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approuva et confirma, à la demande des fondateurs Jean de Matha et Philippe de Valois, l'Ordre de la Très-Sainte-Trinité pour le rachat des chrétiens qui étaient tombés au pouvoir des Turcs. Un Ordre semblable, celui de Notre-Dame de la Merci fut approuvé par Honorius III et ensuite par Grégoire IX, Ordre que saint Pierre Nolasque avait fondé avec cette loi sévère que les religieux qui en feraient partie se livreraient eux-mêmes à l'esclavage à la place des chrétiens captifs, si cela était nécessaire pour les racheter. Grégoire IX aussi assura à la liberté un plus ample rempart, en décrétant qu'il était défendu de vendre à l'Eglise des esclaves, et il y ajouta des exhortations aux fidèles pour que, en expiation de leurs fautes, ils offrissent leurs esclaves à Dieu et à ses saints. D'autres nombreux bienfaits de l'Eglise sont également à signaler à ce propos. C'est elle en effet qui a constamment défendu, en employant à ce sujet la sévérité de ses peines, les esclaves contre les procédés violents et les pernicieux outrages de leurs maîtres : à ceux qui étaient opprimés par la violence, elle offrait le refuge de ses temples; elle ordonna d'admettre les affranchis à rendre témoignage en justice, et elle ne ménagea pas la correction à ceux qui se permettaient par des artifices condamnables de réduire en servitude les hommes libres. Elle favorisa d'autant plus volontiers la liberté des esclaves qui, de quelque façon que ce fût, se trouvaient lui appartenir selon les temps et les lieux, soit en établissant que tout lien d'esclavage pouvait être brisé par l'évêque en faveur de ceux qui, pendant un certain temps, auraient fourni des preuves d'une vie louable, soit en permettant à l'Evêque de déclarer facilement libres ceux qui leur étaient spontanément attachés. Il faut attribuer aussi à l'esprit de miséricorde et au pouvoir de l'Eglise que la sévérité des lois civiles ait été mitigée en faveur des esclaves et que les adoucissements introduits à cet effet par saint Grégoire le Grand fussent adoptés daus les codes des nations, comme cela fut fait grâce surtout à Charlemagne, qui les introduisit dans ses Capitulaires, de même qu'ensuite Gratien dans son Décret. Enfin, dans la suite des âges, les monuments, les lois, les institutions ont constamment proclamé par de ma

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gnifiques témoignages la souveraine charité de l'Eglise envers les esclaves, dont elle n'a jamais laissé sans tutelle l'humiliante condition et qu'elle a toujours cherché à soulager. Aussi ne saurait-on jamais assez honorer et remercier l'Eglise catholique et proclamer qu'elle a bien mérité de la prospérité des peuples, en détruisant l'esclavage par un bienfait inappréciable du Christ Rédempteur, et en assurant aux hommes la liberté, la fraternité et l'égalité véritables.

Au déclin du xve siècle, alors que, le funeste fléau de l'esclavage ayant presque cessé chez les nations chrétiennes, les Etats s'efforçaient de se consolider sur la base de la liberté évangélique et d'étendre au loin leur empire, le Siège apostolique veilla avec le plus grand soin à empêcher que les mauvais germes ne vinssent quelque part à pousser de nouveau. Il dirigea dans ce but sa diligente prévoyance vers les régions nouvellement découvertes de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique; le bruit avait couru, en effet, que les chefs de ces expéditions, quoique chrétiens, avaient fait servir peu justement leurs armes et leur talent pour établir et imposer l'esclavage parmi ces populations inoffensives. C'est que l'âpre nature du sol qu'il s'agissait de subjuguer, non moins que les richesses métallifères à exploiter et qui exigeaient des travaux considérables, induisirent à adopter des desseins tout à fait injustes et inhumains. On commença de faire dans ce but comme un trafic d'esclaves amenés de l'Ethiopie, ce que l'on appela ensuite la traite des noirs et qui se propagea excessivement dans ces colonies. Par un semblable excès, on en vint à pratiquer à l'égard des indigènes, généralement désignés sous le nom d'Indiens, une oppression pareille à l'esclavage. Dès qu'il connut avec certitude cet état de choses, Pie II s'adressa, sans retard, à l'autorité épiscopale de l'endroit, par une lettre dans laquelle il blâma et condamna une aussi grave iniquité. Peu après, Léon X mit en œuvre, autant qu'il put, ses bons offices et son autorité auprès des rois de Portugal et d'Espagne pour qu'ils prissent à cœur d'extirper complètement pareil excès, non moins contraire à la religion qu'à l'humanité et à la justice. Néanmoins, 2

