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PARIS 22 février 1912.

GAGE, FONDS DE COMMERCE, NANTISSEMENT, INSCRIPTION, LOI DU 17 MARS 1909, CONTRAT ANTÉRIEUR, DROIT ACQUIS, SURENCHERE DU DIXIÈME (Rép., v Gage, n. 306 et s.; Pand. Rép., vo Fonds de commerce, n. 1099 et s.).

Les créanciers auxquels un fonds de commerce avait été donné en nantissement avant la loi du 17 mars 1909, et qui

(1 à 3) Sous l'empire de la loi du 1er mars 1898, complétant l'art. 2075, C. civ. (S. et P. Lois annotées de 1898, p. 446; Pand. pér., 1898.3.81), le nantissement d'un fonds de commerce, pour être opposable aux tiers, devait être inscrit sur un registre public, tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds était exploité. Mais, la loi n'ayant pas imparti de délai au créancier gagiste pour procéder à cette inscription, on décidait qu'elle était valable et produisait ses effets, à quelque époque qu'elle eût été faite. V. Dijon, 17 mai 1901 (S. et P. 1904.2.6), et le renvoi; Rennes, 26 juin 1902 (S. et P. 1904.2.1), et la note de M. Wahl; Boutaud et Chabrol, Tr. gén. des fonds de commerce, 1° éd., n. 310. D'autre part, comme les formes de l'inscription n'avaient pas été réglementées par la loi, on admettait, dans l'opinion la plus généralement reçue, qu'il suffisait, pour la validité de l'inscription, que les mentions inscrites par le greffier rendissent impossible toute confusion sur l'identité du fonds de commerce donné en gage et sur celle du débiteur et du créancier gagiste. V. Rennes, 27 juin 1901 (S. et P. 1902.2.38); Rouen, 20 nov. 1901 (S. et P. 1902.2.129). Il avait été notamment jugé qu'il n'était pas nécessaire que l'inscription mentionnât le chiffre de la créance. V. Rouen, 20 nov. 1901, précité, et les renvois.

a

La loi du 17 mars 1909, sur la vente et le nantissement des fonds de commerce (S. et P. Lois annotées de 1909, p. 851; Pand. pér., Lois annotées de 1909, p. 851), a maintenu le système de publicité inauguré par la loi du 1er mars 1898, mais elle a spécifié, dans son art. 11, § 1er, que l'inscription devrait, à peine de nullité du nantissement, être prise dans la quinzaine de la date de l'acte constitutif » ; et elle a, d'autre part, dans l'art. 24, énuméré certaines mentions qui doivent figurer dans l'inscription : désignation du créancier et du débiteur; spécification de la créance garantie; indication du fonds grevé; élection de domicile par le créancier. Dans quelle mesure la loi nouvelle, qui régit sans aucune difficulté les contrats de nantissement de fonds de commerce postérieurs à la date à laquelle elle est devenue exécutoire (L. 1er avril 1909, S. et P. Lois annotées de 1909, p. 871; Pand. pér., Lois annotées de 1909, p. 871), s'applique-t-elle aux nantissements consentis antérieurement? Il faut, à cet égard, distinguer deux hypothèses, dont une seule a été expressément prévue par la loi.

a) Lorsque le créancier, à qui un fonds a été donné en nantissement antérieurement au 17 mars 1909, a, avant cette date, pris inscription au greffe, pour rendre son privilège opposable aux tiers, la loi du 17 mars 1909, dans le § 3 de sa disposition transitoire (non modifié par la loi du 1er avril 1909, précitée), dispose que, si l'inscription n'énonce pas ce qui est dû au créancier en principal, et les conditions, relatives aux intérêts et à l'exigibilité, qui sont requises, pour l'efficacité des inscriptions prises à partir de la mise à exécution de la loi du 17 mars 1909, par l'art. 24 ANNÉE 1913. 1er cah.

n'avaient pas pris inscription avant cette loi, ont conservé leur privilège sous l'empire de la loi nouvelle, à la condition d'avoir pris inscription dans les formes et délais qu'elle prescrit (1) (C. civ., 2; LL. 1er mars 1898; 17 mars 1909, art. 11 et 24).

Le créancier qui s'est conformé à ces prescriptions a, bien que le nantissement soit antérieur à la loi du 17 mars 1909, le droit de former une surenchère du dixième sur le prix moyennant lequel son débiteur

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de cette loi, le créancier devra la régulariser, en la renouvelant conformément à l'art. 24, ou par une mention en marge de l'inscription existante, dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi, à défaut de quoi cette inscription ne sera pas opposable aux créanciers qui auront satisfait aux prescriptions de la loi ».

b) Mais la loi du 17 mars 1909 a laissé en dehors de ses prévisions l'hypothèse du nantissement qui, avant la date de la mise à exécution de cette loi, n'avait pas encore été inscrit. Dans la présente affaire, le tribunal avait tiré du silence du texte cette conséquence que la mise à exécution de la loi avait eu pour effet d'interdire au créancier gagiste de prendre désormais inscription. Il avait, à l'appui de cette solution, invoqué le § 3 de la disposition transitoire, qui, en se préoccupant uniquement des créanciers gagistes ayant pris inscription sous l'empire de la loi du 1er mars 1898, et en leur permettant de régulariser leurs inscriptions, aurait virtuellement exclu, pour les créanciers non inscrits lors de la mise à exécution de la loi, la possibilité de rendre désormais leur privilège opposable aux tiers par une inscription.

