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RAIN COMMUN, CHEMIN, INTENTION DES PARTIES (Rép., vo Vues et jours, n. 114 et s.; Pand. Rép., v Servitudes, n. 900 et s.).

L'art. 678, C. civ., qui interdit les vues droites à moins de 19 décimètres de distance de l'héritage voisin, s'applique même au cas où le terrain sur lequel sont établies les rues est séparé du terrain de celui qui se plaint de leur ouverture par une parcelle d'une largeur moindré de 19 décimètres et appartenant à un tiers (1) (C. civ., 678). Motifs.

L'art. 678, C. civ., doit également être appliqué, lorsque le terrain qui sépare les deux héritages appartient en commun aux deux propriétaires voisins, qui y ont créé un chemin commun (2) (Id.).

Alors du moins que les copropriétaires, en créant le chemin, ont entendu qu'il servirait uniquement au passage, et qu'il n'a pas été dans leur intention qu'il fut jamais bordé de constructions (3) (Íd.). (Evenepoel C. Van Cutsem-Lepage). ARRÉT.

LA COUR; Sur le moyen déduit de la violation, fausse interprétation et fausse application des art. 545, 678, 1317 et 1319, C. civ., en ce que les jugements dénoncés, en violation de l'acte authentique du 30 nov. 1835 et de l'art. 678, C. civ., ont admis que ce dernier article prohibait, à la distance visée par lui, les vues et fenètres d'aspect sur un terrain appartenant à Evenepoel en commun avec Van Cutsem, alors que cet article n'interdit les vues ou fenêtres à moins de 19 décimètres que sur

(1-2-3) On décide généralement que la distance prescrite par l'art. 678, C. civ., pour les vues, doit être observée même à l'égard des héritages qui ne seraient pas contigus à celui d'où s'exerce la vue, et qui en seraient séparés par une parcelle de terrain appartenant un tiers (V. Aubry et Rau, 5o éd., t. 2, p. 319, § 196; Demolombe, Des servit., t. 2, n. 564; Baudry-Lacantinerie et Chauveau, Des biens, 3 éd., n. 1040), à moins que le terrain qui sépare les deux héritages n'ait le caractère d'une voie publique, l'art. 678 ne s'appliquant pas aux vues ouvertes sur les voies publiques. V. Cass. 14 nov. 1906 (S. et P. 1911.1.270; Pand. pér., 1911.1.270), la note et les renvois.

Mais l'application de l'art. 678 est très discutée, lorsque le terrain qui sépare les deux héritages est la propriété commune des propriétaires de ces héritages, et, tout spécialement, lorsque ce terrain intermédiaire est une ruelle commune ou un chemin d'exploitation. V. la note de M. Lacoste, avec les arrêts et les autorités cités, sous Cass. 4 févr. 1889 (S. 1891.1.161. P. 1891.1,380). La jurisprudence de la Cour de cassation française, qui décide très fermement que l'art. 678, C. civ., ne s'applique pas aux chemins d'exploitation (V. Cass. 25 juin 1895, S. et P. 1895.1.345, et la note avec les renvois; Pand. pér., 1896.1.22), ne s'est pas prononcée avec la même netteté pour les ruelles communes. Elle s'est bornée à juger que le propriétaire d'une maison ne peut établir des vues en dehors des conditions prescrites par les art. 678 et 679, O. civ., bien que la maison soit séparée d'un autre héritage par une ruelle commune, si cette ruelle n'a pour destination que de servir au passage et à l'écoulement des eaux. V.

l'héritage du voisin : Attendu que le jugement dénoncé du 23 juin 1909 déclare que les parties à l'acte du 30 nov. 1835, en créant le chemin commun dont il s'agit, n'ont entendu réserver que le passage aux acquéreurs des divers lots, et qu'elles ont pensé que ce chemin ne serait jamais bordé de constructions; Attendu que cette interprétation n'est pas en contradiction avec les termes de l'acte; qu'elle est donc souveraine, et qu'elle tranche la question que le pourvoi soulève; Attendu que l'art. 678, C. civ., ne vise pas, par son texte, le seul cas où le terrain sur lequel sont établies des vues droites serait contigu au terrain de celui qui se plaint de ces vues; que cet article s'applique aussi au cas où il y aurait, entre les deux terrains, une parcelle d'une largeur moindre que 19 décimètres, appartenant à un tiers qui ne s'opposerait pas aux vues ainsi créées; que cette circonstance ne serait en rien de nature à atténuer les inconvénients des vues dont le législateur a entendu préserver le propriétaire voisin; Attendu, d'un autre côté, que la qualité de copropriétaire de la parcelle intermédiaire ne modifie pas la situation, puisque, même s'il en était seul propriétaire, Evenepoel n'aurait pu, d'après les termes de l'art. 678, créer les vues critiquées, à une distance moindre de 19 décimètres; que l'inapplicabilité de cet article ne pourrait se produire que si, dans l'intention des auteurs des parties, la parcelle existant entre leurs terrains respectifs avait été établie pour que ces terrains pussent être bordés de constructions, et non simplement

Cass. 4 févr. 1889, précité. Et cette solution n'est pas contraire à celle que la Cour de cassation a admise pour les chemins d'exploitation, et qu'elle a fondée sur les caractères propres de ces chemins dans la législation française. V. la note sous Cass. 25 juin 1895, précité. Dans la note sous l'arrêt de Cass. 4 févr. 1889, précité, M. Lacoste a montré que, pour les constructions élevées en bordure des ruelles communes, il convenait, pour déterminer si l'art. 678, C. civ., devait leur être appliqué, de rechercher quelle était la destination de la ruelle, et il a soutenu que la largeur de la ruelle devait être prise en considération pour fixer cette destination, une ruelle de moins de 19 décimètres devant être présumée destinée à assurer le passage et l'écoulement des eaux, et non à procurer des vues et des jours aux constructions qui la bordent. V. la note de M. Lacoste sous Cass. 4 févr. 1889, précité, avec les autorités citées. Dans l'arrêt cidessus, la Cour de cassation de Belgique prend également en considération la destination du chemin commun ou de la ruelle commune, mais en s'attachant uniquement, pour déterminer si les riverains peuvent ou non se prévaloir de l'art. 678, à l'intention des copropriétaires, lorsqu'ils ont affecté à la création d'un chemin ou d'une ruelle le terrain commun qui sépare leurs héritages.

