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TOIRES, INTÉRÊT DE LA DÉFENSE, DELIT (ABSENCE DE) (Rep., vo Diffamation, n. 1338 e s., 1436 et s.; Pand. Rep, v Diffamation-Injure, n. 1225 et s., 1285 et s.).

Si, d'après l'art. 41, § 3, de la loi du 29 juill. 1881, sur la presse, les discours prononces devant les tribunaux ne donnent lieu à aucune action en diffamation, il n'en est ainsi qu'autant qu'ils se rattachent à la cause (1) (L. 29 jull. 1881, art. 41, $$ 3 et 7).

Dès lors, pour apprécier si, dans une plaidoirie devant la Cour d'assises, un avo cal, en imputant à une tierce personne (en l'espèce, la belle-mère de l'accuse) des faits de nature à porter atteinte à son honneur ou à su considération, a commis le délit de diffamation, les juges doivent rechercher si, eu égard au système de son client, l'avocal s'est livré contre la personne qui se prétend diffamée à des ataques inutiles (2) (Id.).

Spécialement, lorsque, pour apprécier les faits reprochés à l'accusé, il était nécessaire d'évoquer la vie de ce dernier, de le replacer dans les divers milieux qu'il avait traversés, de discerner les influences qu'il avait subies, et, notamment, de discuter le rôle qu'aurait joué, dans une circonstance décisive de sa vie (son mariage), la mère de sa femme, l'avocat a pu légitimement se croire en droit de discuter aussi le passé de cette personne (3) Id.).

Alors surtout qu'elle avait été introduite dans l'affaire par un rapport de police, qui se trou ait au dossier de l'information, et qu'elle même s'y était mêlée avec une ardeur passionnée, en se prêtant à des interviews de presse, pour se porter accusatrice de son gendre, et en tentant de se faire recevoir par le juge d'instruction pour lui apporter de prétendues révélations sur le compte de l'accusé (4) (Id.).

(Dame Menier C. Me G. C...). JUGEMENT. LE TRIBUNAL; Attendu que la dame Menier, dite de Vareuil, prétendant qu'au cours d'une plaidoirie prononcee devant la Cour d'assises de la Seine, le 31 oct. 1911, pour la défense du capitaine Meynier, son ex gendre, lequel était accusé de meurtre, G. C..., l'avait gravement diffamée, l'a, suivant exploit de Melle, huissier à Paris, en date du 29 nov. 1911, assigné devant cette chambre, pour s'entendre faire application des peines édictées par les art. 29 et 32 de la loi du

(1 à 4) L'art. 41 de la loi du 29 juill. 1881, qui reproduit à peu près textuellement l'art. 23 de la loi du 17 mai 1819, assure, dans ses §§ 4 et s., la répression des diffamations résultant de discours prononcés en justice. Pour l'application de ces textes, il y a lieu de distinguer le cas où les faits diffamatoires allégués dans des discours produits en justice sont relatifs à la cause, et le cas où il s'agit de faits diffamatoires étrangers à la cause. Dans le premier cas, l'action en diffamation ne peut être exercée; la partie lésée peut seulement demander la suppression des discours diffamatoires, en vertu de l'art. 41, § 4, ainsi que des dommages-intér-ts. V la note sous Paris, 21 nov. 1902 (S. et P. 1907.2.13). Adde dans le même sens,

29 juill. 1881, et condamner à 50.000 fr. de dommages-intérêts; Attendu que, d'après l'assignation, G. C... aurait accuse la dame de Vareuil d'avoir été la cause du désaccord vite survenu dans le ménage de son client; qu il aurait affirmé que la dame de Vareuil menait la vie d'une femme galante; qu'il existait sur son compte des rapports de police effroyables; qu'à deux reprises, des demandes de déchéance de puissance paternelle avaient été intentées contre elle; qu'enfin, en 1910, elle avait été condamnée à six mois de prison avec sursis par la huitième chamore de ce tribunal, pour abus de confiance et escroquerie; Attendu que, sauf en ce qui concerne le passage relatif au genre de vie que menerait la dame de Vareuil, et au sujet duquel la demanderesse ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, G. C... ne fait aucune difficulté pour reconnaître que toutes les al égations dont il lui est fait grief ont bien trouvé place dans sa plaidoirie; Attendu qu'il est d'évidence qu'elles constituaient l'imputation de faits de nature à porter atteinte à l'honneur et a la considération de la dame de Vareuil; Mais attendu que G. C... soutient qu'il était nécessaire à la défense de son client qu'il les formulât; Attendu que, d'apres 1 art. 41, § 3. d la loi du 29 juill. 1881, ne donnent lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage les discours prononcés devant les tribunaux lorsqu'ils se rattachent à la cause; qu'il échet donc d'examiner si, eu égard aù -ysteme de défense du capitaine Meynier, Me G. C... s'est ivré contre la dame Menier de Vareuil à des attaques inutiles, et, par suite, pénalement condamnables; Attendu que les faits reprochés à son client étaient reconnus et avoués; mais que G. C... plaidait que, pour les apprécier, on ne pouvait faire abstraction des cir onstances et de la personne même de l'accusé; qu'enfin, pour juger ce dernier, il fal ait le con aître; Attendu qu'il était donc nécessaire d'évoquer la vie de Meynier, de le replacer dans les divers milieux qu'il avait traversés, de discerner les influences qu'il avait subies, de mesurer la force des entraînements qui avaient pu l'égarer; qu'il fallait expliquer comment un homme, qui était représenté comme doué des qualités les plus brillantes, mais comme affligé d'une tare nerveuse, qu'avaient encore aggravée le séjour aux colonies, était, de chute en chute, descendu jusqu'au meurtre; At

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pour des écrits outrageants produits en justice, Paris, 14 déc. 1911 (S. et P. 1912.2.215; Pand. per., 1912.2.215), et la note. Dans le second cas, au contraire, l'art. 41, paragraphe final, autorise l'action en diffamation de la part des parties, si elle leur a été réservée par les juges, et de la part des tiers, en toute circonstance. V. Cass. 2 mai 1893 (S. et P. 1893.1.304; Pand. pér., 1894.1.307), et les renvois. Adde, la note sous Paris, 21 nov. 1902, précité.

