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cevait de l'agence Piguet et Cie un bulletin détaillé, lui confirmant la solvabilité de N... dans les termes suivants : « N..., grains, 57, rue de Paris, à V..., fait depuis longtemps le commerce de grains et pâtes alimentaires sur une assez grande échelle; il possède des ressources mobilières et immobilières, travaille et marche bien, fait de bonnes affaires, et sa situation est, en ce moment, favorablement jugée à tous les points de vue; on estime donc qu'on peut lui consentir un crédit de 2.000 fr., comme celui indiqué » ; — Considérant que des renseignements aussi nets, précis et détaillés devaient infailliblement produire sur l'esprit de Crépin une profonde impression, l'incitant à expédier sa marchandise, sans se préoccuper de contrôler ces indications à une autre source; qu'on ne saurait donc, en aucune façon, lui faire un grief de ne pas avoir eu recours à ce moyen; Considérant que les renseignements fournis par Piguet et Cie n'étaient pas seulement grossièrement inexacts, mais absolument faux et inventés de toutes pièces; qu'il résulte, en effet, des documents versés aux débats, et non contestés par Piguet et Cie, que N... avait quitté la commune de V... depuis le 15 sept. 1907, et qu'il s'y faisait seulement adresser sa correspondance qu'il venait y chercher; que des négociants, auxquels N... s'était adressé pour traiter des affaires, au cours du mois de novembre 1907, avaient recueilli sur lui des renseignements si défavorables qu'ils avaient refusé d'entrer en relations avec lui, les avis reçus indiquant, les uns, qu'il était inconnu à V.., les autres que c'était un chevalier d'industrie; Considérant, dès lors, que Piguet et Cie ont trompé Crépin, en lui fournissant les renseignements susindiqués, et commis, vis-à-vis de celui-ci, une faute lourde assimilable au dol; qu'ils doivent, en conséquence, être rendus responsables de la totalité des marchandises qu'il a livrées, soit 1.504 fr. 50, montant de la traite à échéance du 29 déc. 1907, et protestée à cette date; Considérant, enfin, que Crépin a droit à des dommages-intérêts pour le dommage qu'il a subi, résultant des démarches qu'il a dû faire à l'occasion de ce procès, des dépenses, déplacements, perte de temps, etc.; que la Cour possède des éléments suffisants d'appréciation pour fixer ces dommages-intérêts à la somme de 100 fr.; Par ces motifs; Dit et prononce qu'André Piguet et Cie ont commis une faute lourde vis-à-vis de Crépin, et que la clause de non-garantie ne peut les exonérer des conséquences de cette faute lourde, etc.

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(1) V. dans le même sens, Pau, 22 juill. 1912 (S. et P. 1912.2.271; Pand. pér., 1912.2.271), la note et le renvoi.

(2) Au cas d'accident du travail rentrant sous l'application de la loi du 9 avril 1898, - et la jurisprudence reconnaît que le bénéfice de cette loi peut être invoqué contre l'Etat par les agents des postes préposés au transport de la correspondance (V. Cass. 27 oct. 1909, S. et P. 1912.1.28; Pand. pér., 1912.1.28; Toulouse, 11 oct. 1910, S. et P. 1912.2.72; Pand. pér., 1912.2.72, les notes et renvois; Pau, 27 juill. 1912, S. et P. 1912.2.271;

Du 9 mai 1912. - C. Lyon, 2 ch. MM. Dagallier, prés. ; Poujaud (du barreau de Paris) et Dulac, av.

TOULOUSE 24 juillet 1912.

OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, LOI DU 9 AVRIL 1898, ADMINISTRATION DES POSTES, BUREAUX AMBULANTS, EMPLOYÉ, COMP. DE CHEMINS DE FER, RECOURS, TIERS RESPONSABLE, INDEMNITÉ, INCAPACITÉ TEMPORAIRE, ALLOCATION D'UN CAPITAL (Rép., vo Responsabilité civile, n. 1507 et s.; Pand. Rép., Suppl., vo Travail, n. 447 et s.).

Les agents, préposés par l'Administration des postes au service des bureaux ambulants, n'étant pas mis par l'Etat à la disposition de la Comp. de chemins de fer, chargée de la traction des bureaux ambulants, et la Comp. n'ayant pas la direction de leur travail, la Comp. de chemins de fer, au cas d'accident survenu à un employé des postes, en cours de transport, par suite d'un déraillement, ne peut être actionnée qu'en qualité de tiers responsable, confor mément à l'art. 7 de la loi du 9 avril 1898 (1) (C. civ., 1382; LL. 9 avril 1898, art. 7; 22 mars 1902).

Lorsque l'accident, à l'occasion duquel une action en responsabilité est formée contre le tiers responsable, dans les termes de l'art. 7 de la loi du 9 avril 1898, n'a pas entraine d'incapacité permanente, l'indemnité que le tiers responsable est condamné à servir à la victime peut être allouée sous forme de capital (2) (LL. 9 avril 1898, art. 7; 22 mars 1902). Sol. implic. (Dubos C. Chem. de fer du Midi). — ARRÊT.

--

LA COUR; Vu le jugement du 9 févr. 1912, par lequel le tribunal civil de Castelsarrasin a condamné la Comp. des chemins de fer du Midi à payer au sieur Dubos une indemnité de 10.000 fr., à raison du préjudice qu'il a subi à la suite de l'accident de Grisolles; Attendu que la Comp. du Midi a relevé appel de cette décision, et qu'elle soulève, à l'appui de son appel deux moyens l'un principal, tiré de la fausse application à l'espèce, de l'art. 1382, C. civ.; l'autre subsidiaire, tiré de l'exagération de l'indemnité accordée; Sur le premier moyen : Attendu que la Comp. a été condamnée, par application de l'art. 1382, C. civ., alors que les employés du service des postes ne pourraient, d'après elle, se prévaloir, à raison des accidents de chemin de fer dont ils sont victimes dans leur travail, que de la loi

