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que le Code civil y soumet les hypothèques conventionnelles: les cessionnaires, dit l'article 9, ne « sont saisis à « l'égard des tiers que par l'inscription de cette hypothèque << prise à leur profit, ou par la mention de la subrogation « en marge de l'inscription préexistante ». L'alinéa 2 déduit la conséquence : « Les dates des inscriptions ou mentions « déterminent l'ordre dans lequel ceux qui ont obtenu des « cessions ou renonciations exercent les droits hypothé« caires de la femme. »

Dès lors, chaque subrogé à l'hypothèque légale peut savoir ce qui est déjà absorbé par les subrogations antérieures. Les tiers ne sont pas exposés; le crédit de la femme devient plus sûr et par là même plus grand.

874. Quant au procédé matériel de publicité, l'article 9 distingue nettement deux situations.

Première situation

875. Si l'hypothèque de la femme a été antérieurement inscrite, soit par la femme, soit par ceux que la loi charge de l'inscrire 1, en un mot par la femme ou en son nom, les cessionnaires ou subrogés n'ont pas à l'inscrire, puisqu'elle l'est déjà. Mais ils ont à rendre publique la cession qui leur en a été faite, ou la subrogation consentie à leur profit. Ils ne sont saisis à l'égard des tiers des droits résultant de l'opération que par la mention de la subrogation en marge de l'inscription préexistante. Ces mentions en marge sont comme des inscriptions prises sur l'hypothèque de la femme, tant il est vrai que la subrogation ressemble à tous égards à une hypothèque 2.

Si donc il y a plusieurs cessionnaires ou plusieurs subrogés successifs, la priorité entre eux résulte non pas des dates des cessions ou subrogations, mais de l'ordre des mentions. Les mentions en marge sont à l'hypothèque inscrite ce que sont les inscriptions sur un immeuble; elles détermi

1. Suprà, p. 209.

2. La mention en marge, étant l'accessoire de l'inscription à laquelle elle se réfère, suit le sort de celle-ci. Elle ne peut être valable que si l'inscription est elle-même régulière; elle cesse de produire ses effets du moment où l'inscription est atteinte par la péremption. Comme elle n'est pas une inscription nouvelle, la mention ne saurait équivaloir à un renouvellement. Paris 30 novembre 1861, Dalloz, Supplément au Répertoire, vo Privilèges et hypothèques, no 581.

nent le rang des cessionnaires, comme les inscriptions celui des créanciers hypothécaires. Un cessionnaire n'a plus à craindre qu'un cessionnaire ultérieur, inconnu de lui, vienne le primer. Aussi les mentions doivent elles contenir les mêmes énonciations qu'une inscription 1.

Seconde situation

876. Si l'hypothèque de la femme n'est point inscrite au moment de la cession ou de la subrogation, les subrogés peuvent et doivent la faire inscrire à leur profit. Et cela dans un double but: 1o pour conserver cette hypothèque elle-même quant à eux, 2o pour assurer l'efficacité à leur profit de la subrogation consentie.

Ils le peuvent. En effet, d'une part ils ne font ainsi qu'user du droit commun de l'article 1166, d'autre part l'article 775 du Code de procédure les y autorise formel

lement.

Ils le doivent. En effet, aux termes de l'article 9 de la loi de 1855, ils ne sont saisis à l'égard des tiers que par l'inscription prise à leur profit 3.

1. Aubry et Rau, 5o édition, III, p. 767. Pour d'autres auteurs, il est inutile qu'elles contiennent les énonciations exigées pour la validité de l'inscription, mais il est indispensable qu'elles fournissent toutes les indications nécessaires pour faire connaître la subrogation aux tiers. BaudryLacantinerie et de Loynes, Privilèges et hypothèques, II, no 1094.

2. Par tiers il faut entendre ici: 1o les subrogés postérieurs à l'hypothèque légale de la femme, 2o les créanciers hypothécaires non subrogés, 3o les créanciers chirographaires. Les uns et les autres peuvent opposer le défaut de publicité de la subrogation au subrogé qui ne s'est pas conformé à l'article 9 de la loi de 1855.

C'est à tort que certains auteurs (Bertauld, op. cit., no 95, Mourlon, Transcription, II, no 1103) ont contesté la qualité de tiers aux créanciers chirographaires. On doit ranger sous la dénomination de tiers, au point de vuc du texte qui nous occupe, tous ceux qui pourraient, en matière de cession de créances, se prévaloir du défaut de signification ou d'acceptation dans un acte authentique (Cass. 18 décembre 1878, D. P. 1879.II.241, Sir. 1879.11.297), ou, si l'on préfère la formule proposée par M. Lyon-Caen en note dans Sirey sous cet arrêt, tous ceux qui peuvent se prévaloir contre les créanciers hypothécaires du défaut d'inscription en vertu de l'article 2134.