Mais dans quels cas peut-on dire que les faits dont il s'agit sont «< étrangers à la cause»? D'une manière générale, des faits diffamatoires ne sont pas étrangers à la cause, lorsqu'ils servent à justifier les conclusions ou les moyens de défense des

tendu que, parmi les étapes de la vie du capitaine Meynier, il en était une partiulièrement intéressante, c'était l'époque de son mariage avec la fille de la daine de Vareuil; qu'il revenait au défenseur d'indiquer pour quelles causes ce mariage, contracté par Meynier dans des conditions très spéciales, n'avait pu fixer sa volonté vacillante; que ces causes, G. C... a cru les découvrir dans le rôle qu'aurait joué la dame de Vareuil, laquelle, en présence d'une situation très délicate, n'aurait pas compris les devoirs nouveaux qui Jui incombaient, et n'aurait rien fait pour faciliter à son gendre l'œuvre de relèvement qu'il avait entreprise; que, discutant le rôle de la damne Venier, C... a été naturellement amené à discuter aussi son passé, et qu'il pouvait se croire autorisé à le faire, avec d'autant moins de souci d'en atténuer les ombres, que la dame Menier avait été introduite dans l'affaire par un rapport de police qui se trouvait au dossier de l'information, et qu'elle-même s'y était mêlée délibérément, et même, peut-on dire, avec une ardeur passionnée, puisqu'elle s'était, a plusieurs reprises, prêtée à des interviews de presse, dans lesquels elle se portait accusatrice de son ex-gendre, et avait même tenté maintes fois, ainsi qu'elle le reco naît, de se faire recevoir par le juge d'instruction, pour lui apporter de pretendues révélations sur le compte de l'inculpé, Attendu que, de tout ce qui précède, il résulte que G. C... a pu légitimement croire servir les intérêts dont il avait la charge, en produisant à la barre les imputations incriminées: que sa bonne foi est certaine, et qu'en l'absence de toute intention coupab'e, il ne saur it avoir commis le délit de diffamation pour lequel il est poursuivi; Par ces motifs, etc.

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Du 7 juin 1912. Trib. corr. de la Seine, 9 ch. MM. Renckhoff, prés.; Roux, subst.; Levatois et Chenu, av.

TRIB. DE RENNES 21 février 1910. PHARMACIEN, EXERCICE ILLEGAL, MÉDECIN, VENTE DE MÉDICAMENTS, BOURG, COMMUNES DISTINCTES, COMMUNE NON POURVUE D'UN PHARMACIEN (Rép., vo Pharmacien, n. 100 et s.; Pand. Rép., v° Art. de guérir, n. 615 et s.).

L'art. 27 de la loi du 21 germ, an 11, aux termes duquel les officiers de santé, et les médecins établis dans les bourgs, villa

parties en cause. V. Le Poittevin, Tr. de la presse, t. 1er, n. 458. C'est ainsi qu'il a été décidé, sous l'empire de la loi de 1819, que n'est pas etrangère à la cause l'allégation qui a pour objet d'affaiblir le degré de confiance que peut mériter la déposition d'un témoin. V. Cass. 1er juill. 1825 (S. et P. chr.). La question de savoir si des imputations diffamatoires sont ou non étrangères à la cause rentre d'ailleurs exclusivement dans le domaine des juges du fait. V. Cass. 2 mai 1893, précité, et les renvois; 25 mars 1902 (S. et P. 1903.1.23; Pand. pér., 1903.1.23); Le Poittevin, op. cit., t. 1, n. 458; Barbier, Code expliqué de la presse, 2o éd., par Mater et Rondelet, t. 2, n. 802.

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LE TRIBUNAL; Attendu que Guibourg, docteur médecin, après avoir habité pendant quelque temps une maison située dans les limites de la petite ville de Chateaugiron, a, au cours de juin ou juillet 1909, transporté son domicile et son cabinet de consultations dans une maison construite sur le territoire de la commune de Venèfles, et séparée du reste de l'agglomération de la ville de Châteaugiron par un chemin vicinal; qu'il est constant et non contesté que la maison habitée par Guibourg se confond avec l'agglomération de Châteaugiron, et que celui-ci, soit dans sa correspondance, soit sur ses cartes de visites, a, postérieurement au transfert de son domicile sur le territoire de Venèfles, jusqu'à une date rapprochée de l'assignation, continué d'indiquer Châteaugiron comme étant son adresse; Attendu

que, peu après son installation dans sa nouvelle demeure, Guibourg, ainsi qu'il le reconnait, a vendu à ses clients des médi

(1-2-3) Le droit que l'art. 27 de la loi du 21 germ. an 11 reconnaît aux médecins établis dans les communes où il n'y aurait pas de pharmacien ayant officine ouverte, de fournir des médicaments aux personnes près desquelles ils sont appelés, n'appartient aux médecins qu'autant qu'il n'existe effectivement pas de pharmacien dans les bourgs, villages ou communes où ils exercent. S'il y a un pharmacien ayant officine ouverte dans un bourg, son privilege doit être respecté, sans qu'il y ait lieu de distinguer si le médecin réside dans le bourg lui même ou dans un faubourg (V. Cass. 24 mars 1906, S. et P. 1910.1.598; Pand. pér., 1910.1.598, et la note), ni si le médecin a vendu des médicaments aux habitants du bourg, ou à des habitants de localités voisines, où il n'y a pas de pharmacie.. Cass. 16 oct. 1844 (S. 1845.1.390.- P. 1845.1.775); 24 mars 1906, précité, les notes et les renvois. Mais une question assez délicate peut se présenter, dans les localités qui ont leur territoire réparti au point de vue administratif entre plusieurs communes différentes : le médecin qui a sa résidence dans un faubourg, administrativement rattaché à une commune où il n'y a pas de pharmacien, mais qui fait partie, en

