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plus raisonnable qu'il s'agit, aux deux époques, de la jouissance de la même chose; mais la présomption établie par la loi est-elle donc absolument subordonnée à l'égalité parfaite entre les avantages que la chose louée a offerts au preneur durant le premier bail, et ceux qu'il en retirera pendant le second? Ne peut-on pas admettre que, malgré une différence plus ou moins importante entre les produits de l'héritage à deux époques distinctes, les parties ont cependant eu l'intention de conserver la clause de leur première convention qui fixe le prix, comme toutes les autres? La conduite de celui des contractans à qui le maintien du prix doit causer un préjudice, n'est-elle pas bien propre à faire croire qu'il a consenti à le subir? Il sait qu'en général le prix de la reconduction. est celui du bail; il n'ignore pas que l'application de cette règle peut lui nuire; et cependant il forme tacitement le nouveau contrat, sans élever aucune réclamation, sans faire remarquer qu'il est dans une position exceptionnelle, sans protester contre la prétention, qu'élevera infailliblement celui avec qui il contracte, de maintenir l'ancien prix. Il faut avouer que cela n'indique guère l'intention de le faire réduire à l'avenir.Je crois donc que, nonobstant la différence des produits de la chose louée pendant le bail et pendant la reconduction, il faut respecter le principe qui admet le prix du bail comme prix de la reconduction. Les raisons qui me déterminent peuvent se résumer ainsi. Telle est ordinairement la volonté présumée des parties; la différence des produits était connue d'elles; elles

l'ont sans doute appréciée; elles n'en ont point parlé; il y a donc lieu de penser que cette circonstance particulière ne leur a pas paru assez grave pour modifier le prix précédemment établi," N'oublions pas que la tacite reconduction est un contrat, et que dans les conventions on doit s'attacher à la volonté des contractans, alors même qu'elle porterait quelque atteinte légère aux intérêts de l'un ou de l'autre.

D'ailleurs, Pothier suppose que la reconduction n'a lieu que pour une année, et il fait remarquer que le premier bail a pu comprendre la saison la plus productive, tandis que le second portera sur la plus mauvaise. En mettant ainsi en opposition les termes extrêmes des produits de l'héritage, ål rend plus vive et plus saillante la différence, et montre d'autant plus l'injustice qui résulterait de l'identité des prix. J'ai établi, au contraire, que la reconduction doit embrasser la période nécessaire pour la perception de tous les fruits de l'héritage; par conséquent, chacune des années comprises au nouveau bail présentera la moyenne des produits du fonds; on n'aura plus à comparer la production Ja plus élevée avec la plus basse, mais seulement avec la moyenne. Il y aura bien encore une diffé-rence; mais elle sera moindre que celle que Potthier, en habile dialecticien, prend pour thème de ison argumentation, afin de faire mieux ressortir l'injustice de la combinaison qu'il repousse.

219. « Le fermier sortant, dit l'art. 1777, doit laisser à celui qui lui succède dans la culture les Jogemens convenables et les autres facilités pour

les travaux de l'année suivante; et réciproquement, le fermier entrant doit procurer à celui qui sort les logemens convenables, et les autres facilités pour la consommation des fourrages et pour les récoltes restant à faire, Dans l'un et l'autre cas, on doit se conformer à l'usage des lieux. » (1)

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La substitution d'un nouveau formier à celui qui détient l'héritage ne peut pas se faire brusquement et en un jour. En même temps que l'un a encore besoin de rester sur les lieux pour achever sa jouissance, il y a nécessité pour l'autre de s'y introduire et de commencer ses travaux. Cette présence simultanée des deux fermiers sur l'héritage ne peut avoir lieu qu'à l'aide de mutuelles concessions et d'arrangemens amiables. La loi ordonne de concilier les besoins des deux fermiers, et elle se tait sur les moyens d'exécution, parce qu'ils dépendent d'une foule de circonstances qu'il est impossible de prévoir.

220. Pour suppléer à son silence, je crois devoir transcrire un passage de l'ouvrage de M. Gasparin, que j'ai déjà eu occasion de citer. Il me semble offrir d'une manière concise, tout ce que l'expérience de l'agronome peut offrir d'utiles renseignemens aux jurisconsultes, et de sages conseils aux parties contractantes.

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L'époque naturelle où doit finir un bail est (celle, où toutes les semences dont le fermier doit

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() Voy. l'indication d'une foule d'usages et de dispositions de coutumes dans Vaudoré, Droit rural, tome II, pages 63 et suiv.

percevoir les fruits après sa sortie sont complètement achevées, et où les travaux du nouveau fermier ne sont pas encore commencés.

<< Dans les pays où règne l'assoiement triennal, cette époque se rencontre immédiatement après la semaille du blé de printemps, s'il est d'usage que le fermier sortant jouisse de cette récolte, c'est-à-dire vers la fin de mars dans le nord de la France et au commencement de mars au centre. Mais si le fermier sortant ne sème point les blés de mars à son profit, l'époque naturelle est celle où il a fini les semailles d'automne, comme dans les pays où l'assolement est biennal, c'est-à-dire, du i au 30 novembre, selon les pays. Dans le courant de l'hiver, le nouveau fermier a le temps de se livrer aux repurgemens des fossés, aux cultures profondes qui doivent préparer ses semis de fourrages, et à tous les travaux qui annoncent un nouvel ordre de choses; au lieu que, s'il n'entre qu'au printemps, il ne peut plus pour cette année, que suivre la routine tracée, et c'est une année perdue pour l'amélioration.

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<< Mais l'usage est tyrannique, surtout pour l'époque du changement du fermier; car le fermier sortant ne peut quitter sa ferme, qu'autant que celui qu'il remplace lui cède la sienne. Il n'est donc pas au pouvoir d'un seul propriétaire de changer la coutume usitée dans le pays. Le Code (art. 1777) a cherché à remédier à ces inconvéniens en stipulant que le fermier sortant doit laisser à celui qui lui succède l'usage de logemens convenables, et autres facilités pour la consommation des fourra

ges, et pour les récoltes restant à faire; le tout selon l'usage des lieux.

<< L'intention était bonne sans doute, mais son exécution est incomplète, et pourrait donner lieu à de grands abus; car il est rare d'avoir dans une ferme des bâtimens suffisans pour loger une double population de bestiaux et d'ouvriers. Je pense donc qu'on doit suppléer à cette lacune par des articles additionnels, qui trouveront leur place dans la partie du bail où l'on complète les dispositions du Code.

<< Ainsi, si le bail finit en novembre, il sera stipulé que le fermier sera tenu de loger en hiver un nombre d'ouvriers et de bêtes de travail, pour travailler aux raies d'écoulement; au printemps, tel autre nombre pour les travaux des mars et les sarclages; et enfin, en été, l'attirail nécessaire pour enlever les récoltes. Si le bail finit en mars, il faut stipuler que le fermier sortant laissera jouir celui qui le remplacera des terres, et chacune immédiatement après la récolte, pour pouvoir y faire les cultures convenables à l'établissement de ses fourrages, et pour le soin de ses mars, sans préjudice du parcours de ses troupeaux, jusqu'au moment où la terre sera ouverte. Il est bon d'établir aussi par une clause expresse, que le fermier entrant aura le droit de semer sur les mars du fermier şortant, ou sur les blés d'hiver, si l'on ne fait pas de mars dans le pays, une quantité déterminée de graines de trèfle, de sainfoin et d'autre fourrage, et que pour tous ces travaux, le premier sera tenu de fournir le logement à un nombre déterminé

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