TROISIÈME PARTIE JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE 1° COLONIES, COCHINCHINE, CHEF DU SER VICE DE SANTÉ, FRAIS DE REPRÉSENTATION, MINISTRE DES COLONIES, REFUS, VIOLATION DES REGLEMENTS (Rép., vo Colonie, n. 611 et s.; Pand. Rép., vo Colonies, n. 441 et s.). 20 Conseil d'ETAT, RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR, OFFICIER, INDEMNITÉ, ALLOCATION, REFUS, VIOLATION DES RÈGLEMENTS, MINISTÈRE D'AVOCAT, ARRÊTÉ DE DÉBET, RECOURS, FAUTE DU SERVICE PCBLIC (Rép., to Excès de pouvoir (matière administrative), n. 159 et s.; Pand. Rép., vo Excès de pouvoir, n. 237). 1• Un officier, qui remplit les fonctions de chef du service de santé en Cochinchine, est fondé à demander l'annulation d'une decision,parlaquelle le ministre des colonies l'a privé du bénéfice des allocations pour frais de représentation, prévues par le décret et la decision présidentielle du 29 déc. 1903 (1) (Décr., 29 déc. 1903, et Décis. prés., 29 déc. 1903; Règl., 3 nov. 1909). -- Ire espèce. 20 Est recevable le recours formé pour excès de pouvoir, el par suite sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Elat, par un officier qui attaque une décision l'ayant privé d'avantages à lui assurés par les règlements en vigueur, la requête ne mettant en quesiion que la legalite d'un acte de l'autorité administrative (2) (Décr., 22 juill. 1806; L. 24 mai 1872, art. 9). -— ]re espèce. Au contraire, n'est pas recevable le recours formé, sous la forme du recours pour excès de pouvoir, sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, par un fonctionnaire contre un arrêté de débet, alors que le requérant ne conteste point la légalité de l'acte attaqué, mais se fonde sur une faute du service public (3) (Id.). 2e espèce. 1re Espèce. — (Lafage). M. Pichat, commissaire du gouverne (1) Cette solution ne pouvait faire doute, le tarif n. 12, annexé au décret du 29téc. 1903 (Bull. oft: du minist. des colonies, 1901, p. 369), comprenant expressément le chef du service de santé parmi les fonctionnaires ayant droit, aux colonies, à l'indemnité pour frais de représentation. (2-3) Le Conseil d'Etat, sur les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Pichat, vient de faire une tentative extrêmement intéressante pour régler les relations du recours pour excès de pouvoir avec le recours contentieux ordinaire. C'est une difficulté qui n'est pas nouvelle, et qui, eins doute, ne recevra jamais une solution logique tout à fait satisfaisante, parce que le problème est dominé par des éléments de fait et de pratique. Mais on verra, cependant, que nos arrêts font faire un pas à la question, et qu'en tout cas, ils ont le mérite de la poser sur un terrain autre que celui de la distinction entre l'acte d'autorité et l'acte de gestion. Nous nous en applaudissons, quant à nous, car il y a longtemps déjà que nous avons déclaré néfaste cette distinction. Nous suivrons de très près les conclusions de M. le commissaire du gouvernement, que l'on trollvera rapportées ci-dessus, et auxquelles on rondra bien se reporter, car elles le méritent. I. M. Lafaye, médecin principal de premiere classe des troupes coloniales, était sous-directeur du service de santé en (ochinchine, et recevait, en cette qualité, l'indemnité pou frais de représentation prévue par le tarif 11. 12, annexé au décret du 29 déc. 1903. Une instruction du ministre des colonies du 3 nov. 1909 ayant supprimé le titre de sous-directeur du service de santé, et l'ayant remplacé (dans les colonies secondaires des groupes de colonies) pour celui de chef du service de santé, M. Lafage devint chef du service de santé de la Cochinchine. Alors, le ministre des colonies, faisant application d'une circulaire du 8 févr. 1910, ANNÉE 1913. – ler cah. décida, le 30 août 1910, que l'indemnité pour frais de représentation cesserait d'être allouée à M. Lafage. Recours pour excès de pouvoir formé par l'intéressé contre cette décision, et sans ministère d'avocat. Ce recours était-il recevable? M. le commissaire du gouvernement a conclu il la recerabilité pour les notifs suivants : 1° Dans les affaires de solde et traitements, qui sont de minime importance en elles-mêmes et qui intéressent un personnel pen fortune, le recours pour excès de pouvoir est plus pratique, parce qu'il est dispensé des frais et du ministère de l'avocat, et qu'en somme, les frais de la procédure ne risquent pas de dépasser l'intérêt en jeu, ce qui arriverait avec le recours contentieux ordinaire. Cette considération pratique ne serait pas déterminante il elle seule, et il importe de chercher un critérium théorique permettant de distinguer les deux contentieux ; il faut faire cesser sur ce point des incertitudes qui durent depuis trop longtemps. 2. n convient de chercher du côté des conditions requises par la jurisprudence pour que le recours pour exces de pouvoir soit ourert (Remarquons que, par cette expression, M. le commissaire du gouvernement désigne, à la fois, ainsi qu'on va le voir, les conditions de recevabilité et les ouvertures au fond). Ces conditions sont au nombre de trois; il y a deux conditions de recevaLilité : le recours doit être formé contre une deci. sion administrative exécitoire, et il ne doit pas troubler l'ordre des compétences (les deux autres conditions classiques de recevabilité, la qualité du réclamant et l'observation des formes et délais, sont sans intérêt dans la question de la distinction des deux contentieux); il y a ume condition de fond : le recours doit être fondé sur la violation de règles de droit légales ou réglementaires. a) D'abord, le recours pour exces de pouvoir doit être forme contre une décision exécutoire administrative: il est recevable en principe contre toute décision exécutoire, la distinction que l'on a essayé de faire, à une certaine époque, entre l'acte d'autorité et l'acte de gestion ayant complètement échoué. V. sur ce point, outre les arrêts cités par M. le commissaire du gouvernement dans ses conclusions ci-dessus reproduites, notre Précis de dr. admin. 