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pèce, Crinon ayant subi des condamnations pour faits identiques, mais à propos d'une usine qu'il possède dans une autre localité; Attendu, en fait, et sur les deux premiers points, qu'il résulte des données. de la cause que Crinon emploie dans une usine, à Béthisy-Saint-Martin, un certain nombre d'ouvriers à la journée, occupés à du sciage mécanique; que les contraventions relevées ne s'appliquent pas à ces ouvriers; que, dans le meine emplacement, Crinon a construit un local, qu'il a mis gracieusement à la disposition des trois ouvriers indiqués dans la citation, pour permettre à ceux-ci, dont les habitations sont éloignées de 150 mètres, 800 mètres et 2 kil. 500 de l'usine, de travailler à la construction des boites en bois, sans que soit perdu le temps de leur apporter à domicile le bois façonné, et de le rechercher une fois transformé en boites; que ces ou vriers y travaillent avec leurs propres outils, chauffés et éclairés par les soins du patron, qu'ils ont la clef du local à leur disposition, et que le patron ne les surveille qu'au moment de la réception des boites fabriquées, qu'il paie à tant le cent; que ces trois ouvriers ne travaillent pas dans l'usine principale, et qu'ils ne sont astreints à aucune heure réglementaire pour l'entrée à l'atelier, la sortie, les repos, et qu'ainsi ils travaillent, sans limitation de durée, plus que le temps réglementaire, et comme ils l'entendent; - Attendu que ces faits sont entièrement reconnus; qu'il n'est pas plus contesté que la remise du livret n'a pas eu lieu, et que l'affichage du tableau des heures de travail n'a pas été effectué; En droit : Attendu, sur le premier point, que les lois du 2 nov. 1892 et du 30 mars 1900 ont pour but de réglementer dans les établissements industriels le travail des enfants, des filles mineures et des femmes, au point de vue de la durée, du repos, de l'hygiène, de la sécurité et de l'inspection; que les différentes dispositions de ces lois ne comprennent aucune distinction entre le travail à la journée et le travail à la tâche; -Attendu que les lois pénales ne doivent être interprétées que strictement, et que celles sur lesquelles se base la poursuite en font partie; Attendu, au surplus, que la rédaction de l'art. 1er de la loi de 1892 a déterminé et étendu l'application de la loi du 19 mai 1874 et de celle du 9 sept. 1848; que la protection des pouvoirs publics couvre le travail des femmes, des filles mineures et des enfants partout où il s'exerce, et que sont seuls exceptés le travail des champs, que personne ne cherche à réglementer, et qui présente, au point de vue de la santé, bien plus d'avantages que

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(1-2-3) Lorsqu'une lettre contient, sur le compte d'une personne autre que le destinataire, des appréciations injurieuses ou simplement défavorables, et que cette personne en a eu connaissance, elle peut, avec le consentement du destinataire, produire la lettre en justice, à l'appui d'une demande en dommages-intérêts formée contre l'expéditeur, et les juges ne peuvent écarter cette production, si la lettre n'a pas un caractère confidentiel. V. Cass. 20 oct. 1908 (sol. implic.) (S. et P. 1909.1.253; Pand. pér., 1909.1.258), la note et

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se dégage des travaux préparatoires de l'art. Ier, et du rapport de M. Waddington à la Chambre; Attendu que la loi de 1892 ne constate pas le moindre indice de distinction; que l'art. 1er vise, en une formule aussi générale que possible, « le travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les usines », pour le déclarer« soumis aux obligations déterminées par la présente loi»; que c'est là dire assez clairement qu'on a en vue le travail pris en lui-même, abstraction faite de toute considération dans le mode d'embauchage; - Attendu que l'art. 2, en termes non moins généraux, dispose que les enfants ne peuvent être employés par les patrons, ni être admis dans les établissements énumérés dans l'art. 1er, avant l'âge de treize ans révolus, et que, plus loin (3), on lit encore qu'aucun enfant âgé de moins de treize ans ne peut être admis au travail, dans les établissements ci-dessus visés » ; qu'ainsi, il y a infraction toutes les fois qu'un enfant est admis au travail en dehors de l'observation des prescriptions de la loi, et quelles que soient les conditions du contrat intervenu entre patron et ouvrier, et qu'une distinction que la loi n'a pas prévue ne saurait y être introduite;

« Attendu, sur le deuxième point, que le local dans lequel travaillaient les trois ouvriers qui motivent la poursuite appartient au même patron que l'usine principale, située à une distance de 45 à 50 mètres; que ces deux établissements, en réalité, n'en font qu'un, dénommé scierie mécanique; qu'en effet, le local des trois ouvriers est situé dans le chantier à bois de l'usine elle-même; que le travail s'y fait en commun, et que tous les efforts y sont combinés, aussi bien dans l'un que dans l'autre local, pour concourir à une même production, sous l'autorité d'un même patron; qu'il ne faut pas s'attacher à ce fait que le bâtiment et le toit sont distincts, mais seulement à l'unité de direction, à l'unité d'emplacement des deux immeubles, et à la collaboration à un même travail qui entraine règle commune;

«Attendu, sur le troisième point, que la récidive existe chaque fois qu'il y a contravention identique dans les douze mois antérieurs au fait poursuivi; que ces termes s'entendent en ce sens que la récidive vise le fait de même nature, le fait identique, alors même qu'il s'agirait d'usines différentes, situées dans des lieux distincts; qu'il suffit qu'il y ait unité de patron,

les renvois. Adde, la note et les renvois sous Trib. comm. d'Anvers, 18 juill. 1891 (S. et P. 1892.4. 12); et Gény, Des droits sur les lettres missives, t. 2, n. 201, p. 139.

Lorsqu'il s'agit d'une lettre ayant un caractère confidentiel, on décide, au contraire, en général que, sur la demande de l'auteur de la lettre, ou même d'office, les juges doivent repousser la production de la lettre en justice par le tiers qui y est visé. V. Cass. 20 oct. 1908, précité, la note et les renvois. Adde, Gény, op. cit., t. 2, n. 203. V.

