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arrêtés légalement pris dans la commune dont faisait primitivement partie le territoire détaché continuent à s'appliquer aux habitants de la nouvelle commune, tant qu'ils n'ont pas été abrogés par sa municipalité (1) (Id.).

(Mortreux et Courmont).

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-

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que les prévenus sont poursuivis pour avoir contrevenu aux dispositions de l'art. 19 de l'arrêté de M. le maire de Cucq du 14 avril 1909, réglementant le marché d'approvisionnement établi dans la commune de Cucq, et se tenant au hameau de Paris-Plage, lieudit Place de l'Eglise »; Attendu que les prévenus excipent de l'érection en commune du hameau de Paris-Plage, aujourd'hui ville du Touquet-Paris-Plage, pour prétendre que le territoire de la nouvelle ville n'est plus soumis aux règlements et arrêtés de police qui régissaient l'ancien hameau; Attendu que les arrêtés légalement pris dans la commune dont faisait partie primitivement le territoire détaché subsistent dans cette nouvelle portion, lorsqu'elle acquiert, en vertu d'une foi, l'autonomie communale; - Attendu que la loi du 28 mars 1912 (J. off. du 31 mars 1912) a distrait le hameau de Paris-Plage, section de la commune de Cucq, de ladite commune de Cucq, pour former la commune du Touquet-Paris-Plage, et a déterminé les limites des deux communes; Attendu que l'art. 3 de la loi de séparation du 28 mars 1912 est ainsi concu: « Les dispositions qui précèdent recevront leur application, sans préjudice des droits d'usage et autres qui pourraient être respectivement acquis »;- Attendu que, d'une part, ladite loi de séparation a, par cette disposition, investi la nouvelle commune du Touquet-Paris-Plage de tous les droits actifs et passifs qui lui incom baient dans l'ancienne situation; -- Attendu que, d'autre part, les arrêtés légalement pris par l'autorité municipale constituent de véritables lois, qui restent obligatoires et subsistent tant qu'ils n'ont pas été expressément abrogés ou régulièrement rapportés; - Attendu que, s'il en était autrement, il faudrait faire table rase de tout le passé, à quelque point de vue qu'on se place, et il faudrait que le maire de la nouvelle commune du Touquet-Paris-Plage prit des arrêtés nouveaux sur toutes les matières qui

Cass. 26 juill. 1828 (P. chr.); 23 juill. 1836 (S. 1837.1.245. P. chr.); 5 août 1836 (P. chr.); 22 sept. 1836 (S. 1837.1.500. P. chr.); 3 déc. 1880 (S. 1882.1.336. — P. 1882.1.800); notre C. cir. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1o, n. 44; et notre Rép. gén, du dr. fr., vo Règlement de police ou municipal, n. 1270; Pand. Rép., v° Arrêté municipal, n. 97. Par application de ce principe, la Cour de cassation a décidé que les arrêtés municipaux légalement pris et promulgués pour une commune conservent leur force obligatoire, nonobstant la réunion de cette commune à une autre commune du même département, tant qu'ils n'ont pas été abrogés, et que les réglements de la nouvelle commune n'y ont pas été régulièrement publiés. V. Cass. 16 avril 1858 (S. 1858. 1.776. P. 1858.870). Il en faut dire de même, lorsque,

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rentrent dans sa compétence, faute de quoi ce serait l'anarchie complète; Attendu que le maire de la nouvelle commune peut prendre des arrêtés nouveaux; mais, s'il ne l'a pas fait ou ne le fait pas, la nouvelle commune du Touquet-Paris-Plage est et demeure constituée et réglementée telle qu'elle l'était sous l'administration antérieure; Attendu que les arrêtés de police pris par le maire de la commune de Cucq, avant la loi de séparation, régissent, en conséquence, et doivent continuer de régir la ville du Touquet-Paris-Plage, tant qu'ils n'ont pas été abrogés; Attendu que l'arrêté du maire de Cucq du 14 avril 1909 continue donc de réglementer le marché d'approvisionnement de la ville du Touquet-Paris-Plage... (le reste sans intéPar ces motifs, etc.

rét);

Du 10 sept. 1912. Trib. de simple pol. de Montreuil-sur-Mer. M. Achille Pansiot, juge de paix.

TRIB. DE LA SEINE 9 décembre 1912. COMPÉTENCE, JUGE DE PAIX, TRIBUNAL CIVIL, INCOMPÉTENCE, ORDRE PUBLIC, RÉPARATIONS LOCATIVES (Rép., vo Compétence civile et commerciale, n. 117 et s.; Pand. Rép. v° Compétence, n. 457).

L'incompétence du tribunal civil pour connaitre des affaires ressortissant au juge de paix est une incompétence ratione materiæ, qui peut être opposée en tout état de cause (2) (L. 16-24 août 1790; 25 mai 1838; 12 juill. 1905).

Spécialement, le défendeur, assigné devant le tribunal civil en paiement de réparations locatives, est recevable, bien qu'il ait conclu au fond, à invoquer l'incompétence du tribunal civil, l'art. 4 de la loi du 12 juill. 1905 attribuant au juge de paix la connaissance des actions pour réparations locatives; il ne saurait, en effet, appartenir aux parties de supprimer le premier degré de juridiction, en saisissant directement le juge d'appel d'une action qui ne doit lui être soumise qu'après que le juge du premier degré a statue (3) (Id.). (Lemarquis, ès qualités, C. Riondel).

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que, par exploit en date du 1er mars 1912, Lemarquis, ès qualités, a fait assigner Riondel

comme dans l'espèce, partie d'une commune est érigée en cominune distincte; les arrêtés régulièrement pris, avant la séparation, dans la commune dont partie a été distraite, continuent à régir la nouvelle commune, tant qu'ils n'ont pas été abrogés par la municipalité de cette commune. (1) V. la note qui précède.

