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TROISIÈME PARTIE

JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

CONS. D'ÉTAT 8 mars 1912 (2 ARRÈTS).

1o COLONIES, COCHINCHINE, CHEF DU SERVICE DE SANTÉ, FRAIS DE REPRÉSENTATION, MINISTRE DES COLONIES, REFUS, VIOLATION DES RÈGLEMENTS (Rép., vo Colonie, n. 611 et s.; Pand. Rép., v° Colonies, n. 441 et s.).

2o CONSEIL D'ETAT, RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR, OFFICIER, INDEMNITÉ, ALLOCATION, REFUS, VIOLATION DES RÈGLEMENTS, MINISTÈRE D'AVOCAT, ARRÊTÉ DE DÉBET, RECOURS, FAUTE DU SERVICE PUBLIC (Rép., v Excès de pouvoir [matière administrative], n. 159 et s.; Pand. Rép., V Excès de pouvoir, n. 237).

(1) Cette solution ne pouvait faire doute, le tarif n. 12, annexé au décret du 29 déc. 1903 (Bull. off. du minist. des colonies, 1904, p. 369), comprenant expressément le chef du service de santé parmi les fonctionnaires ayant droit, aux colonies, à l'indemnité pour frais de représentation.

(2-3) Le Conseil d'Etat, sur les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Pichat, vient de faire une tentative extrêmement intéressante pour régler les relations du recours pour excès de pouvoir avec le recours contentieux ordinaire.

C'est une difficulté qui n'est pas nouvelle, et qui, sans doute, ne recevra jamais une solution logique tout à fait satisfaisante, parce que le problème est dominé par des éléments de fait et de pratique. Mais on verra, cependant, que nos arrêts font faire un pas à la question, et qu'en tout cas, ils ont le mérite de la poser sur un terrain autre que celui de la distinction entre l'acte d'autorité et l'acte de gestion. Nous nous en applaudissons, quant à nous, car il y a longtemps déjà que nous avons déclaré néfaste cette distinction.

Nous suivrons de très près les conclusions de M. le commissaire du gouvernement, que l'on trouvera rapportées ci-dessus, et auxquelles on voudra bien se reporter, car elles le méritent.

I. M. Lafage, médecin principal de première classe des troupes coloniales, était sous-directeur du service de santé en Cochinchine, et recevait, en cette qualité, l'indemnité pour frais de représentation prévue par le tarif n. 12, annexé au décret du 29 déc. 1903. Une instruction du ministre des colonies du 3 nov. 1909 ayant supprimé le titre de sous-directeur du service de santé, et l'ayant remplacé (dans les colonies secondaires des groupes de colonies) par celui de chef du service de santé, M. Lafage devint chef du service de santé de la Cochinchine. Alors, le ministre des colonies, faisant application d'une circulaire du 8 févr. 1910, ANNÉE 1913. ler cah.

1

1o Un officier, qui remplit les fonctions de chef du service de santé en Cochinchine, est fondé à demander l'annulation d'une décision,par laquelle le ministre des colonies l'a privé du bénéfice des allocations pour frais de représentation, prévues par le décret et la décision présidentielle du 29 déc. 1903 (1) (Décr., 29 déc. 1903, et Décis. prés., 29 déc. 1903; Règl., 3 nov. 1909). — Ire espèce.

2o Est recevable le recours formé pour excès de pouvoir, et par suite sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, par un officier qui attaque une décision l'ayant privé d'avantages à lui assurés par les

décida, le 30 août 1910, que l'indemnité pour frais de représentation cesserait d'être allouée à M. Lafage. Recours pour excès de pouvoir formé par l'intéressé contre cette décision, et sans ministère d'avocat. Ce recours était-il recevable?

M. le commissaire du gouvernement a conclu à la recevabilité pour les motifs suivants :

1o Dans les affaires de solde et traitements, qui sont de minime importance en elles-mêmes et qui intéressent un personnel peu fortuné, le recours pour excès de pouvoir est plus pratique, parce qu'il est dispensé des frais et du ministère de l'avocat, et qu'en somme, les frais de la procédure ne risquent pas de dépasser l'intérêt en jeu, ce qui arriverait avec le recours contentieux ordinaire.

Cette considération pratique ne serait pas déterminante à elle seule, et il importe de chercher un critérium théorique permettant de distinguer les deux contentieux; il faut faire cesser sur ce point des incertitudes qui durent depuis trop longtemps.

20 Il convient de chercher du côté des conditions requises par la jurisprudence pour que le recours pour excès de pouvoir soit ourert (Remarquons que, par cette expression, M. le commissaire du gouvernement désigne, à la fois, ainsi qu'on va le voir, les conditions de recevabilité et les ouvertures au fond). Ces conditions sont au nombre de trois; il y a deux conditions de recevabilité le recours doit être formé contre une décision administrative exécutoire, et il ne doit pas troubler l'ordre des compétences (les deux autres conditions classiques de recevabilité, la qualité du réclamant et l'observation des formes et délais, sont sans intérêt dans la question de la distinction des deux contentieux); il y a une condition de fond le recours doit être fondé sur la violation de règles de droit légales ou réglementaires.

:

:

a) D'abord, le recours pour excès de pouvoir doit être formé contre une décision exécutoire

règlements en vigueur, la requête ne mettant en question que la légalité d'un acte de l'autorité administrative (2) (Décr., 22 juill. 1806; L. 24 mai 1872, art. 9). Ire espèce.

Au contraire, n'est pas recevable le recours forme, sous la forme du recours pour excès de pouvoir, sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, par un fonctionnaire contre un arrêté de débet, alors que le requérant ne conteste point la légalité de l'acte attaqué, mais se fonde sur une faute du service public (3) (Id.). 2e espèce.

1re Espèce. (Lafage).

