Images de page
PDF
ePub

Enfin, il est traité concurremment

parce qu'à cet égard

des privilèges sur immeubles

les règles sont communes et des hypothèques relativement au droit de suite. C'est l'objet du chapitre VI (articles 2166 et suivants).

Telles sont les trois parties essentielles du sujet : privilèges sur les immeubles au point de vue du droit de collocation, hypothèques au point de vue du rang, - privilèges immobiliers et hypothèques quant au droit de suite.

494. En dehors de ces trois points on ne trouve plus, dans le titre, que des dispositions réglementaires, d'importance secondaire.

Les chapitres IV et V (articles 2146 à 2165) traitent de la formalité de l'inscription, qui est le procédé de publicité en matière de privilèges sur immeubles et d'hypothèques. Les règles relatives à cet ordre d'idées sont communes aux deux droits; aussi le chapitre IV est-il intitulé : Du mode de l'inscription des privilèges et hypothèques.

Les chapitres VII, VIII et IX, qui n'en devraient faire qu'un (articles 2180 à 2195), traitent des diverses causes d'extinc tion des privilèges et des hypothèques, notamment de la purge des privilèges et hypothèques. Les règles établies sur ce point sont encore communes aux privilèges sur immeubles et aux hypothèques; même il en est quelques-unes qui s'appliquent aux privilèges sur meubles, et il sera facile de les discerner.

Quant au chapitre X (articles 2196 à 2205), il contient quelques règles qui se réfèrent, d'une manière indirecte, à l'inscription. Elles sont relatives à la tenue des registres des conservateurs d'hypothèques et à la responsabilité qui incombe à ces fonctionnaires.

495. Ayant ainsi jeté par avance un coup d'œil d'ensemble sur la fin du titre Des privilèges et hypothèques, il ne reste plus qu'à en suivre le développement.

Nous parlerons d'abord des règles qui sont spéciales soit aux privilèges sur immeubles, soit aux hypothèques. L'étude des règles communes trouvera place ensuite.

SECTION I

Des privilèges sur les immeubles au point de vue du droit de préférence.

496. Nous allons envisager les privilèges immobiliers au point de vue du droit de préférence qui en découle, indépendamment du droit de suite. C'est l'objet des articles 2103 à 2113.

Sur ces articles nous rechercherons: 1° quels sont les privilèges sur immeubles, 2o en quelle forme et sous quelles conditions les créanciers exercent ces privilèges, 3o comment se règle le rang de collocation que chacun d'eux

assure.

§ 1. - Quels sont les privilèges sur les immeubles.

497. A l'inverse des privilèges sur meubles, les privilèges sur immeubles sont peu nombreux. Ils sont de deux espèces, que servent à distinguer deux qualifications déjà employées à propos des privilèges mobiliers.

Les uns sont spéciaux. Ils affectent un ou plusieurs immeubles déterminés du débiteur, sans porter sur les autres ; le créancier ne possède que les droits d'un créancier chirographaire sur les immeubles du débiteur non grevés par le privilège. Ces privilèges spéciaux sont énumérés par l'article 2103: « Les créanciers privilégiés sur les immeubles << sont..... » Il faut lire : « les créanciers privilégiés sur cer<<«tains immeubles ».

Les autres sont généraux. Ils portent sur l'ensemble des immeubles du débiteur et les affectent tous au paiement de la dette. Ce sont ceux de l'article 2104 : « Les privilèges qui <<< s'étendent sur les..... immeubles sont ceux..... ». L'expression « les immeubles » n'est plus ici trop générale.

A.

Privilèges spéciaux sur les immeubles.

498. L'article 2103 paraît en indiquer cinq. Mais, des cinq numéros du texte, il y en a deux, les numéros 2 et 5, qui visent seulement des cas de subrogation à des privilèges préexistants. Le 2o subroge au privilège du vendeur d'immeuble le tiers qui paie ce vendeur, ou qui prête à l'acheteur de quoi le désintéresser. Le 5o subroge au privilège des ouvriers les personnes qui ont fourni les fonds ayant servi à payer leur salaire. Ce ne sont pas là des privilèges proprement dits, mais des modes de placement sur privilèges au moyen d'une subrogation conventionnelle, dans la forme et sous les conditions de l'article 1250, dont les dispositions sont rappelées par les numéros 2 et 5 de l'article 2103.

Il ne reste donc, dans l'énumération de l'article 2103, que trois privilèges.

Seulement, à ces trois privilèges sur immeubles il en faut ajouter six autres, établis soit par le Code civil en dehors du titre Des privilèges et hypothèques, soit en dehors du Code par des lois spéciales.

De sorte qu'il existe, au total, neuf privilèges spéciaux sur les immeubles.

Ce sont: 1o le privilège du vendeur d'immeuble, - 2o le privilège des copartageants, 3o le privilège des architectes, entrepreneurs et ouvriers. Ces trois privilèges sont ceux de l'article 2103. Il faut y joindre: 4o le privilège des entrepreneurs de travaux de desséchement de marais (loi du 16 septembre 1807, article 23), — 5o le privilège des prêteurs de fonds destinés à la recherche et à la mise en exploitation des mines (loi du 21 avril 1810, article 20), — 6o le privilège pour le recouvrement des avances faites à l'occasion de travaux de drainage (loi du 17 juillet 1856, article 3), - 7° le privilège de l'Etat sur les immeubles des comptables (loi du 5 septembre 1807, article 4), 8° le privilège de séparation des patrimoines, qu'il faut mentionner en dernier lieu parce qu'on discute le point de savoir s'il est un vrai privilège.