(2-3) Le jugement ci-dessus, en décidant que l'incompétence du tribunal civil pour connaître d'une action ressortissant au juge de paix, est une incompétence absolue, d'ordre public, qui peut être opposée en tout état de cause, adopte la solution qui a été, à diverses reprises, consacrée par la chambre civile de la Cour de cassation. V. Cass. civ. 16 mai 1900 (S. et P. 1901.1.284; Pand. pér., 1901.1.30); 29 nov. 1904 (S. et P. 1905.1.96; Pand. pér., 1905.1.138); 31 oct. 1910 (S. et P. 1911.1.439;

en entérinement de rapport d'expert et paiement de la somme de 1.397 fr., montant de réparations locatives; Attendu que, suivant acte reçu Rivière, notaire à Paris, Déforge, propriétaire d'un hôtel situé 45, avenue Sainte-Foy, à Neuilly-surSeine, a donné ledit immeuble à bail à loyer à Riondel, lequel, après expiration de la première période triennale, aurait quitté les lieux sans avoir fait procéder aux réparations locatives; que le demandeur, nommé administrateur séquestre de l'immeuble, le 2 déc. 1909, n'ayant pu obtenir le paiement de la somme représentant ces réparations, au lieu de citer Riondel devant le juge de paix, conformément aux prescriptions de l'art. 4 de la loi du 12 juill. 1905, a, le 4 sept. 1910, fait nommer un expert, lequel à réglé à la somme ci-dessus le montant des réparations locatives incombant à Riondel ou à son sous-locataire Beguin, et ensuite assigné directement devant le tribunal; Attendu que Riondel, après avoir conclu au fond à la date du 1er nov. 1912, a, par conclusions signifiées le 12 novembre suivant, décliné la compétence du tribunal civil, en envisageant les termes de l'art. 4 de la loi du 12 juill. 1905; - Attendu que Lemarquis soutient vainement que, bien qu'il ne soit pas contestable que les juges de paix sont seuls compétents pour connaitre des actions tendant au paiement des réparations locatives, à quelque chiffre qu'elles puissent s'élever, il ne s'agit pas, en l'espèce, d'une incompétence ratione materiæ pouvant être soulevée en tout état de cause, mais d'une incompétence relative, qui aurait dû être invoquée in limine litis, et a été couverte par les conclusions au fond en date du 1er novembre; tendu, en effet, que les parties ne sauraient supprimer le premier degré de juridiction, et saisir directement une juridiction d'appel d'une action qui ne doit lui être soumise qu'après que le juge du premier degré a statué; que des raisons d'ordre public exigent que la hiérarchie judiciaire établie par le législateur soit respectée; que l'incompétence soulevée est absolue; Par ces motifs; Se déclare incompétent, etc.

- At

Du 9 déc. 1912. - Trib. civ. de la Seine, 5 ch. MM. Ausset, prés. ; Béguin, subst.; Hamelet et Mathiot, av.

Pand. pér., 1911.1.139). Adde, Bourges, 21 nov. 1910 (S. et P. 1911.2.88; Pand, per., 1911.2.88), et les renvois. Mais la chambre des requêtes a, au contraire, admis qu'il n'y a là qu'une incompétence relative, et que les parties peuvent valablement proroger la compétence du tribunal civil, en lui soumettant une affaire de la compétence du juge paix. V. Cass. req. 19 févr. 1894 (S. et P. 1898. 1.262). Adde dans le même sens, Dijon, 29 déc. 1909 (S. et P. 1911.2.76; Pand. pér., 1911.2.76), et le renvoi. C'est ce que la chambre des requêtes a jugé, spécialement pour une demande tendant au paiement de réparations locatives, action qui, sous l'empire de la loi du 12 juill. 1905, comme sous T'empire de la loi du 25 mai 1838, est de la compétence du juge de paix. V. Cass. 19 févr. 1894. précité.

TRIB. DE LA SEINE 5 mai 1913. COMPENSATION, APPEL, CRÉANCE ACQUISE DEPUIS LE JUGEMENT, DETTE CERTAINE ET NON CONTESTÉE (Rép., v° Compensation, n. 179 et s., 265 et s.; Pand. Rép., vo Obligations, n. 5748 et s., 5998 et s.).

Si la compensation d'une créance, acquise par un débiteur depuis l'appel du jugement qui l'a condamné, peut être opposée pour la première fois en appel, c'est à la condition qu'il s'agisse d'une créance, sinon liquide, tout au moins certaine ou non contestée, et non d'une créance pour laquelle il y a compte à faire (1) (C. civ., 1291; C. proc., 464).

(Rothschild C. Darriet et Cie). - JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que Rothschild a interjeté appel d'une sentence de la justice de paix du IXe arrondissement de Paris, qui, à la date du 5 avril 1912, l'a condamné à payer à Darriet et Cie la somme de 595 fr. 65; Attendu que Rothschild ne conteste pas le principe et le chiffre de la dette; qu'il soutient seulement qu'il est en droit de compenser, avec la condamnation prononcée, qui devrait être réduite à 334 fr. 50, une créance de 261 fr. 15, pour commissions dues par Darriet à son beau-frère Pollack, et qui lui aurait été transportée par acte sous seing privé du 4 avril 1913, enregistré le 5 avril; -Attendu que, si la compensation d'une créance acquise par un débiteur depuis

(1) Il est de principe qu'un débiteur peut opposer, pour la première fois en appel, la compensation résultant d'une créance qu'il a acquise depuis le jugement qui l'a condamné. V. Cass. 24 déc. 1850 (S. 1851.1.24. P. 1852.1 318). Adde, Aubry et Rau, 5e éd., t. 4, p. 396, § 328; Demolombe, Contr. ou oblig., t. 5, n. 645; Baudry-Lacantinerie et Barde, Des oblig., 3e éd., t. 3, n. 1862; Larombière, Theor. et prat. des oblig., t. 5, sur l'art. 1290, n. 2. Mais il va de soi que, pour que la compensation soit admise, il faut que les dettes qu'il s'agit de compenser satisfassent aux conditions requises par l'art. 1291, C. civ. La compensation ne pouvant, aux termes de cet article, s'opérer qu'entre des dettes liquides et exigibles, il s'ensuit notamment qu'une dette dont le principe est contesté n'est pas liquide, et ne peut, par suite, entrer en compensation. V. Cass. 1er juin 1851 (S. 1851.1.740. P. 1852.1.543). Adde, Laurent, Princ. de dr. civ., t. 18, n. 400; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., t. 3, n. 1832 a. Mais, une dette ne cesse pas d'être liquide, au point de vue de la compensation, encore qu'elle soit contestée, si cette contestation n'est pas sérieuse. V. Cass. 7 févr. 1883 (S. 1885. 1.300. P. 1885.1.739), avec le rapport de M. George-Lemaire et les autorités citées; Poitiers, 6 févr. 1899, sous Cass. 28 oct. 1901 (S. et P. 1903.1.85), et les renvois.

