être dénoncés, alors même qu'ils n'ont pas le caractère d'une anticipation matérielle. Tels sont, par exemple, la résistance opposée par un voisin à l'exercice d'une servitude active appartenant à l'immeuble loué, ou bien les actes du voisin qui, continués pendant une certaine période, pourraient grever ce même immeuble d'une servitude. Si la règle n'était pas ainsi entendue, le bailleur serait exposé, surtout lorsque les baux ont une longue durée, à être dépouillé d'une partie des droits attachés à sa propriété, sans aucun moyen de l'empêcher. Il n'est pas présumable qu'il ait voulu se placer dans une pareille position; il est au contraire tout naturel d'admettre, qu'en abandonnant la jouissance au fermier, il a entendu que celui-ci exercerait une surveillance active et lui donnerait avis de tous les faits susceptibles de lui nuire, soit par retranchement d'une portion de son héritage, şoit par extinction de servitudes actives, soit par acquisition de servitudes passives. D'ailleurs l'obligation n'a, pour le fermier, rien d'onéreux, de difficile dans l'exécution: c'est une considération nouvelle pour la lui imposer. 114. Faut-il aussi exiger de lui qu'il dénonce les troubles de droit, dont il aurait connaissance? J'avoue que je n'aurais pas songé à examiner la question, je ne pensais pas qu'elle pût se présenter; je ne concevais pas comment les prétentions manifestées par des tiers, soit au moyen d'actes extrajudiciaires, soit même au moyen d'ajournemens en justice adressés au fermier, pouvaient être considérés comme troubles de droit, à l'égard du propriétaire. Le preneur n'est point le représentant du bailleur; il n'est qu'un simple détenteur de la chose louée; ce n'est pas contre lui que procèdent les actions des tiers qui prétendent avoir sur cette chose quelques droits. S'il est assigné par eux, il n'est pas obligé de défendre; il n'a pas même qualité pour le faire; il n'a qu'à nommer celui pour qui il possède, et il doit être mis hors d'instance. Voilà ce qu'enseigne Pothier (1), ce qu'exprime aussi l'article 1727. Ainsi, et selon les véritables principes, toutes significations, toutes assignations adressées au fermier, sont complètement étrangères au propriétaire, puisqu'il n'en a pas, personnellement connaissance, et que celui qui les reçoit n'est pas, sous ce rapport, son représentant légal. Elles ne peuvent donc être opposées au bailleur, ni comme trouble apporté à la possession annale, ni comme une interruption de la prescription trentenaire. Dès-lors, il semble qu'il n'y a aucun motif pour obliger le preneur à dénoncer au bailleur des actes qui lui sont indifférens. Un arrêt de la Cour de cassation (2) a jeté quelques doutes dans mon esprit, quoiqu'il ne s'explique pas précisément sur l'obligation du preneur de faire connaître au bailleur les troubles de droit ce n'était pas la question du procès. Des tiers avaient déclaré au fermier, par acte extrajudiciaire, qu'ils étaient propriétaires de l'hé (1) Du Louage, no 91. (2) Le 12 octobre 1814; Sirey, 15. 1. 124; Dälloz, tome I, p. 248; Journal du Palais, tome 43. _129. -1 ritage loué, aux termes d'un contrat de vente qu'ils lui notifiaient; et qu'ainsi il devait cesser de payer dorénavant les fermages entre les mains du bailleur. L'arrêt a décidé qu'un pareil acte constituait un trouble de droit, à l'égard du propriétaire; qu'en conséquence, l'action possessoire formée par lui, plus d'un an après la date de cet acte, était non recevable. Cette décision est irréprochable, si l'on commence par admettre que le propriétaire avait été troublé, dans son droit, par la signification faite au fermier. Mais c'est là ce que je conteste, comme on l'a vu ci-dessus. La Cour de cassation elle-même n'affirme pas bien positivement la proposition que je combats. D'une part, le