Images de page
PDF
ePub

(Min. des travaux publics C. Soc. Le Touquet Syndicate limited).

LE CONSEIL D'ÉTAT;

Vu l'ordonn.

du 4 août 1731; les lois des 19-22 juill. 1791, 28 pluv. an 8, 29 flor. an 10; les décrets des 16 déc. 1811 et 10 avril 1812; - Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le chemin, sur lequel la Société Le Touquet Syndicate limited a établi une barrière, est situé sur le domaine de la Garenne de Curq, aliéné par l'Etat, en 1837, par voie d'adjudication; que, d'après l'art. 6 du cahier des charges, l'adjudicataire était tenu, pour permettre le libre accès au rivage de la mer et aux abords de la Canche, de maintenir certains chemins traversant le domaine, sauf à en rectifier le tracé, et même de supporter l'ouverture, aux frais de l'Administration, de nouvelles voies ayant la même destination; que c'est en vertu de cette clause que l'Etat, après entente avec le propriétaire du domaine, a établi, en 1851, le chemin dont s'agit, en vue de faciliter les communications avec le phare qui domine cette partie de la côte; que le chemin, construit dans ces conditions, a, comme dépendance du phare, le caractère d'un ouvrage à la mer, dont la conservation est assurée, aux termes des lois et décrets susvisés, par l'application des dispositions législatives. et réglementaires relatives à la grande voirie; que, dès lors, le ministre des travaux publics est fondé à soutenir que la société, en établissant son barrage, a commis une contravention de grande voirie et que, par suite, c'est à tort que, par l'arrêté attaqué, le conseil de préfecture l'a renvoyée des fins du procès-verbal dressé contre elle;... Art. Ier L'arrêté est annulé; - Art. 2. La Société Le Touquet Syndicate limited est condamnée à l'enlèvement de la barrière placée sur le chemin donnant accès à la pointe du Touquet, et aux frais du procès-verbal.

Du 22 juill. 1910.

Cons. d'Etat.

MM. Mazerat, rapp.; Corneille, comm. du gouv.; Raynal, av.

du décret du 16 déc. 1811, sur les routes nationales, relatif aux mesures répressives en matière de grande voirie, est applicable aux canaux, rivières navigables, ports maritimes de commerce et travaux à la mer. Il a été jugé que ces mots travaux à la mer » visaient les ouvrages maritimes, les ouvrages établis dans l'intérêt de la navigation, et que tout onvrage dépendant d'un phare avait, comme lui, le caractère d'un travail à la mer. V. Cons. d'Etat, 22 juin 1883, Rédarès (S. 1885.3.34. P. chr.). Dans l'espèce, le chemin sur lequel avait été établie une barrière constituait bien une dépendance d'un phare, puisqu'il avait été construit pour permettre les communications d'un phare avec la côte avoisinante.

(1) D'après l'art. 65 de la loi du 22 avril 1905, le fonctionnaire civil ou militaire a droit à la communication de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant son dossier..., avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire, c'est-à-dire que la communication doit être intégrale, et qu'elle doit être spéciale. Le vœu de la loi est que le fonctionnaire menacé soit à même

CONS. D'ÉTAT 29 juillet 1910. ARMÉE, OFFICIER, MISE EN NON-ACTIVITÉ, COMMUNICATION du dossier, Mise en deMEURE (ABSENCE DE) (Rép., vo Fonctionnaire public, n. 202 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 240 et s.).

Est entachée d'excès de pouvoir la décision présidentielle mettant un officier en non-activité par retrait d'emploi, alors que, cet officier ayant été appelé par le ministre de la guerre à fournir des explications sur les faits à lui reprochés, il ne lui a pas été, à ce moment, donne connaissance de toutes les pièces composant son dossier, mais seulement d'un rapport préfectoral le concernant, et que, n'ayant pas été avisé qu'une mesure disciplinaire allait être proposée contre lui, l'officier n'a pas été mis en demeure de demander communication intégrale de son dossier (1) (L. 22 avril 1905, art. 65).

(Lieutenant-colonel Jannet).

A la suite d'incidents qui s'étaient produits à Laon, au commencement de novembre 1908, le lieutenant-colonel Jannet, en garnison dans cette ville, a été convoqué au cabinet du ministre de la guerre, le 21 novembre. Le ministre de la guerre l'a reçu et lui a donné lecture d'un rapport du préfet de l'Aisne, relatant les faits qui s'étaient produits quelques jours auparavant. Cette lecture achevée, le ministre a demandé au lieutenant-colonel Jannet quelles explications il avait à présenter. Les explications ont été fournies; le ministre, après les avoir écoutées, a mis fin à l'audience. Quatre jours plus tard, le 25 nov. 1908, une décision du président de la République mettait le lieutenantcolonel Jannet en non-activité par retrait d'emploi. Cet officier s'est pourvu devant le Conseil d'Etat contre cette décision, en soutenant notamment que la mesure prise l'avait été en violation de l'art. 65 de la loi du 22 avril 1905, son dossier ne lui ayant pas été communiqué. Le ministre de la guerre a conclu au rejet du pourvoi, par le motif, en premier lieu, que le rapport du préfet de l'Aisne était la seule pièce sur

d'utiliser pour sa défense tous les éléments que son dossier peut lui fournir. Il est seul juge de l'intérêt que telle ou telle pièce, considérée par le ministre comme sans importance, peut présenter pour lui ou ses conseils, et, en admettant que ces pièces soient déjà connues de lui, il a le droit d'en prendre connaissance à nouveau, au point de vue spécial de la défense qu'il prépare. Il ne suffit point de communiquer les pièces de l'inculpation, il faut communiquer à l'intéressé l'intégralité de son dossier. Il a été ainsi jugé que n'équivalait point à la communication du dossier, exigée par la loi de 1905, la communication donnée à un préposé d'octroi du rapport du maire qui demandait sa révocation, alors même que cette pièce énonçait tous les faits reprochés au fonctionnaire, et que la révocation n'avait été prononcée que d'après ce rapport. V. Cons. d'Etat, 25 févr. 1910, Pomaret (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 151).

