prix pour économiser des droits d'enregistrement, la portion dissimulée n'est pas garantie par le privilège, car elle n'est due qu'en vertu d'une contre-lettre, laquelle n'est pas opposable aux autres créanciers, qui sont des tiers (article 1321). En second lieu, le privilège du vendeur garantit le paiement des intérêts du prix, qui en forment une partie dans la mesure où ils sont dus. Aux termes de l'article 1652, l'acheteur doit les intérêts du prix dans trois cas: 1o si les parties l'ont stipulé dans la vente, - 2o si la chose vendue et livrée est productive de fruits ou autres revenus, 3o si l'acheteur a reçu sommation de payer le prix. Tous les intérêts dus sont garantis par le privilège. Seulement l'exercice du privilège, la fixation du rang de collocation qu'il confère sont soumis, en ce qui concerne les intérêts, à des règles particulières, résultant de l'article 2151, qui a été modifié par la loi du 17 juin 1893. Nous ne pouvons ici que signaler ce texte, dont l'explication viendra plus tard 1. Enfin le privilège du vendeur garantit l'exécution des prestations diverses que l'acheteur doit en cette qualité et qui constituent des créances du vendeur comme tel. Aux termes de l'article 1593, les frais d'actes et de transcription sont, en principe, à la charge de l'acheteur; mais il peut arriver ou bien que le vendeur se soit engagé à en faire l'avance, ou bien qu'il soit obligé de faire l'avance de ces frais faute par l'acheteur de les acquitter. Le privilège du vendeur garantit alors le remboursement par l'acheteur des frais avancés, car ces frais sont bien un complément, un accessoire du prix 2. 503. On est d'accord pour donner le privilège du vendeur au coéchangiste quand il y a une soulte. L'échangiste, comme tel, n'a pas de privilège et n'a pas besoin d'en avoir. Mais si, outre la chose qu'il reçoit, il est créancier d'une soulte, l'opération a un double caractère: échange jusqu'à concurrence de la valeur commune des objets échangés, vente pour le surplus. Il y a donc lieu d'appliquer l'article 2103-1° 3. 1. Cpr. infrà, p. 11. 2. Cass. 1er avril 1863, D. P. 1863.1.184, Sir. 1863.1.239, - 1er décembre 1863, D. P. 1863.1.450, Sir. 1864.1.46, - Lyon 23 mars 1865, D. P. 1866. V. 379, Sir. 1866.II.92, Nimes 14 décembre 1872, D. P. 1873. V. 380, Sir. 1873.11.116. - Cpr. Aubry et Rau, 5 édition, III, p. 281, texte et note 5, Demante et Colmet de Santerre, Cours analytique, IX, no 51 bis IV, - Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Privilèges et hypothèques, I, no 587. 3. Pont, Privilèges et hypothèques, I, no 187, - Aubry et Rau, 5o édition, Au contraire, on refuse généralement le privilège dans les cas suivants. 1o On le refuse à l'acheteur à réméré, lorsque le vendeur use de son droit. L'exercice du réméré ne constitue pas une revente, mais une résolution de la première vente. L'acheteur, qui devient créancier du prix payé, a le droit de rétention (article 1673), sans autre garantie. S'il n'use pas du droit de rétention, il n'a plus que la situation d'un simple créancier chirographaire 1. 2o On refuse le privilège au donateur avec charges, par exemple au donateur à charge de rente viagère. Le créancier des arrérages n'est qu'un créancier chirographaire, à moins qu'une sûreté conventionnelle n'ait été établie pour garantir l'exécution de la prestation. Les charges sont une modalité de la donation, non le prix de l'immeuble; dès lors, l'article 2103-1° n'est pas applicable *. II. Privilège des copartageants. 504. Sont privilégiés, dit l'article 2103: « 3o les cohéri<< tiers, sur les immeubles de la succession, pour la garantie « des partages faits entre eux, et des soulte ou retour de « lots ». Le texte donne le privilège aux cohéritiers seulement; mais on est d'accord pour le reconnaître à tout copartageant, quelle qu'ait été la cause de l'indivision: ouverture de succession ou autre événement. Le privilège est un effet du partage; il appartient au copartageant comme tel, non seulement en cas de partage de succession, mais en cas de III, p. 284, Laurent, Principes, XXX, n° 29, Demante et Colmet de Santerre, Cours analytique, IX, no 51 bis V, - Thézard, Privilèges et hypothèques, no 276, - Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Privilèges et hypothèques, I, no 302. - Cpr. Cass. 11 mai 1863, D. P. 1864.1.191, Sir. 1864.1.357. 