M. Pichat, commissaire du gouverne

administrative; il est recevable en principe contre toute décision exécutoire, la distinction que l'on a essayé de faire, à une certaine époque, entre l'acte d'autorité et l'acte de gestion ayant complètement échoué. V. sur ce point, outre les arrêts cités par M. le commissaire du gouvernement dans ses conclusions ci-dessus reproduites, notre Précis de dr. admin., 7e éd., p. 413 et s.

b) Il ne doit pas troubler l'ordre des compétences, et c'est ce qui a donné lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'un recours parallèle; mais il convient de remarquer que le recours contentieux de pleine juridiction, ouvert devant le Conseil d'Etat à l'occasion de la même opération, ne doit pas être considéré comme un recours parallèle faisant obstacle au recours pour excès de pouvoir, car le recours pour excès de pouvoir, ici, étant porté devant le même juge, ne risque pas de troubler l'ordre des juridictions, et le Conseil d'Etat ne saurait se porter ombrage à lui-même (V., dans les conclusions de M. le commissaire du gouvernement, une démonstration très convaincante sur ce point).

c) Enfin, il y a une condition de fond : le recours doit être fondé sur la violation de règles de droit légales ou réglementaires; il ne peut pas l'être sur la violation d'un droit contractuel, quasi contractuel ou quasi délictuel.

M. le commissaire du gouvernement parait avoir été mis sur la voie de cette distinction par la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de concession de travaux publics, jurisprudence que d'ailleurs il vise expressément on sait que la concession de travaux publics se caractérise par ce fait qu'à côté de la situation contractuelle, réglée par le cahier des charges, il y a une situation purement réglementaire, qui vise la police du service dont l'exploitation est concédée. Si une décision ministérielle ou préfectorale est rendue en matière

III PART.

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d'exploitation de chemins de fer ou de tramways, par exemple, et si cette décision n'est relative qu'à la police, elle ne peut être critiquée qu'au point de vue de sa légalité, et ne peut être attaquée que par le recours pour excés de pouvoir; si elle est relative aux obligations résultant du cahier des charges, elle peut être critiquée au point de vue de l'équilibre financier du contrat, et elle pourra être l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le conseil de préfecture. V. Cons. d'Etat, 4 août 1905, Chem. de fer de Bône-Guelma (S. et P. 1907.3.103); 22 déc. 1905, Comp. française des tramways de Bordeaux (S. et P. 1907.3.155); 6 déc. 1907, Chem. de fer de l'Est, du Midi, du Nord, d'Orléans, de l'Ouest et de Paris-Lyon-Méditerranée (S. et P. 1908.3.1; Pand. pér., 1908. 3.1), les conclusions de M. Tardieu, commissaire du gouvernement, et la note de M. Hauriou; 4 févr. 1910, Chem. de fer métropolitain de Paris (2o espèce) (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 99); 11 mars 1910, Min. des travaux publics (S. et P. 1911.3.1; Pand. pér., 1911.3.1), avec les conclusions de M. Blum, commissaire du gouvernement, et la note de M. Hauriou.

Partant de cette opposition entre la situation légale ou réglementaire, d'une part, contractuelle, de l'autre, M. le commissaire du gouvernement a généralisé, et a rangé à côté des situations contractuelles les situations quasi contractuelles et quasi délictuelles, sans doute à cause du grand développement des actions en indemnité pour faute de service qui naissent du quasi-délit, et qui sont des recours contentieux de pleine juridiction.

Le Conseil d'Etat (1° espèce) a suivi les conclusions de M. Pichat, en ce qu'elles tendaient à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir, mais il n'a pas reproduit en substance, dans son arrêt, l'opposition esquissée entre la violation des règles légales et réglementaires, d'une part, la violation des droits contractuels, quasi contractuels ou quasi délictuels, d'autre part; il se borne à dire ceci : La requête met en question la légalité d'un acte d'une autorité administrative; par suite, la requête en excès de pouvoir est recevable ». Que faut-il penser de ces conclusions et de cette formule?

"

Notre sentiment est qu'elles sont dans la direction de la vérité, avec cependant quelques ré

serves.

Voici quelles seraient, à notre avis, les formules tout à fait exactes, et l'on verra qu'elles ne sont pas très éloignées :

1° Toute requête qui ne vise que la légalité d'une décision administrative, envisagée à l'état exécutoire, et sans tenir compte des faits d'exécution ou de leurs conséquences, est une requête en excès de pouvoir. On le voit, nous n'ajoutons qu'une précision, c'est qu'il est essentiel que la décision administrative soit envisagée exclusivement à l'état exécutoire, comme si elle n'était pas encore exécutée, uniquement dans l'effet de droit qu'elle produit avant d'être exécutée. C'est ce que signifie cette règle, toujours maintenue par le Conseil d'Etat, à savoir qu'on ne peut pas joindre à un recours pour excès de pouvoir des conclusions à fin de restitution ou à fin d'indemnité (V. not., Cons. d'Etat, 29 juin 1906, Carteron, S. et P. 1907.3.97, et les décisions citées dans la note, 1re col., de M. Hau

du service de santé en Cochinchine, et recevait, en cette qualité, l'indemnité pour frais de représentation prévue par le tarif n. 12, annexé au décret du 29 déc. 1903. Une instruction du ministre des colonies, du 3 nov. 1909, ayant supprimé le titre

