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LYON 6 mars 1912. SOCIETE ANONYME, ADMINISTRATEURS, RESPONSABILITÉ, OBLIGATAIRES, ACTION EN JUSTICE, RECEVABILITÉ, SYNDICAT D'ÉMISSION, CIRCULAIRE, FAUTES DE GESTION, ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, QUITUS, SOUSCRIPTIONS FICTIVES, EMPRunt, Placement A FORFAIT, LIBERATION INTÉGRALE, COMMISSION (DROIT DE), STATUTS, APPORTS, MAJORATION, BONNE FOI, COMMISSAIRE-VÉRIFICATEUR, INCOMPÉTENCE (Rép., vo Sociétés commerciales, n. 4246 et s., 5074 et s.; Pand. Rép., v° Administrateur de société anonyme, n. 468 et s., 529 et s.).

Est recevable l'action en dommages-intéréls formée contre les administrateurs d'une société par les porteurs d'obligations, à raison de la nullité de la société, de fautes de gestion et de complicité dans l'usage d'une circulaire prétendue mensongère, bien que, l'empruni ayant été souscrit ferme par un syndicat d'émission, les obligataires qui ont acheté leurs titres du syn

(1-2-3) Les administrateurs, qui, par leurs agissements, inspirent une confiance trompeuse aux tiers, sont responsables envers ces derniers du préjudice que leur cause ensuite la déconfiture, inattendue pour eux, de la société. V. Agen, 9 mai 1904 (S. et P. 1906.2.289), et la note. Il importe peu que les administrateurs n'aient pas pratiqué ces agissements dans une convention avec les tiers mêmes qu'ils déterminent ainsi à faire confiance à la société, car l'action en dommages-intérêts des tiers se fonde sur l'art. 1382, C. civ., les administrateurs ayant commis une faute en se livrant à des agissements repréhensibles, et les tiers ayant subi, par l'effet de cette faute, un préjudice. Ainsi, l'arrêt précité d'Agen a déclaré les administrateurs responsables envers des tiers que la circulation de traites fictives avait amenés à avoir confiance dans le crédit de la société et à contracter avec elle. C'est pourquoi aussi les personnes qui souscrivent à des titres émis par une société ou achètent ces titres ont une action en dommages-intérêts envers les administrateurs, si elles ont été déterminées à souscrire par des agissements frauduleux de ces derniers, notamment, par la production de bilans inexacts ou le lancement de circulaires erronées. V. Rennes, 23 mars 1909 (S. et P. 1910. 2.65; Pand. pér., 1910.2.65), et la note de M. Wahl; Cass. 26 janv. 1910 (S. et P. 1911.1.105; Pand. pér., 1911.1.105), et la note de M. Perroud. V. égal., Paris, 25 nov. 1904 (Journ. des soc., 1905, p. 412); Donai, 30 mai 1905 (Id., 1905, p. 500); Amiens, 5 févr. 1910 (Id., 1911, p. 213); Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4° éd., t. 2, 2° part., n. 824. La jurisprudence ne distingue pas entre l'achat et la souscription, et le motif sur lequel elle se fonde ne comporte pas de distinction.

Donc, comme le décide l'arrêt ci-dessus recueilli, à supposer que les administrateurs eussent commis une faute, et que cette faute cût déterminé des tiers à devenir obligataires, ces obligataires auraient eu une action en dommages-intérêts contre les administrateurs, bien que, les titres ayant été souscrits tous par un syndicat d'émission, ce syndicat seul fût souscripteur, et que, par conséquent, les demandeurs en responsabilité fussent, non des souscripteurs, mais des acquéreurs. Comp. pour le cas d'émission et de vente d'actions, Paris, 28 avril 1887, sous Cass. 23 déc. 1889 (1er arrêt) (S. 1891.1.321. P. 1891.1.775) et ANNÉE 1913. 5 cah.

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dicat ne soient pas des souscripteurs (1) (C. civ., 1382).

Mais, à supposer que les erreurs conte nues dans cette circulaire aient déterminé les porteurs d'obligations à se rendre acquéreurs de leurs titres, les administrateurs ne sauraient être responsables vis-à-vis des porteurs qui ont acheté leurs obligations du syndicat d'émission ayant souscrit la totalité des obligations; les porteurs d'obligations ne peuvent s'adresser qu'au syndicat, à moins qu'ils n'établissent la partici pation personnelle des administrateurs à l'usage abusif de la circulaire (2) (Id.).

En tous cas, la responsabilité des administrateurs doit être écartée, si la circulaire n'a pas été publiée en vue de la souscription des obligations, aucune allusion n'y étant faite à l'émission de ces obligations, el si le conseil d'administration est demeuré étranger à la rédaction de la circulaire, qui, d'ailleurs, si elle contient des prévisions qui ne se sont pas réalisées, ne renferme aucune allegation mensongère (3) (Id.).

la note; et Cass. 30 juill. 1895 (S. et P. 1896.1. 288).

Mais la Cour, après avoir déclaré l'action en dommages-intérêts recevable en droit, la repousse en fait, par ce premier motif que les obligataires, étant des acheteurs, n'avaient d'action, à raison du préjudice qu'ils prétendaient être résulté pour eux des énonciations de la circulaire incriminée, que contre le syndicat qui s'était chargé de l'émission de la totalité des obligations, et qui leur avait vendu celles dont ils étaient porteurs, dès lors qu'ils n'établissaient pas la participation des administrateurs à l'usage abusif de la circulaire. Il est certain qu'un vendeur est tenu des conséquences de son dol. Un syndicat d'émission est soumis à cette règle. Il est d'ailleurs responsable envers les personnes dont une circulaire inexacte a déterminé la souscription, alors même qu'il a simplement joué le rôle d'intermédiaire. V. Cass. 18 mars 1891 (1o espèce) (S. et P. 1894.1.70), et la note. Adde, Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 4, n. 690; Vavasseur, Tr. des soc. civ. et comm., 4o éd., t. 1o, n. 367.

Il n'est pas moins certain que, si les administrateurs ont été étrangers à la rédaction d'une circulaire au moyen de laquelle un syndicat a lancé une émission d'obligations, ils n'ont pas commis de faute, et, par suite, n'encourent aucune responsabilité; et ceci encore est exact, aussi bien si le syndicat a été un simple intermédiaire pour l'émission, que s'il a souscrit aux titres pour les vendre. Le syndicat chargé de trouver des souscripteurs est le mandataire de la société, et on peut se demander dans quelle mesure celle-ci est responsable des fautes de son mandataire. V. sur la responsabilité de la société en cette hypothèse, Cass. 30 juill. 1895, précité, et la note. Mais le syndicat n'est pas mandataire des administrateurs personnelle

ment.

