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(Princesse Louise de Belgique C. l'Etat belge et autres).

Par acte du 9 sept. 1907, Léopold II, roi des Belges, a institué, sous la dénomina

Cobourg qu'avec l'assentiment des autorités locales, assentiment qu'elle sollicita du reste et qui lui fut accordé, il paraît, à première vue, un peu étrange que cette procédure, parfaitement régulière, ait pu aboutir à donner la consécration de la loi à une fondation faite en fraude de la loi, Mais passons là-dessus.

Ce qu'il importe de remarquer, c'est qu'il n'était pas besoin, à l'occasion du présent procès, de se demander si les services que la Fondation était appelée à rendre en Belgique étaient conformes ou contraires à l'ordre public belge; la seule question posée au tribunal de Bruxelles était, en effet, la question de savoir si, en sa qualité de fondation étrangère, l'établissement de Niederfüllbach possédait en Belgique une capacité lui permettant d'être propriétaire, et, par conséquent, de recevoir et de retenir les diverses libéralités qui lui avaient été faites.

Il semble qu'ici, le tribunal de Bruxelles a confondu deux aspects qui, dans la matière si difficile du régime international des personnes civiles, devraient être toujours soigneusement distingués. Nous voulons parler de la capacité patrimoniale des personnes civiles et de leur activité professionnelle. V. Michoud, La théorie de la personnalité morale, t. 2, p. 344 et s.

La Fondation, devant les juges de Bruxelles, ne demandait pas à être autorisée à exécuter les travaux publics qui rentraient dans ses attributions; on demandait simplement, dans le présent procès, qu'il fût reconnu que cette fondation avait pu et pouvait encore être propriétaire, de telle sorte que les fonds réclamés par les héritiers de Léopold II devaient, si cette thèse était exacte, être réputés ne point faire partie de la succession, ces fonds étant compris dans le patrimoine de ladite fondation.

Cette distinction est indispensable, précisément au point de vue des intérêts d'ordre public que l'on invoque ici. S'il peut être nécessaire à l'ordre public d'un pays que l'on n'autorise pas indistinctement des fondations étrangères à exercer, sur le territoire de ce pays, leur activité professionnelle, il est, par contre, profondément indifférent à ce même ordre public que ces fondations étrangères possèdent, sur le territoire de ce pays, les droits privés qui, d'après la législation locale, peuvent appartenir aux personnes civiles de la même espèce. L'ordre public belge n'a rien à perdre ni à gagner à ce qu'un droit de propriété appartienne à une fondation belge ou à une fondation étrangère, et, par suite, le présent procès pouvait être décidé sans que l'on mît en cause les exigences de l'ordre public. C'est un défaut assez commun chez les magistrats d'invoquer l'ordre public toutes les fois qu'ils veulent se donner un prétexte d'appliquer leur propre loi. Les juges de Bruxelles auraient fait sagement d'éviter ce défaut.

Les critiques que l'on peut adresser à l'arrêt de la Cour de Bruxelles sont de nature un peu différente. Nous ne nous étonnerons pas de voir la Cour, après avoir déclaré inutile toute recherche sur l'existence, en Belgique, des fondations étrangères, procéder elle-même à cette recherche. C'est une légère inconséquence, plus probablement une simple inadvertance du rédacteur de l'arrêt. Une chose plus importante doit être indiquée; le

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tion de Fondation de Niederfüllbach, une fondation qui devait avoir son siège dans la ville de Cobourg (Allemagne). Cette fondation a été reconnue, le 17 sept. 1907, par l'Etat de Saxe-Cobourg-Gotha. Elle a

raisonnement fait en cette matière par la Cour de Bruxelles n'est sans doute pas faux, mais il n'est pas complet. La Cour s'attache à montrer que la Fondation a été très régulièrement créée dans le duché de Saxe-Cobourg par l'observation des lois dudit Etat et par l'approbation de ses autorités administratives. Cela nous prouve que la Fondation de Niederfüllbach constituait bien en Allemagne, dans le duché de Saxe-Cobourg, une personne civile. Mais, quoi que pense la Cour, cela ne suffit pas à démontrer que cette personne civile, qui existait incontestablement dans le duché de Saxe-Cobourg, devait également être considérée comme existante en Belgique. Il manque là un anneau dans la chaîne du raisonnement, un lien qu'il faudrait établir entre l'existence de la Fondation, à titre de personne civile, dans son pays d'origine, et la reconnaissance de cette existence dans le pays dont il s'agissait au procès, en Belgique.

On comprend, en effet, que la seule constatation de l'existence d'une personne civile dans un pays n'emporte pas forcément, à titre de conséquence, la reconnaissance de cette même personne dans tous les autres pays.

Ou bien, pour qu'il en soit ainsi, il faut quelque chose de plus, l'intervention d'un principe qui nous explique qu'il suffit de la naissance régulière d'une personne civile sur le territoire d'un Etat, pour que tous les autres Etats soient obligés, chez eux, de reconnaître également l'existence de cette personne. Ce principe, que la Cour de Bruxelles a négligé de mentionner, existe en effet. C'est le principe du respect dû, dans les rapports des nations entre elles, aux droits régulièrement acquis. - Si l'on veut réfléchir un instant aux nécessités juridiques que comporte le commerce international, on se persuade vite de l'obligation où se trouve chaque Etat de reconnaître, sur son territoire, les droits privés régulièrement acquis en dehors de ses frontières. A défaut de cette reconnaissance, l'individu passant d'un pays à l'autre perdrait d'un seul coup tous ses droits, et il faudrait qu'il se reconstituât, au delà des frontières de son pays, une personnalité juridique toute neuve. C'est une hypothèse qui ne peut même pas être envisagée sérieusement pendant un instant.