riou; adde, les renvois de la note, 1re et 3e col., de M. Hauriou, sous Cons. d'Etat, 31 mars 1911, Blanc, Argaing et Bézie, 3 arrêts, S. et P. 1912.3. 129; Pand. pér., 1912.3.129. Comp. ces arrêts), parce qu'alors on dépasse le point de vue de l'acte exécutoire pour se placer au point de vue des conséquences de l'exécution, et qu'ainsi on dépasse le point de vue du contentieux de l'annulation. Il s'agit uniquement de briser un certain effet de droit, qui est menaçant par lui-même, mais qui ne s'est pas encore traduit en faits d'exécution. En somme, les décisions administratives exécutoires, même les plus particulières, apparaissent comme de petites lois ou de petits règlements, qui sont menaçants, même avant d'avoir été réellement appliqués, parce qu'ils modifient l'état du droit. C'est ainsi que la loi du 9 déc. 1905, sur la séparation des Eglises et de l'Etat, a été menaçante pendant une année avant de s'appliquer réellement. L'habitude de ces lois qui ne s'appliquent qu'après un certain délai tend à s'établir, et met bien en évidence l'espèce d'effet de droit que produit une décision exécutoire avant d'être exécutée; c'est une sorte de modification de l'atmosphère juridique, qui incite tous les intéressés à se préparer et à prendre leurs précautions en vue de l'exécution. C'est la mobilisation qui suit la déclaration de guerre, avant les premières hostilités. C'est ainsi que, le maire d'une ville ayant pris un arrêté pour imposer des protège-pointe aux épingles à chapeau, mais ayant accordé un délai de trois jours, pendant ce délai, les dames se précipitent dans les magasin de mercerie pour se procurer des protège-pointe et, de leur côté, les agents de la police, en vue des contraventions futures, s'exercent au signalement des coiffures. Dans notre arrêt Lafage (1re espèce), le ministre avait décidé que l'indemnité de frais de représentation cesserait d'être allouée; mais c'était du futur, cela comportait une mesure d'exécution financière ultérieure, et, en réalité, l'intéressé ne cesserait de toucher qu'après un certain délai. Seulement, dès maintenant, il était décidé qu'il ne toucherait plus.

On saisit maintenant le point de vue, et, en même temps, on comprend combien il est juste de dire que cet effet de droit, créé par la décision exécutoire, sera examiné dans sa légalité. D'abord, il est bien évident que le mot « légalité » est pris ici dans un sens très large, puisque, de l'aveu de M. Pichat lui-même, il comprend tous les cas d'excès de pouvoir; ce ne sont pas seulement les règles légales et réglementaires, ce sont aussi les principes fondamentaux de la bonne administration, même ceux qui ne sont pas codifiés. Ensuite, légalité de la décision exécutoire, cela veut dire : conditions extérieures auxquelles cette manifestation de volonté de l'Administration est assujettie pour être valable dans sa forme; c'est un point de vue purement formel. Il ne s'agit pas de la justice au fond des prétentions de l'Administration. Cette question ne sera posée qu'après l'exécution. Il s'agit simplement de savoir si le droit nouveau, que l'Administration a la prétention de créer par sa décision, s'adapte à l'ensemble du droit, et si, pour ainsi dire, il est bien venu, au point de vue de la technique juridique.

2° Toute requête qui vise les conséquences de l'exécution d'une décision administrative ou les consé

de sous-directeur du service de santé, et l'ayant remplacé, dans les colonies secondaires des groupes de colonies, par celui de chef du service de santé, M. Lafage devint chef du service de santé de la Cochinchine. Le ministre des colonies, faisant ap

quences d'une opération administrative est une requête en contentieux de la pleine juridiction, parce que ces conséquences sont forcément dominées par les principes du commerce juridique. Le commerce juridique, ce ne sont pas seulement les contrats nommés, les quasi-contrats, et les quasi-délits, ce sont tous les principes de la justice commutative, qui reposent sur la donnée de l'équilibre des patrimoines. Tout service fait, c'est-à-dire tout service rendu à l'Administration sur la foi légitime d'une récompense, mérite d'être rémunéré. C'est un facio ut des, et cela oblige l'Administration, d'où le contentieux de ce qu'on pourrait appeler les engagements innommés. Tout préjudice causé par l'Administration dans l'exécution de ses services, et qui l'a été dans des conditions où les habitudes du commerce juridique établissent qu'il est injuste, doit être considéré comme un damnum injuria datum, et oblige l'Administration à réparation; d'où le contentieux des dommages causés sans faute par des inconvénients de voisinage, celui des dommages causés par des fautes de service, etc.

Et pourquoi les principes du commerce juridique et de la justice commutative ne sont-ils mis en mouvement que par les faits d'exécution et les opérations réalisées ? Parce qu'ils sont essentiellement des forces qui tendent à rétablir un équilibre rompu entre des patrimoines, et parce que l'équilibre n'est rompu que par le préjudice ou le dommage souffert, par le tort causé, non seulement en droit, mais en fait. Les décisions juridiques non exécutées ne sont que des menaces; exécutées, elles deviennent des dommages. Et c'est ainsi que le contentieux administratif de la pleine juridiction apparaît comme un contentieux de l'indemnité.

On voit en quoi notre formule differe, encore ici, de celle de M. Pichat d'une part, elle est plus compréhensive, car elle vise les hypotheses d'engagements innommés; d'autre part, elle est plus explicative, car elle ramène toutes les hypothèses possibles et imaginables à celle d'une opération exécutée, soit par l'Administration, soit dans l'intérêt de l'Administration.

Et, en somme, le critérium apparaît relativement simple si le point de vue qui s'impose est celui d'une décision envisagée dans son effet exécutoire, recours pour excès de pouvoir; au contraire, si, le point de vue qui s'impose est celui d'une opération exécutée, recours contentieux ordinaire.

II. Nous allons pouvoir faire la contre-épreuve en appliquant ce critérium à la seconde espèce, affaire Schlemmer, où nous allons voir s'accentuer l'écart entre la doctrine de M. Pichat et la nôtre. Il s'agit, cette fois, d'un portier-consigne. qui avait indument cumulé avec sa solde une pension militaire proportionnelle. Une décision du ministre des finances avait déclaré le requérant débiteur envers le Trésor public du montant des arrérages de la pension touchée en même temps que la solde. Un pourvoi fut formé par l'intéressé sans ministère d'avocat; le requérant, dit M. le commissaire du gouvernement Pichat, ne contestait pas la légalité de la décision attaquée; il ne soutenait pas que le cumul fût possible entre les arrérages de sa pension et sa solde de portier-consigne; il ne prétendait pas non plus qu'un arrêté de débet

plication d'une circulaire du 8 févr. 1910, décida, le 30 août 1910, que l'indemnité pour frais de représentation cesserait d'être allouée à M. Lafage. M. Lafage défère cette décision au Conseil d'Etat. Il soutient qu'elle a été prise en violation des dispositions du décret du 29 déc. 1903.

