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CONS. D'ÉTAT 13 janvier 1911. CULTES, CLOCHes (sonneries de), Sonneries CIVILES, ARRÊTE MUNICIPAL, ATTEINTE AU LIBRE EXERCICE DU CULTE (Rép., vis Cloches d'église, n. 26 et s., Culte, n. 228 et s., Règlement de police ou municipal, n. 236 et s., 498 et s., 549 et s., 1521 et s.; Pand. Rép., v Arrêté municipal, n. 312 et s., 953 et s.).

Un maire excède ses pouvoirs, en prescrivant, chaque jour, le matin, à midi et le soir, l'exécution de trois sonneries civiles. alors que son arrêté apporte un obstacle aux sonneries religieuses habituellement exécutées aux mêmes heures, qu'il n'est justifié d'aucun usage local prévoyant des sonneries civiles à ces heures, et qu'aucun motif, tiré de la nécessité de maintenir Fordre et la tranquillité publique, ne pouvait être invoqué par le maire (1) (LL. 5 avril 1884; 9 déc. 1905, art. 27; Décr., 16 mars 1906, art. 51; L. 2 janv. 1907, art. 5).

(Abbé Bazergues).

Le maire de la commune de Ligardès (Gers) a pris un arrêté, prescrivant l'exécution quotidienne de trois sonneries civiles, le matin, à midi et le soir, et il a chargé un sonneur civil de procéder à ces sonneries. L'abbé Bazergues, ministre du culte catholique, exerçant son ministère dans la commune de Ligardės, a dé-féré cet arrêté au Conseil d'Etat. I a exposé que cet arrêté portait un obstacle aux sonneries religieuses; qu'en effet, les sonneries ordinairement exécutées dans la commune, le matin, à midi et le soir, étaient les sonneries essentiellement religieuses de l'Angelus. Le requérant a soutenu, en outre, que les sonneries prescrites par le maire ne rentraient dans aucun des cas où des sonneries civiles sont autorisées par le décret du 16 mars 1906.

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu les lois du 5 avril 1884, du 9 déc. 1905 et du 2 janv. 1907; — Vu le décret du 16 mars 1906; Vu la loi du 24 mai 1872; Considérant que, s'il appartient au maire, en vertu de l'art. 27 de la loi du 9 déc. 1905 et de l'art. 51 du décret du 16 mars 1906, de régler l'usage des cloches dans l'intérêt de l'ordre et de la tranquillité publique, il est tenu de concilier l'exercice de ce pouvoir avec le respect de la liberté des cultes, garantie par l'art. 1er de la loi du 9 déc. 1905 et par l'art. 5 de la loi du 2 janv. 1907, qui a maintenu l'affectation spéciale des cloches des églises aux cérémonies et

(1) C'est là une application du principe que, s'il appartient au maire de régler l'usage des cloches des églises dans l'intérêt de l'ordre et de la tranquillité publique, il est tenu de concilier ce pouvoir avec la liberté des cultes, garantie par l'art. 1o de la loi du 9 déc. 1905 et par l'art. 5 de la loi du 2 janv. 1907, qui a maintenu l'affectation des cloches des églises aux cérémonies publiques du culte (V. Cons. d'Etat, 30 juill. 1909, Abbé Jourdan et autres, S. et P. 1912.3.39; Pand, pér., 1912.3.39. et les renvois), et que le maire excède ses pouvoirs, en prescrivant des sonneries civiles en dehors des

exercices du culte; que, d'autre part, d'après l'art. 51 du décret du 16 mars 1906, les cloches des édifices du culte ne peuvent être employées aux sonneries civiles que dans les cas de péril commun exigeant un prompt secours, et lorsque leur emploi est prescrit par les lois ou règlements ou autorisé par les usages locaux; Considérant que l'exécution de sonneries civiles, chaque jour, dans les conditions prescrites par l'arrêté attaqué, le matin, à midi et le soir, apporterait un obstacle aux sonneries religieuses habituellement exécutées aux mêmes heures; qu'ainsi, ledit arrêté doit être considéré comme portant atteinte au libre exercice du culte; que, dès lors, le sieur Bazergues est fondé à soutenir qu'en l'absence d'un usage local, conforme aux prescriptions de l'arrêté du maire, et de tout autre motif tiré de la nécessité de maintenir l'ordre et la tranquillité publique, les dispositions attaquées sont entachées d'excès de pouvoir: Art. 1er. L'arrêté est annulé, en tant qu'il a prescrit l'exécution quotidienne par un sonneur civil de trois sonneries civiles, le matin, à midi et le soir.

Du 13 janv. 1911. Cons. d'Etat. MM. de Tinguy du Pouët, rapp.; Riboulet, comm. du gouv.; de Lalande, av.

CONS. D'ÉTAT 13 janvier 1911. POSTES, RESPONSABILITÉ, MANDAT - POSTE, PAIEMENT, ERREUR, INOBSERVATION DES PRESCRIPTIONS RÉGLEMENTAIRES (Rép., vo Postes, télégraphes, n. 911 et s.; Pand. Rép., vo Postes, télégraphes et téléphones, n. 1191 et s.).

L'Etat est responsable du paiement d'un mandat-poste à un autre que le véritable destinataire, alors que la personne, entre les mains de laquelle le paiement a été effectué, a été désignée au verso du mandat comme demeurant dans une rue, sans mention de la localité où elle était domiciliée, et qu'en outre, il n'a été porté au verso de cette pièce aucune mention justifiant qu'il ait été procédé par l'agent payeur à l'accomplissement des autres formalités prescrites par l'instruction générale sur le service des postes du 1er juin 1899 (2) (LL. 6 mess. an 4; 5 niv. an 5; 4 juin 1859; Instr. gén, sur le service des postes, 1er juin 1899).