La Cour de Paris a justement condamné cette interprétation, en admettant, au contraire, que le silence de la loi de 1909, à l'égard des créanciers gagistes qui n'avaient pas encore requis inscription, n'implique pas pour eux la déchéance du droit de s'inscrire. L'argument a contrario, que l'on a tiré en sens contraire du § 3 de la disposition transitoire, n'a aucune portée. Ce paragraphe a eu pour objet de soumettre à un renouvellement, dans un très bref délai (six mois à compter de la promulgation de la loi), les inscriptions qui ne satisfaisaient pas aux prescriptions de la loi nouvelle. Cette disposition était indispensable pour assurer l'uniformité du régime des inscriptions de nantissement. Tel est le seul but du § 3; il a restreint les droits que les créanciers inscrits antérieurement tenaient de leurs inscriptions; mais on n'en peut faire sortir que la loi ait entendu forclore du droit de prendre inscription les créanciers antérieurement nantis. La situation de ces créanciers demeure donc régie, à défaut d'une disposition spéciale les concernant, par le principe de la non-rétroactivité des lois (C. civ., 2), principe que les auteurs de la loi de 1909 ont entendu respecter. V. le rapport de M. Cordelet au Sénat (J. off., sept. 1907, doc. parl. du Sénat, p. 13, 1re col.). Ceci conduit à décider que la loi de 1909 n'a pas pu porter atteinte aux droits qui étaient acquis aux créanciers avant sa promulgation. V. sur le principe, Bourges, 5 août 1907 (S. et P. 1908.2.67; Pand. pér., 1908.2.67), et les renvois. Adde, la note de M. Demogue, sous Trib. de Bar-sur-Aube, 9 juill. 1909 (S. et P. 1910.2.25; Pand. pér., 1910.2.25), et les autoritées citées, § 1er, col. 2. Et le droit de prendre inscription pour rendre le nantissement opposable aux tiers était, pour les créanciers dont le nantissement était antérieur à la loi du 17 mars 1909, un droit acquis dont cette loi n'a pu les priver.

a cédé à un tiers le droit au bail des locaux où était installé le fonds de commerce qui lui a été donné en nantissement (2) (L. 17 mars 1909, art. 23, § ler).

Il en est ainsi surtout, alors que, la cession étant intervenue à une date de beaucoup postérieure à celle de l'application de la loi du 17 mars 1909, la publicité donnée au nantissement, conformément à la loi nouvelle, l'a suffisamment porté à la connaissance du cessionnaire (3) (Id.).

Est-ce à dire que ce droit puisse être exercé par eux sans limite de temps, depuis la loi de 1909 comme auparavant? Cela serait inadmissible. Il faut, au contraire, décider que la loi de 1909 a eu pour effet de soumettre les nantissements non encore inscrits aux conditions de publicité qu'elle prescrit, pour que ces nantissements puissent être opposables aux tiers. Il est, en effet, de principe que, si une loi nouvelle édicte des formalités de publicité pour un acte, ces formalités deviennent immédiatement applicables aux actes passés antérieurement. V. sur ce principe, la note précitée de M. Demogue sous Trib. de Bar-sur-Aube, 9 juill. 1909, p. 26, 3° col. Adde, comme application, Grenoble, 6 juill. 1882 (S. 1884.2.209. - P. 1884.1. 1121), et la note de M. Labbé. Les créanciers gagistes, dont le droit a pris naissance sous l'empire de la loi de 1898, et qui, au moment de la mise en vigueur de la loi nouvelle, n'avaient pas encore rendu le nantissement opposable aux tiers par une inscription, ont donc pu procéder, sous l'em pire de la loi nouvelle, à l'inscription de leur privilège, mais en se conformant aux conditions de formes et de délai prévues par les art. 11 et 24 de cette loi, c'est-à-dire en prenant, dans les quinze jours de la mise en vigueur de la loi, une inscription contenant les mentions prescrites par l'art. 24. V. en ce sens, Bouvier-Bangillon, De la vente et du nantiss. des fonds de comm., n. 452. V. encore dans le même sens, la note précitée de M. Demogue, sous Trib. de Bar-sur-Aube, 9 juill. 1909, p. 27, 1** col.

de

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sante »

Si l'inscription prise dans ces conditions assure la conservation du privilège, le créancier pourrat-il exercer tous les droits que la loi du 17 mars 1909 confère aux créanciers gagistes régulièrement inscrits? La question présente intérêt, notamment au point de vue du droit de surenchérir. La loi du 17 mars 1909 a, en effet, dans ses dispositions communes à la vente et au nantissement des fonds de commerce, donné à tout créancier inscrit sur un fonds de commerce la faculté requérir sa mise aux enchères publiques, en offrant de porter le prix principal, non compris le matériel et les marchandises, à un dixième en sus, et de donner caution pour le paiement des prix et charges, ou de justifier de solvabilité suffi(art. 23, § 1er). Cette surenchère du dixième est-elle ouverte aux créanciers auxquels un fonds de commerce a été constitué en gage antérieurement à la loi du 17 mars 1909, et qui n'ont inscrit leur privilège que postérieurement à cette loi, dans les formes et délais qu'elle a prévus? La raison de douter est que le droit de surenchère est une création de la loi du 17 mars 1909 (V. S. et P. Lois annotées de 1909, p. 868 et 869, notes 75 et 79; Pand. pér., Lois annotées de 1909, p. 868 et 869, notes 75 et 79), et que, sur ce droit, le créancier ne pouvait compter, lorsque le nantissement lui a été consenti. L'arrêt ci-dessus décide cependant qu'une fois l'inscription régulièrement prise, le créancier peut se prévaloir des dispositions de la loi du 17 mars 1909. Cette solution paraît devoir 2 II. PART.

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LA COUR; Considérant que, suivant acte du 1er juill. 1898, Boudet de Montgacon s'est fait consentir, en garantie du remboursement d'un prêt de 5.000 fr., le nantissement d'un fonds de commerce exploité par Aydat, son emprunteur; Considérant que, par l'effet même de la convention, l'appelant est devenu immédiatement acquéreur d'un privilège sur ledit fonds, qu'il pouvait opposer aux tiers, à condition de l'avoir fait inscrire précédemment, quelle qu'ait été, d'ailleurs, l'époque de son inscription; - Considé rant que le privilège sus-indiqué, établi régulièrement sous l'empire de la loi du 1er mars 1898, a conféré à Boudet de Montgacon, aux termes de l'art. 2, C. civ., un droit acquis et définitif, auquel n'a pu porter atteinte, en l'absence de toute disposition expresse et contraire du législateur, le changement survenu dans le régime légal des constitutions de nantissement des fonds de commerce; · Considérant que les premiers juges ont cependant admis que, dérogeant aux règles fondamentales de la non-rétroactivité des lois, le législateur de 1909 n'avait entendu maintenir l'existence des nantissements antérieurs sur les fonds de commerce qu'autant que lesdits nantissements avaient été déjà inscrits le 17 mars 1909, date de la promulgation de la loi présentement en vigueur; Considérant que rien, dans le texte et dans l'esprit de la loi précitée, ne vient à l'appui de la prétention des intimés, consacrée à tort par la décision entreprise; Considérant