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1o LETTRE MISSIVE, CARACTÈRE CONFIDENTIEL, MARIAGE PROJETÉ, RENSEIGNEMENTS (Rép., v Lettres missives, n. 141 et s., 343 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 138 et s., 163 et s., 575 et s.). - 2o RESPONSABILITÉ CIVILE OU PÉNALE, LETTRE MISSIVE, PRODUCTION EN JUSTICE, GENDRE DU DESTINATAIRE, IMPUTATIONS DOMMAGEABLES, FIANÇAILLES, PRÉJUDICE MORAL (Rép., vo Responsabilité civile, n. 242, 334; Pand. Rép., eod. verb., n. 144, 173).

1° Lorsqu'une personne, sans avoir reçu aucune demande de renseignements, a spontanément adressé à un père de famille, avec lequel elle n'avait aucune relation de parenté, d'alliance ou d'amitié, une lettre destinée à l'éclairer sur le danger d'une union projetée pour sa fille, et à faire rompre cette union, le caractère confidentiel ne peut être reconnu à cette lettre, bien que son auteur l'ait ainsi qualifiée, s'il a été impossible qu'il ne prévit pas qu'à raison de leur caractère et de leur gravité, les assertions et insinuations qu'il formulait provoqueraient, entre le destinataire et son futur gendre, des explications sur le contenu de la lettre, dont la communication deviendrait ainsi inévitable (1) (C. civ., 1382).

En conséquence, cette lettre peut êtrẻ, avec l'assentiment du destinataire, produite en justice par la personne qui y était visée (2) (Id.). Sol. implic.

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20 Par suite, après le mariage accompli, le gendre et la fille du destinataire sont fondés à actionner en dommages - intérêts l'auteur de celle lettre, à raison du préjudice moral qui est résulté pour eux du trouble apporté à leurs fiançailles par ses insinuations, en produisant, à l'appui de leur demande, avec l'assentiment du destinataire, la lettre qui lui avait été adressée (3) (C. civ., 1382).

cep. en sens contraire, Trib. comm. d'Anvers, 18 juill. 1891, précité, et les autorités citées dans la note. Adde, Ludovic Jardel, La lettre missive, p. 54 et s., 228 et s.

Pour savoir si une lettre peut, indépendamment de l'autorisation de l'expéditeur, être produite en justice par un tiers autre que le destinataire, avec l'assentiment de ce dernier, il faut donc rechercher si cette lettre présente un caractère confiden. tiel, c'est-à-dire, suivant l'expression de notre savant collaborateur, M. Tissier, dans sa note sous

(Epoux Festetics de Tolna C. Mantius).

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5 janv. 1911, jugement du tribunal civil de la Seine, ainsi conçu : - Le Tribunal; Attendu qu'à la date du 21 juill. 1908, Festetics de Tolna a introduit contre Mantius une instance en paiement de 50.000 fr. de dommages-intérêts, basée sur le préjudice que lui aurait causé une lettre adressée, le 30 déc. 1907, par le défendeur au père de la dame Alice Wetherbee, en vue de faire échouer ses projets de mariage avec cette dernière; Attendu que, par acte du palais, du 28 oct. 1910, la dame Alice Wetherbee, aujourd'hui épouse Festetics de Tolna, a déclaré intervenir à l'instance pour réclamer, de son côté, 50.000 fr. de dommages-intérêts, suivant elle amplement justifiés par cette circonstance que la lettre susvisée aurait eu pour résultat de déterminer la dame Gardner Wetherbee, récemment décédée, à modifier complètement les dispositions testamentaires prises en faveur de sa fille; Attendu que le défendeur entend faire écarter du débat la lettre du 30 déc. 1907, dùment timbrée et enregistrée, concluant, à toutes fins utiles, au mal fondé, tant de la demande que de l'intervention; - Attendu qu'il n'échet de statuer séparément sur l'exception soulevée et sur le fond; Attendu, en effet, que la question de savoir si la lettre de Mantius doit être rejetée est un moyen de fond; Attendu que, comprenant bien que le fait qu'une lettre est qualifiée, comme dans l'espèce, de « privée et confidentielle », en rend, en principe, la production en justice impossible, en dehors du consentement de l'expéditeur et du destinataire, les époux Festetics de Tolna font plaider que, de même que l'expéditeur d'une lettre confidentielle ne saurait s'opposer à ce qu'il en soit fait usage, lorsque son contenu constituerait un titre de créance ou de libération vis-àvis de lui, de même, sa résistance serait mal fondée, lorsque cette lettre renfermerait la preuve d'un préjudice dont il serait l'auteur et dont il lui serait demandé réparation, dans les termes de l'art. 1382, C. civ.; qu'ils ajoutent que, comme gendre et fille du destinataire de la lettre de Mantius, et, par là même, détenteurs réguliers d'un document qui, par sa teneur, était appelé à leur être communiqué, ils sont Limoges, 12 févr. 1894 (S. et P. 1895.2.17), « s'il apparaît de son contenu qu'elle ne doit pas être divulguée, et qu'elle ne doit pas être communiquée à des tiers ». S'il est certains cas où la situation respective des parties et la nature de leur correspondance doivent faire présumer que les lettres échangées sont confidentielles (V. par exemple, pour les lettres échangées entre fonctionnaires à l'occasion d'un service public, Cass. 28 mai 1900, sol. implic., S. et P. 1901.1.263, et les renvois de la note; et pour les lettres échangées entre un avocat et son client, Cass. 11 mai 1887, S. 1887.1.264. - P. 1887.1.632, et les renvois; Pand. pér., 1887.1.171), le plus souvent, la question de savoir si une lettre est confidentielle est une question de fait, que les juges du fond tranchent d'une manière souveraine, à l'aide des circonstances de la cause. V, Cass. 5 févr. 1900 (S. et P. 1901.1.17, et la note de M. Naquet;