caments; Attendu que Thieulant, pharmacien, ayant une offici e ouverte à Chateaugirou depuis plusieurs années, prétendant que Guibourg, par ses agi-seinents, a porté atteinte à son monopole, l'a fait assigner à comparaître devant le tribunal, pour s'entendre condamner, sous une contrainte, à cesser de vendre des médicaments, et en 2.000 fr. de dommagesintérêts; Attendu qu'aux termes de l'art. 27 de la loi du 21 germ. an 11, les officiers de santé, établis dans les bourgs, villages, communes où il n'y aurait pas de pharmacien ayant of cine ouverte, pourront fournir des médicaments, etc.; que les demandeurs soutiennent que le docteur Guibourg, ayant son domicile dans l'agglomération connue sous le nom de ville de Châteaugiron, ne sc trouve pas dans le cas exceptionnel prévu par l'art. 27, puisqu'il existe à Châteaugiron une officine de pharmacien; que le docteur Guibourg prétend, au contraire, que, son domicile étant placé en dehors des limites administratives de la commune de Chateaugiron, et aucune officine n'étant ouverte sur le territoire de Venefles, il peut invoquer les dispositions except onnelles de cet art. 27; -Attendu qu'il convi nt, tout d'abord, de constater que, si le législateur de l'an 11 a eu pour principal objectif d'assurer aux pharmaciens un monopole, il na pas entendu sacrifier les malades, et que, dans leur intérêt, pour leur permettre de trouver à leur portée, à defaut d'officine pharmareutique, les remèdes indispensables à leur soulagement, il a apporté, dans l'art. 27, une derogation en faveur des médecins établis là où il n'y a pas d'officine; que, pour apprécier la portée du texte de l'art. 27, il faut donc se placer u iquement au pint de vue de l'intérêt des inalades; que cette considération est toujours celle qui prévaut, dans toutes les decisions de jurisprudence rendues en cette matière ;... Attendu que les rédacteurs de cet art. 27 out examiné trois

fait, d'une agglomération où est ouverte, sur le territoire d'une commune voisine, une officine de pharmacien, peut-il vendre des remèdes en vertu de l'art. 27 de la loi du 21 germ. an 11? L'affirmative a été soutenue V. Pellault, Code des pharmaciens, n. 181. Le tribunal de Rennes se prononce, au contraire, pour la négative. Cette dernière solution peut se défendre par de sérieuses considérations. L'exception apportée par l'art. 27 de la loi du 21 germ. an 11, au principe posé par l'art. 36 de la même loi, que le droit de vendre des préparations pharmaceutiques ou médicamenteuses appartient aux seuls pharmaciens (V. Cass. 24 mars 1906, précité), se justifie par l'intérêt des malades, qui exige que les ressources pharmaceutiques soient toujours à leur portée. V. en ce sens, la note sous Cass. 24 mars 1906, précité. Adde, Pellault, op. cit., n. 178. Or, ce but est atteint, lorsque le faubourg d'une localité se trouve à proximité d'une officine pharmaceutique, située dans l'agglomération principale. Il n'y a pas, dès lors, à s'occuper du point de savoir si ce faubourg fait partie du territoire d'une commune dans laquelle ne se trouve pas de pharmacien. Les termes mêmes dans lesquels est conçu l'art. 27 de la loi du

éventualités : l'établissement du médecin dans un bourg, dans un village, dan une commune ou il n'y a pas de pharmacien; que l'on ne peut se borner à raison er, comme le fait le defendeur sur l'expression unique de commune avec les limites administratives, qui ont été donnees longtemps après la loi de ge minal, sans s'attacher aux mots bourgs et villages, qui sont pourtant les premiers employés; que, s'il en avait été ainsi, les rédacteurs de la loi auraient simplement fait usage du seul mot commune; qu'ils ont voulu, u contraire, se placer en fait, se préoccuper uniquement de rechercher si, oui ou on, les malades pourront se procurer des remèdes; que, pour solutionner l'instance actuelle, il faut donc rechercher ce qu'on doit entendre par un bourg, et de quelles parties il peut se composer; Aitendu qu'un bourg est une agglomération de maisons groupées sur un point où couvergent les intérêts économiques d'une certaine région, et où se ti nnent des marchés; qu'à notre époque, doivent être, au point de vue général de leurs intérêts, de leurs convenances, envisagés comme habitants d'un bourg tous ceux qui résident dans les maisons ormant ce groupement ou cette agglomération, indépendamment de toute limite administrative pouvant les rattacher à une autre commune; qu'il n'apparait pas, au contraire, que le législateur de l'an 11 ait pu donner au mot bourg par lui employé une autre acception; qu'en interdisant la vente de médicaments aux médecins habitant un burg où il y a un pharmacien, il a consacré le monopole qu'il créait au profit des pharmaciens, les malades trouvant à leur portée tous les remèdes qui leur étaient nécessaires, et les médecins ayant la certitude qu'il en serait ainsi; Attendu qu'il n'est pas contestable que l'habitation du docteur Guibourg fait partie de l'agglomeration de Châteaugiron; qu'il n'y a donc aucun intérêt pour les malades, une officine de pharmacien étant ouverte à Châteaugiron,

21 germ. an 11 fournissent un argument en ce sens. Si ce texte s'était borné à interdire aux médecins de vendre des remèdes quand un pharmacien a son officine dans la commune, il est bien évident que pour déterminer l'étendue du droit du médecin en matière de vente de médicaments, il suffirait de rechercher si, oui ou non, il existe un pharmacien ayant officine ouverte dans les limites de la commune. S'il n'y en avait pas, le médecin aurait toute latitude de vendre des médicaments, encore bien qu'un pharmacien tût installé dans l'agglomération même où il réside, mais sur le territoire d'une autre commune. Le fait que la loi a spécifié, en outre, que le médecin ne peut vendre de médicaments, lorsqu'il existe un pharmacien dans le bourg ou le village, semble bien prouver que les auteurs de la loi n'ont pas voulu qu'il en tût ainsi, et que, si un médecin et un pharmacien résident dans une même agglomération dépendant de communes distinctes, le médecin ne peut soutenir que le fait qu'il a sa résidence sur le territoire d'une commune autre que celle où le pharmacien a son officiae lui conière le droit de vendre des médicaments.

