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faire. Lorsque la durée du bail n'est point fixée par la convention, l'acte qu'on signifie, un certain temps avant le terme indiqué par l'usage des lieux, ést un véritable congé par lequel on manifeste la volonté de faire cesser le bail. Maintenant comme autrefois, la signification de cet acte est nécessaire. Lorsque au contraire les parties ont, par le bail même, fixé l'époque à laquelle il doit cesser, il cesse en effet, de plein droit, au jour marqué; le congé n'est plus nécessaire.Si, dans ce dernier cas, la coutume du pays exigeait qu'un avertissement fût donné avant la fin du bail, elle ne devrait plus être observée; car cet avertissement était une véritable dénonciation, ayant pour but de prévenir la tacite reconduction.

Dans quelques lieux, et notamment à Orléans, les termes indiqués par l'usage avaient un caractère particulier que j'ai eu la précaution de faire ressortir; ils marquaient la fin du bail d'une manière absolue, comme aurait pu le faire une convention expresse (1). Évidemment sous l'empire d'une pareille règle, combinée avec les principes du Code civil touchant la reconduction, il n'y a aucune signification à faire, avant le terme fixé par l'usage. Le bail cesse de plein droit à cette époque; donc, le congé est inutile; et d'un autre côté, on sait que les dénonciations, à l'effet

(1) Voy. suprà, no 41; Pothier, du Louage, no 29. Il y avait autrefois beaucoup de coutumes qui, tout en disant que les baux étaient faits pour une année, n'entendaient pas qu'ils dussent cesser de plein droit à la fin de l'année, et exigeaient la signification d'un congé ; leurs dispositions conservent certainement leur effet.

d'empêcher la reconduction, sont supprimées.

76. J'ai reconnu qu'on ne doit plus attribuer la puissance et l'autorité des lois aux coutumes quidéterminaient avec précision le temps pendant lequel devait durer la jouissance du locataire, après l'expiration du bail, pour opérer la tacite reconduction; mais j'ai dit que ces coutumes n'étaient pas cependant aujourd'hui privées de toute influence.

Sans doute, elles n'enchaînent pas la faculté qu'ont les juges de décider, d'après les circonstances, si le séjour du locataire dans les lieux loués a été assez long-temps toléré par le locateur, pour qu'il y ait tacite reconduction; et c'est sur tout maintenant qu'on peut avec raison reproduire ce que les anciens jurisconsultes pensaient du pouvoir discrétionnaire des magistrats en cette matière. « Et parce qu'il n'est pas déterminé par le droit, dit Despeisses, quel temps il faut que le locataire ait demeuré, après son premier bail, dans la chose louée, pour avoir renouvelé son bail, il dépend de l'arbitrage du juge de juger dans combien de temps il sera estimé l'avoir renouvelé. »(1)

Cependant, lorsque dans certaines localités les dispositions des coutumes auront continué à être suivies, elles pourront servir de guide aux tribunaux et les aider à démêler l'intention véritable des parties.

On comprend que, dans un pays où la coutume considérait la continuation d'habitation par le lo

(1) Tit. II, sect. II, n° 11, il cite Bartole, ad. leg. 13, ff. loc. cond. § 11, Mascard. concl. 992, num. 21, et Gomez, résol. 2, cap de loc. 3, n° 16.

cataire, pendant huit jours ou cinq jours, comme une preuve de reconduction, et où l'usage s'est maintenu d'interpréter de cette façon la conduite du locataire et le silence du bailleur; nécessairement, à moins de circonstances toutes particulières, démonstratives d'une intention différente, on décidera qu'il y a tacite reconduction, lorsque le locataire sera resté pendant cinq ou huit jours, après l'expiration du bail, dans l'appartement ou dans la maison.