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que le 3 de la disposition transitoire, qu'on invoque, s'est borné à prescrire, sous peine de déchéance, aux créanciers antérieurement inscrits, et ayant ainsi satisfait à toutes les conditions de publicité exigées par la loi de 1898, d'avoir à régulariser et même à réinscrire leur nantissement dans les formes nouvelles, par la raison que la publicité à laquelle ils avaient procédé était insuffisante à la garantie du droit des tiers, et qu'ayant été déjà faite, il fallait un texte spécial pour en imposer la rectification; qu'il en était autrement des créanciers précédemment nantis, qui, à l'époque de la promulgation de la loi du 17 mars 1909, n'avaient pas encore pro

être approuvée. Dès lors que le créancier s'est soumis aux prescriptions de la loi de 1909, il est en droit de se prévaloir de toutes les prérogatives que la loi du 17 mars 1909 attache aux inscriptions de nantissement régulièrement prises. Les auteurs reconnaissent de même que le créancier, qui a régularisé son inscription, conformément au § 3 de la disposition transitoire de la loi du 17 mars 1909, se trouve, lui-même, placé sous le régime de cette loi. V. Eman Thibault, De la vente et du nantiss. des fonds de comm., n. 284; Bouvier-Bangillon, op. cit., n. 457.

(1) Il est de jurisprudence que la prime d'assurance, qui, d'après la police, est stipulée portable, peut être rendue quérable par une convention, même tacite, qui a pour effet de rendre inapplicable la déchéance de plein droit stipulée pour le cas de non-paiement de la prime à l'échéance. V. Cass. 20 déc. 1887 (sol. implic.) (S. 1888.1.56. P. 1888.1.125, et les renvois; Pand. pér., 1888,1.

cédé à la formalité de leur inscription; que ces derniers, assurément, étaient bien fondés, en vertu du droit acquis résultant pour eux de la législation de 1898, à effectuer l'inscription de leur privilège postérieurement au 17 mars 1909, mais qu'ils ne pouvaient l'effectuer qu'en se conformant aux règles de formes et de délais édictées, à l'avenir, pour toutes les inscriptions indistinctement requises, qu'elles s'appliquassent à des nantissements antérieurs ou postérieurs à la date de la promulgation de la loi du 17 mars 1909; Considérant qu'il n'est pas contesté, en fait, que Boudet de Montgacon ait inscrit son nantissement dans des conditions de formes et de délais régulières; qu'il est donc en droit de l'opposer aux époux Nicolas, et que ceux-ci ne peuvent pas faire obstacle à sa prétention de surenchérir du dixième, par le motif que le nantissement dont il se prévaut est régi, non par la loi du 17 mars 1909, qui a consacré, au profit des créanciers inscrits, la faculté de la surenchère, mais par les dispositions de la loi de 1898, qui ne leur a pas reconnu cette même faculté; Considérant, en effet, que c'est à une époque bien postérieure à celle de l'application de la loi de 1909 que les époux Nicolas sont devenus cessionnaires du droit au bail des locaux dépendant du fonds de commerce, moyennant un prix que l'appelant, en sa qualité de créancier inscrit, entend faire élever par la voie de la surenchère du dixième; qu'ils se trouvent donc en présence d'un nantissement que la publicité actuellement exigée leur a complètement fait connaître, et qu'ils ne sauraient pas, dès lors, invoquer le dommage à eux causé par une violation quelconque de leurs droits acquis pour pouvoir se soustraire à l'application de la loi sous l'empire de laquelle ils ont traité; Considérant que, dans ces conditions, il échet de réformer le jugement dont est appel, et d'accueillir les conclusions de Boudet de Montgacon; Par ces motifs; - Infirme le jugement du tribunal de commerce de la Seine, en date du 5 déc. 1910, dont est appel; Et statuant à nouveau; Déclare l'appelant fondé en sa surenchère du dixième; Ordonne en conséquence la mise aux enchères publiques du fonds de commerce, etc. Du 22 févr. 1912. C. Paris, 7 ch.

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152); 4 nov. 1891 (S. 1891.1.532. P. 1891.1. 1293, et la note; Pand. pér., 1892.1.345). Et la Cour de cassation reconnaît aux juges du fond un pouvoir souverain pour apprécier si, des agissements de la Comp. d'assurances, il est résulté entre elle et l'assuré une convention de cette nature. V. Cass. 27 déc. 1887 (S. 1890.1.125. P. 1890. 1.289), et la note; 19 oct. 1904 (S. et P. 1904. 1.485; Pand. pér., 1905.1.198). La preuve de cette convention peut être déduite de ce que la Comp. a pris l'habitude de faire réclamer les primes par ses agents au domicile de l'assuré. V. Cass. 4 nov. 1891 et 19 oct. 1904, précités, les notes et les renvois. Mais il a été jugé, dans le sens de l'arrêt ci-dessus recueilli, que la dérogation au contrat, résultant de cet usage, ne peut être utilement invoquée, lorsque, dans la police d'assurance, l'assuré, dont la prime est stipulée portable, a expressément renoncé à se prévaloir de l'usage

MM. Bomboy, prés. ; Peyssonnié, av. gén.; Lamare et Maurice Quentin, av.

GRENOBLE 6 février 1912. ASSURANCES TERRESTRES, ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, PRIMES, PAIEMENT, RETARD, DÉCHÉANCE, RENONCIATION (Rép., vo Assurance [en général], n. 671 et s., 697 et s.; Pand. Rép., v° Assurance en général, n. 654 et s., 659 et s.).