L'Administration n'est pas tenue de prendre l'initiative de la communication du dossier; elle n'est pas tenue d'offrir cette communication; c'est à l'intéressé qu'il appartient de la réclamer, dès qu'il est

laquelle la décision était fondée, que le requérant en avait eu communication, et qu'il avait fourni ses explications sur les faits à lui reprochés, que son dossier ne contenait, au surplus, que des notes, dont le requérant avait une parfaite connaissance. Le ministre de la guerre a exposé, en second lieu, qu'en tout cas, le lieutenantcolonel Jannet, après avoir été reçu par le ministre, devait prévoir qu'une mesure disciplinaire allait être prise à son égard, qu'il était ainsi en demeure de demander communication du dossier, qu'il lui appartenait de demander cette communication, et que, ne l'ayant pas fait, la décision attaquée était régulière.

[ocr errors]

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu les lois des 24 mai 1872 et 22 avril 1905; Considérant qu'aux termes de l'art. 65 de la loi du 22 avril 1905, « tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire, soit avant d'être retardés dans leur avancement à l'ancienneté »; Considérant que, si le ministre de la guerre a appelé le lieutenant-colonel Jannet à fournir des explications sur des faits qui lui étaient reprochés, il n'a pas donné, à ce moment, connaissance au requérant de toutes les pièces composant son dossier; que, d'autre part, il n'est pas établi que le ministre, au cours de l'entretien qu'il a eu avec le lieutenant-colonel Jannet, l'ait avisé qu'une mesure disciplinaire allait être proposée contre lui; qu'ainsi, ce dernier n'a pas été mis en demeure de demander communication de son dossier, et qu'il est fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie spéciale, à laquelle il avait droit, par application de la disposition législative susrappelée, et à demander, en conséquence, l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision attaquée;... · Art. Ier. La décision est annulée.

averti de la mesure dont il est menacé, dès qu'il se trouve en demeure de la demander. V. Cons. d'Etat. 25 juin 1909 (2 arrêts), Janvion et Sembat (S. et P. 1912.3.14; Pand. pér., 1912.3.14); 18 mars 1910, Barthélemy (S. et P. 1912.3.113; Pand. pér., 1912. 3.113), et les renvois sous ces arrêts. Mais, dans l'espèce, le ministre de la guerre, après avoir entendu les explications de l'officier, ne lui ayant pas fait connaître, ni même laissé pressentir qu'une mesure disciplinaire allait être prise à son égard, l'officier pouvait penser que, par les explications fournies, il s'était justifié des faits à lui reprochés, et qu'aucune mesure disciplinaire ne serait prise. V. anal., pour des fonctionnaires civils, Cons. d'Etat, 5 déc. 1908, Serres (S. et P. 1909.3.72; Pand. për..., 1909.3.72); 6 août 1909, Vilar (2o espèce) (S. et P. 1912.3.46; Pand. pér., 1912.3.46), et la note. V. aussi, Cons. d'Etat, 22 juill. 1910, Dussol (Supra, 2o part., p. 21), la note et les renvois. Le ministre aurait pu, d'ailleurs, en consultant notamment les états de service de l'intéressé, incliner à une mesure moins rigoureuse que la non-activité. La décision recueillie ne peut donc qu'être approuvée.

[blocks in formation]

CONS. D'ÉTAT 29 juillet 1910.

ARMÉE, OFFICIER ENVOYÉ EN DEHORS DE SA GARNISON, INSTRUCTION DES RÉSERVISTES, MILITAIRE EFFECTUANT ISOLÉMENT UN DÉPLACEMENT POUR RAISON DE SERVICE, INDEMNITÉ JOURNALIÈRE.

Un officier, détaché isolément du lieu de sa garnison ordinaire, pour être envoyé dans une ville où se trouve une fraction de son régiment, et où il doit concourir à l'instruction des réservistes, doit être regardé comme un militaire effectuant isolément un déplacement motivé par des raisons de service, et, par suite, il a droit à l'indemnité journalière pendant le déplacement qu'il a effectué (1) (Décr., 12 juin 1908).

(Godard).

LE CONSEIL D'ÉTAT ; Vu le décret du 12 juin 1908; - Considérant qu'aux termes de l'art. 1er du décret du 12 juin 1908, « le service des frais de déplacement a pour objet de pourvoir aux dépenses résultant des déplacements effectués par des militaires isolés, lorsque ces dépenses doivent être supportées par le budget de la guerre, hormis le cas où elles incombent au service des convois »; Considérant qu'il résulte de l'instruction que le lieutenant

(1) Les officiers avec troupe, qui se déplacent de leur résidence habituelle pour raison de service, ont droit à différentes indemnités, destinées à leur tenir compte des dépenses supplémentaires résultant pour eux du déplacement. 1° S'ils se déplacent avec leur troupe, ils ont droit: a) à l'indemnité due aux troupes en marche (Décr., 29 mai 1890, sur la solde, art. 14; tableau annexé 2, n. 1); b) à l'indemnité égale à l'indemnité en rassemblement n. 2, qui peut être allouée, suivant l'appréciation du commandant du corps d'armée, aux officiers se déplaçant avec leurs troupes pour exercices de tir, feux de guerre, etc. (Décr., 29 mai 1890, art. 14). Ces différentes indemnités correspondent aux dépenses supplémentaires de subsistance, les officiers étant logés, cantonnés ou campés. 2° Si un officier se déplace isolément, il a droit à l'indemnité de déplacement, réglée par le décret du 12 juin 1908. Il y a deux sortes de déplacements: le changement de résidence, lorsque l'officier ne doit pas revenir au lieu de sa résidence habituelle, ou bien lorsqu'il doit séjourner dans une autre place pendant six mois au moins; le déplacement temporaire, dans le cas contraire (Décr., 12 juin 1908, art. 2). En cas de déplacement temporaire, les indemnités qui peuvent être dues sont les suivantes (Décr., 12 juin 1908, art. 2, 6, 7, 15): indemnité kilométrique, représentant les frais de transport; indemnité fixe pour déplacement temporaire, représentant les frais de transport des bagages de la demeure de l'officier à la gare et inversement; indemnité partielle, correspondant, soit à un repas pris, soit à une nuit passée hors de la résidence; indemnité journalière normale, si le séjour hors de la résidence habituelle n'excède pas quinze jours, réduite, pour le temps au delà de quinze jours. Cette dernière indemnité est destinée à pourvoir aux dépenses de subsistance et de logement. Dans l'espèce, le requérant s'était bien rendu isolé

