Une société d'assurances peut être citée par un assuré devant le Tribunal du lieu où elle a une agence et où l'assurance a été souscrite, bien que le siége social soit sur une autre place (1). (ARNAUD ET FILS CONTRE TISSIER ). JUGEMENT. Attendu que le sieur Tissier, gérant de la société d'assurances mutuelles à cotisations fixes dite la Sauvegarde des Travailleurs, dont le siége social est à Rouen, oppose une exception d'incompétence à la demande des sieurs Arnaud et fils; Qu'il invoque l'art. 59 du C. de proc. civile; Attendu que la société dont il s'agit a une agence à Marseille, et que c'est là qu'Arnaud et fils auraient contracté l'obligation en vertu de laquelle la société leur réclamerait une cotisation; Que le but de la demande des sieurs Arnaud et fils est de faire déclarer qu'ils ne doivent rien, par le motif que tous accords entre eux et la société auraient pris fin depuis le 4" janvier 1874; Que c'est donc, en réalité, un débat sur le payement de la cotisation qui se poursuit devant le Tribunal de céans entre les parties; Que, conformément à la jurisprudence, ce débat a pu être valablement porté par les sieurs Arnaud et fils devant le Tribunal de l'agence où ils ont contracté l'assurance; (1) Voy. conf, Table décennale, v° Compétence, no 138. au fond à l'audience de quinzaine; condamne Tissier, ès-qualité, aux dépens de l'incident. Du 1 février 1873. Prés. M. ALLEGRE, juge, ch. de la Légion d'honneur.- Plaid. MM. DROGOUL pour Arnaud et fils, SUCHET pour Tissier. EFFET DE COMMERCE. TIRÉ. ACCEPTATION BIFFÉE. PASSATION EN COMPTE-COURANT AVEC LE TIREUR. PROVISION CONSTITUÉE. La passation d'une traite par le tiré dans son compte courant avec le tireur constitue provision, surtout quand une lettre postérieure du tiré fait connaître au tireur qu'il y sera réservé bon accueil. En conséquence, le tiré est tenu, en ce cas, vis à-vis du liers porteur, lors même qu'après avoir apposé son acceptation sur la traite, il l'aurait biffée avant de la laisser sortir de ses mains. (BASTIDE ET PINCHON CONTRE FOTIADÈS ET C°). JUGEMENT. Attendu que le sieur Chrysafidès de Constantinople a tiré sur les sieurs Fotiadès et C de Marseille une traite de 1650 fr. à trois mois de date, soit à l'échéance du 3 décembre 1873, ordre Ch Joannides; que cette traite a été adressée aux sieurs Bastide et Pinchon; que ceux-ci l'ont présentée à l'acceptation des sieurs Fotiadès et C°, et que, par l'effet d'un oubli, ils ne l'ont retirée des mains de ce dernier qu'à la veille de l'échéance; que les tirés la leur ont rendue avec leur acceptation biffée et se sont refusés à en payer le montant ; Attendu que, dans l'intervalle de la présentation de la traite. à son échéance, les tireurs étaient tombés en état de suspension de paiements; Attendu que le Tribunal a renvoyé les parties devant un arbitre rapporteur pour rechercher si les tirés avaient provision; Que c'est à la suite d'un incident et d'une citation en justice que les sieurs Fotiadès et C ont produit à l'arbitre rapporteur leur journal et leur grand livre; Que de l'examen de ces documents, il est résulté la preuve qu'il existait, entre Fotiadès et C et Chrysafidés de Constantinople, un véritable compte courant; qu'il n'est pas sérieux de la part de Fotiadès de soutenir que ce compte courant n'existerait pas parce qu'il ne contiendrait aucun article à son crédit et qu'il n'y aurait que des articles de débit; qu'il faut bien qu'un compte courant débute par des articles, soit de débit, soit de crédit, et que son caractère de compte courant n'en existe pas moins s'il vient à être interrompu ; Attendu que, dans ce compte courant, Fotiadès et Cont versé au débit du tireur la traite de 1650 fr. dont s'agit; Qu'ils ont passé cette écriture à la date du 30 septembre 1873, alors que leur acceptation était apposée sur le titre luimême dès le 9 septembre; que c'est en connaissance de cause et nullement par erreur que cette acceptation avait été apposée; que ce sont les sieurs Fotiadès et C eux-mêmes, et non, comme ils l'ont à tort fait soutenir, un