Or, évidemment, la personnalité civile d'une fondation est un droit acquis, lorsqu'elle a été établie en conformité des lois du lieu où cette fondation a été créée, disons en conformité des lois compétentes. Ce droit peut donc être qualifié de droit régulièrement acquis, et doit, en vertu des nécessités du commerce international, être reconnu en tout pays. V. Pillet, Princ. de dr. intern. privé, p. 206; Despagnet, Précis de dr. intern. privé, 5 éd., par de Boeck, n. 47; Audinet, Princ. élém. de dr. intern. privé, 2o éd., n. 237; Surville et Arthuys, Cours élém. de dr. intern. privé, 5" éd., n. 137; Poullet, La condition des pers. morales étrangères d'après la jurispr. belge (Journ, du dr. intern. privé, 1904, p. 820); de Visscher, note à la Rev. de dr. intern. privé et de dr. pén. intern., 1913, p. 192 et s. Comp. Cass. Turin, 21 déc. 1897 (S. et P. 1900.4.25), et les renvois de la note, § 1, n. II. De là, nous déduirons, avec la Cour de Bruxelles que l'existence régulière de la Fondation dans le duché de Saxe-Cobourg devait assurer la recon

reçu du roi des Belges, comme dotation, outre le domaine seigneurial de Niederfüllbach, en Saxe-Cobourg-Gotha 1° le 21 août 1909, des titres d'une valeur de 6 millions 250.000 fr.; 2o le 31 août 1909, des

naissance de cette existence dans l'Etat belge (V. dans le même sens, Neumeyer, La Fondation de Niederfüllbach et le dr. intern. privé [Rev. de dr. intern. privé et de dr. pén. intern., 1913, p. 15 et s.]; et nous tirerons ainsi, du principe du respect international des droits acquis, une conséquence qui, sans l'intervention de ce principe, demeure tout à fait inintelligible.

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Le système de la Cour est donc différent de celui du tribunal. Il consiste à reconnaître, en Belgique, l'existence de la personne-fondation, et l'arrêt ajoute que cette personne morale étrangère ne poursuit l'exercice d'aucun droit contraire à l'ordre public. Observons qu'elle ne réclame rien du tout, puisque la question versée au procès est simplement de savoir si cette personne a pu être propriétaire en Belgique ou si elle n'a pas pu l'être. Mais il n'en est pas moins vrai que la Cour a bien fait de mentionner cette idée que l'activité des personnes morales étrangères ne doit raisonnablement être limitée qu'autant que cette activité viendrait se heurter à quelque principe d'ordre public dans le pays où elle prétend s'exercer. On remarquera, en effet, que les lois d'ordre public ne jouent pas, en présence de droits acquis à l'étranger, tout à fait le même rôle qu'en matière de conflits de lois. Lorsqu'on tente de faire naître un droit, au mépris d'une loi d'ordre public qui se trouve, dans l'hypothèse, la loi compétente, la tentative demeure vaine, l'acte est nul et le droit ne naît pas. Au contraire, opposé aux effets d'un droit acquis à l'étranger, l'ordre public ne les arrête qu'en tant que ces effets sont en eux-mêmes inconciliables avec l'ordre public dont il s'agit. Quant à l'acte juridique dont ces effets dérivent, il demeure sauf et susceptible d'être invoqué à l'étranger, toutes les fois qu'il ne s'agit pas d'effets contrariant l'ordre public. V. Pillet, La notion de l'ordre public, p. 68 et s., et Princ. de dr. intern. privé, p. 517 et s.; Bartin, Et. de dr. intern. priv., n. 1313.

Telles sont les très intéressantes questions internationales que le jugement et l'arrêt nous ont permis de discuter.

Ajoutons quelques mots sur les questions de propriété qui ont tenu dans ces deux documents de jurisprudence une place si considérable. Malgré tout l'effort dépensé par les magistrats, malgré la patience avec laquelle ils se sont attachés à retrouver l'origine des valeurs constituant le patrimoine de la Fondation de Niederfüllbach, et à démontrer qu'en supposant même qu'elles n'appartinssent plus à cette fondation, c'est à l'Etat belge qu'elles devaient revenir, et non pas aux héritiers de Léopold II, la question demeure cependant assez obscure; c'est à cette partie de notre arrêt que s'applique la remarque faite plus haut que cet arrêt constitue un véritable répertoire de droit public.

Tout d'abord, le jugement et l'arrêt touchent à la distinction du domaine public et du domaine privé, dans un Etat à forme patrimoniale, comme était l'Etat du Congo. Il est certain que c'est dans les Etats semblables que cette distinction est la plus difficile. Elle n'est pas sans doute complètement impossible; mais, là où un souverain est maître de toutes choses, où il concentre sur sa tête tous les pouvoirs, où il n'est arrêté par

titres d'une valeur de 26 millions 430.000 fr., à charge par la Fondation d'exécuter en Belgique, avec ce fonds spécial, de vastes travaux d'embellissement et d'utilité publique; 3 le 13 déc. 1909, un certain nombre d'objets mobiliers provenant des propriétés royales de Belgique.

A la mort du roi Léopold, ces dispositions ont été attaquées à la fois par la princesse Louise, comtesse de Lonyay, fille du roi, et par l'Etat belge. L'Etat belge, à la suite d'un arrangement par lequel les administrateurs de la Fondation, MM. Pocher, Goffinet et consorts, se sont engagés, moyennant versement d'une somme de 1 million 100.000 marks, à renoncer à son profit à la propriété des valeurs comprises dans les donations des 21 et 31 août 1909, a fait pratiquer une opposition sur les biens litigieux, en alléguant que ceux-ci lui appartiennent, comine ayant une origine congolaise certaine, ayant été acquis par Léopold II en sa qualité de souverain de l'Etat indépendant du Congo, et étant passés dans le patrimoine de la Belgique avec tout l'avoir de cet Etat, en vertu de la loi du 18 oct. 1908. A la suite de cette opposition, la princesse Louise de Belgique, en sa qualité d'héritière réservataire du roi Léopold, a assigné à la fois les administrateurs de la Fondation et l'Etat belge, aux fins d'entendre dire que les valeurs en litige étaient la propriété exclusive des héritiers du roi Léopold, la Fondation de Niederfüllbach n'ayant pas d'existence en Belgique. Subsidiairement, elle a soutenu, pour le cas où les libéralités faites par le roi Léopold seraient reconnues valables, qu'elles devraient être réduites comme excédant la quotité disponible.