Il ne faudrait pas cependant aller jusqu'à dire, comme on pourrait l'induire des motifs de l'arrêt cidessus, que des administrateurs, qui auraient rédigé une circulaire contenant des énonciations mensongères, ne seraient pas responsables de l'usage abusif qui aurait été fait de cette circulaire par un syndicat d'émission pour attirer des obligataires. La rédaction d'une circulaire inexacte ou mensongère est une faute qui engage la responsabilité des administrateurs, dès lors qu'il en est résulté un préjudice, bien qu'ils n'aient pas agi dans le but de

Les administrateurs ne sont pas responsables de leurs fautes de gestion, vis-à-vis des obligataires, s'ils sont couverts par le quitus absolu et définitif, donné en connaissance de cause par l'assemblée générale (4) (Id.).

La fictivité d'une souscription d'actions ne résulte pas de ce que l'actionnaire a souscrit un nombre d'actions hors de proportion avec sa fortune, et a dù, pour effectuer le premier versement du quart sur les actions par lui souscrites, recourir à un emprunt qu'il a d'ailleurs remboursé quelques jours après, si l'actionnaire, s'élant chargé à forfait du placement de toutes les actions composant le capital social, a dù, en vertu de son engagement même, prendre personnellement à sa charge les actions qu'il n'était pas parvenu à placer dans le public, et si le versement du quart a été effectif, l'emprunt à l'aide duquel il a été fait ayant été réel et sérieux (5) (L. 24 juill. 1867, art. 1er et 24).

La fictivité prétendue de la souscription

provoquer ce préjudice. On peut invoquer en ce sens la jurisprudence qui proclame la responsabilité des administrateurs envers les personnes qui ont souscrit ou acheté des actions au vu de bilans mensongers, sans s'inquiéter de savoir si ces bilans avaient été falsifiés dans le but de provoquer les souscriptions ou les achats. V. Agen, 9 mai 1904, précité; Rennes, 23 mars 1909, précité; Cass. 26 janv. 1910, précité.

(4) Les créanciers de la société, et notamment les obligataires, qui subissent, par la faute des administrateurs, un préjudice personnel, ont contre eux une action directe en responsabilité. V. la note qui précède. V. égal., la note de M. Wahl (9° col.) sous Paris, 8 avril 1911 (S. et P. 1912.2. 233; Pand. pér., 1912.2.233); et Rennes, 1er août 1900 (motifs) (Journ. des soc., 1900, p. 434); Paris, 19 mai 1908 (Id., 1909, p. 211); Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., t. 2, 2° part., n. 824 bis. Mais les fautes de gestion qui ont causé un préjudice à la société n'ouvrent pas une action directe au profit des créanciers. V. la note de M. Wahl (6 col.), sous Cass. 26 déc. 1910 (S. et P. 1912.1.89; Pand. pér., 1912.1.89), et les autorités citées. Ils n'ont, en effet, souffert de ces fautes qu'en raison de l'insolvabilité qui en est résultée pour leur débitrice. V. Rennes, 1er août 1900, précité; Trib. comm. du Havre, 8 mai 1901 (Journ, des soc., 1902, p. 362); Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, 2' part., n. 824 bis. Ils peuvent seulement, en vertu de l'art. 1166, C. civ., exercer l'action appartenant à la société. V. Rennes, 22 nov. 1897 (Rev. des soc., 1899, p. 68); Trib. comm. du Havre, 8 mai 1901, précité; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, 2° part., n. 822 et 824 bis. Par suite, tous les evenements qui éteignent l'action de la société éteignent aussi celle des créanciers. Il en est ainsi, notamment, du quitus donné par l'assemblée géuérale, en connaissance de cause, aux administrateurs. V. Cass. 23 févr. 1885 (S. 1885.1.337. — P. 1885.1.849), et la note; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, 2° part., n. 824 bis. Il va sans dire qu'au contraire, l'assemblée générale ne peut éteindre les actions appartenant, en leur nom propre, à des créanciers sociaux. V. Douai, 27 janv. 1906 (Journ, des soc., 1908, p. 63); LyonCaen et Renault, op. cit., t. 2, 2a part., n. 827 et 827 bis.

(5) Le fait qu'un souscripteur est dans l'impos II PART. 17

d'actions et la nullité qui en résulterait ne sauraient d'ailleurs justifier, de la part des obligataires, une action en responsabilité contre le fondateur et les premiers administrateurs, si, les actions ayant été entièrement libérées, soit par le souscripteur, soit par le porteur auquel il les a ultérieurement cédées, la société n'en a souffert aucun préjudice (1) (L. 24 juill. 1867, art. 42).

Aucune loi ni aucun principe de droit ne s'opposent à l'exécution d'un contrat

sibilité de verser de ses deniers le montant des actions souscrites par lui, et même l'insolvabilité du souscripteur, ne prouvent pas que sa souscription soit fictive, et, par conséquent, ne peuvent entrainer la nullité de la société, en raison du défaut d'intégralité de la souscription. V. Trib. comm. de Nantes, 11 déc. 1897 (Journ. des 800 1898. p. 130); Trib. comm. de Marseille, 14 févr. 1902 (Id., 1902, p. 513); Aix, 23 juin 1904 (Id., 1905, p. 316); Trib. comm. de Bordeaux, 16 nov. 1904 (Id., 1905, p. 436); Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4 éd., t. 2, 2o part., n. 688; Thaller et Pic, Des soc. comm., t. 2, n. 890. Le souscripteur peut, en effet, se procurer par voie d'emprunt la somme exigée pour le versement initial. Il est reconnu que le versement initial, effectué à l'aide des deniers provenant d'un emprunt, est valable. V. Lyon, 7 juin 1901 (Journ. des soc., 1902, p. 57); Bordeaux, 80 mars 1908 (Id., 1908, p. 418); LyonCaen et Renault, op. cit., t. 2, 2o part., n. 701 ; Houpin, Tr. des soc., 4° éd., t. 1, n. 459. Toutefois, l'emprunt peut déguiser l'absence de versement, et alors la société sera nulle pour défaut de versement initial. C'est ce qui a été décidé dans une espèce où le souscripteur, ayant reçu de la société la promesse d'une rétribution pour le placement des actions, placement dont il ne s'était d'ailleurs pas préoccupé, avait, pour libérer les actions dont il était resté titulaire, cédé cette prétendue créance, et avait ainsi, sous forme de cession, contracté un emprunt que la société avait remboursé. V. Bordeaux, 30 mars 1908, précité.