7° éd., p. 113 et s. b) Il ne soit pas troubler l'ordre des compétences, et c'est ce qui a donné lien à la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'un recours parallele; mais il convient de remarquer que le recours contentieux de pleine juridiction, ouvert devant le Conseil d'Etat à l'occasion de la même opération, ne doit pas être considéré comme un recours parallele faisant obstacle au recours pour excès de pouvoir, car le recours pour excès de pouvoir, ici, étant porté devant le même juge, ne risque pas de troubler l'ordre des juridictions, et le Conseil d'Etat ne saurait se porter ombrage à lui-même (V., dans les conclusions de M. le commissaire du gouvernement, une démonstration très convaincante sur ce point). c) Enfin, il y a une condition de fond : le recours doit être fondé sur la violation de règles de droit légales ou réglementaires ; il ne peut pas l'être sur la violation d'un droit contractuel, quasi contractuel ou quasi delictuel. M. le commissaire du gouvernement parait avoir été mis sur la voie de cette distinction par la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de concession de travaux publics, jurisprudence que d'ailleurs il vise expressément : on sait que la concession de travaux publies se caractérise par ce fait qu'à côté de la situation contractuelle, réglée par le cahier des charges, il y a une situation prirement réglementaire, qui vise la police du service dont l'exploitation est concédée. Si une décision ministérielle ou préfectorale est rendue en matiere III PART. - 1 ment, a présenté dans cette affaire les conclusions suivantes : du service de santé en Cochinchine, et recevait, en cette qualité, l'indemnité pour frais de représentaition prévue par le tarif n. 12, annexé au décret du 29 déc. 1903. Une instruction du ministre des colonies, du 33 nov. 1909, ayant supprimé le titre de sous-directeur du service de santé, et l'ayant remplacé, dans les colonies secondaires des groupes de colonies, par celui de chef du service de santé, M. Lafage devint chef du service de santé de la Cochinchine. Le ministre des colonies, faisant ap « I. M. Lafaye, médecin principal de première classe des troupes coloniales, était sous-directeur d'exploitation de chemins de fer ou de tramways, par exemple, et si cette décision n'est relative qu'à la police, elle ne peut être critiquée qu'au point de vue de sa légalité, et ne peut être attaquée que par le recours pour excés de pouvoir ; si elle est relative aux obligations résultant du cahier des charges, elle peut être critiquée au point de vue de l'équilibre financier du contrat, et elle pourra être l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le conseil de préfecture. V. Cons. d'Etat, 4 août 1900, Chem. de fer de Bóne-Guelma (S. et P. 1907.3.103); 22 déc. 1905, ('omp. française dex tramways de Bordeaux (S. et P. 1907.3.155); 6 déc. 1907, Chem. de fer de l'Est, du Midi, du Nord, «l'Orléans, de l'Ouest et de Paris-Lyon-1diterranée (S. et P. 1908.3.1; Pand. pér., 1908. 3.1), les conchisions de M. Tardieu, commissaire du gouvernement, et la note de M. Hauriou ; 4 févr. 1910, Chem. de fer métropolitain de Paris (24 espèce) (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 99); 11 mars 1910, Min. des travaux publics (S. et P. 1911.3.1 ; Pand. pér., 1911.3.1), avec les conclusions de M. Blum, commissaire du gouvernement, et la note de M. Hauriou. Partant de cette opposition entre la situation légale on réglementaire, d'une part, contractuelle, de l'autre, M. le commissaire du gouvernement a généralisé, et a rangé à côté des situations contractuelles les situations quasi contractuelles et quasi délictuelles, sans doute à cause du grand développement des actions en indemnité pour faute de service qui naissent du quasi-délit, et qui sont des recours contentieux de pleine juridiction. Le Conseil d'Etat (150 espèce) a suivi les conclısions de M. Pichat, en ce qu'elles tendaient à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir, mais il n'a pas reproduit en substance, dans son arrêt, l'opposition esquissée entre la violation des regles légales et réglementaires, d'une part, la violation des droits contractuels, quasi contractuels ou quasi delictuels, d'autre part ; il se borne à dire ceci : « La requéte met en question la légalité d'un acte d'une autorité administrative; par suite, la requête en exces de pouvoir est recevable ». Que faut-il penser de ces conclusions et de cette formnle? Notre sentiment est qu'elles sont dans la direction de la verité, avec cependant quelques ré riou; adde, les renvois de note, lre et 3e col., de M. Hauriou, sous Cons. d'Etat, 31 mars 1911, Blanc, drgaing et Bézie, 3 arrêts, S. et P. 1912.3. 129; Pand. per., 1912.3.129. Comp. ces arrêts), parce qu'alors on dépasse le point de vue de l'acte exécutoire pour se placer au point de vue des conséquences de l'exécution, et qu'ainsi on dépasse le point de vue du contentieux de l'annulation. Il s'agit uniquement de briser un certain effet de droit, qui est menaçant par lui-même, mais qui ne s'est pas encore traduit en faits d'exécution. En somme, les décisions administratives exécutoires, même les plus particulières, apparaissent comme de petites lois ou de petits règlements, qui sont menaçants, même avant d'avoir été réellement appliqués, parce qu'ils modifient l'état du droit. C'est ainsi que la loi du 9 déc. 1905, sur la séparation des Eglises et de l'Etat, a été menaçante pendant une année avant de s'appliquer réellement. L'habitude de ces lois qui ne s'appliquent qu'après un certain délai tend à s'établir, et met bien en évidence l'espèce d'effet de droit que produit une décision exécutoire avant d'être exécutée ; c'est une sorte de modification de l'atmosphère juridique, qui incite tous les intéressés à se préparer et à prendre leurs précautions en vue de l'exécution. C'est la mobilisation qui suit la déclaration de guerre, avant les premières hostilités. C'est ainsi que, le maire d'une ville ayant pris un arrêté pour imposer des protège-pointe aux épingles à chapeau, mais ayant accordé un délai de trois jours, pendant ce délai, les dames se précipitent dans les magasin de mercerie pour se procurer des protège-pointe et, de leur côté, les agents de la police, en vie des contraventions futures, s'exercent au signalement des coiffures. Dans notre arrêt