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l'intention de former un nouveau bail qui succède au premier, par cela seul que, dès le lendemain de l'expiration du bail, le locataire n'a pas quitté les lieux, ou que le bailleur n'a pas commencé des poursuites pour l'expulser?

71. Cette question recevait autrefois des solutions différentes dans les diverses coutumes. L'on peut ramener toutes leurs dispositions à trois systèmes distincts.

Dans le premier, la reconduction avait lieu, si les parties ne manifestaient pas formellement une intention contraire, avant l'expiration du bail, au moyen d'une dénonciation.

Dans le second, la reconduction ne résultait pas nécessairement du défaut de dénonciation; mais elle s'opérait, si, dès le lendemain du jour de l'expiration du bail,le locataire ne quittait pas les lieux ou n'était pas expulsé par le bailleur.

Dans le troisième enfin, il fallait que la continuation de jouissance du locataire eût été tolérée par le bailleur pendant un certain nombre de jours plus ou moins considérable.

72. Parmi les coutumes qui exigeaient, pour empêcher la reconduction, qu'il y eût une dénonciation faite par l'une ou l'autre des parties, avant l'expiration du bail, on doit citer celles de Bourbonnais (1), de Saint-Flour (2), d'Orilhac (3) et d'Auxerre (4).

(1) Art. 124, suprà, no 5o.

(2) Art. 2 et 3, suprà, no 51. (3) Art. 1, suprà, no 51.

(4) Art. 149. Voy. Pothier, du Louage, no 353.

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Loisel présente même cette règle comme étant généralement suivie : « Qui jouit et exploite un héritage, dit-il, après le terme fini, sans aucune dénonciation, peut jouir un an après à pareil prix que devant. » (1)

C'était aussi l'usage suivi en Touraine (2); mais le délai qui devait s'écouler entre la dénonciation et la fin de bail n'était point partout le même. A Auxerre, il était de quinze jours (3); dans le Bourbonnais (4) et dans la Touraine (5), de trois mois; de six à Saint-Flour (6) et à Orilhac. (7)

73. Le système qui faisait résulter la reconduction de la continuation de jouissance, ne fûtelle que d'un jour, n'était point établi par des textes formels; il était admis là où la coutume et l'usage n'imposaient pas l'obligation d'une dénonciation antérieure, et, d'un autre côté, n'exigeaient point que la continuation de jouissance durât pendant un temps déterminé. La coutume de Blois, notamment, était muette sur ces deux points; et son commentateur dit « que le locateur ni le

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(3) Coutume, art. 149, Pothier, du Louage, no 353.

(4) Voy. suprà, n° 50, la citation d'Auroux des Pommiers. Pothier, no 353, dit que dans le Bourbonnais, la dénonciation pouvait être faite le dernier jour du terme. Cela était vrai d'après la disposi tion de l'art. 124 de la Coutume; mais la jurisprudence rappelée par Auroux des Pommiers avait ensuite exigé un délai de trois mois. (5) Cottereau, no 3430.

(6) Voy. suprà, no 51. (7) Voy. suprà, no 51.

TOME XIX.

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locataire n'étaient point obligés d'avertir, par écrit ou autrement, qu'ils n'entendaient pas continuer la location, dies interpellat pro homine.» (1)

74. Il reste à parler des coutumes qui voulaient que la jouissance du locataire continuât pendant un nombre de jours qu'elles avaient soin de déterminer.

Entre autres, on peut citer celles d'Orléans, de Reims, de Lille, de Montargis, de Soule, etc. Voici, comment sont conçues leurs dispositions :

Art. 420 de la coutume d'Orléans : « Celui qui exploite une maison à lui baillée à titre de løyer, huit jours après ledit loyer fini, sans que dénonciation lui soit faite de vuider, il jouira et parachevera l'année pour le prix à quoi il tenoit ladite maison auparavant. Et pareillement le seigneur de ladite maison le pourra contraindre à tenir icelle maison, et à en payer le loyer audit prix, pour ladite année. (2) »

Art. 39o de la coutume de Reims : « Si le conducteur a habité ou tenu une maison jusques au jour de Saint-Jean-Baptiste (auquel jour se commence à Reims l'an de louage des maisons), et ledit conducteur continue et entretient, outre le jour de feste de Saint-Pierre et Saint-Paul (qui est cinq jours après ledit jour de Saint-Jean), il est censé et réputé avoir reprins à louage icelle maison ou habitation pour tout l'an qui est entamé

(1) Voy. Coutume de Sens, art. 258, tel était l'usage à Nancy et en Auvergne.

(2) La Coutume de Bordeaux, art. 38, disait : un jour ou deux.

et commencé et au prix même de l'an précédent, s'il ne fait apparoir d'autre congé et convention faite entre lui et le locateur, »

Art. 10, chap. 15 de la coutume de Lille : « Un louagier d'une maison, après son louage passé, ayant paisiblement résidé par forme d'entamement de nouveau louage en ladite maison par le terme d'un mois, il est tenu de parfaire ledit louage, au même prix que paravant, pour une année. »

Art. 5, chap. 18, de la coutume de Montargis: Quand une personne tient héritage à loyer, et après le terme fini de la location, il en jouit huict jours, sans que dénonciation lui soit faite de vuider, il parachevera l'année pour le prix à quoy il le tenoit, et à ce faire pourra estre contraint, et pareillement sera tenu le seigneur le souffrir.

Art. 5 de la coutume de Soule: « Le conducteur qui a loué une maison pour un an, et qui, après l'année finie, demeure huit jours entiers, sans que le locateur lui donne congé, ne peut pas être rejeté. Au contraire, il peut demeurer l'année suivante, au même prix pour lequel il l'avoit occupée auparavant. >>

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L'article 6 donne, dans le même cas, le droit au locateur d'exiger le paiement de l'année entière.

75. Aujourd'hui, les dispositions des coutumes ont perdu leur autorité légale; il faut cependant distinguer entre celles qui exigeaient un avertissement, une dénonciation avant l'expiration du bail, pour empêcher la reconduction, et celles qui déterminaient le nombre de jours, pendant lequel

devait durer la continuation de jouissance du locataire, pour que la reconduction eût lieu. Les premières sont absolument abrogées, et je vais en dire la raison; les secondes peuvent exercer encore une certaine influence, ainsi que je l'expliquerai dans le numéro suivant.

Les articles 1739 et 1759 dù Code civil déclarent expressément que c'est par la continuation de jouissance du locataire, après l'expiration du bail, que s'opère la tacite reconduction; ils élèvent donc un obstacle insurmontable à ce que le silence, seul, gardé jusqu'à la fin du bail, soit considéré comme exprimant la volonté de former un bail nouveau. Il est d'autant plus impossible de l'interpréter de cette manière, que les dispositions des articles que je viens de citer sont absolues et n'admettent, en aucune façon, l'influence des usages locaux.

Ainsi, et même dans les pays, où autrefois une dénonciation, antérieure à la fin du bail, pouvait seule empêcher la tacite reconduction, aujourd'hui la reconduction n'a pas lieu, malgré le défaut de dénonciation, si la jouissance du locataire n'a pas continué après l'expiration du bail.

Toutefois, il ne faut pas se méprendre dans l'application de cette doctrine, et l'on doit prendre garde de confondre la dénonciation destinée à empêcher la reconduction, avec le congé ayant pour but de faire cesser un bail dont la durée n'est pas déterminée. Si l'une est désormais proscrite, l'autre est formellement maintenu par les dispositions du Code.

La distinction n'est pas, au surplus, difficile à

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