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temporaire d'impols élablie au profit des
habitations à bon marché (1) (Id.).
20 espèce.

1ro Espèce. (Min. des finances C. Soc. la Maison des dames des postes, télé

graphes et téléphones). La Société anonyme a la Maison des dames des postes, télégraphes et téléphones » possède à Paris un immeuble de six étages, qui est aménagé en chambres destinées au logement de dames employées dans l’Administration des postes. En outre des chambres louées à des dames de cette administration, on trouve, à chaque étage, des locaux à usage commun, tels que salles de bains, brosseries et water-closets. Tu rez-de-chaussée et dans le sous-sol, sont aménagés un restaurant pour dames seules, qui n'est point exploité par la société, et un salon de conversation et de lecture. Ce restaurant et ce salon ne sont point réservés exclusivement à l'usage des locataires de l'immeuble. La société a demandé à bénéficier de l'exemption temporaire des impots foncier et des portes et fenêtres, établie en faveur des habitations à bon marché. La demande a été accueillie par le conseil de préfecture de la Seine, sauf en ce qui concerne les locaux non affectés à l'usage particulier de chacun des locataires, et de ceux qui sont affectés à llabitation du personnel chargé de l'administration de l'immeuble et des gens de service. Le ministre des finances a déféré au Conseil d'Etat l'arrêté du conseil de préfecture, en soutenant que le législateur n'avait entendu établir l'exemption d'impots que pour l'habitation familiale formant un logement complet, se suffisant à lui-même, et pouvant abriter un ménage. Il a soutenu que la maison dont il s'agissait constituait un véritable hôtel garni, avec des chambres et des locaux coinmuns, et il a exprimé la crainte, au cas où l'ar: rêté du conseil de préfecture serait maintenu, de voir l'exemption d'impots réclamée par les propriétaires d'hôtels, de pensions de famille, de maisons de retraite ou de santé, destinés aux personnes de condition modeste. La société défenderesse a demandé, par voie de recours incident, que l'on comprit dans les locaux

bénéficiant de l'exemption les salles de maisons d'éducation du lycée de jeunes bains et de douches, les brosseries et filles de Versailles a fait construire quatre water-closets, qui n'étaient que les annexes pavillons destinés au logement de jeunes des chambres destinées à l'habitation. filles qui suivent les cours du lycée de

Versailles. L'un des pavillons, dit « pavilLE CONSEIL D'État; Vu la loi du lon de l'alimentation », renferme unique12 avril 1906; le décret du 10 janv. 1907; ment des caves, cuisine, office, salle à

Considérant que, d'après les dispositions manger, chambres de bonnes; les trois combinées des art. 5 et 9 de la loi du autres comprennent chacun une salle de 12 avril 1906, les avantages concédés par musique, un parloir, des salles d'études, ladite loi s'appliquent aux maisons indivi- trois chambres pour élèves seules et huit duelles et aux habitations collectives, dont dortoirs de quatre lits chacun, séparés la destination principale est d'être affectées par des chambres de surveillantes. La à des habitations à bon marché; Consi- société a demandé à bénéficier de l'exempdérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté tion temporaire d'impôts, établie en faveur que l'immeuble, à raison duquel la So- des habitations à bon marché. Le conseil ciété anonyme la Maison des dames des de préfecture a rejeté cette demande. postes, télégraphes et téléphones a de- Pourvoi. mandé à bénéficier de l'exemption des contributions foncière et des portes et Le Conseil D'ÉTAT; Vu la loi du fenêtres, remplit les conditions prévues 12 avril 1906; le décret du 10 janv. 1907; par l'art. 5 de la loi susvisée du 12 avril - Considérant que, d'après les disposi1906, et que, d'autre part, ledit immeuble tions combinées des art. 5 et 9 de la loi se compose de logements dont chaque lo- du 12 avril 1906, les avantages concédés cataire a la jouissance propre et exclusive, par ladite loi s'appliquent uniquement et pour lesquels il paie un loyer déter- aux maisons individuelles et aux habitaminé; qu'il constitue donc une habitation tions collectives, dont la destination princollective; que, si ledit immeuble com- cipale est d'être affectée à des habitations prend, en outre, certaines pièces, telles que à bon marché; – Considérant qu'il récuisines, salles de restaurant et de réu- sulte de l'instruction que la société requénion, dont la jouissance est commune à rante a installé un pensionnat de jeunes tous les locataires, cette circonstance n'est filles dans les immeubles à raison despas de nature à en modifier le caractère; quels elle a demandé à bénéficier des que, dès lors, la société requérante a droit, exemptions d'impôts prévues par l'art. 9 pour les logements individuels, ainsi que de la loi précitée; que les locaux dont se pour les locaux, tels que brosseries, salles composent ces immeubles sont affectés à de bains et de douches, qui en constituent la jouissance des diverses pensionnaires, le complément nécessaire, à l'exemption et se complètent mutuellement pour for temporaire des impüts foncier et des portes mer un tout indivisible destiné à la vie en et fenêtres;... Art. Jer. Le recours du commun; que lesdits immeubles ne renministre est rejeté. — Art. 2. L'immeuble trent donc ni dans la catégorie des maisons (de la société requérante) sera exempté individuelles, ni dans celle des habitations des contributions foncière et des portes et collectives, et que, par suite, la société fenêtres, à raison des locaux tels que requérante n'est pas fondée à soutenir que brosseries, salles de bains et douches. c'est à tort que le conseil de préfecture a

Du 22 juill. 1910. Cons. d'Etat. rejeté sa demande d'exemption tempoMM. Vergniaud, rapp.; André Ripert, raire;... Art. ler. La requête est recomm. du gouv.

jetée.