en droit d'en faire état; Or, attendu qu'il n'y a pas à rechercher si l'analogie dont les époux Festetics de Tolna se réclament est ou non justifiée; Attendu, en effet, qu'il appert de la lecture de la lettre litigieuse qu'elle était destinée uniquement à éclairer le père de famille sur les inconvénients que pouvait présenter l'union projetée entre sa fille et le demandeur; que, si les bruits, dont Mantius se faisait, à tort ou à raison, l'écho, étaient dénués de fondement, il n'en a pas été tenu compte, puisqu'il a été donné suite au projet de mariage; qu'il est de toute évidence que le père de famille s'est bien gardé de communiquer à des tiers la lettre qui présentait son futur gendre sous un jour plutôt défavorable; qu'il ne saurait donc y avoir place à l'allocation de tout ou partie des dommages-intérêts que le demandeur croit pouvoir solliciter, alors surtout que, pas plus que la dame Festetics de Tolna, il ne justifie être régulièrement en possession d'un document qui appartenait indivisément à l'expéditeur et au destinataire; Attendu qu'en dehors de cette observation, qui s'applique à l'intervenante, il faut constater que la dame Festetics de Tolna ne pourrait faire grief à Mantius des modifications apportées par sa mère à ses dispositions testamentaires que si elle établissait que les dernières dispositions lui ont été défavorables, et, surtout, que ce sont les insinuations du défendeur qui l'ont amenée à changer l'économie de son testament; Attendu qu'elle ne fait pas cette double preuve; Attendu qu'il n'est pas sérieux de soutenir que les communications faites par le défendeur démontreraient qu'il avait voulu se documenter pour atténuer les conséquences d'une faute qu'il sentait avoir commise; que ces communications ont eu pour but unique, lorsqu'il s'est vu assigner par Festetics de Tolna, d'établir qu'il n'avait pas imaginé les renseignements qu'il aurait toutefois mieux fait de garder pour lui; que, dès lors, et à tous points de vue, la demande et l'intervention doivent être écartées comme ne reposant sur aucune base; Par ces motifs;- Déclare l'intervention recevable; Dit que les époux Festetics de Tolna ne justifient pas du consentement du père de l'intervenante à la production de la lettre privée et confidentielle du

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28 mai 1900, précité. Les juges recherchent d'abord si le caractère confidentiel de la lettre ressort de l'intention de son auteur, mais il y a lieu également de tenir compte du but qu'il s'est proposé, de la qualité du destinataire, des relations qui existaient entre lui et l'expéditeur (V. Rennes, 24 févr. 1894, Rec. d'Angers, 1894.177; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Lettres missives, n. 141 et s.; Pand. Rep., eod. verb., n. 163 et s.), et même du milieu social auquel ils appartiennent. V. Gény, op. cit., t. 1er, n. 83, p. 217. Lorsque le caractère non confidentiel d'une lettre se dégage de ces divers éléments, c'est à bon droit que les juges déclarent que cette lettre n'est

30 déc. 1907; Dit, qu'en tout cas, le demandeur n'établit pas que l'envoi de cette lettre à son futur beau-père lui ait causé personnellement un préjudice quelconque; Dit que la dame Festetics de Tolna ne démontre pas davantage qu'elle puisse rattacher à l'existence de la lettre de Mantius le préjudice qu'elle prétend avoir éprouvé dans les dispositions testamentaires de sa mère; Dit, par suite, qu'il n'y a lieu de rechercher si le caractère confidentiel de cette lettre doit fléchir devant cette considération qu'on y trouverait la preuve de la faute imputée au défen deur, etc. ».

Appel par les époux Festetics de Tolna.

ARRÊT.

LA COUR; Considérant qu'à la nouvelle du prochain mariage des appelants, Festetics de Tolna et Alice Wetherbee, l'intimé Mantius écrivit, le 30 déc. 1907, au sieur Gardner Wetherbee, pour l'engager, dans l'intérêt et pour le maintien de la situation sociale » de sa fille, à faire,

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avant de franchir le pas décisif», une enquête sur l'appelant, tant dans le pays de celui-ci qu'à l'étranger; que, dans sa lettre, à la suite d'une allusion au traitement cruel que la première femme de Festetics de Tolna avait dù subir, dans son voyage de noces, à bord du yacht de son mari, il représentait ce dernier comme étant en mauvais termes avec sa famille, tenu à l'écart de la meilleure société », n'ayant que des moyens d'existence limités », et cherchant, à l'aide d'une dorure américaine, à prendre pied à Paris parmi une certaine clique, si bien qu'un contrat de mariage, mettant en sécurité l'avoir de la dame Wetherbee, découragerait ses assiduités; qu'enfin, Mantius faisait ressortir le danger, suivant lui, de l'union projetée, et laissait, en même temps, apparaître l'intention de son acte, dans l'expressive observation suivante L'engouement et le charme ne sont pas choses éternelles, tandis que la perte du prestige social et la ruine sont pour toujours >; Considérant qu'en agissant ainsi, Mantius ne répondait pas à une demande de renseignements; qu'il n'avait, ni avec le sieur Gardner-Wetherbee, ni avec les appelants, aucune relation de parenté, d'alliance ou d'amitié; que

pas confidentielle, encore bien que l'auteur l'ait qualifiée telle. V. Gény, op. et loc. cit. V. comme application, pour des renseignements fournis par une agence, Rouen, 18 juin 1881, précité, et la note.

L'arrêt ci-dessus recueilli fait application de ces principes, en décidant qu'une lettre missive, bien que qualifiée confidentielle par son auteur, peut être produite en justice, avec l'agrément du destinataire, par le tiers qui y est visé, et qui demande à l'auteur de la lettre réparation du préjudice à lui causé par les imputations qui y étaient contenues, lorsque, étant donné la nature de la lettre et les circonstances dans lesquelles elle était envoyée, l'expéditeur avait dû prévoir qu'elle provoquerait, entre le destinataire et le tiers qui s'y trouvait visé, des explications au cours desquelles ce dernier serait appelé à prendre connaissance du contenu de la lettre.

rien ne lui permettait de compter, dans une mesure quelconque, sur la discrétion du destinataire, auquel, en la lui adressant, il abandonnait så lettre, et que si, au début et à la fin, il énonce qu'elle est privée et confidentielle, il n'y a là, visiblement, qu'une précaution contre le péril possible et aperçu de son entreprise; qu'il ne pouvait pas, en effet, ne pas prévoir qu'à raison de leur caractère et de leur gravité, ses assertions et insinuations provoqueraient nécessairement entre les intéressés des explications sur le contenu de sa lettre, dont la communication devenait ainsi inévitable; que tel a été, du reste, l'événement attesté par le sieur Gardner Wetherbee, et établi par la production qu'avec son assentiment, les appelants font de l'écrit de Mantius; Considérant, dans cette situation, qu'il est certain que le but de l'intimé était de faire échouer le projet dont le bruit lui était parvenu, et que, pour expliquer son intervention, il ne peut fournir ou avouer ni une raison ni un prétexte; que si, malgré lui, le mariage à eu lieu, il n'en est pas moins vrai que, par son fait, les fiancailles des appelants ont été péniblement et injustement troublées; qu'ils ont éprouvé un préjudice moral, dont la réparation résultera, d'ailleurs, de la reconnaissance de la faute de Mantius et de l'allocation des dépens; Par ces motifs;

- Réforme le jugement dont est appel et, en conséquence, condamne Mantius à tous les dépens de première instance et d'appel, au besoin à titre de dommagesintérêts, etc.