à ce que Guibourg livre des médicaments; que le docteur Guibourg est le premier à reconnaître que l'application de la loi, *elle qu'il la demande, est choquante pour a raison, mais que, sous peine d arriver à l'arbitraire, il prétend qu'on ne saurait contester la légi imité de la thèse qu'il soutient; Attendu que, la question une fois a imise, l'interprétation qui précède se résout en une question de fait et d'espèce laissée à l'appréciation des tribunaux, comme toutes celles qui leur sont journellement soumises; qu'admettre les prétentions du docteur Guibourg serait ouvrir la porte à de nombreux abus, et permettre aux médecins d'eluder tres facilement les prescriptions légales, les maisons comprises dans l'agglomération d'un très grand nombre de villes, bourgs ou villages se trouvant construites, comme celles formant le bourg de Châtea giron, sur des terri toires administrativement rattachés deux et même à plusieurs communes; Par ces motifs; Condamne, etc.

à

Du 21 févr. 1910. Trib. civ. de Rennes, 2e ch. MM. Le Lepvrier, prés.; Bayaud, proc. de la Rép.; Leborgne, Chauveau et Deschamps, av.

TRIB. D'ANGOULÈME 12 janvier 1912. 1° ET 3° LOUAGE DE SERVICES, SERVITEUR A GAGES, PAIEMENT DES GAGES, PREUVE TESTIMONIALE (Rép., v° Louage d'ouvrage, de services et d'industrie, n. 107 et s.; Pand. Rép., v Louage d'ouvrage et d'industrie, n. 93 et s.). 2o PREUVE TESTIMONIALE, Impossibilité de PREUVE ÉCRITE, IMPOSSIBILITÉ MORALE (Rép., v Preuve testimoniale, n. 333 et s.; Pand. Rép., v° Preuve, n. 668 et s.).

1o Si la loi du 2 août 1868, qui a abrogé l'art. 1781, C. cv., a fai disparaitre la situation primilégiée du maitre vis à-vis de l'ouvrier et du domestique, quant à la preuve du paiement des gages, le maître peut du moins prouver par témoins les paiements qu'il a faits à ses serviteurs, même au delà de 150 fr. (1) (C. civ., 1341, 1348, 1357).

2 En effet, l'er eption que l'art. 1348 C. civ., apporte au principe que la preuve par témoins n'est pas admise au dessus de 150 fr., lorsqu'il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve litté rale, doit s'entendre, non seulement d'une impossibilité matérielle, mais aussi d'une impossibilité morale (2) (C. civ., 1348).

3 Et le maître, auquel un domestique a témoigné sa confiance, en traitant verbalement avec lui et en s'en remettant entièrement à sa bonne foi pour observer les con

(1-2-3) La Cour de cassation s'est prononcée en ce sens dans une espèce analogue. V. Cass. 1er mai 1911 (Supra, 1° part., p. 305), et la note de M. Hugueney.

(4-5) Aux termes du § 3 de l'art. 12, C. civ., modifié par la loi du 26 juin 1889, acquièrent la qualité de Français, avec la faculté de décliner cette qualité dans l'année qui suivra leur majorité, en se conformant aux dispositions de l'art. 8, § 4, « les enfants mineurs d'un père ou d'une mère survi

ditions arrêtées, est dans l'impossibité morale d'exiger du domestique, contrairement aux usages, une quillance pour ses 4ages (3) (C. civ., 1341, 1348; L. 2 août 1868).

(Basset C. Crespo). JUGEMENT.

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LE TRIBUNAL; Attendu que Basset est appelant d'un jugement du juge de paix de Rouillac, du 18 nov. 1911, écartant son offre de preuve, et le condamnant à payer à Crespo, son ancien domestique, la somme de 188 fr. pour salaires; Attendu que Basset soutient, ainsi qu'il l'a fait devant le premier juge, qu'il est libéré vis-à-vis de Crespo, bien qu'il ne puisse présenter de quittance émanant de lui; qu'il invoque les énonciations portées sur le livre de comptes de son pere, ainsi que les témoignages du garde champêtre de la commune et d'un habitant du village de Villeneuve; - Attendu que, si le livre de Basset père, bien que très régulierement tenu et offrant toutes les apparences de la sincérité, ne pouvait servir à l'appelant à établir sa libération, il n'en était pas de même de la preuve pouvant résulter de l'enquête proposée, et qu'à tort le premier juge a repoussée; Attendu, en effet, qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi du 2 août 1868, qui a abrogé l'art. 1781, C. civ., que, si le législateur a entendu faire disparaître la situation privilégiée du maître vis à-vis de l'ouvrier et du domestique quant à la preuve du paiement des gages, il ne lui est pas échappé cependant que la situation particuliere du maitre et du domestique proprement dit rendait, dans la plupart des cas, difficile la stricte application du droit commun, lorsqu'il s'agit de la preuve du contrat de uage et du paiement des salaires; Attendu qu'il ressort du rapport de M. Mathieu, député au Corps législatif, que la commission, ne se faisant aucune illusion sur les difficultés qui allaient naître, tout en exprimant l'espoir que le sentiment de l'égalité véritable e complete et la nécessité de bonne harmonie qui devait résulter de l'abrogation de l'art. 1781 suffiraient à écarter les procès », recommandait néanmoins au gouvernement l'étude d'une disposition législative nouvelle, destinée à régler la matière; que, du reste, le rapporteur, pressentant sans doute l'extension donnée dans la suite par la jurisprudence à l'art. 1348, déclarait au nom de la commission que, provisoirement, le droit commun suffirait à résoudre, malgré les obstacles qui s'opposent à la preuve testimoniale, un grand nombre de contestations, d'un intérêt supérieur à 150 fr., et auxquelles manquent la preuve écrite ou le commencement de preuve par écrit;