II. C'est un recours pour exces de pouvoir, formé sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, que présente M. Lafage. Son pourvoi est-il recevable? La voie du recours pour excès de pouvoir lui était-elle ouverte, lui permettant de bénéficier de la dispense d'avocat prévue par l'art. 4 de la loi du 17 avril 1906 (S. et P. Lois annotées de 1906, p. 283)?

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Il n'est pas besoin de souligner l'intérêt pratique que donne à cette recherche la dispense de frais, et spécialement du ministère d'avocat, accordée au recours pour excès de pouvoir. Ce qu'il importe seulement de mettre en lumière, c'est que la recevabilité du recours pour excès de pouvoir est particulièrement désirable, dans les litiges relatifs, comme celui sur lequel le Conseil d'Etat est aujourd'hui appelé à statuer, aux traitements et soldes des fonctionnaires publics. Ces litiges portent souvent sur des sommes minimes, lorsqu'ils concernent notamment des accessoires de traitements ou de soldes frais de route, indemnités de déplacement, primes d'engagement ou de rengagement, indemnités de logement, etc. Si les fonctionnaires ne pouvaient porter leurs réclamations devant le Conseil d'Etat que par l'intermédiaire d'un avocat, les frais de l'instance dépasseraient, dans bien des cas, le montant de l'allocation réclamée, et l'obligation du ministère d'avocat abon

ne pouvait pas être légalement pris en cette matière. Il se bornait à soutenir que les certificats de vie produits par lui mentionnaient le cumul, que le service public avait done commis, en lui payant les arrérages de sa pension, une faute qui enga.geait la responsabilité quasi délictuelle de l'Etat, et qui mettait obstacle au reversement des sommes dues. En conséquence, la requête ne pouvait pas être admise sans ministère d'avocat, parce qu'au lieu de soulever une simple question de légalité, elle soulevait une question de faute de service.

La décision du Conseil d'Etat reproduit ce raisonnement. Elle constate que « la requête du sieur Schlemmer, qui soulève une question de responsabilité civile de l'Etat, ayant été présentée sans le ministère de l'avocat, n'est pas recevable ».

La décision est, en soi, peu importante, parce qu'elle se présente comme une décision d'espèce, mais la doctrine de M. le commissaire du gouvernement apparaît plus discutable. Elle se précise en ce sens que, selon lui, le recours pour excès de pouvoir aurait été ouvert au requérant, si celui-ci, au lieu d'invoquer une faute du service public, avait critiqué la légalité de l'arreté de débet. D'ailleurs, il avoue formellement se séparer ici de la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui, jusqu'à présent, n'a jamais admis la recevabilité du recours pour exces de pouvoir formné contre les arrêtés de débet, même si le recours était fondé sur l'illégalité de l'arrêté (V. Cons, d'Etat, 28 nov. 1902, d'Aubigny, Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 709: 8 juill. 1910, Dugneand, Id.. p. 582), sauf dans le

tirait, en enlevant tout intérêt à l'instance, à la suppression de fait du recours, et à la consécration de décisions contraires au droit. Une telle situation serait grave. Il est bon qu'en cette matière, les parties puissent s'adresser elles-mêmes au juge, tout en conservant la faculté de faire appel, si elles le désirent, au concours des membres du barreau du Conseil d'Etat, qui apportent à l'œuvre de la justice une féconde collaboration.

La jurisprudence ne fournit pas d'indication très nette sur les conditions requises pour que le recours pour excés de pouvoir soit ouvert. Elle paraît être dans une période de transition. Si l'on prend, à titre d'exemple, le contentieux des traitements et soldes, on constate que, pendant longtemps, le Conseil d'Etat a opposé une fin de nonrecevoir absolue aux recours pour excès de pouvoir formés en cette matière. V. notamment les décisions suivantes : Cons. d'Etat, 12 mars 1880, Daney de Marcillac (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 274); 30 juill. 1897, De Arinain (Id., p. 592); 6 mars 1903, Pelous (Id., p. 191); 29 mai 1903, Gerrais (Id., p. 413). Et cette jurisprudence se retrouve encore dans des arrêts très récents (Cons. d'Etat, 15 févr. 1907, Théveneau, Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 162; 12 janv. 1912, Antoine, Id., p. 59). Mais, depuis quelques années, et parallèlement, le Conseil d'Etat semble vouloir entrer dans une voie nouvelle, où, renonçant à opposer dans tous les cas une fin de non-recevoir au recours pour excès de pouvoir, il distingue suivant la nature des conclusions présentées par les requérants. C'est ainsi qu'un arrêt du 11 juill. 1902, Heurtaut (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 532, en une partie non reproduite, S. et P. 1905.3.63), admet la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision du ministre des finances qui avait interdit le cumul d'une pension de retraite et d'un traitement d'activité, en rejetant seulement, comme non recevables, les conclusions jointes à ce recours, et ayant pour ob

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Dans le cas de l'arrêté de débet, le recours contentieux de pleine juridiction s'impose, même pour discuter la légalité de l'arrêté, parce qu'il s'agit de régler les conséquences d'une opération exécutée. Il y a eu trop perçu de la part du fonctionnaire, c'est un fait, ce fait cause un dommage à l'Administration, le dommage est causé, l'équilibre des patrimoines est rompu. L'arrêté de débet du ministre, bien qu'étant en soi une décision exécutoire, est dominé par cette situation préexistante, il n'en est qu'un résultat. La cause du litige est le trop perçu, l'arrêté de débet n'est que l'occasion; c'est la décision qui lie l'instance, pas autre chose.