Godard a été envoyé dans la ville de Péronne, du 28 août au 9 sept. 1908, pour y concourir à l'instruction des réservistes de son régiment; que, dans ces circonstances, il se trouvait détaché isolément du lieu de sa garnison ordinaire, pour être envoyé dans une ville, où il devait, il est vrai, retrouver une portion de son régiment, mais dans des conditions où il ne pouvait profiter des immunités et avantages accordés aux officiers voyageant avec leurs troupes; que, dès lors, il doit être regardé comme un militaire effectuant isolément un déplacement motivé par des raisons de service, au sens de l'art. 1o du décret susvisé du 12 juin 1908; que, par suite, le lieutenant Godard est fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le ministre de la guerre lui a dénié le droit de toucher l'indemnité journalière prévue par le décret du 12 juin 1908, pendant le déplacement qu'il a effectué à Péronne, du 28 août au 9 sept. 1908; — Art. 1er. La décision est annulée.

[ocr errors][merged small][merged small]

LA

CONS. D'ÉTAT 29 juillet 1910 (2 ARRÊTS). ARMÉE, SOUS-OFFICIERS, Emplois réservés, CANTINIER, CONSIGNE, RETRAIT DE COMMISSION, COLONEL, POUVOIRS, COMMUNICATION DU DOSSIER, DÉMISSION, RÉINTÉGRATION, AUTRE EMPLOI (Rép., vo Fonction

ment du lieu de sa garnison dans la ville où il devait instruire des réservistes; mais, dans cette ville, il avait rejoint une partie de son régiment. On pouvait donc avoir quelque hésitation à le considérer comme un officier « isolé », pendant la durée de son séjour dans cette dernière ville. Le Conseil d'Etat l'a cependant admis, en s'inspirant, semble-t-il, de l'esprit du décret de 1908, qui a voulu tenir compte aux officiers des dépenses résultant de leur déplacement, et en considérant que le requérant n'avait pu jouir des avantages accordés aux officiers voyageant avec leur troupe.

(2-3-4) La loi du 21 mars 1905 (S. et P. Lois annotées de 1906, p. 3; Pand. pér., 1905.3.81) a indiqué les emplois qui seraient réservés aux anciens militaires remplissant certaines conditions; elle a institué une commission appelée à classer les candidats à ces emplois; mais elle n'a point touché au droit de nomination à ces mêmes emplois, qui continue à appartenir aux autorités désignées par les textes spéciaux. V. not., L. 21 mars 1905, art. 73. Il faut donc rechercher pour chaque emploi quelle est l'autorité qui a le droit de nomination. Pour les cantiniers, le texte qui était applicable en l'espèce était le décret sur le service intérieur des corps de troupes du 20 oct. 1892, aujourd'hui abrogé par le décret du 25 mai 1910, sur le service intérieur. D'après ce décret, il appartenait au colonel de retirer leur commission aux cantinières, commissionnées par le conseil d'administration du régiment; les cantiniers étant nommés dans les mêmes conditions que les cantinières, ce texte leur était nécessairement applicable pour le retrait de la commission. La circonstance que les cantiniers tenaient leur emploi de la loi du 21 mars 1905 ne pouvait les soustraire l'exercice du pouvoir des autorités dont ils relevaient. V. Cons. d'Etat, 15 mai 1908, Racle (S. et P. 1910.3.121;

naire public, n. 63 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 99 et s.).

La loi du 21 mars 1905, en classant parmi les emplois réservés aux sous officiers les postes de cantiniers, n'a eu ni pour but ni pour effet de modifier les conditions dans lesquelles les titulaires des cantines pourraient les exploiter, ou de porter atteinte aux règles antérieurement établies pour la délivrance ou le retrait des commissions de cantiniers (2) (L. 21 mars 1905, art. 69). - 1 et 2o espèces.

En conséquence, les cantiniers restant soumis aux dispositions des décrets sur le service intérieur, le colonel peut, sans en référer à l'autorité supérieure, consigner les cantines (3) (Id.). Id.

Et même retirer les commissions délivrées aux cantiniers par le conseil d'administration du régiment (4) (Id.). - 1re espèce.

Les sous-officiers nommés cantiniers, ne pouvant être considérés comme de simples commerçants, doivent être admis à se prévaloir des dispositions de l'art. 65 de la loi du 22 avril 1905 (5) (LL. 21 mars 1905; 22 avril 1905, art. 65). Ire espèce, et 2 espèce (sol. implic.).

[ocr errors]

En conséquence, doit être annulée la décision par laquelle le colonel a retiré à un ancien sous-officier une commission de canlinier, sans avoir, au préalable, donné à l'intéressé connaissance des pièces composant son dossier, et sans lui avoir fait connaitre qu'il pouvait en demander communication (6) (Id.). Ire espèce.

Pand. pér., 1910.3.121), la note et les renvois. — convient d'observer que le décret du 25 mai 1910, sur le service intérieur des corps de troupes, qui n'était pas applicable en l'espèce, dispose que, pour les cantiniers nommés par application de la loi du 21 mars 1905, le retrait de la commission est prononcé par le ministre, après avis d'un conseil d'enquête, composé comme celui prévu pour les sousofficiers commissionnés.

Quant au droit pour le colonel de consigner les cantines, il résultait de l'art. 215 du décret du 20 oct. 1892, sur le service intérieur pour les troupes de l'infanterie, et de l'art. 156 du décret du 20 oct. 1892, relatif à la cavalerie. Ces textes ne fixaient aucune limite de temps pour la durée de la mesure prise par le colonel. Le nouveau réglement sur le service intérieur du 25 mai 1910 fixe, comme maximum, une durée de trente jours.