Du 22 juill. 1910. Cons. d'Etat.
2e Espèce. (Soc. de construction des MM. Vergniaud, rapp.; André Ripert,
maisons d'éducation du lycée de jeunes comm. du gouv.; Patissier-Bardoux, av.

filles de Versailles).
La Société anonyme de construction des

la première affaire, les arguments donnés par le ministre des finances ne pouvaient être retenus. En effet, aucune disposition de la loi du 12 avril 1906 (S. et P. Luis annotées de 1907. p. 335; Pand. pr., 1907.3.6ti) ne permet de penser que le législateur ait entendu se préoccuper uniquement des ménages, les familles (l'ouvriers ou de personnes le condition modente. Il ressort de l'art. 1er de la loi que l'on a voulu encourager la construction de maisons salubres et à bon marchi', en vue de les louer ou de les Tendre à des personnes peu fortunées, notamment des travailleurs. Les (libataires, les persones vivant seules ne sont pas exclus jur ce texte, ct, pur conséquent, à défaut d'me li-posicon formelle, on ne peut pas penser que le legislateur ait entendu refuser les avantages de la loi aux propriétaires d'habitations destinées à des personnes qui ne vivent pas en ménage, et qui, par suite, n'ont pas besoin d'un logement complet,

d'un logement se suffisant i lui-même. L'art. 5 de
la loi de 1906, au contraire, porte, sans aucune res-
triction, que les avantages concédés par la loi s'ap-
pliquent aux maisons destinées à l'habitation col-
lective. lorsque la valeur locative de chaque logement
ne dépasse pas um certain chiffre, fisé pour chaque
commune dans la limite du maximum determin
par la loi. Quant à l'objection tirée par le ministre
des finances de ce que l'exemption d'impôts pow'-
rait être réclainée par des propriétaires d'hôtels, dle
pensions de famille, etc..., destinés à des personnes
peu fortunées, elle ne pouvait être retenue. En
effet, le bénéfice de la loi n'est accorde que pour
les immeubles dont la destination principale est
d'être affectés à l'habitation à bon marché (art. 5
de la loi). Il ne peut être question de l'exemp-
tion d'impôt pour un hôtel, dans lequel les voya-
geurs se sticcedent, variant sans cesse; il s'agit là
d'une entreprise commerciale, qui n'a rien de com-

mun avec une entreprise d'habitation à bon marché

Dans la seconde affaire, le Conseil d'Etat a refusé le bénéfice de l'exemption, et avec raison. En effet, l'exonération d'impots ne peut être obtenue pour ume maison collective que si les logements, dont elle se compose, sont destinés à être loues, pour leur usage personnel et privatit, i des personnes peu fortunées. Or, les pavillons de la societes requérante n'avaient nullement ce caractere. Le jeunes filles étaient admises dans l'établissement moyennant un prix de pension ylobal, comprenant le logement, la nourriture et leducation; elles ne pouvaient étre considérées comme ayant la jouissance personnelle et privative de certaines pitets de l'établissement. On se trouvait, en réalité, r'n présence d'un pensionnat, et d'une véritable entre prise commerciale pour le logement et l'entretien de jeunes filles suivant les cours d'un lycée.

(1) V. la note qui précide.

ип

CONS. D'ÉTAT 26 janvier 1912. ARMÉE, SERVICE DES ARMÉES EN CAMPAGNE,

TOUR DE SERVICE, UNITÉ DÉSIGNÉE, AUTORITÉ MILITAIRE, DÉSIGNATION D'UNE AUTRE UNITE, CHEF DE BATAILLON, RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR, FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., vis Conseil d'Etat, n. 743 et s.,

Excès de pouvoir, 1. 109 et s.; Pand. Rép., vo Conseil d'Etat, n. 963 et s., 1179 et s., 1320 et s.).

Si l'art. 106 du décret du 28 mai 1895, porlant règlement sur le service des armées

en campagne, prévoit que, pour fournir des détachements, un tour de service est établi, dans chaque corps de troupe, entre les bataillons, escadrons, compagnies, batteries, ce texte n'a eu pour objel que d'établir, dans l'intérêt du service, une règle d'ordre général, à laquelle l'autorité supérieure a competence pour apporter, dans chaque cas particulier, les dérogations que peut exiger l'exécution des opérations militaires (1) (Décr., 28 mai 1895, art. 106).

Cette disposilion n'a pas eu pour but et ne peut avoir pour effet de créer, au profit

de chacun des officiers pour lesquels son application peut présenter intérêt, un droit susceptible d'être revendiqué par une action contentieuse (2) (Id.).

En conséquence, n'est pas recevable le recours pour excès de pouvoir formé par un chef de bataillon en annulation de l'ordre par lequel l'autorité supérieure a signé dans son régiment, pour prendre part à des opérations militaires, un bataillon autre que celui qu'il commande, alors que, d'après l'art. 106 du décret du 28 mai 1895, le tour de service revenait à ce dernier (3) (Id.).

(1-2-3) La décision de cet arrêt est très raisonnable en soi, mais on se demande s'il n'y aurait pas eu avantage à la motiver autrement qu'elle ne l'est.

Voici le cas : L'art. 106 du décret du 28 mai 1895, sur le service des armées en campagne, prévoit que, pour fournir des détachements, un tour de service est établi, dans chaque corps de troupes, entre les bataillons, escadrons, compagnies, batteries. Un commandant de bataillon, non désigné pour prendre part à des opérations militaires, bien qu'étant le premier à marcher d'après le tour de service établi en vertu de cet art. 106, forme un recours pour excès de pouvoir, tendant à l'annulation de l'ordre du commandant en chef qui a désigné un autre bataillon pour se rendre sur le terrain des opérations. Quid juris? Ce recours va-t-il aboutir ?

Le bon sens indique que cela est inadmissible. Le commandant en chef d'opérations militaires doit être laissé absolument juge de l'opportunité qu'il y a à faire marcher telle unité tactique ou telle autre. Mais, cependant, il y a, en apparence tout au moins, violation de l'art. 106 du décret du 28 mai 1895, et, par conséquent, violation de la toi. Il s'agit de se débarrasser de cette question de violation de la loi. Là est la difficulté juridique.

Le procédé employé dans notre arrêt ne nous parait pas très heureusement choisi : il consiste à rejeter le recours comme non recevable. Encore, si la fin de non-recevoir avait été tirée de ce qu'on se trouve en présence d'un fait de guerre, ainsi que le suggérait le ministre dans ses observations, il n'y aurait que demi-mal. Le fait de guerre exclut le recours contentieux, au même titre que l'acte de gouvernement. Mais ce n'est pas le fait de guerre qu'invoque l'arrêt. Il se fonde sur ce que la disposition précitée du décret du 28 mai 1895 n'a pas eu pour but et ne peut avoir pour effet de créer, au profit de chacun des officiers pour qui son application peut présenter intérêt, un droit susceptible d'étre revendiqué par une action contentieuse.