Prenons une autre hypothese, celle de l'affaire Antoine, du 12 janv. 1912 (Rec, des arrêts du Cons d'Etat, p. 59). Il s'agit d'un capitaine adjudantmajor, qui a fait un séjour à Viviers, du 30 sept. au 25 nov. 1910, comme militaire isolé, chargé

jet le paiement des sommes retenues. De même, a été admise la recevabilité de recours pour excès de pouvoir tendant simplement à l'annulation d'une décision du ministre de la guerre, qui avait refusé de faire bénéficier un fonctionnaire de l'administration centrale d'un décret relatif, notamment, aux traitements (V. Cons, d'Etat, 20 mai 1904, Balu, Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 407); d'une décision du ministre des colonies, rejetant la demande formée par un fonctionnaire en vue d'cbtenir un passage gratuit pour retourner à sa cclonie d'origine (V. Cons. d'Etat, 30 déc. 1910, Pilagie, Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 1038). Enfin, un arrêt du 24 nov. 1911, Longueteau, statuant sur le recours pour excès de pouvoir d'un sous-intendant militaire des troupes coloniales contre une décision du ministre de la guerre, en tant que cette décision, en lui accordant un congé, avait laissé à sa charge les frais de passage, a considéré comme recevables les conclusions du recours tendant à l'annulation de la décision attaquée, et rejeté, au contraire, comme non recevables, celles ayant pour objet la condamnation de l'Etat au remboursement des frais de passage.

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III. Quelles sont donc, en règle générale, les conditions requises pour que le recours pour exces de pouvoir soit ouvert aux intéressés? Ces conditions sont au nombre de trois : 1o Le recours pour excés de pouvoir est ouvert contre toute décision d'une autorité administrative; 2° il ne peut être fondé que sur un moyen d'illégalité; 3° il ne doit pas troubler l'ordre des compétences. Lorsque ces conditions sont remplies, le recours pour excès de pouvoir (s'il est, d'ailleurs, présenté dans les formes et délais prescrits, et par une personne justifiant d'un intérêt personnel), est recevable.

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évidemment de quelques mission, et qui réclame contre une décision du sous- secrétaire d'Etat à la guerre, qui a refusé de lui allouer les indemnités journalières de déplacement normales et réduites prévues par le décret du 12 juin 1908. La requête avait été formée sans ministère d'avocat ; elle est rejetée.

Avons-nous besoin de savoir si la requête visait la seule illégalité de la décision, ou si elle tendait à faire allouer au requérant le montant des indemnités? Les deux intentions sont ici tellement connexes qu'il n'y en a qu'une. Il est clair que le requérant veut l'allocation des indemnités, et il la veut parce qu'il a accompli le déplacement; il y a de sa part service fait, prestation ericutée, dont il attend la contre-partie.

Les faits crient plus fort que les intentions.

:

III. Résumons: la tentative que marquent nos arrêts est extrêmement intéressante; elle est dans la direction de la vérité, mais à une condition, c'est que l'on ne se fourvoie pas dans l'impasse qui consisterait à dire c'est une affaire de point vue, au gré du requérant; le vrai chemin, celui qui aboutit, conduit à dire c'est une affaire de point de vue, mais le point de vue s'impose, il jaillit de de la situation même, selon qu'on se trouve en présence d'une décision exécutoire, qui peut être envisagée en elle-même, ou en présence d'une décision qui ne peut être envisagée que par rapport à une opération déjà en voie d'exécution.

MAURICE HAURIOU.

à être déférée au Conseil d'Etat par le recours pour excès de pouvoir. La jurisprudence a paru incliner un moment dans le sens d'une distinction entre l'acte d'autorité et l'acte de gestion, le premier seul pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (V. en matière de repos hebdomadaire, les arrêts du Cons. d'Etat du 30 nov. 1906, Denis et Rage-Roblot, S. et P. 1907.3.17, avec la note de M. Hauriou, et, sous les réserves que nous indiquerons tout à l'heure, les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Romieu, rapportées au Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, 1906, p. 863 et s.). Cette jurisprudence ne trouverait pas de base dans les textes législatifs sur le recours pour excès de pouvoir (LL. 7-14 oct. 1790; 24 mai 1872, art. 9, et 17 avril 1906, art. 4), qui ouvrent ce recours, d'une façon générale, sans aucune limitation, contre " les actes des diverses autorités administratives ». La distinction entre l'acte d'autorité et l'acte de gestion est, du reste, de plus en plus abandonnée; elle procède d'une donnée juridique assez incertaine, et son application est souvent fort difficile. Le recours pour excès de pouvoir est donc ouvert même contre les actes de gestion, et c'est ce qui résulte d'un grand nombre d'arrêts du Conseil d'Etat. La jurisprudence admet, notamment, la recevabilité des recours pour excès de pouvoir formés par des soumissionnaires évincés contre des décisions prises en matière d'adjudication, qui, tout au moins lorsqu'elles émanent, non de l'autorité investie d'un pouvoir de tutelle, mais des représentants de la personne morale publique pour le compte de laquelle l'adjudication a lieu, sont des actes de gestion. V. Cons, d'Etat, 16 mars 1894, Lhermitte (Rec. des arrêts du Cons, d'Etat, p. 218); 30 mars 1906, Ballande (S. et P. 1908.3.87; Pand. per., 1908.3.87), et les conclusions de M. Romieu, commissaire du gouvernement; 17 déc. 1909, Larré (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 1000). On peut citer encore un arrêt du 5 mars 1909, Dame Michel (S. et P. 1911.3.90; Pand. pér., 1911.3.90), qui statue au fond sur un recours pour excés de pouvoir dirigé contre une décision ministérielle portant refus d'ordonnancement; un arrêt du 4 août 1905, Martin (S. et P. 1906.3.49, et la note de M. Hauriou), qui admet la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir formé contre la délibération d'un conseil général accordant une concession de tramways. Et les exemples pourraient être multipliés.