Du 7 mars 1912. C. Paris, 1re ch. MM. Bonnet, prés. ; Servin, av. gén.; Gondinet et Aubépin, av.

NIMES 29 avril 1912.

1° INSTRUCTION CRIMINELLE, LOI DU 8 DÉC. 1897, CONSEIL DE L'INCULPÉ, ORDONNANCE DE SOIT COMMUNIQUÉ, COMMUNICATION, PARTIE CIVILE (Rép., v° Instruction criminelle, n. 172 et s.; Pand. Rép., Suppl., v Instruction criminelle, n. 84 et s.). 2o PARTIE CIVILE, PROCÉDURE, COMMUNICATION (REFUS DE), OPPOSITION, ORDONNANCE DE NON-LIEU, NULLITÉ (Rép., vo

(1) Aux termes de l'art. 10, § 2, de la loi du 8 déc. 1897 (S. et P. Lois annotées de 1898, p. 409; Pand. pér., 1898.3.1), il doit être immédiatement donné connaissance au conseil de l'inculpé de toute ordonnance du juge, par l'intermédiaire du greffier». La question s'est posée de savoir si cette disposition s'appliquait aux ordonnances de soit-communiqué. La jurisprudence de la Cour de cassation s'est prononcée dans le sens de l'affirmative, et elle décide que les ordonnances de soit-communiqué doivent être portées à la connaissance du conseil de l'inculpé, à peine de nullité. V. Cass. 24 juin 1898 (S. et P. 1901.1.153, et la note de M. Roux; Pand. pér., 1899.7.107); 18 févr. 1909 (S. et P. 1911.1.484; Pand. pér., 1911.1.484), et le renvoi. Adde, Garraud, Tr. d'instr. crim., t. 3, n. 795, p. 67; et notre C. instr. crim. annoté, par G. Le Poittevin, Appendice au chap. 6 du liv. 1er, p. 375, sur l'art. 10 de la loi du 8 déc. 1897, n. 40.

(2-3) Suivant certains auteurs, la disposition de

Action civile, n. 804; Pand. Rép., vo Instruction criminelle, n. 1193).

1° Si, en vertu de l'art. 10, § 2, de la loi du 8 déc. 1897, les ordonnances de soil-communiqué rendues par le juge d'instruction, à l'effet de soumettre la procédure à l'examen du procureur de la République pour préparer et éclairer les réquisitions de ce magistrat, doivent être communiquées au conseil de l'inculpé (1), cette communication n'est prescrite par la loi qu'en ce qui concerne le conseil de l'inculpé (2) (L. 8 déc. 1897, art. 10, § 2).

Par suite, la partie civile n'est pas fondée à prétendre que les ordonnances de soit-communiqué doivent être, en exécution de l'art. 10, § 2, précité, portées à sa connaissance (3) (C. instr. crim., 135; L. 8 déc. 1897, art. 10, § 2).

20 Mais, toute partie qui agit régulièrement en justice pouvant réclamer les mesures nécessaires à la sauvegarde de ses droits essentiels, le conseil de la partie civile est en droit d'obtenir du juge, avant qu'il soit procédé au règlement de la procédure, la communication des pièces, et notamment des rapports d'expertise (4) (L. 8 déc. 1897, art. 10, § 1er).

Et l'ordonnance de non-lieu, qui intervient sans qu'il ait été fait droit à la demande de communication formulée par le conseil de la partie civile, fait grief à cette dernière, et doit être annulée, par application de l'art. 135, C. instr. crim. (5) (C. instr. crim., 135; L. 8 déc. 1897, art. 10, § 1o). (Confédération des Vignerons du SudEst). ARRÈT.

LA COUR; Attendu que la Confédération des Vignerons du Sud-Est s'est régulièrement constituée en qualité de partie civile dans l'information ouverte, sur le réquisitoire introductif du procureur de la République de Largentière, en date du 11 sept. 1911, contre Chagnol (Louis), inculpé de mouillage de vin, et « tous autres auteurs ou complices que l'information permettra de faire découvrir ; — Attendu que les intérêts civils de ladite association ont donc été engagés dans la poursuite ci-dessus spécifiée, et que, par application de l'art. 135, n. 2, C. instr. crim., elle est recevable à se

l'art. 10, § 2, de la loi du 8 déc. 1897, qui prescrit la communication de toutes les ordonnances du juge d'instruction au conseil de l'inculpé, est limitative, et il n'est pas nécessaire d'aviser des ordonnances rendues le conseil de la partie civile. V. notre C. instr. crim. annoté, par G. Le Poittevin, Appendice au chap. 6 du liv. 1er, sur l'art. 10 de la loi du 8 déc. 1897, n. 47. Mais, dans une autre opinion, on décide que cette règle doit recevoir exception, lorsqu'il s'agit d'ordonnances touchant aux intérêts de la partie civile. Celles-ci devraient être notifiées à la partie civile, pour lui permettre d'user, s'il y a lieu, de son droit d'opposition (C. instr. crim., 135), dans les vingt-quatre heures de la notification. V. Garraud, Tr. d'instr. crim., t. 3, n. 800.

