M. Pigeau pense que les juges de paix ont les mêmes raisons pour réclamer l'application de l'usage. 40. Il fait remarquer en outre que c'est en faveur des personnes désignées, qu'est établie l'exception; d'où il conclut que, quoique le congé ne puisse leur être donné qu'à six mois, elles peuvent le donner à trois. (1) Je ne partage pas cette opinion. Il est bien vrai que c'est à raison de la situation personnelle du locataire, que le délai est prolongé; mais, dès que cette considération a fait admettre une modification à la règle ordinaire, il est juste qu'elle profite également à chacune des parties, et que le bailleur qui ne peut expulser son locataire, qu'après six mois écoulés depuis le congé, ait réciproquement le droit de forcer celui-ci à le prévenir six mois d'avance. Dans l'espèce que j'ai déjà citée, et où il s'agissait d'apprécier la validité d'un congé donné à trois mois par un locataire, le propriétaire soutenait que, celui-ci étant chef d'institution, le délai du congé devait être de six mois. Le locataire répondait que la qualité de chef d'institution, qui lui était attribuée, ne lui apparte nait pas légalement; et c'est sur ce motif que le tribunal et la Cour de Paris se sont fondés pour déclarer le congé valable (2). Mais le locataire n'avait pas imaginé de prétendre que, fût-il chef d'institution, le délai de six mois ne pourrait pas (1) Loc. cit. (2) Dalloz et Sirey, loc. cit. TOME XIX. 5 lui être opposé; et que ce serait lui, locataire, qui seul aurait droit d'en réclamer le bénéfice. 41. A Orléans, selon Pothier, il n'y a qu'un térme, d'où les baux des maisons commencent et auquel ils finissent, savoir: celui de Saint-Jean. « Lorsque les parties ne se sont pas expliquées sur la durée du bail, ajoute-t-il, il est censé fait pour un an, à commencer du prochain terme; et si le locataire est entré en jouissance avant le terme, il est censé fait, tant pour le temps qui doit courir depuis qu'il est entré en jouissance, jusqu'au terme, que pour un an, depuis ledit terme. Il expire, de plein droit, au bout de l'année, sans qu'il soit nécessaire de donner congé auparavant." (1) 42. Une observation importante doit trouver ici sa place. Ce n'est pas seulement par leur nom. bre, leur durée, et par les époques auxquelles ils sont fixés, que les termes de Paris diffèrent de ceux d'Orléans; ils se distinguent sous un autre rapport. Le délai d'un an, pour lequel une maison est censée louée à Orléans, indique le terme auquel le bail expire de droit; et, par conséquent, il n'est pas nécessaire de donner congé. A Paris, au contraire, les termes sont, comme je l'ai expliqué (2), des époques fixées pour le paiement des loyers, des points de départ pour les délais qui doivent s'écouler entre la signification du congé et la sortie des lieux. Ainsi le bail n'expire (1) Du Louage, no 29. (2) Tome XVIII (III de ma Continuation), no 496 et 510. pas à chaque terme, il continue de terme en terme jusqu'à ce que la volonté des parties, manifestée par un congé, vienne l'interrompre. 43. Au surplus, le système suivi à Paris est bien autrement répandu que celui qui est attesté par Pothier. Presque dans toute la France, et même dans les lieux où la location est censée faite pour un an, où par suite on serait tenté d'admettre que le bail expire de droit au bout de l'année, et qu'ainsi un congé n'est pas nécessaire, l'usage exige qu'un congé soit signifié, un certain temps avant l'échéance du terme. 44. A Bordeaux, les loyers se paient de trois mois en trois mois, et le congé doit être donné trois mois d'avance. Les dispositions de la coutume portent. Art. 37. « L'on payera par carterons les louaiges des maisons ou autres choses immeubles estans ès villes et aultres lieux de la sénéchaussée de Guienne, s'il n'y pacte au contraire. » Art. 38. « Item, et le louage fini, si le locataire ou le fermier y demeure un jour ou deux outre le vouloir du seigneur, sera tenu la tenir pour un carteron; et s'il la laisse, sera tenu payer pour ledit cartier; aussi le seigneur de la maison, si ledit cartier est commencé, ne pourra mettre dehors le locataire que ledit carteron ne soit fini, si avant le terme fini ledit seigneur ne lui a dit et notifié qu'il vuide la maison et qu'il ne la lui vouloit louer, s'il n'y a pacte au contraire. » y Cela se rapproche de l'usage de Paris; mais il a cette différence, que les termes ne sont pas fixés ers aux "" janvier, avril, juillet et octobre, et que c'est par le jour où le bail a commencé qu'ils sont déterminés. (1) 45. Il paraît, au surplus, que l'effet des congés n'est pas décisif et absolu. Anciennement, les juges se croyaient autorisés à augmenter jusqu'à six mois, ou à restreindre à moins de trois, le délai accordé au locataire pour déménager. Le commentaire des frères Lamothe, sur l'art. 38 de la coutume, dit que le délai est ordinairement de trois mois et qu'on l'accorde quelquefois de six; mais que ce n'est jamais qu'un délai de grâce que le juge peut refuser. On trouve, dans la jurisprudence du tribunal de première instance de Bordeaux, des exemples assez fréquens d'extension ou de restriction arbitraire des délais; cela m'est attesté par un ancien magistrat dont l'autorité doit inspirer la plus entière confiance. On a sans doute été conduit à ce résultat par la nécessité de proportionner le temps accordé au locataire pour se procurer un logement, au plus ou moins de difficulté qu'il doit éprouver, à raison de l'étendue et de la nature des lieux dont il a besoin. L'usage de Paris, en variant les délais suivant l'importance des locations, atteint le même but; avec cet avantage que la règle qu'il pose est certaine et fixe. 46. A Rennes, comme à Orléans, les baux durent un an, ils commencent et finissent à la fête de Saint-Jean-Baptiste; mais ils ne cessent pas de plein (1) Tome XVIII (IIIe de ma Continuation), no 496. droit; celui des contractans qui veut y mettre un terme, doit signifier un congé trois mois avant l'expiration de l'année. Duparc-Poullain, sur l'article 182 de la coutume, indique cet usage et le justifie en transcrivant l'article 257 de la coutume de Sens, qui est ainsi conçu : « Qui prend maison à louage à une ou plusieurs années, et le temps du louage passé ne s'en départ, ains se tient sans nouvel marché, il paiera le prix du louage à raison du bail précédent et pour le temps qu'il sera détenteur; de laquelle maison, au cas de ladite continuation, le conducteur ne sera tenu vuider s'il ne lui est dénoncé trois mois auparavant par le locateur. Sera aussi le conducteur tenu de dénoncer trois mois auparavant, s'il se veut départir de ladite maison, autrement paiera le prochain terme ensuivant. » 47. Dans la Touraine, une maison entière, une auberge, une boutique sont censées louées pour un an; un appartement pour six mois. Les termes pour le paiement des loyers et la signification des congés sont fixés aux fêtes de Notre-Dame de mars (25 mars), de Saint-JeanBaptiste (24 juin), de Saint-Michel (29 septembre) et de Noël ( 25 décembre). Le congé doit être donné à l'un des termes accoutumés, six mois d'avance pour une maison entière ou une auberge, et trois mois pour un appartement. (1) (1) Cottereau, Droit général de la France et Droit particulier à la Touraine et au Lodunois, n° 3348, 3436, 3437 et 3438. |