(2-3-4) Ce jugement, nettement et fortement motivé, résout pour la première fois une des nombreuses questions relatives à la déduction, dans les déclarations de succession, des valeurs données par le défunt, et sujettes à rapport. Le tribunal fait faire un nouveau progrès à la jurisprudence qui s'est formée et développée contrairement aux efforts constants de la Régie.

Au point de vue des principes juridiques, la somme rapportée dans une succession par un

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l'appel du jugement qui l'a condamné peut être opposée pour la première fois en appel, il ne peut en être ainsi que lorsqu'il s'agit d'une créance, sinon liquide, tout au moins certaine ou non contestée; tendu que, si l'appelant représente une lettre de Darriet, adressée à Max Pollack, en date du 26 févr. 1904, par laquelle Darriet s'engageait à payer à Pollack une commission de 15 p. 100 sur les ordres directs ou indirects des clients avec lesquels ce dernier le mettait en relations, Rothschild n'établit point que le montant des commandes prises par son beau-frère, pour le compte de Darriet, se soit élevé à la somme de 1.741 fr.; Attendu que, par suite, Rothschild ne saurait se prévaloir d'un compte qui n'est pas encore établi; - Par ces motifs; - Au fond: Confirme la sentence dont est appel, etc.

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Du 5 mai 1913. Trib. de la Seine, 7 ch. MM. Ransson, prés.; Roger Réau et Darnal, av.

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Cela serait injuste, puisque, lors de l'enregistrement de la donation, cette somme a déjà acquitté un premier droit de mutation. Aussi la Cour de cassation a-t-elle toujours reconnu que la somme donnée doit, pour le calcul des droits, être déduite de la succession : Attendu que, par les donations faites par F... à B... et à la femme C..., dans leurs contrats de mariage, le donateur s'est dessaisi actuellement et irrévocablement des sommes par lui données à son neveu et à sa petite-nièce; qu'aux yeux de la loi fiscale, ces donations ont opéré une véritable mutation, dont les droits ont été perçus par la Régie au moment de la présentation des contrats à la formalité de l'enregistrement; que, dès ce moment, les sommes données ont cessé, au point de vue de la perception de l'impôt, de faire partie du patrimoine du donateur, et, par conséquent, ont dû être distraites de la masse active de sa succession, lors de la déclaration qui en a été faite après son décès » (Cass. 30 juill. 1862, S. 1862.1.991. P. 1863.16). V. dans le même sens, Cass. 28 oct. 1889 (S. 1891. 1.545. P. 1891.1.1314, et la note de M. Wahl; Pand. pér., 1889.6.45). V. égal., depuis la loi du 25 févr. 1901, Trib. de Compiègne, 9 déc. 1908 (S. et P. 1910.2.127; Pand. pér., 1910.2.127); Trib. de Niort, 26 mars 1909 (S. et P. 1911.2.63; Pand. per., 1911.2.63), les notes et les renvois. Juridiquement donc, cette jurisprudence repose sur la raison suivante: la donation a dessaisi le donateur; le droit de mutation ayant été perçu, il y aurait double emploi à le percevoir de nouveau lors de la déclaration de succession. V. la note de M. Wahl sous Cass. 28 oct. 1889, précité.

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été payée au moment du décès du donateur, celle somme est distraite, au regard de la loi fiscale, du patrimoine du donateur, et doit, en conséquence, être retranchée de la masse active de sa succession, lors du paiement des droits de mutation par décès (2) (L. 22 frim. an 7, art. 14, n. 8, et 15, n. 7).

Il importe peu que l'acte de donation, passé devant le chancelier d'un consulat français à l'étranger, n'ait été soumis à la formalité de l'enregistrement que postérieurement au décès du donateur; en effet, en accomplissant cette formalité, le donataire n'a fait qu'exécuter une obligation fiscale préexistante, et dont l'accomplissement ne pouvait, en aucune manière, modifier la fixation de la masse successorale. C'est bien au moment même du décès que la masse active de la succession pouvait être définitivement fixée, et la distraction du montant de la donation s'est opérée à ce moment, sous la charge de payer les droits de donation sur la somme donnée (3) (Id.).

A supposer même que la somme donnée dût être considérée comme n'étant pas sortie du patrimoine du défunt au moment de son décès, il y aurait tout au moins lieu de retrancher cette somme de l'actif successoral, à titre de dette déductible, en vertu de la loi du 25 févr. 1901 (4) (L. 25 févr. 1901, art. 3 et s.). (Enregistrement C. Kahn).

JUGEMENT.

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La Cour de cassation a montré ultérieurement le caractère absolu qu'elle attachait à sa doctrine, en l'appliquant à l'hypothèse même où un objet rapporté en nature est attribué par le partage à un héritier autre que le débiteur du rapport. V. Cass. 23 oct. 1889, précité.

Dans l'espèce, le droit de donation avait été acquitté; il n'y avait donc pas lieu de payer un droit de mutation par décès. Au reste, la Régie n'exigeait pas l'un et l'autre de ces droits. En fait, le droit de mutation par décès, qui, comme on le sait, est devenu progressif depuis la loi du 25 févr. 1901, se trouvait, en raison de l'importance de la succession, être supérieur au droit de donation, qui est resté proportionnel. La Régie faisait observer que la donation, qui, ayant été passée à l'étranger, n'était pas sujette en France à l'enregistrement dans un délai déterminé, avait été enregistrée après le décès, bien qu'antérieurenfent à la déclaration de succession; au point de vue fiscal, le dessaisissement, concluait la Régie, n'était pas définitif lors du décès. Donc, le droit de mutation par décès devait être perçu; le droit de donation n'aurait pas dû l'être; tout ce qu'on pouvait accorder aux parties, c'était d'imputer le droit de donation sur le droit de mutation par décès.