(4) La jurisprudence et la doctrine françaises sont unanimes à décider, dans le même sens, que, l'art. 490, C. civ., n'ayant accordé le droit de demander l'interdiction qu'aux parents et au conjoint, les alliés, même les plus proches, ne peuvent, dans aucun cas, provoquer l'interdiction. V. Besançon, 24 juin 1859 (S. 1859.2.672. P. 1859. 679); Besançon, 19 juill. 1876 (S. 1876.2.199.

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pour servir de passage; que les constatations ci-dessus d'un des jugements dénoncés écartent précisément cette hypothèse; Attendu qu'il suit de ces considérations que le moyen n'est pas fondé;

Par ces motifs; Rejette le pourvoi formé contre deux jugements du tribunal de Nivelle, en date des 23 juin 1909 et 1er juin 1910, etc.

Du 6 avril 1911. Cass. Belgique, Ire ch. MM. le cons. Scheyven, prés.; Terlinden, ler av. gén.; Woeste, Picard et Hennebicq, av.

TRIB. DE LIEGE 29 novembre 1910. INTERDICTION-INTERDIT, DEMANDE, ALLIÉ, FIN DE NON-RECEVOIR, NULLITÉ, ORDRE Public, PARENTS, INTERVENTION (Rép., vo Interdiction, n. 103 et s.; Pand. Rép., v Interdiction judiciaire, n. 105 et s., 383 et s.).

L'art. 490, C. civ., donnant seulement aux parents et à l'époux le droit de provoquer l'interdiction, sans faire mention des alliés, un oncle par alliance ne saurait être admis à provoquer l'interdiction de sa nièce (4) (C. civ., 490).

La nullité résultant de ce que la demande d'interdiction a été formée par une personne sans qualité, étant d'ordre public, peut être soulevée d'office par le ministère public, et admise en tout état de cause (5) (Id.).

Et cette nullité ne peut être couverte par l'intervention ultérieure d'un parent dans l'instance (6) (Id.).

P. 1876.815), les notes et les renvois. Adde, Aubry et Rau, 5e éd., t. 1, p. 791, § 125, texte et note 2; Huc, Comment. du C'. civ., t. 3, n. 505, p. 488; Baudry - Lacantinerie et Bonnecarrère, Des pers., 3e éd., t. 5, n. 819, texte et note 3; notre C. civ. annoté, par Fuzier - Herman, sur l'art. 490, n. 7 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Interdiction, n. 103 et s.; Pand. Rép., vo Interdiction judiciaire, n. 105 et s. V. dans le même sens, pour la dation d'un conseil judiciaire, Cass. 20 janv. 1875 (S. 1875.1.217. P. 1875. 521), et les renvois. Toutefois, certains auteurs, tout en approuvant cette solution, qui paraît s'imposer en l'absence d'un texte accordant aux alliés le droit d'agir, font assez justement observer qu'il y a quelque anomalie à accorder à un arrière petit-cousin au 12 degré, qui n'a aucun espoir de succéder, primé qu'il est par des parents plus proches, un droit qu'on refuse à un beaupère, à un gendre ou à un beau-frère. V. Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5° éd., t. 1er, n. 2044.

(5-6) Il a été jugé dans le même sens que la fin de non-recevoir, tirée de ce que le demandeur à l'interdiction n'est que l'allié de la personne dont l'interdiction est poursuivie, peut être opposée en tout état de cause, et même pour la première fois en appel (V. Besançon, 24 juin 1859, S. 1859.2.672. - P. 1859.679. Adde, notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman, sur l'art. 490, n. 12; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Interdiction, n. 81 et s.; Pand. Rép.,

Interdiction judiciaire, n. 105 et s.), et que les parents ne sont pas recevables à intervenir dans l'instance pour valider la procédure. V. Besançon, 24 juin 1859, précité, la note et les renvois. V. aussi, Paris, 23 mai 1835 (S. 1835.2.342.-P. chr.).

(Jacques Legrand C. Jeanne Joakim.

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Dans le droit : Attendu que, par requête en date du 9 nov. 1908, M. Jacques Legrand-Collette a, par l'organe de Me Léonard, avoué, provoqué l'interdiction de sa nièce, Mile Jeanne Joakim; - Attendu qu'en suite de cette requète et d'un jugement de la deuxième chambre du tribunal, le conseil de famille de la défenderesse fut réuni et donna son avis; qu'un second jugement de la mème chambre ordonna l'interrogatoire de Jeanne Joakim, lequel eut lieu par un de MM. les juges du tribunal de Tongres, délégué par ce tribunal, et que, la cause étant ramenée à notre audience du 15 novembre dernier, il fut conclu par le demandeur à ce que défaut fut donné contre la défenderesse et à ce que l'interdiction fût prononcée;. Attendu qu'il a été reconnu à l'audience par la partie demanderesse que Jacques Legrand - Collette n'était pas parent de sang de la défenderesse, mais simplement son oncle par alliance; Attendu que l'art. 490, C. civ., qui énumére les personnes recevables à provoquer l'interdiction, ne parle que des parents et de l'époux; Attendu que, l'interdiction étant d'ordre public, puisqu'elle frappe d'incapacité celui qui en est l'objet, les dispositions légales qui règlent l'exercice de l'action en cette matière sont de stricte interprétation; qu'il s'ensuit que les alliés, n'étant pas cités dans l'art. 490, ne peuvent être assimilés aux parents ni admis à provoquer l'interdiction (Laurent, Prine. de dr. civ., t. 5, n. 253, 256 et 259; Beltjens, Encycl. du C. civ., art. 490, p. 358; Toullier, t. Ier, 2e part., n. 1317; Duranton, t. 3, n. 718; Valette, Cours de C. civ., p. 598; Magnin, Tr. des minorités, t. I, p. 667; Demolombe, Minorité-tutelle, t. 2, n. 468; Colmet de Santerre, Cours anal. de C. civ. (contin, de A.-M. Demante), t. 2, n. 263 bis II; Massé et Vergé sur Zachariæ, Dr. civ. fr., t. ler, p. 464; Metz, 14 déc. 1824, S. et P. chr.; Pand. chr.; Paris, 23 mai 1835, S. 1835.2.342. chr.; Poitiers, 1er févr. 1842, S. 1843.2. 394. P. 1842.1.749; Metz, 14 mars 1843, S. 1843.2.524; Pand. chr., avec Metz, 14 déc. 1824, ad notam; Trib. de Bruxelles, 22 juill. 1854; Trib. de Huy, 27 juin 1872, Pasier. belge, 1874.2.139; Trib. de Louvain, 13juill. 1877; Trib. Ypres, 19 févr. 1886, Pasier. belge, 1886.3.233; Trib. de Bruxelles, 27 févr. 1892, Id., 1892.3.911; C. d'appel de Bruxelles, 18 janv. 1905, Pand. belges, 1905, n. 55; Attendu qu'à tort on soutient que le législateur met sur le même pied les parents du sang et les parents d'alliance (C. d'appel de Gand, 27 avril 1835, Pasier., 1835, p. 176), et que le mot parent de l'art. 490 doit être pris dans le sens que lui donne le langage usuel; qu'en effet, si on voit, dans