«2o Mais le recours pour excès de pouvoir ne peut être fondé que sur la violation des règles de droit auxquelles les lois et règlements soumettent le fonctionnement des services publics. Il n'est pas recevable, si le moyen invoqué est la violation d'un droit contractuel, quasi contractuel ou quasi délictuel. Les textes qui le concernent n'ont, en effet, prévu, comme pouvant être invoqués à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que des moyens d'illégalité incompétence ou excès de pouvoir, vice de forme, violation de la loi ou d'un réglement, détournement de pouvoir (qui est un exces de pouvoir d'une nature spéciale). Et c'est parce qu'il a pour mission d'assurer le respect de la légalité que le législateur a voulu en faciliter l'exercice, en le dispensant de frais. Aussi, la jurisprudence du Conseil d'Etat écarte-t-elle, comme non recevable, tout recours pour exces de pouvoir fondé sur la violation, non des regles de droit qui président au fonctionnement des services publics, mais de droits personnels derivant de contrats, de quasi-contrats ou de quasi-délits. Il suffira, à ce sujet, de citer les arréts nombreux, rendus sur les recours formés par des Comp. de chemins de fer ou de tramways contre les décisions ministérielles

ou préfectorales relatives à la police, à la sécurité et à l'exploitation des voies ferrées; ces décisions ne peuvent être l'objet de recours pour excès de pouvoir que lorsque leur légalité est contestée; elles doivent être déférées au conseil de préfecture, lorsque les Comp. se plaignent d'une atteinte portée aux droits qu'elles tiennent de leur contrat de concession. V. Cons. d'Etat, 4 août 1905, Chem. de fer de Bone-Guelma (S. et P. 1907.3.103); 22 déc. 1905, Comp. française des tramways de Bordeaux (S. et P. 1907.3.155); 6 déc. 1907, Chem. de fer de l'Est, du Midi, du Nord, d'Orléans, de l'Ouest et de Paris-Lyon-Méditerranée (S. et P. 1908.3.1; Pand. per., 1908.3.1), la note de M. Hauriou, et les conclusions de M. Tardieu, commissaire du gouvernement; 4 févr. 1910, Chem. de fer métropolitain de Paris (2 espèce) (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 99); 11 mars 1910, Min. des travaux publics (S. et P. 1911.3.1; Pand. pér., 1911.3.1), les conclusions de M. Blum, commissaire du gouvernement, et la note de M. Hauriou. Ces arrêts sont particulièrement intéressants en ce qu'ils montrent que la même décision administrative est ou non susceptible de recours pour excès de pouvoir, suivant la nature du moyen invoqué.

3o Le recours pour excès de pouvoir ne doit pas troubler l'ordre des compétences. n'est pas recevable, lorsque la partie a à sa disposition, devant une juridiction autre que le Conseil d'Etat, une action lui permettant d'obtenir satisfaction. La jurisprudence a fait de nombreuses applications de cette idée, notamment en matière de contributions directes et indirectes, d'élections municipales, en vue de sauvegarder la compétence du conseil de préfecture et de l'autorité judiciaire. Faut-il aller plus loin, et dire que, lorsque l'action parallèle s'offre à la partie devant le Conseil d'Etat luimême, le recours pour excès de pouvoir cesse également d'être recevable? Nous ne le pensons pas. Dans ce cas, en effet, il n'y a pas d'empiétement possible du Conseil d'Etat sur la compétence d'une autre juridiction, puisque, sur un recours comme sur l'autre, c'est toujours le Conseil d'Etat qui est compétent. Aussi ne voit-on pas de motif juridique d'ecarter le recours pour excès de pouvoir. Si bien qu'au moment où la fin de non-recevoir résultant du « recours parallèle » était le plus en faveur, M. Laferriere ne l'admettait qu'avec beaucoup d'hésitation, lorsque c'était devant le Conseil d'Etat qu'était ouverte l'action parallèle : Le Conseil d'Etat, écrivait-il, doit-il déclarer le recours pour exces de pouvoir non recevable, lorsqu'il en est saisi dans des matières où il est juge du fond, par exemple en matière d'élections départementales, de marchés de fournitures, de liquidation des dettes de l'Etat, de questions préjudicielles touchant l'interprétation ou la validité d'actes administratifs, etc.? Il est certain que, dans ce cas, la procédure d'excés de pouvoir est incorrecte, car la partie possede un autre recours plus complet que celui qu'elle exerce; elle doit mettre en mouvement le contentieux de pleine juridiction, ou le contentieux de l'interprétation, et non le contentieux de l'annulation. Mais on doit reconnaitre aussi que l'erreur cominise par la requête n'entraîne pas d'infraction grave à l'ordre des juridictions, puisque c'est toujours devant le Conseil d'Etat, statuant en premier et dernier ressort, que le litige doit etre porté. Ce serait donc pousser trop loin la rigueur que de considérer systématiquement le recours pour exces de pouvoir comme non recevable en pareil cas; mieux vaut l'interpréter, lorsque cela est possible, potius ut valeat quam ut percat...» (Tr. de la jurid, admin. et des rec. cont., 2e éd.. t. 2, p. 494). Et, dans le même esprit, M. le

...

conseiller d'Etat Romieu, s'attachant, dans les conclusions qu'il donnait, en 1906, comme commissaire du gouvernement, sur les premières affaires de repos hebdomadaire, à définir le recours pour excès de pouvoir, disait notamment au Conseil : « ... Dans le cas où vous statuez dans une matière comme juges de droit commun, vous vous reconnaissez le droit de dédoubler vos pouvoirs juridictionnels de droit commun, en tant que juges de l'annulation et juges de plein contentieux, et d'admettre au bénéfice de la procédure du recours pour excès de pouvoir les requêtes ne tendant en cette matière qu'à obtenir l'annulation de certains actes, indépendamment de toute autre conséquence (arrêté de révocation de fonctionnaires, annulation d'adjudications, etc.)... » (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, 1906, p. 869). Ne réduisons donc pas, lorsque l'ordre des compétences ne l'exige pas, excés de pouvoir à n'être qu'une voie exceptionnelle, subsidiaire, ouverte seulement à défaut de toute autre action, et donnons-lui, au contraire, le moyen de remplir le rôle qu'ont entendu lui assigner ceux qui l'ont créé, d'un instrument mis à la portée de tous, pour la défense de la legalité micon

nue.