(1) Le motif invoqué par l'arrêt pour écarter l'action en responsabilité formée par les obligataires contre les fondateurs et premiers administrateurs, à savoir que, les actions souscrites fictivement ayant été entièrement libérées, la fictivité de la souscription avait cessé de préjudicier à la société, est peu concluant. Les fondateurs et premiers administrateurs sont, en cas de nullité de la société, responsables solidairement envers les tiers et les actionnaires du dominage résultant de cette annulation (L. 24 juill. 1867, art. 42, modifié par la loi du 1er août 1893). Les tiers out donc contre eux une action personnelle; il suffit, pour qu'ils puissent l'intenter, qu'ils aient euxmêmes éprouvé un préjudice; il n'est pas nécessaire que la société en ait éprouvé un également. Notamment, encore bien qu'un arrêt ait décidé le contraire (V. Paris, 8 avril 1911, S. et P. 1912. 2.233; Pand. per., 1912.2.233), les souscripteurs d'obligations émises après la constitution de la société sont, à notre avis, au nombre des tiers qui peuvent demander aux administrateurs la réparation du préjudice que leur a causé la nullité. V. la note de M. Wahl sous Paris, & avril 1911, précité. C'est là un droit dont ils ne peuvent être privés parce que la société serait désormais indemne de tout préjudice.

La vérité est que, dans l'espèce, il n'y avait pas eu de préjudice pour la société, parce que la Cour d'appel n'avait pas prononcé la nullité; et, dés

par lequel il a été convenu qu'une personne, qui s'est chargée à forfait du placement de toutes les actions émises lors de la constitu tion d'une société (et qui, n'étant parvenue à en placer qu'un petit nombre, a dù garder celles qu'elle n'avait pas placées), recevrait une commission, si les statuts prévoient expressément, parmi les charges incombant à la société à l'occasion de sa constitution, les frais de l'émission des actions; en effet, en pareil cas, les intéressés ne sont pas trompés sur l'évaluation du montant des

lors, il n'y avait pas de préjudice pour les obligataires non plus. C'est le dommage résultant de l'annulation que, suivant l'art. 42 de la loi de 1867, les fondateurs et premiers administrateurs doivent réparer. Or, dans l'espèce, la nullité n'était pas et ne pouvait pas être prononcée, car la Cour décide que la souscription n'était pas fictive, et c'est hypothétiquement, et d'une manière subsidiaire, qu'elle examine quelle serait la responsabilité des fondateurs et premiers administrateurs pour le cas où il y aurait nullité. Si la nullité avait été prononcée, les fondateurs et administrateurs auraient dû être déclarés responsables.

(2-3-4) Il est très difficile d'admettre qu'une société puisse, dans quelque circonstance que ce soit, payer à ses souscripteurs d'actions, ou à l'un d'eux, une commission, lorsque les titres sont émis au pair.

Tout le monde est d'accord pour reconnaitre que l'émission d'actions au-dessous du pair ou du capital nominal est nulle. On ne peut, par exemple, décider que les actions de 100 fr. seront émises à 90 fr. V. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4° éd., t. 2, 2° part., n. 688 bis; Houpin, Tr. des soc.. 4 éd., t. 1, n. 444 et 659, et Journ. des soc., 1906, p. 147; Arthuys, Tr. des soc. comm., t. 1, n. 327; Thaller et Pic, Des soc. comm., t. 2, n. 887; Pascaud, Du rég. des soc. par actions (Rev. crit., 1892, p. 540); Cellerier, Et. sur les soc. anonymes, n. 304; Wahl, De l'augmentation du capital dans les soc. par actions. n. 35. C'est qu'en effet, quand les actions sont émises au-dessous du pair, le capital n'est pas intégralement souscrit, puisque la société annonce dans ses documents un capital déterminé, et qu'elle a reçu un capital moindre. Le capital est l'ensemble des sommes que les souscripteurs s'engagent à verser; car suivant l'art. 1er de la loi du 24 juill. 1867, la société n'est constituée qu'après la souscription de la totalité du capital; c'est, d'après le même texte, le montant des actions, c'est-àdire la somme figurant sur les titres, qui constitue le capital. Et c'est également ce montant qui, d'après l'art. 64, doit figurer dans les écritures sociales. Si, suivant l'art. 1o de la loi de 1867, la souscription doit être intégrale, c'est pour un double motif : les actionnaires doivent connaitre le capital, afin d'avoir la certitude que la société ne commencera pas avec un capital inférieur à celui que les fondateurs ont déclaré être indispensable; les tiers ont le droit de compter sur l'intégralité du capital annoncé comme constituant les apports faits en espèces ou en nature à la société et servant de garantie aux créanciers. V. les notes de M. Wahl sous Paris, 21 mars 1905 (S. et P. 1906.2.1), et de M. Lyon-Caen sous Cass. 13 nov. 1907 (S. et P. 1908.1.65; Pand. pér., 1908.1.65). Adde, Thaller et Pic, op. cit., t. 2. n. 880. Si le capital souscrit était inférieur au capital présenté comme ayant été souscrit, ce double but serait manqué.

Par conséquent, l'émission des actions ou de certaines d'entre elles au-dessous du pair entraine la nullité de la société, car le défant de souscrip

capitaux devant rester disponibles pour l'exploitation de l'entreprise sociale (2) (L. 24 juill. 1867, art. 1er et 24).

Il n'en serait autrement qu'autant que le taux de la commission excéderait notablement les prévisions permises (3) (Id.).

La commission calculée à raison de 10 p. 100 des titres à placer n'a rien d'anormal ni de contraire aux usages communément suivis en cette matière (4) (Id.).

La majoration des apports ne saurait entraîner la nullité de la société, si elle a

tion intégrale est, d'après les art. 7 et 41 de la loi de 1867, une cause de nullité de la société. V. les notes de M. Lyon-Caen sous Cass. 13 nov. 1907, précité; et de M. Wahl sous Cass. 16 mars 1910, (Supra, 1 part., p. 153).