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Pand. per., 1912.2.271), lorsque la victime de l'accident intente une action en dommages-intérêts contre le tiers responsable, elle ne peut le faire que dans les conditions prévues par l'art. 7 de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 22 mars 1902; et, d'après cette disposition, l'indemnité due par le tiers responsable doit être obligatoirement allouée sous forme de rente, servie par la Caisse nationale des retraites, lorsque, l'accident a entraîné une incapacité permanente ou la mort ». V. Toulouse, 11 oct. 1910, précité, et la note. Mais c'est seulement dans l'hypothèse où l'acci

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forfaitaire du 9 avril 1898;

Attendu que l'art. 7 de la loi précitée a réservé aux victimes d'accidents, en dehors des droits qu'elle leur confère contre le patron, le recours, en vertu de l'art. 1382, contre le tiers qui, par sa faute, a occasionné l'accident; Attendu qu'au moment où l'accident s'est produit, à proximité de la gare de Grisolles, le 8 nov. 1908, l'intimé effectuait son service dans le wagon-poste, et qu'il s'agit de savoir si, vis-à-vis de lui, la Comp. du Midi doit être considéréé comme un tiers; - Attendu que la Comp. appelante soutient qu'en fournissant la traction aux bureaux ambulants, elle est l'auxiliaire et la collaboratrice de l'Administration des postes; qu'elle participe, dans une certaine mesure, à ce service public, et qu'elle doit être considérée, tout au moins, comme la préposée du patron, c'est-à-dire de l'Administration des postes;

-

- Mais attendu qu'il n'existe, entre Dubos et la Comp. du Midi, aucun lien de droit; que Dubos n'a, à aucun moment, été mis par l'Etat à la disposition de la Comp. du Midi pour effectuer un travail quelconque, et que l'Etat n'a jamais abdiqué la direction du travail entre les mains de la Comp. du Midi ou d'un de ses agents; - Attendu que le rôle de la Comp. des chemins de fer visà-vis de l'Administration des postes n'est autre que celui d'un transporteur, c'est-àdire d'un tiers responsable; qu'ainsi, le moyen invoqué doit être rejeté; - Sur le quantum de l'indemnité: - Attendu qu'il est constaté que Dubos, victime de l'accident de Grisolles, n'a conservé des suites de ses blessures qu'un certain ébranlement du système nerveux, qui se traduit par une légère phobie des accidents, et qui n'aura pas un caractère permanent; qu'il s'est fait admettre à une fonction sédentaire, moins bien rétribuée, mais aussi beaucoup moins pénible; que l'indemnité qui lui a été accordée est exagérée; qu'il y a lieu de la réduire et, faisant droit sur ce point à l'appel principal, de rejeter l'appel incident; Par ces motifs; Dit que la Comp. du Midi est un tiers, par rapport au sieur Dubos, employé de l'Administration des postes; Rejette, en conséquence, le moyen tiré de la fausse application de l'art. 1382, C. civ., et confirme le jugement; Le confirme également en ce qui concerne le principe de l'indemnité, mais la réduit à 5.000 fr., etc.

Du 24 juill. 1912. C. Toulouse. MM. Martin, 1er prés.; Cumenge, av. gén.: Hubert et Duhil (ce dernier du barreau de Paris),

av.

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ROUEN 4 juin 1910.

BAIL A LOYER, PUITS, CONTAMINATION DES EAUX, FIEVRE TYPHOÏDE, LOCATAIRE, CAUSE INCONNUE, FORCE MAJEURE, BAILLEUR, RESPONSABILITÉ (Rép., vo Bail à loyer, n. 38 et s.; Pand. Rép., vis Bail en général, n. 514 et s., 676 et s., 960 et s., Bail à loyer, n. 16 et s., 53 et s.).

(1) La communication de la fièvre typhoïde par l'usage d'une eau contaminée, provenant d'un puits existant dans un immeuble loué, engaget-elle, vis-à-vis d'un locataire, la responsabilité du propriétaire de l'immeuble? C'est la question qui s'est posée devant la Cour de Rouen. La Cour n'a pas cru pouvoir admettre cette responsabilité, mais, pour justifier sa décision, elle invoque plutôt des raisons de fait que des raisons de droit. Le rapport des médecins désignés comme experts considérait comme très probable, mais non pas comme absolument certain, le fait que deux personnes atteintes de fièvre typhoïde l'avaient contractée en buvant l'eau souillée d'un puits situé dans la maison qu'elles habitaient. D'où provenait cette contamination du puits? Ici encore, les experts se gardaient de rien affirmer; il ne leur paraissait pas établi que les eaux eussent été souillées par des infiltrations provenant de la fosse d'aisances insuffisamment étanche; ils étaient plus disposés à croire que la contamination avait pour cause l'imprudence d'une autre locataire, qui avait lavé au-dessus du puits le linge d'un malade atteint de typhoïde. Mais cette cause ne fournissait qu'une explication plausible; on devait encore envisager la possibilité d'une contamination résultant d'une cause inconnue. De toutes façons, le propriétaire n'avait commis aucune faute, puisque la contamination ne pouvait être attribuée qu'à des faits indépendants de lui, qu'il n'avait pu ni prévoir ni prévenir; la Cour le met donc hors de cause, estimant que ces faits constituaient à son égard un véritable cas de force majeure.

Ainsi motivée, la décision rendue ne nous paraît pas critiquable; mais peut-être n'est-il pas inutile d'envisager, en elle-même, une difficulté qui, dans l'espèce, a été plutôt éludée que résolue.