En d'autres termes, le recours n'est pas recevable parce qu'il n'y a pas droit violé.

Et, assurément, il y a dix ans de cela, on eût trouvé tout naturel qu’un recours pour excés de pouvoir, fondé sur la violation de la loi, fût soumis à la condition de recevabilité du droit violé. Mais, actuellement, après l'évolution qui s'est produite, et qui a tendu à éliminer graduellement cette condition, on demeure surpris de ce soubresaut de la jurisprudence.

Faut-il rappeler, dans ses grandes lignes, l'évolution qui s'est déroulée au sujet de la violation de la loi et des droits acquis ? C'est l'histoire des dix dernières années. Avant 1903, dans l'ouverture de la violation de la loi et des droits acquis, telle que l'avait léguée la pratique jurisprudentielle, l'expression droits acquis avait été entendue d'une façon rigoureuse; il fallait que l'intérêt du réclamant fût

ANNÉE 1913. 2° cah.

tiré d'un droit acquis, qui se trouvât violé par la décision de l'Administration, en même temps qu'un texte de loi se trouvait faussement appliqué. V. Cons, d'Etat, 17 nov. 1899, d'Argent de Deur-Fontaines (S. et P. 1902.3.19); et la note de M. Hauriou (10° col.), sous Cons. d'Etat, 1er févr. 1901, Descroir (et non Deservick) (S. et P. 1901.3.41). Le Conseil d'Etat, si l'on met å part un très petit nombre de décisions isolées, d'une interprétation d'ailleurs douteuse (V. les arrêts cités dans la note de M. Hauriou, p. 114, 1re col., sous Cons. d'Etat, 11 déc. 1903, 2 arrêts, Lot et Molinier, et 18 mars 1904, Sarary, S. et P. 1904.3.113), ne tenait même pas compte des droits éventuels. En 1903, se produit une crise. Avec le réveil de l'esprit corporatif, les corps de fonctionnaires commencent à s'émouvoir des illégalités qui sont commises dans les nominations et les avancements. Des fonctionnaires, retardés dans leur avancement par des passe-droit, forment des recours fondés sur la violation de la loi, mais ils ne peuvent invoquer, en même temps, que la violation de droits éventuels, car les droits à l'avancement ne peuvent pas être considérés comme des droits acquis. Après bien des hésitations, le Conseil d'Etat admet ces recours. V. Cons. d'Etat, 11 déc. 1903 (2 arrêts), Lot et Molinier, et 18 mars 1904, Savary, précités, et la note de M. Hauriou ; 15 déc. 1905, de la Taste (S. et P. 1907.3. 143). Puis l'évolution se poursuit. Du moment que le juge s'est départi de l'exigence du droit acquis, à raison même de l'imprécision du droit éventuel, il devait bientôt être conduit à se contenter du simple intérêt, et même d'un simple intérêt moral. Dès 1906, le pas est franchi, c'est-à-dire que des recours sont admis de la part de fonctionnaires, qui, ne devant pas bénéficier personnellement de l'annulation de la mesure, n'avaient été touchés dans aucun droit, même éventuel, mais agissaient uniquement dans l'intérêt corporatif. V. Cons. d'Etat, 16 juin 1906, Alcindor et autres (4 arrêts) (S. et P. 1908.3.138; Pand. pér., 1908.3.138); 18 janv. 1907, Champion (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 41); 15 févr. 1907, Prunget (S. et P. 1909.3.72 ; Pand. pér., 1909.3.72); 22 mars 1907, Viret (Rec. des arrêts du Cons, d'Etat, p. 278); 17 mai 1907, Le Bigot (S. et P. 1909.3.125; Pand. pér., 1909. 3.125), et les conclusions de M. Teissier, commissaire du gouvernement; 13 mars 1908, Héligon et autres (S. et P. 1910.3.75; Pand. pér., 1910.3.75); 27 nov. 1908, Alcindor (S. et P. 1911.3.27; Pand. pér., 1911. 3.27); 1er juill. 1910, Perruchot (Supra, 3° part., p. 10); 29 juill. 1910, Empis (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 667); 29 juill. 1910, Association du ministère des colonies (Id., p. 668). Cf. Alcindor, Le statut des fonct. (Rev. gen. du dr., 1909, p. 244 et s., 303 et s.).

Toutefois, s'il n'y avait eu que ces affaires de passe-droit dans l'avancement des fonctionnaires, on pourrait faire l'objection suivante ; sans doute, le droit éventuel violé n'était pas toujours per

sonnel au réclamant, mais il y avait toujours, dans l'affaire, des droits éventuels violés ; les droits à l'avancement, d'une façon générale, étaient violés, et les réclamants, que ce fussent des fonctionnaires isolés, ou que ce fût l'association des fonctionnaires, avaient un intérêt corporatif à poursuivre réparation de cette violation de droits. Cela prouvait simplement qu'il n'était pas nécessaire que le droit violé fût personnel au réclamant.

Pour établir que la jurisprudence en était venue à admettre l'annulation d'une décision administrative pour violation de la loi, sans la condition du droit acquis, il faudrait montrer une hypothèse dans laquelle la disposition de loi violée ne fût relative à aucun droit. Nous avons cette hypothèse. C'est celle de l'arrêt du Conseil d'Etat, 1er juill. 1910, Empis et Association professionnelle du personnel cicil de la marine (S. et P. 1911.3.89; Pand. pér., 1911.3.89), et la note de M. Hauriou.

Il s'agit, dans cette affaire, d'une décision par laquelle le ministre du travail avait rejeté une demande, formée par un rédacteur et par l'Association professionnelle du personnel civil du ministère de la marine, en vue d'obtenir que les inspecteurs du travail fussent invités à procéder, dans les locaux dudit ministère, aux constatations prévues par les lois des 12 juin 1893 et 11 juill. 1903, sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs. Recours fut formé contre cette décision, et, si le recours fut rejeté par le Conseil d'Etat, ce ne fut pas du tout comme non recevable, mais pour des raisons tirées du fond, et parce que, les dispositions de lois précitées n'étant applicables qu'aux établissements industriels ou commerciaux, les bureaux d'un ministère ne sauraient y être soumis.