On voit immédiatement la conséquence singulière de cette doctrine si l'acte de donation est présenté à la formalité avant le décès, le droit de donation doit être perçu, et le droit de mutation par décès ne le sera pas : c'est la solution donnée directement par l'arrêt précité de Cass. 30 juill. 1862; si, comme dans l'espèce, l'acte est présenté à la formalité après le décès, c'est le droit de mutation par décès qui est dû; mais, comme il n'est dû que lors de la déclaration de succession, l'acte doit être enregistré gratuitement, alors même qu'au moment de l'enregistrement, la décla

Brunschwig, Raymond Kahn et André Kahn ont, suivant exploit de Remy, du 15 nov. 1909, fait opposition à la contrainte signifiée au sieur Lucien Kahn, l'un d'eux, par l'Administration de l'enregistrement, tendant au paiement de la somme de 19.827 fr. 10, représentant le supplément des droits de mutation réclamés à Lucien Kahn, susnommé, dans la succession de Arthur Kahn, décédé le 21 janv. 1909, père desdits consorts; qu'ils ont, par le même exploit, assigné l'Administration de l'enregistrement devant ce tribunal, pour faire statuer sur le mérite de cette opposition; que, suivant exploit du même huissier, en date du 12 janvier suivant, les mèmes opposants ont assigné, en outre, l'Administration de l'enregistrement devant ce tribunal, pour, subsidiairement, et au cas où leur opposition serait reconnue mal fondée, voir ordonner l'imputation ou la restitution des droits perçus le 1er avril 1909, au bureau des actes sous seings privés, sur le contrat de mariage, passé devant le chancelier du consulat de France à Prague, de Lucien Kahn, susnommé, contenant donation à son profit, par son père, en avancement d'hoirie sur sa succession, d'une somme de 750.000 fr., et ont, en outre, dans ledit exploit, déclaré se désister de la constitution d'avoué précédemment faite en leur opposition à contrainte; Attendu que, ladite somme de 750.000 fr., constituée en dot, n'ayant pas encore été payée à son bénéficiaire au jour du décès du donateur, la question soumise au tribunal se réduit, dans ces

ration de mutation par décès n'a pas eu lieu; la Régie estime que, si le droit de donation a été perçu dans l'espèce, c'est à tort. Or, il est inadmissible qu'une donation puisse être enregistrée sans donner lieu au droit de donation, toute mutation étant passible du droit proportionnel (L. 22 frim. an 7, art. 4). Il ne reste ainsi à la Régie d'autre procédé que d'agir comme elle l'a fait dans l'espèce: percevoir le droit de donation, parce qu'il y a eu donation, et le restituer ensuite, parce qu'il y a eu une sorte de transformation incompréhensible de la donation en mutation par décès.

Il serait également intéressant de savoir si la Régie reproduirait sa doctrine dans les hypothèses où le droit de donation est supérieur au droit de succession, et où, par conséquent, elle aurait intérêt à conserve le droit de donation et à déduire, en retour, les valeurs données de l'actif héréditaire. Cette hypothèse est de nature à se présenter dans les successions peu importantes, où les tarifs n'atteignent pas le tarif du droit de donation. Elle était même seule possible avant la loi du 25 févr. 1901; car les droits de succession étaient, sous l'ancienne législation, inférieurs aux droits de donation.

En droit, comme le dit le jugement ci-dessus recueilli, une seule chose, d'après la jurisprudence de la Cour de cassation, doit être considérée : c'est l'existence d'une donation, qui, étant réputée avoir fait sortir définitivement du patrimoine, au point de vue fiscal, la somme donnée, oblige à la considérer comme n'existant plus dans ce patrimoine pour le paiement des droits de succession. La Régie a essayé de donner à la jurisprudence de la Cour de cassation cette interprétation que la condition essentielle de la déduction est que le

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conditions, à savoir si, pour la liquidation de l'impôt de mutation par décès, cette somme doit être déduite de l'actif successoral, comme un bien sorti du patrimoine du défunt, alors que ce n'est que postérieurement à l'ouverture de la succession que la somme donnée a été soumise à la perception du droit de donation; tendu qu'il résulte d'un acte de partage, reçu par Leroy, notaire à Paris, le 2 avril 1909, de la succession de Kalin, de cujus, que les droits de Lucien Kahn se sont élevés dans la succession de son père à la somme de 1.215.408 fr. 41, sur laquelle a été imputée en totalité la somme donnée, encore intégralement due; Attendu qu'il est constant que la somme de 750,000fr., objet de la donation faite par Kahn père au profit de Lucien Kahn, son fils, aux termes du contrat de mariage de celui-ci, s'est trouvée, au moment même de la libéralité, distraite, au regard de la loi fiscale, du patrimoine du donateur, et devait, en conséquence, être retranchée de la masse active de sa succession, lors de la déclaration qui en a été faite à Paris, le 12 mai 1909; qu'il importe peu que le contrat de mariage du donateur, passé devant le chancelier du consulat de France à Prague, n'ait été soumis à la formalité de l'enregistrement au bureau des actes sous seings privés à Paris que postérieurement au décès du donateur, le 1er avril 1909; qu'en effet, en accomplissant cette formalité, le donataire n'a fait qu'exécuter une obligation fiscale préexistante, et dont l'accomplissement ne pouvait, en aucune

droit de donation ait été perçu avant que la dette du droit de mutation par décès ait pris naissance, c'est-à-dire avant le décès du donateur. Non seulement cette condition n'est pas exigée par la Cour de cassation, mais on ne comprendrait pas qu'elle le fut. Le souci de la jurisprudence est d'éviter que la même somme ne soit passible de deux droits de mutation. Dès lors donc que l'un d'eux a été perçu à une époque quelconque, l'autre ne peut être réclamé. D'autre part, comme nous l'avons dit, lorsqu'une donation est présentée à l'enregistrement, l'Administration ne peut se dispenser de percevoir le droit de donation; par conséquent, le droit de mutation par décès ne peut être exigé ultérieurement.

La loi du 25 févr. 1901 a fourni au tribunal un argument de plus, spécial à l'hypothèse où, comme dans l'espèce, la somme donnée n'a pas encore été payée lors du décès du donateur; il y a là, suivant le tribunal, une dette héréditaire, qui doit être déduite de l'actif pour la liquidation du droit de mutation par décès. Le titre passé devant un fonctionnaire français compétent à l'étranger était susceptible de faire preuve en justice contre le défunt (L. 25 févr. 1901, art. 3). Le tribunal n'a pas tenu compte que le donataire était un héritier, et que, suivant l'art. 7, 2°, de la loi de 1901, les dettes consenties par le défunt au profit d'un héritier ne sont pas déductibles. Il est vrai que, si la dette est consentie par un acte authentique, la preuve de la sincérité de la dette et de son existence au jour de l'ouverture de la succession est admise; mais cette preuve n'est évidemment pas aisée.