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cas prévus par l'art. 51 du décret du 16 mars 1906, c'est-à-dire en dehors du cas de péril commun, et en dehors des circonstances où l'emploi des cloches est autorisé par les lois et règlements ou par les usages locaux. V. Cons. d'Etat, 30 juill. 1909, Abbé Jourdan et autres, précité, et les renvois.

(2) V. dans le même sens, Cons, d'Etat, 8 mai 1908, Largouet (S. et P. 1910.3.119; Pand. pér., 1910.3. 119), et la note. Mais il a été jugé que l'Etat n'est pas responsable du paiement d'un mandat-poste sur un faux acquit, fait par erreur à un tiers inconnu, alors que ce paiement a été effectué après l'accom

truction générale sur le service des postes, en date du 1er juin 1899, la loi du 24 mai 1872; Considérant qu'il n'est pas contesté que le mandat expédié le 14 sept. 1908 par le sieur Bareteau à la demoiselle Taupier à La Roche-sur-Yon n'a pas été payé à la véritable destinataire; Considérant, d'autre part, que la personne, entre les mains de laquelle ce paiement a été effectué, aux Sables-d'Olonne, a été désignée, au verso dudit mandat, comme demeurant rue de Lorraine, sans qu'il soit fait mention de la localité où elle était domiciliée; qu'en outre, il n'a été porté au verso de cette pièce aucune mention justifiant qu'il ait été procédé par l'agent payeur à l'accomplissement des autres formalités prescrites par l'instruction géné rale sur le service des postes, ci-dessus visée, du 1er juin 1899; que, dans ces circonstances, la demoiselle Taupier est fondée à soutenir que, ce paiement ayant été fait dans des conditions irrégulières, l'Etat est responsable de la faute de ses agents, et lui doit le remboursement de la somme de 66 fr. 65, représentée par ce mandat, avec les intérêts à compter du 29 avril 1909, date de la réclamation;.... Art. 1. La décision est annulée. Art. 2. L'Etat remboursera à la demoiselle Taupier la somme de 66 fr. 65, montant du mandat à elle expédié.

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Du 13 janv. 1911. Cons. d'Etat. MM. Smet, rapp.; Riboulet, comm. du gouv.; Morillot, av.

CONS. D'ÉTAT 13 janvier 1911 (3 ARRÊTS). RESPONSABILITÉ CIVILE OU PÉNALE, ETAT (L'), MARINE, SERVICE DU DÉTAIL, FOURNITURES, PAIEMENT, OFFICIER GESTIONNAIRE, DÉTOURNEMENT DE FONDS, TRAITES SOUSCRITES PAR L'OFFICIER, ACCEPTATION PAR LE FOURNISSEUR, LIBERATION (Rép., v Responsabilité civile, n. 984 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1682 et s.).

Dans le cas où un fournisseur de la marine a livré au service du détail d'un bâtiment de l'Etat différentes marchandises, dont une partie est restée impayée à la suite de détournements commis par un officier au préjudice de la caisse du détail, dont il avait la gestion, l'Etat ne peut refuser de payer la dette régulièrement contractée par un service public, en se fondant, soit sur les agissements frauduleux de l'officier (3) (Décr., 20 mai 1885, art. 286 et 394, 12). — Ire, 2e et 3° espèces.

P.

plissement des formalités réglementaires. V. Cons. d'Etat, 24 juin 1868, Lefèvre (S. 1869.2.222. chr.); 11 déc. 1908, Madeline (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 1026), V. anal., pour le remboursement du montant d'un livret de caisse d'épargne, Cons. d'Etat, 24 déc. 1909, De Coste (S. et P. 1912. 3.81: Pand. pér., 1912.3.81), et la note.

(3) V. en ce sens, Cons. d'Etat, 7 mai 1897. Lafair (S. et P. 1899.3.53). La décision du ministre, déférée au Conseil d'Etat, était fondée sur ce qu'aucune faute n'était imputable à l'Administration, qui ne devait pas être rendue responsable

Soit sur le fait que le fournisseur n'avait point exigé le règlement de ses factures dès la livraison des marchandises (1) (Id.). Id.

Mais, si le fournisseur a reçu pour une certaine somme des traites souscrites par l'officier en son nom personnel, en échange de la délivrance d'un acquit à due concurrence, il doit être réputé avoir accepté, par cette opération de crédit, le paiement qui lui était offert, en libération de la dette de l'Etat, jusqu'à due concurrence (2) (Id.). 2e et 3e espèces.

Il en est ainsi, bien qu'à défaut de paiement à présentation, les traites aient fait retour au fournisseur ou aient été retirées par lui (3) (Id.). 3o espèce.

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Ire Espèce.

LE CONSEIL D'ÉTAT;

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20 mai 1885, sur le service à bord des bâtiments de la flotte, art. 286 et 394, § 12; la loi du 24 mai 1872; Considérant qu'il n'est pas contesté que le sieur Arzur a livré au service du détail du vaisseau Charlemagne, du 13 janv. 1906 au 31 août 1907, diverses fournitures, dont une partie est restée impayée, à la suite des détournements commis par l'enseigne de vaisseau Recoulès au préjudice de la caisse du détail dont il avait la gestion; que ni les agissements frauduleux de cet officier, ni la circonstance que le requérant n'a pas exigé le règlement de ses factures dès la livraison des marchandises, ne sont de nature à exonérer, en tout ou en partie, l'Etat du paiement d'une dette régulièrement contractée par un service public; Art. 1er. La décision est annulée. Art. 2. L'Etat paiera au sieur Arzur le prix des fournitures faites au service du détail du Charlemagne, dont il ne sera pas justifié qu'il ait reçu le paiement. Cons. d'Etat.