3. Si la convention renferme à la fois constitution d'hypothèque, conventionnelle et subrogation à l'hypothèque légale de la femme, le créancier devra requérir double inscription. Il ne suffirait pas de mentionner l'hypothèque légale en marge de l'inscription prise pour l'hypothèque conventionnelle, car cette mention ne réunirait pas les indications exigées pour la publicité de l'hypothèque légale. Aubry et Rau, 5. édition, III, p. 766, - Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Privilèges et hypothèques, II, no 1093;- Cass. 4 février 1856, D. P. 1856.1.61, Sir. 1856.1.225, - Paris 27 février 1857

Ils le peuvent et le doivent dans les conditions où la femme le peut elle-même, car ils sont subrogés à ses droits, Tant qu'elle est dans le délai pendant lequel elle peut s'inscrire utilement, ils peuvent, puisqu'ils sont ses ayantscause, s'inscrire utilement eux aussi1. Par conséquent, en cas de dissolution du mariage, s'ils ne s'inscrivent qu'après l'année, ils n'auront rang qu'à la date de l'inscription, comme la femme elle-même2.

S'ils sont plusieurs, c'est l'ordre des inscriptions par eux prises qui règle le rang. Celui qui s'inscrit le premier vient le premier 3.

877. Cette inscription, ainsi que le dit l'article 9, les créanciers la prennent « à leur profit », afin de s'assurer l'effet de la subrogation consentie. Aussi ne profite-t-elle ni à la femme, ni à ses héritiers, qui n'en restent pas moins soumis, en cas de purge, de saisie, d'expropriation ou de dissolution du mariage, à prendre eux-mêmes inscription.

Elle ne profite pas davantage aux autres créanciers subrogés, s'il y en a. Ils ne pourraient pas, pour la conservation de leurs droits, se contenter de faire mentionner la subrogation en marge de cette inscription".

Elle est prise par le créancier subrogé, mais seulement dans la mesure de ses droits et de ses intérêts, à son profit, comme dit l'article 9. Pour qu'une inscription conserve l'hypothèque légale de la femme d'une façon générale, de telle

D. P. 1858.11.22, Sir. 1857.11.283, - Douai 8 juillet 1858 et Cass. 1er juin 1859, D. P. 1860.1.381, Sir. 1861.1.223.

Mais cette double réquisition peut être faite par un seul et même bordereau. Aubry et Rau, loc. cit., Pont, Privilèges et hypothèques, II, no 781, Mérignhac, op. cit., nos 52 et 53; Orléans 20 février 1837, D. P. 1857.11.135, Sir. 1857.11.200, - Dijon 13 juillet 1858, D. P. 1858. V.196, Sir. 1859.11.366,

Cass. 9 décembre 1872, D. P. 1873.1.339, Sir. 1873.1.146.

1. Riom 3 juin 1884 et Cass. 6 juin 1887, D. P. 1888.1.33, Sir. 1889.1.17

(note de M. Chavegrin), hypothèques, II, no 1095.

2. Suprà, p. 197.

Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Privilèges el

3. Bordeaux 18 novembre 1890, D. P.

D. P. 1896.1.537 (note de M. de Loynes), (note de M. de Loynes).

1894.II.569, - Cass. 11 juin 1894,

4. Aubry et Rau, 5e édition, III, p. 769, - Pont, Privilèges et hypothèques, II, no 800,

11 juillet 1894, D. P. 1896.1.113

Bertauld, op. cit. nos 24 et 101,
Mérignhac, op. cit., no 57.

Cass. 5 février 1861, D. P. 1861.1.65, Sir. 1861.1.209, 21 juillet 1863 D. P. 1863.1.339, Sir. 1863.1.493, Dijon 2 janvier 1865, D. P. 1865.11.55, Cass. 1er mai 1866, D. P. 1866.1.293, Sir. 1866.1.187.

5. Aubry et Rau, loc. cit., p. 769. - Cass. 1er juin 1859, D. P. 1860.1.381, Sir. 1861.1.223, - 1er mai 1866, D. P. 1866.1.293, Sir. 1866.1.187.

sorte que les subrogés n'aient plus qu'à faire mentionner les subrogations en marge, il faut qu'elle ait été prise par la femme elle-même ou en son nom'.

878. En définitive, tout le système de l'inscription a été transporté, par une application nouvelle, aux subrogations à l'hypothèque légale. Les subrogés s'inscrivent sur l'hypothèque légale de la femme, par mention en marge ou par inscription, comme un créancier hypothécaire s'inscrit sur un immeuble.