(4-5) Antérieurement à la loi du 8 déc. 1897, on décidait, en général, que, durant tout le cours de l'instruction, la partie civile n'avait pas le droit d'exiger la communication de la procédure. V. Cass. 19 mai 1827 (S. et P. chr.); Le Poittevin, Dict, des parquets, 2o éd., vo Partie civile, n. 9; et

pourvoir contre toute mesure susceptible de faire grief aux susdits intérêts; Attendu que la partie civile opposante reproche à tort au juge d'instruction de n'avoir pas porté à sa connaissance l'ordonnance de soit-communiqué, rendue par lui le 12 mars 1912, et qui avait pour objet de soumettre la procédure à l'examen du procureur de la République, pour préparer et éclairer les réquisitions de ce magistrat; qu'il ressort des termes de l'art. 10, § 2, de la loi du 8 déc. 1897 que la communication de cette ordonnance n'est obligatoire qu'en ce qui concerne le conseil de l'inculpé; Mais attendu qu'il est

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de principe qu'en dehors d'application des textes précis et impératifs, toute partie, agissant régulièrement en justice, peut réclamer les mesures nécessaires à la sauvegarde de ses droits essentiels, et que la méconnaissance de droits de cette nature autorise le recours à la juridiction supérieure à celle dont la décision contient une violation desdits droits; Attendu qu'il appert des documents joints au dossier qu'avant qu'il fût procédé au règlement de la procédure, l'avoué de la partie civile a demandé au juge la communication des pièces, et notamment des rapports d'expertise; que cette communication lui était indispensable pour exercer son contrôle sur les éléments de l'information, et lui permettre de solliciter du magistrat instructeur tout supplément à ladite information qu'elle estimerait utile à la manifestation de la vérité; que cette communication a été cependant refusée par le juge; que ce refus est certain, bien qu'il n'ait pas été exprimé dans une ordonnance en forme; que le grief inféré aux intérêts de la partie civile est donc suffisamment établi pour justifier l'application du texte précité du Code d'instruction criminelle; - Par ces motifs; - Disant droit à l'opposition de la partie civile;-Annule l'ordonnance de non-lieu entreprise comme prématurément rendue, après refus à la partie civile de la communication de la procédure sollicitée par elle, etc.

Du 29 avril 1912. C. Nimes, ch. d'acc.MM. Coulon, prés.; Gasné, subst.; Pascal, av.

R

notre Rép. gén. du dr. fr., v° Action civile, n. 804; Pand. Rép., v Instruction criminelle, n. 1193. V. toutefois la note sous Cass. 19 mai 1827, précité. La loi du 8 déc. 1897 a disposé, dans son art. 10, § 1or, que la procédure doit être mise à la disposition du conseil la veille de chacun des interrogatoires que l'inculpé doit subir », mais elle n'a nulle part prescrit la communication de la procédure à la partie civile. Les auteurs en concluent que le législateur de 1897 a entendu maintenir la règle antérieurement suivie, et que, par suite, sous l'empire de la loi nouvelle, la partie civile ne pourra, pas plus que par le passé, exiger qu'il lui soit donné communication de la procédure d'information en cours. V en ce sens, Garraud, Tr. d'instr. crim., t. 3, n. 807; Brégeault et Albanel, La réforme de l'instruction préalable, n. 66, p. 76; Milhaud et Monteux, L'instr. crim., n. 160. L'arrêt ci-dessus recueilli, en se prononçant en sens contraire, consacre une opinion qui avait été défendue dans la note au Recueil Sirey sous Cass. 19 mai 1827, précité.

CAEN 29 novembre 1909.

COMMUNAUTÉ CONJUGALE, PROPRE VIAGER, USUFRUIT, ALIENATION, REPRISE DU PRIX, RÉCOMPENSE (Rép., vo Communauté conjugale, n. 1487 et s.; Pand. Rép., v Mariage, n. 5036 et s., 6015 et s., 6319 et s.).

Lorsqu'un époux commun en biens, qui a aliéné un usufruit à lui propre, survit à

(1-2-3) Dans quelle mesure l'aliénation d'un propre viager, usufruit ou rente viagère, donne-t-elle lieu à reprise ou à récompense? L'époux, du moins s'il survit à la communauté, en même temps qu'il a droit à la reprise du prix de son propre aliéné, ne doit-il pas en laisser partie à la communauté, pour l'indemniser du préjudice qu'il lui a causé, en créant à son profit un capital propre au moyen d'une réduction des revenus qu'elle aurait perçus si l'aliénation n'avait pas eu lieu? Cette opinion était unanimement admise dans l'ancien droit. V. les autorités citées en note sous Lyon, 17 févr. 1870 (S. 1870.2.305. P. 1870.1.153). Pothier, notamment, n'a jamais hésité à affirmer le droit de la communauté à une indemnité; il a varié seulement sur le mode d'évaluation de cette indemnité. V. Introd, au titre 10 de la Cout. d'Orléans, n. 106, et Tr. de la commun., n. 592 (éd. Bugnet, t. 1, p. 244, et t. 7, p. 311). Cette doctrine a été vivement combattue sous le Code civil. V. Bourges, 27 août 1853 (P. 1854.2. 567); Paris, 23 nov. 1861 (P. 1862.654); Trib. de Joigny, 13 févr. 1868 (S. 1869 2.155. P. 1869. 605), et la note; Marcadé, 8° éd., t. 5, sur l'art. 1436, n. II; Vigié, Cours de dr. civ., t. 3, n. 245 et s.; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5e éd., t. 3, n. 1260; Rodière et Pont, Contr. de mariage, 2o éd., t. 2, n. 945. Elle rallie cependant toujours d'importants suffrages. V. Cass. 10 avril 1855 (S. 1855.1.241.-P. 1855.2.5). Adde, Duranton, t. 14, n. 340; Colmet de Santerre (contin. de A.-M. Demante), Cours anal, de C. civ., t. 6, n. 78 bis-VI; Aubry et Rau, 4o éd., t. 5, p. 356, 2 511, texte et note 12; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 22, n. 468 et s.; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, Du contr. de mariage, 3o éd., t. 1o, n. 850. Le même problème se pose, en termes presque identiques, dans des hypothèses voisines, où la jurisprudence s'est montrée plus favorable à la théorie de l'ancien droit et à l'existence d'une récompense au profit de la communauté. Tel est le cas, lorsqu'il s'agit de savoir s'il lui est dû récompense de partie des arrérages d'une rente viagère créée pour prix de l'acquisition d'un propre,

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soit avant le mariage, la question se posant alors de concilier l'application de l'art. 1409-1°, et celle de l'art. 1409-3° (V. Rouen, 10 mai 1862, sous Cass. 13 juill. 1863, S. 1863.1.329. P. 1863.1062. V. aussi, Cass. 13 juin 1863, précité, et le rapport de M. le conseiller Calmètes), soit pendant le mariage. V. Bordeaux, 10 mai 1871 (S. 1871.2.136. P. 1871.497). V. aussi, Trib. de Nogent-le-Rotrou, 30 déc. 1871 (S. 1872.2. 209. P. 1872.830); et notre Rép. gén. du dr. fr., v Communauté conjugale, n. 1522 et s.; Pand. Rép., v Mariage, n. 5036 et s., 6319 et s.