de leurs commis, ignorant de la situation, qui ont accepté la traite; Que la passation sur leur livre, le 30 septembre, n'a été que la confirmation intentionnelle de cette acceptation; Attendu que cette passation d'article au débit du tireur, démontre que les tirés reconnaissaient avoir provision pour le paiement de la traite; Attendu qu'il n'est pas nécessaire, en effet, que la provision existe dans les mains du tiré, en espèces, en marchandises ou de toute autre manière effective et réelle; qu'il suffit encore qu'elle soit faite en compte courant, c'est-à-dire en crédit commercial manifestement et incontestablement consenti; que les auteurs reconnaissent en effet que de toutes les monnaies commerciales, le credit n'est pas la moins énergique, la moins utile: que la doctrine et la jurisprudence opinent dans ce sens ; Qu'il s'agit seulement de savoir dans quel cas ce crédit peut être regardé comme ayant éte réellement et définitivement accordé et si ce cas se réalise dans la cause; Attendu que ce crédit existe et la provision se trouve réalisée, lorsque le tiré a volontairement passé en compte. courant le montant de la traite tirée sur lui au débit du tireur, et qu'il a fait connaître à ce dernier que bon accueil serait fait à la traite, et que le tireur a accepté le débit; Qu'en effet, à ce moment, il survient entre tiré et tireur un contrat véritable par lequel le tiré devient prêteur du tireur pour le montant de la traite, avec obligation d'employer le prêt au paiement de cette traite; Que ce prêt, ainsi constitué dans de pareilles conditions, appartient alors à la traite et aux tiers porteurs et ne saurait plus leur être enlevé; Attendu qu'en appliquant ces principes à Fotiades et C, on voit qu'ils ont débité en compte courant le tireur du montant de la traite en question à la date du 30 septembre dernier, soit près de 20 jours après leur acceptation; Qu'ils prétendent, il est vrai, non-seulement n'avoir pas avisé le tireur de leur acceptation et de la passation de l'article en compte courant, mais encore avoir reçu de lui, à la date du 20 septembre 1873, un télégramme leur donnant ordre de ne pas accepter; Attendu que ce télégramme ne s'applique pas à l'affaire ou a été nécessairement révoqué depuis qu'en effet, le système soutenu par Fotiadès et C se comprendrait et serait logique si le débit en compte courant était antérieur à ce télégramme; mais qu'il est au contraire postérieur, puisque la passation de l'article en question est du 30 septembre, c'est-à-dire de dix jours postérieure au dit télégramme; que, dans cet intervalle de temps, il s'est donc échangé, entre tireur et tirés, soit une correspondance, soit des télégrammes nouveaux maintenant l'acceptation; que l'existence de ces avis réciproques, bien que non communiqués par les tirés qui ont un intérêt évident à ne pas les produire, est [manifestement révélée par leurs livres et les dates elles-mêmes; Qu'ainsi donc Foliadès et C avaient en compte courant une provision définitive, qu'il ne leur était plus permis de faire disparaître au préjudice des tiers porteurs à la date du 30 novembre 1873, en leur rendant la traite avec acceptation biffée, et en contre passant purement et simplement sur leur grand livre l'article de débit de 1,650 fr.; Par ces motifs, Le Tribunal entérine le rapport dressé par M Lejourdan, avocat ; en conséquence, condamne les sieurs Fotiadès et C à payer aux demandeurs la somme de 1672 fr. 85 c, montant des causes dudit rapport, avec intérêts de droit et plus grands dépens; taxe à 115 fr. les honoraires et débours de l'arbitre rapporteur; Du 5 février 1875. Prés. M. RENARD, juge. Plaid. MM. CASTELLE pour Bastide et Pinchon, DE PLEUC pour Fotiadès et C. L'acheteur qui tombe en suspension de payements, et qui comprend son vendeur dans un concordat amiable conclu avec ses créanciers, est présumé avoir consenti la résiliation du marché pour la partie non encore exécutée au moment de la suspension. Il est donc non recevable à demander ultérieurement la livraison du solde. |