Du moment que l'émission ne peut avoir lieu au-dessous du pair, on ne peut allouer à certains actionnaires une bonification sur le capital nominal des titres souscrits par eux. Ainsi, les fondateurs ne sauraient, pour attirer les souscripteurs, attribuer aux gros souscripteurs ou à quelquesuns d'entre eux une prime sur le montant de leurs titres. V. Angers, 7 déc. 1903 (Journ. des soc., 1904, p. 325; Rev. des soc., 1904, p. 442); Trib. comm. de Bordeaux, 16 nov. 1904 (Journ. des soc., 1905, p. 436); Bordeaux, 30 mars 1908 (Id., 1908, p. 418).

De même, si la plupart des titres sont souscrits par un banquier ou par un syndicat, qui les place ensuite pour son compte personnel, aucune bonification ne peut être accordée à ce banquier ou à ce syndicat, car la profession du souscripteur ne peut entrer en ligne de compte; le banquier souscrit pour son propre compte, cela suffit pour qu'il ne puisse être dispensé de verser l'intégralité du montant des titres. V. en ce sens, Paris, 10 août 1888 (sol. implic.) (Rev. des soc., 1889, p. 13); Paris, 9 août 1895 (sol. implic.) (Journ. des soc., 1896, p. 370); Houpin, Journ. des soc., 1902, p. 147, et 1908, p. 303. V. cep., Amiens, 2 mai 1907 (S. et P. 1907.2.281); mais la question n'était pas soulevée dans cette espèce. C'est une des nombreuses différences (V. la note 1-2-3, p. 129) entre le banquier qui place les titres comme mandataire de la société, et les fait souscrire par les tiers, et le banquier qui les souscrit lui-même et les revend à des tiers. Le premier n'est qu'un intermédiaire; une commission peut lui être allouée sur les titres qu'il fait souscrire (V. Paris, 10 août 1888 et 9 août 1895, précités; Bordeaux, 30 mars 1908, précité), pourvu, d'après la Cour de cassation, que le prélèvement de cette commission ne soit pas effectué sur le versement initial exigé par la loi, lequel doit servir intégralement à réaliser l'objet social. V. Cass. 28 oct. 1901 (S. et P. 1904.1.37), et la note.

Lorsqu'un banquier ou un groupe de banquiers (un syndicat de garantie) se chargent de chercher des souscripteurs, et s'engagent à prendre pour leur compte les titres qu'ils n'auront pas réussi à faire souscrire, ils ont la qualité d'intermédiaires en ce qui concerne les titres qu'ils font souscrire par des tiers, et la qualité de souscripteurs pour ceux qu'ils absorbent eux-mêmes. La logique commande donc de dire que la promesse d'une commission est légitime pour les premiers, et ne l'est pas pour les seconds. La distinction n'est singulière qu'à première vue comme souscripteur de certains titres, le banquier doit se trouver dans la même situation que si, pour d'autres titres, il n'était pas un intermédiaire; le rôle qu'il a joué dans le placement de ces derniers titres n'influe pas sur la nature du role qu'il a joué dans le placement des premiers.

eu lieu de bonne foi (1) (L. 24 juill. 1867, art. 4 et 24).

Il importe peu que la compétence du commissaire vérificateur fut discutable, l'erreur commise sur ce point l'ayant été par l'assemblée des actionnaires, qui ne pouvait ignorer que, par sa profession d'architecte, le commissaire était mal préparé au trarail dont on le chargeait, et qui aurait dù s'adresser pour l'évaluation à un technicien (2) (Id.).

(Giffard et autres C. de Bellescize
et autres).

18 oct. 1910, jugement du tribunal de commerce de Lyon, ainsi conçu : -Le Tribunal; Attendu qu'il convient tout d'abord d'exposer, pour la clarté des débats, que, suivant acte reçu le 7 déc. 1906 par Me Chachuat, notaire à Lyon, enregistré le 8 déc. 1906, la société anonyme, dite Société lyonnaise de Minoterie, s'est constituée au capital social de 1.100.000 fr., représenté par 11.000 actions de 100 fr., dont 450.000 fr. d'apports et 650.000 fr. d'actions à souscrire en espèces; que les consorts Tramoy se sont fait attribuer, en rémunération de leurs apports, une somme de 450.000 fr. en espèces, outre 4.500 actions d'apport, soit, au total, une somme de 900.000 fr.; que, le 7 déc. 1906, le jour même du dépôt des statuts, Pierre Sauzey, le fondateur, a fait, par-devant Me Chachuat, la déclaration de souscription et de versements; qu'il résulte de cette déclaration que ledit Pierre Sauzey était, à lui seul, souscripteur de 5.975 actions, représentant un capital de 597.500 fr., c'est-àdire la presque totalité du capital espèces, le surplus de ce capital étant souscrit par divers autres actionnaires, au nombre de sept; que, le 8 déc. 1906, a eu lieu la première assemblée constitutive, laquelle a nommé Delorme, architecte, pour la vérification des apports; que, le 10 déc. 1906,

Il serait d'ailleurs illogique, puisqu'on est d'accord pour refuser toute commission au banquier qui souscrit les titres sans chercher à faire souscrire les tiers, d'autoriser une commission au profit du banquier qui souscrit la plupart des titres et réussit à en faire souscrire un très petit nombre par le public. Cela serait inadmissible surtout quand, comme dans l'espèce, le banquier absorbe pour lui-même tous les titres, sauf le très petit nombre nécessaire pour que le minimum de sept souscripteurs, exigé par la loi, soit atteint. Il est vraisemblable que la recherche de souscripteurs a été fictive de la part du banquier, et qu'il a entendu souscrire tous les titres, ne cherchant des tiers souscripteurs que pour échapper à un cas de nullité de la société.

