Ce sont là, au surplus, des règles générales auxquelles les baux à loyer sont tout naturellement soumis. Je dois donc presque me borner à rappeler ici les explications que j'ai présentées dans le volume précédent sur cette matière (1), notamment sur la tacite reconduction et ses effets ); sur la forme et la preuve des congés et les délais. dans lesquels ils doivent être donnés (3). Bien peu de mots seront suffisans pour exposer ce qui est plus spécialement relatif aux baux des maisons. 35. Dans le silence des parties sur la durée du bail, on vient de voir qu'elle est réglée par l'usage des lieux; cependant, lorsqu'il s'agit du bail d'un appartement meublé, la manière dont le prix est fixé peut fournir l'indication du temps pour lequel le bail est consenti. Il est censé fait à l'année, dit l'art. 1758, quand il a été fait à tant par an; au mois, quand il a été fait à tant par mois; au jour, s'il a été fait à tant par jour. L'usage des lieux ne reprend son empire, que lorsque rien ne constate que le bail est fait à tant par an, par mois ou par jour. On comprend que ce qui est dit de la location à tant par an, par mois, ou par jour, est également vrai, si les parties ont désigné toute autre période comme un trimestre, ou une semaine. (4) (1) N° 483 et suiv. (2) N° 19, 20, 21, 22, 23, 24, 498, 499, 500, 501, 502, 503, 504, 505, 506, 507, 508, 509, 510, 511, 512, 513. (3) N 489, 490, 49r, 49, 493, 494, 495, 496. (4) Pothier, du Louage, no 30. 36. La présomption légale sur la durée du bail, ainsi puisée dans l'indication du prix pour une certaine période, ne doit être appliquée qu'à l'espèce particulière de location, pour laquelle elle est établie. C'est seulement, dans les baux d'appartemens meublés qu'elle peut suppléer à la volonté non exprimée des parties. Dans les baux de maisons ou d'appartemens non meublés, le prix est ordinairement fixé par année; et cependant, les contractans entendent se soumettre, quant à la durée, aux usages locaux. A Paris, par exemple, jamais on ne s'aviserait de prétendre qu'un appartement, loué à tant par an, est loué pour une année; on sait fort bien que le bailleur et le locataire n'ont point voulu contracter pour cette période; qu'ils ont, l'un et l'autre, entendu s'engager seulement pour le terme que l'usage détermine. Mais, je crois que l'intention de déroger à l'usage devrait être considérée comme constante, si la période pour laquelle le prix serait indiqué, était plus courte qu'un terme ordinaire; qu'ainsi à Paris, le bail, fait à tant par mois, finirait de droit à la fin du mois et ne durerait point jusqu'à l'expiration du terme. 37. M. Delvincourt pense que, même dans les locations d'appartemens meublés, auxquelles s'appli que spécialement l'art. 1758, la présomption légale doit céder à l'usage local (1). C'est une erreur évidente. La discussion à laquelle cet article donna lieu (1) Tome III, notes, page 202. dans le Conseil d'État prouve que le législateur a refusé ici aux usages l'influence qu'il leur accorde dans d'autres cas; qu'il a considéré cette locution: je loue un appartement meublé à tant par an, par mois, par jour, comme une manifestation certaine de la volonté de louer pour un an, un mois, un jour; et qu'il a vouln, ce qui est très rationnel, que cette intention bien constatée l'emportât sur l'usage (1). Le texte dit d'ailleurs cela si nettement, que je ne comprends pas même le doute. Le premier alinéa établit la présomption, et le second ajoute : « Si rien ne constate que le bail soit fait à tant par an, par mois ou par jour, la location est censée faite suivant l'usage. Ces paroles sont parfaitement explicites et claires; je ne conçois pas comment elles pourraient l'être davantage. 38. Les usages sur la durée des baux, sur les époques auxquelles commencent et expirent les termes, sur les délais accordés pour signifier les congés et pour opérer les déménagemens sont variés à l'infini. J'ai dit quelles considérations ont déterminé le législateur à les maintenir. (2) Certainement je n'ai pas la prétention de recueillir toutes les dispositions des coutumes, de (1) «L'article embrasse deux cas, disa it M. Tronchet, celui ou les parties ont déterminé le temps de la location en la faisant à l'année, au mois ou au jour ; et celui où le temps n'a pas été déterminé; c'est ce dernier cas qu'il faut abandonner aux usages. » Voy. M. Locré, Tome XIV, pag. 333. (2) Tome XVIII (III de ma Continuation), no 494. constater les habitudes de chaque localité; mais je dois du moins chercher à les classer en autant de groupes distincts qu'il y a de systèmes divers. 