Du 13 janv. 1911.

MM. Eymond, rapp.; Riboulet, comm. du gouv.; Dedé, av.

2o Espèce. - (Aicardi).

LE CONSEIL D'ETAT; Vu le décret du 20 mai 1885, sur le service à bord des bâtiments de l'État, art. 286 et 394, § 12; la loi du 24 mai 1872; Considérant qu'il résulte de l'instruction... (comme à la Ire espèce); Mais considérant qu'il n'est pas contesté que les requérants ont reçu pour 1.340 fr. de traites, souscrites par le sieur Recoulès en son nom personnel, en échange de la délivrance d'un acquit à due concurrence, et qu'ils ont escompté ces effets de commerce; Considérant que, par cette opération de crédit, dans les conditions où elle a été effectuée, les

d'une faute personnelle de l'officier, chargé de payer la fourniture. Ce moyen ne pouvait être retenu. En effet, le requérant réclamait uniquement le paiement d'une fourniture faite conformément aux règlements, et son droit au paiement par l'Etat ne pouvait être modifié par le fait que l'officier avait détourné les fonds destinés à ce paiement.

(1) La solution ne pouvait soulever de difficulté. Le ministre de la marine n'alléguait même pas que le fournisseur eût méconnu une disposition des règlements, en n'exigeant point le paiement de sa

requérants doivent être réputés avoir accepté le paiement, qui leur était offert, en libération de la dette de l'Etat, jusqu'à due concurrence; Art. 1er. Est annulée la décision, par laquelle le ministre a dénié aux sieurs Aicardi frères tout droit au paiement des fournitures leur restant dues par la caisse du détail du vaisseau Charlemagne. Art. 2. Les sieurs Aicardi sont renvoyés devant le ministre pour obtenir paiement du solde qu'ils justifieront leur être dû sur le montant des fournitures livrées au service du détail du Charlemagne, déduction faite des acomptes payés tant en espèces que par la remise des lettres de change ci-dessus rappelées.

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TRIB. DES CONFLITS 14 janvier 1911. TRAVAUX PUBLICS, DOMMAGES AUX PROPRIÉTÉS, BATTERIE, CONSTRUCTION DÉFECTUEUSE, EBOULEMENTS, ACTION EN INDEMNITÉ, COMPÉTENCE, CONSEIL DE PRÉFECTURE (Rép., vo Travaux publics [dommages résultant des], n. 32 et s., 1105; Pand. Rép., vo Travaux publics, n. 2500 et s., 3014 et s.).

C'est au conseil de préfecture, et non à l'autorité judiciaire, qu'il appartient de connaître d'une demande d'indemnité contre l'Etat, à raison du préjudice résultant pour une propriété d'éboulements survenus sur une falaise couronnée d'une batterie construite par l'autorité militaire, alors que la demande est fondée sur l'imprévoyance et la négligence de l'Etat, qui n'a pas exécuté les travaux nécessaires pour prévenir les éboulements (4) (L. 28 pluv. an 8, art. 4).

(Hérit. Rozan C. l'Etat).

Les héritiers Rozan, propriétaires d'un

facture au moment de la livraison des marchandises.

(2-3) Les fournisseurs avaient, volontairement et en pleine connaissance de cause, donné quittance à l'Etat en recevant les traites, et ils avaient accepté comme débiteur un particulier, aux lieu et place du Trésor. L'Etat était, par suite, définitivement libéré jusqu'à concurrence du montant des traites.

(4) L'autorité judiciaire aurait été compétente pour connaître de l'action en indemnité, si elle avait été fondée sur un dommage résultant de

terrain situé au sud de la falaise du cap Janet (Bouches-du-Rhône), ont assigné l'Etat devant le tribunal de Marseille, en réparation du dommage causé à leur propriété par des éboulements de terre, qu'ils attribuaient à la mauvaise exécution des travaux de construction d'une batterie couronnant cette falaise. Le préfet ayant présenté un déclinatoire de compétence, le tribunal civil l'a rejeté, par le motif que le dommage ne résultait pas de la construction de la batterie, mais que les éboulements devaient être attribués à des infiltrations d'eau consécutives à des pluies trop abondantes, et qu'ils se rattachaient uniquement à la situation respective des propriétés. Conflit.

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LE TRIBUNAL DES CONFLITS;

Vu la

loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fruct. an 3; la loi du 28 pluv. an 8, art. 4; les ordonn. des 1er juin 1828 et 12 mars 1831; le règlement d'administration publique du 26 oct. 1849; les lois des 4 févr. 1850 et 24 mai 1872; Considérant que la demande formée par les héritiers Rozan contre l'Etat et la ville de Marseille tendait à obtenir la réparation du préjudice résultant d'éboulements de terre qui se sont produits sur le flanc de la falaise du cap Janet; que cette falaise est occupée, au-dessus de la propriété des demandeurs, par une batterie construite par l'autorité militaire, à la suite d'une expropriation prononcée en vertu d'un décret déclaratif d'utilité publique, en date du 18 juill. 1894; Considérant que, pour faire condamner l'Etat à exécuter tous les travaux reconnus nécessaires pour empêcher les éboulements, et à leur payer la somme de 10.000 fr., à titre d'indemnité pour le préjudice déjà éprouvé, les héritiers Rozan soutenaient que ces éboulements étaient dus à l'imprévoyance et à la négligence de l'Etat, qui, après l'expropriation poursuivie en 1894, aurait du faire les travaux nécessaires pour les prévenir; qu'il s'agissait donc d'apprécier les conséquences dommageables de l'exécution d'un ouvrage public, et que cette question est de celles dont il appartient au conseil de préfecture de connaître, par application de la loi du 28 pluv. an 8; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le préfet a revendiqué pour l'autorité administrative la connaissance de la demande formée par les héritiers Rozan devant le tribunal civil de Marseille contre l'Etat;... Art. 1er. L'arrêté de conflit est confirmé. - Árt. 2. Sont considérés comme non avenus, en tant qu'ils sont relatifs à la demande for