Cependant certains auteurs, qui n'admettent pas, en principe, que le banquier souscripteur puisse recevoir une commission, décident le contraire, si le banquier, ayant garanti la souscription intégrale, s'est trouvé obligé de prendre pour son compte les actions qui n'ont pas trouvé de souscripteurs. V. Houpin, Journ. des soc., 1902. p. 148. Un jugement a été rendu en ce sens. V. Trib. comm. de la Seine, 25 nov. 1909 (Journ. des soc., 1911, p. 457). On a essayé de justifier cette solution, en disant que la commission est alors la rémunération de la garantie promise par le banquier que l'émission réussirait. Cela revient à dire que le banquier peut

il a déposé son rapport, dans lequel il évaluait le total des apports, terrains, bâtiments et matériel, à la somme de 1.361.775 fr.: qu'il indiquait que l'usine contenait un matériel perfectionné, pouvant écraser 500 quintaux métriques de blé par vingtquatre heures, ainsi que deux machines à vapeur de 200 chevaux chacune, alimentées par trois chaudières; que, le 17 déc. 1906, seconde assemblée constitutive approuvait les apports, et nommait comme membres du conseil d'administration Arthur et Johanito Tramoy, Fernand et Gonzague de Bellescize, Félix Augerd et Pierre Sauzey; qu'à peu de temps de là, Pierre Sauzey et Félix Augerd ont été remplacés par Maurice Brosset-Heckel et André Hachette; qu'un nouvel administrateur a été nommé en la personne de Léon Lambert, puis que Morel a été nommé administrateur à la place de Johanito Tramoy, puis Damey à la place de Morel; que, suivant délibération du 24 janv. 1907, le conseil d'administration a pris la décision d'émettre 1.200 obligations de 500 fr. chacune, avec affectation hypothécaire à leur profit de l'immeuble où s'exploitait la minoterie; que, le 9 févr. 1909, une assemblée générale extraordinaire a voté la dissolution de la société, et que Feys et Labbé ont été nommés liquidateurs; Attendu que c'est dans ces circonstances de fait que, par exploits du 10 et du 16 sept. 1909, Moreteau et la dame Catherine Revet, épouse séparée de biens de Giffard, assistée et autorisée de son mari, ont fait assigner Fernand de Bellescize, pris en qualité de président du conseil d'administration de la Société lyonnaise de Minoterie, André Hachette, Arthur Tramoy, Johanito Tramoy, Maurice Brosset-Heckel, Gonzague de Bellescize, Léon Lambert, en qualité d'administrateurs de la même société, en paiement solidaire, outre intérêts de droit et dépens, de la somme de 10.000 fr., mon

stipuler une rémunération pour les titres qu'il souscrirait lui-même; car la garantie consiste dans un engagement de prendre les titres qui ne trouveront pas d'autres preneurs. Or, nous avons dit que, d'après une doctrine et une jurisprudence unanimes, cette rémunération n'est pas légitime. V. Paris, 10 août 1888 (sol. implic.), précité; Paris, 9 août 1895 (sol. implic.), précité, et les notes.

Au reste, nous rappelons que, dans l'espèce, les choses ne s'étaient pas passées ainsi : le souscripteur n'était pas un intermédiaire; il ne s'était adressé aux tiers que dans la mesure nécessaire pour réunir le nombre minimum d'actionnaires fixé par la loi. Aussi est-ce en théorie générale que l'arrêt ci-dessus recueilli admet la légitimité d'une rémunération. Et il se fonde sur l'idée que les intéressés n'ont pas été trompés sur le montant des capitaux restés disponibles pour l'exploitation, les statuts ayant placé parmi les charges de la société les frais de l'émission des actions.

Cet argument n'a aucune valeur. S'il est exact que, pour pouvoir être mises à la charge de la société, les commissions des intermédiaires doivent avoir été prévues dans les statuts, la société ne pouvant être engagée pour les dépenses antérieures à sa constitution et qui ne lui profitent pas (V. Paris, 2 janv. 1906, Journ. des soc., 1906, p. 211), l'insertion aux statuts n'est pas suffisante pour

tant de 20 obligations de ladite société souscrites par Moreteau, et de la somme de 4.500 fr., montant de neuf obligations souscrites par la dame Giffard, le tout avec les intérêts desdites sommes, à 4 12 p. 100 à dater du prêt, et déduction faite des coupons détachés; -Attendu que, par exploits du 26 et du 28 févr. 1910, dame veuve Martin, Sainte-Marie Champagne, Pierre Reynaud, agissant en qualité de tuteur des mineurs Georges et Charles Gachot, Auguste Dargent, G. Dumont, demoiselle Grateloup, J. Célard, Edmond Bournet, Paul Sermet, demoiselle Diot, dame veuve Sauzion, Claude Goin, Henri Gourdon, ont fait assigner les susnommés et également Félix Augerd, Pierre Sauzey, Morel et Damey, en qualité d'administrateurs de la Société lyonnaise de Minoterie, et, en outre, Feys et Labbé, en qualité de liquidateurs de ladite société; que leurs conclusions tendent à faire prononcer la nullité de la Société lyonnaise de Minoterie, et, soit comme conséquence de cette nullité, soit à raison des fautes personnelles des administrateurs, à faire condamner solidairement lesdits administrateurs à leur rembourser, outre intérêts et dépens, le montant des obligations souscrites par eux, soit la somme totale de 53.835 fr.; Attendu que, par exploits des 9 et 12 mars 1910, Moreteau et dame Catherine Revet, épouse séparée de biens de Giffard, reprenant en tant que de besoin leur instance introductive des 10 et 16 sept. 1909, se joignent à l'instance de dame veuve Martin et consorts, contre tous les défendeurs assignés par ces derniers; qu'ils réclament, outre intérêts et dépens, Moreteau, la somme de 10.000 fr., dame Giffard, celle de 4.500 fr.; qu'ils réclament, en outre, les intérêts, à 4 1/2 p. 100 l'an, des sommes versées par eux; qu'ils réclament encore. Moreteau, la somme de 1.000 fr., à titre de dommages-intérêts, et la dame Giffard celle

obliger la société. Une commission, qui a pour effet de sanctionner une émission faite au-dessous du pair, est, comme nous l'avons montré, illicite. 11 importe peu que les tiers soient informés par les statuts, puisque la loi interdit toute clause des statuts par l'effet de laquelle la souscription ne serait pas intégrale.