Latage (1re espèce), le ministre avait décidé que l'indemnité de frais de représentation cesserait d'être allouée; mais c'était du futur, cela comportait une mesure d'exécution financiere ultérieure, et, en réalité, l'intéressé ne cesserait de toucher qu'après un certain délai. Seulement, dès maintenant, il était décidé qu'il ne toucherait plus. On saisit maintenant le point de vue, et, en même temps, on comprend combien il est juste de dire que cet effet de droit, créé par la décision exécutoire, sera examiné dans sa légalité. D'abord, il est bien évident que le mot « légalité » est pris ici dans un sens très large, puisque, de l'aveu de M. Pichat lui-même, il comprend tous les cas d'excès de pouvoir ; ce ne sont pas seulement les règles légales et réglementaires, ce sont aussi les principes fondamentaux de la bonne administration, même ceux qui ne sont pas codifiés. Ensuite, légalité de la décision exécutoire, cela veut dire : conditions extérieures auxquelles cette manifestation de volonté de l'Administration est assujettie pour être valable dans sa forme ; c'est un point de vue purement formel. Il ne s'agit pas de la justice au fond des prétentions de l'Administration. Cette question ne sera posée qu'après l'exécution. Il s'agit simplement de savoir si le droit nouveau, que l'Administration a la prétention de créer par sa décision, s'adapte à l'ensemble du droit, et si, pour ainsi dire, il est bien venu, au point de vue de la technique juridique. 2° Toute requête qui vise les conséquences de l'e.ricution ilime sacision administratire ou les conse quences d'une opération administrative est une requite en contentieux de la pleine juridiction, parce que ces conséquences sont forcément dominies par les principes du commerce juridique. Le commerce juridique, ce ne sont pas seulement les contrats nommés, les quasi-contrats, et les quasi-délits, ce sont tons les principes de la justice commutative, qui reposent sur la donnée de l'équilibre des patrimoines. Tout service fait, c'est-à-dire tout service rendu à l'Administration sur la foi légitime d'une récompense, mérite d'être rémunéré. C'est um facio ut des, et cela oblige l'Administration, d'où le contentieux de ce qu'on pourrait appeler les engagements innommés. Tout préjudice cause par l'Administration dans l'exécution de ses services, et qui l'a été dans des conditions ou les habitudes du commerce juridique établissent qu'il est injuste, doit être considéré comme un damnum injuria datum, et oblige l'Adininistration à réparation ; d'où le contentieux des dommages causés sans faute par des inconvénients de voisinage, celui des dommages causés par des fautes de service, etc. Et pourquoi les principes du commerce juridique et de la justice commutative ne sont-ils mis en mouvement que par les faits d'exécution et les opérations réalisées ? Parce qu'ils sont essentiellement des forces qui tendent à rétablir un équilibre rompu entre des patrimoines, et parce que l'equilibre n'est rompu que par le préjudice ou le dommage souffert, par le tort causé, non seulement en droit, mais en fait. Les décisions juridiques non exécutées ne sont que des menaces; exécutées, elles deviennent des dommages. Et c'est ainsi que le contentieux administratif de pleine juridiction apparaît comme un contentieux de l'indemnité. On voit en quoi notre formule différe, encore ici, de celle de M. Pichat : d'une part, elle est plus compréhensive, car elle vise les hypotheses d'engagements innomés ; d'autre part, elle est plus explicative, car elle ramène toutes les hypothèses possibles et imaginables à celle d'une operation exécutée, soit par l'Administration, soit dans l'intérêt de l'Administration. Et, en somme, le critérium apparait relativement simple : si le point de vue qui s'impose est celui d'une décision envisagée dans son effet executoire, recours pour crcès de pouvoir ; au contraire, si, le point de vue qui s'impose est celui d'une opération erécutée, recours contentieux ordinaire. II. Nous allons pouvoir faire la contre-épreure en appliquant ce critérium å la seconde espece. affaire Schlemmer, où nous allons voir s'accentuer l'écart entre la doctrine de M. Pichat et la nötre. Il s'agit, cette fois, d'un portier-consigne. qui avait indument cumulé avec sa solde une pension militaire proportionnelle. Une décision du ministre des finances avait déclaré le requérant débiteur envers le Trésor public du montant des arrerages de la pension touchée en même temps que la solde. Un pourvoi fut foriné par l'intéressé sans ministère d'avocat; le requérant, dit M. le commis saire du gouvernement Pichat, ne contestait pas la légalité de la décision attaquée ; il ne sontenais pas que le cumul fût possible entre les arrérages de sa pension et sa solde de portier-consigne; il ne prétendait pas non plus qu'un arrété de débet serves. Voici quelles seraient, à notre avis, les formules tout à fait exactes, et l'on verra qu'elles ne sont pas très éloignées : 1° Toute requête qui ne rise que la legalité d'une décision administrative, envisagée à l'état erecutoire, et sans tenir compte des faits l'exécution ou de leurs conséquences, ext une requête en excès de pouroir. On le voit, nous n'ajoutons qu'une précision, c'est qu'il est essentiel que la décision administrative soit envisagée exclusivement à l'état exécutoire, comme si elle n'était pas encore exécultée, uniquement dans l'effet de droit qu'elle produit arant d'étre exécutie. C'est ce que signifie cette regle, toujours maintenue par le Conseil d'Etat, i savoir qu'on ne peut pas joindre à un recours pour oxcès de pouvoir des conclusions à fin de restitution ou à fin d'indemnité (V. not., Cons. d'Etat, 29 juin 1906, Carteron, S. et P. 1907.3.97, et les decisions citées dans la note, 1" col., de M. Han & plication d'une circulaire du 8 févr. 1910, decida, le 30 août 1910, que l'indemnité pour frais de représentation cesserait d'être allouée à M. Lafage. V. Lafage défère cette décision au Conseil d'Etat. Il soutient qu'elle a été prise en violation des dispositions du décret du 29 déc. 1903. II. C'est un recours pour exces de pouvoir, formé sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, que