. 35, § 2); - Attendu qu'il est manifeste que la rédaction de l'art. 35 confirme cette appréciation; qu'après avoir autorisé la preuve de la vérité des imputations diffamatoires et injurieuses contre les personnes qualifiées, il s'exprime ainsi dans le dernier paragraphe « Dans toute autre circonstance et envers toute autre personne non qualifiée, il sera sursis à la poursuite et au jugement, etc... » que les termes de cette disposition sont précis, exprès, et ne peuvent prêter au doute ni à l'interprétation; que, de plus, le rapport sur la loi du 29 juill. 1881 (S. Lois annotées de 1882, p. 218, 3 col., n. 69.-P. Lois, déer., etc. de 1882, p. 367, 1re col., note 69), adopté par la commission, la discussion de l'amendement de M. Bardoux, qui a été substitué à la disposition proposée par la commission (Chambre des dépu tés, séance du 1er févr. 1881, S. Lois annotées de 1882, p. 219, col. 1, note 69. P. Lois, décr., etc. de 1882, p. 367, 2 col., note 69), établissent d'abord que le projet de loi était une innovation sur la loi de 1819, dont la commission voulait abroger l'art. 25; en second lieu, qu'en substituant l'amendement Bardoux à la rédaction de la com. mission, la Chambre des députés a entendu limiter aux personnes non qualifiées le droit de demander le sursis, lorsqu'une plainte aurait été déposée; - Attendu qu'en

mode utile et pratique de l'exercice du droit qui lui appartient souverainement d'ordonner un renvoi qu'elle juge nécessaire dans l'intérêt de la vérité, pour l'éclaircissement des faits non suffisamment apurés: Considérant, en la cause, qu'il est constant et non dénié qu'une information est ouverte, entre les mains de M. le juge d'instruction de Rennes, contre Morin, nommément désigné, inculpé, en sa qualité de maire de la commune de Gahard, de faux, usage de faux et de détournements; que, d'autre part, le ministère public conclut au sursis; Par ces motifs; Dit qu'il sera sursis aux poursuites et procédures dont il s'agit, jusqu'à clôture de l'instruction ouverte entre les mains de M. le juge d'instruction de Rennes contre Morin, inculpé, en sa qualité de maire de la commune de Gahard, de faux, usage de faux, détournements; etc.

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Du 18 nov. 1912. - C. d'assises de l'Illeet-Vilaine. MM. Allard, prés.; Lacouture, av. gén.; Charlier et Îlari, av.

LYON 23 octobre 1912. CULTES, SÉPARATION DES ÉGLISEs et de l'ETAT, LOIS DES 9 DÉC. 1905 ET 2 JANV. 1907,

admis à prouver ses imputations diffamatoires, un moyen de preuve particulier, auquel peut recourir le prévenu qui, en principe, n'est pas admis à la preuve? (Barbier, op. et loc. cit.).

(1) Les auteurs s'accordent à reconnaître que le sursis de l'art. 35, § 4, de la loi du 29 juill. 1881 peut être réclamé par le ministère public aussi bien que par le prévenu de diffamation, et qu'il peut même être ordonné d'office. V. Barbier, Code expliqué de la presse, 2o éd., par Matter et Rondelet, t. 2, n. 588; Le Poittevin, Tr. de la presse, t. 1er. n. 806; Fabreguettes, Tr. des dél. polit. et des infr. par la parole, l'écriture et la presse, t. 1o, n. 133 bis. p. 531. Mais ils n'ont pas envisagé le cas où le sursis serait demandé par la personne diffamée. Les considérations qui ont inspiré la disposition de l'art. 25 de la loi du 26 mai 1819 et de l'art. 35 de la loi du 29 juill. 1881 (V. la note qui précède). conduiraient à décider qu'elle ne peut demander le sursis.