A part cela, le recours était recevable. Or, il n'y avait dans l'affaire aucun droit violé. Il pouvait y avoir violation des lois de 1893 et de 1903, mais de droit violé, on n'en voyait point, car nous n'imaginons pas que l'on veuille invoquer le prétendu droit des employés à un local salubre, qui ne serait autre que le droit à la protection de la loi, et qui, par suite, n'aurait pas de signification individuelle. Pour reprendre les expressions de notre arrêt actuel, les dispositions des lois de 1893 et de 1903 n'ont pas eu pour but et ne peuvent avoir pour effet de créer, au profit de chacun des ouvriers pour qui leur application peut présenter intérêt, un droit susceptible d'être revendiqué par une action contentieuse ». C'est l'inspecteur du travail qui, seul, est chargé de l'exécution de la loi, par sa police et par son droit de dresser contravention.

Malgré cela, encore une fois, le recours n'a point été déclaré non recevable pour défaut de droit violé.

On était en droit de tirer de cette décision Empis, du 16' juill. 1910, précitée, la conclusion que l'évolution était achevée, et que le recours pour exces

IIIo Part. 3

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(Blot).

M. Blot, chef de bataillon au 2e régiment de zouaves, en garnison à Tlemcen, a déféré au Conseil d'Etat, pour excès de pouvoir, un ordre par lequel le général haut commissaire du gouvernement de la République dans les confins algéro-marocains avait, le 18 mai 1911, désigné les unités destinées à prendre part aux opérations militaires dans la région de la Moulouya. — A l'appui de son pourvoi, M. Blot à soutenu que cet ordre avait été pris en violation du décret du 28 mai 1895, portant règlement sur le service des armées en campagne, qui prévoit, en son art. 106, in fine, qu’un tour de service est établi, dans chaque corps de troupe, entre les bataillons, escadrons, compagnies et batteries, pour fournir les détachements; que, dans le 2e régiment de zouaves, le tour revenait au 3e bataillon,

que commandait le requérant, et que, par suite, c'était à tort que le 4e bataillon avait été désigné en ses lieu et place pour partir pour

le Maroc.

Le ministre de la guerre a conclu à la non-recevabilité du recours, par le motif qu'il était dirigé contre un ordre relatif à des opérations de guerre, ordre donné par le général haut commissaire du gouvernement de la République dans la limite des pouvoirs de commandement qui lui sont impartis, et qu'il n'était pas, dès lors, susceptible, par sa nature, de faire l'objet d'un recours contentieux.

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu le décret du 28 mai 1895, portant règlement sur le service des armées en campagne;

Vu les lois des 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872; Considérant que, si l'art. 106 du décret du 28 mai 1895, portant règlement sur le service des armées en campagne, prévoit que, pour fournir des détachements, un tour de service est établi, dans chaque corps de

troupe, entre les bataillons, escadrons, de la loi du 17 juill. 1889 dispose que les
compagnies, batteries, ce texte n'a eu pères et mères de sept enfants vivants,
pour objet que d'établir, dans l'intérêt du légitimes ou reconnus, ne seront pas ins-
service, une règle d'ordre général, et que crits au rôle de la contribution person-
l'autorité supérieure, investie des droits nelle mobilière, aucun texte n'étend cette
du commandement, est seule compétente exemption aux prestations en nature; que
pour apprécier, dans chaque cas particu- le sieur Molinié, étant inscrit au rôle de la
fier, l'opportunité des dérogations que contribution foncière et remplissant les
peut exiger l'exécution des opérations mi- autres conditions fixées par l'art. 3 de la
litaires; que la disposition précitée n'a pas loi du 21 mai 1836, a été avec raison im-
eu pour but et ne peut avoir pour effet de posé aux prestations sur le rôle de la
créer, au profit de chacun des officiers, commune de Castelnau; que, dès lors,
pour qui son application peut présenter c'est à bon droit que le conseil de préfec-
intérêt, un droit susceptible d'être reven- ture a rejeté sa réclamation ;... Art. 1er.
diqué par une action contentieuse; qu'il La requête est rejetée.
suit de là que le pourvoi du sieur Blot Du 20 juill. 1910. Cons. d'Etat.
n'est

pas recevable ; - Art. ler. Le pourvoi MM. Marcel Roger, rapp.; Laurent-Atthaest rejeté.

lin, comm. du gouv.
Du 26 janv. 1912. Cons, d'Etat.
MM. Georges Cahen, rapp.; Corneille,
comm. du gouv.

CONS. D'ÉTAT 20 juillet 1910.

TRAVAUX PUBLICS, DOMMAGE AUX PERSONNES, CONS. D'ÉTAT 20 juillet 1910.

VOIRIE URBAINE, DÉVERSEMENT DES EAUX

PLUVIALES ET MÉNAGÈRES, TROTTOIRS,
CHEMIN VICINAL, PRESTATIONS EN NATURE, GARGOUILLES, PROPRIÉTAIRES RIVERAINS,

EXEMPTION, PÈRE DE SEPT ENFANTS VI- OUVRAGE PUBLIC, MAUVAIS ENTRETIEN, AC-
VANTS (Rép., yo Chemin vicinal, n. 1041

CIDENT, ACTION EN INDEMNITÉ, CONSEIL DE et s.; Pand. Rép., v° Chemins vicinaux, PRÉFECTURE, COMPÉTENCE (Rép., vo Tran. 1233 et s.).

vaux publics [Dommages résultant des], Aucun texte de loi n'ayant étendu aux

n. 142, 288; Pand. Rép., vo Travaux puprestations en nature l'exemption édictée,

blics, n. 123 et 2797). pour la contribution personnelle-mobilière, Les gargouilles qui ont pour objet de proau profil des pères et mères de sept enfants téger les trottoirs contre l'envahissement vivants, lėgilimes ou reconnus, le père de des eaux, tant pluviales que ménagères, sept enfants vivants est avec raison imposé provenant des immeubles riverains, ei aux prestations, si, d'ailleurs, il est ins- constituent, alors même qu'elles sont élacrit au rôle de la contribution foncière, et blies aux frais des propriétaires, une remplit les conditions fixées par l'art. 3 de pendance de l'ouvrage public. - Par suite, la loi du 21 mai 1836 (1) (LL. 21 mai 1836, il appartient au conseil de prefecture de art. 3; 17 juill. 1889, art. 3).

connaitre d'une action en indemnité formée (Molinie).

contre une commune, à raison de l'accident

dont un passant a été victime, et qui a été Le Conseil d'ÉTAT; Vu la loi du occasionné

par

le mauvais entretien d'une 21 mai 1836; -- Considérant que, si l'art. 3 gargouille (2) (L. 28 pluv. an 8, art. 4).