Le 14 nov. 1911, le tribunal civil de Bruxelles a décidé que la princesse Louise était tenue d'apporter la preuve que les valeurs par elle réclamées faisaient effectivement partie du patrimoine propre du roi Léopold, son père. Il a estimé que cette preuve n'était pas rapportée, en ce qui

aucune autorité concurrente, il est vraiment bien difficile de séparer, parmi les biens de l'Etat, ceux qui appartiennent au souverain en tant que chef d'Etat, et ceux qui appartiennent à ce même souverain en tant que particulier.

Nous voulons bien croire, avec les documents invoqués, que cette distinction n'est pas impossible; il n'en est pas moins vrai que, dans une pareille forme d'Etat, il sera loisible au souverain d'attribuer à son gré les biens dont il dispose ou au domaine privé ou au domaine public de l'Etat.

Au reste, tout soulevait l'étonnement dans cet éphémère Etat du Congo, revenu depuis à la situation qu'il aurait dû toujours avoir, celle d'une colonie belge. Etait-ce bien un Etat que l'Etat du Congo? Nous en avons souvent douté, malgré la reconnaissance solennelle dont il fit l'objet au Congrès de Berlin. Malgré qu'à Bruxelles, les services congolais fussent distincts des services de l'Etat belge, ce singulier Etat nous fournissait l'exemple d'un royaume ayant pour capitale la capitale d'un autre royaume, empruntant toute son administration aux sujets d'un Etat étranger, n'ayant pas même de sujets qui lui fussent propres, car on a peine à considérer comme régulièrement rattachées à l'Etat les tribus encore sau

concerne les valeurs comprises dans les donations des 21 et 31 août 1909. Pour les biens mobiliers compris dans la donation du 13 déc. 1909, le tribunal a reconnu qu'ils appartenaient en propre au donateur, mais il a recherché si ce dernier avait pu en disposer en faveur de la Fondation de Niederfüllbach. Le jugement, sur ce point, était ainsi concu : - Le Tribunal;

Attendu qu'il s'agit de rechercher si S. M. Léopold II a pu valablement disposer de certains biens mobiliers, dépendant de son patrimoine privé, en faveur de la Fondation de Niederfüllbach, et qu'ici se pose la question de savoir si cette fondation a une existence légale en Belgique; Attendu que, d'après une opinion, les personnes civilement créées à l'étranger doivent être soumises à la reconnaissance préalable du pouvoir national, parce qu'elles sont une création de la loi politique étrangère, et que celle-ci ne saurait exercer d'empire au delà des frontières de l'Etat dont elles émanent; - Attendu que d'autres enseignent que les personnes juridiques régulièrement formées dans leur pays d'origine existent partout de plein droit, sous les réserves que comporte l'ordre public; Attendu qu'en ce qui concerne cette restriction, il parait s'être établi, dans la doctrine, une distinction entre ce qui serait d'ordre public international et ce qui constituerait l'ordre public national; doivent être dénommées d'ordre public international les lois qui consacrent des principes que le législateur national considère comme essentiels à la conservation de la société, telle qu'il la conçoit, au point de vue moral, politique, économique, et dont la violation mettrait en péril, dans une certaine mesure, l'ordre des choses établi; ces lois sont territoriales; nul ne peut échapper à leurs prescriptions, quelle que soit sa nationalité; d'autres lois, fondées aussi sur l'utilité sociale, le sont, en quelque sorte, à un degré moindre; non pas qu'il soit permis aux nationaux d'y

vages qui peuplaient les solitudes immenses du bassin du Congo et de ses affluents. C'était une sorte de fiction d'Etat, et, au point de vue de la simplification des rapports des nations, on ne peut certes pas regretter la disparition de l'individualité juridique autrefois attribuée à ce fantôme. V. sur le régime international de l'Etat indépendant du Congo, Bonfils, Man. de dr. intern. public., 4° éd., par Fauchille, n. 166; Despagnet, Tr. de dr. intern. publ., 4° éd., par de Bock, n. 78; Bry, Tr. de dr. intern. publ., 6o éd., n. 50, p. 78, et n. 123; Pierantoni, Le traité de Berlin et l'Etat indépendant du Congo, p. 193 et s.

Dans le procès jugé à Bruxelles, la question essentielle, au point de vue de la propriété des valeurs, a été la question de preuve. Les magistrats de la Cour ont, après les magistrats du tribunal, déclaré qu'il appartenait à la demanderesse de fournir la preuve de ses allégations, c'est-à-dire de démontrer que les valeurs par elles réclamées appartenaient bien effectivement en propre à son père, le roi Léopold II. Celui qui revendique doit fournir la preuve de sa propriété (C. civ., 1315).

Ce raisonnement, en dépit de sa forme simple et nette, nous laisse quelques hésitations, car il

déroger, mais les étrangers, du moins, n'y sont pas soumis; celles-là doivent être qualifiées lois d'ordre public national (Pand. Belges, vo Statul personnel et statut réel, n. 372; Baudry-Lacantinerie et HouquesFourcade, Des pers., 3o éd., t. ler, n. 273 et S.); Attendu que c'est toujours l'ordre public national qui impose ses exigences à l'étranger; qu'ainsi le veut l'indépendance qui appartient à chaque Etat dans l'accomplissement de ses fonctions de souverain (Pillet, Princ. de dr. intern. privé, p. 395, n. 200); Attendu que la distinction établie ne signifie pas, comme semblent le croire les défendeurs Goffinet, Pochez et consorts, qu'il peut y avoir un ordre public international distinct de l'ordre public national, mais qu'elle indique simplement que certaines lois possèdent la propriété d'obliger les étrangers aussi bien que les nationaux, à la différence de celles qui ne sont obligatoires que pour les nationaux (Pillet, op. et loc. cit.); Attendu que, dans notre droit, il n'appartient pas aux particuliers de constituer, par leur seule volonté, des fondations autonomes, c'est-àdire de créer des personnes morales jouissant d'un patrimoine grevé d'une affectation spéciale et perpétuelle; c'est ce que fit remarquer M. Rogier, ministre de l'intérieur, au cours de la discussion, au Sénat, de la loi du 3 juin 1859, portant une nouvelle rédaction de la loi communale : « Les Chambres seront appelées, disait-il, à délibérer sur les actes de cette importance, et ces actes puiseront dans la législature même une force et une garantie-spéciales. On objecte que les Chambres pourront refuser l'autorisation d'une fondation. Mais c'est qu'alors les Chambres, qui sont juges suprêmes des questions d'utilité publique, auront reconnu que cette fondation ne se concilie pas avec l'intérêt public. Voilà un système qui, semble-t-il, doit satisfaire tout le monde... Pour chaque fondation spéciale, une loi spéciale » (Séance du Sénat du 21 mai