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l'inexécution par l'Etat des obligations dont il était tenu comme propriétaire du fonds supérieur. V. les arrêts cités en note sous Cass. 7 juin 1904 (S. et P. 1908.1.421 ; Pand. pér., 1908.1.421). Adde, Cons. d'Etat, 17 mars 1876, Min. des travaux publics, C. Comm. des Eaux-Bonnes et époux Battault (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 294). Mais, dans l'espèce, la demande d'indemnité était formée à raison de dommages dus à la mauvaise exécution d'un ouvrage public; c'était au conseil de préfecture qu'il appartenait d'en connaître.

mée contre l'Etat, l'exploit introductif d'instance du 21 janv. 1909, et le jugement rendu par le tribunal civil de Marseille le 6 mai 1910, etc.

Du 14 janv. 1911. Trib. des conflits. MM. de Rouville, rapp.; Lombard, comm. du gouv.; Hannotin, av.

CONS. D'ÉTAT 20 janvier 1911.

ALIGNEMENT, VOIRIE URBAINE, IMMEUBLE, SERVITUDE DE RECULEMENT, EXHAUSSEMENT, MAIRE, AUTORISATION, TRAVAUX CONFORTATIFS, INTERDICTION, VIOLATION DES DROITS ACQUIS, EXCÈS DE POUVOIR, CONTRAVENTION,

AUTORITÉ JUDICIAIRE, SURSIS A STATUER, CARACTÈRE DES TRAVAUX, ARRÊTÉS DU MAIRE ET DU PRÉFET, RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR, RECEVABILITÉ (Rép., vo Alignement, n. 848 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 247 et s.).

Lorsqu'un maire a autorisé le proprietaire d'un immeuble assujetti à la servitude de reculement à exhausser cet immeuble d'un étage, à la condition de ne pas exécuter de travaux confortatifs dans les parties existantes de l'immeuble, il excède ses pouvoirs et viole les droits acquis, en interdisant ultérieurement l'exécution de travaux nécessaires pour supporter la toiture du bâtiment surélevé, travaux qui ne devaient pas atteindre l'ancien mur de face de l'immeuble et en prolon ger la durée (1) (Edit déc. 1607; L. 5 avril 1884).

Lorsque le juge, saisi d'une contravention pour exécution de travaux dont le caractère confortatif est contesté, a sursis à statuer jusqu'après décision de l'autorité administrative sur ce point, les arrêtés du maire et du préfet, qui déclarent que les travaux ont un caractère confortatif, peuvent être déférés au Conseil d'Etat pour excès de pouvoir (2) (LL. 7-14 oct. 1790; 24 mai 1872, art. 9). Sol. implic.

(Devaux).

M. Devaux, propriétaire à La Châtre, a été autorisé par le maire à exhausser d'un étage un immeuble lui appartenant, et qui était assujetti à la servitude de reculement, à la seule condition de ne pas exécuter de travaux confortatifs dans les parties existantes de l'immeuble. Il a surélevé l'im

(1) L'excès de pouvoir était manifeste; le propriétaire s'était, en effet, purement et simplement conformé à l'autorisation qui lui avait été donnée.

(2) Cette question a été soulevée par M. le commissaire du gouvernement. En principe, le tribunal compétent pour appliquer la peine l'est également pour constater l'existence même de la contravention, et, par suite, pour apprécier, soit la nature des travaux exécutés, soit le caractère de la défense présentée. V. Cons. d'Etat, 25 avril 1873, Prévost (S. 1875.2.122. - P. chr.). Le Conseil d'Etat avait tiré de ce principe la conséquence que les arrêtés, par lesquels le maire et le préfet, à la suite d'un sursis prononcé par l'autorité judiciaire, avaient déclaré que des travaux étaient

meuble, et il a fait poser, pour soutenir la toiture, une poutre en fer reposant sur les deux encoignures de la maison. Le maire estimant que la pose de cette poutre constituait un travail confortatif, a pris un arrêté interdisant d'exécuter ce travail. Procès-verbal a été ensuite dressé contre M. Devaux. L'autorité judiciaire, saisie du procès-verbal, a sursis à statuer, en invitant M. Devaux à se pourvoir, s'il le croyait utile, contre la décision du maire reconnaissant au travail un caractère confortatif. M. Devaux ayant introduit devant le préfet un recours hiérarchique contre cette décision, le préfet s'est prononcé M. Dedans le même sens que le maire. · vaux a alors déféré au Conseil d'Etat, pour excès de pouvoir, les arrêtés du maire et du préfet.

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu l'édit de déc. 1607; les lois des 5 avril 1884; 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872; la loi de finances du 17 avril 1906, art. 4; Considérant que le maire de La Châtre a, par son arrêté, en date du 11 mai 1907, autorisé le sieur Devaux à exhausser d'un étage l'immeuble, assujetti à la servitude de reculement, qu'il possède dans ladite ville, à la seule condition de ne pas exécuter de travaux confortatifs dans les parties existantes de l'immeuble; que, par un second arrêté, en date du 4 déc. 1907, confirmé par l'arrêté du préfet du département de l'Indre du 11 mai 1909, le maire a interdit au requérant d'exécuter les travaux nécessaires pour supporter la toiture du bâtiment surélevé, qui étaient au nombre de ceux autorisés par le premier arrêté, du moment qu'ils ne devaient pas atteindre l'ancien mur de face de l'immeuble et en prolonger la durée; qu'il a ainsi privé le requérant du bénéfice de l'autorisation précédemment obtenue, et méconnu les droits que celui-ci tenait de l'arrêté en date du 11 mai 1907; que, dès lors, le sieur Devaux est fondé à soutenir que le maire de La Châtre et le préfet du département de l'Indre ont excédé leurs pouvoirs;... Art. 1er. L'arrêté du maire de La Châtre et l'arrêté du préfet du dé partement de l'Indre sont annulės.