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haut commissaire du gouvernement n'était pas entaché d'excès de pouvoir...

MAURICE HATRIOU.

de pouvoir, du chef de la violation de la loi, n'exigeait plus du tout la condition du droit violé. C'était une grande simplification ; cela faisait rentrer dans le droit commun cette ouverture; elle n'exigeait plus, comme les autres, que la condition du simple intérét. En outre, le recours pour excés de pouvoir se trouvait ainsi assimilé à la voie de nullité créée contre les délibérations des conseils municipaux par les art. 63 et s. de la loi du 7 avril 1881, qui visent la violation de la loi, sans aucune condition de droit violé. Dès longtemps nous avions prévu ce rapprochement. V. la note de M. Hauriou sous Cons. d'Etat, 4 déc. 1903, Barthe (8. et P. 1901.3.137). Toutes ces simplifications étaient extrêmement désirables; nous dirions volontiers que la maxime du Conseil d'Etat doit être de simplifier, simplifier, et encore simplifier.

Est-ce que toute cette évolution si avantageuse va être mise en question ? Le Conseil d'Etat entend-il maintenant nous ramener à l'exigence du droit violé? Nous avons peine à le croire. Nous croyons plutôt que les rédacteurs de notre arrêt Blot ont voulu dire que, dans l'hypothèse, il n'y avait pas violation de la loi, parce que la disposition de l'art. 106 du décret du 28 mai 1895 était d'une telle espèce qu'elle ne pouvait pas être violée, que c'était une simple disposition indicative ou permissive, et non pas impérative pour l'Adminis

tration. Seulement, au lieu de s'arrêter à cette
distinction très simple de textes qui seraient ou
qui ne seraient pas impératifs pour l'Administration,
ils ont eu la malencontreuse idée de définir le
caractère du texte par la nature du droit qu'il
confère ou qu'il ne confère pas, et cela les a en-
trainés à l'idée de la non-recevabilité.

Cela est facilement réparable. Le tout est d'avoir
conscience de ce que l'on veut. Si le Conseil d'Etat
persiste à trouver avantageux d'avoir supprimé la
condition du droit violé dans les hypothèses de
violation de la loi, et si, cependant, il entend limiter
les annulations pour violation de la loi dans des
proportions raisonnables, il peut facilement trouver
des causes de limitation tirées du seul concept de
la violation de la loi, en distinguant plusieurs es-
peces de lois. En droit civil, on distingue bien des
dispositions de lois impératives, et des dispositions
qui sont simplement permissives. Rien n'empêche
et tout conseille de faire la même distinction en
droit administratif.

A notre avis, la vraie rédaction de notre arrêt, celle qui aurait répondu aux préoccupations légitimes du juge, aurait été celle-ci : Considérant que la disposition précitée n'a pas eu pour but et ne peut avoir pour effet d'imposer impérativement au commandement militaire une véritable obligation, et que, par suite, l'ordre émané du général

(1) Jugé dans le même sens que le père de sept enfants vivants n'est pas exempt de la taxe des prestations, encore bien qu'il soit exempt de la contribution personnelle-mobilière, s'il est inscrit au rôle de la contribution foncière, et s'il remplit les autres conditions fixées par l'art. 3 de la loi du 21 mai 1836 pour que l'impôt des prestations soit exigible. V. Cons. d'Etat, lor mai 1896, (houquet (S. et P. 1898.3.66), et la note. Mais les prestations ne seraient pas dues, si le père de sept enfants vivants n'était inscrit au rôle d'ancune contribution directe. V. Cons. d'Etat, 20 nov. 1892, Coruble (S. et P. 1891.3.93), et la note.

(2) Le Conseil d'Etat a d'abord admis que des branchenients pour la distribution d'eau, qui sont destinés à desservir des propriétaires riverains, avaient le caractère d'ouvrages privés. V. Cons. d'Etat, 4 août 1876, Ville de Paris (S. 1878.2.312.

P. chr.). Mais, dans des décisions plus récentes, il a reconnu à des ouvrages de cette nature le caractère d'ouvrages publics. V. Cous. d'Etat, 9 juin 1899, Wibau. (S. et P. 1901.3.126); 13 déc. 1901, Comp. des eaux de la banlieue de Paris (S. et P. 1904.3.117), et les notes. Dans la décision recueillie,

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ses pouvoirs;... Art. 1°r. La délibération est annulée, en tant qu'elle n'a désigné le sieur de Framond pour le conseil de revision qu'en qualité de suppléant pour le canton d'Antraigues, etc.

Du 22 juill. 1910. Cons. d'Etat. MM. Smet, rapp.; André Ripert, comm. du gouv.; Chabrol, av.

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(Ville de Calais). LE CONSEIL D'ETAT; Vu la loi du 28 pluv. an 8; — Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident éprouvé, le 28 avril 1906, à Calais, par le sieur SmithBocherel, doit être attribué au mauvais état d'une gargouille, dont la plaque de fonte, faisant corps avec la surface du trottoir, était cassée en biais, sur une longueur de Om,25; que les gargouilles ont pour objet de protéger les trottoirs contre l'envahissement des eaux, tant pluviales que ménagères, qui proviennent des immeubles riverains, et qu'elles constituent, alors même qu'elles sont établies aux frais des propriétaires, une dépendance de l'ouvrage public; que, dans ces conditions, la demande du sieur Smith-Bocherel étant fondée sur le mauvais état d'entretien dudit ouvrage, il appartenait au conseil de préfecture d'en connaître ;... Art. lr. La requête est rejetée.

Du 20 juill. 1910. Cons, d'Etat. MM. de linguy du Pouët, rapp.; Blum, comm. du gouv.; Frénoy et Mihura, av.

í 1871, aux termes duquel la commission

départementale doit assigner à chaque membre du conseil général et aux membres des autres conseils électifs le canton dans lequel ils devront siéger dans le conseil de revision, que chaque membre du conseil général est légalement appelé à faire partie du conseil de revision pour l'un des cantons du département, el qu'il n'appartient à la commission départementale que de fixer, pour chacun d'eux, le canton il siegera (1) (L. 10 août 1871, art. 82).