La controverse a été vive, surtout dans l'hypothèse inverse de celle sur laquelle vient de statuer la Cour de Caen. L'époux, dont l'immeuble a été aliéné moyennant une rente viagère, doit-il se contenter, à la dissolution de la communauté, de la reprise de la rente viagère, sans pouvoir demander récompense à la communauté des fraction 3 ANNÉE 1913. 1er cah.

la communauté, il a droit à la reprise intégrale du prix encaissé par la communauté (1) (C. civ., 1433, 1436, 1437).

Il ne doit être opéré sur celle reprise aucune déduction à titre d'indemnité ou de récompense au profit de la communauté, en raison de la diminution de revenus que lui a causée cette transformation d'un droit viager en droit perpétuel, chaque époux pouvant modifier, à son gré, la composition

de son capital renfermées dans chacune des annuités qu'elle a encaissées, ce qui conduit fatalement à dire que ses héritiers n'auront aucune reprise à exercer pour prix de l'immeuble, si c'est par la mort de cet époux que la communauté a été dissoute? Quelques Cours d'appel avaient statué en ce sens. V. Besançon, 18 févr. 1853 (S. 1853.2.457. P. 1853.1.389); Nancy, 3 juin 1853 (S. 1855.2.253. P. 1853.2.468); Orléans, 27 déc. 1855 (S. 1856.2.614. P. 1856. 2.78), et les renvois. Mais bientôt prévalut, en jurisprudence, l'opinion favorable à la prétention du conjoint, réclamant une récompense fondée sur cette considération que son capital disparu, c'està-dire le prix de son immeuble aliéné, avait tourné au profit de la communauté, dans la proportion où elle avait recueilli les arrérages de la rente viagère moyennant laquelle il avait été vendu. V. Cass. 1er avril 1868 (S. 1868.1.253. P. 1868.630); Lyon, 17 févr. 1870, précité; Cass. 8 avril 1872 (S. 1872.1.224. P. 1872.537); Bordeaux, 17 déc. 1873 (S. 1874.2.213. P. 1874 992), et les notes. Adde. Merlin, Rép., v° Remploi, n. 2; Aubry et Rau, 4° éd., t. 5, p. 352, § 511, note 4; Laurent, op. cit., t. 22, n. 466; Odier, Tr. du contr. de mariage, t. 1, n. 309; Troplong, Du contr. de mariage, t. 2, n. 1090; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Communauté conjugale, n. 1474; Pand. Rep., vo Mariage, n. 6015. Comp. Planiol, op. et loc. cit.

Dans ces diverses hypothèses, le point capital de la controverse est le suivant: Le système des récompenses doit-il être restreint aux enrichissements et appauvrissements corrélatifs en capitaux seulement? Doit-il rester étranger aux variations de revenus, alors même que ces diminutions ou augmentations de revenus résulteraient directement d'un acte juridique, dont le but serait, par exemple, soit de créer un capital au profit d'un époux, en diminuant les revenus qu'aurait perçus la communauté, soit, à l'inverse, de détruire un capital appartenant en propre à un époux, de manière à assurer à la communauté une augmentation de revenus? Contrairement à l'arrêt de la chambre civile du 10 avril 1855, précité, qui laisse à la communauté l'intégralité du prix d'aliénation d'un usufruit éteint en même temps qu'elle se dissout, - la Cour de Caen, dans une argumentation très complète, pose en thèse que le principe que le patrimoine de la communauté ou celui des époux ne doit pas s'enrichir aux dépens des autres s'applique exclusivement lorsqu'il s'agit du fonds même, des choses qui composent le capital de ce patrimoine, mais non lorsqu'il s'agit de fruits ou de revenus. Décider le contraire serait, dit-on dans ce système, attribuer à la communauté un droit inaltérable sur les propres viagers, admettre que l'époux lui doit garantie de l'intégralité de leurs produits pendant toute sa durée; ce serait s'exposer, si la communauté dure longtemps, à cette iniquité que le prix d'aliénation serait complètement absorbé par les déductions faites au profit de la communauté; d'aucuns, écartant cette règle que la récompense ne doit jamais constituer

de son patrimoine propre, sans que la communauté ou l'autre époux puisse se plaindre de la diminution des revenus qui entrent dans le fonds commun (2) (Id.).

Cette reprise intégrale du prix d'aliénation d'un propre viager doit-elle être admise au profit des héritiers, quand la communauté se dissout par le décès de l'époux usufruitier ou créancier de la rente viagère (3) (Id.)? — V. la note.

en perte celui qui la doit, ont ajouté que l'abandon total du prix d'aliénation à la communauté pourrait parfois ne pas libérer complètement envers elle l'époux survivant. V. Bugnet sur Pothier, Tr. de la commun., t. 7, p. 311, note 2. La Cour de Caen ajoute qu'il est impossible, ou tout au moins très difficile, de déterminer la différence entre les produits du droit viager et les revenus du prix provenu de son aliénation; qu'enfin, les produits d'un droit viager sont destinés, comme les autres revenus, à être dépensés à mesure des perceptions; qu'aussi bien le législateur a, dans les art. 1433 et 1436, C. civ., condamné les solutions admises sur ce point dans l'ancien droit.