présence de cette disposition précise et des intentions formelles du législateur, il n'appert pas d'examiner si la situation des inculpés poursuivis par des personnes qualifiées est moins favorable que celle des assignés par de simples particuliers, qui peuvent mettre en mouvement par une plainte l'action publique, avec ses moyens d'investigation, perquisitions, mandats, etc., alors que les personnes qualifiées, que la loi a eu la pensée de découvrir ou de mieux protéger, seraient à l'abri d'une instruction et de ses moyens d'action; - Attendu, en fait, qu'il n'est pas douteux ni contesté que Taveau de Lavigerie est président du conseil d'administration et administrateur délégué d'une société financière qui fait appel à l'épargne et au crédit; qu'Ourback est administrateur de la même société; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il leur soit fait application du paragraphe dernier de l'art. 35 doivent être rejetées; qu'il reste au défendeur la faculté de faire contre eux, conformément aux §§ 2 et 3 du même article, la preuve des faits diffamatoires, suivant les règles de procédure prescrites par l'art. 51 de la même loi; - Attendu, au surplus, qu'en ce qui touche la dame veuve Richard-Lesclide, elle n'est pas recevable à demander le sursis, étant sans qualité pour porter plainte et ne justifiant d'aucune lésion ni préjudice, à raison des faits denoncés, ainsi qu'il vient d'être statué dans l'affaire Viterbo contre veuve Richard-Lesclide; Par ces motifs: Déboute la dame Richard-Lesclide, etc. Du 2 juin 1897. Trib. corr. de la Seine, 9 ch. MM. Richard, prés.; Lecherbonnier, subst.; Deligand, Desplas et Béesau, av.

JOUISSANCE DES ÉGLISES, DÉPENDANCES, JARDIN, INDIVISIBILITE (Rép., vo Culte, n. 200 et s.; Pand. Rép., v° Cultes, n. 374 et s.).

En disposant que les édifices affectés à l'exercice du culte continueront à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion, l'art. 5 de la loi du 2 janv. 1907 a entendu que les fidèles et les ministres du culte puissent pratiquer leur religion dans ces édifices, après la séparation, dans les conditions mêmes où ils le faisaient antérieurement (1) (LL. 9 déc. 1905; 2 janv. 1907, art. 5).

L'affectation de ces édifices et de leurs dépendances doit donc demeurer, après la séparation, telle qu'elle était sous le régime concordataire (2) (Id.).

Si donc un jardin est une dépendance de l'église, avec laquelle il forme un tout indivisible, la jouissance du jardin étant indispensable pour l'accès de diverses parties de l'édifice, et son affectation à d'autres usages devant géner considérablement l'exercice du culte, la commune doit en respecter l'affectation, telle qu'elle existait sous le régime concordataire, sans pouvoir distraire le jardin, en totalité ou en partie, de l'affectation qu'il avait reçue (3) (Id.). (Ville de Lyon C. Abbé Vignon, curé de Saint-Martin-d'Ainay).

16 juin 1911, jugement du tribunal civil de Lyon, ainsi conçu : « Le Tribunal;

Attendu que, par exploit en date du 30 juin 1910, la ville de Lyon a assigné M. l'abbé Vignon, curé de Saint-Martind'Ainay, devant ce tribunal, aux fins suivantes: Entendre dire : 1o qu'il est tenu de remettre sans délai à la ville de Lyon les clefs du jardin attenant à l'église d'Ainay, à peine d'une astreinte de 50 fr. par jour de retard; 2° que ledit jardin est domaine privé de la ville de Lyon et à sa libre disposition; Attendu qu'aux termes de l'art. 5 de la loi du 2 janv. 1907, à défaut d'association cultuelle, les édi fices affectés à l'exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 déc. 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion;

Attendu que la question à trancher par le tribunal est celle de savoir si le jardin est, comme l'église, grevé d'une affectation cultuelle, et doit rester à la disposition des fidèles et des ministres du culte, ou si, au contraire, la ville de Lyon a le

(1-2-3) L'art. 5 de la loi du 2 janv. 1907, en disposant que, à défaut d'associations cultuelles, les édifices affectés à l'exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion, a, dans l'opinion générale, entendu que l'exercice du culte pût continuer à être pratiqué dans ces édifices, comme avant la loi du 9 déc. 1905. V. Bordeaux, 29 mars 1911 (S. et P. 1912.2.133; Pand. pér., 1912.2.133), la note et les renvois; Montpellier, 25 juill. 1911 (S. et P. 1912.2.143; Pand. pér., 1912.2.143), la note et les renvois. V. encore, Cass. 5 févr. 1912