(5-6) Ces solutions doivent être approuvées. Les cantiniers sont des employés de l'Etat. En effet, ils gèrent un service public, puisqu'ils doivent assurer notamment la nourriture des sous-officiers, et qu'ils accompagnent les troupes en manoeuvres ou sur les routes. Ce ne sont donc pas, bien que le contraire ait été jugé (V. C. d'appel de la Réunion, 27 juill. 1895, S. et P. 1896.2.115, et le renvoi), des commerçants ordinaires, se bornant à préter leur concours à l'Etat pour la gestion d'un service public. En effet, les cantiniers doivent fournir la nourriture aux sous-officiers suivant les tarifs fixés par le colonel. La cantine, installée dans le quartier, ne peut avoir d'autres clients que les militaires, et les cantiniers ne peuvent vendre que certaines marchandises. V. sur ce dernier point, Circ. min. de la guerre, 3 mai 1900. Au surplus, les cantiniers sont commissionnés, c'est-à-dire nommés par l'antorité militaire; ils sont soumis à la surveillance permanente des officiers du régiment; le colonel

Mais la décision par laquelle le colonel se borne à consigner une cantine constitue une mesure prise dans l'intérêt du bon ordre de la caserne, qui ne peut être assimilée à une mesure disciplinaire, comportant la communication préalable à l'intéressé des pièces de son dossier (1) (Id.). 2o espèce.

Un cantinier, qui s'est démis de ses fonc tions, n'est fondé à demander, ni sa reintégration, ni sa nomination à un autre emploi civil (2) (L. 21 mars 1905, art. 75). Id.

Ire Espèce. - (Lacoste).

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu les lois des 24 mai 1872 et 16 mars 1882; le décret du 20 oct. 1892; les lois des 21 mars 1905 et 22 avril 1905, art. 65; Considérant que la loi du 21 mars 1905, en classant parmi les emplois réservés aux sous-officiers les postes de cantiniers, n'a eu ni pour but ni pour effet de modifier les conditions dans lesquelles les titulaires des cantines pourraient les exploiter, ou de porter atteinte aux règles antérieurement établies pour la délivrance ou le retrait des commissions de cantiniers; que, notamment, les cantiniers des corps de cavalerie restent soumis aux dispositions du décret du 20 oct. 1892, sur le service intérieur de la cavalerie; qu'il résulte des dispositions de l'art. 156 de ce décret que le colonel peut consigner les établissements des cantiniers, et même retirer les commissions qui leur ont été délivrées par le conseil d'administration, sans en référer à l'autorité supérieure; Mais considérant que les cantiniers ne peuvent, à raison des conditions dans lesquelles ils sont admis à débiter des boissons et des denrées alimentaires dans les corps de troupes, des obligations et de la discipline mêmes qui leur sont imposées, être considérés comme de simples commerçants, et qu'ils doivent être admis à se prévaloir des dispositions de l'art. 65 de la loi du 22 avril 1905, établies au profit de « tous les fonctionnaires civils ou militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques; Considérant que le colonel commandant le 13e régiment de dragons, avant de prononcer le retrait de

peut consigner les cantines à la troupe, et le décret du 25 mai 1910 prévoit même une autre mesure, l'avertissement du colonel au cantinier. Enfin, les cantiniers sont exemptés de la patente (L. 15 juill. 1880, art. 17). On s'explique donc que la décision ci-dessus recueillie ait admis que les cantiniers militaires peuvent se prévaloir des dispositions de l'art. 65 de la loi du 22 avril 1905. Mais il a été jugé qu'une cantinière, nommée à titre provisoire, dans les conditions prévues par l'arrêté ministériel du 10 janv. 1879, n'est pas en droit d'exiger la garantie de la communication de son dossier. V. Cons. d'Etat, 16 déc. 1910, Dame Decorps (S. et P. 1912.3.159; Pand. pér., 1912.3.159), et la note. C'est que les particuliers, autorisés, à titre précaire et révocable, à exercer leur commerce dans l'intérieur des casernes, demeurent des commerçants ordinaires.

(1) La consigne d'une cantine est une mesure d'ordre intérieur, et non une mesure disciplinaire.

[blocks in formation]

2o Espèce.

(Balliccioni).

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu la loi du 24 mai 1872; - Vu la loi du 16 mars 1882; - Vu le décret du 20 oct. 1892; Vu la loi du 21 mars 1905; - Vu la loi du 22 avril 1905, art. 65; En ce qui concerne la décision par laquelle le colonel commandant le 32 régiment d'infanterie a consigné la cantine du sieur Balliccioni : Considérant que la loi du 21 mars 1905, en classant parmi les emplois réservés aux sous-officiers les postes de cantinier, n'a eu ni pour but, ni pour effet de modifier les conditions dans lesquelles les titulaires des cantines pourraient les exploiter; que, notamment, les cantiniers des corps d'infanterie restent soumis aux dispositions du décret du 20 oct. 1892, sur le service intérieur de l'infanterie; qu'il résulte de l'art. 215 de ce décret que le colonel peut consigner les cantines, sans en référer à l'autorité supérieure, et qu'aucun texte, antérieurement au décret du 25 mai 1910, ne limitait la durée de la consigne ainsi prononcée; que la décision, par laquelle le colonel commandant le 32 régiment d'infanterie s'est borné à consigner la cantine du requérant, constitue une mesure prise dans l'intérêt du bon ordre de la caserne, qui ne peut être assimilée à une mesure disciplinaire, au sens de l'art. 65 de la loi susvisée du 22 avril 1905, et ne comporte pas par suite la communication préalable des pièces de son dossier à celui qui en est l'objet;

Sur les conclusions du sieur Balliccioni tendant à être réintégré dans l'emploi dont il s'est démis ou appelé à un autre emploi civil:- Considérant que les anciens militaires, qui se sont démis volontairement d'un des emplois prévus aux tableaux E, F, G,

(2) Il n'y a là qu'une application pure et simple de l'art. 75 de la loi du 21 mars 1905.