D'autre part, l'art. 7, 5o, de la loi de 1901 repousse la déduction des dettes résultant de titres

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manière, modifier la fixation de la masse successorale; Attendu que c'était bien au moment même du décès de Kahn, de cujus, que la masse active de la succession pouvait être définitivement fixée, et que la distraction du montant de la donation dont s'agit s'était opérée à ce moment, sous la charge de payer les droits de donation sur la somme donnée; Attendu que, dans l'hypothèse même qui consisterait à considérer la somme de 750.000 fr., donnée par Kahn, de cujus, comme n'étant pas sortie de son patrimoine au moment de son décès, il y avait tout au moins lieu de retrancher ladite somme de l'actif successoral, à titre de dette déductible, en vertu de la loi du 25 févr. 1901; qu'il résulte bien, en effet, de tous les documents versés aux débats que la donation faite à Lucien Kahn, dans les conditions précitées, et dont le montant ne lui avait pas encore été versé au moment du décès du donateur, se présentait alors avec toutes les conditions requises pour permettre la déduction de l'actif successoral de la somme donnée; Attendu que, de toutes façons, dans de telles conditions, le droit supplémentaire de mutation, réclamé par l'Administration de l'enregistrement sur la somme de 750.000 fr., n'est pas dû; Par ces motifs, etc.

Du 12 déc. 1911. Trib. civ. de la Seine, 2o ch. MM. Sureau, prés.; Peignot, subst.

passés à l'étranger. Un acte rédigé par le chancelier d'un consulat français à l'étranger est-il un acte passé à l'étranger? La question est délicate. L'affirmative peut s'appuyer sur les termes absolus dont se sert la loi pour formuler cette exception au principe de la déduction des dettes, et sur la règle, constante en jurisprudence, d'après laquelle les lois fiscales doivent être interprétées par leurs termes et non par leur esprit. V. Cass. 15 avril 1899 (S. et P. 1899.1.418), la note et les renvois. Adde, notre Rép. gen. du dr. fr., v° Enregistrement, n. 108 et s.; Pand. Rép., cod. verb., n. 94 et s. La négative peut se baser sur ce que la déduction a été repoussée par l'art. 7, 5°, « à cause de l'impossibilité de vérifier l'existence et surtout la réalité » des titres passés à l'étranger (Exposé des motifs de M. Burdeau, ministre des finances; J. off. de mars 1894, doc. parl. de la Chambre, p. 127, col. 3); aussi la loi fait-elle exception pour le cas où les titres sont rendus exécutoires en France, et admet-elle alors la déduction des dettes. Or, d'une part, un fonctionnaire français à l'étranger mérite autant de confiance qu'un notaire en France, ou que les parties elles-mêmes rédigeant un acte sous seing privé. D'autre part, les actes dressés par le chancelier d'un consulat français, et dûment légalisés par le consul, sont considérés comme des actes authentiques français, et par conséquent ont la force exécutoire. V. Bry, Précis de dr. intern. public, 6e éd., n. 310; Despagnet, Cours de dr. intern. public, 4e éd., par de Boeck, n. 366, p. 536; Bonfils, Man. de dr. intern., public, 4o éd., par Fauchille, n. 773; notre Rép. gen. du dr. fr., vo Agent diplomatique et consulaire, n. 914 et s.; Pand. Rep., y Consul, n. 439 et s.

ALBERT WAHL.

DIJON 1er février 1911.

FAILLITE, REHABILITATION COMMERCIALE, REHABILITATION DE DROIT, PAIEMENT INTÉGRAL DES CRÉANCIERS, REHABILITATION FACULTATIVE, Demande, RecevabILITÉ (Rép., vo Faillite, n. 4314 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 9611 et s.).

La réhabilitation de droit, dont, aux termes du paragraphe final ajouté par

(1-2) L'arrêt de Dijon, du 1er févr. 1911, a confirmé par adoption de motifs le jugement du tribunal de commerce de Chaumont, du 23 sept. 1910, qui lui était déféré. Il est difficile de trouver un cas où une telle confirmation, par adoption de motifs, soit plus justifiée; car le jugement du tribunal de Chaumont était basé, en droit et en fait, sur les motifs les plus sérieux, exprimés d'ailleurs en des termes excellents. Notre distingué collègue, M. Lacour, citant cet arrêt de Dijon, qui venait de paraître au moment de la publication de son traité, est d'avis que « cette solution semble s'expliquer par des raisons de sentiment plutôt que de droit (Précis de dr. comm., n. 1916, p. 1087, note 2). Nous accepterions volontiers de dire que les considérations morales y tiennent une place prépondérante. Mais la morale n'est pas étrangère au droit, spécialement au droit commercial. C'est un adage courant que le commerce vit de crédit, c'est-à-dire de confiance. Or, on observe de nos jours, avec l'instabilité croissante des situations, même bien établies, que la confiance redevient, comme aux époques primitives, question de probité beaucoup plus que de solvabilité, donc question morale. L'élément moral joue dans le monde moderne un rôle infiniment plus considérable qu'on ne le penserait au premier abord, et il est probable que ce rôle grandira encore. Il est particulièrement saillant dans la matière de la réhabilitation; et, pour en donner tout de suite une preuve décisive, c'est une considération purement morale qui explique la possibilité de réhabilitation après la mort du failli (C. comm., 614). M. Lacour le reconnaît très catégoriquement: En ce cas, la réhabilitation n'a qu'une portée morale (op. cit., n. 1919, p. 1089). « Elle est alors, dit M. Thaller, un simple hommage rendu à la mémoire du mort, et devient un acte désintéressé » (Tr. élém. de dr. comm., 4o éd., n. 2178). V. encore, dans le même ordre d'idées, la possibilité, pour les héritiers d'un débiteur décédé en état de cessation de paiements, de demander sa mise en liquidation judiciaire, aux termes de la loi du 4 mars 1889, art. 2, in fine.

