par lui? Il le primera, pourvu qu'il ait pris inscription au moment où il produit. Le privilège a rang à la date de la vente dès qu'il est inscrit, pourvu que ce soit en temps utile, c'est-à-dire avant un des faits qui arrêtent le cours des inscriptions. En apparence ce résultat est très dangereux pour les créanciers de l'acheteur. N'est-ce pas un véritable piège pour eux, sous un régime dont le principe est qu'un droit de préférence n'est pas opposable s'il n'a pas été rendu public? Au fond, le danger n'est pas si grand qu'il semble. Voici la raison. Les créanciers qui font crédit sur hypothèque ne traitent qu'en se faisant présenter les titres de propriété; le prêteur ne versera les fonds et n'acceptera hypothèque sur l'immeuble acheté qu'en consultant l'acte de vente. Si cet acte a été transcrit, le prêteur sait à quoi s'en tenir, puisque la transcription vaut inscription quand l'acte constate que le vendeur n'est pas payé 1. Si le contrat de vente n'a pas été transcrit, le bailleur de fonds est suffisamment prévenu par là mème que la situation n'est pas correcte; il exigera de l'acheteur désirant emprunter que celui-ci régularise d'abord la situation en transcrivant, et il ne devra s'en prendre qu'à lui-même s'il a négligé cette précaution. D'ailleurs le vendeur lui-même a trop intérêt à s'inscrire promptement, si l'acheteur ne transcrit pas, pour qu'il y ait sérieusement lieu de craindre que l'inscription ne soit pas prise. Comment négligerait-il de s'inscrire quand il est exposé à ne plus pouvoir le faire et à devenir simple créancier chirographaire si l'acheteur aliène à son tour, tombe en faillite, ou vient à mourir en laissant des héritiers qui renoncent à sa succession ou l'acceptent sous bénéfice d'inventaire ? Par conséquent, si le danger est sérieux au point de vue théorique, il ne présente pas la même gravité au point de vue pratique. 580. Tel est le système en ce qui concerne le privilège du vendeur. Il est le même, en définitive, que le régime applicable aux privilèges du deuxième groupe, sauf à deux égards. D'abord aucun délai n'est imposé au vendeur pour conserver son privilège; il peut s'inscrire utilement tant que l'inscription est possible d'après le droit commun. D'autre part, l'article 2113, qui a sa raison d'être pour les privilèges du deuxième groupe, n'est pas applicable à celui du vendeur. 1. Si cette indication ne se trouve pas dans l'acte transcrit, le privilège du vendeur ne peut pas prendre naissance, et l'inscription qui serait ultérieurement prise n'y suppléerait pas: Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Privilèges et hypothèques, I, no 814; cpr. Pau 30 novembre 1876, Sir. 1877, 11.247, Douai 20 novembre 1895, D. P. 1897.II.10, Cass. 26 novembre 1895, D. P. 1896.1.313. B. Privilège du bailleur de fonds destinés à la recherche 581. La loi du 21 avril 1810, qui l'établit dans son article 20, n'indique ni comment il est conservé, ni quel rang de collocation il confère. Dans le silence du texte, il faut décider que l'inscription est nécessaire, conformément au droit commun de l'article 21061. Mais aucun délai n'est assigné pour cette formalité sous peine de voir le privilège dégénérer en hypothèque. Alors, bien que l'article 20 de la loi de 1810 renvoie « aux articles 2103 et autres relatifs aux privilèges », le système de l'article 2113 ne peut pas être étendu à notre hypothèse. Le privilège ne vaut jamais qu'à la date de son inscription. On pourrait, il est vrai, appliquer la même solution que pour le privilège du vendeur; puisqu'il n'y a pas de délai imparti par la loi, le bailleur des fonds n'a-t-il pas, comme le vendeur, la faculté de s'inscrire utilement tant que l'inscription est possible, et de conserver ainsi le privilège à la date de la créance? Mais le danger serait ici bien plus grand, car les créanciers du propriétaire de la mine ne seraient prévenus par aucun indice qu'ils sont primés par un créancier. Comment sauraient-ils qu'un tiers a consenti un prêt pour la recherche et la mise en exploitation de la mine? Il faut donc décider que le privilège n'a de rang qu'à la date de l'inscription 2. 