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droit d'en disposer librement, et de le transformer notamment en cour de récréation, pour les enfants de l'école primaire, municipale; Attendu que M. le curé de Saint-Martin-d'Ainay et les fidèles ont le droit de continuer à jouir du jardin qui entoure l'église comme ils en ont toujours joui; Attendu, en effet, que ce jardin est une dépendance de l'église, qu'il forme avec elle un tout indivisible; Attendu que, pour jouir de l'église elle-même, il est nécessaire d'avoir la jouissance du jardin, seul passage pour aller à certaines parties de l'édifice, et notamment à un local sis sous une chapelle servant d'entrepôt pour le matériel de l'église (échel. les, bancs, estrades, catafalques), et à un autre local où est installé le foyer du calorifère de l'église; Attendu que l'occupation, même partielle, du jardin par la ville de Lyon gênerait considérablement l'exercice du culte dans une des chapelles de l'église et dans la chapelle de la crypte, à cause du bruit que feraient les enfants en récréation, et à cause, en outre, de la diminution de lumière dans des chapelles déjà sombres qu'amènerait la construction d'un mur et d'un grillage, et de l'humidité qui en serait la conséquence; Attendu qu'il serait des plus difficiles de transporter dans le local sis sous la chapelle les objets encombrants, échelles, catafalques, estrades; Attendu que la ville de Lyon

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n'a jamais eu la jouissance du jardin, et qu'aucun texte de la loi ne lui a accordé le droit nouveau qu'elle revendique; qu'il importe d'observer que le jardin a toujours suivi le sort de l'église; qu'il a toujours été considéré comme faisant partie de l'é difice; qu'en 1789, il a été mís, avec l'église, à la disposition de la Nation; qu'en l'an 10, il a été remis à la disposition des évêques, parce qu'il a été considéré comme faisant partie de l'édifice destiné au culte, la loi du 18 germ. an 10 déclarant, dans l'art. 75, que « les édifices anciennement destinés au culte catholique, actuellement dans les mains de la Nation, à raison d'un édifice par cure et par succursale, seront mis à la disposition des évêques, par arrêtés du préfet du département »; - Attendu que la loi de 1907 a voulu assurer l'exercice du culte dans les conditions où il s'exerçait antérieurement; qu'en effet, par les expressions: les édifices affectés à l'exercice du culte continueront à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte », le législateur a net tement indiqué que l'affectation devait persister telle qu'elle existait auparavant;

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Attendu qu'on ne pourrait, sans violer

(sol. implic.) (S. et P. 1912.1.353 ; Pand. pér., 1912. 1.353), et la note de M. Mestre. Pour qu'il en soit ainsi, il faut que le droit, conféré aux fidèles et aux ministres du culte par l'art. 5 de la loi du 2 janv. 1907 (V. sur la nature de ce droit, Cass. 5 févr. 1912, précité, et la note de M. Mestre), puisse s'exercer, non seulement sur les édifices du culte, mais sur celles de leurs dépendances qui étaient, sous le régime concordataire, accessoirement employées pour la célébration du culte. V. Curet, Les communes et la loi de séparation, n. 192; Pierre Leroy, La situation jurid. des églises catholiques, p. 85; Régis Ivert, Eglises communales

l'esprit et le texte de la loi, réduire le droit de jouissance que les fidèles ont toujours eu, à Ainay, sur l'église et le jardin ; — Par ces motifs; Dit et prononce que le jardin attenant à l'église d'Ainay est une annexe, un accessoire de l'éditice, grevé, comme lui, d'une affectation spéciale, et qu'il doit être laissé à la disposition exclusive des ministres du culte catholique et des fidèles qui ont la jouissance de l'église, dans les conditions où cette jouissance s'est toujours exercée; Dit et prononce que la clef dudit jardin doit rester entre les mains de M. l'abbé Vignon, qui a la jouissance de l'immeuble; Déclare, en conséquence, la ville de Lyon mal fondée dans sa demande, l'en déboute, etc. ». Appel par la ville de Lyon.