(1-2) Suivant l'art. 4 de la loi du 24 juill. 1867, c'est seulement pour cause de dol et de fraude qu'on peut attaquer l'évaluation d'un apport, quand cette évaluation a été approuvée par l'assemblée constitutive. V. la note sous Paris, 11 mars 1907 (S. et P. 1908.2.9; Pand. pér., 1908.2.9), et les renvois. L'incompétence des commissaires chargés de donner leur avis sur la valeur des apports n'est pas une clause de nullité, non plus que la précipitation ou la négligence avec laquelle ils ont procédé. V. Trib. comm. de Lyon, 13 août 1900 (Journ. des soc., 1901, p. 266). Cependant, s'appuyant sur ce que l'absence de vérification est, suivant les art. 4 et 7 combinés de la loi de 1867, une cause de nullité de la société, on a quelquefois décidé que la société est nulle, si le commissaire a accepté sans contrôle l'affirmation des fondateurs ; il n'y a pas eu, en ce cas, a-t-on dit, de véritable vérification. V. Lyon, 14 juin 1895 (Journ. des soc., 1895, p. 498).

ALBERT WAHL.

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de 500 fr..; Attendu que toutes ces instances sont connexes; qu'il y a lieu de les joindre, pour statuer sur elles par un seul et même jugement; Attendu que Feys et Labbé, ès qualité, demandent qu'il leur soit donné acte qu'ils s'en rapportent à justice; Attendu que de Bellescize et consorts résistent à la demande; qu'ils concluent à ce que les demandeurs soient déboutés de leur demande et condamnés aux dépens;

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Attendu que Brosset-Heckel conclut, en outre, à l'irrecevabilité de la demandé; qu'il prétend que les demandeurs ne sont pas des souscripteurs, un syndicat d'émission ayant souscrit ferme la totalité des obligations; Attendu qu'Augerd ne comparaît pas, et qu'il y a lieu de statuer par défaut à son égard;

Attendu que les demandeurs soutiennent 1° que la Société lyonnaise de Minoterie est nulle, pour défaut de versement du premier quart des actions et pour majoration des apports à défaut de vérification; 2° que leur consentement, au moment de leur souscription, a été vicié par les renseignements inexacts d'une circulaire, sous le couvert des noms de Fernand de Bellescize, président, Johanito Tramoy, administrateur, Arthur Tramoy, administrateur, Gonzague de Bellescize, administrateur; Pierre Sauzey, administrateur; Félix Augerd (rayé et remplacé à la plume par Maurice Brosset-Heckel, administrateur); Léon Lambert, président du Syndicat de la boulangerie, administrateur; 3o que des dommages-intérêts leur sont dus en raison des fautes de gestion commises par tous les administrateurs ci-dessus assignés; Attendu qu'il y a lieu d'examiner successivement les divers arguments des demandeurs; mais qu'il échet, en premier lieu, de statuer sur l'irrecevabilité opposée par un des défendeurs;

« Sur la fin de non-recevoir opposée par Brosset-Heckel : Attendu que BrossetHeckel soutient que l'action actuellement exercée contre les anciens administrateurs ne serait pas recevable, parce que les demandeurs auraient acheté les obligations dont ils sont porteurs d'un syndicat qui les aurait souscrites ferme; que, par conséquent, c'est contre ce syndicat vendeur seul que peuvent être dirigées toutes actions nées de la vente, soit pour cause de vice de consentement (erreur, dol, etc.), soit en garantie pour vices cachés (C. civ., 1641), mais non contre les anciens administrateurs, demeurés en cette qualité étrangers au contrat de vente; Attendu que, pour apprécier cette fin de non-recevoir, il faut d'abord observer que l'action des demandeurs n'a pour objet, ni de faire prononcer la nullité de l'achat des obligations pour vice du consentement, ni d'obtenir une garantie qui serait due exclusivement par le vendeur; qu'au contraire, se prévalant de leur qualité d'obligataires, ce qui suppose nécessairement la validité de la vente, les demandeurs fondent leur action en dommages-intérêts (C. civ., 1382) sur les conséquences préjudiciables, soit de la nullité de la société pour diverses causes qu'ils allèguent, et dont ils prétendent que les anciens administrateurs doivent répondre, soit de fautes

de gestion qu'ils imputent aux mêmes administrateurs, soit encore de la complicité dont les administrateurs se seraient rendus coupables dans l'usage de la circulaire incriminée, grâce à laquelle aurait été obtenu le consentement des souscripteurs d'obligations; - Attendu, dès lors, sans qu'il y ait à apprécier, quant à présent, si ces griefs sont justifiés ou non, qu'il suffit de retenir que l'action a pour objet la réparation d'un dommage qui serait la conséquence de fautes personnellement imputables, en fait et en droit, soit aux administrateurs alors en fonctions, soit aux fondateur et apporteurs, et que, par suite, l'action dirigée contre eux est recevable;

« Au fond : Attendu que les demandeurs, dans le dernier état de leur procédure, demandent condamnation conjointe et solidaire au paiement des sommes qu'ils ont déboursées pour devenir obligataires, outre intérêts de droit, contre F. de Bellescize, G. de Bellescize, André Hachette, A. Tramoy et J. Tramoy, Brosset-Heckel, L. Lambert, P. Sauzey, Félix Augerd, Morel, Damey; qu'ils expliquent qu'ils ont été déterminés à souscrire ou acquérir les obligations émises par la Société lyonnaise de Minoterie par le vu d'une circulaire contenant des renseignements inexacts, soit sur la valeur réelle des apports, soit surtout sur la puissance de production des moulins; que la société émetteur doit être déclarée nulle, parce qu'une partie seulement des actions formant le capital social a été réellement souscrite, le reste ayant été l'objet d'une souscription fictive; que, d'ailleurs, le premier quart n'a pas été intégralement versé; qu'enfin, la valeur des apports a été considérablement majorée, et que ces apports n'ont pas été sérieusement vérifiés; que les demandeurs ajoutent encore que le dommage résultant de ces causes de nullité a été aggravé par des fautes de gestion imputables aux administrateurs en fonctions; Sur la nullité : - Attendu que ce grief ne peut atteindre que le fondateur et les administrateurs en fonctions lors de la constitution; que, par ce motif, il y a lieu de dire qu'aucune responsabilité ne pourrait incomber à Brosset-Heckel, ni à André Hachette, ni à Damey, qui ne sont entrés au conseil que bien après la constitution de la société, et en remplacement de trois membres démissionnaires du premier conseil ; - Sur la souscription du capital et le versement du premier quart: - Attendu que les demandeurs proposent, comme preuve de fictivité d'une partie considérable de la souscription, cette circonstance que Pierre Sauzey a souscrit un nombre d'actions absolument hors de proportion avec sa fortune, à ce point que, pour libérer le premier quart des actions à son nom, il a dû recourir à un emprunt qu'il a remboursé quelques jours après; Mais attendu qu'il ressort des documents de la cause et des explications contradictoires à l'audience que Pierre Sauzey s'est chargé à forfait du placement de toutes les actions composant le capital social, et qu'il a dû, en vertu de son engagement même, prendre personnellement à sa charge les actions qu'il n'était pas parvenu à placer dans le

public; que le premier quart, sur toutes les actions ainsi souscrites par Pierre Sauzey, a été intégralement versé; que cette constatation suffit, du moment que ce versement n'a pas été fictif; qu'en effet, il importe peu que cette libération ait été faite par le souscripteur au moyen d'un emprunt, dès l'instant que cet emprunt a été réel et sérieux;

