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prendre possession des biens laissés par feu son père; Par ces motifs; Donne

acte au Crédit Lyonnais de ses déclarations; Dit que, nonobstant toute opposition, il remettra à la demoiselle Azar du Marest toutes sommes et valeurs appartenant à son père, feu Joseph-Schaadan Azar, etc. »

Appel par le Crédit Lyonnais.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'il est incontestable, et d'ailleurs incontesté, que le tribunal consulaire d'Alexandrie et la Cour d'appel d'Aix ont compétence pour connaitre d'un différend né en Egypte entre Français; qu'il s'agit, en l'espèce, de savoir si le Crédit Lyonnais est fondé à refuser à la demoiselle Lætitia Azar du Marest la restitution des deniers et valeurs dépendant de la succession de son père, et dont le dépôt a été effectué à la succursale d'Alexandrie; Attendu que cette question est intimement liée à celle de la nationalité du de cujus, puisqu'il y a lieu de rechercher, tout au moins au regard du Crédit Lyonnais, les prétendus héritiers naturels n'intervenant pas, malgré la sommation qu'ils ont reçue, si le de cujus a été valablement naturalisé Français, et si, partant, sa succession doit être réglée par la loi française, auquel cas la demoiselle Azar du Marest aura, en sa qualité d'unique héritière, le droit de se faire remettre le montant du dépôt; Attendu qu'à l'appui de son appel, le Crédit Lyonnais, pour se soustraire à la demande dont il est l'objet, se retranche derrière l'instance pendante devant la Cour d'appel mixte d'Alexandrie, qui, avant de statuer sur le litige, a accordé un délai de trois mois à l'intimée, pour fournir la preuve que le gouvernement ottoman avait autorisé ou accepté la naturalisation française de feu Schaadan Azar, tout en reconnaissant que ce dernier, compromis aux yeux des autorités turques par les services qu'il avait rendus à la France lors de l'expédition de Syrie, de 1860 à 1863, avait été obligé de quitter son pays pour fuir les persécutions auxquelles il était en butte, et ne pouvait, dès lors, attendre aucune faveur du gouvernement ottoman; qu'il suit de là que, si elle ne devait s'en tenir qu'à cette décision, à la

(1) Si les jugements étrangers ne peuvent recevoir exécution en France qu'autant qu'ils ont été revêtus de l'exequatur » par un tribunal français (V. Cass. 26 juin 1905, S. et P. 1905.1.438, et la note de M. Lyon-Caen; Pand. pér., 1906.5.17), on admet en général qu'il est permis néanmoins de procéder à des mesures purement conservatoires en vertu d'un jugement étranger non revêtu de l'« exequatur ». V. la note de M. Dubois sous Paris, 31 janv. 1873 (S. 1874.2.33. . P. 1874. 203). Adde, Despagnet, Précis de dr. intern. privé, 5 éd., par de Boeck, n. 200, p. 622; Lacoste, La chose jugée, n. 1462; et notre Rép. gén. du dr. fr., V Jugement étranger, n. 206; Pand. Rep., vo Jugements étrangers, n. 287.

On a soutenu, en déniant à la saisie-arrêt le caractère d'une mesure conservatoire, qu'un jugement étranger non rendu exécutoire en France ne pouvait servir de fondement à une saisie-arrêt. V.

quelle le Crédit Lyonnais est resté étranger, et dont il ne peut se prévaloir, la demoiselle Azar du Marest serait exposée à ne jamais obtenir la restitution des valeurs dépendant de la succession de son père;

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Mais attendu qu'il est de principe que les tribunaux français ne sont pas liés par les décisions rendues par les tribunaux étrangers, parmi lesquels il faut ranger les tribunaux mixtes d'Egypte; que, du reste, l'art. 5 de la loi du 19 janv. 1869, qui refuse à un sujet ottoman le droit de se faire naturaliser étranger sans l'autorisation de son gouvernement, n'est point applicable, lorsque le sujet ottoman a quitté, au moment où il sollicite sa naturalisation, son pays d'origine, pour aller résider à l'étranger; que telle est l'espèce soumise à la Cour; qu'en effet, Schaadan Azar, né à Damas, en 1837, de parents ottomans, a quitté la Turquie après l'expédition de Syrie, pour se rendre en France, où il a obtenu, le 24 déc. 1864, l'autorisation d'établir son domicile, où il s'est marié en 1867, et où, le 19 déc. 1869, il lui a été octroyé des lettres de grande naturalisation, pour services exceptionnels rendus à la France; Attendu que, dans ces conditions, tant au regard de la loi française qu'au regard de la loi ottomane, ainsi que l'ont décidé, en 1903, le tribunal de Marseille et la Cour d'appel d'Aix, dans une espèce analogue, Schaadan Azar est devenu Français, et, par suite, sa succession doit être régie par la loi francaise; qu'on objecterait en vain que la loi de 1869 est exclusive de toute distinction entre les sujets ottomans habitant l'empire et ceux résidant à l'étranger au moment de la demande de naturalisation, alors qu'un memorandum, adressé le 21 avril 1869, aux puissances par la Turquie, memorandum qui peut être considéré, non seulement comme le commentaire officiel, mais encore comme le complément de ladite loi, a nettement déterminé les limites dans lesquelles celle-ci était susceptible de recevoir son application, en indiquant que son but unique était d'empêcher le sujet ottoman, ayant son domicile dans l'Empire, de se soustraire à son autorité légitime, en se faisant naturaliser étranger; que c'est donc à la demoiselle Lætitia Azar du Marest, unique héritière, suivant acte de notoriété dressé à Beyrouth, que le Crédit

Paris, 31 janv. 1873, précité. Mais cette solution est en désaccord avec la jurisprudence, d'après laquelle la saisie-arrêt est une mesure conservatoire (V. Cass. 20 mai 1890, S. et P. 1893.1.511; Pand. pér., 1891.1.20; Paris, 22 juill. 1895, S. et P. 1897.2.237; Paris, 25 mars 1896, S. et P. 1897.2.8; Pand. pér., 1897.2.144, et les notes. Adde, Bioche, Dict. de proc., vo Saisie-arrêt, n. 3; Rousseau et Laisney, Dict. de proc., vo Saisiearrêt, n. 1; Garsonnet, Tr. de proc., 2o éd., par Cézar-Bru, t. 4, 1463; Glasson, Précis de proc., 2o éd., par Tissier, t. 2, n. 1221; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Saisie-arrêt, n. 26 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 51 et s.), qui ne se transforme en mesure d'exécution que par le jugement de validité. V. Cass. 1er mai 1889 (S. 1889.1.460. - P. 1889.1. 1157; Pand. pér., 1889.1.534); Bioche, op. et loc. cit.; Rousseau et Laisney, op. et loc. cit; Garsonnet, op. et loc. cit.; Glasson, op. et loc. cit. Il