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confortatifs, constituaient des actes administratifs non susceptibles d'être déférés au Conseil d'Etat. V. Cons. d'Etat, 25 avril 1873, Prévost, précité. Dans la décision recueillie, le Conseil d'Etat a abandonné cette jurisprudence. V. sur cette question, et sur la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de travaux confortatifs, Cass. 2 août 1907 (S. et P. 1912.1.177; Pand. pér., 1912.1.177), et la note de M. Roux, avec les renvois. Adde, notre Rép. gen. du dr. fr., vo Alignement, n. 848 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 247 et s.

(3-4) Le décret déféré au Conseil d'Etat ne constituait qu'un acte de révocation. Or, un fonctionnaire ne peut être révoqué de ses fonctions après que ces fonctions ont cessé. Le pouvoir hiérarchique cesse par suite de l'acceptation de la

CONS. D'ÉTAT 20 janvier 1911. FONCTIONNAIRE PUBLIC FONCTIONS PUBLI QUES, ADMISSION A LA RETRAITE, CESSATION DES FONCTIONS, RÉVOCATION ULTÉRIEURE, EXCES DE POUVOIR (Rép., vo Fonctionnaire public, n. 203 et s.; Pand. Rép., vo Fonctionnaire public, n. 331 et s.).

Un fonctionnaire, qui a été admis à faire valoir ses droits à la retraite, et qui a été remplacé dans ses fonctions, ne fait plus partie de l'Administration, et ne peut être l'objet d'une mesure disciplinaire (3) (L. 9 juin 1853).

En conséquence, s'il appartient à l'Administration, saisie d'une demande de pension formée par ce fonctionnaire, de rechercher si celui-ci se trouvait dans un des cas où il aurait perdu ses droits à pension, le chef de l'Etat excède ses pouvoirs, en prenant un décret qui, rapportant le décret d'admis sion à la retraite, relève de ses fonctions le fonctionnaire intéressé (4) (LL. 16-24 août 1790; 24 mai 1872, art. 9).

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(Bonfante).

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu les lois des 16 et 24 août 1790, 24 mai 1872, art. 9, 9 juin 1853; - Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un décret, en date du 15 juill. 1908, le sieur Bonfante avait été admis à faire valoir ses droits à la retraite, et qu'effectivement, à dater de ce jour, il avait été remplacé dans ses fonctions; qu'ainsi, à partir de ce moment, il ne faisait plus partie de l'Administration, et ne pouvait être l'objet d'une mesure disciplinaire; que, dès lors, s'il appartenait à l'Administration, saisie de la demande de pension du sieur Bonfante, de rechercher s'il se trouvait dans un des cas où le fonctionnaire perd ses droits à pension, le décret du 19 juill. 1909, qui, rapportant celui du 15 juill. 1908, le relève de ses fonctions, est entaché d'excès de pouvoir;.... Art. 1er. Le décret du 19 juill.

1909 est annulé.

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CONS. D'ÉTAT 20 janvier 1911
et 28 juillet 1911.

SAPEURS-POMPIERS, RADIATION DES CONTRO-
LES, SOCIÉTÉ DE SECOURS MUTUELS, DÉLI-

démission du fonctionnaire ou de son admission à la retraite. V. Cons. d'Etat, 7 août 1883, Bernard (S. 1885.3.54. P. chr.), et la note; 2 avril 1898, Puccinelli (S. et P. 1900.3.37), et la note. Laferrière, Tr. de la jurid. admin. et des rec. cont.. 2e éd., t. 2, p. 203. Quant à la question de savoir si le fonctionnaire avait perdu ses droits à une pension par application de l'art. 27 de la loi du 9 juin 1853, elle était sans influence sur la validité du décret déféré au Conseil d'Etat. Il appartenait au ministre de refuser une pension au fonctionnaire; mais, alors même que ce dernier aurait perdu ses droits à une pension, il n'en restait pas moins certain qu'il ne pouvait être révoqué, à un moment où il avait cessé ses fonctions par suite de son admission à la retraite.

BÉRATION, ANNULATION, CONSEIL D'ETAT, INCOMPÉTENCE, SERGENT, PRIVATION DU GRADE, COMMANDANT DE LA SUBDIVISION, DÉCISION, NULLITÉ (Rép., v° Sapeurs-pompiers, n. 73 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 169 et s.).

La radiation des contrôles de la compagnie ne pouvant être prononcée contre les sapeurs-pompiers que par le conseil d'administration du corps, une délibération de l'assemblée générale de la société de secours mutuels des sapeurs-pompiers, prononçant la radiation d'un sapeur-pompier des contrôles de sa compagnie, doit être regardée comme inopérante, et le sapeur-pompier doit être renvoyé devant le ministre de l'intérieur pour être inscrit à nouveau sur les contrôles (1) (Décr., 10 nov. 1903, art. 29). - 1re espèce.