Lorsqu'une police d'assurance mutuelle contre les accidents stipule que le sociétaire, à défaut de paiement des primes à la date fixée, encourt la déchéance, sans qu'il puisse se prévaloir du défaut de mise en demeure, ni de l'usage de la Comp. d'assurances de réclamer ou faire réclamer à domicile les colisations échues, la veuve du sociétaire, qui, lors de son décès survenu à la suile d'un accident, était redevable de plusieurs primes échues, n'est pas fondée, pour éviter la déchéance, à prétendre que la Comp. d'assurances avait manifesté par des actes non équivoques la volonté de rendre quérables les primes stipulées portables par la police, alors que quelques-unes seulement des quittances avaient été présentées au do. micile du sociétaire, qui en avait toujours payé le montant, non lors de la présentation de la quittance, mais par des envois d'argent au siège de la Comp. (1) (C. civ., 1134, 1139). (Vve Bourdier C. Comp. d'assur. terr. l'Union mutuelle de France). ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'il est constant qu'Elie Bourdier, à la date de l'accident qui a entraîné sa mort, c'est-à-dire le 27 sept. 1909, n'avait payé à la Comp. l'Union mutuelle de France, à laquelle il avait assuré par deux polices distinctes et sa responsabilité individuelle et sa responsabilité civile, ni les primes échues le 12 mai 1908, ni les primes échues le 12 mai 1909, alors qu'il est stipulé dans les polices qui font la loi des parties (art. 17)

qu'à défaut de paiement à la date fixée, le sociétaire encourt la déchéance du bénéfice de son contrat, comme pénalité de l'inexécution de ses engagements, sans qu'il puisse se prévaloir du défaut de mise en demeure, ni de l'usage de la société de réclamer ou faire réclamer à domicile par agents le montant des cotisations

où est la Comp. de faire réclamer la prime au domicile des assurés, et lorsque, d'ailleurs, l'assuré ne peut invoquer des faits qui lui soient personnels, et qui soient de nature à constituer une dérogation tacite à la clause de renonciation et aux clauses de la police qui s'y rattachent. V. Cass. 4 nov. 1891, précité, et la note. Il est vrai que, dans son arrêt du 19 oct. 1904, précité, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt qui avait admis, en présence d'une clause analogue, que les démarches successives des agents de la Comp. au domicile de l'assuré, pour y réclamer la prime échue, impliquaient, de la part de la Comp., l'intention de renoncer à la stipulation insérée en sa faveur dans la police, et aux termes de laquelle les primes étaient portables. Mais, ainsi que nous en avons fait l'observation en note sous cet arrêt, cette solution se justifiait par les circonstances particulières de la cause.

échues;

Attendu que, pour repousser la déchéance qu'on oppose à sa demande, la veuve Bourdier allègue que, dès la formation du contrat, qui remonte au 11 mai 1905, les quittances de primes ont été régulièrement présentées à Vienne au domicile de l'assuré; que ce dernier a été, par là même, autorisé à penser que la Comp. avait renoncé à se prévaloir de la clause stipulée en sa faveur, et que c'est à la confiance que lui avait inspirée l'attitude de l'assureur qu'est due son inaction; mais que les faits et documents de la cause protestent contre de telles assertions; - Attendu, en effet, que, si les quittances des primes échues en 1907 ont été présentées au domicile de Bourdier par les représentants de la Comp. ou devaient l'être, il n'en est pas moins certain que c'est au moyen d'un mandat-poste adressé au siège social qu'il s'est libéré, et tardivement d'ailleurs, le 22 juill. 1907; qu'une seule des quittances de 1908 lui a été présentée, alors qu'il n'en a payé aucune; qu'il a reconnu dans sa correspondance que les quittances de 1909 restées impayées ne lui avaient jamais été présentées; qu'il ressort également des lettres échangées que le paiement des primes en retard devait s'opérer par des envois de fonds de l'assuré au siège de la Comp., et que, dans cet état de choses, il est impossible d'admettre que l'Union mutuelle de France ait manifesté, par des actes non équivoques au regard de Bourdier, la volonté de rendre quérables les primes que, par contrat, elle avait stipulées portables; Attendu que la correspondance de la Comp., antérieure à l'accident litigieux, ne contient nulle part renonciation tacite aux forclusions et nullités encourues, l'invitation qui s'y trouve répétée de régulariser la situation et de payer les primes conservant sa raison d'être pour l'avenir; Par ces motifs; Sans s'arrêter à l'appel émis par la veuve Bourdier contre le jugement rendu le 6 avril 1911 par le tribunal civil de Vienne; Maintient et confirme ce jugement pour sortir tout son effet, etc.

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(1 à 4) La jurisprudence est fixée en ce sens qu'en principe, la loi du 9 avril 1898 ne s'applique pas aux accidents dus à l'action des forces de la nature, même quand ils sont survenus pendant le travail, à moins que le travail n'ait contribué à mettre ces forces en mouvement, ou qu'il n'en ait aggravé les effets. V. Cass. 30 avril 1912 (S. et P. 1912.1.502; Pand. pér., 1912.1.502), et les renvois. La Cour de cassation a fait, à diverses reprises, application de ces principes à l'ouvrier frappé pendant son travail d'une insolation, en décidant que cet accident ne

mènes d'ordre naturel, ne peut, en principe, même si elle est survenue au cours du travail, donner lieu à l'application de la loi du 9 avril 1898, et engager la responsabi lité du patron (1) (L. 9 avril 1898, art. 1er).

Il n'en serait autrement que si le travail lui-même ou les conditions dans lesquelles il a été effectué avaient été de nature, soit à provoquer l'insolation, soit à en aggraver les effets (2) (ld.).

Spécialement, le décès d'un ouvrier maçon, à la suite d'une insolation dont il a été frappe au cours de son travail, ne saurait donner lieu à l'application de la loi du 9 avril 1898, alors que, si, le jour où l'ouvrier a été frappé, la chaleur était excessive, il n'est pas allégué que le travail fût plus pénible ou plus dangereux que d'habitude, et alors que les ouvriers qui travaillaient avec la victime, et dans les mêmes conditions, n'ont pas été incommodés par l'ardeur du soleil, qui, d'ailleurs, avait diminué quand s'est produit l'accident (3) (Id.).

Il importe peu que le patron n'ait pas établi un roulement entre ses ouvriers, et n'ait pas mis à leur disposition une tente pouvant leur servir d'abri, alors que, les ouvriers n'étant pas astreints à un travail rigoureusement continu, il leur était loisible de chercher à se protéger dans le voisinage du lieu de leur travail (4) (Id.). (Privat et Comp. d'assur. terr. l'Urbaine et la Seine C. Vve Gasson). ARRÈT.