En conséquence, une commission déparlementale excède ses pouvoirs, en ne désignant un conseiller général que comme membre suppléant pour un canton (2) (Id.).

(De Framond). Le Conseil D'ETAT; Vu les lois des 10 août 1871, 21 mar 1905 et 24 mai 1872;

Considérant qu'aux termes de l'art. 82 de la loi du 10 août 1871, la commission départementale assigne à chaque membre du conseil général et aux membres des autres conseils électifs le canton dans lequel ils devront siéger dans le conseil de revision; qu'il résulte de ce texte que chaque membre du conseil général est légalement appelé à faire partie du conseil de revision pour l'un des cantons du département, et qu'il n'appartient à la commission départementale que de fixer, pour chacun d'eux, le canton où il siégera; que, par suite, la commission départementale de l'Ardèche, en ne désignant, par ia délibération attaquée, le sieur de Framond que comme membre suppléant, a excédé

MC

CONS. D'ÉTAT 22 juillet 1910. CONTRIBUTIONS DIRECTES, EXPERTISE, EX

PERT DE L'ADMINISTRATION, DÉSIGNATION,
DIRECTEUR DES CONTRIBUTIONS DIRECTES,
EXPERT DU RÉCLAMANT, DÉMISSION, EXPER-
TISE IRRÉGULIÈRE, FRAIS, CONSEIL DE PRÉ-
FECTURE, FAUTE DE L'ADMINISTRATION,
CONDAMNATION AUX FRAIS, IMPÔT MOBI-
LIER, COMMUNE (Rép., y" Contributions di-
rectes, n. 2061 et s., 2246 et s.; Pand. Rep.,
V" Impôts, n. 2130 et s., 2348 et s.).

Il résulte de la combinaison de l'art. 16 de la loi du 17 juill. 1895 et de l'art. 13 de la loi du 6 déc. 1897 que la disposition de la loi du 21 avril 1832, suivant laquelle, en matière de contributions directes, l'expert de l'Administration était désigné par le sous-préfet de l'arrondissement, doit être tenue pour abrogée, et que le directeur des contributions directes du département a qualité pour faire cette nomination, ce fonciionnaire représentant, devant le conseil de préfecture, l'Etat ou la commune partie au lilige (3) (LL. 21 avril 1832, art. 29; 17 juill. 1895, art. 16; 6 déc. 1897, art. 13).

CONS. D'ÉTAT 22 juillet 1910. ARMÉE, RECRUTEMENT, CONSEIL DE REVISION,

COMPOSITION, CONSEILLER GÉNÉRAL, Dési-
GNATION COMME MEMBRE SUPPLÉANT, COM-
MISSION DÉPARTEMENTALE, EXCÈS DE POU-
VOIR. (Rép., V° Recrutement, n. 557 et s.;
Pand. Rép., eod. verb., n. 77).
Il ressort de l'art. 82 de la loi du 10 août

le Conseil d'Etat a appliqué sa jurisprudence la plus récente. La solution ne peut qu'être approuvée. En effet, la gargouille, quelles que soient les conditions dans lesquelles elle est établie, n'est que l'accessoire du trottoir où elle est établie et du caniveau de la voie publique auquel elle aboutit ; elle fait partie de la voie publique, et, par suite, constitue un ouvrage public. Au surplus, on ne concevrait pas que cette bande du domaine public qu'est le trottoir se trouvât interrompue de place en place par des ouvrages privés.

(1-2) Cette solution ne saurait faire doute. L'art. 82 de la loi du 10 août 1871 (S. Lois annotées de 1871, p. 63. P. Lois, décr., etc. de 1871, p. 107) est précis. D'autre part, dans le projet de loi qui est devenu la loi du 10 août 1871, le texte portait que la commission départementale assigne aux membres du conseil général le canton pour lequel ils devront siéger dans le conseil de revision. A la suite d'un amendement présenté par M. Chevandier, on a voulu bien préciser le droit des conseillers généraux de faire partie du conseil de revision, et, à cet effet, on a substitué aux mots : « La commission départementale assigne aux membres du conseil général... » les mots : « La commission départementale assigne à chaque membre du conseil général... (S. Lois annotées de 1871, p. 70, note 140. – P. Lois, décr., etc. de 1871, p. 120, note 140). Cela montre à l'évidence que les auteurs de la loi ont voulu ainsi garantir à tous les conseillers généraux qu'ils seraient appelés à siéger au conseil de revision comme membres titulaires dans un cantou. Nous ajouterons que, dans un avis du 16 nov. 1882, le Conseil d'Etat s'était déjà prononcé dans le même sens que la décision recueillie (S. Lois annotées de 1883, p. 412.

P. Lois, décr., etc. de 1883, p. 674).

(3) L'art. 29 de la loi du 21 avril 1832 (S. 2° vol. des Lois annotées, p. 113), qui porte que l'expert de l'Administration est désigné par le sous-préfet de l'arrondissement, n'a fait que reproduire une disposition de l'arrêté du 24 flor, an 8. Or, en l'an 8, l'intervention du sous-préfet se justifiait, par le motif que ce fonctionnaire était alors l'agent actif pour l'instruction des réclamations en matière de contributions directes. Mais la loi du 21 avril 1832 a supprimé l'intervention du sous-préfet dans cette instruction : d'après son art. 29, c'est le directeur des contributions directes qui conduit l'instruction, et même il correspond directement avec le réclamant. Depuis 1832, les pouvoirs du directeur des contributions ont été renforcés par l'art. 3 de la loi du 21 juill. 1887 (S. Lois annotées de 1888, p. 393.