P.

(1) L'arrêt ci-dessus est intéressant à recueillir, en ce qu'il montre que la jurisprudence belge persiste à refuser aux tribunaux le droit de prononcer des condamnations à une somme déterminée par jour de retard, pour assurer l'exécution de leurs sentences. V. dans le même sens, O. d'appel

un grand nombre de dispositions du Code, le législateur se servir du mot parents », sans y joindre les mots et alliés », tout en donnant à ces derniers comme aux parents les droits auxquels se rapportent ces dispositions, il est cependant à remarquer que, dans la plupart des articles qu'on cite, le mot « parents » est suivi des mots « ou autres » (art. 37 et 38), « ou non parents » (art. 71 et 75), « ou voisins » (art. 78),

ou étrangers» (art. 397), « ou d'autres parties intéressées » (art. 406), « ou alliés » C. proc., 4 et 368), non plus que les domestiques (C. civ., 251)..., de telle sorte qu'on ne peut dire si le Code a compris les alliés parmi les parents plutôt que parmi les autres personnes qu'il indique; que, si on prétend que c'est dans l'esprit de la loi qu'il faut chercher les éléments propres à résoudre la question, et qu'à cet effet, on soutient que le titre de la majorité, de l'interdiction et du conseil judiciaire est la suite de celui de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation, et doit faire corps commun avec lui, et que l'un et l'autre sont régis par le même principe, l'intervention et le concours de la famille, il faut aussi remarquer que si, dans ledit titre de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation, le législateur veut mettre l'allié sur la même ligne de droits et de devoirs que le parent du sang, il le dit formellement, soit en employant les mots «ou alliés ou bien autres parties intéressées (V. art. 406 à 410, 412, 413, 432, 446, 449 et 479); qu'au surplus, si on considère comme une prérogative inhé rente à la famille le droit de provoquer l'interdiction, on peut dire que la famille est composée, en réalité, des parents du sang, et que ceux-ci ont, bien plus que tous autres, un intérêt personnel et direct à la conservation de la fortune et de la vie de celui dont l'interdiction parait nécessaire, et que, de plus, il existe, entre eux et lui, suivant les paroles du tribun Bertrand de Greuille, une solidarité d'honneur et d'affection qui doit leur mériter toute confiance (Locré, Législ. civ., etc., t. 7, p. 367);

Attendu qu'il suit de ces considérations que le demandeur, allié de la défenderesse, n'avait pas qualité pour provoquer l'interdiction, et que sa demande n'est pas recevable; Attendu que cette fin de non-recevoir, étant d'ordre public, pouvait et devait même être soulevée d'office par le ministère public, et admise en tout état de la cause (Laurent, op. cit., t. 5, n. 253; C. d'appel de Liège, 6 juill. 1843, Pasier. belge, 1844.2.60; Trib. de Liége, 7 avril 1887); - Attendu que le défaut de qualité du demandeur frappe d'une nullité radicale tous les actes intervenus dans l'instance, et cette nullité ne peut être couverte par l'intervention d'un parent dans l'instance, cette intervention ne pouvant s'enter que sur une action préexistante dont elle forme un incident (C. d'appel de Bruxelles,

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C. D'APPEL DE LIÉGE 2 janvier 1912. DOMMAGES-INTÉRÊTS, OBLIGATION, INEXÉCUTION, ASTREINTE, CONTRAINTE COMMINATOIRE (Rép., vo Obligations, n. 648 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1612 et s.).

Si le juge peut, en cas d'inexécution d'une obligation de faire ou de ne pas faire, allouer une somme fixe par jour de retard, à titre d'indemnité, dès que le préjudice est certain et que son importance peut être déterminée par les faits de la cause, il ne lui appartient pas de prononcer une condamnation qui, loin d'être une réparation d'un dommage réel, n'aurait d'autre but que de vaincre la résistance du débiteur en le contraignant à exécuter les dispositions du jugement, et qui aurait

ainsi

un caractère purement comminatoire (1) (C. civ., 5, 1142, 1351).

(Soc. mécanique de précision C. Soc. de construction vélocipédique). ARRET.