1. Pont, Privilèges et hypothèques, I, no 189,- Aubry et Rau, 5o édition, III, p. 285,- Thézard, Privilèges et hypothèques, no 278, Laurent, Principes, XXX, no 3, Demante et Colmet de Santerre, Cours analytique, IX, no 51 bis VII, Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Privilèges et hypothèques, I, no 580. 2. Douai 6 juillet 1852, D. P. 1854. V. 602, Sir. 1853.II.546, - Agen 4 janvier 1854, D. P. 1855. II. 42, Sir. 1854. II. 350, Nimes 29 novembre 1854, D. P. 1855.II.512, - Colmar 30 mai 1865, Sir. 1865.11.348, - Bordeaux 22 juillet 1890, Dalloz, Supplément au Répertoire, vo Privilèges et hypothèques, no 206. Sic: Demolombe, Donations entre vifs et testaments, III, no 576, - Aubry et Rau, 5 édition, III, p. 285, Thézard, Privilèges et hypothèques, no 277. Contra: Pont, Privilèges et hypothèques, I, no 188, Demante et Colmet de Santerre, Cours analytique, IV, no 96 bis. partage de communauté (article 1476) et de société (article 1876). L'article 2103-3° doit être entendu dans un sens large 1. Au surplus, il est généralisé, dans le titre même Des privilèges et hypothèques, par l'article 2109, qui s'exprime ainsi : « Le cohéritier ou copartageant conserve son privi<< lège... etc. » 505. Le privilège garantit toutes les créances que les copartageants peuvent avoir les uns contre les autres en cette qualité, c'est-à-dire à l'occasion ou par suite d'un partage. Les applications principales sont les suivantes. 1o Le privilège garantit les soultes ou retours de lots. Un des copartageants reçoit un immeuble dont la valeur excède sa part dans la masse commune. Le paiement de la soulte est garanti par un privilège sur l'immeuble. 2o Le privilège garantit les recours en cas d'éviction. Le copartageant évincé de l'immeuble mis dans son lot a un recours contre ses cohéritiers (article 885). L'indemnité qu'ils lui doivent est privilégiée sur les immeubles à eux attribués. 3o Le privilège garantit le prix de licitation de l'immeuble adjugé à l'un des cohéritiers. L'article 2103-3o ne mentionne pas cette application du privilège, mais l'article 2109 1. Pont, Privilèges et hypothèques, I, no 200, - Aubry et Rau, 5. édition, III, p. 287, texte et note 18 ter, Demante et Colmet de Santerre, Cours analytique, IX, no 55 bis 1. - Cpr. Cass. 1er mai 1860, D. P. 1860.1.510, Sir. 1861.1.267, Limoges 22 novembre 1862, D. P. 1863.2.15, Sir. 1863.11.83, Toulouse 20 mai 1881, Sir. 1883.11.81. Qu'il s'agisse d'une succession, d'une communauté ou d'une société, le privilège de l'article 2103-3o s'applique toutes les fois qu'intervient un acte mettant fin à l'indivision, sans qu'il y ait à tenir compte de la qualification donnée à cet acte par les parties. Par exemple, la convention par laquelle un cohéritier vend ses droits indivis à son unique cohéritier constitue un partage, et le privilège appartenant au cédant est celui du copartageant, non celui du vendeur: Aubry et Rau, 5o édition, III, p. 289, Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Privilèges et hypothèques, I, no 607, - Cass. 10 novembre 1862, D. P. 1862.1.470, Sir.1863. 1.129,- Nimes 22 août 1865, Sir. 1866.11.23, - Pau 15 décembre 1890, D. P. 1892.11.120, - Paris 4 février 1892, D. P. 1892.II.145 (note de M. Garsonnet), Sir. 1893.11.89, - Grenoble 20 janvier 1893, Sir. 1893.11.265 (note de M. Wahl), 17 avril 1894, Sir. 1895.11.79, — Cass. 26 juin 1895, D. P. 1896.1.548, Sir. 1896.1.481 (note de M. Wahl). Au contraire, la cession de droits successifs qui ne fait pas cesser l'indivision d'une manière complète est une vente, et le cédant n'a pas le privilège du copartageant, mais celui du vendeur: Cass. 3 décembre 1890, Sir. 1891.1. 417 (note de M. Wahl), — 4 mars 1891, Sir. 1894.1.411, - Besançon 23 décembre 1891, Sir. 1892.11.238. Cpr. une application de la même idée: Cass. 9 août 1882, D. P. 1883.1.134, Sir. 1883.1.402, 15 novembre 1886, D. P. 1887.1.499, Sir. 1890.1.339, 9 décembre 1891, D. P. 1892.1.68, Sir. 1892.1.59. complète à cet égard l'article 2103-3°. Si c'est un des cohéritiers qui se porte adjudicataire, la licitation est une opération du partage; l'adjudicataire reçoit l'immeuble à titre de copartageant, et les autres cohéritiers sont créanciers du prix au même titre. Il est donc naturel que le prix de licitation soit garanti par le privilège des copartageants. 