la tentative du délit prévu par l'art. 63; - attendu que l'art. 16 de la loi précitée déclare exemptés, du service militaire les jeunes gens que leurs infirmités rendent impropres à tout service actif ou auxiliaire de l'armée; et que, d'après l'art. 27, les causes d'exemption sont jugées en séance publique par le conseil de révision; attendu que la prévention imputée à Caussé était celle de s'être rendu ou d'avoir tenté de se rendre impropre à tout service militaire actif ou auxiliaire; que pour prononcer en connaissance de cause sur cette prévention alternative, l'autorité judiciaire avait besoin de savoir si l'impropriété absolue à tout service militaire existait en la personne de Caussé, pour déduire de là si elle avait à réprimer un délit ou une tentative de délit; qu'à la vérité la pénalité est la même dans l'un et dans l'autre cas; mais qu'il importe aux tribunaux de rendre une décision conforme à la vérité des faits, telle qu'elle résulte des éléments légaux constatés par l'information; attendu qu'aux termes des dispositions ci-dessus rappelées, la solution de la question d'impropriété absolue à tout service militaire appartient au conseil de révision; qu'en conséquence, la Cour de Toulouse en prononçant le sursis à statuer sur la prévention dont elle était saisie jusqu'après la décision du conseil de révision sur le point de savoir si Caussé est propre ou impropre à tout service militaire, loin de violer les art. 63 et 67 susvisés de la loi du 27 juillet 1872 en a fait une saine application; - rejette, etc. Du 20 déc. 1873. - C. de cass. - M. Faustin Hélie, prés. M. Barbier, rapp. - M. Dupré-Lasale, av. gén. 2o espèce. ARRÊT (Allibert). LA COUR; - Attendu qu'il est constant en fait, de l'aveu même du prévenu, qu'à Serjans, le 4 oct. 1873, Allibert a volontairement tenté de se rendre impropre au service militaire en se coupant une partie de la phalange de l'index de la main droite; attendu que, poursuivi à raison de cette tentative et non point pour un délit consommé, le prévenu a été renvoyé d'instance par un jugement du tribunal de Die, motivé sur ce que le ministère public serait sans action et dès lors non recevable à provoquer la répression en pareille matière tant que le conseil de révision n'a pas décidé si le fait consommé est de nature à rendre son auteur impropre au service; attendu que par cette décision, le tribunal a méconnu le principe de droit commun qui donne au ministère public l'attribution générale de poursuivre tout acte réprimé par la loi, et qu'il a mis en oubli la loi du 27 juill. 1872, dont l'art. 63 porte textuellement que ce délit peut être déféré d'office aux tribunaux; qu'enfin il a confondu dans une seule et même disposition l'acte consommé et la simple tentative, également punissables, aux termes de l'art. 67 de la même loi, alors qu'il n'était saisi que de ce dernier cas seulement; - attendu qu'il entrait certainement dans le droit des premiers juges de rejeter l'action si elle ne leur paraissait pas fondée, ou de surseoir à prononcer, même jusqu'après décision du conseil de révision, s'ils ne se trouvaient pas suffisamment éclairés, mais qu'ils ne pouvaient, sans violer le principe et les dispositions ci-dessus rappelés, démettre le ministère public de son action par une simple fin de nonrecevoir; qu'en ce faisant, le tribunal a commis une erreur que la Cour doit réparer; - attendu, en droit, que la loi de 1872, dans ses art. 63 et 67, a eu pour but de punir tout acte volontaire par lequel un citoyen porte atteinte à ses facultés physiques dans leur rapport avec l'aptitude au service militaire, soit qu'il ait réussi à se rendre inapte au service actif de l'armée, et bon tout au plus pour les services auxiliaires, soit que le résultat ayant absolument trompé ses efforts, il puisse encore être réclamé pour le service actif; - attendu, dès