présente M. Lafage. Son pourvoi est-il recevable? La voie du recours pour excès de poilvoir lui était-elle ouverte, lui permettant de bénéficier de la dispense d'avocat prévue par l'art. + de la loi du 17 avril 1906 (S. et P. Lois annotées de 1900, p. 283)? La question ainsi posée est de la plus grande importance, et sa portée dépasse de beaucoup les limites de l'affaire actuelle. Il est nécessaire, en etfet, pour la résoudre, de déterminer exactement le champ d'application du recours pour excés de pouvoir, de fixer avec précision la place qu'il occupe dans l'ensemble du contentieux administratif. Il n'est pas besoin de souligner l'intérêt pratique que donne à cette recherche la dispense de frais, et spécialement du ministère d'avocat, accordée au recours pour excès de pouvoir. Ce qu'il importe seulement de mettre en lumière, c'est que la recevabilité du recours pour excès de pouvoir est particulièrement desirable, dans les litiges relatifs, comme celui sur lequel le Conseil d'Etat est aujourd'hui appelé à statuer, aux traitements et soldes des fonctionnaires publics. Ces litiges portent souvent sur des sommes minimes, lorsqu'ils concernent notaminent des accessoires de traitements ou de soldes : frais de route, indemnités de déplacement, primes d'engagement ou de rengagement, indemnités de logement, etc. Si les fonctionnaires ne pouvaient porter leurs réclamations devant le Conseil d'Etat que par l'intermédiaire d'un avocat, les frais de l'instance dépasseraient, dans bien des cas, le montant de l'allocation réclamée, et l'obligation du ministère d'avocat abou tirait, en enlevant tout intérêt à l'instance, à la suppression de fait du recours, et à la consécration de décisions contraires au droit. Une telle situation serait grave. Il est bon qu'en cette matiere, les parties puissent s'adresser elles-mêmes au juge, tout en conservant la faculté de faire appel, si elles le désirent, au concours des membres du barreau du Conseil d'Etat, qui apportent à l'æuvre de la justice une féconde collaboration. La jurisprudence ne fournit pas d'indication très nette sur les conditions requises pour que le recours pour excès de pouvoir soit ouvert. Elle paraît être dans une période de transition, Si l'on prend, titre d'exemple, le contentieux des traitements et soldes, on constate que, pendant longtemps, le Conseil d'Etat a opposé une fin de nourecevoir absolue aux recours pour exces de pouvoir formés en cette matière, V. notamment les décisions suivantes : Cons. d'Etat, 12 mars 1880, Daüey de Marcillac (Rec. des aurréts lu Cons. d'Etat, P. 274); 30 juill. 1897, Dhe Joinain (Id., p. 592); 6 mars 1903, Pelous (Id., p. 191); 29 mai 1903, Gerrais (11., p. 413). Et cette jurisprudence se retrouve encore dans des arrêts très récents (Cons. d'Etat, 15 févr. 1907, Thireneau, Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 162 ; 12 janv. 1912, Antoine, Id., p. 59). Mais, depuis quelques années, et parallèlement, le Conseil d'Etat semble vouloir entrer dans une voie nouvelle, où, renonçant à opposer dans tous les cas une fin de non-recevoir au recours pour excès de pouvoir, il distingue suivant la nature des conclusions présentées par les requérants. C'est ainsi qu'un arrêt du 11 juill. 1902, Hurtaut (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 532, en une partie non reproduite, S. et P. 1905.3.63), admet la recevabilité d'un recours pour exces de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision du ministre des finances qui avait interdit le cumul d'une pension de retraite et d'un traitement d'activité, en rejetant seulement, comme non recevables, les conclusions jointes à ce recow's, et ayant pour ob jet le paiement des sommes retenues. De même, a été admise la recevabilité de recours pour excès de pouvoir tendant simplement à l'annulation d'une décision du ministre de la guerre, qui avait refusé de faire bénéficier un fonctionnaire de l'administration centrale d’un décret relatif, notammerit, aux traitements (V. Cons, d'Etat, 20 mai 1904, Balu, Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 407); d'une décision du ministre des colonies, rejetant la remande formée par un fonctionnaire en vue d'chtenir un passage gratuit pour retourner à sa cclonie d'origine (V. Cons. d'Etat, 30 dec. 1910, Pelagie, Rec. der arrêts du Cons. d'Elai, p. 1038). Enfin, un arrêt du 24 nov. 1911, Longueteull, statuant sur le recours pour excés de pouvoir d'un sous-intendant militaire des troupes coloniales contre une décision du ministre de la guerre, en tant que cette décision, en lui accordant un congé, avait laissé à sa charge les frais de passage, a considéré comme recevables les conclusions du recours tendant à l'annulation de la décision attaquée, et rejeté, au contraire, comme non recevables, celles ayant pour objet la condamnation de l'Etat au remboursement des frais de passage. Nous voudrions que le Conseil d'Etat fit cesser les incertitudes de sa jurisprudence, et lui donnåt une orientation definitive. III. Quelles sont donc, en règle générale, les conditions requises pour que le recours pow' exces de pouvoir soit ouvert aux intéressés ? Ces conditions sont au nombre de trois : 1° Le recours pour excés de pouvoir est ouvert contre toute décision d'une autorité administrative; 2° il ne peut être fondé que sur un moyen (l'illégalité; 3o il ne doit pas troubler l'ordre des compétences. Lorsque ces conditions sont remplies, le recours pour excès de pouvoir (s'il est d'ailleurs, présenté dans les formes et délais prescrits, et par une personne justifiant d'un intérêt personnel), est recevable. « 1° Toute décision d'une autorité administrative, quel que soit son caractère propre, est de nature ne pouvait pas être légalement pris en cette matiere. Il se bornait à soutenir que les certificats de vie produits par lui mentionnaient le cumui, que le service public avait donc commis, en lui payant les arrérages de sa pension, ime faute qui engirgeait la responsabilité quasi délictuelle de l'Etat, et qui mettait obstacle au reversement des sommes clues. En conséquence, la requête ne pouvait pas être admise sans ministère d'avocat, parce qu'au lieu de soulever une simple question