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le recours pour

IV. Il est facile de déterminer la place que peut tenir le recours pour excès de pouvoir, tel qu'il vient d'être défini, dans le contentieux des traitements et soldes des fonctionnaires publics. Des applications analogues des mêmes idées pourront être faites, lorsque l'occasion s'en présentera, dans les diverses matières du droit administratif.

"Laissant de côté l'hypothèse exceptionnelle où le traitement d'un fonctionnaire est fixé par une convention spéciale intervenue entre lui et la personne morale dont il relève, et où, par suite, le litige sur ce traitement, étant d'ordre contractuel, est étranger au recours pour excès de pouvoir, nous envisageons le cas habituel où les traitementet leurs accessoires sont déterminés par des lois ou règlements.

Une décision est prise qui dénie à un fonctionnaire le droit qu'il prétend avoir à telle allocation ou à tel chiffre d'allocation. Le recours pour excès de pouvoir, formé par le fonctionnaire contre cette décision, et tendant simplement à son annulation, est recevable. Toutes les conditions requises pour la recevabilité du recours pour exces de pouvoir sont, en effet, remplies; l'acte attaqué est une décision d'une autorité administrative; le moyen invoqué est un moyen d'illégalité, puisque le traitement est fixé par une loi ou un réglement : il n'y a pas d'action parallèle ouverte devant une juridiction autre que le Conseil d'Etat, réserve faite, sur ce dernier point, du cas où, s'agissant d'un fonctionnaire rétribué sur le budget local d'une colonie, le conseil du contentieux administratif est compétent comme juge ordinaire du contentieux administratif colonial local. V. sur cette compétence, les arrêts du Conseil d'Etat, du 1er juin 1906, Jacquemont (S. et P. 1908,3.132; Pand, për., 1908.3.132), et du 16 déc. 1910, Bernière (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat. p. 956).

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Mais, si le fonctionnaire ne se borne pas, par le recours pour excés de pouvoir, à demander au Conseil d'Etat l'annulation de la décision qu'il prétend illégale, s'il conclut, en outre, à la condamnation de la personne publique au paiement de l'allocation qu'il soutient lui étre due, ces dernieres conclusions (mais celles-là seulement) ne sont pas recevables elles sont de la compétence de pleine juridiction du Conseil d'Etat, comme juge ordinaire du contentieux administratif, et elles ne peuvent être présentées que par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat. Il y a à cela une double raison : la

première, c'est que le recours pour excès de pouvoir, aux termes de l'art. 9 de la loi du 24 mai 1872, ne peut tendre qu'à l'annulation de l'acte attaqué; la seconde, c'est que le débat devient, sur le terrain où le placent les conclusions à fins de condamnation au paiement du traitement, d'ordre contractuel, et se trouve ainsi en dehors du champ d'application du recours pour excés de pouvoir; le fonctionnaire demande, en effet, par ces conclusions, l'exécution des engagements consentis envers lui par la personne morale, lorsque s'est formé le contrat de fonction publique.

« En admettant la recevabilité des recours pour excès de pouvoir présentés contre les décisions rendues en matière de traitements et soldes, à l'exception seulement des conclusions à fins de condamnation à paiement qui y seraient jointes, le Conseil d'Etat s'engagera définitivement dans la voie nouvelle tracée par quelques-uns de ses arrêts, que nous avons cités au début de nos observations. V. not. Cons, d'Etat, 11 juill. 1902, Heurtaut, et 24 nov. 1911, Longueteau, précités,

V. Il résulte des explications qui précèdent que le recours pour excès de pouvoir de M. Lafage est recevable.

« Il est dirigé contre une décision du ministre des colonies, que le requérant argue d'illégalité, comme lui ayant dénié le droit à une indemnité pour frais de représentation qu'il prétend tenir, en sa qualité de chef du service de santé de la Cochinchine, des dispositions du décret du 29 déc. 1903 (sur la solde et les accessoires de solde des troupes coloniales à la charge du département des colonies), et il tend uniquement à l'annulation de cette décision. Le pourvoi a donc pu valablement être introduit comme recours pour excès de pouvoir et, par suite, être présenté sans ministère d'avocat.

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LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu le décret du 29 déc. 1903, et la décision présidentielle du même jour, ensemble les tarifs et tableaux y annexés; Vu le règlement du 3 nov. 1909, sur le fonctionnement des services médicaux aux colonies; - Vu les lois des 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872; Vu la loi du 17 avril 1906, art. 4; Considérant que le sieur Lafage se borne à soutenir que, par la décision susvisée du ministre des colonies, il a été privé du bénéfice d'avantages qui lui sont assurés, en sa qualité d'officier, par les règlements en vigueur; que sa requête met ainsi en question la légalité d'un acte d'une autorité administrative; que, par suite, le requérant est recevable à attaquer la décision dont s'agit par la voie du recours pour excès de pouvoir; Au fond:

Considérant que le tarif n. 12, annexé au décret du 29 déc. 1903, et le tableau B, annexé à la décision présidentielle du même jour, prévoient l'al

(1) En principe, un recours contre un acte administratif ordonnant une mesure d'instruction n'est pas recevable, parce que cet acte ne touche pas au fond du droit, et que, dès lors, il ne fait grief

location d'indemnités pour frais de représentation, aux colonies, aux sous-directeurs ou chefs du service de santé; - Considé rant que, si l'art. 10 du règlement du 3 nov. 1909, sur le fonctionnement des services médicaux, n'a pas maintenu l'emploi de sous-directeur, il prévoit expressément celui de chef du service de santé;

Considérant qu'il n'est pas contesté que le requérant remplit les fonctions de chef du service de santé en Cochinchine; qu'il est, par suite, fondé à demander l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision par laquelle le ministre des colonies l'a privé du bénéfice des allocations prévues en faveur des chefs du service de santé par le décret et la décision présidentielle précités du 29 déc. 1903, lesquels n'ont pas été modifiés sur ce point; Art. 1er. La décision du ministre des colonies, en date du 30 août 1910, est annulée. Art. 2. Le sieur Lafage ne supportera aucuns frais d'enregistrement.