I. De plus en plus, dans les villes, même dans les campagnes, la jouissance d'une eau potable est comprise parmi les avantages que le bail de maison assure aux locataires. La plupart des règlements sanitaires municipaux, édictés en exécution de l'art. 1o de la loi du 15 févr. 1902, sur la santé publique, exigent que toute maison d'habitation soit pourvue d'une alimentation d'eau potable. V. par exemple, le règlement sanitaire de la ville de Montpellier, et le commentaire explicatif de notre collègue M. Moye (Montpellier, 1907), sur les art. 23 et 46. C'est une des exigences que le Conseil d'Etat considère comme régulières et conformes à la loi. V. Cons. d'Etat, 5 juin 1908, Marc (1 espèce) (S. et P. 1909.3.113; Pand. pér., 1909.3. 113), les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Teissier, et la note de M. Hauriou; 15 janv. 1909, Vial et autres (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 30). Il est généralement spécifié que cette eau potable doit être pure et salubre. Les règlements prennent soin d'indiquer les précautions que doit prendre le propriétaire pour mettre les puits et citernes à l'abri de toute contamination. Ainsi, d'après le règlement précité de la ville de Montpellier, les puits ne peuvent être utilisés pour l'alimentation privée ou publique qu'à titre exceptionnel et provisoire, dans les quartiers dépourvus de canalisaANNÉE 1913. - 5° cah.

Au cas où des locataires d'un immeuble ont été atteints de fièvre typhoïde par suite de la contamination des eaux du puits desservant l'immeuble, le propriétaire de l'immeuble ne saurait être déclaré responsable, alors qu'il n'est pas établi que les eaux avaient été contaminées, soit par des infiltrations provenant de la fosse d'aisances de l'immeuble, soit même par suite

tions d'eau et de fontaines publiques, après avis conforme du service d'hygiène. Les puits bénéficiant d'une autorisation doivent être protégés contre les infiltrations superficielles par un mur entourant leur orifice et ayant au moins 80 centimetres de hauteur. Le pied du mur est protégé par un trottoir bétonné de 2 mètres de largeur, l'entourant entièrement, et présentant une pente allant du centre vers la périphérie. Les puits ainsi conservés et utilisés doivent être tenus en parfait état de propreté et ne recevoir aucun retour d'eau, de quelque nature que ce soit (art. 47). Si le propriétaire méconnaît ces prescriptions, si, par sa faute, son imprudence ou sa négligence, l'eau du puits est contaminée et malsaine, dans tous ces cas, il nous paraît certain que sa responsabilité peut être considérée comme engagée au regard du locataire atteint dans sa santé ou dans celle des siens. L'art. 1721, C. civ., qui déclare le bailleur garant des vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, est entendu par la plupart des auteurs et par la pratique dans le sens le plus large toute incommodité présentant une certaine gravité est considérée comme équivalant à l'impossibilité d'user des lieux loués. V. Paris, 9 nov. 1908 (S. et P. 1909.2.36; Pand. pér., 1909.2.36); Cass. 26 juill. 1909 (S. et P. 1909.1.446; Pand. pér., 1909.1.446); Lyon, 11 mai 1912 (Supra, 2° part., p. 87), les notes et les renvois. Adde, la note de M. Wahl et les renvois sous Cass. Naples, 4 mars 1902 (S. et P. 1904.4.25). On peut citer en sens contraire, il est vrai, l'arrêt de la Cour de cassation de Naples, 4 mars 1902, précité, qui n'admet pas que le bailleur soit garant envers le preneur du décès et des maladies provenant de ce qu'un précédent locataire était mort, dans le même immeuble, d'une maladie contagieuse. Mais cette décision, vivement critiquée par M. Wahl, dans sa note précitée, semble bien contraire aux tendances de notre jurisprudence française. V. Trib. de paix d'Oran, 4 févr. 1895 (Pand. pér., 1896.2.103); Trib. de la Seine, 5 déc. 1902 (Rec. de la Gaz. Trib., 1903, 1er vol., 2° part., p. 226). V. d'ailleurs, sur la responsabilité pénale, dans les termes de l'art. 28 de la loi du 15 févr. 1902, sur l'hygiène et la santé publiques, du propriétaire qui laisse introduire des matières excrémentielles dans un puits, Cass. 21 janv. 1911 (Supra, 1 part., p. 172), et la

note.

On peut même se demander s'il ne conviendrait pas d'aller plus loin, et de reconnaître aux habitants des maisons pourvues d'une canalisation d'eau une action en responsabilité contre les compagnies ou les villes qui n'auraient pas pris les précautions nécessaires pour fournir au public une eau saine. Actuellement, la plupart des règlements sanitaires imposent aux propriétaires des maisons situées en bordure des rues ou des places pourvues d'une canalisation d'eau l'obligation d'avoir une prise d'eau branchée sur cette canalisation et assurant l'usage de l'eau potable à tous les locataires. Est-il admissible que le public ne soit pas protégé contre les dangers d'une consommation à laquelle on ne lui laisse pas la liberté de se sous

du lavage, par un autre locataire, à côté du puits insuffisamment couvert, du linge d'un malade, et alors que la contamination peut être envisagée comme provenant de la nappe d'eau alimentant le puits, et, par suite, d'un fait qu'il était impossible" au propriétaire de prévoir ni d'empêcher, et qui constituerait à son égard un cas de force majeure (1) (C. civ., 1721).

traire? Est-ce que les villes, qui vendent de l'eau, qui obligent le public à l'acheter, ne s'engagent pas implicitement à faire tout ce qui dépend d'elles pour qu'on puisse user de cette eau impunément?

P.