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ARRÈT.

-

LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges; Considérant, en outre, que l'appelante essaie vainement de justifier sa demande, par le rapprochement des art. 12 et 13 de la loi du 9 déc. 1905 et 5 de la loi du 2 janv. 1907; qu'elle soutient que la loi de 1907 doit être interprétée rigoureusement, en ce sens que les édifices affectés à l'exercice du culte sont laissés seuls, sans leurs dépendances immobilières, à la disposition des fidèles et des ministres du culte, pour la pratique de la religion; Mais considérant, à un premier point de vue, que, même si cette interprétation étroite était admise, il ne s'ensuivrait pas que la prétention de la ville fût fondée; que la petite parcelle de terrain revendiquée ne constitue pas une simple dépendance de l'église d'Âinay, mais fait partie intégrante de l'édifice, dans lequel elle est enserrée par un mur qui fait corps avec lui, et le complète, pour former un ensemble indivisible; que, dès lors, elle est nécessairement comprise dans l'édifice affecté à l'exercice du culte; Considérant, à un second point de vue, que l'interprétation de l'appelante se heurte aux termes mêmes de l'art. 5 et à l'intention des auteurs de la loi de 1907; que l'art. 5 déclare que les édifices affectés à l'exercice du culte continueront à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte, pour la pratique de leur religion, et que les travaux préparatoires démontrent que la volonté du législateur, manifestée par le mot continueront», a été de laisser ces édifices à la disposition des fidèles et des ministres du culte, pour qu'ils pussent y pratiquer leur religion, après la séparation, dans les conditions où ils le faisaient antérieurement; qu'il se

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(Rev. d'organis. et de déf. relig., 1911, p. 473). Il a été jugé en ce sens que doivent demeurer à la disposition des fidèles et des ministres du culte : une salle affectée à usage de sacristie avant la loi du 9 déc. 1905 (V. Paris, 8 févr. 1912, Rev, d'organis. et de déf. relig., 1912, p. 124); — des dépendances d'une église, affectées au dépôt d'objets nécessaires à l'exercice du culte (V. Amiens, 3 avril 1912, Id., 1912, p. 249); un local attenant à une église, servant d'entrepôt pour les objets du culte, et de salle de catéchisme pour les enfants arriérés. V. Trib. d'Aix, 16 juill. 1912 (Id., 1912, p. 532).

rait donc contraire à la loi de ne laisser à la disposition des fidèles que des édifices restreints ou modifiés, dans lesquels la religion ne pourrait plus être pratiquée avec la même liberté et la même facilité qu'avant la séparation; - Or, considérant, en fait, comme le constate le tribunal, que l'occupation, même partielle, du jardin par la ville gênerait considérablement l'exercice du culte dans une des chapelles de l'église et dans la crypte; Considérant que vainement la ville, revenant sur ses projets primitifs, déclare aujourd'hui vouloir faire de la parcelle litigieuse, non un préau de récréation pour les enfants de l'école, mais un jardin public; que cette affectation nouvelle, en admettant même qu'elle ne fut jamais modifiée dans l'avenir, ne supprimerait ni les dangers auxquels la contiguïté d'un lieu public exposerait les vitraux, peu élevés au-dessus du sol, ni l'inconvénient du bruit que pourraient faire dans le jardin les promeneurs et les enfants du quartier; Considérant que vainement encore la ville offre d'élever dans le jardin un mur séparatif de deux mètres de hauteur, avec grillages audessus, pour protéger les vitraux et assurer les communications avec les dépendances de l'église; que ce mur établirait, le long de l'église, un couloir dans lequel il serait très difficile de faire passer les échelles, catafalques, estrades et autres objets encombrants, pour les transporter dans le local où ils sont déposés; que, de plus, il diminuerait sensiblement la lumière dans des chapelles déjà sombres, l'une souterraine, l'autre éclairée par des fenêtres ouvertes à 1m,65 seulement de hauteur, et augmenterait l'humidité intérieure; qu'enfin, à moins qu'il ne fût construit à une distance telle de l'église qu'il supprimerait presque totalement le jardin, déjà très exigu, on peut se demander, à raison du niveau des fenêtres de la chapelle supérieure, s'il empêcherait les bruits. du dehors de troubler les exercices du culte; que, pour ces diverses raisons, l'offre de la ville ne peut être acceptée; Par ces motifs, etc.