(3) Cette solution ne saurait faire doute. Il ne s'agissait pas d'un simple projet d'arrêté, transmis au préfet pour obtenir son avis. Cela suffisait pour que le recours eût un objet. C'est ainsi que l'on a admis la recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre des actes administratifs, même lorsqu'ils sont soumis à approbation. V. Cons. d'Etat, 29 avril 1898, Dieuleveult (S. et P. 1900.3.42), et la note; 4 août 1905, Martin (S. et P. 1906.3.49). Au surplus, l'arrêté, ayant été publié et affiché dans la commune, avait force obligatoire (L. 5 avril 1884, art. 96). L'ampliation avait été remise à la préfecture, conformément à l'art. 95 de la loi du 5 avril 1884; peu importait, au point de vue de la preuve de cette remise, que le récépissé prévu par cet article n'eût pas été délivré, le récépissé n'excluant pas les autres modes de preuve. V. sur ce point, Cass. 11 janv. 1896 (S. et P. 1897.1.111). Adde,

sont formellement exclus, par l'art. 75 de la loi du 21 mars 1905, du droit de concourir au titre militaire pour un emploi réservé; que, quels que soient les motifs pour lesquels le sieur Balliccioni s'est démis de son emploi de cantinier au 32o régiment d'infanterie, il tombe sous le coup de cette disposition, et, par suite, il n'est fondé à demander, ni sa réintégration dans l'em-. ploi de cantinier au 32o régiment d'infanterie, ni sa nomination à un autre emploi civil;... Art. 1er. La requête est rejetée.

Du 29 juill. 1910. Čons. d'Etat. MM. de Tinguy du Pouët, rapp.; Pichat, comm. du gouv.; Tétreau, av.

CONS. D'ÉTAT 29 juillet 1910.

10 REGLEMENT DE POLICE OU MUNICIPAL, ARRÈTÉ MUNICIPAL, AMPLIATION, TRANSMISSION A LA PRÉFECTURE, RÉCÉPISSÉ (DÉfaut de), RecOURS AU CONSeil d'Etat, OBJET (DÉFAUT D') (Rép., vo Conseil d'Etat, n. 442 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1120 et s.). 2o CULTES, SONNERIES DE CLOCHES, REGLEMENT MUNICIPAL, SONNERIES CIVILES, EXCÈS DE POUVOIR (Rép., vis Cloches d'église, n. 21 et s., Règlement de police ou municipal, n. 547 et s.; Pand. Rép., vo Arrêté municipal, n. 953 et s.).

10 Lorsqu'une ampliation d'un arrêté municipal, qui a été publié et affiché dans la commune, a été remise à la préfecture, le fait que le préfet n'a pas délivré récépissé de l'arrêté n'équivaut point à son annulation, et, par suite, un recours dirigé contre cet arrêté ne peut être déclaré non recevable comme étant sans objet (3) (LL. 24 mai 1872; 5 avril 1884, art. 95).

2o Un maire excède ses pouvoirs, en autorisant l'usage des cloches de l'église communale pour les sonneries privées, baptêmes, mariages et enterrements civils, aucune disposition de loi ni de règlement ne prescrivant cet emploi des cloches de l'église, que n'autorise aucun usage local (4) (LL. 5 avril 1884; 9 déc. 1905, art. 27; Décr., 16 mars 1906, art. 51).

(Abbé Miniac, Renault et Mulot). M. Miniac, curé de Saint-Eloi-de-Fourques, et MM. Renault et Mulot ont déféré

Morgand, La loi municipale, 8o éd., t. 1o, n. 821. Enfin, le refus de récépissé par le préfet ne pouvait équivaloir à l'annulation de l'arrêté. V. Cass. 11 janv. 1896 (sol. implic.), précité. Il est vrai que le Conseil d'Etat a considéré que le fait par le préfet de renvoyer à un maire un règlement sur les sonneries de cloches, en lui enjoignant d'en supprimer certaines dispositions qu'il jugeait illégales, équivalait à un arrêté d'annulation. V. Cons. d'Etat, 19 mars 1910, Abbé Jumeaux (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 273). Mais, dans l'espèce ci-dessus, le préfet s'était borné à recevoir l'arrêté, sans faire au maire aucune communication de ce genre.

(4) Jurisprudence constante. V. Cons. d'Etat, 5 août 1908, Abbé Braux et autres (S. et P. 1909. 3.1; Pand. pér., 1909.3.1), et la note de M. Hauriou; 30 juill. 1909, Abbé Jourdan et autres (S. et P. 1912.3.39; Pand. pér., 1912.3.39); 8 juill. 1910, Abbé Bruant (S. et P. 1910.3.129; Pand. pér., 1910. 3.129), et la note de M. Hauriou.

au Conseil d'Etat un arrêté, en date du 15 août 1908, par lequel le maire de SaintEloi-de-Fourques avait prescrit l'usage des cloches de l'église pour les cérémonies et inhumations civiles, motifs pris de ce que cet arrêté était entaché d'excès de pouvoir, comme étant intervenu en violation des principes posés tant dans la loi du 5 avril 1884 que dans celle du 9 déc. 1905, et sans être appuyé sur un usage antérieur dans la Le ministre de l'intérieur et des cultes a conclu au rejet de la requête comme étant sans objet, l'arrêté attaqué ne constituant, en fait, qu'un simple projet, puisque la préfecture n'en avait pas délivré de récépissé.

commune.

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu les lois des 5 avril 1884, 9 déc. 1905, 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872; Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté attaqué a été publié et affiché dans la commune, et que si, sur l'ampliation qui en a été remise à la préfecture, le préfet de l'Eure n'a pas délivré le récépissé prévu par l'art. 95 de la loi du 5 avril 1884, ce fait n'équivaut pas à l'annulation de l'arrêté, qu'il appartenait au préfet de prononcer en vertu du pouvoir qu'il tient de l'article précité; qu'il y a lieu, en conséquence, de statuer sur le pourvoi;

Considérant qu'aux termes de l'art. 51 du règlement d'administration publique du 16 mars 1906, pris en exécution de l'art. 27 de la loi du 9 déc. 1905, les cloches des édifices servant à l'exercice public du culte peuvent être employées aux sonneries civiles, dans les cas de péril commun qui exigent un prompt secours; si elles sont placées dans un édifice appartenant à l'Etat, au département ou à la commune, ou attribué à l'association cultuelle, en vertu des art. 4, 8 et 9 de la loi du 9 déc. 1905, elles peuvent, en outre, être utilisées, dans les circonstances où cet emploi est prescrit par les dispositions des lois ou règlements, ou autorisé par les usages locaux;

[ocr errors]

Considérant qu'aucune disposition de loi ou de règlement ne prescrit l'emploi des cloches des édifices servant à l'exercice public du culte, pour les cérémonies privées, baptêmes, mariages ou enterrements civils; que, d'autre part, cet emploi n'est autorisé par aucun usage local; qu'ainsi, les requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l'arrêté du maire de Saint-Eloi-de-Fourques, autorisant l'usage des cloches de l'église pour les sonnerics privées, baptêmes, mariages et enterrements civils, sont entachées d'excès de pouvoir;... Art. 1er. Les dispositions de l'arrêté susvisé, autorisant les sonneries civiles pour les baptêmes, mariages, enterrements et cérémonies privées, sont annulées.