II. En tenant pour recevable l'action en dommages-intérêts intentée contre le bailleur dans le cas dont nous nous occupons, le résultat de cette action demeure pourtant très incertain. Pour rénssir, le demandeur doit surmonter de sérieuses difficultés de preuve. Il faut qu'il établisse que les eaux sont contaminées, qu'il y a relation de cause à effet entre la contamination et le dommage subi; cette relation sera souvent malaisée à démontrer; les médecins, à l'expertise desquels on devra recourir, se montreront probablement très réservés; ils se garderont d'affirmer que la contagion résulte d'une cause certaine, et que cette cause est la seule qui ait pu déterminer la maladie. Bien plus, en supposant qu'à tous égards, la preuve soit jugée suffisante, le bailleur peut opposer diverses exceptions de valeur inégale. Il peut soutenir que la contamination des eaux ne lui est pas imputable; qu'elle résulte, par exemple, d'un cas fortuit ou d'un cas de force majeure. S'il en est ainsi, les dommages-intérêts ne sont pas dus. V. Paris, 11 janv. 1866 (S. 1866.2.150. 1866.676); Paris, 18 août 1870 (S. 1870.2.244. P. 1870.925), et les renvois. Toutefois, le locataire, en se fondant sur l'art. 1722, et sur le principe que la cause, en matière de louage, a un caractère successif, peut demander une réduction de loyer (V. Aix, 5 janv. 1877, S. 1878.2.167. - P. 1878. 716; Nancy, 15 janv. 1898, S. et P. 1898.2.80, et les renvois; adde sur la question, Baudry-Lacantinerie et Wahl, Du louage, 3o éd., t. 1o, n. 446; Guillouard, Tr. du contr. de louage, t. 1o, n. 123), ou, suivant les circonstances, la résiliation du bail. (V. Cass. 13 nov. 1871, S. 1871.1.233. - P. 1871. 229, et les renvois; Poitiers, 19 févr. 1894, S. et P. 1894.2.201, et la note de M. Surville. V. égal. les auteurs précités ubi supra), si la contamination des eaux, même résultant d'un cas fortuit, entraîne une privation partielle ou totale de jouissance. Tout en reconnaissant le fait que l'eau est impropre à la consommation, le bailleur peut prétendre que ce fait était, lors de la conclusion du bail, connu ou présumé connu du preneur, parce qu'il était notoire dans ce cas, le locataire ne peut pas se plaindre d'être privé d'un avantage sur lequel il ne devait pas compter; le bailleur n'est pas responsable. V. Cass. 11 juill. 1900 (S. et P. 1900.1.500; Pand. pér., 1901.1.46), et la note; 4 déc. 1900 (S. et P. 1902.1.37; Pand. pér., 1902.1.203), la note et les renvois. Adde, Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 6o éd., t. 2, n. 1688. V. aussi, la note, in fine, et les renvois sous Lyon, 11 mai 1912, précité. Comp. Pau, 26 févr. 1894 (S. et P. 1894.2.59), et la note. Enfin, le bailleur pourrait alléguer sa bonne foi; au moment où il a contracté, il ignorait que l'eau était contaminée. Certains auteurs admettent qu'en pareille hypothèse, le seul dédommagement possible consiste en une diminution de loyer. V. Duranton, t. 17, n. 63; Planiol, op. cit., t. 2, n. 1689; Troplong, De l'échange et du louage, t. 1o. 19 II PART.

(Vve Duchesne C. Thibault).

Le 25 juin 1907, jugement du tribunal civil d'Evreux, ainsi conçu : « Le Tribunal; Attendu que, par exploit en date du 16 mai 1907, Thibault a fait assigner la dame veuve Duchesne, pour s'entendre condamner à lui payer la somme de 20.000 fr., à titre de dommages-intérêts, et à lui rembourser les frais médicaux et pharmaceutiques nécessités par les maladies du mineur Thibault et de Mme Thibault, ainsi que les frais funéraires occasionnés par le décès de cette dernière; - Attendu que, à l'appui de cette demande, il allègue que les maladies et le décès dont s'agit ont été causés par l'ingestion de l'eau du puits, situé dans la cour d'un immeuble appartenant à la défenderesse, et qu'il occupait, pour partie, à titre dé location verbale; qu'il prétend que ce puits, pourvu d'un corps de pompe, aurait été contaminé par les infiltrations de la fosse d'aisances, ainsi qu'il offre subsidiairement d'en faire la preuve par voie d'expertise; Attendu que la défenderesse conclut à la non-recevabilité de l'action; Mais attendu que, si les faits ci-dessus étaient établis, ils entraîneraient la responsabilité de la veuve Duchesne;

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Attendu, en effet, que, si le puits faisait partie de la location, la bailleresse était tenue, aux termes de l'art. 1719, C. civ., de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel il était loué, et d'en faire jouir paisiblement le preneur; - Attendu, en tous cas, qu'elle aurait commis une imprudence ou une négligence, en ne pratiquant pas le curement de la fosse d'aisances, que l'art. 1756, C. civ., mettait à sa charge, s'il n'y avait clause contraire, et en laissant à la disposition de ses locataires, sans la condamner, une pompe contaminée par les déjections de cette fosse; qu'il est donc sans intérêt de rechercher si, comme le soutient le demandeur, la responsabilité de la veuve Duchesne aurait aussi son fondement légal dans le délit prévu par l'art. 28 de la loi du 15 févr. 1902; Attendu que, l'action de Thibault étant recevable, mais non suffisamment justifiée quant à présent, il y a lieu d'ordonner l'expertise sollicitée par le demandeur, et de faire rechercher par les experts la nature et les causes des maladies dont il s'agit, en leur donnant pour mission de vérifier tous les faits sur lesquels les parties sont en désaccord; Par ces motifs; - Déclare recevable la demande de Thibault; Et, avant faire droit au fond, commet en qualité d'experts, etc. ».

Me Duchesne ayant interjeté appel de ce jugement, la Cour de Rouen a rendu, à la date du 28 mars 1908, un arrêt qui confirmait la décision frappée d'appel, en

n. 194. Mais la jurisprudence tend à se prononcer en sens contraire. V. Cass. 29 janv. 1872 (S. 1873. 1.221. P. 1873.528); Aix, 5 janv. 1877, précité. Adde, Aubry et Rau, 5e éd., t. 5, p. 300, § 366, texte et note 16; Laurent, Prine. de dr. civ., t. 25, n. 122; Guillouard, op. cit., t. 1, n. 125; BaudryLacantinerie et Wahl, op. cit., t. 1o, n. 445. V.

tant qu'elle ordonnait une expertise, mais
corrigeait et complétait la mission donnée
aux experts par les premiers juges. L'ex-
pertise ainsi ordonnée ayant eu lieu,
l'affaire est revenue devant la Cour de
Rouen.