Cette argumentation, fort habilement déduite, mérite certes un sérieux examen. Inexacte, à notre avis, sur plus d'un point, elle ne paraît pas décisive. Il est sans doute incontestable que le mari, en toute indépendance, la femme, dûment autorisée, peuvent modifier à leur guise, notamment par des aliénations, la composition de leur patrimoine propre, et qu'ils ne sont pas tenus envers la communauté à la garantie d'une somme totale de revenus, soit sur l'ensemble des biens dont l'art. 1401-2° lui attribue la jouissance, soit sur tel bien en particulier, pas plus sur les propres viagers que sur les propres perpétuels. Il ne serait pas dû récompense à la communauté, par exemple, pour la substitution d'une rente viagère à un usufruit beaucoup plus productif. Le droit de jouissance reconnu à la communauté par l'art. 1401-2° est un droit à titre universel. Il ne grève pas tel ou tel bien, à titre particulier.

Mais ces principes font-ils donc obstacle à ce qu'il puisse être réclamé en faveur de la communauté, sur des bases d'évaluation à déterminer, une récompense en raison de la réduction de revenus provenant, non pas simplement de la libre administration des biens propres de l'époux, mais de ce que cet époux a, par contrat, transformé en capital à son profit partie des revenus qui tombaient en communauté? Ce n'est pas là une question de garantie d'un certain chiffre de revenus, mais une application normale de la règle écrite dans l'art. 1437, C. civ., à savoir que l'époux qui - qui s'est enrichi aux dépens de la communauté, s'est, comme en l'espèce, créé ainsi un capital, lui en doit récompense dans la mesure du profit qu'il en a retiré.

On insiste. Si l'époux, dit-on, s'est procuré un enrichissement, il n'a pas appauvri la communauté. Or, la loi a interdit, en matière de récompenses, de tenir compte de ce genre de préjudice. Il ne constitue pas un véritable appauvrissement aux yeux du législateur.

Quels sont donc les textes du Code civil d'où résulterait l'abandon de la doctrine ancienne? On cite les art. 1433 et 1436. Mais ces deux textes ne font que reproduire des solutions et même des formules admises couramment dans l'ancien droit. Pothier (Tr. de la commun., n. 586, éd. Bugnet, t. 7, p. 309) et l'art. 232 de la Coutume de Paris nous disent que ce qui est l'objet de la reprise, II. PART. 3

(Andrès C. Hamelin).

Le 23 mars 1909, le tribunal de Cherbourg a rendu, au profit de Mme Hamelin,

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c'est le prix de la vente, non celui auquel le bien aura été estimé par contrat de mariage, ni celui qu'il valait lors de l'aliénation, quelque alléga. tion qui soit faite touchant cette valeur nous dit l'art. 1436, in fine, C. civ., continuant la même idée. Aussi ces textes n'ont-ils donné lieu à aucune observation. V. Locré, Législ. civ., t. 13, p. 82 et s. et p. 353 et s. Nulle part ne s'est manifestée sur ce point la volonté d'innover. Cependant l'arrêt cidessus transcrit va jusqu'à affirmer que « la loi considère les fruits et revenus comme essentiellement destinés à être dépensés à mesure des perceptions ». Le contraire ne ressort-il pas de la définition que l'art. 1498 nous donne des « acquêts, ces biens meubles ou immeubles

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provenant tant de l'industrie commune que des économies faites sur les fruits et revenus des biens des deux époux »?

L'art. 1403, al. 2, met très bien en évidence l'inexactitude de cette allégation qu'il ne peut être question de récompense à l'occasion de fruits et revenus. « Si les coupes de bois, qui, suivant ces règles (celles de l'usufruit), pouvaient être faites durant la communauté, ne l'ont pas été, il en sera dû récompense... ». Il s'agit bien de fruits non perçus par la communauté. Ce texte est si peu une disposition exceptionnelle que Rodière et Pont l'étendent volontiers, et ils ne sont pas seuls à le faire. Si le législateur n'a parlé que des coupes de bois, c'est qu'ici les retards dans la réalisation des produits sont faciles. Il ne s'agit pas là d'une récolte qu'il faut percevoir au moment précis de sa maturité. V. Rodière et Pont, op. cit., t. 1, n. 471, 489 et s., t. 2, n. 946. Les règles de l'usufruit ordinaire ne sont donc pas toutes applicables au droit de jouissance qui appartient à la communauté sur les propres des époux. Les différences se manifestent précisément en matière de récompenses (Cpr. art. 590 et 1403, al. 2, art: 599, al. 2, et 1437, C. civ.). Aussi (comme nous l'avons vu, la jurisprudence s'est fixée en ce sens) serait-il téméraire de conclure des termes de l'art. 588 que les arrérages d'une rente vingerė constituée au profit d'un époux, en représentation d'un immeuble propre aliéné durant le mariage, seront perçus par la communauté, sans qu'elle soit, en aucun cas, tenue d'une restitution quelconque. Dès lors, à l'inverse, n'en résulte-t-il pas logiquement, en cas d'aliénation d'un propre viager contre un capital, que la communauté doit être indemnisée du préjudice résultant pour elle, non d'une diminution pure et simple de revenus, mais de la conversion juridique de revenus communs en un capital propre à un époux qu'implique la substitution, par la volonté de cet époux, d'un propre perpétuel à son propre viager aliéné?

L'objection se transforme. En quoi, dit-on, cette substitution d'un droit perpétuel à un droit viager dans le patrimoine d'un époux produit-elle des conséquences plus graves, sur le chiffre des revenus perçus par la communauté, que l'aliénation d'une maison mal construite, menaçant ruine sous une apparence trompeuse, mais rapportant de gros revenus eu égard à sa valeur vénale, pour peu que le prix d'aliénation soit employé à l'achat d'un immeuble de tout repos, mais à faible revenu, ou même d'une propriété d'agrément, source de dépenses pour le ménage? V. Planiol, op. et loc. cit. L'objection, si elle était fondée, ne tendrait à rien