582. La loi du 8 février 1897, qui l'établit dans son article 5 alinéa 2, est muette soit quant au mode de conservation du privilège, soit quant au rang qu'il confère. Par conséquent, le régime est le même que pour le privilège 1. Suprà, p. 48. 2. Dans ces conditions, le privilège établi par l'article 20 de la loi de 1810 est-il encore un privilège? N'est-ce pas une simple hypothèque? Nous verrons plus loin que l'assimilation aux hypothèques n'est pas tout à fait complète. Infrà, no 586. établi par la loi de 1810 au profit du bailleur de fonds destinés à la recherche et à la mise en exploitation d'une mine. En d'autres termes, le droit commun de l'article 2106 reçoit son application: l'inscription est nécessaire à la conservation du privilège 1, et le privilège n'a de rang qu'à la date de l'inscription *. La solution admise en ce qui concerne le privilège du vendeur n'est pas plus acceptable ici qu'à propos du privilège de la loi de 1810. Les intérêts des tiers seraient trop gravement exposés si l'inscription prise conservait le privilège à la date de la créance, c'est-à-dire à la date de l'exponse. En effet, du moment que la loi n'assigne aucun délai pour prendre inscription, l'inscription peut intervenir à une époque quelconque, peut-être longtemps après l'exponse et le dessaisissement du domanier; rien n'avertirait les tiers de la charge grevant l'immeuble, et les hypothèques par eux inscrites seraient ensuite primées par le privilège enfin conservé. Le résultat est inadmissible; il faut décider que le privilège n'a de rang qu'à la date de l'inscription 3. 583. Ce privilège et celui de la loi de 1810 sont les seuls auxquels l'article 2106, qui édicte cependant une règle générale, s'applique directement. Pour tous les autres privilèges il faut y déroger plus ou moins. Le résultat ne laisse pas d'être au moins singulier; les exceptions à la règle sont si nombreuses qu'il reste seulement deux cas où elle s'applique. 1. Suprà, p. 48. 2. On pourrait être tenté de donner une autre solution. En effet, il semble que le privilège du domanier soit un privilège résultant de ce que le créancier a créé une plus-value et portant sur cette plus-value. Dès lors, pourquoi ne pas lui appliquer, par analogie, le système suivi en ce qui concerne le privilège des architectes et celui des entrepreneurs de travaux pour le desséchement des marais? L'inscription conserverait le privilège à son rang légal, autrement dit à la date de la créance, qui est celle de l'exponse, pourvu qu'il fût inscrit avant le moment où les tiers ont intérêt à être avertis, c'està-dire avant le dessaisissement du domanier; passé ce délai, le privilège dégénérerait en simple hypothèque (article 2113). Cette manière de voir est inacceptable. En effet, le privilège du domanier ne porte pas exclusivement sur la plus. value créée par le domanier. Il est bien établi principalement sur les édifices et superfices, mais subsidiairement sur le fonds lui-même (loi de 1897, article 5 alinéa 2). Donc il ne peut pas être assimilé aux deux privilèges indiqués ci-dessus. D'ailleurs, même si le privilège du domanier portait exclusivement sur la plus-value, on ne pourrait lui appliquer, par voie d'analogie, le régime etabli pour les deux privilèges des architectes et des entrepreneurs de travaux pour le desséchement des marais. Ce régime est exceptionnel et ne saurait être étendu à un cas que le législateur de 1804 n'a pas pu prévoir, surtout en cette matière des privilèges où tout est de droit étroit. L'article 2106 forme le droit commun; il doit être appliqué dans tous les cas où aucun texte n'a établi aucune règle exceptionnelle. 3. En dépit de cette règle, nous verrons plus loin que le privilège du domanier n'est pas une simple hypothèque infrà, no 586. 