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D'ailleurs, toute l'histoire récente de la réhabilitation est la démonstration de l'importance croissante de l'élément moral dans la matière de la réhabilitation. Pendant près d'un siècle, de 1807 à 1903, la réhabilitation a été, du moins si l'on se place au point de vue personnel du failli, une question simplement pécuniaire. Il n'y avait alors qu'une seule sorte de réhabilitation; et elle impliquait le paiement de tout le passif, principal, intérêts et frais. Ah! sans doute, si, de l'appréciation toute personnelle, on remonte à une appréciation générale, il est certain que la sévérité de la loi commerciale formait une solide armature de l'honnêteté générale du commerce. La rigueur de la loi des faillites, comme, au surplus, celle du droit du change, ont une certaine répercussion sur le maintien de la solvabilité et les efforts des commerçants. Il n'en est pas moins vrai qu'en soi, et en considérant le failli individuellement, sa bonne foi, son ANNÉE 1913. Il cah.

la loi du 23 mars 1908 à l'art. 605, C. comm., bénéficient, au bout de dix ans, sans avoir à remplir les formalités prévues par les art. 604 à 611, C. comm., le failli non banqueroutier et le liquidé judiciaire, n'a pas pour effet de priver le failli et le liquidé judiciaire du droit d'être admis à la rehabilitation facultative, dans les conditions prévues par les art. 604 et 605, 10 et 2°, modifiés par la loi du 30 déc. 1903 (1) (C. comm., 604, 605; LL. 30 déc.

mérite moral, n'exerçaient aucune influence; et même ses efforts n'en obtenaient que s'ils avaient été couronnés de succès. C'était une question d'argent un trou avait été fait, il fallait le combler; un tort pécuniaire avait été causé aux créanciers, il fallait le réparer.

La loi du 30 déc. 1903 (S. et P. Lois annotées de 1904, p. 697; Pand. pér., 1904.3.49) fit pénétrer d'autres idées dans ce domaine pécuniaire (V. sur l'historique de cette loi, S. et P. Lois annotées de 1908, p. 697, note 1; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 697, note 1; Roger, La réhabilitation des faillis et des banqueroutiers, not., p. 107 et s.). A côté de la réhabilitation de droit, qui n'appelait qu'une constatation et point d'appréciation, elle introduisit la réhabilitation facultative, qui pouvait être obtenue après cinq années, qui n'exigeait plus de paiement intégral, qui même s'accommodait de la remise entière des dettes par les créanciers, ou de leur consentement unanime à la réhabilitation, sans aucun paiement, mais sous la condition de probité reconnue ». C'était la revanche de l'élément moral sur l'élément pécuniaire. On s'était indigné sur le rapprochement, peut-être plus commode que judicieux, entre le failli et le condamné à une peine ou correctionnelle ou même criminelle. Avec une vie droite, honnête, ce dernier pouvait effacer la trace de ses torts passés. Mais la loi commerciale apostrophait ainsi le failli : « Ayez de l'argent, sinon vous ne serez jamais réputé honnête homme. Riche, vous vous ferez pardonner; pauvre, vous serez un éternel paria » (V. Roger, op. cit., p. 108).

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Cette réhabilitation facultative elle-même ne parut plus suffisante. La comparaison entre le failli et le délinquant pénal avait créé un courant d'opinion qui ne pouvait pas s'arrêter là, surtout depuis que la loi du 5 août 1899 (S. et P. Lois annotées de 1900, p. 937) avait, dans son art. 10, introduit une réhabilitation pénale automatique, par le seul effet du laps de temps. Le courant était devenu irrésistible, parce qu'on se bornait à envisager un seul côté de la question, la culpabilité morale des deux individus, bien que, sous d'autres rapports, les deux situations ne fussent nullement comparables, puisque, selon la judicieuse observation de M. Thaller (op. cit., n. 2180, p. 1079), « le condamné a expié sa faute par sa peine; il est quitte, à certains égards, envers la société; le failli n'a pas expié sa faillite, puisque ses créanciers ne sont pas remboursés ». Hypnotisé par un sentiment d'humanité souvent très légitime, et d'équité plus discutable, on ne songeait plus guère, ni à l'atteinte grave aux droits des créanciers, qui, fréquemment, dans le commerce, n'ont pas le temps de prendre les précautions dont les créanciers ont loisir de se munir dans les relations civiles, ni, non plus, à l'atteinte possible à l'honneur commercial et à la sécurité économique du pays. Bref, la loi du 23 mars 1908 (S. et P. Lois annotées de 1908, p. 697; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 697) ne se borna pas à faciliter la réhabilitation facultative, en supprimant le délai de cinq ans (C. comm., 605, modifié). Développant

1903, art. 2; 23 mars 1908, art. 1er).

En conséquence, le failli, qui a intégralement désintéressé ses créanciers, est recevable à demander sa réhabilitation, dans les termes de l'art. 604, C. comm., modifie par la loi du 30 déc. 1903, encore bien que, sa faillite remontant à plus de dix ans, il soit réhabilité de droit, en vertu de la disposition finale ajoutée par l'art. 1er de la loi du 23 mars 1908 à l'art. 605, C. comm. (2) (Id.).

une idée qui se trouvait déjà en germe dans la loi du 30 déc. 1903, elle introduisit une réhabilitation légale et automatique, par le seul effet de l'expiration du délai de dix ans, et sans autres conditions. L'art. 605, C. comm., contint désormais cet alinéa : Lorsqu'il s'est écoulé dix ans depuis la déclaration de faillite ou de liquidation judiciaire, le failli non banqueroutier et le liquidé judiciaire sont réhabilités de droit, sans remplir aucune des formalités prévues par les art. 604 à 611 inclus, C. comm. ».

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C'est très simple; fermez le Code de commerce : paiera qui voudra. Ils seraient bien naïfs, ceux-là... qui paieraient les dividendes qu'ils ont promis, et surtout ceux-là qui auraient fait un effort considérable, qui se seraient imposé des privations pour se libérer intégralement, alors qu'à côté d'eux, serait également réhabilité le failli qui a mené une existence large» (S. et P. Lois annotées de 1908, p. 698, 1 col., note 8; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 698, 1re col., note 8). A la Chambre des députés, le rapporteur, M. Lauraine, signalait le défaut de cette amnistie, qui « englobe dans une même mesure tous les faillis sans distinction..., ceux qui sont des commerçants malheureux et ceux pour lesquels la faillite a été un moyen (Séance du 23 mars 1908, J. off. du 24, déb. parl. de la Chambre des députés, p. 707, 1гe col.). M. Lacour (op. cit., n. 1911, p. 1087) dit aussi : « Il y a quelque chose d'immoral dans cette sorte d'amnistie, résultant du seul fait que dix ans se sont écoulés ». Et M. Bouvier-Bangillon, dans une dissertation sur la loi du 23 mars 1908 (Lois nouvelles, 1908, 1r part., p. 373 et s.), concluait (p. 382): La réhabilitation de droit reste, il est vrai, avec la réhabilitation facultative; mais ce seront réhabilitations pour très honnêtes gens; et les honnêtes gens n'ont jamais eu besoin de l'attrait d'une réhabilitation pour se croire obligés au paiement de leurs dettes ».

