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1746, qui dispose pour les baux des biens ruraux, être du tiers du prix du bail pour tout le temps qui restait à courir. Mais cette décision a été rendue contre les conclusions du ministère public; et M. Dalloz, en la rapportant, fait remarquer qu'on ne peut considérer comme propriété rurale qu'un terrain destiné à la culture ou au pâturage, ou à d'autres usages ruraux; qu'un chantier n'a rien de commun avec l'agriculture; qu'étant destiné à recevoir un dépôt de choses vénales, il constitue un véritable établissement soumis aux règles des établissemens de commerce, et, par conséquent, à l'application de l'article 1747 du Code civil. (1)

C'est

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4. Lorsqu'il s'agit d'héritages dans lesquels, à côté de constructions destinées à l'habitation, se trouvent des terrains en culture, il faut nécessairement opter entre les deux natures différentes d'immeubles; et l'on conçoit que la raison de préférence ne peut être puisée que dans leur importance relative. Si l'édifice qui est l'objet principal du contrat, comme dans les locations des maisons auxquelles se trouve attenant un jardin, un parc ou une petite portion de terre; on devra suivre les règles particulières aux baux à loyer. Si, au contraire, les contractans ont eu principalement en vue la portion de l'héritage qui produit des fruits; l'existence de bâtimens destinés à l'exploitation du fonds et au logement du fermier n'empêche point que le bail ne soit un véritable

(1) Dalloz, 25. 2. 220; Sirey, 25. 2. 27a.

bail à ferme, soumis comme tel aux dispositions de la section suivante. (1)

Dans les exemples que je viens de citer, l'intention des contractans est manifeste; on voit surle-champ quel est l'objet principal de la location, et dès-lors on décide, sans hésiter, à quelles règles elle est soumise. Mais les volontés ne sont pas toujours aussi franchement énoncées, le rôle principal n'est pas toujours aussi nettement assigné, et l'on peut, en beaucoup d'occasions, douter si c'est la maison, ou le terrain qui l'environne; le logement, ou la perception des fruits, qui doit servir à déterminer le caractère du bail.

Ces difficultés, quelque graves qu'elles soient, trouveront leur solution dans l'appréciation atten tive du but que s'est proposé chacun des contractans. En se demandant: si c'est en vue de la perception des fruits naturels ou industriels que Te preneur s'est engagé; ou si, au contraire, cette perception n'a été pour lui qu'un motif secondaire et accessoire; selon la réponse que les termes du contrat et les circonstances suggéreront, on décidera qu'il y a bail à ferme, ou bail à loyer.

(1) Le Code civil d'Autriche, art. 10gr, dit que « le contrat de bail s'appelle bail à loyer, lorsqu'on peut se servir de la chose louée, sans autre préparation; mais lorsqu'on ne peut s'en servir qu'à l'aide du travail et de soins, le contrat se nomme bail à ferme Lorsque, par un même contrat, on loue à-la-fois des choses de la première et de la seconde espèce, le contrat doit être apprécié, suivant la nature de la chose principale. » (Trad. de M. de Clercq, Collection des lois des états modernes, par M. Victor Foucher, avocat général à Rennes.)

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Un arrêt de la Cour de Bruxelles offre une application remarquable de ces principes. Dans l'espèce, sur laquelle il a été rendu, un moulin avait été loué avec ses appartenances et dépendances; l'acte énonçait que le bailleur y avait annexe six bonniers de terre qu'il avait détachés dé l'une de ses fermes. A l'expiration du terme fixé pour la durée du bail, le preneur fut laissé en possession, il y eut reconduction tacite. Deux années s'écoulèrent dans cet état, et peti de jours avant l'expiration de la troisième, le bailleur signifia au preneur un congé, pour qu'il eût à quitter les lieux le 15 juin, jour auquel finissait la troisième année.

Le preneur répondit: que l'objet principal du bail était le moulin, immeuble produisant des fruits civils; que c'était donc, d'après les règles relatives aux baux à loyer, que l'effet du contrat devait être apprécié; qu'aux termes de l'article 1759, placé sous la rubrique des règles particulières aux baux d loyer, le locataire ne pouvait être expulsé qu'après un congé donné, suivant le délai fixé par l'usage des lieux; que, suivant ceť usage, le délai était de six mois; que, par consé quent, le congé donné au mois de mars, pour sortir au mois de juin, était tardif.

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Le bailleur attribuant, au contraire, au bail le caractère de bail à ferme, soutint que, d'après le mode de culture usité pour les terres, la durée de la tacite reconduction qui s'était opérée devait être de trois ans, et qu'à l'expiration de la troisième année, le bail cessait de plein droit et sans qu'il

fût nécessaire de donner congé. Il réclamait, on le voit, l'application des articles 1774, 1775 et 1776, qui se trouvent dans la section intitulée : des règles particulières aux baux à ferme.

Sur ce débat, la Cour de Bruxelles pensa que <«<le bail n'avait eu pour objet principal que la location du moulin; que les terres, vergers et étangs n'avaient été considérés que comme des appartenances, dépendances et annexes subordonnés au principal; qu'enfin un moulin n'étant point, par sa nature, destiné à produire des fruits naturels, mais seulement des fruits civils qui ne peuvent être recueillis que par son jeu et par l'industrie du possesseur, il ne devait être considéré que comme une propriété urbaine régie par les règles relatives aux baux à loyer.» (1)

La solution eût été toute différente si le moulin, au lieu d'être l'objet principal, se fût trouvé accessoirement compris dans le bail d'un vaste domaine. Le preneur le reconnaissait formellement : « Si, dans l'amodiation générale d'une grande terre, disait-il, il se trouve un moulin ou une brasserie, qui ne conçoit que ces usines ne sont que des parties d'un tout, qui est la terre, et comme telles subordonnées à la nature de l'objet principal. Qui oserait contester que la maison,, bâtie pour l'exploitation d'un bien rural, les granges, écuries et toutes les petites usines destinées au service de l'exploitation, ne soient des propriétés rurales sou

(1) Arrêt du 29 novembre 1809; Sirey, 10. 2. 97.

mises aux règles particulières aux baux des biens de la campagne? Mais lorsque le moulin est la partie directe et principale, il conserve sa nature et entraîne l'accessoire, etc. » (1).

« Quoiqu'il y ait quelque petit morceau de terre labourable qui dépende d'une maison, dit Pothier, si ce morceau de terre est un objet peu considérable en comparaison de la maison, cela ne fera pas passer la maison pour une métai(2)

rie. »

Ce qui précède démontre la nécessité de donner au bail un caractère unique puisé dans la nature de l'objet principal de la location; lorsqu'il faut déterminer sa durée, que n'a pas fixée la couvention; et lorsqu'on doit décider s'il cesse de plein droit ou s'il est nécessaire de donner congé, suivant l'usage des lieux. Car il est évidemment impossible de le faire cesser à une époque, pour une partie, et de le faire durer, pour une autre.

5. Mais la même raison pour tout soumettre à une règle uniforme n'existe plus, lorsqu'il s'agit d'assigner l'étendue des obligations des parties, relativement aux réparations locatives. Rien n'empêche, alors, d'appliquer à chacune des choses qu'embrasse le contrat les dispositions qui leur sont spécialement consacrées; aux maisons, les règles des baux à loyer; aux héritages ruraux, les règles des baux à ferme.

(1) Sirey, loc. cit.

(2) Du Louage, no 341, dans ce passage, Pothier a en vue une difficulté spéciale; mais qui rentre dans la question de savoir comment on doit considérer les immeubles mi-partis de terres et d'édifices.

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