LA COUR; Sur l'exception d'incompétence, déterminée par les motifs du premier juge — Attendu que l'appelante a été condamnée à remettre à l'intimée les modèles litigieux dans les huit jours du jugement a quo, et, à défaut de ce faire, à lui payer la somme de 50 fr. par jour de retard; qu'en outre, ce jugement autorise l'intimée à libeller par état le dommage qu'elle a pu subir par suite de l'impossibilité où elle s'est trouvée de fabriquer des moteurs, à cause du refus de l'appelante d'en restituer les modèles; Attendu que la société appelante soutient que cette astreinte n'est que comminatoire, et que les tribunaux ne peuvent sanctionner leurs décisions par des pénalités; Attendu, en droit, qu'en vertu des art. 1126 et 1142, C. civ., il appartient au juge, en cas d'inexécution d'une obligation de faire ou de ne pas faire, d'allouer une somme fixe par jour de retard, à titre d'indemnité, dès que le préjudice est certain, et que son importance peut être déterminée par les faits de la cause; qu'il importe peu que l'indemnité soit allouée globalement, ou que son étendue se mesure au temps pendant lequel durera l'inexécution des obligations du débiteur, la loi n'établissant, sous ce rapport, aucune distinction: mais qu'il ne lui appartient pas de prononcer une condamnation, quí, loin d'être une réparation d'un dommage réel, n'aurait d'autre but que de vaincre la résistance du débiteur, et de le contraindre à exécuter les dispositions qu'il édicte; Attendu, en fait, que c'est le caractère de

admet, au contraire, d'une manière constante, la validité de semblables condamnations, prononcées à titre purement comminatoire. V. Toulouse, 30 juin 1909 (S. et P. 1909. 2.272; Pand. pér.. 1909.2.272), et les renvois.

contrainte qu'il faut attribuer à la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 50 fr. par jour de retard apporté à la restitution des modèles litigieux, restitution opérée postérieurement à la signification du jugement a quo; Attendu, en effet, que le tribunal, en admettant seulement la possibilité d'un préjudice, et en autorisant la société intimée à libeller le dommage à la réparation duquel elle prétend avoir droit, a affirmé qu'il ne possédait pas les éléments suffisants pour statuer sur l'indemnité réclamée; qu'il ne pouvait done, a fortiori, évaluer le préjudice à résulter pour l'avenir du refus de l'appelante de restituer les modèles en litige: Attendu, dès lors, que l'astreinte de 50 fr. par jour, à laquelle la société appelante a été condamnée, ne trouve aucune base dans la loi; - Par ces motifs; Emendant; - Dit pour droit que l'astreinte de 50 fr. par jour de retard a un caractère comminatoire, et ne peut engendrer aucune condamnation à la charge de l'appelante; Confirme pour le surplus, etc. Du 2 janv. 1912. — C. Liége, 2 ch. MM. Nicolaï, prés.: Vandenkieboom et Defize, av.

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CASS. BELGIQUE 29 février 1912. SEPARATION DE BIENS, FEMME, CONTRIBUTION AUX CHARGES DU MÉNAGE, SÉPARATION DE FAIT, MARI, ACTION EN JUSTICE, FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., vo Séparation de biens, n. 585; Pand. Rép., vis Mariage, n. 7485 et s., Séparation de biens, n. 831 et s.).

Si, aux termes de l'art. 1537, C. civ., la femme séparée de biens contribue, à défaut de conventions à cet égard, aux charges du mariage jusqu'à concurrence du tiers de ses revenus, cette disposition est fondée sur l'obligation de la vie commune (1) (C. civ., 214, 1537).

Lors donc que deux époux, mariés sous le régime de la séparation de biens, ont cessé de vivre ensemble, l'action du mari, qui tend uniquement à faire condamner sa femme à lui payer annuellement, sans reprendre la vie commune, sa part dans les charges du mariage, n'est pas recevable (2) (Id.).

Alors surtout que le traitement du mari suffit à ses besoins (3) (Id.).

(Delvaux C. Delvaux).

M. Delvaux s'est pourvu en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Liége du 17 juin 1911 (Pasicr. belge, 1911.2.255).

M. le premier avocat général Edmond Janssens a présenté, dans cette affaire, les conclusions suivantes :

(1-2-3) La solution de l'arrêt ci-dessus recueilli ne paraît pas à l'abri de la critique, tout au moins dans la formule très générale que lui donne la Cour de cassation de Belgique. La femme mariée sous le régime de la séparation de biens est tenue de contribuer aux charges du mariage, en vertu de l'art. 1537, C. civ. Ainsi que l'a fait observer M. l'avocat général Janssens, il parait bien difficile d'admettre que cette obligation puisse prendre fin, par le fait seul que la femme se refuse à reprendre la vie commune, alors qu'elle ne peut alléguer, ni que le mari refuse de la recevoir au domicile conjugal, ni que ce domicile n'est pas

Pour repousser l'action du demandeur, l'arrêt dénoncé constate que les époux Delvaux, mariés en 1894, ont cessé de vivre ensemble depuis l'année 1898; il pose en principe que l'art. 1587, C. civ., ne trouve son application que s'il y a vie commune, ménage ; qu'en dehors de ce cas, le mari n'a droit qu'à des aliments, et qu'il n'échet pas, dans l'espèce, de lui en accorder, parce que son traitement de 1.800 fr. suffit pour lui permettre de se procurer les choses nécessaires à son existence Cette décision viole manifestement les dispositions légales visées au moyen.

་་

Montrons d'abord, par les conséquences qu'il peut entraîner, les vices du système admis par la Cour d'appel de Liége. Voilà, par hypothèse, un particulier sans fortune personnelle, investi de fonctions honorifiques multiples, peu ou pas rémunérées; il est sénateur provincial, membre d'académies, commissaire dans les expositions, etc., mais il ne jouit, en somme, que d'un traitement très modique, comme chargé de cours dans une Université libre. Il a épousé une femme riche supposons-lui 150.000 fr. de rente sous le régime de la séparation de biens, et sans qu'on ait stipulé la part contributive de l'épouse aux charges du mariage. Pendant plusieurs années, ils vivent ensemble, sur un pied proportionné à l'importance de leurs revenus, ou, si l'on préfère, des revenus de la femme. Puis, un beau jour, par pur caprice ou cédant à des suggestions mauvaises, et sans qu'elle puisse établir un grief qui justifie une demande en divorce ou en séparation de corps, la femme quitte son mari et va vivre séparément. Le mari, après lui avoir fait vainement sommation de réintégrer le domicile conjugal, se prévaut en justice de son contrat de mariage et de la disposition de l'art. 1537, C. civ. Pour être logique, conséquente avec ses principes, la Cour de Liége lui répondra : Il n'y a plus de « ménage; la maison que vous habitez n'est plus la maison commune, mais votre maison; le loyer, proportionné au train de vie que vous aviez adopté, et que vous pouviez raisonnablement mener pendant plusieurs années, est fort onéreux, j'en conviens; tant pis pour vous; tâchez de vous en débarrasser comme vous pourrez; congédiez vos domestiques et vivez en appartement. La vie commune ayant cessé, les clauses du contrat de mariage et les dispositions du titre 5, C. civ., qui les régissent et les complètent, deviennent sans application; la femme, à raison de la séparation de fait, ne reste << tenue que d'une obligation alimentaire, qui doit être appréciée en tenant compte et de ses ressources et des besoins de son mari; dans votre position, on n'a droit qu'à des aliments. Or, je constate que votre modeste traitement est suffisant pour vous permettre de vous procurer les choses nécessaires à votre existence ; je ne vous accorde rien et vous déboute de votre action... ».