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Attendu qu'on comprend, dès lors, aisé

vant qui se font naturaliser Français ». Ce texte ne prévoit expressément que le cas où le père et la mére deviennent eux-mêmes Français par la naturalisation. Certains auteurs en concluent que la disposition de l'art. 12, § 3, ne confère aux enfants mineurs la qualité de Français que dans le cas où leur auteur a acquis lui-même cette qualité par la naturalisation par décret, prévue par l'art. 8-5", C. civ., et non dans les cas où leur auteur est devenu Français par le bénéfice de la loi. V. Bandry

ment qu'en l'absence d'une disposition lé gale qui, depuis 1868, n'a pas encore vu le jour, les tribunaux, en présence de difficultés de la nature de celle soumise au tribunal, et surtout lors que les circonstances de la cause rendraient extrêmement vraisemblable. la libération invoquée par le maître, aient, faisant fléchir les rigueurs de l'art. 1357. décidé que l'impossibilité de se procurer la preuve écrite (art. 1348), pouvait être morale aussi bien que matérielle, et ordonné, par suite, l'administration de la preuve testimoniale; que les décisions en ce sens se basent avec raison sur la nature particulière des rapports de maitre à domestique; qu'il est bien difficile, voire même impossible pour le maître, auquel le domestique a témoigné sa confiance, en traitant verbalement avec lui et en s'en remettant entièrement à sa bonne foi pour observer les conditions arrêtées, qui remet journellement à ce même do mestique des sommes d'argent pour les besoins de la maison, ou lui rembourse celles qu'il a avancées, sans qu'aucun écrit le constate, exige de celui-ci, et contra rement aux usages, une quittance pour ses gages; que, par suite, lorsque, comme dans l'espèce actuelle, le domestique, après avoir quitté la maison, se trouve en contestation avec le maître, on doit présumer qu'il y a eu véritablement impossibilité, pour ce dernier, de se faire remettre une preuve littérale des gages payés; qu'il y a donc lieu d'ordonner l'enquête sollicitée;Par ces motifs; - Réforme, etc. Du 12 janv. 1912. goulême.

Trib. civ. d'An

TRIB. DE COMPIÈGNE 11 juin 1913. FRANÇAIS, ENFANT MINEUR, ENFANT NÉ AVANT LE MARIAGE, MÈRE ÉTRANGÈRE, MARIAGE AVEC UN FRANÇAIS (Rép., vo NationalitéNaturalisation, n. 783 et s.; Pand. Rép., v Naturalisation, n. 292).

La disposition de l'art. 12-3°, C. civ., modifié par la loi du 26 juin 1889, aux termes de laquelle deviennent Français les enJants mineurs d'un père ou d'une mère survivant qui se font naturaliser Français, à moins que, dans l'année qui suinra leur majorité, ils ne déclinent celle qualité, en se conformant aux dispositions de l'art. 8, $4, ne doit pas être restreinte au cas d'une naturalisation conférée par décret, et doit s'appliquer dans tous les cas où il y a acquisition volontaire de la qualité de Français (4) (C. civ., 12-3; L. 26 juin 1889).

Spécialement, est Français, sous la réserve exprimée en l'art. 12-3°, l'enfant mineur, né, avant son mariage, d'une femme étrangère qui a épousé un Français (5) (ld.).

Lacantinerie et Houques-Fourcade, Des pers.. 3e éd., t. 1o, n. 401 et s.; Weiss, Tr. théor. et prat de dr. intern. privé, t. 1er, p. 178 et s.; Despaguet, Précis de dr. intern. privé, 5o éd., par de Bock, n. 140, p. 442 et s.

Mais, d'après une autre opinion, qui est plus généralement admise, la disposition de l'art. 12, § 3. ne doit pas se limiter à la naturalisation proprement dite; elle doit être étendue même aux hypothèses où l'étranger acquiert la qualité de Fran

(Neumann).

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LE TRIBUNAL; Attendu qu'aux termes du 3 de l'art 12, C. civ., modifié par la loi du 26 juin 1889, « deviennent Français les enfants mineurs d'un père ou d'une mère survivant qui se font naturaliser Français, à moins que, dans l'année qui suivra leur majorité, ils ne déclinent cette qualité, en se conformant aux dispositions de l'art. 8, §4; Attendu qu'il ressort clairement des travaux préparatoires de la loi que, dans cet article, le législateur de 1889, qui voulait faciliter l'acquisition de la qualité de Français, a attribué aux mots

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qui se font naturaliser un sens aussi large que possible; que ce serait aller contre l'esprit qui a inspiré cette disposition que d'en restreindre l'application au cas d'une naturalisation conférée par dé cret; qu'en raison comme en équité, elle doit s'entendre de toute acquisition volontaire de la qualité de Français; que, par son mariage avec un Français, une étrangère acquiert volontairement cette qualité; qu'en prenant lalo sensu, comme l'a voulu le législateur, les expressions employées dans le § 3 de l'art. 12, C. civ., il est vrai de dire que cette étrangère « se fait naturaliser Française; Par ces motifs; Dit que Neumann (Albert-Auguste-Joseph) est Français, comme profitant des dispositions de l'art. 12, § 3, C. civ., modifié par la loi du 26 juin 1889, etc.