77. J'ai déjà expliqué quel est le véritable caractère des termes fixés par les usages locaux; j'ai dit et répété que ce ne sont point des limites indiquées à la durée des baux; que ce sont des époques assignées pour le paiement des loyers et les points de départ des délais qui doivent s'écouler entre le congé et la sortie des lieux. D'où j'ai tiré la conséquence qu'il ne s'opère pas une tacite reconduction à chaque terme; que le même bail continue de terme en terme, jusqu'à ce qu'un congé signifié de part ou d'autre y mette fin (1). J'insiste encore sur ce point, parce que Pothier n'a pas parfaitement saisi cette distinction importante, et que toute erreur, qui se présente sous l'autorité de son nom, doit être signalée avec soin à l'attention des jurisconsultes.

« Lorsque, dit-il (2), le locataire d'une maison est demeuré en jouissance, la tacite reconduction a lieu pour une année entière, dans les lieux

(1) Voy. Tome XVIII (IIIa de ma Continuation), no 496 et 510. (2) Du Louage, no 359.

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où les maisons n'ont coutume de se louer que pour une ou plusieurs années. C'est en conséquence de ce principe que, suivant l'art. 420 de notre coutume d'Orléans, le locataire qui a continué de jouir de la maison qu'il tenait huit jours après le jour de Saint-Jean-Baptiste, auquel son bail était expiré, peut être contraint de tenir ce bail jusqu'au jour de Saint-Jean de l'année suivante, et que le locateur pareillement ne peut l'en faire sortir plus tôt. La raison est que l'usage étant de faire les baux des maisons pour une ou plusieurs années, les parties sont censées avoir fait, suivant cet usage, une reconduction pour une année; et elles sont d'autant plus obligées de l'entretenir, que si le locataire était reçu à se déporter de la reconduction et à remettre la maison au locateur avant la fin de l'année, il ferait un tort évident au locateur, qui ne pourrait pas facilement trouver à louer sa maison en sur-terme et avant la Saint-Jean, l'usage étant de ne faire les baux des maisons que pour en commencer la jouissance au jour de Saint-Jean; et pareillement le locateur ferait préjudice au locataire, s'il l'obligeait de déloger avant la Saint-Jean, parce que le locataire ne trouverait pas facilement à se pourvoir d'une autre maison avant ce terme. >>

Puis il ajoute : « Dans les lieux où l'usage est de faire les baux à loyer pour six mois, et dans ceux où l'usage est de les faire pour trois mois, comme à Paris, le temps de la tacite reconduction est de six mois seulement, ou de trois mois, suivant les différens usages des lieux. >>

Pothier a raison, lorsqu'il décide que sous l'empire de la coutume d'Orléans, il s'opère une reconduction à la fin de chaque année; mais il se trompe, lorsqu'il dit qu'à Paris, à chaque échéance de terme, c'est-à-dire tous les trois mois ou tous les six mois, il se forme également un nouveau bail qui succède au premier. Il confond et il assimile des termes de nature diverse; les uns, ceux d'Orléans, qui mettent fin au bail de plein droit (1); les autres, ceux de Paris, qui marquent seulement l'époque à laquelle on doit payer les loyers et donner les congés. La différence se trouve manifestée, d'une manière bien claire, par les coutumes ou les usages qui admettent les uns et les autres; c'est-à-dire qui, tout en déclarant, par exemple, que la durée des baux est d'un an, fixent cependant quatre termes dans l'année pour le paiement des loyers et la signification des congés. Tel est l'usage de la Touraine (2). Sous son empire, si, à la fin de chaque année, le locataire est laissé en jouissance; la tacite reconduction a lieu, parce que la fin de l'année est le terme auquel expire le bail; mais il n'y a point de tacite reconduction aux fêtes de Notre-Dame, de SaintJean, de Saint-Michel et de Noël, parce que ces époques sont seulement des termes de paiement et des points de départ pour la signification de congés.

Par conséquent il faut dire que, lorsque l'usage local, comme à Paris, n'admet que des termes de

(1) Il ledit expressément, no 29 de son Traité du louage. Voy. suprà, no 42.

(2) Voy. suprà, no 41.

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