Attendu que les demandeurs alleguent que ce versement n'aurait pas été complet, parce que, après sa constitution, la société a payé à Pierre Sauzey une somme de 65.000 fr., à titre de commission d'émission; Mais attendu qu'il n'apparaît pas qu'aucune loi, ni aucun principe de droit s'opposent à l'exécution d'un contrat de commission régulièrement convenu avec l'émetteur des actions, si les statuts, comme en l'espèce (art. 46), ont expressément prévu, parmi les charges incombant à la société à Toccasion de sa constitution, les frais de l'émission des actions; qu'en effet, en pareil cas, les intéressés ne sont pas trompés sur l'évaluation du montant des capitaux devant rester disponibles pour l'exploitation de l'entreprise sociale; qu'il en serait autrement dans le seul cas où le taux de la commission excéderait notablement les prévisions permises; qu'en l'espèce, la commission, calculée à raison de 10 p. 100 des titres à placer, n'a rien d'anormal ni de contraire aux usages communément suivis en cette matière; Attendu, enfin, que toutes les actions primitivement souscrites par Pierre Sauzey ont été intégralement libérées, soit par lui, soit par les porteurs auxquels il les a ultérieurement cédées; que, dès lors, en admettant même la fictivité prétendue de la souscription et la nullité consécutive, il faut reconnaître que la société n'en aurait souffert aucun préjudice, et que, par suite, aucune responsabilité à l'égard des obligataires ne peut légalement peser de ce chef sur le fondateur et les administrateurs;

« Sur la majoration des apports et le défaut de vérification: Attendu que les demandeurs allèguent que le commissairevérificateur Delorme n'avait aucune compétence, au point de vue technique et industriel, pour apprécier la valeur de la minoterie apportée; qu'en fait, la puissance. productive des moulins n'a pu dépasser 300 quintaux par jour, au lieu de 500 annoncés; que le matériel était vieux, usé, et peu en rapport avec les progrès de cette industrie; qu'enfin, la valeur des immeubles a été considérablement majorée; Attendu, en la forme, que l'approbation de la rémunération des apports, régulièrement donnée par l'assemblée générale, ne peut être méconnue que s'il est établi que le consentement de l'assemblée a été surpris par des manoeuvres dolosives qui doivent être précisées; que, à cet égard, les demandeurs se sont bornés à indiquer que la manœuvre aurait consisté dans la production du rapport du commissaire-vérifica teur, insuffisamment et incomplètement étudié; Attendu qu'il est constant que le matériel industriel apporté par les consorts Tramoy à la société n'avait pas toute la perfection désirable; qu'il était ancien, d'un entretien coûteux, et donnait des produits médiocres; que cela résulte mani

festement des déclarations fréquemment faites par le conseil d'administration aux assemblées d'actionnaires, déclarations qui indiquent l'insuffisance ou les défectuosités du matériel comme constituant l'une des causes de l'échec de l'entreprise sociale: que l'évaluation des apports a même été certainement exagérée, puisque, pour ce motif, les propriétaires d'actions d'apport ont renoncé, au profit des propriétaires d'actions de numéraire, à toute participation à l'actif social; - Mais attendu que le matériel n'a jamais été déclaré comme neuf, les statuts excluant, au contraire, tous recours en garantie contre les appor teurs pour cause de vétusté; Attendu que toutes les choses promises ont été apportées et dans les conditions convenues;

Attendu que les justifications produites par Tramoy établissent que les machines à vapeur pouvaient donner une force de 200 chevaux chacune; Attendu, quant à la puissance productive des moulins, que les broyeurs pouvaient écraser 500 quintaux de blé par vingt-quatre heures, ce qui ressort techniquement de leurs dimensions; que, si, cependant, la société n'a pu parvenir à transformer en farine, par vingt-quatre heures, pareille quantité de blé, c'est qu'elle a cru devoir produire une qualité supérieure, qui exige, pour le convertissage, des manutentions en vue desquelles l'usine n'était pas primitivement organisée; Attendu, quant aux immeubles, qu'une expertise officieuse, faite à la demande du conseil d'administration, a fixé cette valeur à un chiffre sensiblement égal à l'évaluation présentée par le commissaire-vérificateur; qu'il serait souverainement injuste et inexact de se baser sur le prix de vente, après dépôt du bilan, d'une usine dont l'industrie est morte, pour apprécier la valeur antérieure de cette usine apportée en pleine marche; Attendu, enfin, que la majoration commise dans l'évaluation des apports et constatée dans la suite ne saurait entraîner la nullité de la société, si elle a eu lieu de bonne foi; que, sur ce point, aucune contestation n'est, en fait, possible; que le commissaire, architecte honorablement connu, avait toute compétence pour l'évaluation des immeubles; qu'il a indiqué les bases de son évaluation, fournissant ainsi aux actionnaires le moyen d'en contrôler l'exactitude; que, si sa compétence sur le matériel industriel est discutable, on doit remarquer, 'd'autre part, que l'erreur commise sur ce point l'a été par l'assemblée des actionnaires, qui connaissait la profession de son commissaire, et aurait évidemment dù s'adresser, pour l'évaluation du matériel, à un technicien; mais que la vérification des apports n'en a pas moins été faite de bonne foi, et leur approbation donnée en

(1) A la différence des lois du 5 juill. 1844 et du 23 juin 1857, qui ont réservé aux tribunaux civils la connaissance des actions à fins civiles relatives à la contrefaçon des inventions brevetées et des marques de fabrique ou de commerce, les lois des 19-24 juill. 1793 et 11 mars 1902 ne contiennnent aucune disposition attribuant aux tribunaux civils la connaissance exclusive des actions ayant trait à la propriété des dessins protégés par

toute liberté du consentement des actionnaires; que, spécialement, en s'abstenant d'appeler en cause le commissaire-vérificateur, les demandeurs ont reconnu qu'il n'avait commis aucune faute engageant sa responsabilité; que, de ce qui précède, il résulte qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la société, pour défaut de vérification ou majoration des apports;