épouse divorcée de M. Andrès, un jugement consacrant, par les motifs suivants, son droit à une reprise de 35.177 fr. 54, prix, encaissé par la communauté, de la vente

moins qu'à faire disparaître de nos lois la distinction traditionnelle entre les droits perpétuels et les droits viagers ou autres droits temporaires de très courte durée. On ne niera pas sans doute cette distinction, marquée par des différences si graves, par exemple, quant à la faculté de rachat, entre la rente perpétuelle et la rente viagère (C. civ., 1911 et s., et 1979). D'autre part, l'art. 624, C. civ., nous montre qu'à la différence du propriétaire, l'usufruitier d'un bâtiment qui s'effondre ne conserve aucun droit sur le sol et les matériaux. La propriété d'une maison qui peut prochainement s'écrouler par vétusté n'est donc pas menacée de s'éteindre comme un usufruit. L'objet du droit de propriété est plus ou moins périssable, mais, tant qu'il en reste quelque chose, le droit de propriété subsiste. Ce n'est pas là une vaine apparence. Les terrains à bâtir (là du moins où les locations sont lucratives, ce qui est un élément essentiel de l'objection) ont souvent une grande valeur vénale, parfois supérieure à celle d'un bâtiment atteint déjà par la vétusté, ou construit en matériaux fragiles, exigeant d'ordinaire de coûteuses et fréquentes réparations. De même, la propriété d'agrément a probablement été acquise dans l'intérêt et pour la satisfaction de toute la famille; elle sera, le plus souvent, en rapport avec la condition sociale et la situation pécuniaire des époux. Peut-être cette acquisition a-t-elle évité à la communauté les frais annuels assez élevés d'une location équivalente?... On peut ainsi entrevoir dans quel dédale de questions de fait on serait engagé, s'il fallait examiner, pour chaque hypothèse de remploi d'immeubles propres, quels avantages ou quels inconvénients pécuniaires auront pu en résulter, chaque année, en moyenne, pour la communauté. Les futurs conjoints, s'il s'en rencontrait qui voulussent apprécier avec cette rigueur la contribution annuelle de chacun d'eux aux dépenses du ménage, anraient à faire insérer dans leur contrat de mariage les clauses qu'ils jugeraient le plus efficaces pour atteindre ce but. La tendance n'est nullement en ce sens. Estce à dire qu'il faille verser dans l'excès opposé; et, abandonnant de prudentes traditions, la jurisprudence doit-elle laisser à chaque époux, agissant isolément, à l'insu et peut-être contre le gré de son conjoint, toute liberté de transformer ses propres viagers en propres perpétuels, aux dépens de la masse commune?

Il ne faut pas se dissimuler que la cause principale de la persistance des controverses en cette matière vient peut-être de la difficulté que l'on éprouve à établir sur des bases solides le mode d'évaluation de la récompense due à la communauté, du moins en cas de survie du conjoint auquel appartenait le droit aliéné. Les variations de Pothier suffiraient à le prouver.

Au contraire, lorsque la communauté a été dissoute par la mort du conjoint usufruitier ou crédi-rentier, le droit viager qui reposait sur sa tête se trouvant par cela même éteint, la détermination des droits respectifs des parties est beaucoup plus aisée.

Comme le dit la Cour de Caen, l'opinion qui semble prévaloir c'est en ce sens que la chambre civile a rendu l'arrêt précité du 10 avril 1855, est celle qu'adopte Pothier dans son Introd. au titre X de la Cout, d'Orléans, n. 106 (éd. Bugnet,

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t. 1, p. 244). Les héritiers de l'époux titulaire d'un droit viager, qui doit s'éteindre en même temps que lui, n'auraient eu de ce chef aucune réclamation à élever, s'il n'avait pas été aliéné. S'il a été aliéné ou racheté durant la communauté, ils n'auront pas davantage de droit à exercer. Le prix d'aliénation doit rester tout entier à la communauté, qui, sans cette aliénation, aurait recueilli tous les arrérages de la rente ou tous les revenus de l'usufruit dont elle a été ainsi privée.

Ce mode d'évaluation a été considéré en général comme plus satisfaisant que celui qui est proposé par Pothier au Tr. de la commun., n. 592 et 626, in fine (éd. Bugnet, t. 7, p. 311 et 325). V. toutefois, le premier alinéa de ce dernier numéro, dans lequel il revient à celui que nous venons de résumer. Ce second procédé consiste à reconnaître, en principe, à l'époux le droit à la reprise du prix de son propre viager aliéné, mais en l'obligeant à subir sur ce prix, au profit de la communauté, une déduction égale à la perte de revenus qui en est résultée pour la communauté, c'est-à-dire égale à la différence entre les intérêts du prix dont elle a joui et le chiffre plus élevé des arrérages de la rente ou des revenus de l'usufruit.

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C'est cette dernière façon d'évaluer l'indemnité que les partisans du système qui reconnaît à la communauté le droit à une récompense semblent préférer, quand le conjoint auquel appartient le droit viager survit à la communauté. Si ce droit n'avait pas été aliéné, il en aurait purement et simplement exercé la reprise. Quelle indemnité pécuniaire doit-on lui allouer à la place de ce droit qu'il ne peut reprendre? L'évaluation en est fort aléatoire. Voilà pourquoi, semble-t-il, on a préféré s'en tenir au compte, facile à dresser, des pertes de revenus que cette aliénation a infligée à la communauté, solution fort équitable, si la communauté a duré peu de temps après cette aliénation. Qu'importe que le gain de l'époux soit supérieur à l'appauvrissement de la communauté, si celle-ci en est totalement indemnisée? V. Cass, 26 oct. 1910 (Supra, 1 part., p. 13). Mais, s'il s'est écoulé de longues années depuis l'aliénation du droit viager, l'indemnité mise à la charge du conjoint survivant peut réduire d'une façon excessive, ou même supprimer son droit à la reprise du prix d'aliénation. Aussi comprendrait-on que le conjoint survivant, toujours libre de se borner à indemniser la communauté de la totalité du préjudice qu'il lui a causé, c'est-à-dire de lui compléter la série d'annuités réduites par suite de son aliénation, eût le droit de substituer un autre mode de règlement à celui-ci, quand il lui paraît trop lourd et dépasser le profit qu'il a tiré de l'opération. Il pourra, par exemple, demander que le prix d'aliénation de la rente viagère soit réparti proportionnellement entre lui et la communauté. Si la communauté a duré cinq ans depuis l'aliénation du droit viager, et qu'on évalue à dix années, d'après l'âge et l'état de la santé du conjoint, sa survivance probable, la communauté retiendra un tiers du prix à titre d'indemnité. L'époux survivant exercera la reprise des deux autres tiers. S'il s'agit d'une rente viagère rachetée ou aliénée au tarif des compagnies d'assurances, on pourra, en fait, constater que, lors de ce rachat ou de l'aliénation de cette rente, on

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