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TRIB. DE LA SEINE 19 décembre 1911. ETRANGER, JUGEMENT ÉTRANGER, « EXEQUATUR, SAISIE-ARRÊT, MESURE CONSERVATOIRE (Rép., v Jugement étranger, n. 206; Pand. Rép., v Jugements étrangers, n. 1 et s., 287).

Une saisie-arrêt peut être valablement faite en vertu d'un jugement étranger, même non encore revêtu de l'« exequatur », pourvu que ce jugement soit rendu exécu toire par le jugement même qui valide la saisie (1) (C. proc., 546, 557). (Lyon C. Chalk and Dawson).

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu qu'à la date du 27 mai 1907, Chalk and Dawson ont obtenu de la Haute Cour de justice d'Angleterre (division du Banc du Roi) un jugement par défaut, condamnant Lyon à leur payer 1° la somme principale de 79 livres sterlings 10 shillings 6 pence, soit, en monnaie française, 2.008 fr., montant de fournitures diverses; 2o la somme de 9 livres sterlings 6 shillings 6 pence, soit, en monnaie française, celle de 235 fr. 45, pour frais dudit jugement d'après la taxe anglaise; ensemble, 2.243 fr. 45; qu'en vertu du jugement, et suivant exploit de Baudin, huissier à Paris, du 5 févr. 1908, il a été fait opposition entre les mains de la Comp. française du Vacuum Cleaner, société anonyme dont le siège est à Paris, 11, rue Saint-Florentin; que Chalk and Dawson ont, suivant exploit du 11 mars 1908, assigné Lyon, aux fins de voir rendre exécutoire en France le jugement susénoncé et valider l'opposition aussi susénoncée...;-Attendu que le jugement dont

D

faut conclure de là qu'un jugement étranger non revêtu de l'«< exequatur peut servir de fondement à une saisie-arrêt (V. en ce sens, Despagnet, op. cit., n. 200, p. 622; Lacoste, op. cit., n. 1464. Adde sur la question, notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, sur l'art. 546, n. 8 et 9; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 208 et s.; Pand. Rép., verb. cit., n. 1225 et s.), mais que le saisissant ne pourra obtenir un jugement de validité, tant que le jugement étranger n'aura pas été rendu exécutoire en France. La validité de la saisie-arrêt pourra, d'ailleurs, être prononcée par la même décision qui accordera l' exequatur. V. Paris, 5 août 1832 (motifs) (S. 1833.2.20.— P. chr.). Adde, notre C. proc. annoté, loc. cit., n. 9; et notre Rép. gen. du dr. fr., verb. cit., n. 210; Pand. Rép., verb. cit., n. 1226.

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s'agit, rendu par la Haute Cour de justice d'Angleterre (division du Banc du Roi), le 27 mai 1907, est régulier; qu'il émane d'un tribunal compétent, et qu'il est susceptible d'exécution; qu'en outre, ce jugement ne contient rien de contraire à l'ordre public en France; et qu'il échet, par suite, de le rendre exécutoire en France;

Attendu que l'opposition faite en vertu dudit jugement est régulière en la forme et juste au fond; que le défendeur oppose vainement que ladite saisie-arrêt est nulle, comme ayant été faite sans titre ni permission de juge, contrairement aux dispositions des art. 557 et s., C. proc.; qu'en effet, une saisie-arrêt peut être valablement faite en vertu d'un jugement étranger, même non encore revêtu de l'«exequatur, pourvu que ce jugement soit rendu exécutoire par le jugement même qui valide la saisie, ce qui est le cas; qu'il échet, en conséquence, de valider l'opposition du 5 févr. 1908;... Par ces motifs; — Déclare exécutoire en France le jugement rendu par défaut, le 27 mai 1907, par la Haute Cour de justice d'Angleterre (division du Banc du Roi); Déclare bonne et valable l'opposition du 5 févr. 1908; dit, en conséquence, que toutes les sommes saisies-arrêtées seront versées entre les mains des demandeurs, en déduction ou jusqu'à due concurrence du montant de leur créance en principal, intérêts et frais, etc.

Du 19 déc. 1911. Trib. civ. de la Seine, Ire ch. MM. Ancelle, prés.; Bureau et Vingtain, av.

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TRIB. DE LA SEINE 4 avril 1912. 1o EXPLOIT, HUISSIER, NOM, DEMEURE, IMMATRICULE, EQUIPOLLENTS, ENVELOPPE FERMÉE, CACHET DE L'HUISSIER, TIMBRE SUR L'ENVELOPPE, NULLITÉ (Rép., vo Exploit, n. 281 et s.; Pand. Rép., v Ajournement, n. 271 et s.). 2o EXCEPTION, NULLITÉ

DE FORME, NULLITÉ COUVERTE, CONCLUSIONS AU FOND, CONCLUSIONS SUBSIDIAIRES (Rép., vis Exploit, n. 1236 et s., Nullités, n. 450; Pand. Rép., v° Ajournement, n. 400).

1o Est nul un procès-verbal d'offres, qui ne contient ni le nom, ni la demeure, ni l'immatricule de l'huissier, énonciations prescrites à peine de nullité par l'art. 61, C. proc. (1) (C. proc., 61).

(1-2) L'art. 61, C. proc., disposant que l'exploit doit contenir, à peine de nullité, les nom, demeure et immatricule de l'huissier qui a instrumenté, la jurisprudence, en a conclu que l'erreur ou l'omission d'un exploit, relativement à ces formalités essentielles, est une cause de nullité, lorsqu'aucune autre énonciation de l'acte ne permet d'y suppléer. V. Cass. 3 avril 1901 (S. et P. 1902.1.136; Pand. pér., 1902.1.440), et la note. Et, si l'omission ou l'erreur peuvent être réparées au moyen des autres énonciations qui figurent dans l'acte lui-même, notamment au moyen des indications fournies par un timbre humide apposé par l'huissier en marge de l'exploit (V. Riom, 30 déc. 1890, S. et P. 1902.2.187, ad notam. V. égal., pour une copie d'exploit, Paris, 15 mai 1900, S. et P. 1902.2.