lors, que sans se faire juge des questions d'exemption ou de classement, dont la solution appartient exclusivement et souverainement à la compétence des conseils de révision, il est du devoir des tribunaux de rechercher et de vérifier si, par une tentative volontaire et sérieuse, le prévenu a cherché à se rendre impropre à un service militaire quelconque; que tel est le cas soumis à la Cour, et que, sous ce rapport, le doute est impossible; qu'en effet, l'acte imputé à Allibert, intentionnel et grave en lui-même, ne saurait être confondu avec une tentative insignifiante ou avec une surpercherie plus ou moins dérisoire, comme cela a pu se rencontrer dans d'autres espèces; attendu que, dans ces circonstances de fait et de droit, il y a lieu, dès à présent et sans qu'il soit besoin d'attendre la décision à intervenir du conseil de révision, de retenir le délit imputé au prévenu, tel qu'il a été qualifié, prévu et puni par les art. 63 et 67 de la loi du 27 juill. 1872; par ces motifs, - réforme, etc., et condamne Allibert, etc. 1o La nullité du brevet d'invention, entraînant la nullité du certificat d'addition, les juges saisis d'une plainte en contrefaçon doivent rechercher tout d'abord si le brevet primitif est entaché de nullité, avant d'examiner la validité du certificat 1. Est brevetable, aux termes de l'art. 2, § 2, de la loi du 5 juil.. 1844, l'invention de moyens nouveaux ou l'application nouvelle de moyens connus sans qu'il soit nécessaire que le résultat industriel obtenu soit nou veau. Les juges du fond ont un pouvoir souverain pour apprécier la valeur des antériorités invoquées 3, 1. V. C. de cass., 5 fév. 1852 (J. cr., art. 5469); Paris, 4 mai 1855, cit. par Huard, Rép. de lég. et jur. en mat. de brevets d'inv., art. 18, no 5; C. de cass., Req., 5 nov, 1867, Sirey, 1868, 1. 11; Calmels, no 79; Nouguier, no 195; Huard, art. 16, no 2; Pouillet, nos 154 et 155. 2. V. sur le Pouvoir souverain des juges du fait en matière de contrefaçon; C. de cass., 23 juin 1876 (J. cr., art. 9903); 6 fév. 1875 (J. cr., art. 9928). • 2o Lorsque plusieurs demandeurs en cassation, poursuivis en méme temps, condamnés par un méme arrét pour un délit de méme nature, ont le méme intérêt et soutiennent leur pourvoi à l'aide des mémes moyens, il n'y a lieu qu'à la consignation d'une seule amende 1. Il en est ainsi notamment pour le fabricant de machines contrefaites et pour les détenteurs de ces machines. ARRÊT (Magand et autres c. Leboyer). - sur LA COUR; - Vu les mémoires présentés par les demandeurs et le défendeur; - après délibéré en chambre du conseil; attendu que la veuve Saint-Aubin a, par acte du 16 oct. 1876, déclaré se désister de son pourvoi; - attendu que cet acte est régulier en la forme; - en donne acte à la veuve Saint-Aubin et dit qu'il n'y a lieu de statuer sur son pourvoi qui sera considéré comme non avenu; attendu que les nommés Robert et Bulh, Dupré, Marmont, Fontaine, Mandrassy et Compange, seuls entre tous les demandeurs, n'ont pas consigné l'amende prescrite par l'art. 420 du C. d'inst. crim., quoique condamnés pour un simple délit à une peine correctionnelle; mais attendu que, poursuivis en même temps que les autres demandeurs, condamnés par un même arrêt, pour un délit de même nature, les susnommés ont le même intérêt et soutiennent leurs pourvois à l'aide des mêmes moyens que les demandeurs qui ont consigné; que les consignations opérées par ces derniers doivent donc profiter aux susnommés et qu'il n'échet pas de prononcer la déchéance de leurs pourvois qui sont recevables; - au fond : le premier moyen tiré d'une violation des art. 1or, 16, 17, 30, 40 et 41 de la loi du 5 juil. 1844, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué en présence des conclusions posées par les demandeurs et tendant à ce que la nullité fût prononcée pour cause de non nouveauté