de légalité, elle soulevait une question de faute de service. La décision du Conseil d'Etat reproduit ce raisonnement. Elle constate que « la requête du sieur Schlemmer, qui soulève une question de responsabilité civile de l'Etat, ayant été présentée sans le ministère de la vocat, n'est pas recevable ». La décision est, en soi, peu importante, parce qu'elle se présente comme une décision d'espece, mais la doctrine de M. le commissaire du gouvernement apparait plus discutable. Elle se précise en ce sens que, selon lui, le recours pour excès de pouvoir aurait été ouvert au requérant, si celui-ci, all lieu d'invoquer une faute du service public, avait critiqne la legalité de l'arreté de debet. D'ailleurs, il avoue formellement se séparer ici de la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui, jusqu'à présent, n'a jamais admis la recerabilité du recours pour excés de pouvoir forme contre les arrêtés de débet, inéme si le recours était fondé sur l'illé. galité de l'arrêté (V. Cons. d'Etat, 28 nov. 1902, d'Aubigny, Rec. des arrêts du ('ons, d'Etat, p. 709 : * juill. 1910, Dugmeaul, 1.. p. 58?), sauf dans le cas d'incompétence. V. Cons. d'Etat, 20 janv. 1905, Paternoster (S. et P. 1907.13.8). Ainsi, d'après M. le commissaire du gouverneinent, ce ne serait plus qu'une affaire de conclusions, au gré du requérant : si le requérant ne veut conclure qu'à l'illégalité de la décision, recours pour excès de pouvoir; s'il veut conclure å la responsabilité de l'Administration, recours contentieux ordinaire. Et son choix est libre. Nous ne croyons pas, quant à nous; que le choix soit libre; il y a un point de vue auquel on doit forcément se placer, et qui dépend des circonstances. Dans le cas de l'arrêté de débet, le recours contentieux de pleine juridiction s'impose, même pour (liscuter la légalité de l'arrété, parce qu'il s'agit de régler les conséquences d'une opération exécutie. Il y a eu trop perçu de la part du fonctionnaire. c'est un fait, ce fait cause in domnage à l'Alministration, le dommage est cause, l'équilibre des patrimoines est rompu. L'arrêté de débet du ministre, bien qu'étant en soi ime décision exécutoire, est dominé par cette situation préexistante, il n'en est qu'un résultat. La cause du litige est le trop perçu, l'arrété de débet n'est que l'occasion; c'est la décision qui lie l'instance, pas autre chose. Prenons une autre hypothese, celle de l'affaire Antoine, du 12 janv. 1912 (Rec. des arrils du Cons. d'Etat, p. 59). Il s'agit d'un capitaine adjudantmajor, qui a fait un séjour à Viviers, du 30 sept. all 25 nov. 1910, comme militaire isolé, chargé évidemment de quelques mission, et qui réclame contre une décision du sous - secrétaire d'Etat à la guerre, qui a refusé de lui allouer les indemnités journalières de déplacement normales et réduites prévues par le décret du 12 juin 1908. La requête avait été formée sans ministère d'avocat ; elle est rejetée. Avons-nous besoin de savoir si la requête visait la seule illégalité de la décision, ou si elle tendait à faire allouer au requérant le montant des indemnités ? Les deux intentions sont ici tellement connexes qu'il n'y en a qu'une. Il est clair que le requérant veut l'allocation des indemnités, et il la veut parce qu'il a accompli le déplacement: il y a de sa part sercice fait, prestation ericutée, dont il attend la contre-partie. Les faits crient plus fort que les intentions. III. Résumons : la tentative que marquent nos arrêts est extrêmement intéressante; elle est dans la direction de la vérité, mais à une condition, c'est que l'on ne se fourvoie pas dans l'impasse qui consisterait à dire : c'est une affaire de point viie, au gré du requérant; le vrai chemin, celui qui aboutit, conduit à dire : c'est une affaire de point de vue, mais le point de vue s'impose, il juillit de de la situation même, selon qu'on se trouve en présence d'une décision exécutoire, qui pent être envisagée en elle-même, ou en présence d'une décision qui ne peut être envisagée que par rapport à une opération déjà en voie d'exécution. MAURKE HATROU. conseiller d'Etat Romieu, s'attachant, dans les conclusions qu'il donnait, en 1906, comme commissaire du gouvernement, sur les premières affaires de repos hebdomadaire, à définir le recours pour excès de pouvoir, disait notamment au Conseil : « ... Dans le cas où vous statuez dans une matière comme juges de droit commun, vous vous reconnaissez le droit de dédoubler vos pouvoirs juridictionnels de droit commun, en tant que juges de l'annulation et juges de plein contentieux, et d'admettre au benétice de la procédure du recours pour exces de pouvoir les requêtes ne tendant en cette matiere qu'à obtenir l'annulation de certains actes, independamment de toute autre conséquence (arrêté de révocation de fonctionnaires, annulation d'adjudications, etc.)... )) (Rec. des arrête du Cons, d'Etat, 1906, p. 869). Ne réduisons done pas, lorsque l'ordre des compétences ne l'exige pas, le recours pour excés de pouvoir à n'être qu'une voie exceptionnelle, subsidiaire, ouverte seulement à défaut de toute autre action, et donnons-lui, au contraire, le moyen de remplir le rôle qu'ont entendu lui assigner ceux qui l'ont créé, d'un instrument mis à la portée de tous, pour la défense de la ligulité mécon à étre déférée au Conseil d'Etat par le recours pour excés de pouvoir. La jurisprudence a paru incliner un moment dans le sens d'une distinction entre l'acte d'autorité et l'acte de gestion, le premier seul pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ( V. en matière de repos hebdomadaire, les arrêts du Cons. d'Etat du 30 nov. 1906, Denis et Rage-Roblot, S. et P. 1907.3.17, avec la note de M. Hauriou, et, sous les réserves que nous indiquerons tout à l'heure, les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Romien, rapportées au Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, 1906, p. 863 et s.). Cettejurisprudence ne trouverait pas de base dans les textes législatifs sur le recours pour excès de pouvoir (LL. 7-14 oct. 1790 ; 24 mai 1872, art. 9, et 17 avril 1906, art. 4), qui ouvrent ce recours, d'une façon générale, sans aucune limitation, contre « les actes des diverses