Et les mentions du cachet de l'huissier, apposé sur l'enveloppe fermée, conformément aux prescriptions de l'art. 68, C. proc., ne sauraient suppléer aux mentions qui doivent être contenues dans l'exploit, lequel doit se suffire à lui-même, en dehors de toutes circonstances extrinsèques (2) (Id.).

2° La nullité d'un exploit n'est pas couverte par des conclusions tendant à l'irrecevabilité de la demande, et, subsidiairement, au mal fondé, les conclusions au fond n'étant que subsidiaires (3) (C. proc., 173).

(Lepage C. Dame Chandrillier).

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que, suivant procès-verbal du 26 juill. 1911, Lepage a fait à la dame Chandrillier des offres réelles; 1° d'une somme de 10.000 fr., prêtée par elle à Alfred Marie, et ayant servi à désintéresser la dame Henné; 2o de la somme de 50 fr. pour intérêts, sauf à parfaire; 3 de celle de 5 fr. pour frais, sauf à parfaire d'après taxe, à charge par la dame Chandrillier de donner bonne et valable quittance, de le subroger dans les droits qu'elle tenait du Dr Henné, et, en outre, de lui remettre une grosse de son obligation, sous peine, en cas de nonremise dans les vingt-quatre heures, de voir lever une seconde grosse à ses frais;

Attendu que, les offres ayant été refusées, Lepage a, suivant procès-verbal en date du 30 août 1911, déposé ladite somme, avec les intérêts courus depuis le jour des offres, à la Caisse des dépôts et consignations, et a, suivant exploit en date du 30 oct. 1911, assigné la dame Chandrillier, en validité des offres susvisées, et en 2.000 fr. à titre de dommages-intérêts;

--

Attendu que la dame Chandrillier oppose à la demande de Lepage l'exception de nullité du procès-verbal d'offres, et, en conséquence, l'irrecevabilité de l'action et conclut subsidiairement au rejet de la demande comme mal fondée; Sur la recevabilité : Attendu que le procèsverbal d'offres ne contient ni le nom, ni la demeure, ni l'immatricule de l'huissier, ainsi que le prescrivent, à peine de nullité, les dispositions de l'art. 61, C. proc.;

Attendu que les mentions du cachet de l'huissier, apposé sur l'enveloppe fermée, conformément aux prescriptions de l'art. 68 C. proc., modifié par la loi du 15 févr. 1899, ne sauraient suppléer aux mentions qui doivent être contenues, conformément

187, et la note), on ne peut suppléer aux mentions de l'acte à l'aide d'éléments extrinsèques; la Cour de cassation a notamment décidé, par application de ce principe, que l'omission de l'indication des nom, domicile et immatricule de l'huissier ne peut être suppléée par cette circonstance qu'un huissier déterminé est le seul officier ministériel résidant dans la commune où la partie qui a signifié l'exploit à son domicile. V. Cass. 20 févr. 1900 (S. et P. 1900.1.216; Pand. pér., 1900.1.307). C'est de ce principe que le jugement ci-dessus a entendu faire application, en refusant de prendre en considération, pour suppléer au défaut d'indication, dans l'acte, des nom, demeure et immatricule de l'huissier, des mentions portées sur le cachet apposé par l'huissier sur l'enveloppe

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Attendu que, dans ses premieres conclusions en réponse à la demande de Lepage, la dame Chandrillier a conclu à l'irrecevabilité de la demande, et subsidiairement au mal fondé; Attendu que la nullité de l'exploit ne saurait être couverte par ces conclusions, qui, sur le fond, n'ont été que subsidiaires; - Attendu que, dans ses conclusions du 12 mars 1912, la dame Chandrillier n'a conclu que subsidiairement au fond, mais s'est prévalue d'abord de l'irrecevabilité de la demande, basée sur la nullité du procès-verbal d'offres; Attendu, par suite, que le procès-verbal d'offres est entaché de nullité, et que, l'exception n'ayant pas été couverte par des conclusions au fond, la demande est en conséquence irrecevable; Par ces motifs; Déclare nul et de nul effet le procès-verbal d'offres réelles, en date du 26 juill. 1911, dont se prévaut Lepage; Déclare, en conséquence, non recevable sa demande en validité d'offres réelles, etc.

Du 4 avril 1912. Trib. civ. de la Seine, 5 ch. MM. Pacton, prés.; Tanon, subst.; Paul Marx et Farcy, av.

DU

SOL. RÉGIE 24 mai 1910. ENREGISTREMENT, FONDS DE COMMERCE, VENTE, NANTISSEMENT, LOI DU 17 MARS 1909, DISPENSE DE DROITS, ACTES DE VENTE OU DE NANTISSEMENT, RÉALISATION FONDS, ACTES DE PROCÉDURE, ADMINISTRATEUR PROVISOIRE (Rép., v° Fonds de commerce, n. 82 et s., 121 et s., 231 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 107 et s., 172 et s., 430 et s.).

Les immunités d'impot, accordées par l'art. 34 de la loi du 17 mars 1909 aux pièces nécessaires à l'accomplissement des formalités d'inscription du privilège du vendeur ou du privilège d'un créancier nanti d'un fonds de commerce, ne peuvent être étendues, soit aux actes de vente ou de nantissement, soit aux actes qui se rattachent à la procédure organisée pour la réalisation du fonds de commerce donné en gage aux créanciers (4) (L. 17 mars 1909, art. 34).

... Spécialement, au compte dressé par un administrateur provisoire, nommé en exécution de l'art. 15, au quitus donné à ce mandataire de justice, et à l'ordonnance de taxe de ses honoraires (5) (Id.).

fermée dans laquelle il avait délivré l'exploit. (3) C'est un point certain que, lorsque la nullité d'un ajournement ou d'un acte d'appel a été formellement invoquée ou réservée, le fait qu'il a été conclu subsidiairement au fond n'entraîne aucune forclusion. V. Cass. 28 janv. 1878 (S. 1878.1.253. P. 1878.645), et la note; 30 oct. 1906 (S. et P. 1907.1.222), et les renvois.