584. Telles sont, dans leur ensemble, les règles qui servent à déterminer le rang des privilèges sur immeubles. Pour les privilèges qui portent sur la plus-value créée, cette plus-value, distraite du gage commun des créanciers par certaines formalités, estréservée aux créanciers, qui sont alors privilégiés. Si les formalités ne sont pas remplies, les créanciers n'ont sur la plus-value qu'une hypothèque. Les cinq privilèges du second groupe ont rang à la date de la créance si l'inscription est prise dans le délai fixé. Sinon, l'inscription ne donne rang qu'à sa date, comme en matière hypothécaire. Le privilège du vendeur, qui est le plus favorisé de tous, prend rang à la date de la vente, à quelque époque qu'intervienne la transcription ou l'inscription. Enfin, les privilèges établis par les lois de 1810 et de 1897 ne valent qu'à la date de leur inscription. Est-il besoin de dire que ce système est singulièrement laborieux, compliqué, et qu'il serait assurément possible d'organiser un régime plus uniforme, partant plus simple ? Nous avons vu précédemment par suite de quel enchaînement de faits et d'idées le système en vigueur s'est constitué. 585. Une dernière observation va compléter l'exposé de ce singulier système et achever de le caractériser. De tout ce qui précède il résulte que l'article 2096 n'est pas exact si on l'applique aux privilèges sur immeubles; on ne peut pas dire que la préférence entre les créanciers munis de pareils privilèges « se règle par les différentes qualités « des privilèges ». En effet, le rang de collocation résulte, dans tous les cas, d'une considération de temps; il est toujours fixé à une date, comme en matière d'hypothèques. Tantôt cette date est celle de la créance, si le privilège a été régulièrement conservé; tantôt c'est la date de l'inscription. Finalement, tous les privilèges sur immeubles donnent rang à une date déterminée, le créancier privilégié primant tous les créanciers postérieurs et étant primé par tous les créanciers antérieurs. Les cas de concours, quels qu'ils soient, sont ainsi régis par une règle unique. Cela devient manifeste dans certains cas où plusieurs privilèges sur immeubles concourent entre eux. Tel est, par exemple, le cas prévu par l'article 2103-1° alinéa 2: celui de ventes successives d'un immeuble sans qu'aucun des vendeurs ait été payé. L'immeuble étant saisi et vendu, dans quel ordre les divers vendeurs, tous créanciers privilégiés, seront-ils colloqués ? L'article 2103 fournit la solution. Il suppose que le prix des ventes successives est encore dû en tout ou en partie, et que les vendeurs successifs ont régulièrement conservé leur privilège. Puis il dit : « S'il y a plusieurs ventes successives dont « le prix soit dû en tout ou en partie, le premier vendeur est « préféré au second, le deuxième au troisième, et ainsi de << suite. >> En d'autres termes, les vendeurs sont colloqués, pour ce qui leur est dù, dans l'ordre d'ancienneté, en commençant par les plus anciens, ce qui libère les acquéreurs successifs, chacun au regard de son vendeur, jusqu'à concurrence de ce que celui-ci a reçu. Le procédé est simple. Primus a vendu un immeuble à Secundus pour 100.000 francs; Secundus l'a revendu à Tertius pour 110.000 francs, et Tertius à Quartus pour 115.000. Il n'y a pas eu paiement des prix de vente. L'immeuble est saisi sur Quartus et vendu 115.000 francs. A l'amiable, on procéderait de la façon suivante, faisant abstraction des frais. Quartus saisi remettrait 115.000 francs à Tertius, celui-ci 110.000 à Secundus, et celui-ci 100.000 à Primus. En fin de compte, les 115.000 francs se trouveraient répartis de la manière suivante : Primus aurait 100.000 francs, Secundus 10.000, Tertius 5.000. S'il y a lieu à un ordre, Primus est directement colloqué en première ligne pour ce qui lui est dû, soit 100.000 francs, Chacun des autres vendeurs est ensuite colloqué pour l'écart entre son prix d'acquisition et son prix de revente, et les acquéreurs successifs sont libérés jusqu'à concurrence des sommes distribuées. Tout le monde est payé et libéré. Les vendeurs successifs sont colloqués dans l'ordre des ventes, autrement dit dans l'ordre des dates des privilèges. |