Du 8 mars 1912. Cons. d'Etat. MM. Laurent, rapp.; Pichat, comm. du gouv.

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Une décision du ministre des finances a déclaré le requérant débiteur envers le Trésor public du montant des arrérages d'une pension militaire proportionnelle, indûment cumulés avec la solde de portier-consigne. Le pourvoi présenté contre cette décision sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat n'est pas recevable.

D'une part, il ne semble pas possible d'étendre aux recours contre les arrêtés de débet ou autres décisions sur le cumul, prises en matière de pensions, la dispense du ministère d'avocat, prévue par l'art. 4 de la loi du 17 avril 1906 seulement pour

les recours contre les décisions portant refus de liquidation ou contre les liquidations de pensions » V. en ce sens, Cons. d'Etat, 11 juill. 1902, Heurtaut (sol. implic.) (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 532), en une partie non reproduite (S. et P. 1905.3.63), rendu sous l'empire du décret du 2 nov. 1864, dont l'art. 1er était rédigé dans les mêmes termes, au point de vue qui nous occupe, que l'art. 4 de la loi du 17 avril 1906.

D'autre part, dans l'espèce, le recours pour excès de pouvoir n'était pas ouvert au requérant.

Celui-ci, en effet, ne conteste pas la légalité de la décision attaquée; il ne soutient pas que le cumul était possible entre les arrérages de sa pension et sa solde de portier-consigne; il ne prétend pas non plus qu'un arrêté de débet ne pouvait pas légalement être pris en cette matière. Il se borne à soutenir que les certificats de vie produits par lui mentionnaient le cumul, que le service public a donc commis, en lui payant les arrérages de sa pension, une faute qui engage la responsabilité quasi délictuelle de l'Etat, et qui met obstacle au reversement des sommes perçues (V. Cons. d'Etat, 8 mar 1911, Dame Guillebot, Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 266, a contrario). — Le pourvoi est ainsi fondé sur la violation, non d'une règle de droit,

à personne. V. pour un arrêté du conseil de préfecture ordonnant une expertise, Cons. d'Etat, 31 mai 1895, Pinson-Molé et Bruneau (S.- et P. 1897.3.104), et les renvois. Mais le recours est re

mais d'un droit quasi délictuel, et il est, par suite, en dehors du champ d'application du recours pour excés de pouvoir. Nous ne pouvons que nous référer, à ce sujet, aux observations que nous venons de présenter dans l'affaire Lafage, en insistant sur ce point que le recours pour excès de pouvoir aurait été ouvert au requérant, si celui-ci, au lieu d'invoquer une faute du service public, avait critiqué la légalité de l'arrêté de débet. Nous nous séparons nous référant toujours à nos précédentes observations de la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui, jusqu'à présent, n'a jamais admis la recevabilité du recours pour excès de pouvoir formé contre les arrêtés de débet, même si le recours était fondé sur l'illégalité de l'arrêté (sauf le cas d'incompétence). V. Cons. d'Etat, 28 nov. 1902, d'Aubigny (Rec. des arrêts du Cons, d'Etat, p. 709); 8 juill. 1910, Dagneaud (Id., p. 582) ».

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu les lois du 25 fruct. an 7, art. 4 et 23, et du 23 juill. 1881; Vu la loi du 13 avril 1898, art. 54;

Vu le décret du 22 juill. 1806; Vu la loi du 24 mai 1872, art. 9; Vu la loi du 17 avril 1906, art. 4; - Considérant qu'aux termes de l'art. 1er du décret du 22 juill. 1806, les requêtes des parties devant le Conseil d'Etat ne peuvent être introduites que par le ministère d'un avocat audit Conseil; que, si des exceptions ont été apportées postérieurement à cette règle, la requête du sieur Schlemmer, qui soulève une question de responsabilité civile de l'Etat, ne rentre dans aucune de ces exceptions: qu'ayant été présentée sans le ministère d'un avocat, elle n'est pas recevable; Art. 1er. La requête du sieur Schlemmer est rejetée.

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Du 8 mars 1912. Cons. d'Etat. MM. Louis Roger, rapp.; Picbat, comm. du gouv.

CONS. D'ÉTAT 24 juin 1910. ÉLECTIONS

MUNICIPALES, SECTIONNEMENT ÉLECTORAL, Demande de supPRESSION, CONSEIL GÉNÉRAL, SESSION D'AVRIL, SESSION D'AOUT, DÉCISION, AJOURNEMENT, COMPLÉMENT D'INSTRUCTION, RECOURS AU CONSEIL D'ETAT, RECEVABILITÉ, COMMUNE COMPTANT MOINS de dix mille HABITANTS, AGGLOMÉRATION UNIQUE (Rép., v° Elections, n. 4848 et s.; Pand. Rép., vis Commune, n. 536 et s., Elections, n. 1357 et s.).

S'il appartient au conseil général d'ajourner sa décision définitive sur le retrait du sectionnement électoral d'une commune, régulièrement demande à la session d'avril, par le motif que l'instruction, à laquelle il avait été procédé avant la session d'août, lui paraissait insuffisante, cet ajournement a néanmoins pour effet de maintenir en vigueur le sectionnement établi. - Par suite, un électeur de la commune est recevable à discuter, dès à présent, devant le Conseil d'Etat, la légalité du sectionnement (1) (LL. 24 mai 1872, art. 9; 5 avril 1884, art. 11 et 12).

cevable, si la décision ordonnant une mesure d'instruction implique le rejet d'une demande adressée à l'autorité qui a prescrit la mesure d'instruction. Il en est ainsi, lorsque le conseil général, saisi d'une

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