ARRÊT.

pu être souillé par suite de faits qu'elle n'a pas connus, qu'il lui était impossible de prévoir et d'empêcher, faits qui constitueraient à son égard un véritable cas de force majeure; Par ces motifs; - Dit et juge mal fondées l'action, les prétentions et les conclusions de Thibault, l'en déboute, etc.

Du 4 juin 1910. C. Rouen, 2e ch. MM. Houssard, prés. ; Perrussel, av. gén.; Ricard et Viollette (ce dernier du barreau de Paris), av.

PARIS 17 mai 1912.

PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE OU ARTISTIQUE, CINEMATOGRAPHE, SCENARIOS, OEUVRE DRAMATIQUE, EDITION ILLUSTRÉE (Rép., vo Contrefaçon, n. 776 et s., 1294 et s.; Pand. Rép., vo Propriété littéraire, etc., n. 569 et s., 941 et s.).

Lorsque, avant l'invention du cinématographe, il a été convenu entre un éditeur et les héritiers d'un auteur que la propriété littéraire des œuvres de cet auteur serait partagée en deux lots, comprenant, l'un, le droit d'édition, l'autre, le droit d'exploitation des œuvres dramatiques par le seul moyen du théâtre, et le droit d'adaptation, en vue du théâtre, des œuvres purement littéraires, les scenarios destinés à être reproduits par le cinématographe doivent être considérés comme étant des ouvrages dramatiques, au sens de cette convention (1) (C. civ., 1156; LL. 13-19 janv. 1791; 19-24 juill. 1793).

LA COUR; Attendu que les experts commis par le jugement du 25 juin 1907 et l'arrêt du 28 mars 1908 ont accompli la mission qui leur avait été confiée; qu'il résulte de leur rapport que René Thibault et la femme Thibault ont bien été atteints de la fièvre typhoïde, et qu'il est probable que cette maladie a été apportée du dehors, dans l'immeuble où ils demeuraient en qualité de locataires de la femme Duchesne, par la femme Rousseau, autre locataire de la dame Duchesne et demeurant dans le même immeuble; que les experts admettent que la fièvre typhoïde s'est communiquée à la femme Thibault et à René Thibault par suite de l'usage qu'ils ont fait de l'eau contaminée du puits de la maison Duchesne, mais que les recherches et les expériences auxquelles les experts ont procédé n'établissent pas que la contamination de cette eau ait pu être causée par des infiltrations venant, soit de la fosse d'aisances, soit de la bétoire dépendant de l'immeuble Duchesne; qu'il est donc impossible d'admettre comme établi, ainsi que l'a prétendu Thibault, que la contamination de l'eau du puits soit due à une défectuosité de cette fosse d'aisances ou de cette bétoire; que, d'après les experts, au contraire, il est probable que la contamination de l'eau s'est produite par suite du lavage que la femme Rousseau, déjà malade, a fait de son linge contaminé au-dessus du puits, qui était fermé par une pierre le protégeant insuffisamment, et dans lequel les germes typhoïdes auraient pu pénétrer facilement par infiltration; Mais que cette cause de contamination qui, suivant les experts, fournit une explication valable et plausible des cas de fièvre typhoïde survenus dans la famille Thibault, n'est pas, elle-même, absolument démontrée; que les experts ont, en effet, constaté que la nappe d'eau alimentant le puits était facilement contaminable, ce qui doit faire envisager la possibilité d'une cause inconnue de la contamination de ce puits; que, dans de telles conditions, la dame Duchesne n'encourt aucune responsabilité, puisque, même s'il était certain, — et, sur ce point, il subsiste encore un doute, que l'eau du puits a donné la fièvre typhoïde à Rene Thibault et à la femme Thibault, on ne pourrait relever aucune faute contractuelle ou quasi délictuelle déterminée et précisée contre la proprié-à qui appartient le droit d'exploitation des taire de l'immeuble, dont le puits aurait

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encore, Lyon, 11 mai 1912, précité. V. cep., Trib.
de Château-Gontier, 12 janv. 1904 (sol. implic.)
(Rec. de la Gaz. Pal., 1904.2.60).

Ainsi, la difficulté de la preuve incombant au
locataire, et la multiplicité des moyens de défense
du bailleur, donnent à penser que la responsabilité
de ce dernier ne sera pas souvent effective. La

En effet, la reproduction cinématographique, par projection sur un écran, d'un scenario tiré d'une œuvre littéraire ou dramatique, projection qui donne l'illusion de la vie, du mouvement, du jeu des acteurs, constitue, bien qu'elle reste toujours identique, et qu'aucune modification ne puisse être apportée à l'interprétation, une représentation théâtrale; et, dès lors que la reproduction cinématographique a pour origine un scenario, créé par un auteur, et mimé par des acteurs devant un appareil, et, pour destination principale, sinon unique, d'être donnée en spectacle devant un public plus ou moins nombreux, celle reproduction cinématographique doit être considérée comme rentrant dans l'exploitation théâtrale, et ne saurait être assi milée à une édition illustrée (2) (Id.).

Par suite, le prix de l'autorisation donnée à une société cinématographique de représenter, sous forme de projection, des scenarios tirés des œuvres de l'auteur dont s'agit, doit être attribué à celui des contractants

œuvres dramatiques (3) (Id.).

Cour de Rouen aurait donc pu sans témérité s'expliquer plus nettement qu'elle ne l'a fait sur la légitimité d'un principe dont l'application ne risque pas d'être inconsidérée.

J. CHARMONT.

(1 à 3) L'arrêt ci-dessus reproduit précise les

(Calmann-Lévy et Cie C. Hérit. Alexandre Dumas fils).