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çais par le bénéfice de la loi. V. Nancy, 25 mars 1890 (S. et P. 1892.2.286), la note et les autorités citées; Douai, 11 mars 1901 (sol. implic. ), sous Cass. 3 mai 1901 (S. et P. 1902.1.105; Pand. pér., 1902.1. 108); Cass. 3 mai 1901 (sol. implic.), précité ; et la note de M. Audinet (5° col.) sous Douai, 27 juin 1905 (S. et P. 1906.2.153), avec les autorités citées. Adde, Beudant, Cours de dr. civ., Des pers., t. 1er, n. 33, p. 57; Audinet, Princ. élém. de dr. civ., 2e éd., n. 92; Surville et Arthuys, Cours élém. de dr. intern. privé, 5e éd., n. 78, p. 124. Cette doctrine conduit à décider que les enfants mineurs acquièrent la nationalité française, lorsque leur père devient Français, par l'effet de la déclaration de nationalité que prévoient les art. 9 et 10, C. civ. (V. en ce sens, Douai, 11 mars 1901, et Cass. 3 mai 1901, sol. implic., précités; et la note de M. Audinet sous Douai, 27 juin 1905, avec les autorités citées. Adde, Beudant, Audinet, Surville et Arthuys, op. et loc. cit.), et que les enfants mineurs d'une femme étrangère, si cette femme contracte mariage avec un Français, et devient ainsi Française pendant leur minorité, acquièrent également, en vertu de l'art. 12, § 3, la qualité de Français. V. Nancy, 25 mars 1890, précité, la note et les renvois. Adde, Beudant, op. et loc. cit. Toutefois, cette dernière solution n'est pas acceptée par tous les partisans d'une interprétation extensive de l'art. 12, § 3, et certains d'entre eux estiment que le mariage d'une femme étrangère avec un Français ne confère pas à ses enfants déjà nés la qualité de Français. V. en ce sens, la note de M. Audinet (5 col.) sous Douai, 27 juin 1905, précité, avec les autorités citées. Adde, Surville et Arthuys, op. et loc cit.

(1 à 5) On sait que, d'après la jurisprudence, il appartient à l'Administration de l'enregistrement de rechercher, pour l'application de la loi fiscale, quels sont, d'après les règles du droit commun, la nature et le caractère légal des actes et

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TRIB. DE LA SEINE 16 juillet 1913. ENREGISTREMENT, MUTATION SECRÈTE, PREUVE, PRESOMPTIONS, PROMES-E UNILATÉRALE DE VENTE, MUTATION (DROIT DE), ARRHES, CRÉANCES HYPOTHÉCAIRES, PaieMENT, REVENTE (Rép., vis Enregistrement, n. 807 et s., Transcri tion, n. 219 et s.; Pand. Rep., vis Enregistrement, n. 960 et s., Mutation, n. 212 et s., Transcription, n. 219 et s.).

L'Administration de l'enregistrement a la faculté de prouver, contrairement à leur dénomination, la nature véritable des contrats, en vue de les soumettre aux taxes qui leur sont applicables (1).

Er, en dehors des cas où des règles particulieres de preuve ont été instituées, elle est fondée à démontrer le caractère réel des conventions par les moyens de preuve de commun, tels que les présomptions graves, précises et concordantes, tirées, soit de l'acte meme, soit des circonstances extrinsèques (2).

droit

"

Spécialement, lorsque, dans un acte portani promesse de vente d'immeuble, il est convenu ue, dans le délai de six mois, limitativement, le stipulant aura la faculté d'acquérir l'immeuble; que, sur le prix convenu, une partie est déléguée aux créan

des contrats assujettis à l'impôt. V. Cass. 16 déc. 1907 (S. et P. 1909.1.465; Pand. pér., 1909.1.465), et la note de M. Wahl. Spécialement, l'Administratration de l'enregistrement peut rechercher les mutations secrètes de propriété, dissimulées, pour éviter des droits, sous le nom d'autres contrats. V. Cass. 23 déc. 1903 (S. et P. 1904.1.465; Pand. pér., 1904.6.34), et la note. Et elle est fondée, pour établir la mutation dissimulée, à se servir de présomptions graves, précises et concordantes, dans les termes de l'art. 1353, C civ. V. Cass. 9 avril 1900 (S. et P. 1901.1.52; Pand. pér., 1901.6.10); 7 mai 1901 (S. et P. 1903.1.97, et la note de M. Wahl; Pand. pér., 1902.6.3). V. aussi, Cass. 23 déc. 1903, précité, et la note. C'est de cette jurisprudence que le tribunal a estimé qu'il y avait lieu de faire application dans l'espèce, où il lui a paru résulter des faits et circonstances de la cause qu'il y avait eu, sous couleur de promesse unilatérale de vente, une véritable mutation de propriété. Etant donné l'importance de la question, nous estimons qu'il y a lieu d'opposer à la solution donnée par le tribunal les observations suivantes, dans lesquelles un de nos collaborateurs soutient que cette jurisprudence n'a pas été exactement appliquée dans l'espèce:

La Cour de cassation a eu plus d'une fois l'occasion de rappeler aux tribunaux qu'il n'y a pas fraude à user d'un procédé qui évite des droits fiscaux, pourvu qu'il soit sincère. V. Cass. 2 mai 1849 (motifs) (S. 1849.1.522. P. 1850.1.177); 26 févr. 1908 (sol. implic.) (S. et P. 1912.1.476 ; Pand. pér., 1912.1.476), et la note (2o col.), avec les renvois. C'est un principe dont le jugement ci-dessus paraît avoir insuffisamment tenu compte. Pour déterminer si, dans l'espèce, il y avait vente ou simplement promesse unilatérale de vendre, c'est aux principes du droit civil qu'il aurait dù recourir. Le prétendu stipulant, en droit civil, était-il propriétaire? S'il ne l'était

ciers sur l'immeuble, pour le cas de réalisation, et le surplus remis à titre d'arrhes au promettant; que, faute de réa isation de ladite promesse dans le délai imparti, par le fait du stipulant, cette dernière somme doit être acquise au promellant, et se compenser, au contraire, avec le solde du prix si la vente est réalisée, de telles stipulations demontrent que le stipulant, dont les opérations o, dinaires consistent essentiellement en l'achat et la revente d'immeubles, a eu, au moment de la passation de l'acte, l'intention bien arrêtée d'accepter, d'une manière définitive, l'offre à lui farie de devenir acquéreur, à ce moment même, de l'immeuble (3) (L. 22 frim. an 7, art. 68, $ 1, n. 51, art. 69, § 7, n 1).

Il importe peu que la vente ultérieure de l'immeuble ait été faite à un tiers par le promettant, la conservation apparente de la propriété par elui-ci rendant nécessaire ce mode de procéder, dont l'emploi ne saurait en rien infirmer la transmission réelle de la propriété résultant de l'accord parfait des parties (4) (Id.).