autorités administratives La distinction entre l'acte d'autorité et l'acte de gestion est, du reste, de plus en plus abandonnée; elle procède d'une donnée juridique assez incertaine, et son application est souvent fort difficile. Le recours pour excés de pouvoir est donc ouvert même contre les actes de gestion, et c'est ce qui résulte d'un grand nombre d'arrêts du Conseil d'Etat. La jurisprudence admet, notamment, la recevabilité des recours pour excès de pouvoir formés par des soumissionnaires évincés contre des décisions prises en matière d'adjudication, qui, tout au moins lorsqu'elles émanent, non de l'autorité investie d'un pouvoir de tutelle, mais des représentants de la personne morale publique pour le compte de laquelle l'adjudication a lieu, sont des actes de gestion. V. Cons, d'Etat, 16 mars 1894, Lhermitte (Rec. des arrits du Cons. l'Etat, p. 2181; 30 mars 1906, Ballande (S. et P. 1908.3.87; Pand. pér., 1908.3.87), et les conclusions de M. Romien, commissaire du gouvernement; 17 déc. 1909, Larré ( Rec des arrits du ('one. d'Etat, p. 1000). On peut citer encore un arrêt du 5 mars 1909, Dame Michel (S. et P. 1911.33.90; Pand. per., 1911.3.90), qui statue au fond sur un recours pour exces de pollvoir dirigé contre une décision ministérielle portant refus d'ordonnancement ; un arrêt du 1 août 1905, Martin (S. et P. 1906.3.19, et la note de M. Hauriou), qui admet la recevabilité d'un recours pour excés de pouvoir formé contre la délibération d'un conseil général accordant une concession de tramways. Et les exemples pourraient être multiplies. « 20 Mais le recours pour excès de pouvoir ne peut être fondé que sur la violation des règles de droit auxquelles les lois et règlements soumettent le fonctionnement des services publics. Il n'est pas recevable, si le moyen invoqué est la violation d'un droit contractuel, quasi contractuel ou quasi delictuel. Les textes qui le concernent n'ont, en effet, préru, comme pouvant être invoqués à l'appui d'un recours pour exces de pouvoir, que des moyens d'illégalité : incompétence ou exces de pouvoir, vice de forme, violation de la loi ou d'un règlement, détournement de pouvoir (qui est un exces de pouvoir d'une nature spéciale). Et c'est parce qu'il a pour mission d'assurer le respect de la ligalité que le législateu a voulu en faciliter l'exercice, en le dispensant de frais. Aussi, la jurisprudence du Conseil d'Etat écarte-t-elle, comme non recevable, tout recours pour exces de pouvoir fondé sur la violation, non des regles de droit qui presielent au fonctionnement des sersices publics, mais de droits personnels derivant le contrats, de quasi-contrats ou de quasi-délits. Il suffira, à ce sujet, de citer les arréts nombreux, rendus sur les recours formés par des Comp. de chemins de fer ou de tramways contre les décisions ministérielles ou préfectorales relatives à la police, à la sécurité et à l'exploitation des voies ferrées; ces décisions ne peuvent être l'objet de recours pour excés de pouvoir que lorsque leur légalité est contestée; elles doivent être déférées au conseil de préfecture, lorsque les Comp. se plaignent d'une atteinte portée aux droits qu'elles tiennent de leur contrat de concession. V. Cons. d'Etat, 4 août 1905, Chem. de fer de Búne-Guelma (S. et P. 1907.3.103); 22 déc. 1905, Comp. francaise des tramways de Bordeau.r (S. et P. 1907.3.155); 6 déc. 1907, (hem. de fer de l'Est, du Jidi, du Vord, il' Orléans, de l'Ouest et de Paris-Lyon-Mediterranée (S. et P. 1908.3.1 ; Pund. per., 1908.3.1), la note de M. Hauriou, et les conclusions de M. Tardieu, commissaire du gouvernement; 4 févr. 1910, Chem. de fer métropolitain de Paris (2c espiece) (Rec. des arrêts du ('one. d'Etat, p. 99); 11 mars 1910, Min. des traraus publics (S. et P. 1911.33,1; Pand. pr., 1911.3.1), les conclusions de M. Blum, commissaire du gouvernement, et la note de M. Hauriou. Ces arrêts sont particulièrement intéressants en ce qu'ils montrent que la même décision administrative est ou non susceptible de recours pour excès de pouvoir, suivant la nature du moyen invoqué. « 3o Le recours pour excès de pouvoir ne doit pas troubler l'ordre des compétences. Il n'est pas recevable, lorsque la partie a á sa disposition, devant une juridiction autre que le Conseil d'Etat, une action lui permettant d'obtenir satisfaction. La jurisprudence a fait de nombreuses applications de cette idée, notamment en matière de contributions directes et indirectes, d'élections municipales, en vue de sauvegarder la compétence du conseil de préfecture et de l'autorité judiciaire. Faut-il aller plus loin, et dire que, lorsque l'action parallele s'offre à la partie devant le Conseil d'Etat luimême, le recours pour exces de pouvoir cesse également d'être recevable? Nous ne le pensons pas. Dans ce cas, en effet, il n'y a pas d'empiéteinent possible du Conseil d'Etat sur la compétence d'une autre juridiction, puisque, sur un recours comme sur l'autre, c'est toujours le Conseil d'Etat qui est compétent. Aussi ne voit-on pas de motif juridique d'écarter le recours pour exces de poulvoir. Si bien qu'au moment où la fin de non-recevoir résultant du « recours parallèle » était le plus en faveur, M. Laferriere ne l'admettait qu'avec beaucoup d'hésitation, lorsque c'était devant le Conseil d'Etat qu'était ouverte l'action parallèle : a ... Le Conseil d'Etat, écrivait-il, doit-il déclarer le recours pour exces de pouvoir non recevable, lorsqu'il en est saisi dans des matières où il est juge du fond, par exemple en matière d'élections départementales, de marchés de fournitures, de liquidation des dettes de l'Etat, de questions préjudicielles touchant l'interprétation ou la validité d'actes administratifs, etc.? Il est certain que, dans ce cas, la procédure d'excés de pouvoir est incorrecte, car la partie possède un autre recours plus complet que celui qu'elle exerce; elle doit mettre en mourement le contentieux de pleine juridiction, ou le contentieux de l'interprétation, et non le contentieux de l'annuation. Mais on doit reconnaitre aussi que l'erreur comunise par la requête n'entraine pas d'infraction grave à l'ordre des juridictions, puisque c'est toujours devant le Conseil