Mais, l'assemblée générale de la société de secours mutuels ne constituant pas une autorité administrative, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de prononcer, par application de l'art. 9 de la loi du 24 mai 1872, l'annulation de la délibération de cette assemblée (2) (L. 24 mai 1872, art. 9). — Id. La privation du grade étant une peine disciplinaire, qui ne peut être prononcée contre un sapeur-pompier que par le conseil d'administration du corps dont il fait partie, il ne peut appartenir au sous-lieutenant d'une subdivision de sapeurs-pompiers de priver un sapeur-pompier de son grade de sergent, el la décision du souslieutenant doit être déclarée nulle et de nul effet (3) (Décr., 10 nov. 1903, art. 28 et 29). 2e espèce.

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(1-2-3) C'est au conseil d'administration du corps qu'il appartient, soit de rayer des contrôles un sapeur-pompier, soit de le priver de son grade (Décr., 10 nov. 1903, art. 28 et 29). Aucun doute n'était donc possible sur l'irrégularité des décisions déférées au Conseil d'Etat.

Dans la première affaire, le Conseil d'Etat n'a pas annulé la décision. En effet, elle émanait d'une assemblée, l'assemblée générale d'une société de secours mutuels, qui n'avait même pas le caractère d'une autorité administrative, et qui, à aucun titre, ne pouvait prononcer une peine disciplinaire. Le Conseil d'Etat ne pouvait que considérer comme inopérante la délibération de la société de secours mutuels, et renvoyer l'intéressé devant le ministre de l'intérieur, invité à prendre les mesures nécessaires pour que la délibération ne reçût aucune exécution. Le requérant aurait pu, d'ailleurs, s'adresser à l'autorité judiciaire, à l'effet de faire prononcer l'annulation de la délibération, l'autorité judiciaire étant compétente pour connaître de toutes les contestations qui s'élèvent entre les sociétés de secours mutuels et leurs membres. ANNÉE 1913. 6e cah.

pompiers de Tarare était sans qualité pour rayer le sieur Naudet des contrôles de sa compagnie; que la délibération doit, à cet égard, être regardée comme inopérante, et que, par suite, le requérant est fondé à revendiquer le droit de faire partie de la compagnie des sapeurs-pompiers de Tarare, tant qu'il n'en aura pas été exclu par une décision du conseil d'administration; Considérant, toutefois, que, ladite assemblée ne constituant point une autorité administrative, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de prononcer, par application de l'art. 9 de la loi du 24 mai 1872, l'annulation de la délibération dont s'agit;...

- Art. 1er. Le sieur Naudet est renvoyé devant le ministre de l'intérieur, pour être inscrit à nouveau sur les contrôles de la compagnie des sapeurs-pompiers de Tarare, etc.

Du 20 janv. 1911. Cons. d'État. MM. Mazerat, rapp.; Corneille, comm. du gouv.

20 Espèce. (Gillot).

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Le ministre de l'intérieur a présenté dans cette affaire les observations suivantes Aux termes de l'art. 29 du décret du 10 nov. 1903, les sous-officiers et caporaux de sapeurs-pompiers ne peuvent être privés de leur grade que par le conseil d'administration, et le chef de corps n'a pas qualité pour prononcer cette mesure. Par suite, la décision entreprise est inexistante et inopérante. D'autre part, il n'appartient pas au Conseil d'Etat d'apprécier, même au point de vue de l'incompétence ou de l'excès de pouvoir, une décision émanant d'une autorité dont les actes échappent à son contrôle. Dans ces conditions, et quel que soit, d'ailleurs, le bien-fondé des

V. sur ce principe, Cons. d'Etat, 18 févr. 1910, Perfetti (S. et P. 1912.3.103; Pand. pér., 1912.3.103), et la note.

Dans la seconde affaire, c'est avec raison que le Conseil d'Etat, au contraire, a déclaré nulle et de nul effet la décision à lui déférée. En effet, on se trouvait en face d'une décision émanant d'une autorité administrative. Cette autorité avait commis une véritable usurpation de pouvoir et sa décision était juridiquement inexistante. Mais elle n'en avait pas moins la forme, l'enveloppe d'un acte administratif, et, par suite, contrairement à ce que pensait le ministre de l'intérieur, le juge de l'excès de pouvoir devait faire disparaître l'acte. C'est ainsi que le Conseil d'Etat, -encore bien que le Tribunal des conflits ait déclaré que l'ordre par lequel un maire prescrit l'emploi des cloches, dans une circonstance déterminée, en dehors de tout arrêté pris par lui, en exécution de l'art. 27 de la loi du 9 déc. 1905 et des art. 50 et 51 du règlement d'administration publique du 16 mars 1906, combinés avec l'art. 7 de la loi du 2 janv. 1907, ou en dehors des termes d'un arrêté pris dans ces

griefs invoqués par le sieur Gillot, j'estime qu'il y a lieu, pour le haut tribunal, de déclarer purement et simplement la requête non recevable ».

LE CONSEIL D'ÉTAT;

Vu les lois des 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872; 17 avril 1906, art. 4; le décret du 10 nov. 1903; -- Considérant qu'aux termes des dispositions combinées des art. 28 et 29 du décret du 10 nov. 1903, la privation du grade est une peine disciplinaire, qui ne peut être prononcée contre un sapeur-pompier que par le conseil d'administration du corps dont il fait partie; que, par suite, il ne pouvait appartenir au sous-lieutenant de la subdivision des sapeurs-pompiers de Villiersen-Lieu de priver, par une décision en date du 21 févr. 1909, le requérant de son grade de sergent; que, cette prétendue. décision n'étant prévue par aucune disposition législative ou réglementaire, il y a lieu d'en déclarer la nullité;... Art. 1er. Est déclarée nulle et de nul effet la décision du sous-lieutenant de la subdivision des sapeurs-pompiers de Villiers-enLieu, etc.