-

LA COUR; Attendu que l'insolation, comme les autres phénomènes d'ordre naturel étrangers au risque professionnel, ne peut, en principe, même si elle est survenue au cours du travail, donner lieu à l'application de la loi du 9 avril 1898, et engager la responsabilité du patron; qu'il n'en serait autrement que si le travail luimême, ou les conditions dans lesquelles il a été effectué, avaient été de nature soit à la provoquer, soit à en aggraver les effets;

Attendu que, dans la nuit du 15 juil. 1911, Gasson succomba aux suites d'une apoplexie cérébrale, provoquée par une insolation dont il avait été frappé dans la journée, vers 4 heures ou 4 heures et demie, alors qu'il travaillait comme maçon, pour le compte de Privat, à la construction d'un dépôt de machines à Rochefort; Attendu que, le jour de sa mort, Gasson avait exécuté sa tâche dans les conditions ordinaires, et sans qu'il soit allégué que son travail ait été rendu plus pénible ou plus dangereux qu'il ne l'était d'habitude; que, sans doute, la chaleur était excessive, mais qu'elle n'avait pas arrêté, par son excès même, le travail dans les chantiers où les maçons sont exposés par leur profession, qu'ils exercent en plein air, aux

peut donner lieu à indemnité que si, des circonstances dans lesquelles il s'est produit, il ressort que la victime était exposée par son travail à un risque particulier. V. Cass. 10 déc. 1902 (S. et P. 1903.1.28; Pand. per., 1903.1.377), et les renvois; 15 juin 1903 (S. et P. 1904.1.407; Pand. pér., 1904.1.32), et les renvois; 2 mars 1904 (sol. implic.) (8. et P. 1905.1.399, la note et les renvois; Pand. pér., 1905. 1.217). V. anal., pour l'ouvrier victime de la foudre, Cass. 30 avril 1912, précité, et les renvois.

(5) Doit-on induire des dispositions des art. 5,

inconvénients ou aux dangers de la température extérieure; que, d'ailleurs, l'ardeur du soleil à laquelle avaient été soumis sans en être incommodés les ouvriers travaillant dans le voisinage de Gasson et dans les mêmes conditions que lui, avait diminué à l'heure où il fut frappé; Attendu qu'on ne saurait reprocher au patron d'avoir commis une imprudence ou une négligence, en n'établissant pas un roulement entre ses ouvriers, ou en ne mettant pas à leur disposition une tente où ils auraient pu trouver un abri; que Gasson, en effet, n'était pas astreint à un travail rigoureusement continu, et qu'il lui était loisible de chercher à se protéger, dans le voisinage du lieu où il travaillait, ailleurs que sous une tente, qu'il n'est pas d'usage d'édifier sur un chantier de maconnerie;

Attendu que, sans qu'il y ait lieu de rechercher si Gasson, qui, l'année précédente, avait été interné dans un asile d'aliénés, n'était pas, par son tempérament, prédisposé à l'apoplexie à laquelle il a succombé, il suffit de retenir qu'il n'existe aucune relation entre l'insolation, qui en a été la cause, et le travail ou les conditions dans lesquelles ce travail était effectué; que la loi du 9 avril 1898 est, par suite, inapplicable; Par ces motifs; Statuant sur l'appel du jugement rendu, le 14 nov. 1911, par le tribunal civil de Rochefort-sur-Mer; Dit que l'insolation dont Gasson a été victime, le 15 juill. 1911, n'est pas un accident du travail, au sens de la loi du 9 avril 1898, etc.

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Du 19 févr. 1912. · C. Poitiers, Ire ch. - MM. Geoffrion, ler prés.; Jacquelein, av. gén.; de Leffe et A. Decharme, av.

BORDEAUX 24 juin 1912.

FONDS DE COMMERCE, VENTE, PAIEMENT DU PRIX, PROPRIÉTAIRE DE L'IMMEUBLE, CRÉANCE DE LOYERS, OPPOSITION, CRÉANCIERS GAGISTES, DEMANDE EN MAINLEVÉE, TRIBUNAL DE COMMERCE, INCOMPÉTENCE (Rép., v Fonds de commerce, n. 82 et s., 121 et s., 231 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 107 et s., 172 et s., 430 et s.).

Le tribunal civil est compétent, à l'exclusion du tribunal de commerce, pour connaitre d'une demande formée par les créanciers qui ont reçu en nantissement un fonds de commerce, en vue de faire prononcer la mainlevée de l'opposition pratiquée entre les mains du détenteur des sommes provenant de la vente d'objets mobiliers faisant partie du fonds de commerce, à la requête du propriétaire de l'immeuble, créancier de loyers, le litige n'étant pas commercial (5) (L. 17 mars 1909, art. 3, § 4).

15, 16, 18, 20 et 23 de la loi du 17 mars 1909, sur la vente et le nantissement des fonds de commerce, qui ont donné compétence au tribunal de commerce pour les poursuites en exécution forcée tendant à la vente des fonds de commerce, que, à défaut d'une disposition expresse, la juridic. tion consulaire est exclusivement compétente pour connaître de tous les litiges se rattachant à la vente d'un fonds de commerce, et, spécialement, pour statuer sur la demande en mainlevée d'une opposition pratiquée par un créancier, en vertu

(Lajonie C. Guillebeaud et Laroche-Joubert).

8 févr. 1912, jugement du tribunal d'Angoulême, ainsi conçu : « Le Tribunal;

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Attendu que Guillebeaud a assigné Lajonie pour voir prononcer la mainlevée pure et simple de toutes oppositions par lui pratiquées entre les mains de Me Brocheriou, notaire à La Couronne, et de Me Petit, notaire à Roullet, sur les sommes provenant des ventes de divers immeubles et objets mobiliers, matériel et marchandises, ayant appartenu à la famille Chassin, de La Couronne; Attendu que les meubles et objets mobiliers dont s'agit faisaient partie d'un fonds de commerce de mécanicien-constructeur, sis à La Couronne, donné en nantissement à Guillebeaud et à Laroche-Joubert; Attendu que Laroche-Joubert, représenté à l'audience par Me Sevenet, avoué, a déclaré intervenir dans la présente instance pour surveiller ses intérêts; qu'il convient de lui en donner acte, et d'accueillir sa demande d'intervention; Attendu que Laroche-Joubert prend les mêmes conclusions que Guillebeaud; Attendu que Lajonie soulève une exception d'incompétence, qu'il prétend tirer de ce fait qu'il est propriétaire des immeubles où s'exploitait le fonds de commerce Chassin, et que sa créance représente des loyers de ces immeubles, ajoutant que la loi du 17 mars 1909 n'a porté aucune atteinte aux règles ordinaires de la compétence en matière de loyers, et que, d'ailleurs, il ne s'agirait pas, en l'espèce, d'un fonds de commerce, mais d'objets mobiliers dispersés, vendus aux enchères publiques; Attendu que, par exploits de Lahalle, huissier à Angoulême, du 26 mai 1911, et de Bisseuil, huissier dans la même ville, du 17 juillet suivant, Lajonie a fait défense à Brocheriou et à Petit de se dessaisir des deniers provenant des reventes qu'ils avaient faites des objets mobiliers et matériel, venant de la famille Chassin; Attendu que la vente séparée d'un ou plusieurs éléments d'un fonds de commerce ne pouvait nuire aux droits des créanciers; que, d'après le $ 4 de l'art. 3 de la loi du 17 mars 1909, tout créancier peut, par simple acte extrajudiciaire, former opposition au paiement du prix; que cette opposition est absolument différente de la saisie-arrêt dont parlent les art. 557 et s., C. proc.; que, du reste, l'art. 1944, C. civ., fait une distinction bien nette entre la saisie-arrêt et l'opposition; Attendu que, dans tous les cas, la loi du 17 mars 1909 a conféré aux tribunaux de commerce plénitude de juridiction pour toutes les difficultés nées de la vente ou du nantissement des fonds de commerce, se bornant à réserver au