Mais voici bien une autre affaire. Les bénéficiaires eux-mêmes réclament. Le présent de la loi de 1908 leur a paru trop banal pour ne pas être dédaigné; et, tout en se trouvant dans les conditions pour invoquer la réhabilitation automatique par le laps de dix ans, ils ont sollicité la réhabilitation judiciaire, la seule qui leur paraisse avoir un véritable prestige. C'est l'espèce de l'arrêt de Dijon ci-dessus recueilli. Confirmant le jugement du tribunal de commerce de Chaumont du 23 sept 1910, la Cour a fait droit à cette requête. Cette thèse a également obtenu gain de cause, dans un jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 9 mars 1910 (Journ. des faill., 1911, p. 32). Notons que l'arrêt de Dijon a été déféré à la Cour suprême, et II PART. 38

-

(Wünschendorff).

23 sept. 1910, jugement du tribunal de

qu'elle vient de rejeter le pourvoi, par un arrêt de la chambre civile, du 22 juill. 1913, qui sera ultérieurement publié.

Une conception générale nous semble de nature à intervenir ici, à jeter une certaine lumière dans le débat, à fournir, tout au moins, une présomption sérieuse. Lorsque le législateur offre à une personne deux protections, doit-on, naturellement en l'absence de dispositions formelles dans un sens ou dans l'autre, être disposé à accepter le concours et même le cumul de ces moyens, ou, au contraire, à déclarer qu'il faut absolument qu'ils aient chacun son ressort séparé, par conséquent, à exclure l'un du fait de l'existence de l'autre, et, sans doute, à exclure le plus exigeant, du fait de l'existence du plus commode? La question s'est souvent posée, dans la matière de la propriété industrielle, par exemple, lorsqu'un même fait pouvait donner lieu à la protection du nom commercial (L. 28 juill. 1824), et à celle des marques de fabrique (L. 23 juin 1857), ou bien encore à la protection des dessins et modèles industriels (L. 18 mars 1806), et à celle de la propriété artistique (LL. 17-24 juill. 1793, 11 mars 1902). L'opinion qui dominait, et, à notre avis, absolument à juste titre, était que l'existence de l'une des protections n'était nullement une cause d'exclusion de l'autre, et que, tout au contraire, on pouvait les cumuler, si on y trouvait intérêt. V. en ce sens, sur le cumul de la protection de la loi du 28 juill. 1824 et de celle de la loi du 23 juin 1857, Besançon, 30 nov. 1861 (S. 1862.2.342. - P. 1863.215); Pouillet, Tr. des marques de fabrique, 5e éd., par Taillefer et Claro, n. 60 et s. V. égal., sur le droit, pour le créa teur d'un dessin ou modèle ayant un caractère artistique, d'invoquer cumulativement la loi des 17-24 juill. 1793, complétée par celle du 11 mars 1902, et celle du 18 mars 1806, la note de M. LyonCaen, sous Cass. 8 févr. 1910 (S. et P. 1910.1.169; Pand. pér., 1910.1.169); et la note de M. P. Carteron, avec les renvois, sous Paris, 21 nov. 1912 (Supra, 2o part., p. 185). Cette dernière solution a été formellement consacrée, par les art. 1, 9, in fine, et, avec un certain tempérament, par l'art. 2, § 2, de la loi du 14 juill. 1909, sur les dessins et modèles (S. et P. Lois annotées de 1910, p. 969; Pand. pér., Lois annotées de 1910, p. 969). V. Paris, 21 nov. 1912, précité, et la note de M. P. Car

teron.

Cette conception générale nous inclinera, dès l'abord, à penser que l'existence de deux moyens de réhabilitation ne doit pas nous conduire à exclure l'un à raison de l'autre, sous la condition, bien entendu, qu'ils ne soient pas incompatibles par leur nature, et sauf à rechercher si l'ancien failli peut justifier d'un intérêt respectable pour se prévaloir de l'un et de l'autre de ces deux moyens. C'est le point qui reste à examiner.

Cette difficulté, comme il arrive d'habitude, n'est point apparue au lendemain de la loi. Les auteurs se préoccupaient, au contraire, et à bon droit, de la place exagérée que cette réhabilitation automatique allait prendre, au détriment des autres. On a vu le mot de M. Bouvier-Bangillon: « Il restera la réhabilitation pour très honnêtes gens, mais les très honnêtes gens n'ont pas besoin de ce stimulant pour payer leurs dettes ». Plus précis encore, M. Thaller déclare que la réhabilitation automatique inflige un recul» aux deux réhabilitations judiciaires, «<le failli n'ayant plus que

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rarement intérêt à recourir à ces dernières >>

commerce de Chaumont, ainsi conçu :

« Le Tribunal; -Vu la requête, en date du 25 juill. 1910, adressée à M. le procureur

(op cit., n. 2179). Le failli (ou liquidé) ne recourra plus en fait désormais à la réhabilitation judiciaire, qui lui coûte un sacrifice d'argent, que dans les deux cas suivants : 10 s'il est banqueroutier; 2° s'il veut être réhabilité avant dix ans >> (op. cit., n. 2181, p. 1080). Et, de même, M. Lacour écrivait plus récemment: La réhabilitation judiciaire ne présente plus d'intérêt que pour les banqueroutiers, et pour les faillis ou liquidés qui désirent être réhabilités sans attendre le délai de

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dix ans » (op. cit., n. 1915, p. 1087).