P. Lois, décr., etc. de 1888, p. 677), qui le charge de rectifier les cotes établies par double emploi ou par suite d'erreurs matérielles, et de faire prononcer les dégrèvements par le conseil de préfecture. Les pouvoirs du directeur des contributions directes ont été encore élargis par la loi du 6 déc. 1897 (S. et P. Lois annotées de 1898, p. 431), qui a conféré à ce fonctionnaire un droit propre de décision sur différentes réclamations (art. 13 et 14). D'autre part, l'art. 16 de la loi du 17 juill. 1895 (S. et P. Lois annotées de 1890, p. 65; Pand. per., 1896.3.47), qui a eu pour objet de modifier les formes de l'expertise, et principalement de supprimer la tierce expertise prévue par la loi du 29 déc. 1884 (S. Lois annotées de 1885, p. 747. – P. Lois, décr., etc. (le 1885, p. 12411), est ainsi concii : Toute expertise demandée par un contribuable

sa réclamation, ou ordonnée d'office par le conseil de préfecture, est faite par trois experts, à moins que les parties ne consentent qu'il y soit pro

cédé par un seul... Si l'expertise est confiée à trois experts, l'un d'eux est nommé par le conseil de préfecture, et chacune des parties est appelée å nommer son expert... L'art. 29 de la loi du 21 avril 1832 est modifié en ce qu'il a de contraire à ces dispositions ; l'art. 5 de la loi du 29 déc. 1884 est abrogé... n. Cet article se substitue évidemment au dernier paragraphe de l'art. 29 de la loi de 1832, qui attribuait au sous-préfet la nomination de l'expert de l'Administration, puisqu'il organise une expertise différente de celle prévue à ce texte, et qu'il dit que la nomination des experts appartient aux parties. Or, le sous-préfet ne peut, en aucune façon, avoir le rôle de partie dans une instance relative aux contributions directes. Au surplus, il résulte de l'exposé des motifs de la loi de 1895 qu'on a voulu faire quelque chose d'entièrement nouveaii, et abroger le dernier paragraphe de l'art. 29 de la loi de 1832. On lit dans cet exposé que l'art. 16 a eu pour objet d'introduire, dans l'expertise en matière de contributions directes,

les règles essentielles qui ont simplifié, sans leur enlever aucune garantie, les vérifications par experts motivées par les litiges de droit commun, et que le texte nouveau a été emprunté presque littéralement à la loi du 22 juill. 1889 ». V. S. et P. Lois annotées de 1896, p. 67, note 12. Ainsi, depuis la loi du 17 juill. 1895, les experts sont nommés par le conseil de préfecture et les parties.

Que faut-il entendre par cette expression a les parties » ? Il y a, bien entendu, le réclamant; mais n'est-ce point le préfet qui a seul qualité pour représenter l'Administration ? Cette opinion pourrait être soutenue, s'il s'agissait d'instances intéressant toujours l'Etat et lui seul. Mais la partie qui est en face du réclamant n'est pas nécessaire

en

1

Est irrégulière et doit être annulée fication sur les lieux, à la date fixée anté- dans une instance concernant la contri-
l'expertise à laquelle il a été procédé par rieurement, le 23 mai, et qu'il lui appar- bution mobilière, ne pouvaient être mis
deux experts seulement, l'expert du récla- tenait de désigner avant cette date un nou- à la charge de l'Etat, mais devaient être
mant ayant adressé sa démission au con- vel expert, si elle voulait être représentée supportés par la commune, par applica-
troleur des contributions directes, anté- à cette opération. Le contrôleur des con- tion de l'arrêté du 24 flor. an 8.
rieurement à la date fixée pour les opéra. tributions directes s'est rendu, le 23 mai,
tions de l'expertise (1) (L. 17 juill. 1895, dans la commune de Poncins, avec l'ex- Le Conseil d'ÉTAT; Vu l'arrêté du
art. 16).

pert désigné par le conseil de préfecture 24 flor. an 8; les lois du 21 avril 1832 et Si, aux termes de l'art. 16 de la loi du

et l'expert de l'Administration, qui avait du 17 juill. 189 En ce qui concerne la 17 juill. 1895, les frais d'expertise sont été désigné par le directeur des contribu- validité de l'expertise: - Considérant que, supportés par la partie qui succombe, et tions directes du département, et il a tenté d'après l'art. 16 de la loi du 17 juill. 1895, peuvent, à raison des circonstances de l'af- de procéder à une vérification, à laquelle toute expertise en matière de contributions faire, ètre compensés en tout ou en partie, s'est opposé le régisseur de Mme Durand. directes, demandée par un contribuable celle disposition ne fait pas obstacle à ce Le dossier a été ensuite transmis au con- ou ordonnée d'office par le conseil de préque, dans le cas les operations d'exper: seil de préfecture, avec des observations fecture, est faite par trois experts, à moins tise sont annulées par le conseil de pré- du directeur des contributions directes, que les parties ne consentent à ce qu'il y fecture, celui-ci statue immédiatement sur qui tendaient à ce que la réclamation fût soit procédé par un seul; que, si l'experl'attribution des frais qu'elles ont entrai- rejetée, et à ce que les frais d'expertise tise est confiée à trois experts, l'un d'eux nės (2) (Id.).

fussent mis à la charge de Mme Durand. est nommé par le conseil de préfecture, et Dans le cas les frais d'une expertise Par arrêté, en date du 7 févr. 1908, le con- chacune des parties est appelée à nommer qui a été annulée comme irrégulière ont été seil de préfecture a décidé qu'il avait été le sien; Considérant, d'autre part, que, exposés par la faute de l'Administration, procédé à l'expertise dans des conditions en vertu de l'art. 29 de la loi du 21 avril ils doivent être mis à sa charge (3) (Id.). irrégulières, qu'en outre, celle-ci « était 1832, c'est le directeur des contributions

Lorsqu'un arrété, rendu en matière de nulle, parce que l'expert de l'Administra- directes qui défend aux réclamations; que contribution mobilière, porte que les frais tion avait été désigné par le directeur des l'art. 13 de la loi du 6 déc, 1897 lui a cond'expertise sont mis a à la charge de l'Ad- contributions directes, et non par le sous- féré le pouvoir de prononcer, dans cerministralion », les termes de l'arrêté n'im- préfet, ainsi que le prescrit l'art. 29 de la tains cas, soit d'office, soit en cours pliquent pas que les frais doivent être sup- loi du 21 avril 1832. En conséquence, il a d'instance, le dégrèvement des cotes de portés par l'Etat, et non par la commune (4) annulé l'expertise, et il a mis les frais de contributions directes et taxes assimilées ; (Arr., 24 flor. an 8, art. 18).

l'expertise à la charge de l'Administration. qu'ainsi, ce fonctionnaire représente de

Le ministre des finances a déféré cet (Min. des finances C. Dame Durand).