de l'art. 3, § 4, de la loi du 17 mars 1909, sur le prix de vente du fonds de commerce appartenant à son débiteur? La question est controversée. V. dans le sens de l'affirmative, Paris, 24 juill. 1911 (S. et P. 1912.2.49; Pand. pér., 1912.2.49); Trib. de Lille, 18 juill. 1911 (S. et P. 1912.2.190; Pand. pér., 1912.2.190), la note et les renvois; Paris, 23 déc. 1911 (S. et P. 1912.2.200; Pand. pér., 1912. 2.200) L'arrêt ci-dessus recueilli adopte une autre

président du tribunal civil le droit de statuer sur les moyens de nullité de la procédure antérieure à la vente et sur les dépens; que, dès lors, les questions relatives au paiement du prix, et par conséquent aux oppositions faites à ces paiements sont bien, en vertu du principe d'unité de juridiction, de la compétence exclusive des tribunaux de commerce; Par ces motifs; - Se déclare compétent et retient la cause, etc. ». Appel par M. Lajonie.

LA COUR;

ARRÊT.

Attendu que, à la suite de la réalisation en argent d'éléments du fonds de commerce d'un sieur Chassin, Lajonie, se gérant comme créancier, en vertu d'un bail des immeubles dans lesquels ces objets avaient été pris, fit sommation, le 26 mai et le 17 juill. 1911, à des officiers publics détenteurs du prix, d'avoir à ne pas s'en dessaisir au mépris de son privilège; sur quoi Guillebeaud l'a assigné à fin de mainlevée devant les juges consulaires, le 21 novembre suivant; Or, attendu que, la juridiction saisie ayant rejeté une exception d'incompétence opposée par Lajonie à la demande, appel a été interjeté par lui; Attendu qu'ainsi, le différend se pose ici en ces termes : N'est-ce pas le tribunal de droit commun_qui peut connaître de la prétention de Lajonie?

Attendu que, en fait, Guillebeaud n'a pas indiqué dans l'ajournement les raisons qui l'amenaient à vouloir combattre cette prétention; que, seulement, il a invité Lajonie à indiquer celles qui la lui faisaient émettre; que telle a été aussi l'attitude de Laroche-Joubert, intervenu en première instance, et que tous deux se bornent, maintenant encore, à arguer de ce que, quoi qu'il en soit, la loi du 17 mars 1909 rendrait l'action recevable; - Attendu que, en réalité, on ne voit, dans le texte invoqué, aucune disposition qui s'applique à l'espèce; qu'il est évidemment. stricti juris; que si, à la vérité, on rencontre, dans le compte rendu des débats qui en ont précédé le vote, des indications qui portent à en étendre beaucoup la portée, on n'y trouve rien qui précise comment, quand un créancier du précédent propriétaire a agi conformément à l'art. 5, les constatations y relatives devront être portées en justice, et que, au contraire, M. Vallé, sur l'insistance de qui il fut, parte in qua, accepté par le Sénat, malgré la commission et le gouvernement, s'était exprimé ainsi : « On objecte qu'avec mon système, on va forcer un non-commerçant à aller devant le tribunal de commerce, qui n'est qu'un tribunal d'exception. Une réponse est facile et la voici S'il s'agissait pour ce non-commerçant de

opinion, qui a été défendue par notre savant collaborateur, M.Tissier, dans la note sous Paris, 24 juill. 1911, précité, et d'après laquelle, dans les cas où la loi de 1909 n'a pas attribué formellement compétence à la juridiction commerciale, il y a lieu de se référer aux règles ordinaires de la compétence. V. Paris, 24 déc. 1910 (S. et P. 1912.2.49; Pand. pér., 1912.2.49). Or, dans l'espèce, le créancier opposant n'étant pas commerçant, et la créance en

faire statuer sur sa créance, d'en faire discuter le principe, ou le quantum, ou les conditions, je comprendrais qu'il fut tout à fait déraisonnable de le distraire de ses juges naturels... (S. et P. Lois annotées de 1909, p. 865, 1re col., note 60; Pand. pér., Lois annotées de 1909, p. 865, Ire col., note 60) »; Attendu qu'en conséquence, semble-t-il bien, Guillebeaud aurait dû, simplement, s'il entendait ne pas laisser Lajonie prendre tout ou partie des deniers dont s'agissait, provoquer une distribution par contribution, où il aurait formé tout contredit utile; Et attendu que, en tout cas, il n'avait pas la faculté juridique, même s'agissant d'une chose commerciale, de traduire, en dehors de toute faillite, Lajonie, créancier civil, devant des juges qui ne sont pas ceux de droit commun; Par ces motifs; Réformant le jugement attaqué; Accueille l'exception d'incompétence proposée par Lajonie, etc.

Du 24 juin 1912. C. Bordeaux, Ire ch. MM. Quercy, 1er prés.; Tesnière et Priolaud (ce dernier, du barreau d'Angoulême), av.