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Ainsi, par son fait, par sa faute, car la femme est obligée d'habiter avec son mari (C. civ., 214),

convenable, eu égard à sa situation. La femme, en pareil cas, manque, en effet, à l'obligation de cohabitation qui lui incombe, en vertu de l'art. 214, à laquelle elle ne peut se soustraire que si le mari ne remplit pas ses devoirs envers elle (V. Bastia, 20 mai 1902, S. et P. 1903.2.104, la note et les renvois; adde, Baudry-Lacantinerie et HouquesFourcade, Des pers., 3" éd., t. 3, n. 2165), et dont l'exécution peut, dans l'opinion qui a prévalu, être assurée, contre la femme qui a quitté le domicile conjugal sans motif, par le prononcé d'une astreinte. V. Lyon, 24 févr. 1909 (S. et P. 1909.2. 283; Pand. pér., 1909.2.283), et les renvois; Trib.

elle se crée un titre à elle-même, elle se procure des avantages pécuniaires, elle rompt à son profit les conventions matrimoniales, et prive son mari des droits qu'il aurait incontestablement pu faire valoir, si elle était restée fidèle à ses devoirs d'épouse! La solution serait identique, si la disproportion entre les revenus des époux était moindre que celle que nous avons imaginée, ou si les époux vivaient séparés par suite d'un accord exprès ou tacite. Semblable convention, contraire à l'ordre public, est radicalement nulle et de nul effet; le juge ne peut y avoir égard.

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"

La défenderesse, cependant, dit : Non, cette sommation ne suffit pas; il aurait fallu y donner suite, en intentant une action en réintégration du domicile conjugal, et la stricte exécution des stipulations du contrat de mariage eût été alors la sinction de la condamnation prononcée par les tribunaux statuant sur l'action principale... Quel est le texte de loi ou le principe juridique qui subordonne l'effet des stipulations du contrat de mariage à l'observation d'une semblable procédure? On ne les indique pas, et je les cherche en vain. Les conventions matrimoniales sont immuables, et elles doivent être observées aussi longtemps que la justice ne les a pas rompues.

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« Le système consacré par la Cour de Liége, avons-nous dit, est inadmissible; il est contraire à la raison, à l'équité, à la loi. L'art. 1537, C. civ., porte Chacun des époux contribue aux charges du mariage suivant les conventions contenues en leur contrat; et, s'il n'en existe point, à cet égard, la femme contribue à ces charges jusqu'à concurrence du tiers de ses revenus ». Les époux mariés sous le régime de la séparation de biens peuvent évidemment stipuler dans leur contrat que la femme ne contribuera aux charges du mariage qu'à concurrence d'une faible partie de ses revenus, voire même qu'elle n'y contribuera pas du tout. Semblable clause n'a rien de contraire aux bonnes mœurs (C. civ., 1387); elle se justifiera même parfaitement, si, par hypothèse, le mari est riche et la femme peu fortunée. Mais, si les époux ont négligé de régler ce point dans leur contrat, la disposition finale de l'art. 1537 doit recevoir son application: la femme contribuera aux charges du mariage à concurrence du tiers de ses revenus, et son obligation sera aussi stricte que si elle avait été formellement stipulée dans le contrat. On peut dire qu'elle y est virtuellement insérée. On objecte que, par charges du mariage »,

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de la Seine, 6 mars 1911 (S. et P. 1911.2.260; Pand. pér., 1911.2.260), et les renvois. Il serait peu rationnel que la femme pût, par un manquement à ses devoire, s'affranchir de l'obligation de contribuer aux charges du ménage, que lui impose l'art. 1537, et se procurer ainsi un avantage. La Cour de Bordeaux a même admis qu'une femme judiciairement séparée de biens, qui n'habite pas avec son mari, est néanmoins tenue de contribuer aux frais du ménage, bien que le mari ne puisse pas lui assurer un domicile convenable. V. Bordeaux, 31 mai 1854 (P. 1856. 2.116).

dans l'art. 1537, C. civ., il faut entendre les

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charges du ménage Admettons-le, pour ne pas compliquer la question, bien que les charges du mariage comprennent des obligations qui ne peuvent évidemment rentrer dans celles du ménage, telle que l'obligation, pour les gendres et belles-filles, de fournir des aliments à leurs beaupère et belle-mère qui sont dans le besoin (C. civ., 206). Mais on reconnaîtra, sans doute, qu'il n'appartient pas aux époux de faire eu sorte qu'il n'y ait pas, légalement, un ménage, et cela au gré de leur caprice, et sans l'intervention de justice.

Quand la femme quitte le domicile conjugal, sans y être autorisée par les tribunaux et sans pouvoir articuler qu'il n'est pas convenable », peut-on dire, en droit, qu'il n'y a plus de ménage? L'habitation du mari reste la maison conjugale; la femme a le droit d'y entrer quand il lui plaît; elle a même le devoir d'y résider. Son mari est obligé de la recevoir (C. civ., 214). En tout temps, il doit respecter ce domicile conjugal comme si sa femme s'y trouvait (C. pén., 389; Cass. Belgique, 21 oct. 1889, Pasicr. belge, 1889. 1.320). C'est la maison commune; donc, sauf stipulation contraire insérée au contrat de mariage, la femme doit contribuer au paiement des loyers. Il en est de même des gages des domestiques, des fournitures alimentaires, des frais d'entretien des enfants s'il y en a. Ce qui, en fait et par la faute de la femme, est un ménage de garçon est, en droit, le ménage ». Le mariage subsiste; la part contributive de l'épouse séparée de biens doit être versée entre les mains du mari, qui reste seul chargé de régler et d'ordonner les dépenses du ménage. Les tribunaux ne peuvent avoir égard à la position anormale qui est celle des époux Delvaux, si ce n'est pour en argumenter contre la femme; jamais pour lui créer un titre.