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Du 23 oct 1912. C. Lyon, Ire ch. MM. Auzière, 1er prés.; Gros, av. gén.; Tavernier et Gabriel Perrin fils, av.

PARIS 5 décembre 1912.

1o LETTRE DE CHANGE, FEMME NON COMMER

(1-2) La question de savoir quelle est la portée de l'art. 113, C. comm., d'après lequel la signature des femmes et filles non négociantes ni marchandes publiques sur lettres de change ne vaut à leur égard que comme simple promesse », est controversée. V. la note sous Montpellier, 26 déc. 1902 (S. et P. 1906.2.65), dans laquelle sont exposés les différents systèmes qui se sont produits sur l'interprétation de l'art. 113, C. comm., et les conséquences de ces divers systèmes, au point de vue notamment de la compétence. La Cour de cassation s'est prononcée en faveur de la compétence du tribunal de commerce pour connaitre des difficultés relatives aux lettres de change revêtues de la signature d'une femme non commerçante. V. Cass. 30 janv. 1849 (S. 1849.1.225. P. 1849.2.184). Adde, la note de

CANTE, SIMPLE PROMESSE, COMPÉTENCE,
TRIBUNAL DE COMMERCE, TRIBUNAL CIVIL
(Rép., v Lettre de change, n. 510 et s.;
Pand. Rép., v° Effets de commerce, n. 3168
et s.).
20 TRIBUNAL DE COMMERCE, DE-
MANDE RECONVENTIONNELLE, CARACTÈRE
CIVIL, MOYEN DE DÉFENSE, COMPÉTENCE
(Rép., v Compétence civile et commerciale,
n. 873 et s.; Pand. Rép., vis Compétence,
n. 905 et s., Tribunaux de commerce,
n. 258 et s.).

1o En apposant son acceptation sur une lettre de change, une femme s'engage commercialement, et devient justiciable de la juridiction commerciale, encore bien qu'elle ne soit pas commerçante, et que la lettre de change ait été tirée et acceptée pour une obligation civile (1) (C. comm., 113, 632).

En effet, de l'art. 636, C. comm., qui n'excepte de la compétence commerciale que les prétendues lettres de change auxquelles l'art. 112, C. comm., refuse ce caractère, et qu'il répute simples promesses, il résulte que la loi n'a pas voulu déroger, dans le cas que prévoit l'art. 113, aux principes généraux de la compétence en matière de lettres de change (2) (C. comm., 112, 113,632, 636).

2o Le tribunal de commerce est compétent pour connaitre d'une demande reconventionnelle, bien que cette demande ait un caractère civil, si elle constitue un moyen de défense et une réponse directe à l'action principale (3) (C. comm., 631 et s.).

(Vve Rollin C. Guillaumot). ARRÊT. LA COUR; Considérant que la veuve Rollin a été assignée par Guillaumot, devant le tribunal de commerce de Versailles, pour s'entendre condamner à lui payer la somme de 7.242 fr., montant de 5 traites acceptées par elle, et causées valeur en culture de champignons; Considérant qu'en réponse à l'action de Guillaumot, la dame Rollin a formé, devant le tribunal précité, une demande reconventionnelle, tendant, au principal, à faire prononcer, pour cause de dol, la résolution de la vente de la culture de champignons qui lui avait été consentie par ledit Guillaumot, le 21 juill. 1910, moyennant le prix de 42.500 fr., sur lesquels elle avait payé comptant une somme de 20.000 fr.; et subsidiairement, à faire réduire le prix de vente à 20.000 fr. ; de sorte que, si l'une de ses prétentions avait été accueillie, elle eût été libérée du reliquat du prix de vente dû par elle, et représenté, pour partie, par les