Lorsque la question se posa devant le tribunal de commerce de Chaumont, il l'examina avec soin. Son argumentation peut se ramener aux trois points suivants : a) la réhabilitation automatique est une institution très différente, par sa nature et sa réglementation, de la réhabilitation judiciaire ; à raison de leurs différences mêmes, ces deux institutions ne peuvent pas faire double emploi l'une avec l'autre; b) il n'y a point de délai imposé à l'exercice de la réhabilitation judiciaire, et, par conséquent, on ne peut pas alléguer que le délai de dix ans soit une clause de forclusion pour l'exercice de cette réhabilitation; c) il serait inadmissible que le législateur eût réduit la grande masse des faillis et liquidés à n'utiliser que la réhabilitation automatique, résultat qui, cependant, se produirait très fréquemment dans le système opposé. Cette argumentation reproduit, sous une autre forme, la thèse énoncée supra il n'y a pas incompatibilité entre les deux moyens ; y

a intérêt à se servir de la réhabilitation judiciaire, malgré la présence de la réhabilitation automatique. Il est permis de penser que, sur chacun des trois points, l'argumentation du tribunal, loin d'être excessive, a été plutôt très modérée.

a) Le tribunal expose que la loi distingue nettement les divers cas de réhabilitation, que chacun a sa réglementation spéciale. Ce ne serait point aventureux d'avancer que le contraste est encore plus accentué; car, à vrai dire, la réhabilitation automatique de dix ans n'a aucune réglementation, aucune condition autre que le laps de temps de dix ans : « sans remplir aucune des formalités prévues par les art. 604 et s. », dit l'art. 605, C. comm. Il y a quelque chose de plus saillant encore. En instituant ce moyen nouveau, sorte de prescription des incapacités et déchéances entraînées par la faillite, le législateur a pris soin de noter que ce n'était tout de même pas la fin de la faillite. A'art. 605 se termine, en effet, par ces mots :

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Cette réhabilitation ne peut porter aucune atteinte aux fonctions des syndics ou liquidateurs, si leur mandat n'est pas terminé, ni aux droits des créanciers, au cas où leurs débiteurs ne seraient pas intégralement libérés ». Ainsi, voilà quelque chose de tout à fait particulier. Lorsqu'il y a concordat, l'homologation du concordat clôt la faillite (art. 519). De même, en cas d'union, après l'assemblée de clôture (art. 537). On était accoutumé à se représenter la réhabilitation comme un second degré, un échelon supérieur, dans le recouvrement, par l'ancien failli, de sa situation primitive. Les effets civils du jugement déclaratif de faillite, dessaisissement et autres, cessaient les premiers par la clôture de la faillite; puis les incapacités et déchéances d'ordre politique ou civique disparaissaient par la réhabilitation. Ici, c'est l'inverse. La réhabilitation laisse subsister, le cas échéant, la faillite dans son entier. Elle est, non plus l'échelon supérieur, mais le premier échelon.

de la République près le tribunal civil de première instance de Chaumont par M. Camille Wünschendorff, ancien míno

il

Elle présente donc des caractères tout à fait différents de ceux de la réhabilitation judiciaire. Elle ne peut pas faire double emploi avec elle, et, ne faisant pas double emploi, elle n'est pas incompatible avec elle. Elle n'est qu'un procédé spécial de prescription libératoire des déchéances et incapacités visées. Une autre différence, non plus dans les conditions, mais dans le résultat, a été très bien relevée dans le jugement du tribunal de commerce de Chaumont. Le jugement de réhabilitation est pour le failli, « la constatation publique et, en quelque sorte, solennelle de sa réhabilitation, par la même autorité judiciaire qui avait antérieurement prononcé publiquement sa déchéance commerciale». Au contraire, dans le cas où le failli bénéficie seulement du temps légal écoulé, n'a droit à aucun titre de réhabilitation b) Il est aisé de démontrer le second point. On ne peut opposer aux commerçants, déjà réhabilités par le laps de temps de dix ans, qu'ils auraient, à la vérité, pu démander la réhabilitation judiciaire avant l'expiration du délai, mais qu'il est maintenant trop tard. Autrement dit, on ne peut pas enfermer leur droit de demander la réhabilitation judiciaire dans le délai de dix ans. Ce serait déclarer que ce droit s'éteint par dix ans. Or, les textes ne mentionnent nulle part une telle restriction dans le temps. Bien plus, ils fournissent la preuve qu'une limitation de ce genre n'est pas admissible. Il est bien évident qu'on ne pourrait songer à opposer le délai de dix ans qu'à ceux qui peuvent être appelés à bénéficier de la réhabilitation de droit par le laps de dix ans. Or, les banqueroutiers simples ont été exclus du bénéfice de la réhabilitation automatique de dix ans. Pour eux, cette institution n'existe pas. On ne peut donc pas la leur opposer, et, par suite, à défaut d'aucune limitation légale, on est bien obligé de reconnaître que les banqueroutiers simples peuvent demander et obtenir à toute époque la réhabilitation judiciaire. Va-t-on alors aboutir à cette conclusion que les banqueroutiers simples peuvent demander leur réhabilitation à toute époque, et après dix ans, parce qu'ils n'ont pas droit à la réhabilitation automatique de dix ans, qu'ainsi, elle ne les concerne en rien; tandis que les faillis ordinaires et les liquidés seraient forclos par le délai de dix ans, et hors d'état de recourir à la réhabilitation judiciaire, qui, seule, contient la preuve de leur relèvement réel? Une pareille inégalité juridique et morale ne se discute pas il suffit de l'énoncer. La vérité est que, depuis la loi du 23 mars 1908, il n'y a plus de délai d'aucune sorte, ni de délai minimum (V. Trib. comm. de St-Etienne, 21 déc. 1909, Journ. des faill., 1910, p. 235), ni, à plus forte raison, de délai maximum, car il n'y en a jamais eu aucune mention dans la loi.

c) Est-il besoin de dire que ce serait une véritable monstruosité juridique et morale que de refuser à des faillis scrupuleux d'utiliser le procédé de réhabilitation que leur conscience leur conseille; et c'est ici qu'apparaît l'intérêt moral qui stimule les faillis à demander leur réhabilitation judiciaire. On peut assurément discuter le point de savoir s'il ne convient pas de pousser, à l'égard des faillis et surtout des liquidés, l'humanité jusqu'aux extrêmes bornes de l'indulgence, et même un peu au delà. C'est une question de point de vue. On peut soutenir que la réhabilitation automatique par le laps de dix ans est une ressource extrême, qui forme compensation aux risques du commerce.

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