Du 29 juill. 1910. Cons. d'Etat. MM. Imbart de la Tour, rapp.; Pichat, comm. du gouv.; Legendre, av.

CONS. D'ÉTAT 29 juillet 1910. 1o ET 3o CONSEIL D'ÉTAT, ARRÈTÉ PRÉFEC(1-2-3) V. les conclusions de M. Blum, com

TORAL, CONCESSION D'EAU, TARIF, COMMUNE, INTERVENTION, CANAL DE MARSEILLE, TAXES, TAXES ASSIMILÉES AUX CONTRIBUTIONS DIRECTES, TARIF DES CONCESSIONS, RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR, FIN DE NON-RECEVOIR, RECOURS PARALLELE (Rép., vo Commune, n. 1271 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 4203 et s.).

2o CANAL, CANAL DE MARSEILLE, MARSEILLE (VILLE DE), TAXES, TAXES ASSIMILÉES AUX CONTRIBUTIONS DIRECTES, TARIF DES CONCESSIONS, LÉGALITÉ, CONSEIL DE PRÉFECTURE, COMPÉTENCE (Rép., v° Canal, n. 789 et s.; Pand. Rép., vo Canaux, n. 901). 1o Une commune est recevable à intervenir dans une instance tendant à l'annulation d'un arrêté préfectoral, relatif au tarif des concessions d'eau dans ladite commune (1) (Décr., 22 juill. 1806; L. 24 mai 1872, art. 9).

2° Les droits à percevoir pour l'usage des eaux des canaux que les villes de Marseille et d'Aix ont été autorisées, par la loi du 4 juill. 1838, à ouvrir à leurs frais, en vue de subvenir aux nécessités de la salubrité publique et de l'agriculture, rentrant dans la catégorie des taxes prévues par les lois des 14 flor. an 11 et 23 juin 1857 (art. 25), et devant être recouvrés dans les mêmes formes que les contributions directes, c'est au conseil de préfecture qu'il appartient de statuer sur les contestations relatives à la perception desdites taxes, et de reconnaître, à cette occasion, si elles ont été légalement établies (2) (LL. 14 flor. an 11; 4 juill. 1838; 23 juin 1857, art. 25).

30 En conséquence, l'arrêté, par lequel le préfet a fixé le tarif des concessions d'eau, n'est pas susceptible d'être déféré directement au Conseil d'Etat, par la voie du recours pour excès de pouvoir (3) (LL. 7-14 oct. 1790; 14 flor. an 11; 4 juill. 1838; 23 juin 1857, art. 25; 24 mai 1872, art. 9).

(Caire et autres).

M. Blum, commissaire du gouvernement, a présenté dans cette affaire les conclusions suivantes :

"

L'acte que les sieurs Caire et autres vous déferent pour excès de pouvoir est un arrêté du 17 juill. 1905, par lequel le préfet des Bouches-duRhône a autorisé la prorogation, pour l'année 1905, des règlements et tarif du canal de Marseille. La ville de Marseille a été autorisée à ouvrir ce canal, dérivé de la Durance, par une loi du 4 juill. 1838, et, aux termes de l'art. 3 de cette loi, c'est un règlement d'administration publique qui devait déterminer le tarif, d'après lequel les villes de Marseille et d'Aix pourraient procéder aux concessions partielles des eaux dérivées ». Or, il n'est jamais intervenu de réglement d'administration publique déterminant ce tarif. Il n'y a jamais eu qu'une délibération du conseil municipal de Marseille, approuvée par un arrêté préfectoral du 21 févr. 1853, et qui fixait le taux des redevances, pour une période de 50 ans, jusqu'au 21 févr. 1903. A l'expiration de cette période de 50 ans, la ville de Marseille a voulu élaborer un nouveau règlement dans la même forme (délibération du conseil municipal approuvée par un arrêté du préfet). Mais elle s'est heurtée alors aux protestations d'un certain nombre d'usiniers, parmi lesquels les

missaire du gouvernement, ci-dessus rapportées.

requérants, qui l'ont rappelée à l'observation de l'art. 3 de la loi de 1838, et ont soutenu qu'un règlement d'administration publique était nécessaire; leur protestation était fondée sur un texte si clair, si impératif, qu'il a bien fallu en tenir compte. Il a donc été procédé à la préparation de ce règlement d'administration publique. Mais, en attendant que ce règlement fût publié, la ville ne pouvait cependant concéder gratuitement les eaux dérivées... Elle s'avisa de demander au préfet, à titre provisoire et transitoire, la prorogation, d'année en année, du tarif de 1853. C'est un de ces arrêtés annuels, le second, car le préfet en avait déjà pris un semblable pour l'année 1904, qui vous est déféré aujourd'hui pour excès de pouvoir. Cet excès de pouvoir est manifeste. Le préfet, en approuvant, en fixant le taux des redevances, a usurpé un pouvoir qui, d'après un texte absolument catégorique, l'art. 3 de la loi du 4 juill. 1838, appartenait seulement au Président de la République sur le rapport d'un ministre, et le Conseil d'Etat entendu. Il n'y a pas de doute possible sur l'excès de pouvoir commis par le préfet des Bouches-du-Rhône.

Mais s'ensuit-il que vous puissiez saisir cet excès de pouvoir? Les sieurs Caire et autres sontils recevables à vous le déférer? Depuis longtemps votre jurisprudence a abandonné la théorie dite de l'excès de pouvoir flagrant. Elle ne se fonde plus sur la gravité de l'usurpation commise par l'autorité administrative dont l'acte lui est soumis, mais sur la nature même de cet acte. Or, l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône a pour objet unique d'autoriser la perception des redevances pour 1905, suivant le tarif fixé par la délibération de 1853. La prétention de cet acte est de servir de base légale à la perception de droits... Cela étant, de deux choses l'une, ou bien le contentieux de ces droits, de ces taxes, appartient à l'autorité judiciaire; ou bien il appartient au conseil de préfecture, et, dans un cas, comme dans l'autre, vous devez déclarer la requête des sieurs Caire et autres irrecevable.