(4-5) Cela ne pouvait faire de doute. L'art. 34 de la loi du 17 mars 1909 (S. et P. Lois annotées de 1909, p. 851; Pand. pér., Lois annotées de 1909, p. 851) énumère limitativement les documents dispensés d'enregistrement et de timbre. Cette énumération, figurant d'ailleurs dans l'article même qui établit le droit d'inscription de 0,05 p. 100, et à la suite de cette disposition, ne peut se référer

Les art. 15 à 23 de la loi du 17 mars 1909, relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce, ont organisé la procédure à suivre pour la réalisation du fonds qui sert de gage aux créanciers et pour la purge des créances inscrites. A ce sujet, le 5 alinéa de l'art. 15 porte que le tribunal de commerce «nomme, sil y a lieu, un administrateur provisoire du fonds, fixe les mises à prix, détermine les conditions principales de la vente, commet, pour y procéder, l'officier public qui dresse le cahier des charges ».

Le président du tribunal de commerce de la Seine a prié l'Administration de lui faire savoir si les immunités d'impôt, prononcées par l'art. 34 de la loi précitée, s'appliquent 1° au compte dressé par un administrateur provisoire, nommé en exécution de l'art. 15; 2° au quitus donné à ce mandataire de justice; 3° à l'ordonnance de taxe de ses honoraires, toutes pièces que cet administrateur peut être appelé à déposer au greffe.

Ainsi que vous en exprimez l'avis, cette question paraît devoir être résolue par la négative. Il résulte, en effet, des travaux préparatoires de la loi du 17 mars 1909 qu'en édictant, pour l'inscription de la créance du vendeur ou du créancier gagiste d'un fonds de commerce, une taxe proportionnée à l'importance des intérêts en jeu, le législateur s'est proposé de supprimer, par cela même, tous les droits fixes auxquels auraient pu donner lieu les diverses formalités prévues pour l'inscription. Aussi bien, les formules d'exemption de droits fixes, employées par l'art. 34, ne visent que les pièces nécessaires à l'accomplissement de cette inscription. Aucune modification n'est apportée par la loi nouvelle aux règles en vigueur pour l'enregistrement, soit des actes de vente ou de nantissement de fonds de commerce, soit des actes qui se rattachent à la procédure organisée pour la réalisation du fonds de commerce donné en gage aux créanciers; ces actes, en matière d'enregistrement, restent sous l'empire du droit com

mun.

Or, les titres visés par M. le président du tribunal de commerce paraissent rentrer dans cette dernière catégorie de documents, et, en conséquence, il n'y a aucune raison de les faire bénéficier des immunités d'impôt, qui ont été édictées spécialement pour les pièces nécessaires à l'inscription du privilège du vendeur ou du nantissement.

Du 24 mai 1910. Sol. Régie.

TRIB. DE LA SEINE 31 mai 1911. ENREGISTREMENT, CONTESTATION, OFFRES RÉELLES, PRÉSENTATION DE L'ACTE (Rép.,

qu'à des actes se rattachant à l'inscription du privilège. V. Thibault, De la vente et du nantiss. des fonds de comm., n. 272; Montier et Faucon, De la vente et du nantiss. des fonds de comm., p. 265, n. 8; Bouvier-Bangillon, De la vente et du nantiss. des fonds de comm., p. 182, in fine.

(1-3) La question de savoir si, en cas de désaccord entre les parties et le receveur de l'enregistrement sur le montant des droits dus, les offres

vo Enregistrement, n. 1345 et s., 1417 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1288 et s., 1362 et s., 1483 et s.).

Le rederable ne peut différer le paiement des droits d'enregistrement réclamés, sous le prétexte de contestation sur la quotité de la taxe, ni pour quelque autre motif que ce soit, sauf à se pourvoir en restitution, s'il y a lieu (1) (L. 22 frim. an 7, art. 28, 37 et 38).

Toutefois, si, le receveur ayant refusé l'enregistrement, faute par la partie requérante de verser le chiffre des droits liquidés par lui, il a été fait, avant l'expiration des délais, des offres réelles régulières d'une somme égale au chiffre fixé définitivement par l'Administration, on doit admettre que le droit en sus ne peut être légitimement exigé (2) (Id.).

Mais la seule présentation de l'acte à la formalité, non accompagnée d'offres réelles, et avec simple offre de verser les droits reconnus exigibles, ne saurait suffire (3) (Id.). (Enregistrement C. Guthmann et C'ie).

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LE TRIBUNAL; - Attendu que, suivant exploit de Bourgoint, du 3 juill. 1909, Guthmann et Cie ont fait opposition à la contrainte à eux signifiée par l'Administration de l'enregistrement, tendant au paiement de la somme de 375 fr., montant du droit simple et du droit en sus, prétendus exigibles sur un jugement du tribunal de commerce de la Seine, du 24 nov. 1908, prononçant une condamnation à des dommages-intérêts au profit des redevables, et non enregistré dans les délais; Attendu que les redevables ont assigné l'Administration de l'enregistrement devant ce tribunal, par le même exploit, pour faire statuer sur le bien fondé de leur opposition, faisant offre de paiement de la somme de 187 fr. 50, montant du droit simple; Attendu que, pour combattre la réclamation de la Régie, les redevables exposent, dans leur opposition, que ledit jugement a été présenté à la formalité dans le délai de vingt jours prescrit par l'art. 20 de la loi du 22 frim. an 7; mais qu'au moment de cette présentation, le receveur, ayant estimé que le jugement visait un contrat relatif à la vente au sieur Coupelle de 500 actions de 100 fr., entièrement libérées, de la Société anonyme des maisons de vente de la fabrique parisienne de jupons, qualifié à tort de contrat verbal, et que l'acte écrit constatant cette vente, dont il avait été fait usage en justice, devait être enregistré en même temps que le jugement, avait requis, à cette fin, la représentation dudit acte; que, déniant l'existence d'un acte intervenu entre eux et Coupelle, les redevables avaient offert d'acquitter la somme de 187 fr. 50, montant, en principal et dé

réelles, lorsqu'elles sont ensuite estimées suffisantes, équivalent à un paiement qui interdit à la Régie de réclamer, à l'encontre du redevable, l'application des pénalités résultant du retard, est toujours discutée. Dans la présente affaire, le tribunal admet l'affirmative dans les consitérants de son jugement. Mais il semble bien que la jurisprudence a tendance à se prononcer en sens contraire. V. la note sous Cass. 5 janv. 1891 (S.