d'Etat, statuant en premier et dernier ressort, que le litige doit etre porte. Ce serait donc pousser trop loin la rigueur que de considérer systématiquement le recours pour excés de pouvoir comme non recevable en pareil cas; mieux vaut l'interpréter, lorsque cela est possible, potius ut raleat quam ut pereat... » (7z. de la jurid, admin. et des rec. cont., 2e éd., t. 2, p. 194). Et, dans le même esprit, M. le IV. Il est facile de déterminer la place que peut tenir le recours pour excès de pouvoir, tel qu'il vient d'être défini, dans le contentieux des traitements et soldes des fonctionnaires publics. Des applications analogues des mêmes idées pourront être faites, lorsque l'occasion s'en présentera, dans les diverses matières du droit administratif. « Laissant de côté l'hypothese exceptionnelle ou le traitement d'un fonctionnaire est fixé par une convention spéciale intervenue entre lui et la personne morale dont il relève, et où, par suite, le litige sur ce traitement, étant d'ordre contractuel, est étranger au recours pour excès de pouvoir, nous envisageons le cas habituel ou les traitements et leurs accessoires sont déterminés par des lois ou reglements. « Une décision est prise qui dénie à un functionnaire le droit qu'il prétend avoir à telle allocation ou à tel chiffre d'allocation. Le recours pour exces de pouvoir, formé par le fonctionnaire contre cette décision, et tendant simplement à son annulation, est recevable. Toutes les conditions requises pour la recevabilité du recours pour exces de pouvoir sont, en effet, remplies; l'acte attaqueest une décision d'une autorité administrative; le moyen invoqué est un moyen d'illégalité, puisque le traitement est fixé par une loi ou un reglement: il n'y a pas d'action parallele ouverte devant me juridiction autre que le Conseil d'Etat, reserve faite, sur ce dernier point, du cas où, s'agissant d'un fonctionnaire rétribué sur le budget local d'une colonie, le conseil du contentieux administratif est compétent comme juge ordinaire du contentieux administratif colonial local. V. sur Crite compétence, les arrêts du Conseil d'Etat, du l' juin 1906, Jacquemont (S. et P. 1908.3.132: Punul. pero, 1908.3.132), et du 16 déc. 1910, Berniire (Rec des arrêts du Cons. Erai, Mais, si le fonctionnaire ne se borne pas, par le recours pour exces de pouvoir, à demander u Conseil d'Etat l'annulation de la décision qu'il pre tend illégale. sil conclut, en outre, à la condamnation de la personne publique au paiement de l'allorcation qu'il soutient lui étre due, ces dernit res conclusions (mais celles-là seulements ne sont pas recevables : elles sont de la competence de pleine juridiction du Conseil d'Etat, comme juge ordinaire du contentieux administratif, et elles ne peuvent être présentées que par le ministère d'un avocat au ('onseil d'Etat. Il y a à cela une double raivon : la P. 950). mais l'un droit quasi delictuel, et il est, par suite, en dehors du champ d'application du recours pour exces de pouvoir. Nous ne pouvons que nous référer, à ce sujet, aux observations que nous venons de présenter dans l'affaire Lusage, en insistant sur ce point que le recours pour exces de pouvoir aurait été ouvert au requerunt, si celui-ci, au lieu d'invoquer une faute du service public, avait critiqué la légalité de l'arrêté de débet. Nous nous séparons nous référant toujours à nos précédentes observations de la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui, jusqu'à présent, n'a jamais admis la recevabilité du recours pour excès de pouvoir formé contre les arrêtés de débet, même si le recours était fondé sur l'illégalité de l'arrêté (sauf le cas d'incompétence). V. Cons. d'Etat, 28 nov. 1902, dTubigny (Rec. des arrils du Cons, d'Etul, p. 709); 8 juill, 1910, Dagneauel (Id., p. 582) premiere, c'est que le recours pour excès de pouvoir, aux termes de l'art. 9 de la loi du 21 mai 1872, ne peut tendre qu'à l'annulation de l'acte attaqué; la seconde, c'est que le début devient, sur le terrain ou le placent les conclusions à tins de condamnation au paiement ou traitement, d'ordre contractuel, et se trouve ainsi en dehors du champ d'application du recours pour exces de pouvoir; le fonctionnaire demande, en effet. parces conclusions, l'exécution des engagements consentis envers lui par la personne morale, lorsque s'est formé le contrat de fonction publique. « En admettant la recevabilité des recours pour excés de pouvoir présentés contre les décisions rendues en matiere de traitements et soldes, à l'exception seulement des conclusions à fins de condamnation à paiement qui y seraient jointes, le Conseil d'Etat s'engagera definitivement dans la voie nouvelle tracée par quelques-uns de ses arrêts, que nous avons cités au début de nos observations. V. not. Cons. d'Etat, 11 juill. 1902, Heurtaut, et 24 nov. 1911, Longueteau, précités. V. Il résulte des explications qui précédent que le recours pour exces de pouvoir de M. Lafage ('st recevable. «Il est dirigé contre une décision du ministre des colonies, que le requérant argue d'illégalité, comme lui ayant dénié le droit à une indemnité pour frais de représentation qu'il prétend tenir, en sa qualité de chef du service de santé de la Cochinchine, des dispositions du décret du 29 déc. 1903 (sur la solde et les accessoires de solde des troupes coloniales à la charge du département des colonies), et il tend uniquement à l'annulation de cette décision. Le pourvoi a donc pu valablement être introduit comme recours pour excés de pouvoir et, par suite, être présenté sans ministère d'avocat. Nous estimons, d'autre part, que le recow's est fonde, le tarif n. 12 annexé au décret du 29 déc. 1903 comprenant expressément le chef du service de santé parmi les fonctionnaires ayant droit, aux colonies, il l'indemnité pour frais de représentation. Nous concluons, par suite, à l'annulation de la décision du ministre des colonies du 30 août 1910 location d'indemnités pour frais de représentation, aux colonies, aux sous-directeurs ou chefs du service de santé; - Considé. rant que, si l'art. 10 du règlement du 3 nov. 1909, sur le fonctionnement des services médicaux, n'a pas maintenu l'emploi de sous-directeur, il prévoit