39. Autrefois, à Paris, l'usage était constaté par un acte de notoriété du Châtelet du 28 mars 1713 (1). Des modifications successives y ont été apportées. Maintenant les termes sont de trois mois; ils commencent aux premier janvier, premier avril, premier juillet et premier octobre. Lorsque le prix du bail est de quatre cents francs ou au-dessous (2), le congé doit être signifié six semaines avant le commencement du terme, ou du demi-terme. Lorsque le prix est au-dessus de quatre cents francs, et quelle que soit la somme à laquelle il s'élève (3), le congé doit être donné trois mois avant le commencement du terme. (1) Actes de notoriété du Châtelet, par Denisart, p. 381. (2) Autrefois 300 fr., Denisart, loc. cit. et Collect. de jurisprudence, v° Congé. (3) Autrefois le congé donné trois mois à l'avance, ne suffisait que pour les appartemens, dont le prix n'excédait pas 1000 fr.; pour ceux au-dessus de 1000 francs, le congé devait précéder de six mois la sortie. Voy. Répertoire de jurisprudence de Guyot. Congé. M. Pigeau, tome II, page 412, atteste encore cet usage; mais aujourd'hui il n'est plus suivi, et on ne fait aucune distinction entre les appartemens au-dessus et au-dessous de 1000 fr. Voy. Denisart, loc. cit., Ruelle, Manuel des propriétaires et locataires, n°3 178 179, et 180. Un jugement du tribunal de première instance et un arrêt de la Cour royale de Paris, rendus les 19 juin et 28 juillet 1813, constatent que l'usage de donner le congé six mois d'avance pour les appartemens dont le prix excède rooo fr. n'est plus suivi. La Cour de cassation, par arrêt du 23 février 1814, a reconnu que la décision des juges du fond en pareille matière, était souveraine et inattaquable, Dalloz, v Louage, page 933. Un arrêt de la Cour Enfin, quel que soit le prix, s'il s'agit du bail d'une maison entière, d'un corps-de-logis, ou d'une boutique sur la rue, le délai accordé entre le congé et la sortie est de six mois. (1) Ce même délai de six mois est également accordé à certaines personnes, qui, à raison de leur profession, ou des fonctions qu'elles exercent, sont obligées de se loger dans un quartier déterminé, et ont par conséquent plus de difficulté à trouver un logement. Ce sont les commissaires de police, les maîtres et maîtresses de pension (2). royale de Paris a cependant jugé que le bail d'un appartement loué 4000 fr. devait être assimilé à celui d'un corps de logis entier, et que par suite, le congé devait être donné à six mois. Mais M. Dalloz, en rapportant cette solution, fait remarquer qu'il existait dans l'espèce, une promesse de bail pour plusieurs années, en sorte que le bailleur qui donnait congé à son locataire manquait à son engagement, dont sans doute, à défaut d'enregistrement, le titre n'était pas produit en justice; cet arrêtiste ajoute, en note, que suivant les avocats qui ont plaidé dans la cause, la représentation de la promesse de bail n'avait pas été sans influence sur la décision de la Cour. Il ne faut donc pas y voir une modification apportée à l'usage, mais un de ces arrêts, dans lesquels les magistrats s'attachant aux faits, et cédant à des considérations plus ou moins puissantes, se permettent de transiger avec les principes, et déterminés par les meilleures intentions du monde, jettent de mauvais précédens dans la jurispru dence, Dalloz, v° Louage, pag. 933; Sirey, 23. 2. 320. (1) Denisart, loc. cit.; Bourjon, liv. IV, tit. IV, chap. VI I, no 16; Répertoire de Jurisprudence, v° Congé; M. Delvincourt, tom. III, notes, page 195. (2) Denisart, loc. cit.; Bourjon, loc. cit., n° 20; M. Pigeau, t. II, page 412. L'usage en faveur des maîtres de pension a été implicitement reconnu par arrêts de la Cour de Paris et de la Cour de cassation des 28 juillet 1813 et 23 février 1814 déjà cités. |