et

nous semble que la demanderesse avait pour elle une sorte de présomption de fait, dont l'effet normal eût été de renverser la charge de la preuve. Dans les Etats régulièrement organisés, l'Etat du Congo, comme la Belgique, possédait cette régularité d'organisation, tous les biens de l'Etat, mobiliers ou immobiliers, sont enregistrés; on en possède la liste, et rien ne doit être plus facile que de savoir si certains biens figurent sur cette liste ou s'ils n'y figurent pas. Lorsqu'il s'agit de valeurs qui n'étaient pas inscrites officiellement parmi les biens de l'Etat, n'a jamais allégué dans les débats que pareille mention ait été faite, il semble que la présomption dût être pour la propriété privée du souverain, et que, par conséquent, l'Etat eût dû avoir la charge de la preuve de la propriété du domaine public.

car on

Les magistrats ne l'ont pas jugé ainsi. Ils ont eu sans doute de bonnes raisons de décider en ce sens, et nous nous inclinons devant la sentence très ferme qu'ils ont émise, en regrettant seulement que, sur ce point, la solution par eux adoptée n'ait pas été motivée d'une façon plus simple et plus probante.

A. PILLET

1859); Attendu qu'il s'aperçoit que le législateur a considéré les fondations avec défaveur, et qu'il a voulu, juge suprême de l'intérêt public, se réserver le droit de les appeler à la vie; Attendu que, sous l'empire des lois qui nous régissent, le principe est donc que nul ne peut, qu'il soit Belge ou étranger, créer une personne morale belge sans l'assentiment du pouvoir législatif; mais cela veut-il dire, quelles que soient les difficultés dont le législateur entoure l'octroi de la personnification civile, que les personnes juridiques légalement établies à l'étranger ne pourront être reconnues comme telles en Belgique si elles n'y sont pas en opposition avec l'ordre public? Attendu que le tribunal ne croit pas devoir se prononcer sur le mérite de systèmes qui ont trouvé chacun des appuis dans la science et des défenseurs dans la jurisprudence, et qu'il estime pouvoir se borner à rechercher si la reconnaissance de la Fondation de Nieder füllbach ne blesserait pas les principes d'ordre public national; Attendu que, d'après la définition donnée par la commission de revision du Code civil belge, il faut faire entrer parmi les dispositions d'ordre public les lois qui forment le droit public: la Constitution, les lois politiques, les lois administratives, les lois d'impôt, ainsi que les dispositions légales qui, tout en se trouvant dans les lois civiles et ayant pour objet direct le règlement des droits et des devoirs privés des particuliers, impliquent cependant un droit ou un intérêt public, et dont l'abdication porterait préjudice à la société belge; Attendu que l'intérêt public serait directement méconnu par la reconnaissance de l'existence d'une personne morale créée à l'étranger, conformément aux prescriptions de la loi étrangère, alors que cette personnalité juridique devrait accomplir en Belgique les buts de son institution; Attendu que la fondation privée d'intérêt public est l'affectation, par un particulier, de ses biens privés à un but d'intérêt public à un double titre, d'abord parce qu'il est d'intérêt général, et ensuite parce qu'il est perpétuel; or, tout ce qui est perpétuel touche par certains côtés à l'intérêt public (de Lantsheere, Chambre des représentants, séance du 12 déc. 1906, Ann. parl., p. 186); - Attendu que ces fondations sont nécessairement confinées, quant à l'exercice de leur activité, dans les limites territoriales de la souveraineté qui leur a donné naissance, et qu'elles n'ont pas à satisfaire, en dehors de chez elles, les intérêts dont elles ont la garde (Baudry Lacantinerie et Houques-Fourcade, op. cit., t. ler, n. 310 bis; Lainé, Des pers. morales en dr. intern. privé, Journ. du dr. intern. privé, 1893, p. 282 et 309); qu'il suit de là que reconnaitre l'existence de fondations étrangères dont la fonction principale s'exercerait en Belgique serait organiser, en leur faveur, une situation privilégiée, et faciliter, au moyen des avantages d'une loi étrangère, ce que le législateur, dans un but d'ordre public, n'a pas permis qu'il fut fait directement;

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Attendu que les instructions données par le fondateur à M. Pochez, le 21 août 1909, précisent qu'une partie des revenus

de la Fondation de Niederfüllbach devront assurer l'exécution, en Belgique, d'importants travaux d'utilité publique, dans certaines conditions déterminées, d'après des plans dressés sur les ordres du fondateur et approuvés par lui seul; - Attendu que par cette destination, la Fondation de Niederfüllbach empiète sur le terrain du droit 'public et s'immisce, dans une limite restreinte peut-être, dans la sphère des intérêts dont l'Etat a la garde, par le fait qu'elle prétend diriger, dans des conditions immuablement fixées par son fondateur, l'exécution de travaux d'intérêt général qu'il appartient aux pouvoirs publics de décréter et d'exécuter comme ils l'entendent; Attendu que l'atteinte serait plus grave encore, si la personne morale avait été établie sous le couvert de la loi étrangère, en vue d'échapper aux obligations imposées par la loi belge Attendu que la jurisprudence a fait fréquemment, tant en Belgique qu'en France, application de ce principe à des sociétés commerciales constituées en apparence à l'étranger; Attendu, notamment, que la Cour de cassation de France décidé que, si « la nationalité d'une société dépend de son siège et de son principal établissement, en quelque pays que se poursuivent les opérations dont s'alimente sa spéculation, c'est à la condition que ce siège social, effectif et sérieux, n'ait pas été transporté à l'étranger d'une manière purement fictive, dans le dessein d'échapper aux règles d'ordre public édictées par la loi francaise pour la création et le fonctionnement des sociétés (Cass. fr. 22 déc. 1896, S. et P. 1897.