Il en est ainsi surtout, lorsque le bénéfi ciaire de la promesse de vente a recu du nouvel acquéreur, en sus des sommes qu'il s'était chargé de verser au promettant ou en son acquit, des sommes dont l'importance prouve que, dans cette tractation, il a agi, non comme mandataire du vendeur, mais bien comme propriétaire de la chose vendue (5) (Id.).

pas, alors même qu'il aurait eu pour but unique d'échapper à des droits fiscaux, il ne devait pas être qualifié d'acquéreur, et le droit de mutation ne pouvait pas être perçu, suivant la jurisprudence que nous venons de rappeler. Au surplus, ainsi que nous allons le montrer, l'emploi des clauses dont le tribunal s'est prévalu pour reconnaitre qu'il y avait vente se justifiait par la jurisprudence civile sur les effets de la promesse de vente, et par la nécessité pour le stipulant de se prémunir contre les inconvénients de cette jurisprudence.

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On sait que, suivant la jurisprudence, la promesse unilatérale de vente ne met à la charge du promettant qu'une obligation de faire, en sorte que la promesse ne transfère pas la propriété. V. Cass. 26 mai 1908 (S. et P. 1909.1.327; Pand. pér., 1909.1.327); 21 févr. 1910 (S. et P. 1910.1. 288; Pand. pér., 1910.1.288), les notes et les renvois. Si le promettant vend à un tiers, ce tiers acquiert la propriété, et le bénéficiaire de la stipulation antérieure n'a d'autre ressource qu'une action en dommages-intérêts contre le promettant. V. Cass. 26 mai 1908, précité, la note et les renvois. C'est pourquoi la promesse de vente n'est passible d'aucun droit proportionnel. V. Cass. 13 janv. 1869 (S. 1869.1.181. P. 1869.429), et la note; Trib. de la Seine, 23 janv. 1891 (1' espèce) (motifs) (S. et P. 1892.2.323); Cass. 20 juill. 1896 (S. et P. 1897.1.149), et les renvois. Adde, Wahl, Tr. de dr. fiscal, t. 1er, n. 196. Des arrhes peuvent être, comme dans l'espèce, données par le stipulant. Elles ont leur raison d'être le promettant s'est engagé; il n'a pas obtenu un engagement correspondant; il entend compenser cette inégalité par une contrainte indirecte imposée au stipulant. Celui-ci ne devient pas pour cela propriétaire, puisqu'il lui reste la faculté, en laissant les arrhes an promettant, de ne pas donner suite au contrat. Donc, en ce cas encore, le droit de mutation n'est

(Enregistrement C. Soc. Bernheim frères).

JUGEMENT.

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LE TRIBUNAL; Attendu que, suivant exploit de Degouet du 15 juin 1912, la Société en noin collectif Bernheim frères et Cie demande à l'Administration de l'enregistrement la restitution d'une somme de 24.680 fr. 60, montant de la taxe immobilière de 7 p. 100, prétendue irrégulièrement perçue sur un acte reçu par Dutertre, notaire à Paris, le 12 févr. 1912, contenant promesse de vente, par les époux Dauvergne Vantigny à ladite société, d'un immeuble sis à Paris, rue du Pas-de-la-Mule, moyennant le prix principal de 345.000 fr.; Attendu que l'Administration de l'enregistrement a la faculté de prouver, contrairement à leur dénomination, la nature véritable des contrats, en vue de les soumettre aux taxes qui leur sont applicables; qu'en dehors des cas où des règles particulières de preuve on été instituées, elle est fondée à démontrer le caractère réel des conventions par les moyens de preuve de droit commun, tels que les présomptions graves, précises et concordantes, tirées, soit de l'acte même, soit des circonstances extrinsèques; Attendu qu'aux termes de l'acte précité, contenant promesse de vente par les époux Dauvergne-Vantigny à la So iété Bernheim, il a été convenu que, dans le délai de six mois, c'est-à-dire jusqu'au 12 août 1912, limitativement, la Société Bernheim aurait la faculté d'acquérir l'immeuble dont s'agit; que, sur pas dû. V. Sol. Régie, 4 nov. 1874 (Journ, de l'enreg., n. 19675). Au reste, en droit civil, il est reconnu que les arrhes données par le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente ne transforment pas la nature du contrat, et n'en font pas une vente, ou, ce qui revient au même, une promesse synallagmatique. V. Baudry-Lacantinerie et Saignat, De la vente, 3o éd., n. 88. Dans l'espèce, d'ailleurs, il est probable que, de leur côté, les promettants avaient promis un dédit pour le cas où, par leur faute, la promesse ne se réaliserait pas. Souvent même, pour garantie de ce dédit, le promettant hypothèque l'immeuble, ce qui montre indubitablement qu'il en reste propriétaire.

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Il eût été intéressant de savoir si la promesse avait été transcrite. Si elle ne l'avait pas été, il est certain que les parties n'avaient pas entendu faire une vente. La transcription d'une promesse unilatérale de vente, précisément parce que la promesse ne comporte qu'une obligation de faire, n'a aucun effet. V. Cass. 26 mai 1908, précité, et la note. C'est pour ce motif que l'on stipule ordinairement du promettant un dédit, qui n'aurait aucune raison d'être, si le stipulant, par la transcription, pouvait se prémunir contre toute aliénation ultérieure.