La jurisprudence a déduit de là trois conséquences. 1o Les réquisitions faites par les subrogés doivent l'être de la même manière et dans la même forme que les réquisitions ordinaires d'inscriptions émanant de créanciers hypothécaires. L'article 2148 est applicable dans les deux cas3.

2o L'article 2151, relatif à l'effet de l'inscription quant aux intérêts de la créance, est applicable aux mentions effectuées et aux inscriptions prises à la requête des subrogés. Ce point est douteux, en apparence au moins. L'hypothèque légale de la femme garantit, au même rang que le capital, tous les intérêts à courir; elle n'est pas restreinte dans les limites de l'article 2151; le subrogé, substitué à la femme, a les mêmes droits qu'elle. Il est vrai. Mais ce n'est pas l'hypothèque de la femme que le subrogé inscrit; c'est la partie de cette hypothèque qu'il a acquise, ou, plus exactement, c'est l'hypothèque qu'il a acquise sur l'hypothèque de la femme; or cette inscription ne saurait produire des effets plus étendus qu'une inscription ordinaire 5.

3o L'article 2154, lui aussi, est applicable. Mentions et

1. Les juges du fond ont un pouvoir souverain pour décider, d'après les termes de la réquisition, quelle est la personne dans l'intérêt de laquelle l'inscription a été prise. Cass. 25 février 1862, D. P. 1862.II.240, Sir. 1862. II.356, -3 juillet 1866, D. P. 1866.1.289, Sir. 1866.1.187.

2. Mais l'indication de la nature et de la situation des biens grevés n'est pas requise quand la subrogation est générale et frappe, comme l'hypothèque elle-même, tous les immeubles du mari. Il a même été jugé que, dans ce cas, l'indication de quelques-uns des biens du mari n'a pas pour effet de restreindre le droit du créancier, si d'ailleurs la spécialisation n'a pas le caractère limitatif: Dijon 24 février 1869, D. P. 1874.II.19, Paris 9 décembre 1890, D. P. 1891.11.368.

3. Suprà, p. 243 et suiv.

4. Ibid., p. 250.

5. Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Privilèges et hypothèques, III, n° 1742; - Cass. 17 novembre 1879. D. P. 1880. I. 380, Sir. 1881. I. 165,

27 janvier 1885, D. P. 1885. I. 373, Sir. 1886. I. 109.

6. Aubry et Rau, 5o édition, III, p. 628, texte et note 42,

Mérignhac,

i

inscriptions sont atteintes par la péremption décennale et soumises, par suite, au renouvellement1.

En d'autres termes, ces inscriptions ou mentions sont des sous-inscriptions, comme les subrogations sont des soushypothèques.

879. Maintenant, quand ce système est-il applicable?

Il n'est pas applicable aux subrogations proprement dites, consenties soit par la femme aux tiers qui la paient, soit par le mari aux tiers qui lui prêtent les fonds nécessaires dans les conditions prévues par les articles 1249 et 12503. Aucune disposition des lois de 1855 et de 1889 n'est, d'ailleurs, applicable à ces hypothèses.

Le système n'est pas applicable non plus aux cessions de créances, dans les termes de l'article 16893.

A tous égards, ces deux actes restent exclusivement soumis aux dispositions du Code civil qui les concernent.

Le système n'est applicable qu'aux conventions dans lesquelles l'hypothèque, sans aliénation de la créance ni paiement, devient l'objet principal de la convention'.

Est-il applicable à toutes les subrogations, au sens que l'usage a donné à ce mot, en l'appliquant spécialement aux opérations relatives à l'hypothèque légale de la femme ? Non. Sous ce rapport, la loi de 1889 a innové. Il est un cas de subrogation qui échappe à l'article 9 de la loi de 1855 : c'est un des cas de subrogation résultant de la renonciation faite par la femme au profit de l'acquéreur d'un immeuble du mari 5.

En principe, la renonciation est extinctive; le tiers acquéreur s'en assure le bénéfice, en d'autres termes s'affranchit du droit de suite par la seule transcription de son titre (premier alinéa ajouté par la loi de 1889 à l'article 9 de 1855). Elle est translative si la femme, alors qu'il existe des créanciers hypothécaires postérieurs, a autorisé l'acheteur à payer son prix entre les mains du mari, soit formellement, soit en concourant à l'acte portant quittance. Or, quand la

op. cit., no 59; - Caen 18 décembre 1878, D. P. 1879.II.241, Sir. 1879.II, 297 (note de M. Lyon-Caen).

1. Suprà, p. 231 et suiv.

2. Ibid., no 827.

3. Ibid., no 825.

4. Ibid., no 828.

5. Ibid., nos 856 et 857.

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