[ocr errors]

Si c'est l'autorité judiciaire qui est compétente pour statuer sur le fond, pour accueillir une opposition à la perception de la taxe, ou une demande en restitution de la taxe, nous nous trouvons en présence d'une jurisprudence tout à fait constante. La compétence de l'autorité judiciaire s'étend nécessairement à tous les actes administratifs qui ont concouru à l'établissement de la taxe, ou qui sont relatifs au mode de perception de la taxe. V. Trib. des conflits, 30 avril 1898, Lombard (S. et P. 1900. 3.47), et la note. V. aussi, Cons. d'Etat, 21 juin 1907, Mauger (S. et P. 1909.3.139; Pand. pér., 1909.3.139), et les renvois. C'est une compétence entière et une compétence exclusive. En admettant donc, par hypothèse, que les redevances perçues par la ville de Marseille pour concessions partielles des eaux dérivées fussent du ressort de l'autorité judiciaire, il n'y a pas de doute que l'autorité administrative se trouve radicalement incompétente pour examiner la légalité des actes administratifs qui ont établi ces redevances ou qui en ont déterminé le taux. Le juge d'une taxe est juge de la légalité de cette taxe, et, par suite, de la légalité des actes qui sont exhibés, comme titre et base de la perception.

[ocr errors][merged small]
[ocr errors]

bien à la réalité juridique... Il ne s'agit pas, en effet, dans cette espèce, d'une vente d'eau à des consommateurs urbains. Le rapport juridique établi entre la ville et les particuliers n'est pas celui qui se crée entre un concessionnaire du service des eaux, ou une ville exploitant elle-même sa distribution d'eaux, et les propriétaires d'immeubles bâtis... Ce qui a été autorisé, en effet, par la loi de 1838, ce n'est pas un service de distribution d'eau à Marseille, c'est l'ouverture, entre la Durance et Marseille, d'un canal, d'un véritable canal d'irrigation, destiné, comme le dit l'exposé des motifs, à amener sur les territoires des villes de Marseille et d'Aix les eaux nécessaires aux besoins de la salubrité publique et de l'agriculture. Les eaux dérivées servent, non seulement à l'irrigation, mais même à fournir de la force motrice aux usiniers établis sur les bords du canal, et tel est précisément le cas des requérants. Ce n'est donc pas comme. gérante d'un service de distribution d'eau, auquel cas la compétence serait, bien entendu, judiciaire, mais comme concessionnaire d'un canal d'irrigation, que la ville de Marseille perçoit des redevances. En dépit de l'expression de «< tarif employée par la loi de 1838, nous nous trouvons donc, en réalité, dans le cas prévu par l'art. 25 de la loi du 23 juin 1857 (S. Lois annotées de 1857, p. 45. P. Lois, décr., etc. de 1857, p. 74), aux termes duquel les taxes perçues au profit des concessionnaires des canaux d'irrigation sont recouvrées, tout comme les taxes de curage, dans la forme des contributions directes. L'état de droit coïncide ainsi avec l'état de fait, et c'est au conseil de préfecture qu'appartient le contentieux des taxes. V. Cons. d'Etat, 21 juin 1907, Mauger (sol. implic.), précité, et les renvois.

[ocr errors]

Mais alors, à la requête pour excès de pouvoir portée directement devant vous contre l'acte qui autorise la perception des taxes et en fixe le quantum, s'oppose la fin de non-recevoir tirée du recours parallèle. Et c'est bien, en somme, par une nouvelle déclaration d'incompétence que vous êtes conduits à répondre au pourvoi. Opposer le recours devant le conseil de préfecture, cela revient, en effet, à vous déclarer incompétents, non plus, cette fois, parce que la matière échappe à la juridiction administrative, mais parce que cette matière administrative ressortit, en première instance, à la compétence exclusive du conseil de préfecture... Seul compétent pour statuer immédiatement sur une demande en décharge de la taxe (V. comme application, Cons. d'Etat, 10 janv. 1896, Duboys d'Angers, S. et P. 1898.3.14; 28 mars 1896, Limare, S. et P. 1898.3.61; 6 avril 1908, Comm. de Maillat, sol. implic., S. et P. 1910.3.95; Pand. pér., 1910.3.95, et les notes), le conseil de préfecture l'est aussi, par une sorte d'extension nécessaire, pour apprécier la légalité des actes qui ont concouru à l'établissement ou à la perception de la taxe. Statuer directement, isolément, sur la légalité de ces actes, ce serait empiéter sur les attributions qui sont départies au conseil de préfecture par une suite de textes formels.

[ocr errors]

Vous admettez que ce sectionnement a sa valeur juridique propre, qu'il est autre chose qu'un élément du débat qui serait porté ultérieurement devant le conseil de préfecture... Nous ne croyons pas que vous opposeriez encore le recours parallèle à la demande d'annulation d'un acte dont l'effet serait l'inscription au budget communal ou départemental d'une dépense illégale, sous prétexte que le contribuable pourrait faire déclarer cette illégalité, en demandant décharge, devant le conseil de préfecture, de sa part correspondante d'impôts. Pour apprécier, comme disait M. Laferrière (Tr. de la jurid. admin., et des recours content., 2° éd., t. 2, p. 475) « si la question de légalité d'un acte administratif peut être détachée du contentieux plus général auquel elle se rattache votre jurisprudence, dans son ensemble, s'est constamment élargie... Mais il semble pourtant qu'il y ait une excep