1.84; Pand. pér., 1897.5.29); — Attendu que le juge du fait apprécie souverainement les circonstances dont il déduit qu'une société a fictivement établi son siège à l'étranger (Cass. Belgique, 12 avril et 24 mai 1877, Pasier. belge, 1877.1.275; C. d'appel de Gand, 20 oct. 1883, Id., 1884.2.64); Attendu que les actes constitutifs de la Fondation de Niederfüllbach révèlent qu'en dehors du paiement d'une somme de 30.000 marks, attribuée annuellement à la ville de Cobourg en vue de travaux publics, toute la sphère d'action de cet organisme doit s'exercer en Belgique; c'est ainsi qu'un tiers de ses revenus sera distribué, à parts égales, entre les agnats belges de fa maison de Saxe-Cobourg et Gotha; un tiers sera employé par les administrateurs, sur la base des ordres donnés par le fondateur, et suivant les instructions édictées dans la lettre du 21 août 1909 à M. Pochez, en vue d'assurer principalement l'exécution de travaux publics en Belgique, spécialement par les conventions avec la Société des sites; enfin, un troisième tiers est destiné à l'augmentation continuelle de la Fondation, c'est-à-dire au développement de ses moyens d'action, au profit des agnats de la ligne belge de Saxe-Cobourg, et à l'exécution de travaux publics devant être effectués, en majeure partie, en Belgique (art. 6 du premier acte additionnel); - Attendu que la Fondation devait être administrée d'après les dispositions à édicter par son fondateur et qu'après son décès, l'administration en appartenait au roi des Belges,

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ou à l'agnat belge le plus âgé de la maison de Saxe-Cobourg, ou à son délégué; que le centre de l'administration de la Fondation se trouvait donc en Belgique; Attendu, dès lors, que la Fondation de Niederfüllbach n'avait pas effectivement à l'étranger son siège, c'est-à-dire le foyer de son activité normale et réelle, et que, dans ces conditions, il faut reconnaître, avec la plupart des auteurs, qu'une telle institution ne peut invoquer l'existence légale du chef de la loi étrangère (Poullet, De la situation légale en Belgique des personnes morales étrangères, p. 22, I, et les autorités citées); Par ces motifs; Condamne les défendeurs à remettre les meubles et objets compris dans la donation du 13 déc. 1909 à la demanderesse; - Condamne l'Etat belge à donner mainlevée de son opposition, en tant qu'elle porterait sur lesdits meubles et objets; Déclare la demanderesse mal fondée pour le surplus de son action, l'en déboute, etc. ».

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Appel par la princesse Louise de Belgique.

ARRÊT.

LA COUR; Au fond - Attendu que, à la date du 8 déc. 1910, assignation a été donnée à la requête de S. A. R. Mme la princesse Louise de Belgique, aux fins suivantes 1o entendre dire pour droit que les objets, titres et valeurs mentionnés dans l'exploit sont la propriété exclusive des héritières de feu S. M. Léopold II, la prétendue Fondation de Niederfüll bach étant inexistante; 2° subsidiairement, entendre dire pour droit que ces objets, titres et valeurs doivent faire retour aux héritières de feu S. M. Léopold II, les libéralités faites par celui-ci à la Fondation de Niederfüllbach portant atteinte à la réserve desdites héritières; Attendu que le premier juge a décidé avec raison que, par le contrat judiciaire qu'elle a ainsi formé, S. A. R. Mme la princesse Louise de Belgique prétend faire reconnaître un droit de propriété, qu'elle tiendrait de son auteur, sur des meubles et immeubles détenus par des tiers, et que, dès lors, elle doit prouver le droit de propriété de cet auteur, à peine de succomber dans son action; que la Cour adopte sur ce point les motifs du jugement attaqué; Attendu qu'elle adopte les motifs du même jugement, rejetant l'argument captieux d'après lequel il s'agirait, non de revendication ou d'action en réduction, mais d'une action en restitution de biens confiés à titre de dépôt ou remis à une institution inexistante ou tout au moins dépourvue de capacité; Attendu que le comte et la comtesse de Lonyay concluent... à ce qu'il soit dit que les valeurs et objets mobiliers attribués à la Fondation de Niederfüllbach, en tant qu'ils excèdent la quotité disponible, seront compris dans cette masse; Attendu qu'il est de toute évidence qu'ici aussi, une question domine le débat, celle de savoir si l'auteur des appelantes avait les biens immobiliers et mobiliers dont s'agit dans son patrimoine privé, et que la preuve de ce fait doit, éventuellement, être fournie par ceux qui prétendent appuyer sur lui leur revendi

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cation; que c'est là une preuve préalable qui leur incombe; Attendu que l'Etat belge n'a aucune preuve à rapporter; qu'il ne demande pas en ordre principal que l'opposition, par lui faite sur les objets, titres et valeurs énumérés à l'exploit d'assignation du 8 déc. 1910, soit déclarée juste et bien vérifiée et doive être respectée; qu'au contraire, c'était S. A. R. la princesse Louise de Belgique qui prétendait que l'Etat belge était sans droit aucun sur lesdits objets, titres et valeurs, demandait qu'il fût dit que l'opposition de l'Etat belge avait été formée sans titre ni droit, et concluait à ce que l'Etat fût condamné à en donner mainlevée ; - Adoptant, au surplus, sur ce point les considérations émises par le premier juge;