Sur le grief tiré de la circulaire, qui aurait déterminé les demandeurs à souscrire ou acheter des obligations: Attendu qu'en fait, cette prétendue cause déterminante n'est pas établie; mais que, si cette cause est réelle, les défendeurs n'en sont pas, pour autant, responsables; qu'en effet, il résulte des documents et renseignements fournis à l'audience, et en particulier des bordereaux de l'agent de change Ducurtyl, que les demandeurs n'ont pas souscrit eux-mêmes leurs titres, mais les ont achetés des membres d'un syndicat, lequel avait souscrit la totalité de l'émission; que, par suite, la circulaire eût-elle exercé une influence sur les demandeurs, ceux-ci devraient en faire grief à leurs vendeurs seuls, à moins qu'ils n'établissent la participation personnelle des défendeurs à l'usage abusif de la circulaire, ce qui n'est pas; qu'il suffit même de lire la circulaire dont s'agit pour s'assurer qu'elle n'a pas été publiée en vue de la souscription des obligations, puisqu'il n'y est mème pas fait allusion à l'émission de ces obligations, aux conditions ni aux garanties offertes: que, si le vendeur des titres a usé, pour vendre, de cette circulaire, lui seul peut avoir à répondre de cet usage manifestement imprévu; qu'enfin, il est évident que le conseil a été étranger à cette circulaire, qui, d'ailleurs, si elle contient des prévisions qui ne se sont pas réalisées, ne renferme aucune allégation mensongère;

« Sur les fautes de gestion : Attendu qu'en dernière analyse, les demandeurs se bornent à reprocher aux anciens administrateurs de ne pas avoir provoqué la dissolution, alors que, dès le 1er avril 1908, ils étaient fixés sur l'exagération des apports, l'impossibilité absolue de fonctionner dans les conditions conformes aux prévisions sociales, et la perte de la presque totalité du capital eu égard à la non-valeur des apports; Attendu que tous les autres griefs de gestion, indiqués sommairement dans les exploits introductifs, paraissent aussi abandonnés; que, d'ailleurs, ils sont couverts par le quitus absolu et définitif, donné en connaissance de cause par l'assemblée générale du 9 févr. 1909; Attendu que rien n'établit que le conseil ait été dans le cas d'appliquer les art. 40 et 43 des statuts, autorisant la dissolution anticipée de la société, en cas de perte de la

ces lois. On en conclut que, conformément au droit commun (C. comm., 631), les tribunaux de commerce sont compétents pour connaitre de l'action en contrefaçon d'un de ces dessins, lorsqu'elle est engagée par un commerçant contre un autre commerçant, et dérive de faits relatifs à l'exercice du commerce ou de l'industrie de ce dernier. V. Paris, 25 mai 1889 (Ann, de la propr. industr., 1892, p. 167); Paris, 18 nov. 1909 (Id., 1910,

moitié du capital social; qu'en effet, d'après les demandeurs, la perte du capital proviendrait de ce qu'ils passent par zéro la valeur des apports; mais qu'on ne saurait accepter, après ce qui vient d'être dit sur ces mêmes apports, semblable procédé pour l'établissement d'un bilan; qu'en tout cas, cette dépréciation anormale ne s'imposait pas; qu'au contraire, les administrateurs ont, depuis la clôture du premier exercice, fait tous leurs efforts, soit pour éclairer les actionnaires sur les périls de la situation de l'entreprise sociale, soit pour remédier à ces périls; qu'ainsi, il n'apparaît pas que les administrateurs aient commis les fautes alléguées; tendu que, dans ces conditions, les demandeurs ne font pas la preuve de la responsabilité personnelle des administrateurs, pour le remboursement des obligations ou le paiement de dommages-intérêts; Par ces motifs, etc. ».

Appel par MM. Giffard et autres.

ARRÊT.

At

LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges; Par ces motifs; Confirme, etc.

Du 6 mars 1912.

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M. Auzière, ler prés.

- C. Lyon, Ire ch.

PARIS 24 octobre 1912. PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE OU ARTISTIQUE, DESSINS ET MODÈLES, OBJETS D'ORFEVRERIE, CONTREFAÇON, CONTESTATION ENTRE COMMERCANTS, TRIBUNAL DE COMMERCE, COMPÉTENCE (Rép., vis Contrefaçon, n. 286 et s., Dessins et modèles, n. 185 et s.; Pand. Rép., vo Propriété littéraire, etc., n. 2641 et s.).

Si, d'après les lois du 5 juill. 1844 et du 23 juin 1857, les tribunaux de commerce ne peuvent connaitre des actions en contrefaçon de brevet d'invention ou de marque de fabrique, aucune disposition de loi n'ayant attribué aux tribunaux civils compétence exclusive pour statuer sur les actions ayant trait à la propriété ou à la contrefaçon des dessins et modèles protégés par les lois des 19-24 juill. 1793 et 11 mars 1902 ou des dessins et modèles protégés par les lois des 18 mars 1806 et 14 juill. 1909, le tribunal de commerce est compétent pour connaitre d'une action à fins civiles, à raison de la contrefaçon d'objets d'orfèvrerie protégés par les lois des 19-24 juill. 1793 et 11 mars 1902, lorsque cette action est engagée par un commerçant contre un autre commerçant, et que les faits de contrefaçon ont été commis par ce dernier dans l'exercice de son commerce (1) (C. comm., 631; LL. 19-24 juill. 1793; 18 mars 1806; 5 juill, 1844; 23 juin 1857; 11 mars 1902 et 14 juill. 1909).

p. 157); Renouard, Tr. des dr. d'auteur, t. 2, p. 421; Pouillet, Tr. des dessins et modèles, 5o éd., par Taillefer et Claro, n. 693.

La question se posait en termes différents, sous l'empire de la loi du 18 mars 1806, relative aux dessins et modèles industriels, pour l'action en contrefaçon des dessins et modèles de fabrique protégés par cette loi, à raison de la disposition de l'art. 15, portant que ⚫ tout fabricant, qui voudra

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