La location ne doit pas non plus être permise pour les objets qui, quoiqu'ils ne soient pas susceptibles d'un prompt dépérissement, sont ordinai. rement conservés par le propriétaire pour son usage personnel; tels que les armes, les livres, les tableaux, les médailles, les bijoux. (1) Quelquefois cependant, l'usufruitier pourra, à raison des circonstances, être autorisé à louer quelques-uns de ces objets. Si, par exemple, l'usufruit d'une bibliothèque est légué ou par un loueur de livres, ou à un individu qui exerce cette profession, il y a de justes raisons pour croire que le testateur a voulu permettre la location des livres; puisque, dans un cas, c'est l'usage qu'il en faisait lui-même, et que, dans l'autre, c'est celui auquel il a dû songer, à raison de la profession du légataire. (2) M. Proudhon, dont jusqu'ici j'ai suivi l'opinion, pense également qu'il n'y aurait point abus de jouissance de la part de l'usufruitier qui louerait des meubles, qui ne se détériorent pas rapidement par l'usage, et dont la destruction naturelle ne dérive que de la vétusté, tels que les glaces, pendules, armoires, tapisseries, et la plupart des meubles meublans. Il donne pour raison que l'usage de ces sortes d'objets est toujours le même, et qu'en le louant on ne les expose pas à un plus prompt dépérissement (3). Il est évident, au con (1) M. Proudhon, de l'usufruit, tome III, no 1061. (2) Ibid., n° 1063. (3) Ibid., no 1065. traire, que la manière dont on se sert des meubles influe beaucoup sur leur durée, ou du moins sur leur détérioration; qu'ils sont mieux conservés dans les mains de telle personne que dans les mains de telle autre, sans qu'il soit cependant possible de reprocher à celle qui leur donne moins de soins, un abus de jouissance proprement dit. Il est également certain qu'on doit attendre une surveillance plus attentive, une jouissance plus modérée, de la part d'un propriétaire ou d'un usufruitier, que de la part d'un détenteur temporaire comme un locataire. Il n'est donc pas indifférent au nu-propriétaire que l'usufruitier jouisse par luimême ou qu'il loue; par conséquent, la faculté de louer ne doit pas lui être facilement attribuée, en l'absence de toutes circonstances qui indiquent, chez l'auteur de la constitution d'usufruit, la volonté de l'accorder. Il ne parait pas, au surplus, que M. Proudhon ait lui-même une confiance absolue dans le sentiment qu'il émet, puisque, après avoir présenté Ja faculté de louer les meubles meublans comme appartenant en général à l'usufruitier, il ajoute : « L'usufruitier qui succède à un loueur de meubles peut aussi continuer à en user de même, puisqu'en louant les meubles soumis à sa jouissance, il ne fait qu'en percevoir l'espèce de produit pour le quel ils étaient destinés et tenus par le maître. » (1) (1) D. 1. § 5, M. Proudhon, de l'usufruit, tome III, no 1066. Sans doute, dans ce cas, l'opinion de M. Prou dhon doit être suivie; mais, précisément parce qu'il a cru devoir prévoir l'hypothèse, où le propriétaire des meubles était loueur de profession, et tirer de ce fait particulier la raison de décider, il semble lui-même reconnaître qu'à défaut de cette circonstance spéciale, il y a au moins incertitude sur la question. « L'usufruitier d'une maison, dit Rousseaud de Lacombe, où il y a des bains pour le plaisir et l'usage seulement du père de famille, ne peut pas les louer, afin que publiquement toutes sortes de personnes s'y puissent baigner (1). » Cependant il le pourrait si l'on suivait l'avis de M. Proudhon, car des bains sont des choses dont le principe de destruction naturelle ne dérive que de la vétusté. (2) 2 240. Il y a des objets mobiliers qui sont destinés à être loués, et pour ceux-là le droit de l'usufruitier ne peut être mis en doute, bien que l'usage que doit en faire celui qui les loue, en les employant à leur destination naturelle, les expose à certains dangers; tels sont les navires de commerce, les bateaux et voitures employés au transport des marchandises ou des personnes. Au surplus, l'usufruitier ne doit louer ces différens objets que pour l'usage auquel ils sont naturellement destinés, et en temps convenable; il doit aussi prendre toutes les précautions que peut (1) Rousseaud de Lacombe, v° Usufruit, sect. IV, no 16.` (2) Domat, liv. I, tit. XI, sect. III, no 10. suggérer la prudence d'un bon père de famille, pour empêcher que le locataire n'en abuse. (r) «En cédant son droit de jouissance à un autre, dit M. Proudhon (2), il ne peut se dégager luimême de l'obligation de représenter la chose au propriétaire. En conséquence, il doit être responsable des dégradations qui seraient causées par la faute du preneur, comme il le serait de la suite de ses propres fautes. >> 241. De tout temps on a pensé que la durée des baux consentis par les usufruitiers, les tuteurs, et en général par ceux qui n'ont que l'administration d'une chose, devait être l'objet de dispositions spéciales. On a reconnu, d'une part, qu'il ne fallait pas laisser à un simple administrateur le droit de consentir des baux d'une durée excessive et qui équivaudraient presque à des aliénations; d'un autre côté, on a jugé convenable de ne pas restreindre la durée des baux à la durée même de l'administration ou de la jouissance de celui qui les a consentis. On n'a pas voulu appliquer rigoureusement la règle: resoluto jure dantis resolvitur jus accipientis; ses conséquences auraient éloigné les preneurs, effrayés par la perspective d'une résolution ou trop prochaine, ou inattendue. Les articles 1429 et 1430 du Code civil, en reproduisant sur ce point les règles de l'ancienne jurisprudence, concilient le respect dû au (1) Rousseaud de Lacombe; Domat, loc. cit.; M. Proudhon, t. III, n° 1064 et 1067. (2) N° 1073. droit des propriétaires et les justes exigences des preneurs. Mais ces dispositions ne sont point applicables au louage des choses mobilières. D'abord l'article 1718, qui en étend l'application aux baux des biens des mineurs, est placé dans une section exclusivement consacrée aux baux des immeubles. En second lieu, c'est seulement pour les immeubles qu'il y a nécessité de donner aux baux une longue durée. Lorsqu'il s'agit de meubles, on n'a plus les mêmes ménagemens à prendre; on n'est plus en présence de l'intérêt agricole ou industriel, ou du besoin de fixité dans le domicile. Ces considérations puissantes, qui ne permettent pas de renfermer dans un espace trop court ou de trancher d'une manière trop brusque la durée des baux des immeubles, n'exercent plus aucune influence. Il faut donc rentrer dans la règle générale et décider qu'une location de meubles, consentie par un usufruitier ou un administrateur, ne doit pas survivre à l'extinction de la jouissance ou du droit d'administration. (1) 16242. La chose louée doit être délivrée avec tous ses accessoires. 243. La délivrance est aux frais du locateur; elle se fait dans le lieu où se trouve la chose. Mais les frais de l'enlèvement doivent être supportés par le locataire, à moins qu'une convention expresse, les circonstances, ou l'usage suivi dans la location de certaines choses, n'indiquent des in (1) M. Proudhon, de l'usufruit, tome III, no 1217. |