tant du brevet primitif pris le 22 mai 1863 par Leboyer pour des procédés et une machine propres à imprimer des cartes de visite à la minute, que du certificat d'addition du 24 mars 1866, qui est l'accessoire dudit brevet, se serait abstenu de statuer divisément d'abord sur l'une, ensuite sur l'autre de ces questions, aurait refusé de prononcer les nullités requises et aurait appuyé sa décision sur des motifs insuffisants; attendu qu'il est de principe que la nullité d'un brevet primitif entraîne la nullité d'un certificat d'addition qui s'y rattache et qui doit en suivre le sort; que s'il est vrai conséquemment que le devoir des juges du fond, saisis d'une plainte en contrefaçon, est de rechercher tout d'abord si le brevet primitif suivi d'un certificat d'addition, est entaché de nullité, il est constant que, conformément à cette obligation, l'arrêt attaqué dans ses premiers considérants a divisément précisé la nature de la machine qu'avait primitivement fait breveter Leboyer; qu'il a déclaré en fait que les procédés et la machine qui les réalisent, lesquels étaient l'objet du breve brevet primitif, étaient nouveaux et par suite brevetables, et qu'il en a conclu avec raison qu'il n'y avait pas lieu de déclarer ledit brevet entaché de nullité; attendu que ce n'est que dans des motifs subséquents qu'il a fait les mêmes constatations et 1. V. dans ce sens, C. de cass., 23 avril 1863 (J. cr., art. 7715). déclarations à l'égard du certificat d'addition; qu'en faisant ces constatations et appréciations, l'arrêt attaqué a sainement interprété les termes des brevet et certificat en question, dont il n'a méconnu ni le sens ni la portée; que les détails dans lesquels entre l'arrêt à l'égard des divers organes et de l'ensemble de la machine brevetée, le soin qu'il met à discuter les conclusions des prévenus, notamment en traitant la question de nouveauté, démontrent que les motifs que contient ledit arrêt donnent complète satisfaction aux prescriptions de l'art. 7 de la loi de 1810; qu'il résulte de tout ce que dessus qu'en statuant comme ils ont fait, les juges du fond n'ont violé aucune des lois précitées et que le premier moyen n'est pas fondé ; sur le second moyen tiré d'une violation des art. 2, 30, 40 et 41 de la loi du 5 juil. 1844, en ce que l'arrêt attaqué aurait validé le brevet et le certificat d'addition dont s'agit, à raison seulement de l'obtention d'un résultat industriel nouveau à laide des moyens décrits en ces titres, alors que ces moyens n'étaient pas susceptibles d'être brevetés; attendu que cette prétention des demandeurs repose sur une erreur de fait; qu'en effet l'arrèt attaqué déclare de la façon la plus claire et la plus explicite qu'il résulte des débats et du rapport des experts dont il s'approprie l'opinion, qu'une partie des moyens et procédés revendiqués sont nouveaux et qu'est nouvelle l'application de ceux de ces moyens qui étaient connus, tous lesquels moyens ont eu pour conséquence d'obtenir un résultat industriel nouveau; qu'il importe peu que le résultat industriel soit nouveau comme l'ont déclaré les juges du fait; qu'en effet, le § 2 de l'art. 2 de la loi de 1844 n'exige pas, dans les circonstances données, que le résultat industriel obtenu soit nouveau, qu'il suffit pour que l'invention soit considérée comme brevetable par application de ce paragraphe qu'il soit constaté, ainsi qu'il a été fait par l'arrêt attaqué, ou que les moyens employés pour obtenir ce résultat sont nouveaux ou que l'application qui en a été faite de moyens connus est nouvelle; qu'il suit qu'en déclarant ce fait, c'est-à-dire souverainement, que la machine Leboyer, dans son ensemble, était brevetable, l'arrêt dénoncé n'a violé aucune loi et que le second moyen n'est pas justifié ; sur le troisième moyen tiré de la violation des art. 1er, 2, 30, 31, 40 et 41 de la loi