-

Pothier (Tr. de la comm., n. 464, éd. Bugnet, t. 7, p. 255) a dit: La femme est en pension chez son mari. Soit. Mais il ne faut pas attribuer à ce mot à ce bon mot, si l'on veut une portée qu'il n'a pas. Il n'a jamais pu entrer dans la pensée de Pothier d'assimiler complètement la femme mariée à la veuve ou à la vieille demoiselle, pensionnaire d'un hôtel de famille, qui y entre, y séjourne, et le quitte quand elle le juge bon, et ne doit sa pension que pour le temps où elle y a été hébergée. La femme mariée n'a pas la même liberté d'action. Si elle est une pensionnaire, c'est une pensionnaire forcée, car la cohabitation est de l'essence du mariage; elle est légalement pensionnaire à vie, à moins que les tribunaux ne mettent fin à cet état de choses. Elle ne peut se décharger, quand il lui plaît, des obligations qui dérivent du contrat de mariage, en se soustrayant aux devoirs que la loi lui impose.

Notons-le bien, et c'est ici le noeud de la question, le mari, demandeur, ne s'est pas prévalu de l'absence de sa femme pour faire valoir ses droits; il n'en a nullement fait la base de sa réclamation, fondée uniquement sur la loi et son contrat. Il n'y avait d'ailleurs pas intérêt, car ses droits eussent été indiscutables et vraisemblablement indiscutés, si l'épouse était restée sous le toit con

(1-2) La jurisprudence française décide également que la nullité de la vente d'une chose appartenant à autrui ne peut plus être invoquée par le propriétaire de cette chose, lorsqu'il est devenu l'héritier pur et simple du vendeur. V. Cass. 6 déc. 1854 (S. 1855.1.268. P. 1855.2.194); 8 nov. 1893 (S. et P. 1894.1.401, et la note de M. Lacoste; Pand. pér., 1894.1.473). Adde, la note, 1r col., de M. Wahl, sous Cass. 8 févr.

re

jugal. Non, c'est la femme qui excipe de la séparation de fait pour se soustraire à ses obligations et se créer des avantages pécuniaires. Cette exception, opposée à la demande du mari, ne pouvait être accueillie, alors même que le demandeur n'eût pas fait sommation à sa femme de réintégrer le domicile conjugal. Le juge ne peut jamais y avoir égard, car elle est fondée sur une cause illicite. En l'admettant, l'arrêt dénoncé a consacré une situation de fait contraire à la loi.

Nous concluons à la cassation avec renvoi ».
ARRÊT.

communes :

LA COUR; Sur le moyen déduit de la violation des art. 212 à 214, 1131, 1133, 1387 et 1537, C. civ., et 97 de la Constitution, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que ledit art. 1537 ne trouve son application que dans les cas où les époux, vivant ensemble, doivent subvenir à des dépenses Attendu que l'arrêt dénoncé constate que le demandeur et la défenderesse, mariés sous le régime de la séparation de biens en 1894, ont, depuis 1898, cessé de vivre ensemble, et que le traitement du demandeur suffit à ses besoins; Attendu que si, aux termes de l'art. 1537, C. civ., la femme séparée de biens contribue, à défaut de conventions à cet égard, aux charges du mariage jusqu'à concurrence du tiers de ses revenus, cette disposition est fondée sur l'obligation de la vie commune; Attendu que l'action du demandeur tend uniquement à faire condamner sa femme à lui payer annuellement, sans reprendre la vie commune, sa part des charges du mariage; Attendu que l'arrêt dénoncé n'aurait pu faire droit à sa demande sans consacrer une situation de fait contraire à la loi, et qu'en l'en déboutant, loin de violer les articles visés au pourvoi, il en a fait une saine application; Par ces motifs; Rejette, etc. Du 29 févr. 1912. Cass. Belgique, Ire ch. MM. Lameere, 1er prés.; Holvoet, rapp.; Edmond Janssens, ler av. gén.; Picard et Woeste, av.

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CASS. TURIN 21 juin 1912. VENTE (EN GÉNÉRAL), CHOSE D'AUTRUI, ACTION EN NULLITÉ, HÉRITIER, BÉNÉFICE D'INVENTAIRE (Rép., vis Bénéfice d'inventaire, n. 434 et s., Vente, n. 1293 et s.; Pand. Rép., vis Successions, n. 3561 et s., Vente, n. 1595 et s.).

L'héritier, propriétaire de l'immeuble vendu par son auteur, n'est pas recevable à demander la nullité de la vente comme ayant porté sur la chose d'autrui (1) (C. civ., 1599).

Il ne suffirait pas à l'héritier, pour être recevable à agir en revendication contre l'acheteur, d'avoir accepté sous bénéfice d'inventaire, il faudrait qu'il eût renoncé à la succession (2) (C. civ., 785, 1599).

1905 (S. et P. 1907.1.17), avec les autorités citées. Mais l'affirmation de l'arrêt ci-dessus rapporté, que l'acceptation bénéficiaire de l'héritier ne change rien à cette situation, est en contradiction avec l'opinion la plus répandue en France. La doctrine française admet, en effet, que la séparation des patrimoines qui résulte de l'acceptation bénéficiaire empêche d'opposer à l'héritier, agissant proprio nomine, l'exception de garantie que le dé

(Castellani C. Ruttici). ARRÊT.