Le tribunal paraît avoir été frappé de ce fait que les arrhes étaient équivalentes au prix entier stipulé pour la vente éventuelle. Mais la question à trancher était une question de pur droit. Supposons que le stipulant eût fait transcrire son acte, puis que le promettant eût fait à un tiers une vente, transcrite elle-même, et qu'un conflit se fût

le prix stipulé de 345.000 fr., la somme de 126.000 fr. était deléguée aux créanciers sur l'immeuble, pour le cas de réalisation, et celle de 219.000. fr. de surplus, remise à titre d'arrhes aux époux Dauvergne Vantigny, vendeurs; que, faute de réaliser ladite promesse dans le délai imparti, par le fait de la Société Bernheim, cette somme de 219.000 fr. devait demeurer acquise aux époux Dauvergne, et se compenser, au contraire, avec le solde du prix, si la vente était réalisée;

Attendu qu'il est impossible, avec de telles stipulations, d'a imettre que la Société Bernheim, dont les opérations ord naires consistent essentiellement en l'achat et revente d'immeubles, n'ait pas eu, au moment de la passation de l'a te précité, l'intention bien arrêtée d'accepter d'une maniere définitive l'offre à elle faite, et de devenir acquéreur, à ce moment même, dudit immeuble; qu'en effet, ii est de toute évidence qu'elle ne s'est même pas sérieusement réservé la faculté de renoncer à l'acquisition d'un immeuble dont le prix demeurait, en toute hypothèse, definitivement acquis aux époux Dauvergne; que la Socié é Bernheim ne pouvait ignorer que l'obligation de verser aux créanciers inscrits la somme de 126.000 fr., montant des créances hypothécaires, ne constituait même pas pour elle, en cas de réalisation, une charge nouvelle, en sus de la somme déja versée, puisque, tiers acquéreur, elle pouvait, le cas échéant, se dégager de cette obligation par le délaissement de l'immeuble acquis; A tendu qu'il

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alors élevé entre le stipulant et ce tiers. Le tribunal aurait-il, pour trancher ce conflit, recherché l'importance des arrhes? De ce que les arrhes étaient équivalentes au prix éventuellement dû par le stipulant, y avait-il lieu de conclure que le stipulant devait être préféré à l'acquéreur subséquent ? A partir de quel chiffre ou de quelle quotité les arrhes payées par le bénéficiaire d'une promesse de vente transforment-elles la promesse en une vente véritable?

Le tribunal ajoute que, dans l'espèce, le stipulant ne s'était pas réservé sérieusement la faculté de renoncer à la vente; en effet, dit-il, le prix devait être définitivement acquis au promettant. Il y a là une erreur matérielle, qui résulte des faits exposés dans le jugement lui-même. Le prix se composait de deux parties: l'une versée à titre d'arrhes; l'autre, représentant le montant des créances hypothécaires, et payée aux créanciers inscrits. Si la vente n'était pas réalisée, le stipulant perdait les arrhes, mais non pas la somme payée aux créanciers inscrits; par conséquent, ce n'est pas le prix, mais un dédit, naturellement égal à une portion du prix, qui restait acquis au promettant. C'est la situation qui se rencontre à peu près dans toutes les promesses de vente, la stipulation d'un dédit y étant, pour la raison que nous avons indiquée, très usuelle.

C'est seulement dans le cas de réalisation de la promesse que le stipulant se serait trouvé, par anticipation, libéré du prix. Mais, si ce n'était pas là, suivant les expressions du tribunal, " une charge nouvelle "" il reste vrai que le stipulant, s'il se retirait, reprenait une partie du prix, et que, par

FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE

est de toute évidence que la réalisation de la promesse de vente ne pouvait procurer que des avantages à la Société Bernheim et ne lui devait occasionner aucun risque; Attendu que, malgré la proprieté apparente maintenue sur la tête des vendeurs, on doit donc considérer comme établi par des présomptions graves, précises et concordantes que la promesse de vente faite par les époux Dauvergne s'est trouvée réalisée et la mutation opérée par l'accord des parties sur la chose et sur le prix, au moment même où l'acte contenant l'offre des propriétaires de l'immeuble est intervenu; Attendu qu'il importe peu que la cession amiable de l'immeuble vendu ait été faite ultérieurement à la ville de Paris au nom des époux Dauvergne; que la conservation apparente de la propriété par ceux-ci rendait nécessaire ce mode de procéder, dont l'emploi ne saurait en rien infirmer la transmission réelle de la propriété résultant de l'accord parfait des parties; qu'au contraire, l'importance, par rapport à la valeur totale de l'immeuble, de la somme encaissée par la S ciété Bernheim de la ville de Paris, et formant l'excédent des sommes qu'elle s'était chargée de verser aux époux Dauvergne ou en leur acquit, signifie bien que, dans cette tractation, elle agissait, non comme mandataire de ceux-ci, mais bien comme propriétaire de la chose vendue; Par ces motifs, etc.

Du 16 juill. 1913-Trib. civ. de la Seine, 2e ch.

conséquent, il n'était pas, dès la promesse, dans la situation d'un acheteur. Cela suffisait pour que le droit de mutation ne fût pas exigible. Si, comme le déclare le tribunal, la réalisation de la promesse ne pouvait procurer que des avantages au stipulant et ne lui occasionner aucun risque, cela était vrai en ce sens seulement que le stipulant n'avait, en réalisant la promesse, aucun déboursé nouveau à faire; le risque existait cependant; il se pouvait que, pour ne pas perdre le dédit, le stipulant se vit amené à réaliser la promesse, alors que l'immeuble aurait diminué de valeur.

Enfin, le tribunal constate que le stipulant, pour céder la promesse dont il était bénéficiaire à un tiers désireux d'acquérir, avait exigé une somme importante, d'où il conclut que le stipulant était devenu propriétaire. On peut répondre que le stipulant était maître de la situation, puisqu'il avait un droit de préférence; il était naturel que, pour abdiquer ce droit, il réclamât une indemnité, forte ou non, suivant les circonstances.

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Que le stipulant eût eu en vue cette vente à un tiers dès le moment de la promesse; qu'il eût pris ses mesures pour que la vente ne se réalisât pas sans un bénéfice considérable pour lui, cela est possible, mais cela n'importe aucunement. Pouvait-il user d'un moyen qui légalement évitait un droit de mutation? Oui, pourvu que, conformement à la jurisprudence de la Cour de cassation, ce moyen fût sincère. En droit civil, avait-il les droits du propriétaire, et ces droits, le promettant les avait-il perdus? La négative ne nous paraît par douteuse ».

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