AMIENS 14 décembre 1911. MANUFACTURES ET MAGASINS, TRAVAIL DES ENFANTS, ETABLISSEMENTS INDUSTRIELS, DEPENDANCES, TRAVAIL A LA TACHE, LIVRET, REMISE (ABSENCE DE), DURÉE DU TRAVAIL, ADULTES, TRAVAIL EN COMMUN, CONTRAVENTION, RECIDIVE (Rép., v° Louage d'ouvrage et d'industrie, n. 466 et s., 618 et s., 743 et s.; Pand. Rép., v° Travail, n. 222 et s., 715 et s.).

Les dispositions des lois du 2 nov. 1892 et du 30 mars 1900, qui ont limité la durée du travail dans les établissements industriels, et réglementé, dans ces mêmes établissements et leurs dépendances, le travail des enfants, des filles mineures et des femmes, ne font aucune distinction entre le travail à la tâche et le travail à la journée (1) (LL. 9 sept. 1848, art. 1er; 2 nov.* 1892; 30 mars 1900).

Commet donc une contravention aux dispositions de l'art. 10 de la loi du 2 nov. 1892, le patron qui n'a pas remis de livret de travail à un apprenti de moins de treize ans, qu'il emploie à la fabrication de boites en bois, encore bien que cet ouvrier soit payé à la tâche, et qu'il travaille à ses heures, avec ses propres outils, dans un local mis gracieusement à sa disposition par le patron, qui fournit le chauffage et l'éclairage, mais n'exerce aucune surveillance sur le travail, en dehors de la vérification à laquelle il procède lors de la livraison (2) (L. 2 nov. 1892, art. 10).

Le patron contrevient également aux dis

vertu de laquelle il avait formé opposition n'ayant aucun caractère commercial, le litige n'était pas commercial, et, par suite, dans l'opinion admise par la Cour de Bordeaux, échappait à la compétence de la juridiction commerciale. V. en ce sens, la note précitée de M. Tissier.

(1-2) Le travail des enfants mineurs, des femmes et des filles majeures, dans les établissements industriels et leurs dépendances, a été

positions de l'art. 2 de la loi du 2 nov. 1892, et de l'art. 1er de la loi du 9 sept. 1848, modifié par la loi du 30 mars 1900, si la durée du travail de cet apprenti, et des ouvriers de plus de dix-huit ans qui travaillent avec lui dans le même local et dans les mêmes conditions, excède la durée réglementaire (1) (LL. 9 sept. 1848, art. 1er; 2 nov. 1892, art. 2; 30 mars 1900).

Vainement on objecterait que le local dans lequel travaillent ces ouvriers, étant séparé de l'usine, n'en constitue pas une dépendance, au sens de l'art. 2 de la loi du 2 nov. 1892, dès lors qu'il est situé dans le même enclos que l'usine, et que le travail, qui y est exécuté en commun par les ouvriers travaillant à la tâche, concourt à la production de l'usine, sous l'autorité du patron qui la dirige (2) (Id.).

L'art. 27 de la loi du 2 nov. 1892, aux termes duquel « il y a récidive, lorsque, dans

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réglementé par la loi du 2 nov. 1892 (S. et P. Lois annotées de 1893, p. 521; Pand. pér., 1894. 3.65). Entre autres dispositions, l'art. 3 de cette loi, modifié par la loi du 30 mars 1900 (S. et P. Lois annotées de 1900, p. 1089; Pand. pér., 1900. 3.129), a limité à onze heures par jour, et dix heures au bout de quatre ans, à partir du 30 mars 1900, la durée du travail effectif des jeunes ouvriers et ouvrières de moins de dix-huit ans, dans ces établissements. D'autre part, la loi du 30 mars 1900 a ajouté à l'art. 1er du décret-loi du 9 sept. 1848 (S. Lois annotées de 1848, p. 127. — P. Lois, décr., etc., de 1848, p. 299), qui fixait à douze heures par jour la durée du travail des hommes adultes, un paragraphe additionnel, qui réduit à onze heures la durée de la journée de travail, pour les adultes travaillant dans les mêmes locaux que des personnes visées par la loi du 2 nov. 1892. V. sur ce qu'il faut entendre par l'expression : mêmes locaux, Cass. 30 nov. 1901 (S. et P. 1903. 1.201, et la note de M. Roux; Pand. pér., 1902. 1.57); 20 févr. 1902 (S. et P. 1903.1.368; Pand. pér. 1902.7.88), la note et les renvois. Les dispositions de la loi du 30 mars 1900, ainsi que celles de la loi de 1892, qui ont trait à la réglementation du travail des femmes et des enfants, ne concerpent que le travail industriel (V. Cass. 24 oct. 1901, S. et P. 1904.1.475, et la note; Pic, Tr. élém. de législ. industrielle, 4° éd., n. 785; Bry, Cours élém. de législ. industrielle, 5° éd., n. 497; Mesnard, Du travail des femmes et des enfants dans l'industrie, n. 4 et s., Lois nouvelles, 1894, 1r part., p. 68), effectué dans les établissements à ce destinés, et qu'énumère l'art. 1er de la loi de 1892 (usines, manufactures, mines, minières et carrières, chantiers et ateliers), ou dans leurs dépendances, c'est-à-dire dans tous les locaux accessoires de l'établissement principal, utilisés, soit pour le personnel, soit pour le matériel, soit pour le travail de l'établissement principal (V. Mesnard, op. cit., n. 5). Elles ne s'appliquent pas au travail à domicile (arg. art. 1er, L. 2 nov. 1892), qui reste en dehors de toute réglementation. V. Pic, op. cit., n. 782.

»

Mais régissent-elles tout travail industriel, dès lors qu'il est exécuté dans l'un des établissements visés à l'art. 1er de la loi du 2 nov. 1892, quel qu'en soit le mode de rétribution? Les ouvriers qui sont employés dans l'industrie travaillant le plus souvent à la journée, il est bien certain que le législateur, en 1892 et en 1900, a entendu réglementer le travail industriel à la journée. Mais il se peut, et le cas est fréquent, qu'un patron emploie dans son

les douze mois antérieurs au fait poursuivi, le contrevenant a déjà subi une condamnation pour une contravention identique », doit être entendu en ce sens que l'infraction donnant lieu à l'application des peines de la récidive doit être de même nature que celle qui a motivé la première condamnation, et qu'elle doit avoir été commise par le même patron, mais sans qu'il y ait à prendre en considération la circonstance que la première infraction aurait été commise dans une autre usine soumise à la direction du prévenu (3) (L. 2 nov. 1892, art. 27).