LA COUR;

Il est faux, comme le sou

tient le pourvoi, que la vente de la chose d'autrui soit, substantiellement et radicalement, nulle, et privée de tout effet. Selon le Code civil italien, la nullité prononcée de la vente de la chose d'autrui est seulement relative; ainsi, elle ne peut être opposée par le vendeur, aux termes de l'art. 1459, C. civ. Dans l'espèce, elle ne peut pas davantage être opposée par l'héritier du vendeur, puisque la personne de l'héritier se confond avec celle du de cujus. L'héritier, propriétaire de l'immeuble vendu, ne peut soutenir qu'il peut méconnaitre la vente, revendiquer l'immeuble, sauf à payer, en tant qu'héritier de la venderesse, des dommages-intérêts. Sans invoquer, comme l'ont fait le défendeur et les premiers juges, les principes du droit romain, et la maxime : Quem de evictione tenet actio, eumdem agentem repellit exceptio, la Cour suprême décide que l'héritier ne peut diviser ainsi sa personnalité juridique. En sa qualité d'héritier, il doit, comme débiteur réel, non seulement répondre des dommages résultant de l'inobservation de l'obligation assumée par la venderesse vis-à-vis de l'acheteur, mais encore défendre celui-ci contre l'action en éviction, et lui garantir la paisible possession de la chose vendue. En effet, l'acheteur, aux termes de l'art. 1165, combiné avec les art. 1462, 1481 et s., C. civ., a toujours le droit de réclamer l'exécution directe et en nature du contrat; c'est seulement lorsque cette exécution n'est pas possible qu'il doit se contenter de l'action en dommages-intérêts compensatoires de l'inexécution. Puisque le fonds vendu s'est trouvé être la propriété de l'héritier, celui-ci se trouve dans la même situation juridique que la venderesse, et celle-ci, si par n'importe quelle voie elle était devenue propriétaire de la chose, n'aurait pu la revendiquer contre l'acheteur. Pour obtenir l'action en revendication contre l'acheteur, il ne suffirait même pas que l'héritier eût accepté sous bénéfice d'inventaire. Il faudrait qu'il eût complètement renoncé à la succession. S'il ne l'a pas fait, il doit, avec l'actif, en supporter le passif, c'est-à-dire toutes les obligations qui pesaient sur la défunte, et, parmi elles, l'obligation de garantir à l'acheteur la paisible possession de la chose vendue. par son auteur, obligation inconciliable avec l'acte de revendiquer cette même chose; Rejette, etc.

Du 21 juin 1912. -Cass. Turin. - MM. de Blasio, prés.; Bassi, rapp.; Govella, subst. (concl. conf.); Maccari et Mérizzi, av.

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fendeur aurait pu opposer au défunt. V. Grenoble, 28 mars 1835 (S. 1836.2.47. P. chr.). Adde, la note de M. Wahl, p. 17, 2° col., sous Cass. 8 févr. 1905, précité, avec les autorités citées; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5e éd., t. 3, n. 2118; et notre Rép. gén, du dr. fr., vo Bénéfice d'inventaire, n. 434 et s.; Pand. Rép., v° Successions, n. 3561 et s. V. cep. Amiens, 19 janv. 1904 (motifs), sous Cass. 8 févr. 1905, précité.

C. D'APPEL DE BRUXELLES 2 avril 1913.

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1o SUCCESSION, VALEURS MOBILIÈRES, SOUVERAIN, DONATION A UNE PERSONNE MORALE ÉTRANGÈRE, HÉRITIER RESERVATAIRE, REVENDICATION, ATTEINTE A LA RÉSERVE, REDUCTION, PROPRIÉTÉ PRIVÉE DU DE CUJUS, PREUVE (Rép., vo Quotité disponible et réserve, n. 658 et s.; Pand. Rép., v Donations et testaments, n. 3083 et s.).. 20 ETRANGER, PERSONNE MORALE ÉTRANGÈRE, LOI BELGE, FONDATION CRÉÉE EN ALLEMAGNE, LOI ALLEMANDE, RECONNAISSANCE EN BELGIQUE, BUT DE LA FONDATION, ORDRE PUBLIC, FRAUDE, ETAT ÉTRANGER, ETAT INDÉPENDANT DU CONGO, SOUVERAIN, POUVOIRS (Rép., vo Dons et legs aux établissements publics, n. 115 et s.; Pand. Rép,, v Donations et testaments, n. 2617).

1° L'action intentée par un héritier réservataire, à l'effet de faire décider que des valeurs mobilières, attribuées par son auteur (en l'espèce, un souverain) à une personne morale étrangère, doivent être comprises dans la succession du de cujus, au patrimoine privé duquel elles n'ont pas cessé d'appartenir, la personne morale qui les détient n'ayant pas d'existence juridique, et que, tout au moins, ce dernier point fül-il contesté, elles doivent faire retour aux héritiers du donateur, comme portant atteinte à la réserve de ces derniers, est une action en revendication ou en réduc

(1 à 9) La succession de Léopold II de Belgique aura fourni à la pratique judiciaire de nombreuses occasions de décisions d'un haut intérêt. Des procès que cette hérédité a suscités, l'action intentée par S. A. R. la princesse Louise de Belgique, en revendication des valeurs appartenant à la Fondation de Niederfüllbach, restera sans doute la plus délicate, comme aussi celle qui a donné lieu aux difficultés les plus graves et les moins attendues.

A la vérité, le jugement rendu par le tribunal de Bruxelles et l'arrêt de la Cour se présentent à nous comme de véritables monuments de droit international public et privé. De la lecture de ces deux décisions, il apparaît que l'intérêt du procès était de savoir à qui, des héritiers de Léopold ou de l'Etat belge, devaient être attribués les fonds autrefois consacrés par le souverain décédé à la fondation qu'il avait instituée sous le nom de Fondation de Niederfüllbach ..

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L'extrême difficulté de cette affaire venait de ce qu'elle mettait en cause la nature de la souveraineté du roi sur l'Etat du Congo, les droits respectifs du souverain en son nom personnel et en tant que chef de cet Etat, en outre, une question de preuve très délicate et toute nouvelle, accessoirement enfin, le point de savoir si la fondation devait être reconnue comme existant en Belgique, et si elle n'y était pas contraire quelque loi d'ordre public. Ce dernier point, qui, dans l'instance, n'a joué qu'un rôle accessoire, est celui qui nous touche davantage; nous allons lui consacrer la plus grande partie de cette note.

Ce point est, en effet, le plus strictement juridique de tous, et il va nous permettre d'étudier des rapports extrêmement fréquents, extrêmement intéressants aussi, et qui, au point de vue de la science juridique, n'ont jamais été l'objet d'une analyse assez profonde. Cette question acces- 7-8 cah.