En ce qui concerne la Fondation de Niederfüllbach : Attendu que, dans ses conclusions, prises à l'audience du 25 nov. 1912, S. A. R. Mme la princesse Louise de Belgique a conclu à ce que les valeurs et objets mobiliers, attribués à la Fondation de Niederfüllbach, soient compris dans la masse successorale, en tant qu'ils excèdent la quotité disponible; - Attendu que, dans leurs conclusions prises à la même audience, les sieurs Pochez et consorts, administrateurs ou héritiers d'un des administrateurs de la Fondation prédite, ont conclu au non-fondement de l'appel de la princesse, par le motif que, si on pouvait admettre que les valeurs litigieuses n'appartiennent pas à l'Etat belge, elles appartiendraient à la Fondation de Niederfüllbach, sans pouvoir être sujettes à réduction;

Attendu qu'il est inutile, dans ces conditions, de se livrer à des dissertations académiques sur la question de savoir si les personnes morales étrangères ont ou n'ont pas une existence légale en dehors du pays où elles ont été créées; qu'il est superflu de noter les variations qui se sont produites à ce sujet dans la science du droit international privé, depuis plus d'un demi-siècle, et de noter que, de plus en plus, en ce qui concerne les personnes morales étrangères, les auteurs, la jurisprudence, la pratique administrative et la législation tendent vers la reconnaissance, sauf naturellement les restrictions imposées aux personnes morales du même genre par la loi locale; Attendu que, aux termes de l'art. 80, C. civ. allemand,« pour la création d'une fondation ayant la capacité juridique, il faut, outre l'acte de fondation, l'autorisation de l'Etat confédéré dans le ressort duquel la fondation doit avoir son siège, et, si la fondation ne doit pas avoir son siège dans un Etat confédéré, il faut le consentement du Conseil fédéral »; Attendu que l'acte constitutif de la Fondation de Niederfüllbach, signé par le roi Léopold II, est du 9 sept. 1907; que, le 17 sept. 1907, le ministre d'Etat ducal saxon à Cobourg a constaté l'approbation donnée à la Fondation par l'Etat; que des actes additionnels, signés par le roi Léopold II, ont reçu également l'approbation du ministre d'Etat prémentionné; - Attendu que, le 28 janv. 1911, un arrangement est intervenu entre l'Etat

belge et les administrateurs de la Fondation; que les motifs en sont indiqués : selon l'Etat, les valeurs attribuées à la Fondation proviennent du patrimoine de l'Etat indépendant du Congo et du patrimoine de la Fondation de la Couronne, et, partant, sont la propriété de la Belgique; selon les administrateurs, un examen minutieux leur a donné la conviction que la presque totalité, sinon la totalité, de ces valeurs proviennent, en effet, de ces deux patrimoines; qu'en conséquence, les administrateurs ont renoncé, au profit de l'Etat belge, à la propriété de ces valeurs;

-

Attendu que cet arrangement a été soumis par les administrateurs au ministre d'Etat ducal saxon à Cobourg, lequel l'a ratifié, à la date du 30 mars 1911; Attendu que c'est conformément à l'art. 87, C. civ. allemand et dans l'observation stricte de ses prescriptions, que s'est produite ainsi la transformation de la Fondation de Niederfüllbach, qui a été ramenée à des proportions plus modestes: l'Etat belge s'engage à lui remettre un capital de 1.100.000 marks (1.375.000 fr.) pour l'accomplissement de son œuvre dans le duché de Cobourg, tandis qu'il se déclare prêt à proposer aux Chambres législatives d'affecter une partie des fonds qui lui appartiennent à la création d'une euvre portant le nom de Léopold II et intéressant le Congo; Attendu qu'il ré

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sulte de ces considérations que rien ne justifierait une décision judiciaire déclarant non existante une personne morale étrangère qui, non seulement, ne réclame l'exercice d'aucun droit contraire à l'ordre public, mais qui n'est même plus apte à accomplir la partie de la mission qu'elle avait primitivement, et qui prêtait à certaines critiques, en ce qui concernait sa conformité à la Constitution belge;

At

tendu qu'il sera examiné ci-après si les parties appelantes ont justifié du droit de leur auteur de faire rentrer les biens dont il s'agit dans son patrimoine privé;

Quant à la situation juridique du souverain de l'Etat indépendant du Congo:

Attendu qu'il échet d'examiner la situation juridique que le souverain occupait dans l'Etat indépendant du Congo... (l'arrêt expose la doctrine d'après laquelle le roi Léopold aurait été le propriétaire de l'Etat du Congo, et continue ainsi):

Attendu que, non seulement, dans l'Etat indépendant du Congo, le souverain n'absorbait pas en sa personne les droits de l'Etat, que non seulement l'Etat ne se confondait pas avec le souverain; mais que, dès le début, une distinction tres nette fut tracée entre la personne juridique qu'était l'Etat, et celui qui était simplement son organe et son représentant; que la preuve est fournie à la fois par les décrets organiques et par les traités et les conventions internationales, ainsi qu'il sera dit ci-après; Attendu que les principes mêmes du droit public moderne démontrent l'exactitude de cette affirmation; Attendu que, avec raison, Esmein définit l'Etat « le sujet et le support de l'autorité publique, et enseigne que le fondement même du droit public consiste en ce qu'il donne à la souverai

a

:

neté, en dehors et au-dessus des personnes qui l'exercent à tel ou tel moment, un sujet ou titulaire idéal et permanent; l'Etat est ainsi une personne morale, distincte de tous les individus qui composent la nation, distincte des magistrats et des chefs aussi bien que des simples citoyens (Elem. de dr. constit., 1896, p. 1); qu'ainsi, l'Etat agit au moyen d'organes qui sont le chef de l'Etat et les autorités établies dans l'Etat; Attendu que le souverain de l'Etat indépendant du Congo n'était nullement propriétaire de cet Etat; que, sans doute, il possédait des prérogatives étendues; mais qu'à aucun moment, ces prérogatives n'ont été jusqu'à l'absorption de l'Etat; qu'il suffit, pour s'en convaincre, de se représenter la manière dont fonctionnaient les divers pouvoirs le souverain de l'Etat exerçait la puissance législative et exécutive, au moyen d'une administration qu'il avait créée; il avait déterminé le mode d'après lequel lui-même accomplissait les actes de la puissance législative et exécutive, c'est-à-dire le décret contresigné par le secrétaire d'Etat; il avait également établi des tribunaux et des Cours; mais, précisément, dans l'administration de la justice, il était dessaisi de toute puissance, et il lui était impossible de casser la moindre sentence des juges; en matière financière, enfin, l'Etat indépendant était si différent du souverain que les emprunts étaient contractés par l'Etat, comme l'atteste la loi belge du 29 avril 1887, et que, si l'Etat indépendant n'avait pu tenir ses engagements envers ses créanciers, pas la moindre mesure coercitive n'aurait pu être prise contre son chef; Attendu que les faits confirment ces considérations... (l'arrêt analyse les faits relatifs à la création par le roi Léopold de l'Association internationale africaine, devenue depuis l'Association internationale du Congo, les actes internationaux auxquels est intervenue, comme Etat, l'Association internationale, et d'où résulte sa reconnaissance par les puissances étrangères, notamment l'acte général de la Conférence internationale de Berlin; il démontre que ce statut est demeuré celui de l'Association internationale, lorsqu'elle a pris le nom d'Etat indépendant du Congo; il énu mère les divers actes, déclarations du roi, résolutions du Parlement belge, convention entre la Belgique et l'Etat indépendant, qui impliquent l'existence, comme puissance publique distincte du souverain, de l'Etat indépendant, et il conclut ainsi):

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Attendu qu'aucun doute ne pouvant subsister au sujet de la personnalité juridique de l'Etat indépendant du Congo, et du caractère autonome de cette personnalité, qui ne se confondait en aucune manière avec le souverain, une conclusion s'impose, c'est que les ressources tirées des possessions africaines, les recettes faites, les gains réalisés, étaient la propriété de l'Etat lui-même, et non de celui qui le dirigeait, et que, par conséquent, en aucune manière, une Cour de justice ne saurait confirmer la proposition d'après laquelle, « propriétaire absolu de l'Etat du Congo,... le souverain-fon

dateur l'était, à plus forte raison, de ses revenus annuels »;... (l'arrêt décide, en conséquence, que les valeurs comprises dans les donations des 21 et 31 août 1909, provenant de l'Etat indépendant du Congo, doivent revenir à l'Etat belge, en vertu du traité de cession, et il termine ainsi): · Attendu que la Cour adopte les motifs et la décision du premier juge, en ce qui concerne les objets compris dans la donation du 13 déc. 1909; que, d'ailleurs, aucune des parties n'élève à ce sujet la moindre réclamation;

- Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges; Confirme le jugement rendu par le tribunal de premiere instance de Bruxelles le 14 nov. 1911, sauf en ce qu'il déclare la Fondation de Niederfüllbach inexistante en Belgique; - Emendant sur ce seul point; Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'existence ou la non-existence de cette fondation, etc.

Du 2 avril 1913. C. d'appel de Bruxelles, Ire ch. - MM. A. Faider prés.; Jottrand, av. gén.; Delacroix, Bonnevie, A. Leclercq, Eug. Hanssens, G. Leclercq, Alex. Braun, et Sam Wiener, av.

TRIB. DE L'EMPIRE (ALLEMAGNE)
6 juillet 1910.

ABORDAGE, PLEINE MER, NAVIRES ÉTRANGERS, NATIONALITÉ DIFFÉRENTE, LOI APPLICABLE, LOI DU PAVILLon, Délai de RÉCLAMATION (Rép., v Abordage, n. 349 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 303 et s., 340 et s.).

En cas d'action ayant pour cause un abordage survenu en haute mer, entre deux navires de nationalité différente, la loi applicable est la loi du pavillon du navire fautif ou présumé tel (1) (C. civ., 3).

C'est également à cette loi qu'il faut se référer pour déterminer le délai dans lequel l'action doit être formée (2) (C. comm., 436). Sol. implic.

C'est seulement lorsque l'application de la loi du pavillon est impossible, ou lorsqu'elle entraînerait une inégalité de trai

(1 à 6) Lorsqu'un abordage se produit en haute mer, entre deux navires de nationalité différente, des difficultés s'élèvent sur le point de savoir quelle est la loi applicable à la fixation des dommages-intérêts dus au propriétaire du navire abordé, comme aussi à la détermination des formalités que doit remplir le propriétaire du navire abordé pour conserver son droit à l'indemnité.

Quand il s'agit de déterminer l'indemnité qui peut être due à raison du dommage causé par l'abordage, l'opinion la plus accréditée, bien qu'elle ne soit pas unanimement admise (V. les renvois de la note sous C. d'appel de Gênes, 10 déc. 1894, S. et P. 1896.4.9), applique la loi du pavillon du navire abordeur, c'est-à-dire la loi nationale du propriétaire de ce navire. V. Rennes, 21 déc. 1887 (S. 1888.2.25.-P. 1888.1.194), la note de M. Lyon-Caen et les renvois; C. d'appel de Gênes, 10 déc. 1894 (S. et P. 1896.4.9), la note et les renvois. Adde, la note, in fine, de M. Beauchet sous Cass. Belgique, 10 mai 1906 (S. et P. 1907. 4.17), et les renvois.

Le tribunal de l'Empire d'Allemagne, qui avait,

tement entre les parties, que, par exception | généraux n'exigent une exception à cette à cette règle, les tribunaux saisis doivent appliquer leur loi nationale, au lieu de la loi du pavillon du navire abordeur (3) (C. civ., 3).

Tel est le cas, spécialement, lorsque, l'abordage s'étant produit entre navires de nationalité différente, et dont la loi nationale édicte des règles opposées, les armateurs intéressés intentent les uns contre les autres des actions en justice (4) (Id.).