499. Ces huit privilèges si on excepte celui de l'Etat sur les immeubles des comptables, qui s'explique comme les privilèges du Trésor sur les meubles1 reposent tous sur le même fondement et se justifient par une idée unique.

Ils résultent de ce que le créancier a mis ou conservé une chose ou valeur dans le patrimoine du débiteur, et augmenté par là le gage commun; en conséquence, ce créancier est privilégié sur la chose ou valeur fournie pour ce qui lui est dû à raison de cette chose. Il serait inique que les autres créanciers du débiteur profitassent de la plus-value donnée au gage commun sans déduire ce qui est dû à raison du fait qui a déterminé cette plus-value.

1. Suprà, tome I, no 467, p. 414 et 415.

C'est l'idée qui rend compte des privilèges mobiliers autres que ceux qui sont fondés sur l'idée de gage1; elle se retrouve à propos de chacun des privilèges spéciaux sur immeubles.

500. Reprenons la liste de ces privilèges. Nous n'insisterons que sur quelques points essentiels. Les idées directrices du régime hypothécaire ayant été précédemment exposées, il nous sera possible d'abréger beaucoup et de faire des renvois fréquents pour les détails d'application.

I. Privilège du vendeur d'immeuble.

501. Sont privilégiés, dit l'article 2103: « 1° le vendeur, << sur l'immeuble vendu, pour le paiement du prix ».

Le privilège appartient à tout vendeur d'un immeuble quelconque, corporel ou incorporel, pourvu qu'il s'agisse d'un immeuble susceptible de saisie. Le vendeur d'un droit de servitude ou d'un droit d'usage ne jouit pas du privilège. Mais tout vendeur d'un immeuble susceptible d'affectation par sûreté réelle peut l'invoquer. En cessant d'être propriétaire, il acquiert, ou pour mieux dire il garde sur l'immeuble un privilège qui assure le paiement du prix.

Nous retrouvons ici le même ensemble d'idées qu'au cas de vente de meubles 3, sauf en un point.

Des quatre garanties de paiement conférées aux vendeurs de meubles, il en est une dont il n'est plus question ici : le droit de revendication. Si la vente d'un immeuble est faite sans terme pour l'acheteur, le vendeur a le droit de rétention (article 1612). Que la vente soit faite avec ou sans terme, le vendeur peut, à défaut de paiement: 1o agir en résolution de la vente et reprendre la chose (article 1654), — 2o la faire vendre et se faire payer par préférence sur le prix (article 2103-1°). Mais le droit de revendication que l'article 2102-4° accorde aux vendeurs de meubles en cas de vente au comptant n'appartient pas aux vendeurs d'immeubles.

1. Suprà, tome I, p. 382 et suiv.

2. Une application intéressante de cette idée se présente à propos des conventions portant vente de mitoyenneté. Le privilège du vendeur d'immeuble doit être refusé au vendeur de mitoyenneté si la mitoyenneté est considérée comme une servitude ordinaire. Si, au contraire, elle est regardée comme une copropriété avec indivision forcée, le vendeur aura le privilège comme garantie de l'indemnité stipulée à son profit. Voy. Demolombe, Servitudes, I, no 367, - Laurent, Principes, VII, no 521, - Brésillion, note dans D. P. 1889.1.321; - cpr. Trib. de la Seine 8 février 1880, D. P. 1880.111.119, Sir. 1881.11.23, Pau 3 mai 1888, D. P. 1889.11.285, - Cass. 10 avril 1889, D. P. 1889.1.321, Sir. 1889.1.401 (note de M. Labbé), - Bordeaux 21 avril 1890, D. P. 1892.ΙΙ.432.

3. Suprà, tome I, p. 390 et suiv.

Cette différence tient à ce que le droit de revendication serait sans utilité pour eux.

Ce droit est utile au cas de vente d'un meuble, parce que le droit de suite inhérent au privilège n'existe sur les meubles que dans des limites étroites, presque exceptionnellement. Le vendeur de meuble non payé a donc toujours à craindre que l'acheteur n'aliène et ne livre la chose; il a, dès lors, intérêt à revendiquer le meuble, afin de ne pas courir le risque de se voir opposer l'article 2279 par le sous-acquéreur, et c'est pour cela que l'article 2102-4° alinéa 2 lui permet de revendiquer la chose vendue afin d'en empêcher la revente 1.

Or il en est autrement en matière d'immeubles. Le droit de suite inhérent au privilège est complet. Au cas d'aliénation par l'acheteur, le vendeur peut agir contre le sous-acquéreur aussi efficacement que contre l'acheteur lui-même, soit par l'action résolutoire afin de reprendre son immeuble, soit par la saisie immobilière afin d'être payé par préférence. En d'autres termes, le droit de suite empêche que l'aliénation consentie par l'acheteur ne compromette les droits du vendeur. Dès lors il eût été superflu d'accorder à ce dernier le droit de revendication. Les choses peuvent, sans risque pour personne, suivre leur cours naturel.

Par conséquent, en sus du droit de rétention et de l'action résolutoire, le vendeur n'a que le privilège.

502. Ce privilège du vendeur d'immeuble garantit le paiement du prix de vente, dit l'article 2103-1°. Que faut-il entendre au juste par ces mots ?

Ils désignent d'abord le prix principal, tel qu'il est fixé par l'acte de vente. Si les parties ont dissimulé une portion du

1. Suprà, tome I, p. 400 et suiv.

« PrécédentContinuer »