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CONS. D'ÉTAT 25 janvier 1911. TRAVAUX PUBLICS, ENTREPRENEUR, RESPONSABILITÉ, PRODUIT BREVETÉ, EMPLOI, RECOURS EN GARANTIE, CONSEIL DE PRÉFECTURE, INCOMPÉTENCE (Rép., vo Travaux publics [Dommages résultant des], n. 303; Pand. Rep., vo Travaux publics, n. 2329).

Le conseil de préfecture n'est pas compétent pour connaître d'un recours en garantie, formé par un entrepreneur, qui avait été chargé de l'exécution de travaux communaux, contre le titulaire d'un brevet d'invention, qui lui a prêté son concours et dont il a utilisé les procédés, en vertu d'un traité passé avec lui en dehors de toute intervention de l'administration municipale (4) (L. 28 pluv. an 8, art. 8).

conditions, n'a pas, en principe, le caractère d'un acte administratif (V. Trib. des conflits, 22 avril 1910, Abbé Piment, et 4 juin 1910, Abbé Mignon, S. et P. 1910.3.129; Pand. pér., 1910.3.129, et la note de M. Hauriou), a annulé l'ordre verbal donné par un maire de faire sonner les cloches de l'église communale pour annoncer le décès d'une personne qui s'était suicidée, en l'absence de toute disposition d'un arrêté municipal prévoyant des sonneries pour un semblable enterrement. V. Cons. d'Etat, 8 juill. 1910, Abbé Bruant (S. et P. 1910.3.129; Pand. pér., 1910.3.129), et la note de M. Hauriou. On peut rapprocher du second des arrêts ci-dessus recueillis une décision antérieure, rendue dans des circonstances analogues, mais dans laquelle le Conseil d'Etat a déclaré nulle et de nul effet une décision, prise par une subdivision de sapeurs-pompiers réunie en assemblée générale, pour révoquer un sergent de son grade. V. Cons. d'Etat, 10 janv. 1908, Legouez (S. et P. 1910.3.42; Pand. pér., 1910. 3.42).

(4) Cette solution ne saurait faire doute. Il s'agissait de l'application et de l'interprétation du III PART. - 12

(Hennebique).

Par arrêté du 29 juin 1907, le conseil de préfecture du Loir-et-Cher, en condamnant M. Despeyroux, architecte et entrepreneur, à remettre en état, pour le compte de la ville de Blois, des bassins filtrants exécutés par lui d'une manière défectueuse, et à payer diverses sommes à la ville, avait décidé que M. Hennebique devrait garantir et indemniser M. Despeyroux, jusqu'à concurrence des deux tiers du montant de ces condamnations. - Pourvoi par M. Hennebique.

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu la loi du 28 pluv. an 8;. Considérant qu'il résulte du procès-verbal d'adjudication que, le 9 juin 1898, le sieur Despeyroux a été, seul et en son nom personnel, déclaré adjudicataire de la construction des réservoirs de filtrage des eaux de la Loire, pour le compte de la ville de Blois; que si, dans cette construction, il a utilisé les procédés pour lesquels le sieur Hennebíque avait pris un brevet, et s'il a bénéficié du concours dudit sieur Hennebique, il résulte de l'instruction, et il est reconnu par toutes les parties en cause qu'il l'a fait en vertu d'un traité passé avec celui-ci en dehors de toute intervention de l'administration municipale; que l'art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8 n'attribue pas compétence au conseil de préfecture pour statuer sur les contestations qui s'élèvent entre les entrepreneurs de travaux publics et les particuliers avec lesquels ils ont traité, en vue de l'exécution de ces travaux; qu'ainsi, c'est à tort que le conseil de préfecture du Loir-et-Cher, saisi du litige engagé par la ville de Blois contre l'entrepreneur Despeyroux, s'est déclaré compétent pour statuer sur l'action en garantie dirigée par le sieur Despeyroux contre le

contrat purement civil intervenu entre l'entrepreneur et le titulaire d'un brevet d'invention. Il a été jugé, dans le même sens, que le recours en garantie, formé par un entrepreneur contre un soustraitant, est de la compétence de l'autorité judiciaire. V. Cons. d'Etat, 15 févr. 1895, Rosazza (S. et P. 1897.3.43), et la note; 6 mars 1896, Comp. des chem. de fer départementaux (S. et P. 1898.3.55). Il en est de même du recours en garantie d'un sous-traitant contre l'entrepreneur. V. Cons. d'Etat, 23 déc. 1898, Chem, de fer Paris-Lyon-Méditerranée (S. et P. 1901.3.60). Adde, Laferrière, Tr. de la jurid, admin, et des rec. cont., 2" éd., t. 2, p. 128 et 129.

(1) M. le commissaire du gouvernement Helbronner, dans ses conclusions sur cette affaire, conclusions analysées au Recueil des arrêts du Cons. d'Etat, 1911, p. 104, après avoir rappelé que la question se pose dans les mêmes termes en Algérie et en France, le décret du 19 mars 1886, spécial à l'Algérie (V. Estoublon et Lefébure, Code de l'Algérie, p. 676), ayant reproduit, dans son art. 3, l'art. 3 de la loi du 20 août 1881 (S. Lois annotées de 1882, p. 266.-P. Lois, décr., etc. de 1882, p. 428), aux termes duquel tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé, et, dans son art. 7, l'art. 7 de la loi du 20 août 1881, qui dispose que les contestations sur la propriété ou la possession des chemins ruraux sont jugées par les tribunaux ordinaires, -- a défini ainsi les limites dans lesquelles

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CONS. D'ÉTAT 27 janvier 1911.

CHEMIN RURAL, AFFECTATION A L'USAGE PUBLIC, CONTESTATION, PROPRIÉTAIRE, CLOTURE, ENLÈVEMENT, MAIRE, EXCÈS DE POUVOIR (Rép., v° Chemins [en général], n. 222 et s.; Pand. Rép., vo Chemins ruraux, n. 805 et s.).