le

cimes, du droit de condamnation, et s'étaient refusés seulement au versement de tout droit qui pourrait être liquidé d'office, à défaut de production du contrat écrit dont la représentation était requise; que, la Régie ayant reconnu ultérieurement sa prétention de réclamer un droit sur ledit contrat de vente mal fondée, le défaut d'enregistrement dans le délai légal ne provenait pas manifestement du fait des redevables, mais bien de celui du préposé de la Régie, qui ne saurait valablement réclamer un droit en sus, pour inobservation d'une prescription dont elle a refusé elle-même l'accomplissement, sans motifs légitimes; que ces faits étaient constants et reconnus d'ailleurs par l'Administration de l'enregistrement, dans son mémoire même; Mais attendu qu'en principe, le redevable ne peut différer le paiement des droits réclamés, sous le prétexte de contestation sur la quotité, ni pour quelque autre motif que ce soit, sauf à se pourvoir en restitution, s'il y a lieu; que si, toutefois, lorsque, la Régie ayant refusé d'enregistrer un jugement, faute par la partie requérante de verser chiffre des droits liquidés par le receveur, il a été fait, avant l'expiration des délais, des offres réelles, régulières, d'une somme égale au chiffre fixé définitivement par l'enregistrement, on doit admettre que le droit en sus ne peut être légitimement exigé, il n'en saurait être de même, en l'absence d'offres réelles régulières faites par le redevable; Attendu que, si les redevables ont offert, dans les délais légaux, d'acquitter les droits réellement dus, ils n'ont pas pris soin de mettre à la disposition de la Régie, dans lesdits délais, ni même ultérieurement, le montant des droits reconnus, par la suite, être seulement exigibles par la Régie; Attendu que la seule présentation à la formalité du jugement précité, avec simple offre de verser le montant desdits droits, insuffisante au regard du droit commun pour être considérée comme libératoire, ne saurait a fortiori l'être au regard de la loi fiscale, qui prescrit, de la façon la plus nette et la plus impérative, que provision est toujours due à l'Etat, dans toute contestation en matière de taxe; que, dans de telles conditions, Guthmann et Cie ne peuvent prétendre s'être libérés, dans le délai imparti par la loi, ou, tout au moins, avoir fait tout ce qu'il était en leur pouvoir de faire, pour se libérer des droits qui pouvaient leur être légitimement réclamés; Par ces motifs; - Déboute Guthmann et Cie de leur opposition, etc.

Du 31 mai 1911. Trib. civ. de la Seine, 2o ch. MM. Sureau, prés.; Peignot, subst.

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DIJON 7 mars 1910.

DONATION (ENTRE VIFS), ACCEPTATION, COMMUNE, AUTORISATION, ACCEPTATION À TITRE CONSERVATOIRE, MAIRE, LOI DU 4 FÉVR. 1901, NOTIFICATION AUX HÉRITIERS, CONDITION SUSPENSIVE, CHARGES, ECOLE CONGRÉGANISTE, Loi du 30 ocт. 1886, ARRÊTÉ DE LAÏCISATION, LOI DU 7 JUILL. 1904, CONSEIL MUNICIPAL, RÉTROACTIVITÉ, REVENDICATION, NULLITÉ ABSOLUE, PRESCRIPTION DÉCENNALE, DÉCHÉANCE, PRESCRIPTION TRENTENAIRE (Rép., vo Donation entre vifs, n. 215 et s.; Pand. Rép., vo Donations et testaments, n. 3698 et s.).

Une donation ne peut exister qu'autant qu'il est justifié, à la fois, de la volonté du donateur de faire une libéralité et de l'acceptation de cette libéralité par le donataire (1) (C. civ., 932).

Cette acceptation doit être exprimée en termes formels, et, tant qu'il n'en a pas été ainsi, la donation, d'après l'art. 932, C. civ., n'engage pas le donateur et ne produit aucun effet (2) (Id.).

En outre, jusqu'à la loi du 4 févr. 1901, lorsqu'il s'agissait d'une donation faite à une commune avec charges, la commune ne pouvait accepter valablement qu'autant qu'elle y avait été autorisée par l'autorité

(1 à 7) En vertu du principe de la non-rétroactivité des lois, formulé par l'art. 2, C. civ., la validité d'un acte, au point de vue de la capacité des parties, s'apprécie au jour où l'acte est passé. V. Chambéry, 7 févr. 1885 (S. 1886.2.217. P. 1886.1.1214), et la note de M. Chavegrin. D'une part, en effet, si les parties, au moment où l'acte a été passé, étaient capables de le faire, elles ont un droit acquis à se prévaloir de cet acte, et une loi ultérieure, qui proclame leur incapacité, méconnaitrait ce droit acquis, si elle était applicable à l'acte antérieur. D'autre part, si, au moment où l'acte a été passé, les parties étaient incapables, elles ont un droit acquis à invoquer cette incapacité. V. sur le principe que les lois nouvelles ne peuvent porter atteinte aux droits acquis, la note de M. Naquet sous Trib. de Meaux, 28 déc. 1912 (Supra, 2a part., p. 65), et les renvois. Notamment, la capacité du légataire s'apprécie d'après la législation en vigueur au jour de l'ouverture de la succession (V. notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 2, n. 118), parce que l'acte qui investit le légataire, à savoir le testament, est un simple projet jusqu'au décès du testateur, et devient un acte créateur de droits au moment de ce décès. V. égal., pour l'héritier, Cass. 6 avril 1868 (S. 1868.1.342. - P. 1868.901); Rouen, 29 janv. 1892 (S. et P. 1892.2.164), les notes et renvois. Adde, Aubry et Rau, 5° éd., t. 1er, p. 115, § 30, texte et note 39 bis; notre C. cie. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 2, n. 107; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Lois et décrets, n. 935; Pand. Rép., eod. verb., n. 516. On pourrait soutenir que le légataire, pour pouvoir recueillir le legs, devrait en outre avoir été, d'après la législation en vigueur, capable de recevoir, au jour de la rédaction du testament. Comp. Cass. 27 nov. 1848 (S. 1849.1.12. P. 1849.2.603). Mais personne n'a prétendu qu'il doive être capable au jour de l'acceptation du legs. De même, la capacité du donataire s'apprécie au jour où la donation est faite.