Le 19 août 1872, la propriété littéraire des œuvres d'Alexandre Dumas père a fait l'objet d'une adjudication. Le premier lot de l'enchère, comprenant le droit d'édition, a été adjugé à MM. Michel Lévy frè res. Le second lot, adjugé à M. Alexandre Dumas fils, se composait du droit d'exploiter, par le seul moyen du théâtre, les euvres dramatiques de son père. Par une convention du 27 nov. 1872, les adjudicataires se sont concédé réciproquement une part de 25 p. 100 dans les bénéfices qu'ils tireraient de l'exploitation de leurs lots respectifs; en outre, et moyennant concession à MM. Michel Lévy frères d'une part de 25 p. 100 dans les bénéfices à provenir de ce chef particulier, M. Alexandre Dumas fils s'est fait reconnaître le droit exclusif de tirer ou de faire tirer des pièces de théâtre des œuvres purement littéraires de son père. Ultérieurement, les héritiers d'Alexandre Dumas fils ont cédé, moyennant 15.000 fr., à la Société le Film d'art, le droit d'exploiter, au moyen de projections cinématographiques, certaines œuvres dramatiques d'Alexandre Dumas père. La Société Calmann-Lévy, ayant cause de Michel Lévy frères, a prétendu que l'édition en film cinématographique d'un scenario tiré d'une œuvre littéraire ne constituait pas une exploitation théâtrale de cette œuvre, mais seulement une édition d'un genre particulier, et elle a assigné les héritiers d'Alexandre Dumas fils, en paiement de 75 p. 100 du prix à eux versé par la Société le Film d'art.

18 déc. 1911, jugement du tribunal civil de la Seine, dont extrait suit : « Le Tribunal; - Sur le fond du litige: Attendu que la convention du 27 nov. 1872, intéressant chaque contractant à l'exploitation des droits de propriété littéraire adjugée à son cocontractant, a créé entre les parties à cette convention un lien de droit synallagmatique, qui, à raison des principes généraux régissant les contrats du caractère envisagé, s'oppose invinciblement à toute exécution de la convention du 27 nov. 1872, qui, lors de la for

caractères de la reproduction cinématographique d'œuvres dramatiques. Il a eu à trancher, dans des circonstances nouvelles et assez particulières, la question de savoir si cette reproduction doit être assimilée à une édition illustrée d'une œuvre littéraire, ou à la représentation d'une œuvre dramatique.

Les précédents ne pouvaient guère être utilement invoqués. En effet, le point sur lequel la jurisprudence s'est jusqu'ici prononcée est celui de savoir si la projection cinématographique d'une œuvre dramatique constitue, lorsqu'elle est faite sans autorisation, une représentation illicite, tombant sous le coup de la loi des 13-19 janv. 1791, et de l'art. 428, C. pén. Il s'agissait là d'appliquer des dispositions pénales, et on s'explique, par conséquent, que, si la jurisprudence récente incline pour l'affirmative (V. Trib. de la Seine, 7 juill. 1908, sous Paris, 12 mai 1909; Trib. de la Seine, 7 juill. 1908, sous Paris, 10 nov. 1909; et Paris, 10 nov. 1909, S. et P. 1910. 2.257; Pand. pér., 1910.2.257,

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At

mation de ce contrat, n'aurait pu être prévue par les parties, et, notamment, qui serait reconnue de nature à rendre plus fructueuse, pour l'une des parties, en même temps que moins profitable pour l'autre, l'utilisation des droits de propriété tirés du procès-verbal d'adjudication, base de la convention envisagée; tendu qu'il n'est pas contesté que l'exploitation cinématographique des œuvres littéraires n'a pu être prévue, lors des conventions du 27 nov. 1872; que même ses premières applications remontent à peine aujourd'hui à vingt ans; Attendu que, dans ces circonstances, il y a lieu de rechercher si la projection cinématographique d'un scenario tiré d'une œuvre dramatique constitue une édition illustrée d'un genre particulier ou une représentation théâtrale de la même œuvre, pour le cas où cette exploitation serait reconnue n'être pas de nature à bénéficier aux défendeurs à la présente instance, au détriment du demandeur à la même instance; Attendu qu'alors que l'édition illustrée d'une œuvre dramatique s'adresse à l'individu, la projection cinématographique s'adresse à la foule; que, si la projection du film cinématographique utilise, comme illustration, les photographies, elle emprunte à l'interprétation proprement théâtrale ses idées, son scenario, sa mise en scène, le jeu mimique des acteurs; que, pour la foule, elle procure des impressions très voisines de celles du théâtre, et sans rapport avec celles fournies par un livre illustré, qui ne peut être sérieusement goûté que dans l'intimité tout au moins; qu'il n'est point, d'ailleurs, entrepris d'établir que la vente des éditions d'œuvres dramatiques ait diminué, en général, à la suite du prodigieux développement, au cours de ces dernières années, des projections cinématographiques des mêmes œuvres, auxquelles, au contraire, l'opinion publique reproche de concurrencer les représentations théâtrales; qu'ainsi, les projections cinématographiques d'une œuvre dramatique doivent être réputées concurrencer exclusivement les représentations théâtrales de cette œuvre; Attendu que, dans ces circonstances, c'est avec raison que

avec la note de M. Taillefer), certains arrêts, estimant que les textes précités devaient être interprétés restrictivement, aient refusé d'en faire application aux représentations cinématographiques. V. Pau, 18 nov. 1901 (S. et P. 1910.2.257, ad notam ; Pand. per., 1910.2.257, ad notam). On s'explique également que la jurisprudence dominante ait pu, dans ces circonstances, considérer sans contradiction la projection cinématographique, non seulement comme une représentation, au sens de la loi précitée de 1791, mais en même temps comme une édition, tombant sous l'application de la loi des 19-24 juill. 1793. V. Trib. de la Seine, 7 juill. 1908 (1re et 2 espèces), précités, et Paris, 10 nov. 1909, précité, avec la note de M. Taillefer. Comp. Cass. 27 juin 1910 (S. et P. 1910.1.456; Pand. pér., 1910.1.456).