Un maire excède ses pouvoirs, en prescrivant à un particulier de rétablir la libre circulation sur un chemin traversant son domaine, que ce particulier a barré par une clôture, dans laquelle est aménagée une porte d'accès, alors qu'il n'a été constaté aucun fait impliquant l'affectation de ce chemin à l'usage du public, que cette affectation est formellement contestée par le propriétaire du domaine, et que l'autorité judiciaire a été saisie de la question de propriété soulevée (1) (L. 5 avril 1884, art. 97; Décr., 19 mars 1886, art. 3 et 7).

(Epoux Cambuzat).

M. et Mme Cambuzat ont déféré au Conseil d'Etat un arrêté, par lequel le maire de Constantine les avait mis en demeure

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peut s'exercer le pouvoir du maire : Lorsqu'il s'agit d'un chemin rural reconnu, a-t-il dit en substance, le caractère public du chemin résulte de l'arrêté de reconnaissance qui le fait entrer dans le domaine public. Cette reconnaissance vaudra présomption de propriété pour la commune, jusqu'à preuve contraire, bien entendu, et sans préjudice du droit, pour les parties intéressées, de contester la propriété et même la possession, pendant l'année qui suit la notification de l'arrêté. Sur un chemin rural reconnu, le maire pourra donc exercer sans conteste les pouvoirs que lui confèrent l'art. 97, § 1o, de la loi du 5 avril 1884 et l'art. 9 du décret du 19 mars 1886, dès la publication de l'acte de reconnaissance. Mais, s'il s'agit d'un chemin non reconnu, qui ne peut faire partie que du domaine privé de la commune, le maire peut-il, avec la même liberté, user des pouvoirs que lui confère l'art. 97 de la loi du 5 avril 1884, et prendre des mesures intéressant la circulation sur cette voie? Evidemment non, puisqu'il faut, pour qu'il puisse disposer de ces pouvoirs, que le caractère de voie publique du chemin soit reconnu. Si donc la propriété et la possession du chemin sont disputées à la commune, le caractère de publicité du chemin ne peut être établi que par décision de l'autorité judiciaire, saisie, soit au possessoire, soit au pétitoire, par les parties intéressées. Or, dans la présente affaire, il résultait des pièces du dossier que le chemin dont il s'agissait n'était ni un chemin vicinal, ni un chemin rural reconnu; si, à plusieurs reprises,

de rétablir la libre circulation sur un chemin passant au-dessus des cascades du Rummel, et aboutissant à un chemin vicinal, chemin sur lequel ils avaient élevé une clôture.

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu le décret du 19 mars 1886; les lois des 5 avril 1884; 24 mai 1872, art. 9; Considérant qu'il résulte de l'instruction que le chemin, qui relie la route nationale n. 3 au chemin vicinal ordinaire n. 16, en traversant le domaine sur lequel sont situés les bains de Sidi M'eid, a été barré par le propriétaire du domaine; que, si une porte a été aménagée dans cette clôture, l'accès du chemin a été subordonné au paiement d'une redevance; que, pour demander l'annulation de l'arrêté, par lequel le maire a prescrit l'enlèvement de la clôture et le rétablissement de la libre circulation sur le chemin, les requérants ont invoqué leurs droits de propriété sur le chemin, tels qu'ils résulteraient de leurs titres d'acquisition; - Considérant qu'il n'a été constaté aucun fait impliquant l'affectation dudit chemin à l'usage du public, et que cette affectation est formellement contestée par les requérants; qu'il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de statuer sur le désaccord existant entre la commune de Constantine et le propriétaire des bains; que cette autorité avait été régulièrement saisie, et que, tant qu'elle ne s'était pas prononcée, il ne pouvait appartenir au maire de faire usage des droits de police dont il n'est investi qu'au regard des voies publiques; d'où il suit que les requérants sont fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du maire, en date du 22 sept. 1905;... Art. 1er. L'arrêté est annulé.

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il avait fait l'objet de demandes de classement comme chemin vicinal, ces demandes n'avaient pas été suivies d'effet; d'autre part, il ne figurait ni sur le plan cadastral de la commune ni sur les plans du service topographique; il était mentionné seulement, sans indication de caractère, sur la carte de l'état-major ».

Il faut ajouter, aux explications données par M. le commissaire du gouvernement, qu'il n'est pas absolument exact que le maire, en dehors d'une décision judiciaire attribuant à la commune la propriété ou la possession d'un chemin non reconnu comme chemin rural, et dont la commune prétend être propriétaire, soit complètement désarmé. Il peut dresser procès-verbal au propriétaire qui aura mis obstacle à la circulation du public sur le chemin; et le juge de simple police aura compétence, lorsque le prévenu se bornera à soutenir que le chemin n'est pas public, sans s'en prétendre exclusivement propriétaire (V. Cass. 3 janv. 1879, S. 1879.1.486. - P. 1879.1244), pour statuer sur le point de savoir si le chemin est ou non public, le procès-verbal ne pouvant sortir effet que si le juge de simple police reconnaît la publicité du chemin. V. Cass. 4 déc. 1857 (S. 1858.1.322. P. 1858.943), et la note; 3 janv. 1879, précité, et le renvoi. Adde, notre Rép. gén. du dr. fr., v° Chemis (en général), n. 222 et s.; Pand. Rep., vo Chemins ruraux, n. 805 et s. V. aussi, Cass. 5 août 1880 (S. 1881.1.392. P. 1881.1.926); 17 juin 1881 (S. P. 1883.1.1089), et les renvois.

1883.1.440.

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