-

Quant à la capacité d'accepter la libéralité faite ANNÉE 1913. - 4° cah.

supérieure (3) (C. civ., 910, 937; L. 4 févr. 1901).

Mais le maire, ayant le droit d'accepter, à titre conservatoire, les dons et legs faits à la commune, l'autorisation qui intervient postérieurement, ou, depuis la loi du 4 févr. 1901, la notification au donateur ou à ses héritiers de la délibération du conseil municipal, a effet du jour de cette acceptation provisoire; l'intervention du maire a ainsi pour résultat de créer, au profit de la commune, un droit subordonné à la condition suspensive que l'acte encore imparfait sera définitivement complété, ladite condition devant avoir pour effet, si elle se réalise, de rendre la commune propriétaire des biens donnés depuis le jour où est intervenu l'acte de donation, et, au cas où elle viendrait à défaillir, soit par le refus d'autorisation ou d'acceptation, soit par un événement rendant désormais impossible ladite autorisation ou acceptation, devant faire considérer cet acte comme n'ayant jamais existé, et les biens auxquels il s'appliquant comme étant toujours demeurés la propriété du donateur (4) (C. civ., 910; LL. 18 juil. 1837, art. 48; 5 avril 1884, art. 113).

Cette seconde hypothèse se trouve réalisée, lorsque, avant qu'une commune ait reçu l'autorisation d'accepter une donation à elle faite avec charges (en l'espèce, la charge

au légataire ou donataire, elle doit être appréciée an jour de l'acceptation. En d'autres termes, lorsqu'une personne morale, ayant été créée avant le décès ou la donation, a pu valablement être instituée légataire ou recevoir une donation, la question de savoir si elle peut accepter sans autorisation ou a besoin d'une autorisation doit être déterminée d'après la législation en vigueur au jour de l'acceptation; car c'est à ce jour que s'accomplit l'acte dont la validité est en jeu. L'autorisation est un complément de capacité; la question de savoir si une autorisation est nécessaire doit donc être tranchée, au point de vue de la rétroactivité des lois, comme toutes les questions de capacité.

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C'est ce qu'a décidé la Cour de cassation en ce qui concerne l'autorisation nécessaire à la femme mariée, d'après le Code civil, pour accomplir certains actes; elle a admis que cette autorisation était exigée pour les actes postérieurs au Code civil, alors même que la femme était mariée sous une législation qui permettait à la femme de passer ces actes sans autorisation (V. Cass. 7 déc. 1836, S. 1837. 1.416. P. 1837.1.258, et la note), et, réciproquement, que la femme a été dispensée d'autorisation, pour les actes qu'une loi nouvelle (en l'espèce, celle du 17 niv. an 2) lui permettait de faire seule, alors même qu'elle n'aurait pu les faire seule d'après la coutume sous l'empire de laquelle elle s'était mariée. V. Cass. 12 mai 1814 (S. et P. chr.). Les lois réglant l'état et la capacité sont de statut personnel; le propre d'un statut personnel est de recevoir exécution du moment même où il est porté » (V. Cass. 7 déc. 1836, précité). Adde sur le principe, Pau, 22 juin 1892 (motifs) (S. et P. 1893.2. 121); Aubry et Rau, 5o éd., t. 1, p. 108, § 30; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 1er, n. 175; Demolombe, Public. et effets des lois, n. 44; Huc, Comment. du C. civ., t. 1o, n. 65; Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade, Des personnes, 3o éd., t. 1, n. 148; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Lois et décrets, n. 766 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 330 et s.

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d'employer la chose donnée à l'entretien d'une école congréganiste), autorisation qui lui était indispensable avant la loi du 4 févr. 1901, il est intervenu, en exécution de la loi du 30 oct. 1886, un arrêté de laicisation qui a enlevé aux religieuses la direction de l'école communale, cette loi interdisant à la commune de donner, sous une forme quelconque, une subvention pour l'école congréganiste devenue école privée, et la commune se trouvant, dès lors, dans l'impossibilité évidente d'étre autorisée à accepter une donation faite sous une condition désormais illicite (5) (L. 30 oct. 1886, art. 17).

A plus forte raison en a-t-il été ainsi après la loi du 7 juill. 1904, qui a interdit tout enseignement donné par les congréganistes (6) (L. 7 juill. 1904, art. ler).

Vainement la commune soutiendrait, soit que la loi du 4 févr. 1901 a eu pour effet de donner un caractère d'acceptation définitive à la délibération par laquelle le conseil municipal avait, lors de la donation, donné un avis favorable à son acceptation, soit qu'une délibération, intervenue depuis la loi du 4 févr. 1901, au cours des débats, a pu valider rétroactivement la donation, dont l'exécution était devenue impossible (7) (L. 4 févr. 1901, art. 2).

L'offre de donation étant ainsi devenue

Cela revient à dire que, pour les actes antérieurs à la loi qui a modifié les règles de l'autorisation, la législation antérieure reste en vigueur. C'est ce qui a été décidé par la jurisprudence pour les biens épargnés par la femme; bien que la loi du 13 juill. 1907 déclare, en son art. 11, ses dispositions applicables aux femmes mariées antérieurement à sa promulgation, toutes les acquisitions antérieures de la femme restent soumises aux principes du Code civil. V. Trib. de Mantes, 29 juill. 1910 (S. et P. 1911.2.188; Pand. pér., 1911.2.188), et la note; Paris, 15 mai 1912 (S. et P. 1912.2.316; Pand. pér., 1912.2.316), rendu dans la même affaire.