Dans l'espèce actuelle, au contraire, le juge se trouvait en présence d'une convention qui attribuait à l'une des parties le droit d'édition des œuvres d'un auteur, à l'autre le droit d'exploitation

les défendeurs prétendent conserver, par application des conventions du 27 nov. 1872, 75 p. 100 des bénéfices du contrat passé entre eux et la Société le Film d'art, pour l'exploitation cinématographique des œuvres dramatiques, dites Les Trois Mousquetaires, La Dame de Monsoreau et La Tour de Nesle; Par ces motifs; Dit que les conventions du 27 nov. 1872 ont créé, entre les auteurs des parties, un lien de droit synallagmatique, quant à l'exploitation des démenibrements de propriété littéraire par eux respectivement acquis dans la succession d'Alexandre Dumas père; - Dit que l'exploitation des mêmes droits de propriété par voie de projections cinématographiques, n'ayant pu être prévue lors du contrat susvisé, et devant concurrencer exclusivement le mode d'exploitation des œuvres dramatiques d'Alexandre Dumas père, dans les bénéfices de laquelle Alexandre Dumas fils s'était réservé la plus forte part, doit être réputée entre les parties de la cause inséparable de ce mode d'exploitation; Donne acte aux héritiers d'Alexandre Dumas fils de leur offre de verser à la Société Calmann-Lévy, par application de la convention du 27 nov. 1872, 25 p. 100 du prix stipulé en leur traité avec la Société le Film d'Art, relatif aux oeuvres dramatiques d'Alexandre Dumas père, dites Les Trois Mousquetaires, La Dame de Monsoreau et La Tour de Nesle; sous le mérite de la réalisation de cette offre; - Déclare la Société Calmann-Lévy mal fondée en sa demande, etc.

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Appel par MM. Calmann-Lévy et Cie. ARRÈT.

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théâtrale de ces mêmes œuvres; cette convention, bien antérieure à l'invention du cinématographe, n'avait pu prévoir les représentations cinématographiques, mais les parties étaient d'accord pour réclamer l'application de leur convention au litige qui les séparait. Dans ces conditions, le juge devait se prononcer sur le point de savoir à laquelle des parties appartenait le droit d'autoriser des représentations cinématographiques, et, pour ce faire. il avait à opter entre l'assimilation des projections cinématographiques à une représentation théâtrale et leur assimilation à une édition. Il semble que le tribunal de la Seine et la Cour de Paris, en se prononçant dans le premier sens, aient tenu un juste compte des faits; celui qui assiste à une représentation cinématographique est un spectateur et non un lecteur; il assiste à la représentation de scènes théâtrales, fussent-elles réduites à une pantomime; on ne peut l'assimiler à un lecteur sous les yeux duquel on ferait passer les pages d'un livre illustré.

1

droit à 75 p. 100 de ladite somme, parce que la reproduction ainsi autorisée constituerait une édition des œuvres envisagées, et rentrerait dans le droit de propriété littéraire, acquis en vertu de l'adjudication du 19 août 1872 par Michel Lévy frères, dont ils sont les ayants cause; que les héritiers d'Alexandre Dumas fils soutiennent, au contraire, que les appelants ne peuvent, conformément aux conventions du 27 nov. 1872, réclamer que 25 p. 100 de la somme litigieuse, parce que la concession faite par d'Hauterive rentrerait dans l'exploitation théâtrale des œuvres prérappelées d'Alexandre Dumas père, telle qu'elle a été précisée par les conditions susindiquées; Considérant qu'il n'est contesté par aucune des parties que les scenarios destinés à être reproduits par le cinématographe doivent être considérés comme étant des ouvrages dramatiques, au sens des conventions prérappelées du 27 nov. 1872; — Considérant que l'autorisation donnée par d'Hauterive concerne la représentation, sous forme cinématographique, de scenarios tirés par lui ou à ses frais des œuvres susindiquées d'Alexandre Dumas père; qu'elle est, par suite, comprise dans le droit que s'était expressément réservé Alexandre Dumas fils, et que la répartition de la somme touchée à cette occasion doit être faite, trois quarts aux intimés, et un quart à CalmannLévy et Cie; - Considérant, en outre, que la reproduction cinématographique d'un scenario tiré d'une œuvre littéraire ou dramatique est destinée à être projetée sur un écran; que cette projection donne l'illusion de la vie, du mouvement, du jeu des acteurs; que, bien que celui-ci y soit toujours identique, et qu'aucune modification ne puisse être apportée à l'interprétation, qui, une fois saisie, reste toujours la même, cette projection n'en constitue pas moins une représentation théâtrale; que la reproduction cinématographique a, en effet, son origine, un scenario, créé par un auteur, mimé par des acteurs devant un appareil, et, pour destination principale, sinon unique, d'étre donnée

(1) La loi n'ayant pas défini la provocation, qui, aux termes de l'art. 33 de la loi du 29 juill. 1881, rend excusable l'injure, c'est aux juges du fond qu'il appartient d'apprécier, sous le contrôle de la Cour de cassation (V. Cass. 30 nov. 1905, S. et P. 1906.1.206, et la note; Pand. pér., 1906.1.88), les faits d'où l'on prétend faire découler l'excuse de provocation. V. Cass. 25 mai 1898 (S. et P. 1898. 1.409; Pand. pér., 1899.1.15), la note et les renvois. Adde, Barbier, Code expliqué de la presse, 2e éd., par Matter et Rondelet, t. 1, n. 542. Les auteurs décident d'ailleurs que la provocation peut résulter, non seulement de propos ou d'écrits diffamatoires ou injurieux, mais encore d'actes de nature à léser une personne dans ses intérêts pécuniaires. V. en ce sens, Le Poittevin, Tr. de la presse, t. 2, n. 824. (2-3) Pour constituer une excuse en matière d'injures, la provocation doit être la fois directe et personnelle. V. Cass. 30 nov. 1905 (S. et P. 1906.1.206; Pand. pér., 1906.1.88), et la note; Le Poittevin, Tr. de la presse, t. 2, n. 821; Barbier, Code expliqué de la presse, 2o éd., par Matter et Rondelet, t. 1, n. 512; Fabreguettes, Tr. des délits

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INJURES, PROVOCATION, EXCUSE, PATRON, MISE A L'INDEX, SYNDICAT OUVrier, AffiCHE, SECRÉTAIRE DU SYNDICAT (Rép., vo Injure, n. 92 et s.; Pand. Rép., vo Diffamation-Injure, n. 709 et s.).