de 1844, en ce que l'arrêt attaqué aurait à tort repoussé les antériorités invoquées par les demandeurs; - attendu que les juges du fond ont jugé en fait en appréciant la valeur de ces antériorités, que leur décision est donc souveraine et que cette décision échappe au contrôle de la Cour de cassation; par ces motifs ; rejette les pourvois formés par les demandeurs contre l'arrêt rendu le 12 août 1876 par la Cour d'appel de Paris, ch. corr.; condamne tous les demandeurs à une seule amende et ordonne la restitution du surplus des amendes consignées. Du 30 déc. 1876. - C. de cass. - M. de Carnières, prés. - M. BerMes Lehmann, Sauvel et thelin, rapp. Costa, av. M. Desjardins, av. gén. ART. 9984. DIFFAMATION. TÉMOIGNAGE EN JUSTICE. - FAITS SE RATTACHANT A LA Une action en diffamation à raison d'un témoignage produit devant la justice, ne peut être intentée que dans le cas où les faits diffamatoires sont étrangers à la cause. Les juges saisis d'une pareille action doivent déclarer si les imputations à raison desquelles elle a été intentée étaient étrangères à l'instance. Cette condition, nécessaire pour constituer la diffamation légalement punissable, est imposée, sans distinction, aux tiers comme aux parties plaidantes 1. ARRÊT (Helft). LA COUR; - Sur le premier moyen, pris de la fausse application de l'art. 18 de la loi du 17 mai 1819 et de la violation de l'art. 23 de la même loi, en ce que l'arrêt attaqué a admis l'action en diffamation dirigée contre le demandeur par le sieur Rectou, à raison de la déclaration par lui faite devant la Cour d'assises de la Loire-Inférieure où il avait été entendu comme témoin, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président; vu lesdits articles; attendu que l'art. 23 de la loi du 17 mai 1819 interdit, par sa première disposition, toute action en diffamation à raison des discours prononcés ou des écrits produits devant les tribunaux; qu'il n'y a d'exception à 1. Il faut, dans l'application de l'art. 23 de la loi de 1819, distinguer ntre l'action immédiate et l'action ultérieure de la personne diffamée. Si l'action est immédiate, le juge saisi de la cause a un pouvoir discrétionnaire d'appréciation pour prononcer des suppressions et des dommages-intérêts (V. Rép. cr., vo Diffamation, no 28). Si, au contraire, l'action se produit plus tard devant un autre tribunal, la condition sine qua non de tout recours de la personne diffamée est que les faits diffamatoires soient étrangers à la cause, sans quoi, toute action est refusée, soit au ministère public, soit aux parties, soit aux tiers. Si les faits ont ce caractère, les parties ne pourront agir ultérieurėment que lorsque l'action leur aura été réservée par le tribunal devant lequel la diffamation s'est produite. Les tiers sont, au contraire, dispensés des réserves (Rép. cr., Eod. vo n° 29). La Cour de cassation a affirmé ces principes par de nombreux arrêts des 6 fév. 1829 (J. cr., art. 97); 21 juil. 1838 (J. cr., art. 2220); 14 déc. 1838 (J. cr., art. 2460), et enfin par un arrêt du 31 janv. 1873, rendu au rapport de M. Moignon et ainsi motivé: « Attendu que, dans le but d'assurer et de protéger la légitime défense des parties devant les tribunaux et de les mettre à même d'éclairer librement la justice sans avoir à redouter les suites de l'entière manifestation de la vérité, l'art. 23 de la loi du 17 mai 1819 interdit, par sa première dispositon, toute action en diffamation pour les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux; « Qu'il n'y a d'exception à cette règle générale et d'action autorisée, aux termes du dernier paragraphe de cet article, que pour les faits diffamatoires étrangers à la cause; « Attendu que cette condition, nécessaire pour constituer la diffamation légalement punissable, est imposée, sans distinction, aux tiers comme aux parties plaignantes. » |