Il en est de même en ce qui concerne l'autorisation nécessaire aux personnes morales pour accepter les libéralités à elles faites. L'art. 910, C. civ., en disposant que les donations et legs << au profit des hospices, des pauvres d'une commune, ou d'établissements d'utilité publique n'auront leur effet qu'autant qu'elles seront autorisées par une ordonnance royale », a posé une règle de capacité. Sans doute, l'incapacité des personnes morales n'a pas, comme l'incapacité des mineurs ou des femmes mariées, pour objet unique de protéger les personnes déclarées incapables; elle a également pour but de protéger les disposants et leurs familles, et d'éviter l'accumulation des biens de mainmorte. Comme le porte le rapport fait à la Chambre des députés sur la loi du 4 févr. 1901 (S. et P. Lois annotées de 1901, p. 57; Pand. pér., 1901.3.113), qui a facilité l'acceptation des dons et legs faits aux personnes morales publiques: « En proposant l'art. 910, BigotPréameneu disait, dans son exposé des motifs, qu'il fallait que le gouvernement autorisât les dispositions faites au profit des hospices, des pauvres et des établissements d'utilité publique, car « il doit connaitre la nature et la quantité des biens mis ainsi hors du commerce, et même empêcher qu'il n'y ait dans ces dispositions un excès condamnable (Locré, Législ. civ., etc., t. 11, p. 365, in fine). Jaubert disait également au Tribunat : « Les hosles établissements pices, les pauvres d'une commune, II PART. - 13

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caduque, les héritiers du donateur peuvent revendiquer la chose donnée, sans qu'on

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d'utilité publique ne pourront recevoir qu'en vertu d'une autorisation du gouvernement : le zèle et la pietė ne doivent pas excéder les bornes légitimes. L'intérêt de la société, celui des familles, exigeaient cette limitation (Locré, op. cit., t. 11, p. 143). Ainsi, nécessité, d'une part, de protéger les familles contre les entrainements de la générosité, les influences condamnables ou les suggestions de la vanité; d'autre part, d'empêcher le développement excessif des biens de mainmorte, dont la grande extension aurait de graves inconvénients au point de vue politique, économique et social. A ce double motif on en ajoute un troisième, tiré de l'intérét des établissements publics eux-mêmes le gouvernement, qui est leur tuteur, doit veiller à ce qu'ils n'acceptent pas imprudemment des libéralités grevées de charges onéreuses » (S. et P. Lois annotées de 1901, p. 57, 3o col.).

Néanmoins, il est certain que la règle établie par l'art. 910, C. civ., est une règle de capacité : la capacité est le droit de faire seul un acte; l'incapacité, c'est l'interdiction faite à une personne d'accomplir un acte ou de l'accomplir seule; c'est la liberté de contracter ou d'agir qui constitue la capacité, et c'est l'absence de cette liberté qui constitue l'incapacité; les motifs qui déterminent la loi à doter nne personne physique ou morale de cette liberté ou à la lui enlever importent peu. Aussi l'art. 910, C. civ., est-il placé sous la rubrique : « De la capacité de disposer ou de recevoir par donation entre vifs ou par testament ». Au reste, pour ceux qui ne voudraient pas rattacher l'art. 910 à la théorie de la capacité, il serait vrai cependant que les conditions auxquelles est soumise l'acceptation des libéralités par un établissement public seraient régies par la loi en vigueur à la date de cette acceptation. Il serait contraire au principe de la nonrétroactivité des lois de décider qu'une loi, qui modifie les conditions de validité d'un acte, quelles qu'elles soient, est applicable aux actes antérieurs. V. la note (6 col.) de M. Demogue, sous Trib. de Bar-sur-Aube, 9 juill. 1909 (S. et P. 1910.2.25; Pand. per., 1910.2.25), et les autorités citées.

Par suite, si une personne morale a reçu un legs ou une donation, c'est à la législation en vigueur lors de l'acceptation qu'il faut se référer pour savoir si une autorisation est nécessaire. En ce qui concerne les communes, la loi du 4 févr. 1901 a disposé que le conseil municipal statue définitivement sur l'acceptation des dons et legs faits à la commune, quand ils ne donnent pas lieu à des réclamations des familles (art. 3, modifiant les art. 68 et 111 de la loi municipale du 5 avril 1884). La loi du 5 avril 1884 (art. 68 et 111) exigeait, dans ce cas, l'approbation du préfet ; plus anciennement, la loi du 18 juill. 1837 (art. 48) ne se contentait de cette approbation que jusqu'à 3.000 fr., et, pour les libéralités supérieures à ce chiffre, exigeait une ordonnance royale.

Dans la présente affaire, la donation étant intervenue en 1858, la commune, qui n'avait pas obtenu l'autorisation nécessaire d'après la loi en vigueur à l'époque, invoquait deux moyens pour soutenir que l'immeuble légué lui avait été régulièrement transmis.

D'une part, le maire avait, à une époque contemporaine de la donation, en vertu d'une délibération du conseil municipal, et ainsi que l'art. 48 de la loi du 18 juill. 1837 lui en donnait le droit, accepté à titre conservatoire la donation; or, dans le cas d'acceptation provisoire ainsi faite (et, depuis, l'art. 113 de la loi du 5 avril 1884 a permis au maire

puisse opposer la prescription de dix ans, édictée par l'art. 1304, C. civ., l'action

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de la faire sans autorisation du conseil municipal), aux termes de l'art. 48 de la loi du 18 juill. 1837, l'ordonnance du roi ou l'arrêté du préfet qui intervient ensuite a effet du jour de cette acceptation ». IV. égal., L. 5 avril 1884, art. 113. Il y avait donc eu une véritable acceptation; sans doute, cette acceptation n'avait qu'un caractère conservatoire: ses effets étaient cependant, sous réserve de l'autorisation, ceux d'une acceptation définitive, puisque, suivant la jurisprudence, la conséquence de l'acceptation provisoire,« pour les communes légataires, est qu'elles ont, à partir du jour de l'acceptation, droit à tous les avantages attachés aux legs, dont les effets sont conservés pour elles, sauf à ne demeurer définitivement investies de leur jouissance qu'au cas où le pouvoir compétent aura accordé, s'il y a lieu, l'autorisation exigée par la loi» (Cass. 2 mai 1864, S. 1864.1.235. P. 1864.822). V. encore, Orléans, 8 (ou 9) janv. 1867 (S. 1867.2.111. P. 1867.471), et les notes. Comp. pour les hospices et établissements charitables, par application de l'art. 11 de la loi du 7 août 1851, Agen, 29 mars 1860 (motifs) (S. 1860.2.339. P. 1861.338): Cass. 5 mars 1900 (S. et P. 1900.1.213; Pand. pér., 1901.1.257), les notes et renvois. Il ne manquait à l'acceptation conservatoire qu'un complément; la loi de 1901 ayant déclaré ce complément inutile, l'acceptation conservatoire a produit des effets définitifs.