4° Le privilège garantit les récompenses pour dettes payées par l'un des cohéritiers à la décharge des autres (articles 873 et suivants). Le demandeur exerce bien son recours comme copartageant. 5o Le privilège garantit les intérêts qui peuvent être dus accessoirement à l'une des créances qui viennent d'être signalées. Les intérêts sont dus dans les trois cas indiqués par l'article 16521. Tous les intérêts dus sont garantis par le privilège. Seulement l'exercice du privilège, la fixation du rang de collocation qu'il confère sont soumis, en ce qui concerne les intérêts, à des règles particulières, résultant de l'article 2151, qui a été modifié par la loi du 17 juin 1893. Nous avons déjà signalé l'existence de ces règles en parlant du privilège du vendeur d'immeuble2; elles seront exposées plus tard en détail. Ce sont là toutes créances que les copartageants possèdent les uns contre les autres en qualité de copartageants. Elles sont garanties par le privilège de l'article 2103-3°. Le copartageant créancier est payé, sur les immeubles provenant de l'indivision, par préférence aux créanciers du copartageant débiteur. 506. Pourquoi? De tous les privilèges sur immeubles, le privilège des copartageants est celui dont la légitimité est le plus contestable. Les motifs qui l'expliquent, dit-on, sont pareils à ceux qui ont fait admettre le privilège du vendeur. Chaque copartageant - c'est en cela que consiste le partage - échange le droit indivis qu'il avait sur la masse contre un droit exclusif sur une partie de cette masse. Donc les biens communs ne passent dans chaque lot que grevés de ce qui est dû aux copartageants à raison du partage; par conséquent, ce que l'un des copartageants doit aux autres est garanti par un privilège comme le prix de vente est garanti au vendeur. 1. Suprà, no 502. 2. Ibid. Mais il y a là une illusion, sinon un sophisme. Ce n'est pas le copartageant qui fournit de ses deniers à son copartageant ce qui est mis au lot de celui-ci; le partage règle seulement ce qui appartenait à chacun des copartageants dans la masse commune. Il n'y a donc aucune analogie avec la vente. S'il y en avait une, pourquoi le privilège des copartageants n'existerait-il que sur les immeubles et pas sur les meubles? Aussi, le privilège des copartageants a-t-il été supprimé par la loi hypothécaire qui a précédé le Code civil, celle du 11 brumaire an VII. Le Code l'a rétabli, au nom de l'égalité nécessaire dans les partages. L'égalité, a-t-on dit, est la loi des partages: or l'égalité entre les copartageants, eût-elle été respectée lors du partage par la façon dont les lots ont été composés, serait rompue si les créances entre copartageants, provenant du partage, n'étaient pas strictement acquittées. Au nom de l'égalité future, il faut que les immeubles mis dans chaque lot restent affectés au paiement de ce qui est dû à raison du partage. Soit! Mais il y a une lacune dans ce raisonnement. Pourquoi cette égalité, qui est en effet la loi du partage et qui intéresse assurément les copartageants, serait-elle obtenue aux dépens des créanciers du copartageant débiteur? Or c'est ce qui résulte du privilège. Il se traduit par un droit de préférence aux dépens des créanciers du copartageant débiteur ; ce sont eux qui font les frais de l'idée d'égalité, résultat assurément fort étrange. III. Privilège des architectes, entrepreneurs 507. L'article 2103-4o confère ce privilège aux « archi<< tectes, entrepreneurs, maçons et autres ouvriers ». Le privilège garantit le paiement des sommes dues à ces créanciers à raison des travaux de construction ou de réparation, plus généralement à raison des travaux d'art exécutés par eux pour des « bâtiments, canaux ou autres ouvrages quelconques ». II porte sur la plus-value résultant de l'exécution des travaux. Rien n'est plus légitime. Le créancier a créé la plus-value; ill'a fait entrer dans le patrimoine du débiteur; elle ne doit donc devenir le gage des autres créanciers que déduction faite de ce qui lui est dû et après qu'il aura été désintéressé'. 1. La loi n'accorde le privilège qu'aux architectes, entrepreneurs, maçons, |