tion cette extension générale de votre jurisprudence, et c'est précisément dans le cas qui vous occupe, c'est lorsqu'il s'agit des actes ou des actions relatifs au mode d'établissement ou de perception de l'impôt. A cet égard, nous vous citerons les décisions si importantes que vous avez rendues tout récemment. V. Cons. d'Etat, 11 févr. 1910, Comp. parisienne de l'air comprimé (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 109); 25 avril 1910, Dazy (Id., p. 346). — Sans doute, dans ces deux affaires, l'autorité compétente sur le fond était l'autorité judiciaire. Sans doute, il s'agissait d'actions en responsabilité, fondées sur une faute administrative, et non pas, comme aujourd'hui, d'actions en annulation fondées sur une illégalité. Mais, en dépit des différences apparentes, le point de vue, à notre avis, est bien le même. La question qui se posait est celle qui se pose nécessairement en cas de recours, c'est-à-dire celle de savoir si vous consentirez à opérer des distractions, des disjonctions dans cet ensemble que constitue le contentieux d'une taxe; si vous consentirez à isoler de cet ensemble certains actes ou certains faits qui, pris en eux-mêmes, pourraient faire l'objet de recours spéciaux devant un juge autre que le juge du fond. L'effet des décisions que nous venons de vous citer nous paraît avoir été de resserrer le lien, bien loin de le relâcher. Il nous paraît donc acquis qu'en cette matière, -en ce qui concerne les actions qui peuvent être considérées comme accessoires au mode de perception des taxes, votre tendance n'est pas de détacher, de dissocier, mais de laisser au contraire au juge du débat central toute l'étendue de sa compétence. D'ailleurs, dans l'espèce, nous reconnaissons que l'effort nécessaire pour isoler l'acte entrepris pour excès de pouvoir serait particulièrement marqué, puisqu'il s'agit de l'acte même qui erée le tarif et qui sert de titre à la perception, de l'acte sur l'illégalité duquel seraient nécessairement et essentiellement fondées toutes demandes en décharge... Quelque intérêt qu'il puisse y avoir et

---

il est très important, à notre avis d'obtenir la mise à néant directe, entière, et avec la solennité particulière d'une annulation prononcée par le Conseil d'Etat, d'un acte tel que celui qui vous est d'un acte qui fixe le montant de taxes

et en autorise la perception, au moyen d'une usurpation flagrante de pouvoir, nous ne croyons

donc pas qu'en l'état de votre jurisprudence, vous puissiez accueillir le pourvoi des sieurs Caire et autres. C'est devant le conseil de préfecture, et sous la forme d'une demande en décharge, que leur action devait être portée.

déféré, Nous savons bien qu'aujourd'hui cette théorie, et la jurisprudence qui y correspond, ne se trouvent plus complètement exactes. Il est certain que la compétence exclusive sur le fond d'un droit doit entrainer également compétence exclusive sur tous les litiges qui se rattachent au fond par un lien de connexion nécessaire. Mais c'est pour apprécier cette connexion que votre jurisprudence ne montre plus la même rigueur. Vous n'admettez plus, par exemple, qu'un sectionnement électoral se rattache, par un lien de dépendance nécessaire, aux opérations faites d'après ce sectionnement

[ocr errors]

:

Nous concluons par suite à ce que l'intervention de la ville de Marseille qui s'est produite au cours du débat, et qui correspond à un intérêt évident, soit admise; au rejet de la requête; à ce

que les frais de timbre exposés par la ville de Marseille soient mis à la charge des sieurs Caire et autres ».

[ocr errors]

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu les lois des 4 juill. 1838; 23 juin 1857; 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872, art. 9; Considérant que la ville de Marseille a, au maintien de l'arrêté attaqué, un intérêt de nature à rendre son intervention recevable;

Considérant que les sieurs Caire et autres soutiennent que le tarif des concessions d'eau, dans la ville de Marseille, tel qu'il a été fixé, pour une durée d'un an, par l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône, en date du 17 juill. 1905, ne pouvait être établi que par un règlement d'administration publique, et qu'ils demandent, en conséquence, l'annulation de cet arrêté comme entaché d'excès de pouvoir; Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi du 4 juill. 1838 que les canaux, que les villes de Marseille et d'Aix obtenaient l'autorisation d'ouvrir à leurs frais, étaient destinés à amener sur les territoires de ces villes les eaux nécessaires aux besoins de la salubrité publique et de l'agriculture; que les droits à percevoir pour l'usage de ces eaux rentrent donc, ainsi que l'indique, d'ailleurs, le règlement préfectoral du 21 févr. 1853, dans la catégorie des taxes prévues par les lois des 14 flor. an 11 et 23 juin 1857 (art. 25), et qu'elles doivent être recouvrées dans les mêmes formes que les contributions directes; que, par application de ces lois, c'est au conseil de préfecture qu'il appartient de statuer sur les contestations relatives à la perception desdites taxes, et de reconnaître, à cette occasion, si elles ont été légalement établies; que, dès lors, l'arrêté susvisé du préfet n'est pas susceptible d'être déféré directement au Conseil d'Etat par la voie du recours pour excès de pouvoir;... - Art. Ier. L'intervention de la ville est admise. Art. 2. La requête des sieurs Caire et autres est rejetée. Du 29 juill. 1910. Cons. d'Etat. MM. Fuzier, rapp.; Blum, comm, du gouv.; Dedé et Bressolles, av.

CONS. D'ÉTAT 29 juillet 1910.

CONSEIL MUNICIPAL, DÉLIBÉRATION, NULLITE DE DROIT, DISTRIBUTION D'ÉNERGIE ELECTRIQUE, SERVICE MUNICIPAL, CANALISATION ET APPAREILS ÉLECTRIQUES, INTÉRIEUR DES HABITATIONS, INSTALLATION GRATUITE, ATTRIBUTIONS DE L'AUTORITÉ MUNICIPALE, IMMIXTION, MAUVAISE GESTION FINANCIÈRE, ENTREPRENEUR UNIQUE, LIBERTÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE (Rép., vo Commune, n. 263 et s.; Pand. Rép., v13 Arrêté municipal, n. 68 et s., Commune, n. 1288, 2066 et s., Excès de pouvoir, n. 270 et s.).

N'est point étrangère aux attributions du conseil municipal, et, par suite, ne saurait être déclarée nulle de droit, une délibération, qui a pour objet, non de réglementer l'installation des canalisations et des appareils électriques à l'intérieur des habitations, mais seulement de mettre à la disposition gratuite des particuliers qui en feraient

« PrécédentContinuer »