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Ce contrat, selon Pothier, en renferme deux; une espèce de vente et une espèce de louage (1). En effet, celui qui donne sa chose en toute propriété, fait à-peu-près une vente; celui qui accorde la jouissance temporaire de la sienne, fait à-peu-près un louage. L'élément qui manque à chacun de ces contrats, pour qu'il soit véritablement vente ou louage, c'est un prix en argent.

Dans l'examen des questions qui peuvent naître à l'occasion d'un pareil contrat, il faut donc se déterminer d'après les principes qui régissent la vente et le louage, en admettant toutefois les restrictions, dont l'absence d'un prix en numéraire révélera la nécessité.

265. Ainsi, dans le cas où la chose donnée en pleine propriété vient à périr, par cas fortuit, entre les mains de celui qui l'a reçue, comme l'équivalent de la jouissance de la sienne; c'est ce dernier qui doit en supporter la perte, parce qu'il en est devenu propriétaire; et il n'en doit pas moins faire jouir de sa chose jusqu'au terme fixé, celui avec qui il a contracté. Celui-ci, en transmettant la propriété, a rempli son engagement; on ne peut plus rien exiger de lui.

Mais s'il y avait éviction, l'action en garantie qui appartient en général à tout acheteur, serait accordée avec tous ses effets à la partie évincée: elle pourrait donc faire prononcer la résolution du contrat, reprendre la jouissance de sa chose, et

(1) N° 491.

demander, selon les circonstances, des dommages

intérêts.

266. Lorsque c'est la chose, dont la jouissance avait été accordée, qui vient à périr ou à être évincée, les effets sont différens. Quelle que soit la cause qui fasse cesser la jouissance, cas fortuit, ou revendication par un tiers, elle emporte résolution du contrat. Celui à qui cette jouissance avait été assurée, peut demander qu'on lui restitue ce qu'il avait donné, comme équivalent de ce qu'il perd. L'engagement de l'autre partie n'a pas été rempli par la délivrance; elle s'est obligée à faire jouir de sa chose pendant un temps déterminé; si même, par un évènement de force majeure, elle se trouve hors d'état d'exécuter ce qu'elle a promis, elle doit restituer ce qu'elle a reçu.

Mais il ne serait pas juste que celui des contractans qui aurait joui, pendant un certain temps, de la chose de l'autre, rentrât purement et sim-/ plement dans la propriété de la sienne, au moment où cesserait sa jouissance. S'il en était ainsi, comme les choses, objet du contrat, sont de valeur fort inégale, puisque la propriété pleine et entière de l'une a été considérée et donnée comme l'équivalent de la jouissance temporaire de l'autre, il y aurait évidemment lésion pour l'une des parties. Ce sera aux tribunaux à apprécier, d'après les circonstances, notamment d'après les causes de l'éviction et la valeur de la jouissance de chacune des choses, l'indemnité, ou si l'on veut, le loyer que devra payer celui des contractans qui, après avoir joui un certain temps de la chose qui lui

avait été en quelque sorte louée, recouvre, par l'effet de la résolution du contrat, la chose dont il avait fait une espèce de vente.

Au surplus, de part ni d'autre, on n'a droit de demander que l'objet qui avait été donné comme prix de la location soit divisé, et qu'une partie, proportionnelle au temps de la durée du contrat, soit attribuée à celui des contractans jouant le rôle du bailleur. D'un côté, celui qui avait accepté l'objet entier peut ne pas vouloir en conserver une partie; et réciproquement, celui qui avait trouvé convenable d'aliéner toute sa chose, peut avoir de justes motifs pour refuser d'en reprendre seule ment une portion.

On trouve ces principes développés et appliqués à des espèces, dans l'appendice placé par Pothier à la suite de son traité du louage. (1)

CHAPITRE III.

Du louage d'ouvrage et d'industrie.

SOMMAIRE.

267. Nécessité de distinguer entre le louage d'ouvrage et le mandat salarié.

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1

268. Selon le droit romain et les docteurs, les conventions

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qui ont pour objet des travaux dépendans des professions libérales sont des mandats, et celles relatives à la confection d'ouvrages qu'on exécute par les procédés des arts mécaniques sont des louages d'ouvrage. 269. La même opinion a été suivie depuis le Code; elle est enseignée par M. Merlin et consacrée par un arrêt de

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270. Système different. Observations critiques sur la doctrine précédemment admise.

271. Dissentiment entre les auteurs qui l'ont appliquée. 272. Développement de mon système.

273. Réponse à ceux qui craindraient de voir confondre les œuvres de l'intelligence et les travaux mécaniques. 274. Résumé.

275. Division de ce chapitre.

267. J'ai défini le louage en général, un contrat par lequel une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose, ou de son travail, pendant un certain temps et moyennant un prix que celle-ci s'oblige à payer. (1)

Les termes de cette définition comprennent le louage des choses et le louage d'industrie ou d'ouvrage; ils montrent que, dans l'un et dans l'autre, les obligations des parties sont les mêmes, qu'il n'y a de différent que l'objet auquel elles s'appliquent; ils sont d'ailleurs en harmonie parfaite avec le texte de la loi, et avec la doctrine des au

teurs.

Mais j'ai dit, que l'espèce particulière de tra

(1) Voy. Tome XVIII (IIIo de ma Continuation), no 3.

vaux ou de soins que le locateur s'oblige à faire ou à donner, ne modifie point la nature du contrat; qu'il y a également louage d'ouvrage, soit qu'il s'agisse d'opérations qu'exécutent les forces physiques de l'homme; soit que les actes qui forment l'objet du contrat, exigent le concours des facultés les plus élevées de l'esprit. J'ai repoussé la doctrine qui voit deux contrats distincts dans deux conventions qui, ayant les mêmes élémens essentiels, ne diffèrent qu'en ce que l'une impose l'obligation d'exécuter un travail mécanique, et l'autre, d'accomplir une oeuvre intellectuelle (1). Ma raison n'a pu se plier à l'idée que dans un cas il y a louage d'ouvrage et dans l'autre mandat. En cela, il est vrai, mon sentiment s'écarte de l'opinion depuis long-temps accréditée parmi les jurisconsultes; les plus illustres, je le sais, ont adopté le système que je combats; j'espère montrer que la lettre et l'intention de la loi, l'expérience des faits et les notions d'économie sociale repoussent également la théorie qui jusqu'à ce jour a été généralement tenue pour vraie, et qu'elles justi fient celle que je veux lui substituer.

Il y a, je n'ai point à le dissimuler, dans le louage d'ouvrage et dans le mandat, ceci de semblable et de commun, que le locateur (2) et le mandataire s'obligent à faire une chose, l'un pour le locataire (3), l'autre pour le mandant. A toutes les

(1) Voy. Tome XVIII (IIIo de ma Continuation), no 14. (2 et 3) Il ne faut pas se méprendre sur les sens des mots locateur

TOME XIX.

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