Mais, lorsque, à la suite d'un abordage en haute mer entre un navire français et un navire suédois, une seule action en justice est dirigée par l'armateur du navire suédois contre les armateurs du navire français, il n'y a pas lieu de s'écarter de la règle, et les tribunaux allemands, saisis du litige, doivent appliquer la loi française, qui est celle du navire abordeur (5) (Id.).

Par suite, l'action doit être déclarée non recevable, si elle n'a pas été introduite dans le délai d'un an à compter du jour de l'abordage, en conformité de l'art. 436, C. comm. fr. (6) (C. comm., 436).

(Gehrekens C. Evenson).

Le 27 oct. 1905, en pleine mer, le vapeur français Seine a abordé le voilier suédois Svea, qui a coulé. L'armateur du Svea ayant formé, plus d'un an après l'abordage, contre les armateurs de la Seine, une action en dommages-intérêts, ceux-ci ont opposé la prescription, telle qu'elle résulte de l'art. 436, C. comm. fr. 21 avril 1909, sur appel d'un jugement du tribunal régional, jugement du Tribunal régional supérieur de Hambourg, ainsi conçu: - Le Tribunal; A la connaissance du tribunal, les tribunaux supérieurs allemands, dans les cas d'abordage en pleine mer de navires de nationalité différente, ont presque toujours jugé d'après la loi allemande. Dans un cas semblable, « chaque juge, dit le Tribunal supérieur d'appel de Lubeck (30 janv. 1849, Brem. Entschr., t. 112, p. 8), doit, en règle générale, appli quer sa loi nationale, à moins que celle-ci ne lui impose l'obligation de recourir à une loi étrangère, ou que les principes

à un certain moment, paru incliner à appliquer la lex fori (V. Trib. de l'Empire d'Allemagne, 15 nov. 1901, Journ. du dr. intern. privé, 1902, p. 370), semble bien, dans l'arrêt ci-dessus recueilli, se rallier à l'opinion la plus généralement

soutenue.

On distingue, en général, de cette première question, celle de savoir quelle est la loi qui détermine le délai dans lequel l'action en indemnité pour dommage résultant de l'abordage doit être intentée. Certains auteurs proposent d'appliquer, dans ce cas, la loi du pavillon du navire abordé. V. les autorités citées dans la note de M. Beauchet, p. 19, 1re col., sous Cass. Belgique, 10 mai 1906, précité. Adde, Surville et Arthuys, Cours élém. du dr. intern. privé, 5o éd., n. 577, p. 789. Dans un autre système, on décide que la loi applicable est, dans tous les cas, la lex fori, sans qu'il y ait lieu de se préoccuper de la nationalité des navires, ni du lieu où s'est produit l'abordage. V. les arrêts et les autorités cités dans la note, p. 17, 3 col., de M. Beauchet sous Cass. Belgique, 10 mai 1906, précité. V. égal. en ce sens, pour

règle. Le Tribunal suprême de Prusse, le 25 oct. 1859 (Seuffert's Archiv., t. 14, p. 197) explique qu'à raison du caractère quasi délictuel de l'obligation issue de l'abordage, on ne peut rattacher par aucun lien de droit les rapports juridiques qui en résultent à la loi du lieu où habite l'abordeur ou l'abordé, d'où l'application de la lex fori. Une décision du Tribunal supérieur hanséatique se prononce aussi pour la lex fori. Si le Tribunal de l'Empire ne garde pas ce point de vue dans toute sa force, dans son jugement du 15 nov. 1901 (Journ. du dr. intern. prive, 1902, p. 370), en cas d'abordage de deux navires de nationalité différente, l'un danois, l'autre norvégien, c'est que les Codes maritimes danois et norvégien sont semblables dans leurs dispositions, en telle sorte qu'aucune des parties ne pourrait ici se plaindre de la législation appliquée. L'application du droit allemand se présente comme un moyen terme, qui se trouve légitimé par la difficulté qu'il y aurait à appliquer des lois étrangères. Le défendeur ne nie pas que, dans les procès en dommages-intérêts pour abordages, le droit français diffère sensiblement du droit suédois. A l'époque intéressante au point de vue de la prescription, c'est-à-dire au moment de l'introduction de l'instance, la solution était telle qu'en appliquant les principes énoncés dans la décision du Tribunal de l'Empire, l'application de la loi allemande était de rigueur. D'après cette loi, les réclamations faites à cette époque n'étaient point encore prescrites, c'est indiscutable. L'exception de prescription doit être jugée d'après les principes du droit allemand, et, par suite, être déclarée non recevable.

Recours par M. Gehrekens.]

ARRÊT.

LE TRIBUNAL; La jurisprudence allemande, après plusieurs hésitations, a admis ce principe qu'en cas d'abordage en haute mer, c'est, en général, la loi du pavillon fautif, ou présumé tel, qu'il faut

le cas d'abordage survenu dans un port étranger, entre navires de nationalité différente, Cass.

mai (et non mars) 1891 (S. et P. 1892.1.193); adde, Rennes, 7 janv. 1908 (Rev. de dr. intern. privé et de dr. pen. intern., 1908, p. 395). Mais V. la note de M. Lyon-Caen, sous Cass. 6 mai 1891, précité.

La Cour de cassation de Belgique, dans l'arrêt précité du 10 mai 1906, a décidé qu'il fallait appliquer à la détermination du délai dans lequel doit être intentée l'action pour abordage, la loi qui régit le fond de l'affaire. C'est également la loi qui devait, d'après elle, régir le fond de l'affaire, c'est-à-dire la loi du pavillon du navire abordeur, que le tribunal de l'Empire déclare applicable. C'est l'opinion qu'avait défendue M. Beauchet, dans la note précitée sous Cass. Belgique, 10 mai 1906, mais avec cette différence que c'est la loi du pavillon du navire abordeur qui doit être appliquée à la détermination du délai dans lequel doit être introduite l'action, sans qu'il y ait lieu de se préoccuper de la loi applicable au fond même de l'affaire.

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