expressément celui de chef du service de santé; Considérant qu'il n'est pas contesté que le requérant remplit les fonctions de chef du service de santé en Cochinchine; qu'il est, par suite, fondé à demander l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision par laquelle le ministre des colonies l'a privé du bénéfice des allocations prévues en faveur des chefs du service de santé par le décret et la décision présidentielle précités du 29 déc. 1903, lesquels n'ont pas été modifiés sur ce point; - Art. Jer. La décision du ministre des colonies, en date du 30 août 1910, est annulée. Art. 2. Le sieur Lafage ne supportera aucuns frais d'enregistrement. Du 8 mars 1912. Cons, d'Etat. MM. Laurent, rapp.; Pichat, comm. du gouv. 24 Espèce. (Schlemmer). M. Pichat, commissaire du gouvernement, a présenté dans cette affaire les conclusions suivantes : Une décision du ministre des finances a de claré le requérant débiteur envers le Trésor public du montant des arrerages d'une pension militaire proportionnelle, indîment cumulés avec la solde de portier-consigne. Le pourvoi présenté contre cette décision sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat n'est pas recevable. D'une part, il ne semble pas possible d'étendre aux recours contre les arrêtés de débet on autres décisions sur le cumul, prises en matière de pensions, la dispense du ministère d'avocat, prévue par l'art. 4 de la loi du 17 avril 1906 seulement pour les recours contre les décisions portant refus de liquidation ou contre les liquidations de pensions , V. en ce sens, Cons, d'Etat, 11 juill. 1902, Heurtaut (sol. implic.) (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 532), en une partie non reproduite (S. et P. 1905.3.63), rendu sous l'empire du décret du 2 nor. 1861, dont l'art. 1er était rédigé dans les mêmes termes, au point de vue qui nous occupe, que l'art. 4 de la loi du 17 avril 1906. D'autre part, dans l'espèce, le recours pour excès de pouvoir n'était pas ouvert au requérant. Celui-ci, en effet, ne conteste pas la légalité de la décision attaquée; il ne soutient pas que le cumul était possible entre les arrérages de sa pension et sa solde de portier-consigne; il ne prétend pas non plus qu'un arrêté de débet ne pouvait pas légalement être pris en cette matiere. Il se borne à soutenir que les certificats de vie produits par lui mentionnaient le cumul, que le service public a donc commis, en lui payant les arrérages de sa pension, une faute qui engage la responsabilité quasi délictuelle de l'Etat, et qui met obstacle au reversement des sommes perçues (V. Cons. d'Etat, 8 mar 1911, Dame Guillebot, Rec. des arrêts du ('ons. d'Etat, p. 266, a contrario). - Le pourvoi est ainsi fondé sur la violation, non d'une règle de droit, LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu les lois du 25 fruct. an 7, art. 4 et 23, et du 23 juill. 1881; Vu la loi du 13 avril 1898, art. 54; Vu le décret du 22 juill. 1806; Vu la loi du 24 mai 1872, art. 9; Vu la loi du 17 avril 1906, art. 4; – Considérant qu'aux termes de l'art. Jer du décret du 22 juill. 1806, les requêtes des parties devant le Conseil d'Etat ne peuvent être introduites que par le ministère d'un avocat audit Conseil; que, si des exceptions ont été apportées postérieurement à cette régle, la requête du sieur Schlemmer, qui soulève une question de responsabilité civile de l'Etat, ne rentre dans aucune de ces exceptions; qu'ayant été présentée sans le ministère d'un avocat, elle n'est pas recevable; Art. ler. La requête du sieur Schlemmer est rejetée. Du 8 mars 1912. Cons. d'Etat. MM. Louis Roger, rapp.; Pichat, comm. du gouv. LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu le décret du 29 déc. 1903, et la décision présidentielle du même jour, ensemble les tarifs et tableaux y annexés; Vu le règlement du 3 nov. 1909, sur le fonctionnement des services médicaux aux colonies; Vu les lois des 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872; Vu la loi du 17 avril 1906, art. 4; Considérant que le sieur Lafage se borne à soutenir que, par la décision susvisée du ministre des colonies, il a été privé du bénéfice d'avantages qui lui sont assurés, en sa qualité d'officier, par les règlements en vigueur; que sa requête met ainsi en question la légalité d'un acte d'une autorité administrative; que, par suite, le requérant est recevable à attaquer la décision dont s'agit par la voie du recours pour excès de pouvoir; Au fond : Considérant que le tarif n. 12, annexé au décret du 29 déc. 1903, et le tableau B, annexé à la décision présidentielle du même jour, prévoient l'al CONS. D'ÉTAT 24 juin 1910. ÉLECTIONS MUNICIPALES, SECTIONNEMENT ÉLECTORAL, DEMANDE DE SUPPRESSION, CONSEIL GÉNÉRAL, SESSION D'AVRIL, SESSION D'AOUT, Décision, AJOURNEMENT, COMPLÉMENT D’INSTRUCTION, RECOURS AU CONSEIL D'ETAT, RECEVABILITÉ, COMMUNE COMPTANT MOINS DE DIX MILLE HABITANTS, AGGLOMÉRATION UNIQUE (Rép., vo Elections, n. 4848 et s.; Pand. Rép., vis Commune, n. 536 et s., Elections, n. 1357 et s.). S'il appartient au conseil general d'ajourner sa décision definitive sur le retrail du sectionnement électoral d'une commune, régulièrement demandé à la session d'alvril, par le motif que l'instruction, à laquelle il avait été procédé avant la session d'août, lui paraissait insuffisante, cet ajournement a néanmoins pour effet de maintenir en vigueur le sectionnement établi. – Par suite, un électeur de la commune est recevable à discuter, dès à présent, devant le Conseil d'Etat, la legalité du sectionnement (1) (LL. 24 mai 1872, art. 9; 5 avril 1884, art. 11 et 12). (1) En principe, im recours contre un acte admninistratif ordonnant une mesure d'instruction n'est pas recevable, parce que cet acte ne touche pas au fond du droit, et que, dès lors, il ne fait grief à personne. V. pour un arrêté du conseil de préfecture ordonnant une expertise, Cons. d'Etat, 31 mai 1895, Pinson-Volé et Bruneau (S. et P. 1897.3.10+), et les renvois. Mais le recours est re cerable, si la décision ordonnant une mesure d'instruction implique le rejet d'une demande adressée à l'autorité qui a prescrit la mesure d'instruction. Il en est ainsi, lorsque le conseil général, saisi d'une |