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établissement industriel ou dans une dépendance de ce dernier, des ouvriers ou ouvrières qu'il paie à la tâche. La réglementation édictée par les lois de 1892 et de 1900 s'applique-t-elle à ces travailleurs? On doit, semble-t-il, se prononcer dans le sens de l'affirmative. Le législateur de 1892 et de 1900 n'a manifesté nulle part l'intention de soumettre à des règles différentes le travail à la journée et le travail à la tâche. Il a toujours visé, en termes très généraux, « le travail dans les établissements industriels (V. not., LL. 2 nov. 1892, art. 1o, 5; 30 mars 1900, art. 1er), sans prendre en considération le mode de rétribution. Au surplus, on ne s'expliquerait guère qu'il en fût autrement. Si la réglementation de la durée et des conditions du travail se justifie aisément, lorsqu'il s'agit d'ouvriers qui travaillent à la journée, parce que, en pareil cas, les patrons ont une tendance à exiger de leur personnel un effort trop prolongé pour accroître leur production, et à embaucher, même pour des tâches pénibles, des enfants ou des femmes, dont le salaire est moins élevé que celui des ouvriers adultes, en vue de diminuer leurs frais généraux, l'intervention du législateur n'est pas moins utile, quand il s'agit d'ouvriers qui travaillent aux pièces. Il est à craindre, en effet, que ce mode de rétribution, qui proportionne le salaire au travail effectif, incite le travailleur à abuser de ses forces pour toucher un salaire plus élevé; aussi est-il bon que certaines catégories d'ouvriers à la tâche soient protégés contre euxmêmes, et on doit supposer que le législateur de 1892 et de 1900 n'a pas entendu laisser le travail aux pièces, lorsqu'il est effectué dans des établissements industriels, en dehors des prescriptions qu'il a édictées.

C'est cette interprétation qu'a consacrée le jugement ci-dessus recueilli, que la Cour d'appel a confirmé par adoption de motifs. Mais, à raison des circonstances de fait de l'affaire, l'application des lois de 1892 et de 1900 n'était pas sans présenter quelque difficulté. Dans l'espèce, le patron d'une scierie mécanique avait mis un local situé dans l'enclos de son usine à la disposition de trois ouvriers, qui y travaillaient, avec leurs propres outils et en dehors de toute surveillance, à la fabrication de boîtes en bois qui leur étaient payées à tant le mille. Le tribunal correctionnel de Senlis a estimé que ce local, dont les ouvriers avaient la clef et où ils travaillaient à leurs heures, à un travail indépendant de celui auquel étaient occupés les ouvriers de l'usine, constituait une dépendance de l'usine, au sens de l'art. 1er de la loi du 2 nov.

treize ans soit une contravention; 2o avoir employé plus du temps d'heures réglementaire les ouvriers layetiers Choron et Debaye, âgés de plus de dix-huit ans soit deux contraventions; 3° n'avoir pas remis à Demonceaux (Georges), entré dans l'usine avant treize ans, son livret de travail : soit une contravention; 4° n'avoir apposé le tableau des heures de travail et de repos en aucun endroit des ateliers: soit une contravention; ces deux derniers faits en récidive, ce qui entraîne la compétence du tribunal correctionnel; Attendu que Me Savary, pour Crinon, a soutenu : 1 que ces ouvriers travaillaient à la tâche et, comme tels, ne font pas tomber leur patron sous l'application de la loi; 2o que le local dans lequel ils travaillaient, ne constitue pas une dépendance de l'usine, au sens de la loi; 3° que la récidive ne saurait s'appliquer, en l'es

1892, et que, par conséquent, le patron était astreint aux prescriptions des lois du 2 nov. 1892 et du 30 mars 1900, à raison du travail des ouvriers qu'il y employait. On objectait que, si le local était situé à proximité de l'usine, et si le patron en assumait le chauffage et l'éclairage, les ouvriers y travaillaient comme ils auraient travaillé chez eux, en choisissant librement leurs heures de travail, en employant leurs propres outils, et sans être astreints à aucune sorte de surveillance. A cette objection, le tribunal répond que ce qu'il faut considérer, c'est si le travail est accompli dans l'usine et sous l'autorité du patron qui la dirige. Or, le local où travaillaient les ouvriers, situé dans l'enclos même de l'usine, en était incontestablement une dépendance; et, si le patron n'avait aucune surveillance à exercer sur les conditions dans lesquelles s'effectuait le travail, il lui était possible, puisque ce local lui appartenait, d'user de son autorité pour y faire observer les prescriptions de la loi relatives à la durée du travail, et de prendre les mesures nécessaires pour que les jeunes ouvriers qui y étaient employés fussent en règle avec la loi.

(1-2) V. la note qui précède.

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(3) Après avoir édicté (art. 26) des pénalités à l'encontre des manufacturiers, directeurs ou gérants d'établissements industriels qui ont contrevenu à ses prescriptions, la loi du 2 nov. 1892 ajoute (art. 27): En cas de récidive, le contrevenant sera poursuivi devant le tribunal correctionnel, et puni d'une amende de 16 à 100 fr. ». . Pour qu'il y ait récidive, il faut que, dans les douze mois antérieurs au fait poursuivi, le contrevenant ait déjà subi une condamnation pour une contravention identique. V. Trib. de Toulouse, 29 juin 1893 (2 jugements) (S. et P. 1894.2.219), la note et les renvois. V. anal., par application de l'art. 15 de la loi du 13 juill. 1906, Montpellier, 18 févr. 1909 (S. et P. 1909.2.142; Pand. pér., 1909.2.142). Il faut, en outre, de toute évidence, que les deux infractions aient été commises par le même inculpé. Un patron ne serait pas en état de récidive, si, dans les douze mois antérieurs au fait poursuivi, le précédent propriétaire de l'établissement avait été condamné pour un fait identique. V. Mesnard, Du travail des femmes et des enfants dans l'industrie, n. 105 (Lois nouvelles, 1894, 1re part., p. 191). Mais, si cette dernière condition est remplie, il n'est pas, semble-t-il, nécessaire que les deux infractions aient été commises dans le même établissement. V. cep., Mesnard, op. cit., n. 105 (Lois nouvelles, 1894, 1re part., p. 192).

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