ANNÉE 1913.

tion, et non une action en restitution de biens confiés à titre de dépôt; dès lors, le demandeur doit prouver le droit de propriété de son auteur, à peine de succomber dans son action (1) (C. civ., 920 et s.).

20 En droit belge, il n'appartient pas aux particuliers de constituer par leur seule volonté des fondations autonomes, jouissant d'un patrimoine grevé d'une affectation spéciale et perpétuelle; nul ne peut créer une personne morale, en Belgique, sans l'assentiment du pouvoir législatif (2). Rés. par le Trib.

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Cette règle n'implique pas que les personnes morales juridiquement établies à l'étranger ne puissent être reconnues comme telles en Belgique, si elles n'y sont pas en opposition avec l'ordre public, ce qui doit s'entendre uniquement de l'ordre public national (3). Id.

L'ordre public belge serait nettement violé par la reconnaissance, en Belgique, de l'existence d'une personne morale créée à l'étranger conformément aux prescriptions de la loi étrangère, alors que cette personne morale derrait accomplir en Belgique le but de son institution (4). Id.

Spécialement, l'ordre public belge serait violé par la reconnaissance, en Belgique, d'une fondation créée conformément aux prescriptions de la loi allemande, dans le duché de Saxe-Cobourg-Gotha, alors que, dans l'intention du fondateur, la majeure partie des revenus de l'établissement de

soire est celle que nous allons traiter tout d'abord. Nous laisserons donc de côté le point de savoir de quel patrimoine venaient les biens, fonds et valeurs, qui avaient été attribués par Léopold II à la Fondation de Niederfüllbach, et nous nous demanderons purement et simplement si cette fondation était reconnue en Belgique, et si elle n'y était pas contraire à quelque principe d'ordre public.

La question de l'existence, sur le territoire belge, de la Fondation de Niederfüllbach a été abordée successivement par le tribunal de Bruxelles et par la Cour d'appel. Le tribuual, raisonnant de ce que l'établissement d'une fondation est matière d'ordre public international (nous ajoutons cet adjectif pour nous faire entendre de ceux qui veulent, à tout prix, distinguer un ordre public national et un ordre public international. V. Pillet, La notion de l'ordre public, p. 28 et s.), a posé en principe que l'intervention du pouvoir législatif belge était nécessaire à la constitution de toute fondation faite sur le territoire belge; mais il a ajouté avec raison que cette exigence ne tranchait pas, à elle seule, la question de savoir si des personnes juridiques fondées à l'étranger pouvaient ou ne pouvaient pas être reconnues en Belgique.

Laissant de côté les diverses théories que cette doctrine a fait surgir, les juges de Bruxelles ont borné leur examen à la considération des exigences de l'ordre public; ils se sont demandé si l'ordre public s'opposait à la reconnaissance, en Belgique, de la Fondation de Niederfüllbach, laquelle, comme on le sait sans doute, est une fondation d'origine allemande.

Envisagée à ce point de vue, la question leur parut devoir être décidée dans le sens de l'affirmative. Ils raisonnèrent de ce que le but principal de cette fondation était d'exécuter certains travaux d'utilité publique en Belgique, ce qui est s'im

vaient servir à assurer en Belgique, dans des conditions déterminées, l'exécution de travaux d'intérêt général (5). Id.

...

Et qu'il parait d'ailleurs résulter des circonstances de la cause que la personne morale dont il s'agit a été établie sous le couvert de la loi étrangère, en vue d'échap per aux obligations imposées par la législation belge (6). Id.

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Jugé toutefois qu'il n'y a pas lieu, pour les tribunaux belges, de déclarer in existante une pareille fondation, dès l'instant que cette fondation, régulière au regard de la loi allemande, ne réclame en Belgique l'exercice d aucun droit contraire à l'ordre public, et que, à la suite d'un arrangement intervenu entre l'Etat belge et les administrateurs de la fondation, celle-ci n'a plus à accomplir sur le territoire belge la mission qui lui avait été assignée, et a vu son champ d'action limité au territoire de l'Etat étranger dans lequel elle a pris naissance (7).

L'ancien Etat indépendant du Congo avait une personnalité juridique autonome, qui ne se confondait en aucune manière avec celle du roi des Belges, souverain de cet Etat (8).

Dès lors, les ressources tirées par le roi, souverain de l'Etat du Congo, de ses possessions africaines, les recettes faites et les gains réalisés, étaient la propriété de l'Etat independant lui-même, et non de celui qui le dirigeait (9).

miscer dans la gestion des intérêts dont l'Etat belge doit avoir la garde, et remplir une fonction réservée aux seules personnes civiles de nationalité belge. Les juges allèrent même jusqu'à prétendre que la Fondation, ayant été établie en Allemagne, en vue d'objets à réaliser pour leur plus grande partie sur le territoire belge, devait être réputée posséder une nationalité frauduleuse, et, par suite, être considérée, en Belgique, comme une fondation radicalement

nulle.

La Cour ne suivit pas la voie inaugurée par les juges du premier degré; son arrêt nous offre l'exemple d'un raisonnement curieux. La Cour prétendit d'abord n'avoir nul besoin de décider la question de l'existence, en Belgique, des personnes morales étrangères; puis, après avoir ainsi déclaré cette recherche inutile, elle ne laissa pas ellemême de remarquer que la Fondation de Niederfüllbach avait été créée très régulièrement, en Allemagne, dans le courant de l'année 1907, que sa gestion avait été également conforme aux lois allemandes sur la matière, et que, dans ces conditions, rien ne permettait de déclarer inexistante une personne morale étrangère, qui ne réclamait du reste aucun droit contraire à l'ordre public belge.

Si nous ne nous trompons pas, le raisonnement du tribunal et celui de la Cour sont, l'un et l'autre, sujets à certaines critiques. Le tribunal a considéré que la constitution de la Fondation en Allemagne était fictive et contraire à l'ordre public belge, soit parce qu'elle poursuivait en Belgique des objets d'intérêt public, soit surtout parce que cette fondation, faite en Allemagne, avait été irrégulière dès son origine, son siège social ne se trouvant pas en réalité dans le duché de Saxe-Cobourg, mais sur le sol belge.

Nous n'examinerons pas cette imputation de fraude. La Fondation n'ayant pu être établie à IV PART. - 2

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