débat, je l'ai déjà dit, ne portait pas sur ce point; d'un autre côté, l'arrêt, dans ses considérans, semble admettre l'existence du trouble, par le motif que le bailleur avait lui-même considéré l'acte comme ayant ce caractère. Au surplus, si on pense, avec la Cour de cassation, qu'en effet il y a trouble de nature à nuire au bailleur, incontestablement il y a pour le fermier obligation d'en donner avis. Il faut d'autant plus le décider ainsi, qu'une signification reçue par le fermier est un fait occulte, que rien ne révèle au propriétaire; tandis qu'une visite périodique sur son domaine pouvait lui révéler les troubles de fait, tels que des usurpations, des empiétemens, des travaux propres à fonder ou à éteindre des servitudes. Cette dernière observation me semble répondre d'avance à l'argument tiré du mot usurpations, dont se sert l'article 1768. Il est vrai que cette expression s'entend plus spécialement des troubles de fait. Il est vrai aussi que l'article 614, en imposant une obligation analogue à l'usufruitier, emploie des termes plus généraux, puisqu'il dit : « Si un tiers commet quelque usurpation sur le fonds ou attente autrement aux droits du propriétaire, l'usufruitier est tenu de le dénoncer à celui-ci. » En comparant la forme de ces deux dispositions, on peut, au premier moment, croire qu'elles renferment des intentions différentes; que l'une crée des obligations moins étendues que l'autre. Mais le mot usurpations, qu'emploie l'article 1768, ne répugne pas ne répugne pas absolument à l'idée de trouble de droit : il ne peut surtout être décisif, en présence de cette puissante considération, que le seul moyen qu'ait le propriétaire de connaître les significations ou les assignations adressées au fermier, c'est un avertissement donné par celui-ci. 115. L'arrêt de la Cour de cassation a d'ailleurs décidé un point qui ne présente aucune difficulté sérieuse. Il a jugé que c'est du jour du trouble, et non du jour où il a été dénoncé par le fermier, que court contre le propriétaire la prescription annale de l'action possessoire. 116. Lorsque le bail fixe l'étendue des obligations du preneur, prévoit quelque cas d'infraction, en détermine les conséquences, et indique les peines auxquelles sera exposé le contrevenant; ces diverses stipulations doivent être exécutées, en suivant les règles générales qui régissent les conventions, spécialement celles qui sont relatives aux clauses pénales. 117. Dans tous les cas, les dérogations à la loi ne doivent pas facilement se présumer; et ce n'est qu'en présence d'une volonté nettement exprimée, qu'on doit admettre les exceptions au droit commun. Ainsi, lorsque, dans un bail, il est dit que le preneur ne dégradera pas et ne permettra pas qu'on dégrade le fonds, il ne faut pas entendre seulement qu'il devra, d'abord ne pas dégrader lui-même, et s'opposer aux dégradations, s'il s'aperçoit qu'on va en commettre; qu'il n'a qu'un rôle à-peu-près passif à remplir. Son devoir sera d'exercer une surveillance assez active, pour qu'on ne puisse pas dégrader le fonds. La clause insérée dans le bail ne l'affranchit point de cette obligation imposée à tous les fermiers. C'est ce qui résulte de la loi 27 ff., loc. cond., ainsi conçue: in lege locationis scriptum erat: redemptor silvarum ne cædito, neve cingito, neve deurito, neve quem cingere, cædere, urere sinito. Quærebatur utrùm redemptor, si quem quid earum rerum facere vidisset, prohibere debet, an etiam silvam custodire ne quis id facere possit. Respondi verbum sinere utramque habere significationem; sed locatorem id videri voluisse ut redemptor non solum, si quem casu vidisset silvam cædere, prohiberet; sed uti curaret et daret operam ne quis cœderet. 118. La loi 51, Cod. loc., fournit un autre exemple. Javolenus suppose que les parties sont |