vant le conseil de préfecture l'Etat ou la arrêté au Conseil d'Etat. — Il a soutenu : commune partie au litige; - Considérant Mme Durand a réclamé réduction de la en premier lieu, que le directeur des contri- qu'il résulte de la combinaison des textes contribution mobilière à laquelle elle avait butions directes avait qualité pour désigner précités que la disposition de la loi du été imposée, pour l'année 1906, sur le rôle l'expert de l'Administration; en second

21 avril 1832, suivant laquelle l'expert de de la commune de Poncins (Loire), et elle lieu, que les opérations de l'expertise l'Administration était désigné par le sousa demandé qu'il fût procédé à une exper- avaient été conduites par le contrôleur des préfet, doit être tenue pour abrogée, et tise. La date des opérations de l'expertise contributions directes, dans des conditions que le directeur des contributions directes a été fixée au 23 mai 1907. L'expert choisi régulières; en troisième lieu, qu'en a qualité pour faire cette nomination; par Mme Durand a adressé, le 15 mai, sa dé- admettant que l'expertise eût été irrégu- Mais considérant qu'il est établi par l'insmission au contrôleur des contributions lière, les frais auraient dû être réservés, truction que l'expert de la dame veuve Dadirectes; mais ce dernier a, dès le len- pour y être statué par l'arrêté à intervenir rand avait, antérieurement au 23 mai 1907, demain, avisé Mme Durand qu'il serait, sur le fond du litige; en quatrième lieu, date fixée pour l'expertise, adressé sa démalgré cette démission, procédé à la véri- qu'en tout cas, ces frais, ayant été engagés mission au contrôleur, et qu'en consé

a

ment toujours l'Etat: suivant la nature des taxes,
ce pourra être un département, une commune, ou
un établissement public. Dans l'espèce, il s'agissait
précisément d'une contribution mobilière, c'est-à-
dire d’un impôt de répartition, dont l'assiette est
sans intérêt pour le Trésor, puisque le montant
des dégrèvements est réimposé. Ici, la partie inté-
ressée, c'est la commune, qui représente la collec-
tivité des contribuables. Le préfet n'aurait plus eu
qualité pour agir dans les instances relatives à une
contribution de cette nature; c'eût été au maire de
la commune de désigner l'expert de la commune.
Une semblable solution aurait été contraire à la
pensée des auteurs de la loi de 1895, qui ont voulu
simplifier la procédure, et rendre plus rapide l'exa-
men des réclamations en matière de contributions
directes. V. S. et P. Lois annotées de 1896, loc. cit.

La solution donnée dans la décision recueillie,
et qui a été rendue par l'assemblée du Conseil d'E-
tat statuant au contentieux, ne peut donc qu'être
approuvée, en tant qu'elle reconnaît au directeur
des contributions directes le droit de désigner l'ex-
pert de l'Administration.

(1) Cette solution ne saurait faire doute. L'art. 16 de la loi du 17 juill. 1895 (S. et P. Lois annotées de 1896, p. 65; Pand. pir., 1896.3.47) ne prévoit que deux sortes d'expertises : l'expertise å laquelle il est procédé par un expert unique, lorsque les parties y consentent (V. Cons. d'Etat, 16 mars 1900, Vin. des finances, S. et P. 1902.3.65), et celle

qui est faite par trois experts. Or, les opérations
tentées par le contrôleur des contributions directes
n'avaient eu pour témoins que l'expert désigné
par le conseil de préfecture et celui de l'Adminis-
tration. Ces opérations étaient donc nulles.

(2) Il a bien été jugé que les frais d'une exper-
tise irrégulière doivent être totalisés avec ceux
d'une nouvelle expertise ordonnée par le conseil
de préfecture, et que l'ensemble de ces frais est à
la charge de la partie qui succombe sur le fond.
V. not., Cons. d'Etat, 24 juin 1898, Fournier et
(rie (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 180);
22 déc. 1899, Min. des finances C. Darde (Id.,
p. 764). Mais il a été jugé également que, dans le
cas où le conseil de préfecture annule une exper-
tise comme irrégulière par la faute de l'Adminis-
tration, et où il en ordonne une nouvelle, il peut
légalement mettre les frais de la première exper-
tise à la charge de l'Administration, et cela immé-
diatement, sans attendre le jugement sur le fond.
V. Cons. d'Etat, 3 déc. 1875, Scillon (Rec. des ar-
rêts du Cons. d'Etat, p. 956); 16 févr. 1901, Jm.
des finances C. Lanne et Pagani (Id., p. 197).

La solution donnée par l'arrêt ci-dessus, qui a été rendue par l'assemblée du Conseil d'Etat statuant au contentieux, ne peut qu'être approuvée. En effet, ce sont les frais d'une expertise ayant eu lieu régulièrement que la partie qui succombe doit supporter, et il ne serait point équitable de mettre à sa charge les frais d'une opération qui a été irré

gulière par la faute de la partie adverse. V. la note qui suit. D'autre part, lorsqu'un réclamant, par un incident de procédure, demande et obtient l'annulation d'une expertise mal engagée par l'Administration, on ne peut lui refuser le droit de demander et d'obtenir le règlement immédiat des frais afférents à cette opération.

(3) Solution sans difficulté. V. Cons. d'Etat, 19 déc. 1900, Dame de Trédern (Rec. des arrits du Cons. d'Etat, p. 169). Adde dans le même sens, au cas où, par la faute d'une des parties, l'expertise n'a pu avoir lien, Cons. d'Etat, 13 janv. 1899, Hubert et ("** (S. et P. 1901.3.63); 2 août 1901, Min. des finances (S. et P. 1901.3.98), et les notes.

(4) L'arrêté du conseil de préfecture n'avait pas décidé que les frais seraient supportés par l'Etat, mais qu'ils le seraient par l'Administration. Or, l’Administration des contributions directes n'agissait en la matière qu'en qualité de représentant de la commune intéressée au litige. On peut rapprocher de la décision rapportée un arrêt, par lequel, interprétant une décision rendue par lui antérieurement, et portant que les frais d'expertise étaient mis à la charge de l'Administration, dans une instance relative à la contribution mobiliére, le Conseil d'Etat a jugé que cette décision avait entendu mettre ces frais à la charge de la commune. V. Cons. d'Etat, 28 févr. 1902, Comm. de Lilleneure-l'Archevêque (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 158).

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