Cette argumentation était spécieuse. C'est avec raison cependant que la Cour de Dijon l'a repoussée. La commune aurait pu accepter définitivement depuis la loi de 1901 (sous les réserves qui seront indiquées plus loin); mais elle ne pouvait accepter définitivement au moment où elle avait accepté à titre provisoire; or, d'après les principes rappelės plus haut, la question de savoir si l'acceptation était provisoire ou définitive devait être régie par la législation en vigueur au moment où elle avait été faite. La législation postérieure, qui a donné aux communes le droit d'accepter définitivement les libéralités, n'a pu transformer les effets de l'acceptation antérieure. Au reste, dans l'intention même du conseil municipal, l'acceptation ne pouvait qu'être provisoire, et elle l'était effectivement, puisqu'elle rappelait formellement la nécessité d'une autorisation du chef de l'Etat. Il importe peu que cette autorisation, si elle était intervenue, eût été rétroactive; l'acceptation conservatoire aurait sans doute acquis par cette autorisation la valeur d'une acceptation définitive, mais l'autorisation était nécessaire pour qu'elle acquit ce caractère.

Il est vrai qu'on a imputé à un arrêt du Conseil d'Etat, du 26 août 1867, Thévenet (S. 1868.2.239. P. chr.), cette doctrine que, si une loi vient substituer à l'autorité chargée d'approuver l'acceptation des libéralités faites aux personnes morales une autre autorité, celle-ci est chargée d'approuver les libéralités antérieures à cette loi (V. notre Rép. gen. du dr. fr., vo Dons et legs aux établissements publics, n. 768), avec cette conséquence que le Conseil d'État aurait entendu dire par là que les lois relatives à l'acceptation des libéralités faites aux établissements publics sont rétroactives et s'appliquent aux libéralités antérieures. L'arrêt, tout d'abord, ne paraît pas donner la solution qu'on a cru y trouver; il porte simplement que, si le donateur voulait faire annuler la donation par le motif que l'approbation n'émanait pas de l'autorité compétente, et « croyait devoir contester la validité de ladite donation, c'était devant l'autorité judiciaire qu'il devait porter sa réclamation ». D'autre part,

ayant pour objet, non pas l'annulation d'un contrat existant, et entaché d'un vice, mais

nou

la doctrine qu'on a prétée au Conseil d'État n'implique nullement pour conséquence que les lois concernant l'acceptation des libéralités faites aux personnes morales soient rétroactives. L'approbation d'un acte est, elle-même, un acte veau; elle doit être régie par la législation en vigueur au jour où elle est donnée. Mais, précisément parce que les actes doivent être régis par la législation en vigueur au moment où ils sont faits, une acceptation provisoire garde son caractere provisoire, malgré la loi nouvelle qui permet à la personne morale, à l'avenir, d'accepter définitive

ment.

-

Le seul droit du conseil municipal et c'était là d'ailleurs le second moyen invoqué par la commune, était d'accepter à nouveau, et cette fois d'une manière définitive, la libéralité, après la loi qui supprimait la nécessité de l'autorisation. Ceci encore se justifie par l'idée que la capacité obéit à la législation en vigueur au moment où les actes sont passés; l'acceptation définitive, n'ayant pas eu lieu antérieurement, devait être faite suivant les règles nouvelles; le conseil municipal n'avait done plus besoin d'autorisation ou d'approbation.

Dans l'espèce, cette acceptation définitive avait eu lieu; l'arrêt paraît reconnaitre implicitement qu'en dehors des circonstances spéciales de l'espèce. elle aurait été valable. La raison pour laquelle la Cour de Dijon dénie tout effet à l'acceptation, c'est que la donation avait été faite et provisoirement acceptée avec la charge d'employer la chose donnée aux besoins d'une maison d'éducation dirigée par les religieuses et qui était communale. Or, avant l'acceptation définitive, étaient intervenues les lois du 30 oct. 1886 (S. Lois annotées de 1886, p. 166. — P. Lois, décr., etc. de 1886, p. 287), et du 7 juill. 1901 (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 849; Pand. per., 1903.3.113 et 141). La première de ces lois a interdit de confier l'enseignement, dans les écoles publiques, à un personnel non laïque (art. 17); a la suite de cette loi, la maison d'éducation désignée par le donateur avait subsisté, mais comme école privée; elle ne pouvait plus désormais être subventionnée par la commune (art. 2). La loi du 7 juill. 1904 interdit l'enseignement aux congréganistes. Dans ces conditions, la Cour de Dijon a estimé que l'acceptation ne pouvait produire aucun effet, et, par suite, devenait juridiquement impossible.

Ici, l'arrêt nous parait prêter à la critique. La conséquence des lois de 1886 et de 1904 a été, sans doute, que la condition, apposée à une libéralité faite à une commune, de subventionner une école congréganiste, était nulle. D'autre part, c'est au moment de l'acceptation qu'il faut se placer pour déterminer la validité de cette acceptation, et, par là même, les conditions auxquelles est subordonnée cette acceptation. Par suite, la condition à laquelle était soumise la libéralité devait être regardée comme non avenue. Mais résultait-il de là que l'acceptation fût elle-même nulle? Les juges auraient dû se demander ici si la condition était ou non la cause impulsive et déterminante de la libéralité: c'est seulement dans le cas de l'affirmative qu'ils devaient déclarer l'acceptation nulle; sinon, ildevaient, au contraire, déclarer que la commune. par son acceptation, était devenue propriétaire des biens, sans avoir l'obligation d'exécuter la charge. La Cour de cassation a décidé en ce sens que la condition, imposée à un hospice légataire, de maintenir à des congréganistes la direction d'une école, doit être regardée simplement comme non écrite, si les juges ont estimé qu'elle n'a pas été la cause

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