L'excuse de provocation peut résulter, pour un industriel poursuivi pour injures, d'une affiche par laquelle un syndicat ouvrier a mis son établissement à l'index, en lui causant ainsi un préjudice (1) (C. civ., 1382; L. 29 juill. 1881, art. 33, § 2).

En matière d'injures, il n'est pas indispensable que l'écrit d'où peut découler l'excuse de la provocation émane personnellement de celui qui se plaint d'avoir été injurie; il suffit qu'il l'ait inspiré, ou qu'il se soit solidarisé avec ceux qui l'ont publie (2) (L. 29 juill. 1881, art. 33, § 2).

Spécialement, l'excuse de provocation peut résulter, pour un patron poursuivi pour injures envers le secrétaire d'un syndicat d'ouvriers, d'une affiche apposée par ce syndicat dans le but de mettre son établissement à l'index, affiche signée par le bureau du syndicat, dont la personne injuriée parait avoir été l'instigatrice, et dans laquelle, en qualité de membre du bureau, elle avait assumé une part de responsabilité (3) (Id.).

(Vidal C. X...). · ARRÊT.

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LA COUR; Sur le chef de la demande

polit. et des infr. par la parole, l'écrit. et la presse, 2o éd., t. 2, n. 298. Il en résulte que les écrits ou les actes d'où l'on prétend faire résulter l'excuse de provocation doivent avoir atteint personnellement celui qui a répliqué par des injures, en le lésant dans son honneur ou dans ses intérêts (V. la note qui précède). Du même principe, on déduit généralement, d'autre part, que les actes constitutifs de la provocation doivent émaner de la personne même qui a été injuriée, et non d'une autre. V. Bourges, 21 nov. 1889 (Journ. Le Droit du 30 nov. 1889); Barbier, op. et loc. cit.; Le Poittevin, op. et loc. cit. Il ne semble pas qu'en déclarant qu'il n'est pas indispensable que l'écrit constitutif de la provocation émane personnellement de la personne injuriée, et qu'il suffit qu'elle l'ait inspiré ou qu'elle se soit solidarisée avec ceux qui l'ont publié, l'arrêt ci-dessus ait entendu contredire cette solution, malgré la formule qu'il a employée, et qui, par ses termes, serait de nature à laisser prise au doute. Le soin qu'il a pris de relever toutes les circonstances de nature à établir, dans l'espèce, la participation de la personne injuriée à la rédaction de l'affiche

relatif au délit d'injures :

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Attendu qu'il

n'est pas indispensable que l'écrit d'où peut découler l'excuse de la provocation émane personnellement de celui qui se plaint d'avoir été injurié; qu'il suffit qu'il l'ait inspiré ou qu'il se soit solidarisé avec ceux qui l'ont publié; Or, attendu que l'affiche dans laquelle l'intimé prétend trouver l'excuse de la provocation est signée par le bureau du syndicat des typographes d'Aurillac; que Vidal était le secrétaire dudit syndicat, et faisait partie du bureau en cette qualité, lorsque cette affiche a paru; que les documents du dossier démontrent qu'il était bien investi de cette fonction; qu'il ne le conteste pas, du reste, dans ses conclusions; qu'à raison de ses démêlés avec l'intimé, il semble avoir été l'instigateur de l'affiche produite; qu'il est, en tout cas, certain que, membre du bureau, il a assumé sa part de responsabilité dans la publication de l'affiche incriminée, et que l'intimé peut y puiser l'excuse de la provocation à son encontre;

- Attendu que cette affiche, par laquelle le syndicat des typographes d'Aurillac mettait à l'index l'intimé, était de nature à lui causer un préjudice, et qu'à bon droit, les premiers juges y ont trouvé les éléments de la provocation; Par ces motifs;- Confirme le jugement entrepris, etc.

-

Du 26 juin 1912. C. Riom, ch. corr. MM. Cluzel, prés.; Salvy et Causels, av.

DOUAI 28 janvier 1913. OUTRAGE, CITOYEN CHARGÉ D'UN MINISTÈRE DE SERVICE PUBLIC, DÉLÉGUÉ A LA SÉCURITÉ DES OUVRIERS MINEURS (Rép., vo Outrages-Offenses, n. 271 et s.; Pand. Rép., vo Diffamation-Injure, n. 765 et s.).

Les délégués à la sécurité des ouvriers mineurs ne sont pas au nombre des personnes visées par l'art. 224, C. pén., qui punit les outrages adressés aux agents depositaires de la force publique et aux citoyens chargés d'un ministère de service public (4) (C. pén., 224; C. trav., liv. 2, art. 120).

par laquelle l'auteur de l'injure prétendait avoir été provoqué, démontre, au contraire, que la Cour, de Riom n'a pas entendu s'écarter de la solution généralement admise sur les caractères que doit présenter la provocation.

(4) C'est un point certain qu'il ne suffit pas qu'un intérêt public s'attache à un service ou à une fonction pour que l'on puisse considérer comme un citoyen chargé d'un ministère de service public, au sens de l'art. 224, C. pén., celui qui en est chargé. V. Cass. 11 févr. 1905 (S. et P. 1906.1.529, et la note de M. Roux; Pand. pér., 1905.1.100). Pour que l'art. 224, C. pén., puisse s'appliquer, l faut que celui qui invoque ou pour lequel on invoque la protection de l'art. 224 soit, dans une mesure quelconque, investi d'une portion de l'autorité publique. V. Cass. 24 janv. 1902 (S. et P. 1902.1.112; Pand. pér., 1902.1.287); Montpellier, 5 juin 1903 (S. et P. 1904.2.62), et les renvois; Cass. 11 févr. 1905, précité, la note de M. Roux et les renvois. V. anal., pour le sens de l'expression de « citoyen chargé d'un service ou mandat public », de l'art. 31 de la loi du 29 juill. 1881, sur la presse, Cass.

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