XVIe-II

cette calamité jetait de profondes racines, par suite de la persistance de sa cause ignoble, qui était l'inextinguible soif du gain. Alors Paul III, préoccupé dans sa charité paternelle de la condition des esclaves indiens, en vint à la détermination extrême de se prononcer sur cette question publiquement et pour ainsi dire à la face de toutes les nations, par un décret solennel, portant que l'on devait reconnaître une triple faculté juste et propre à tous ces naturels, à savoir que chacun d'eux pouvait être maître de sa personne, qu'ils pouvaient vivre en société d'après leurs lois et qu'ils pouvaient acquérir et posséder des biens. Il le confirma plus amplement encore par des lettres au cardinal archevêque de Tolède, en édictant que ceux qui agiraient contre ce décret seraient frappés d'interdit et que le pouvoir de les absoudre était pleinement réservé au Pontife romain (1). Avec une égale sollicitude et une même constance, d'autres Pontifes, tels qu'Urbain VIII, Benoît XIV, se montrèrent successivement les vaillants défenseurs de la liberté en faveur des Indiens et des noirs et de ceux qui n'avaient pas encore reçu la foi chrétienne. Ce fut encore Pie VII qui, à l'occasion du congrès tenu à Vienne par les princes confédérés de l'Europe, appela leur commune attention, entre autres, sur cette traite des noirs dont il a été parlé, afin qu'elle fut complètement abolie, de même qu'elle était déjà tombée en désuétude dans beaucoup de localités. Gregoire XVI aussi admonesta gravement ceux qui violaient sur ce point les droits et les devoirs de l'humanité; il renouvela à l'appui, les décrets et les peines édictées par le Siège apostolique, et il n'omit rien de ce qui pouvait amener les nations lointaines à imiter en cela la mansuétude des nations européennes pour abhorrer et éviter l'ignominie et la cruauté de l'esclavage (2). Il Nous est arrivé très opportunément à Nous-même de recevoir les félicitations des dépositaires suprêmes du pouvoir public pour avoir obtenu, grâce à des persévérantes instances, que l'on fît droit aux

(1) Veritas ipsa, 2 Iun. 1559.

2) In supremo Apostolus fastigio, 3 dec. 1837.

réclamations prolongées et si justes de la nature et de la religion.

Un autre souci Nous reste cependant qui Nous préoccupe vivement au sujet d'une affaire semblable et qui réclame Notre sollicitude. C'est que si l'ignoble traite d'êtres humains a réellement cessé sur mer, elle n'est que trop largement pratiquée sur terre et avec trop de barbarie, notamment dans certaines contrées de l'Afrique. Du moment en effet qu'aux yeux des Mahométans, les Ethiopiens et les habitants des nations semblables sont considérés comme étant à peine en quelque chose supérieurs aux brutes, il est aisé de concevoir en frémissant avec quelle perfidie et quelle cruauté ils les traitent. Ils font subitement irruption, à la manière et avec la violence des voleurs, dans les tribus de l'Ethiopie, qu'ils surprennent à l'improviste; ils envahissent les villes, les campagnes et les villages, dévastant et pillant toutes choses; ils emmènent comme une proie facile à prendre les hommes, les femmes et les enfants pour les conduire de vive force aux marchés les plus infâmes. C'est de l'Egypte, du Zanzibar et en partie aussi du Soudan comme d'autant de stations que partent ces abominables expéditions; des hommes chargés de chaînes sont contraints de parcourir un long chemin, soutenus à peine par une nourriture misérable, accablés d'horribles coups; ceux qui ne peuvent l'endurer sont voués à la mort; ceux qui survivent sont condamnés à être vendus en troupe et étalés devant des acheteurs cruels et cyniques. Chacun de ceux ainsi vendus et livrés se voient exposés à la déplorable séparation de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs parents, et le maître au pouvoir duquel ils échoient les assujettit à un esclavage très dur et abominable, les obligeant même à embrasser la religion de Mahomet. Nous avons, à Notre grande douleur, appris naguère ces choses de la bouche de quelques-uns de ceux qui avaient été témoins, les larmes aux yeux, d'une aussi infâme ignominie, et leur récit est confirmé par les récents explorateurs de l'Afrique équatoriale. Il résulte même de leur témoignage que le nombre des Africains vendus chaque année de la sorte, à l'instar des troupeaux de bêtes, ne s'élève pas à moins de quatre

cent mille, dont la moitié environ, après avoir été accablés de coups le long d'un âpre chemin. succombent misérablement, de telle sorte que les voyageurs, combien c'est triste à dire! en suivent la trace faite des restes de tant d'ossements. Qui ne sera pas touché à la pensée de tant de maux ? Pour Nous, qui tenons la place du Christ, le libérateur et rédempteur très aimant de tous les hommes, et qui Nous réjouissons si vivement des mérites si nombreux et si glorieux de l'Eglise envers toutes sortes de malheureux, c'est à peine si Nous pouvons exprimer de quelle commisération Nous sommes pénétré envers ces populations infortunées, avec quelle immense charité Nous leur tendons les bras, combien Nous désirons ardemment pouvoir leur procurer tous les secours et les soulagements possibles, afin que, affranchis de l'esclavage des hommes en même temps que de celui de la superstition, il leur soit enfin donné de servir le seul vrai Dieu, sous le joug très suave du Christ, et d'être admis, avec nous, au divin héritage. Dieu veuille , que tous ceux qui sont en possession du commandement et du pouvoir, ou qui veulent sauvegarder le droit des gens et de l'humanité, ou qui se dévouent sincèrement aux progrès de la religion, s'efforcent tous ardemment, sur Nos instances et Nos exhortations, de réprimer, d'empêcher et d'abolir cette traite, la plus ignoble et la plus infâme qui se puisse imaginer! - En attendant, et tandis que, grâce à un mouvement plus accentué du talent et de l'activité, de nouvelles voies sont ouvertes vers les régions africaines et de nouvelles relations commerciales y sont fondées, que les hommes voués à l'apostolat s'efforcent de leur mieux d'obtenir qu'il soit pourvu au salut et à la liberté des esclaves. Ils n'obtiendront de succès en cela qu'autant que, soutenus par la grâce divine, ils se consacreront tout entiers à propager notre très sainte foi et travailleront de plus en plus ardemment à son développement, car c'est le fruit insigne de cette foi de favoriser et d'engendrer admirablement la liberté dans laquelle nous avons été affranchis par le Christ (1). A cet effet, Nous les exhortons à considérer, comme dans

(1) Galat, iv, 31.

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