M. Labbé sous Cass. 20 févr. et 6 mai 1878 (S. 1879.1.145. P. 1879.369); Boistel, Tr. élém, de dr. comm., 3o éd., n. 739, in fine; Ruben de Couder, Dict. de dr. comm., v Lettre de change, n. 210. Mais V. en sens contraire, Montpellier, 26 déc. 1902 (motifs), précité, et les renvois de la note. Adde, LyonCaen et Renault, Tr. de dr. comm., 4o éd., t. 4, n. 498. V. au surplus, notre C. comm. annoté, par Cohendy et Darras, sur l'art. 113, n. 2; et notre Rép. gén, du dr. fr., v's Compétence civile et commerciale, n. 733 et s., Lettre de change, n. 510 et s.; Pand. Rép., vo Effets de commerce, n. 3168 et s.

(3) La jurisprudence admet le plus généralement, en sens contraire, que les tribunaux de commerce ne peuvent statuer sur une demande reconventionnelle que lorsqu'ils sont compétents pour en con

5 traites dont le paiement lui était réclamé;

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Considérant que, le tribunal de commerce de Versailles ayant, aux termes du jugement entrepris, repoussé ses prétentions, et prononcé contre elle la condamnation requise par Guillaumot, la veuve Rollin soutient devant la Cour que le tribunal précité était, à raison de la matière, incompétent pour connaître du litige, parce que, d'une part, ni l'un ni l'autre des plaideurs n'étaient commerçants; que, d'autre part, la demande en paiement de Guillaumot avait, comme la demande reconventionnelle formée par elle-même, une cause purement civile; Considérant que les effets dont Guillaumot poursuit le paiement sont des lettres de change, qui réunissent les conditions de validité prescrites par l'art. 110, C. comm.; qu'en apposant son acceptation sur lesdites lettres de change, la veuve Rollin s'est engagée commercialement, ainsi qu'il résulte de l'art. 632, in fine, C. comm.; que, par suite, ses engagements sont de la compétence de la juridiction commerciale (art. 631) et cela, encore bien que la dame Rollin ne soit pas commercante, et que les lettres de change aient été tirées et acceptées pour une obligation civile; Considérant que, de l'art. 113, C. comm., qui dispose que la signature des femmes et des filles non négociantes ou marchandes publiques sur les lettres de change ne vaut, à leur égard, que comme simple promesse, on ne saurait induire que lesdites femmes et filles ne sont pas justiciables des tribunaux de commerce; - Considérant, en effet, qu'en exceptant de la compétence commerciale les prétendues lettres de change auxquelles l'art. 112, C. comm., refuse ce caractère, et qu'il répute simples promesses, l'art. 636 ̊ du même Code garde le silence sur les lettres de change visées en l'art. 113; Considérant qu'il résulte de ce silence que la loi n'a pas voulu déroger, dans les cas que prévoit l'art. 113, aux principes généraux de la compétence, ni étendre à cet article la disposition que l'art. 636 a limitée au cas de l'art. 112; Considérant, enfin, que, la demande reconventionnelle de la dame Rollin constituant un moyen de défense et une réponse directe à l'action principale de Guillaumot, le tribunal de commerce pouvait en connaître, bien qu'elle eût un caractère civil; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le déclinatoire de compétence opposé par la veuve Rollin doit être rejeté; Par ces motifs; Statuant

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naître, d'après la nature de cette demande. V. Dijon. 19 nov. 1894 (S. et P. 1896.2.217), la note de M. Tissier et les autorités citées; Paris, 19 févr. 1897 (S. et P. 1899.2.185, la note de M. Wahl et les renvois; Pand. pér., sous Cass. 29 juin 1899, 1900.1.369); Besançon, 12 janv. 1912 (S. et P. 1912. 2.100; Pand, pér., 1912.2.100), et les renvois. Et, si quelques arrêts ont admis que cette règle souffrait exception, lorsqu'il y avait indivisibilité entre la demande principale et la demande reconventionnelle (V.Dijon, 19 nov. 1894, précité; Paris, 19 févr. 1897, précité; Besançon, 12 janv. 1912, motifs, précité), ils ont été à juste titre critiqués. V. la note de M. Tissier sous Dijon, 19 nov. 1894, précité. Adde, la note sous Besançon, 12 janv. 1912, précité.

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